L’exception de nullité d’un acte de procédure pour vice de forme doit être doit être soulevée in limine litis et avant toute défense au fond

Une association condamnée en première instance a interjeté appel du jugement du Tribunal de grande instance et a fait signifier sa déclaration d’appel, puis ses conclusions d’appelant à la société intimé. Cette dernière a constitué avocat, puis a conclu au fond.

L’association appelante a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident, afin de voir déclarer les conclusions de l’intimé tardives au regard des dispositions de l’article 909 du code de procédure civile. Dans ses conclusions en réponse à l’incident, la société intimée a soulevé la nullité de la signification des conclusions de l’appelante, au motif qu’un acte ne peut être délivré à peine de nullité à domicile que si la signification à personne s’avère impossible, cette impossibilité devant être constatée dans l’acte lui-même.

La Cour d’appel a fait droit à l’exception de nullité soulevée par l’intimée, considérant que l’acte de signification était en effet irrégulier et qu’il n’avait donc pas fait courir le délai de l’article 909 du Code de procédure civile, les conclusions de l’intimé étant de ce fait recevables.

Au visa des articles 74 et 112 du Code de procédure civile, la Cour de cassation a jugé :

« Qu’en accueillant l’exception de nullité de la signification des conclusions de l’appelant alors qu’elle avait constaté que l’intimée avait préalablement fait valoir sa défense au fond, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Cet arrêt rappelle donc utilement qu’une exception de nullité d’un acte de procédure pour vice de forme doit être soulevée in limine litis, avant de formuler une fin de non-recevoir ou un moyen au fond.

Aussi est-ce l’occasion de rappeler qu’en effet, les exceptions de procédure ne sont pas des fins de non-recevoir, les premières devant être soulevées in limine litis, tandis que les secondes peuvent être soulevées en tout état de cause et même en appel.

Ainsi, les fins de non-recevoir sont des moyens d’irrecevabilité, et non des exceptions d’irrecevabilité.

 

 

Règlement général sur la protection des données : L’heure est à la désignation d’un pilote pour tous les acteurs publics !

Le 29 mars dernier, la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) mettait en ligne le formulaire de désignation d’un délégué à la protection des données (DPD), aujourd’hui pleinement opérationnel ; l’occasion de faire le point sur ces futurs acteurs centraux de la protection des données personnelles et de préciser à l’ensemble des acteurs publics qu’il leur est permis, dès aujourd’hui et au plus tard, idéalement, le 25 mai 2018, de procéder à la désignation de leur DPD.

D’emblée, il sera d’ailleurs reprécisé, ainsi que la Présidente de la CNIL n’a cessé de le rappeler à chacune de ses interventions, que le 25 mai 2018 prochain, date d’entrée en application du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), ne sera pas un couperet.

Halte donc à toute idée reçue et aux décomptes qui envahissent la toile laissant suggérer le caractère buttoir de l’échéance, alors que le projet de loi relatif à la protection des données personnelles visant à mettre la loi CNIL du 6 janvier 1978 en conformité au RGPD n’est pas même encore voté par le Parlement !

A partir de mai 2018, il s’agira donc, plus raisonnablement, de l’ouverture d’une période transitoire d’entrée en application de cette nouvelle réglementation, dont les contours définitifs ne seront vraisemblablement connus qu’à la fin de l’année 2018, lorsque l’ordonnance de l’article 38 de la Constitution permettant une réécriture de la loi du 6 janvier 1978, annoncée dans le projet de loi précité, aura été ratifiée et que les décrets d’application seront parus.

Au 25 mai 2018, il ne sera donc pas demandé aux acteurs publics de démontrer leur parfaite conformité au RGPD mais d’avoir engagé le processus.

A ce stade, la seule urgence, est, à notre sens, celle pour tout acteur public de s’atteler à la désignation de son pilote (II), laquelle nécessite de prime abord de bien comprendre les missions qui lui seront confiées (I).

