le 15/03/2018

Réseau d’initiative publique, déchéance, préjudice du délégant

Les cas de résiliation pour faute des délégations de service public portant sur un réseau d’initiative publique sont rares (mais pas inexistants) et les jurisprudences y afférentes le sont encore plus. L’ancien réseau THD Seine offre toutefois un nouvel épisode du contentieux opposant SEQUALUM au Département des Hauts-de-Seine, après un litige relatif à la mise en œuvre de la garantie à première demande et un autre relatif aux pénalités de retard.

La décision rendue le 15 février 2018 par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise porte sur un sujet qui ne manquera pas d’intéresser les collectivités territoriales et groupements de collectivités exerçant la compétence en matière de réseaux de communications électroniques : l’indemnisation des préjudices subis par l’autorité délégante du fait des manquements du délégataire dans le cadre du décompte définitif de résiliation de la convention.

En l’espèce, la société SEQUALUM, qui avait substitué le groupement composé des sociétés Numéricable, LD Collectivités et Eiffage pour l’exécution de la convention de délégation de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau départemental de communications électroniques à très haut débit, contestait le titre de recettes, d’un montant de 212 417 436 euros, émis par le Département à son encontre au titre des préjudices subis par ce dernier.

Les préjudices invoqués par le Département étaient au nombre de 17 et peuvent être classés en deux catégories :

  • Des préjudices liés à une mauvaise exécution des obligations de conception et de construction du réseau au titre de la convention de délégation de service public (selon les termes du Tribunal : « préjudices liés à la remise à niveau des infrastructures du réseau THD Seine ») : non-conformité électrique des NRO ; non-conformité des NRO aux règles de l’art ; sous-dimensionnement de certains liens SRO-NRO1 du réseau horizontal ; non-conformité de la séparation des fibres THD Seine de celles de Numéricâble au niveau des NRO, SRO1 et SRO2 ; non réalisation des adductions des points de mutualisation de THD Seine ; sous-dimensionnement du lien SRO2-PM ; l’existence de fibres non connectorisées dans les points de mutualisation d’immeuble ; non complétude de colonnes fibre optique dans les immeubles de 12 logements et plus ; non complétude de déploiements en zone arrière de points de mutualisation extérieurs ; non complétude des routes optiques ; non complétude de la documentation liée aux réseaux ; existence de colonnes montantes doublonnant des infrastructures FTTH préexistantes ;
  • Des préjudices découlant des manquements du délégataire mais ne se rattachant pas à une obligation de obligations de conception et de construction du réseau : frais de contrôle du projet plus élevés que prévus ; non complétude du réseau THD Seine ; frais de reprise en exploitation du réseau par une régie départementale ; frais de reprise de certains contrats usagers ; impact négatif de la résiliation en terme d’image du Département.

Après avoir écarté les moyens de forme contre la régularité du titre exécutoire, portant sur la compétence du signataire et les mentions obligatoires du titre de recettes, le Tribunal analyse la régularité et le bien-fondé de la résiliation de la convention. De manière classique, le Tribunal a vérifié que les modalités contractuelles, portant notamment sur le respect du contradictoire, avaient bien été respectées par le Département pour prendre sa décision de résiliation. On soulignera que le Tribunal est ensuite entré dans une analyse détaillée du respect de ses obligations par le délégataire, notamment sur le plan calendaire. Le Tribunal donne raison au Département, tant sur la régularité et que sur le bien-fondé de la résiliation de la convention, écartant notamment l’idée que le délégataire serait soumis à une obligation de moyens en termes de calendrier de déploiement. Il indique aussi que la circonstance qu’un plan de déploiement doive être arrêté et actualisé en comité de pilotage, sur la base des principes définis dans la convention, n’est pas de nature à modifier la portée du calendrier contractuel.

Enfin, le Tribunal analyse les moyens de SEQUALUM contestant le bien-fondé dudit titre, en examinant chaque préjudice au fond :

  • Sans entrer dans le détail de cette analyse, on retiendra que, si le Tribunal réduit les montants demandés par le Département, il considère comme constitués la plupart des préjudices liés à une mauvaise exécution des obligations de conception et de construction du réseau au titre de la convention de délégation de service public ;
  • Les frais de contrôle sont également ramenés par le Tribunal à un montant plus faible, considérant que la convention y apportait un plafond ;
  • Le préjudice lié à la non complétude du réseau THD Seine n’est pas considéré comme constitué selon le Tribunal, non pas tant parce que le Département a déjà appliqué des pénalités de retard, mais parce que la VNC des biens de retour versée par le Département à SEQUALUM excluait les ouvrages qui n’avaient pas encore été réalisés à la date de la résiliation ;
  • Le Tribunal écarte également les frais de reprise en régie du réseau postérieure à la résiliation. Il juge que « le département est toutefois fondé à demander réparation du préjudice subi du fait des manquements du délégataire à ses obligations contractuelles au cours de l’exécution de la convention, qui ont entraîné des frais spécifiques pour la régie départementale tenue d’y remédier » ;
  • Le préjudice lié aux frais de reprise pour certains contrats usagers est considéré comme constitué ,
  • Le préjudice d’image est également constitué et est indemnisé à hauteur de 150 000 €.

Au total, la société SEQUALUM est condamnée à payer au Département des Hauts-de-Seine la somme de 25 621 455,62 euros.

Source:  TA Cergy-Pontoise, 15 février 2018, SOCIÉTÉ SEQUALUM, n° 1608633