I- Le rôle du DPD et ses premières missions

Si des incertitudes persistent sur le rôle exact qu’auront à endosser les DPD et le futur statut qui sera conféré, dont on espère qu’ils seront précisés dans les mois à venir par la parution d’un document directif (lignes directrices de la CNIL ou acte réglementaire), de nombreux éléments permettent d’ores et déjà d’appréhender de façon générale les fonctions qui leur seront dévolues et à tout le moins les missions auxquelles ils devront s’atteler en priorité.

Au sein du RGPD, ce sont les articles 37, 38 et 39 qui précisent respectivement les conditions de la désignation, la fonction et les missions des DPD et, s’ils n’apportent pas une définition précise de ces DPD, la CNIL les qualifie, de façon particulièrement juste et éclairante de chefs d’orchestre de la conformité en matière de protection des données au sein de l’organisme qui les a désignés.

C’est donc cette image de chef d’orchestre de la conformité qu’il convient de retenir et qui transcrit, fidèlement, la pluralité des missions que les DPD devront exécuter et la diversité des interlocuteurs qu’ils devront accorder.

Ainsi que le synthétise la CNIL, les DPD auront en effet pour rôle :

  • d’informer et de conseillerl’organisme qui les a désignés, ainsi que ses employés ;
  • de contrôler le respect du règlement et du droit national en matière de protection des données ;
  • de conseiller l’organismesur la réalisation d’une analyse d’impact relative à la protection des données et d’en vérifier l’exécution ;
  • d’être contacté par les personnes concernées pour toute question ;
  • de coopérer avec la CNIL et d’être son point de contact.

En ce sens, sitôt désignés et idéalement désormais le plus vite possible, les DPD auront pour premières missions de réaliser un audit complet de tous les traitements de données existants au sein de la structure qui les a désignés.

Pour ce faire, ils pourront, dans un premier temps, solliciter de la CNIL l’envoi d’un récapitulatif de l’ensemble des traitements ayant fait l’objet d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation auprès d’elle. 

Au-delà, il leur appartiendra de déterminer si d’éventuels traitements n’auraient pas été omis parce que moins évidents, à l’instar des fichiers attachés exemple à l’usage d’un badge d’entrée ou de l’accès au WIFI.

Cet inventaire réalisé, les DPD devront ensuite réaliser un plan d’action de la mise en conformité de l’ensemble de ces traitements au RGPD (évolution des mentions obligatoires, intégration de nouvelles clauses au sein des contrats, définition de nouvelles mesures de sécurité techniques et organisationnelles, formation du personnel, etc.).

Ils auront ensuite la charge de la rédaction et de la tenue d’un registre des traitements, lequel leur permettra de garantir en toutes circonstances la conformité de l’organisme à cette nouvelle réglementation.

Ils assumeront enfin un rôle fondamental de structuration, d’animation et de sensibilisation de l’ensemble des acteurs intervenant sur les données personnelles aux fins de maintenir le niveau d’exigence escompté.

II- La dimension stratégique de la désignation du DPD

Eu égard à la présentation qui précède afférente à cette fonction nouvelle de DPD et aux responsabilités que ces délégués auront vocation à assumer dans les mois et années à venir, leur désignation revêt nécessairement une dimension stratégique.

Le RGPD lui-même est, au-delà, très exigeant puisqu’il en ressort que le DPD doit être compétent, doit disposer de moyens suffisants pour exercer sa mission et avoir la capacité d’agir en toute indépendance (article 37 § 5 du RGPD).

Dans sa très récente rubrique « Désigner un délégué à la protection des données (DPD) » mise en ligne le 29 mars dernier, la CNIL invite, par conséquent, chaque organisme concerné, à s’assurer rigoureusement de la satisfaction de ces conditions avant de procéder à la désignation en ligne de leur DPD.

Par suite, pour répondre à cette obligation nouvelle de désignation d’un DPD, qui concerne rappelons-le tous les acteurs publics (article 37 §1a du RGPD), quelle que soit leur taille (y compris donc les petites communes), on peut retenir synthétiquement que les acteurs publics disposent de trois options alternatives, lesquelles présentent des avantages et inconvénients distincts.

Ils peuvent tout d’abord désigner un DPD en interne, lequel disposera d’une parfaite connaissance de la structure et de son fonctionnement lui permettant d’appréhender immédiatement les finalités de ses principaux traitements de données. La difficulté résidera néanmoins dans la détermination de la bonne personne pour assumer une telle responsabilité, laquelle devra disposer, des compétences, des moyens et de l’indépendance nécessaires à la réalisation des missions afférentes. L’idéal serait de pouvoir disposer d’un poste dédié à la gestion des données et à la protection des données personnelles. Les nouveaux cursus de formation proposés par les grandes universités augurent une telle orientation dans les plus grandes collectivités territoriales notamment.

Ils peuvent également décider de désigner un DPD mutualisé avec d’autres acteurs publics (solution qui aura essentiellement vocation à concerner les organismes publics de petites tailles et principalement, les communes de moins de 1 000 habitants). La CNIL a, dans ce cadre, immédiatement encouragé les syndicats mixtes et autres structures concernées par l’informatique et le numérique en collectivités à proposer des formules de DPO mutualisé.

Ils peuvent, enfin, décider d’externaliser leur DPD, soit de recourir à un prestataire professionnel externe qui assurera cette responsabilité pour l’organisme, dans les conditions définies contractuellement. Plusieurs cabinets d’avocats et sociétés de consultants en numérique proposent à ce jour cette prestation. S’il est indéniable qu’un DPD externe ne disposera pas, au moins dans un premier temps, d’une pleine connaissance de la structure et de son mode de fonctionnement, que l’audit qu’il sera conduit à mener pourra être perçu comme une intrusion par le personnel de l’organisme et que cette solution pourra être au départ plus onéreuse, cette option présente néanmoins de sérieux avantages en termes d’expertise et d’indépendance.

Quoi qu’il en soit et après de premiers retours d’expérience, notre sentiment est celui du grand intérêt de mener une réflexion sans a priori et la plus large possible pour procéder à un tel choix, lequel sera nécessairement fonction de multiples critères inhérents à chaque structure (attrait particulier d’un des agents pour ce type d’enjeux, politique d’open data menée par ailleurs, adhésion à un syndicat mixte, ampleur des traitements recensés, etc.).

D’autant que cette réflexion peut également être l’occasion d’un travail plus global d’optimisation de la gestion et l’usage des données.

Au demeurant et dans la mesure où rien n’interdit d’opter, dans l’attente, pour une solution transitoire, il est tout à fait possible d’engager une telle étude, y compris si son rendu ne pouvait intervenir qu’après le 25 mai 2018.

A noter enfin que les formations, à l’instar que celles que nous proposons, gratuitement, au Cabinet, le 4 mai 2018, peuvent participer de cette réflexion et la faciliter !

Elise Humbert – Avocat 

Une annulation partielle du TURPE 5 mais la confirmation de la prise en compte des passifs de concession dans le calcul de ce tarif

Par une décision du 9 mars 2018, le Conseil d’Etat a annulé partiellement les Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité dans les domaines de Haute Tension A (HTA) et Basse Tension (BT), applicables depuis le 1er août 2017 (ci-après le « TURPE 5 »).

Pour mémoire, les TURPE BT et HTA sont acquittés par tous les consommateurs finals d’électricité au titre de la part d’acheminement de l’électricité par les réseaux publics de distribution avec deux niveaux de tension (basse tension ou haute tension A). Bien que trop peu connus du grand public, un tiers environ du montant des factures de consommation d’électricité dépend des tarifs d’acheminement de l’électricité.

Adoptés pour la 5ème période tarifaire courant de 2017 à 2020, le TURPE 5 était contesté devant le Conseil d’Etat.

On exposera le contexte de la décision rendue par le Conseil d’Etat le 9 mars 2018 (1.), les motifs d’annulation partielle du TURPE 5 (2.), la confirmation toutefois de la méthode de calcul des charges de la société Enedis (3.) et les conséquences à en tirer (4.).

  1. CONTEXTE DU CONTENTIEUX « TURPE 5 » DEVANT LE CONSEIL D’ETAT

En vertu des articles L. 341-2 et suivants du code de l’énergie, les tarifs d’acheminement de l’électricité sont fixés par délibération de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après la « CRE ») qui, après avoir été transmise au ministre en charge de l’énergie et sauf opposition de sa part, entre en vigueur à compter de sa publication au Journal officiel de la République française.

Dans l’affaire commentée, pas moins de quatre requêtes en annulation avaient été déposées devant le Conseil d’Etat à l’encontre des délibérations de la CRE du 17 novembre 2016 portant décision sur le TURPE 5 (cf. notre brève LAJEE du 6 décembre 2016) et du 19 janvier 2017 intervenue à la suite de la demande visant à prendre une nouvelle délibération de la part du ministre chargé de l’énergie en date du 17 janvier 2017 5 (cf. notre brève LAJEE du 2 février 2017).

On relèvera que, outre les requêtes de la société Enedis, de la société EDF et du ministre chargé de l’énergie, la quatrième requête, émanant de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres Energies (« CFE-CGC Energies »), a été jugée irrecevable par le Conseil d’Etat. Nonobstant le poids plus que significatif du TURPE sur les recettes de la société Enedis (92% du total des recettes), les représentants du personnel d’Enedis ont été regardés comme ayant un intérêt à agir insuffisant par le Conseil d’Etat.

Enfin, l’association UFC-Que Choisir a été admise au débat contentieux en tant qu’intervenante en défense aux côtés de la CRE.

  1. UN CONTENTIEUX AVEC PAS MOINS D’UNE VINGTAINE DE MOYENS, TOUS REJETES PAR LE CONSEIL D’ETAT À UNE EXCEPTION PRES

Par la jonction des trois requêtes jugées recevables dans une seule décision, le Conseil d’Etat rejette l’essentiel de l’argumentation des requérants (2.1), sauf une erreur de droit commise par la CRE (2.2).

  • 1 Le rejet de nombreux moyens soulevés à l’encontre du TURPE 5

Dans la première partie de la décision commentée, l’ensemble des moyens d’illégalité externe soulevés par les requérants sont écartés par le Conseil d’Etat, tant sur le point des consultations préalables de la CRE, dont celle non obligatoire du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), que sur le respect du délai de convocation des membres de la CRE, ou encore, en deuxième partie de la décision commentée, sur les orientations de politique énergétique du ministre chargé de l’énergie.

Dans une troisième partie, le Conseil d’Etat rejette les moyens de légalité interne portant sur deux mécanismes de régulation incitative de la CRE et, dans une cinquième partie, ceux portant sur la structure du tarif.

Quant à la quatrième partie de la décision commentée relative aux coûts pris en compte pour la détermination du TURPE, le Conseil d’Etat ne retient, ni les moyens portant sur les charges d’exploitation, ni ceux sur le compte de régularisation des charges et des produits (CRCP), ni encore ceux relatifs aux charges de capital (à une exception évoquée ci-après).

Plus spécifiquement sur les charges de capital, le Conseil d’Etat rejette le moyen soulevé par les sociétés EDF et Enedis sur une minoration desdites charges par la CRE liée, alors qu’elle n’y serait pas autorisée, à la politique de distribution des dividendes d’Enedis à sa maison mère EDF.

A cet égard, le Conseil d’Etat admet que la CRE puisse rappeler à Enedis, d’une part, que « la politique de dividende décidée par l’actionnaire ne saurait constituer un frein à la réalisation par Enedis des investissements » à effectuer sur les réseaux et, d’autre part, qu’une hausse de la rémunération du capital d’Enedis par le TURPE sur la période 2017-2020 « viendrait augmenter, sans justification, les bénéfices de l’opérateur et indirectement les bénéfices de son actionnaire ».

Il faut en effet rappeler que la société Enedis est détenue à 100% par la société EDF, cette dissociation résultant de l’obligation de séparer les activités de distribution et de fourniture d’électricité au nom de la transparence des coûts.

  • 2 L’annulation partielle du TURPE 5

La société Enedis soutenait que la rémunération des charges de capital dans le TURPE 5 ne prenait pas en compte, à tort, les provisions pour renouvellement constituées sur les ouvrages concédés, ni le passif correspondant à la remise d’ouvrages aux concédants, qui avaient été constitués sur la période tarifaire courant de 2006 à 2008 et qui n’avaient pas été déduits du TURPE alors applicable (TURPE 2).

Le Conseil d’Etat fait droit à cet argumentaire et juge que les délibérations attaquées doivent être annulées en tant qu’elles n’ont pas appliqué, dans le calcul du capital investi par Enedis, un taux « sans risque » en plus d’une « prime de risque » à ces deux catégories d’actifs sur la période 2006-2008.

La CRE devra donc prendre une nouvelle délibération pour appliquer ledit taux sur la seule fraction non amortie desdits actifs, en prenant en compte les économies d’impôts réalisées par la société Enedis sur la période, à partir de documents comptables que doit lui fournir Enedis.

Pour autant, l’intérêt de la décision commentée réside davantage dans la précision utilement apportée à la méthode de calcul de la rémunération des charges de capital d’Enedis que la CRE peut employer.

  1. LE BIEN-FONDE DE LA PRISE EN COMPTE DE LA STRUCTURE REELLE DU PASSIF D’ENEDIS POUR CALCULER SES CHARGES

La société Enedis contestait la légalité de la méthode de calcul de la rémunération de ses charges de capital dans le TURPE 5 au regard de l’article L. 341-2 du code de l’énergie modifié par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Avant toute chose, on rappellera que les TURPE sont calculés par la CRE, conformément à l’article L. 341-2 du code de l’énergie, « afin de couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire efficace », y compris ceux « résultant de l’exécution des missions et des contrats de service public ».

Pour y parvenir jusqu’au 18 août 2015, la CRE a tout d’abord adopté, lors du TURPE 2, une méthode de calcul de la rémunération des charges de capital d’Enedis assise sur un « coût moyen pondéré du capital » (CMPC), reconduite pour le TURPE 3, lequel avait été annulé par le Conseil d’Etat[1] au motif de son inadéquation avec la réalité financière et comptable d’Enedis.

Tirant les conséquences de cette annulation lors du TURPE 3 bis puis du TURPE 4, une nouvelle méthode basée sur un « modèle d’évaluation des actifs financiers » a été mise en place par la CRE, y incluant les éléments de passif liés à la spécificité des contrats de concession, portant, d’une part, sur les « comptes spécifiques des concessions »[2] et, d’autre part, sur les provisions pour renouvellement.

Après le 18 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi relative à la transition énergétique, la CRE a reconduit la seconde méthode de calcul, validée par le Conseil d’Etat pour le TURPE 4[3], pour fixer le TURPE 5, sans prendre en compte le nouvel alinéa de l’article L. 341-2 du code de l’énergie, ce qui était reproché à la CRE par la société Enedis.

Aux termes de l’article L. 341-2 du code de l’énergie :

« Pour le calcul du coût du capital investi par les gestionnaires de ces réseaux, la méthodologie est indépendante du régime juridique selon lequel sont exploités les réseaux d’électricité et de ses conséquences comptables. Elle peut se fonder sur la rémunération d’une base d’actifs régulée, définie comme le produit de cette base par le coût moyen pondéré du capital, établi à partir d’une structure normative du passif du gestionnaire de réseau, par référence à la structure du passif d’entreprises comparables du même secteur dans l’Union européenne ».

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat admet que la CRE puisse, à nouveau, « se fonder (…) sur (…) un coût du capital ne tenant pas compte de la présence, au passif du gestionnaire du réseau de distribution, des droits des concédants et donc de la forme concessive sous laquelle est exploité ». Ce faisant, et comme l’a observé le Rapporteur Public, Madame Emilie Bodkam-Tognetti, lors de l‘audience à laquelle cette affaire était appelée, la loi du 18 août 2015 revient sur la méthode de calcul des TURPE 2 et 3 alors même qu’elle avait été censurée par le Conseil d’Etat.

Mais, il s’agit néanmoins pour la CRE « d’une simple faculté et non d’une obligation » selon le Conseil d’Etat.

En l’espèce donc, le Conseil d’Etat a jugé que la rémunération des charges de capital d’Enedis dans le TURPE 5 peut légalement s’appuyer sur un modèle d’évaluation des actifs financiers de la CRE tenant compte des droits des autorités concédantes et, plus généralement, de la spécificité du mode de gestion concessif des réseaux de distribution d’électricité en France.

  1. LES EFFETS DIFFERES DE LA DECISION DU CONSEIL D’ETAT

La sixième et dernière partie de la décision commentée du Conseil d’Etat porte sur les effets différés dans le temps de l’annulation partielle du TURPE 5.

Rappelant la grille d’analyse constante (cf. CE, 11 mai 2004, Association AC ! et autres, n°255886), le Conseil d’Etat considère, en l’espèce, que le TURPE 5 est appliqué depuis moins de huit mois (depuis le 1er août 2017) et, qu’en cas d’annulation rétroactive, Enedis devrait adresser des factures rectificatives à l’ensemble des utilisateurs du réseau.

Dans ses conclusions, le Rapporteur public avait également ajouté que, concrètement, il s’agirait pour Enedis de ne récupérer que quelques euros sur les factures des utilisateurs, pour proposer de différer de trois mois les effets de l’annulation, laissant à la CRE le temps de prendre une décision.

Le Conseil d’Etat a jugé dans le même sens que les effets des délibérations attaquées relatives au TURPE 5 sont considérés comme définitifs et que leur annulation partielle n’aura d’effet qu’au 1er août 2018.

Un TURPE 5 bis est donc attendu avant le 1er août prochain, et dont il résultera le montant exact de l’augmentation sur les factures d’électricité.

Marie-Hélène Pachen-Lefèvre, Avocat Associée

Maxime Gardellin, Avocat

 

[1] Cf. CE, 28 novembre 2012, Société Direct Energie et SIPPEREC, n° 330548, 332639, 332643.

[2] Il s’agit de l’élément de passif correspondant au droit des concédants de récupérer gratuitement les biens de la concession en fin de contrat dès lors qu’ils les ont financés.

[3] Cf. CE, 13 mai 2016, Société Direct Energie, n°375501.

Avis de la commission de régulation de l’Energie (CRE) sur le projet de décret portant modification de la partie règlementaire du code de l’Energie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables et au raccordement multi-producteurs.

En application de l’article L. 134-10 du Code de l’énergie, la CRE a été saisie, le 28 février 2018, par la Directrice de l’énergie, d’un projet de décret portant modification de la partie réglementaire du Code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) et au raccordement multi-producteurs.

Cette saisine fait suite à l’annulation par le Conseil d’Etat du décret n° 2016-434 du 11 avril 2016 portant modification de la partie réglementaire du Code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (CE, 22 décembre 2017, n° 400669), dès lors que ce décret avait été adopté au terme d’une procédure irrégulière, la CRE n’ayant pas été saisie pour avis alors même que sa consultation était obligatoire, conformément à l’article L. 134-10 du Code de l’énergie dès lors que les dispositions du décret concernaient  les modalités d’accès aux réseaux publics d’électricité des producteurs (cf. LAJEE n° 36 – février 2018).

Ce décret avait pour objet de préciser le champ d’application des schémas, d’instaurer une procédure d’adaptation des S3REnR et d’ouvrir la possibilité de les réviser dans certaines hypothèses.

Dans la délibération ici commentée, la CRE émet un avis favorable sur le Titre Ier relatif aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables, prévus par l’article L. 321-7 du Code de l’énergie, du projet de décret qui lui a été soumis, sous réserve de la prise en compte de certaines recommandations notamment s’agissant de la définition de la notion de « groupement d’installations de production » que la CRE propose de définir comme correspondant à des installations dont les demandes de raccordement sont quasiment concomitantes.

En revanche, la CRE émet un avis défavorable sur l’article 12 du Titre II relatif aux groupements multi-producteurs du projet de décret qui lui a été soumis et en demande la suppression. Elle demande à ce que le projet de texte annexé à cet avis, qui repose notamment sur les dispositions du règlement (UE) 2016/631 de la Commission du 14 avril 2016 établissant un code de réseau sur les exigences applicables au raccordement au réseau des installations de production d’électricité (règlement « Requirements for Generators » dit « RfG »)  soit intégré dans le décret en Conseil d’État relatif à la mise en œuvre des codes de réseaux prévus à l’article 6 du règlement (CE) n° 714/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité, pour lequel la CRE est en parallèle saisie pour avis.

Fonds de péréquation de l’électricité : annulation des arrêtés du 15 juillet 2016 par le conseil d’état

Pour la seconde fois, le Conseil d’Etat a annulé les arrêtés ministériels relatifs aux coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité (FPE).  L’annulation concerne précisément deux arrêtés, à savoir l’arrêté ministériel du 15 juillet 2016 qui fixait les coefficients à appliquer par le fonds de péréquation pour les années 2012, 2013 et 2014 et l’arrêté ministériel du 15 juillet 2016 qui fixait les coefficients à appliquer pour l’année 2015.

 On rappellera que dans une décision du 27 juillet 2015, le Conseil d’Etat avait déjà annulé les arrêtés ministériels 2012, 2013 et 2014 en ce qui concerne la valeur des coefficients alpha, bêta et gamma à appliquer par le FPE à la formule de péréquation. Cette décision avait enjoint au Gouvernement de prendre, dans un délai de six mois, de nouveaux arrêtés (CE, 27 juillet 2015, Sociétés SRD et GEREDIS, n° 363984 : cf. LAJEE n°9 – septembre 2015). Ce sont donc les arrêtés « rectificatifs » du 15 juillet 2016, publiés au Journal Officiel du 21 juillet 2016, qui viennent d’être annulés par le Conseil d’Etat.

Pour mémoire, le FPE assure la péréquation des charges d’exploitation de distribution d’électricité (article L.121-29 et suivants du Code de l’énergie). Il permet ainsi de répartir entre l’ensemble des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité (Enedis et les Entreprises locales de distribution) les charges liées à l’exercice de leur mission alors que les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) sont les mêmes sur tout le territoire.

 Avant que le fonctionnement du FPE ne soit modifié par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), la péréquation des charges d’exploitation de distribution d’électricité était uniquement établie de manière forfaitaire à partir d’une formule de calcul fixée par décret en Conseil d’État et dont la valeur des coefficients était fixée par arrêtés ministériels.

 En l’espèce, plusieurs requêtes avaient été introduites en septembre 2016 par deux entreprises locales de distribution (ELD), gestionnaires des réseaux de distribution (GRD) dans le département des Deux-Sèvres et celui de la Vienne, les sociétés Gérédis Deux-Sèvres et SRD, afin de contester les deux arrêtés ministériels publiés en juillet 2016 qui leur allouaient des montants de dotations du FPE que ces entreprises jugeaient insuffisants.

Statuant sur ces requêtes, le Conseil d’Etat a annulé les arrêtés ministériels du 15 juillet 2016 au motif que les auteurs des arrêtés attaqués avaient commis une erreur de droit s’agissant des modalités de calcul du coefficient bêta combinées à celles d’alpha. Il faut ici préciser que la détermination du montant de la contribution des gestionnaires (contributeurs) fait intervenir deux coefficients : le coefficient “alpha“ (α) et le coefficient “bêta“ (β). Le coefficient α permet de plafonner la contribution des ELD contributrices. Le coefficient β permet de fixer le taux de contribution entre la société Enedis et les ELD.  Contrairement à sa décision rendue en 2015, le Conseil d’Etat a porté son attention dans sa nouvelle décision, sur les coefficients qui concernent les contributeurs au fonds (la société Enedis en particulier) et non sur le coefficient qui concerne les bénéficiaires du fonds, à savoir le coefficient “gamma“ (γ). La valeur de ce dernier coefficient demeure toutefois essentielle puisqu’elle détermine le taux de couverture des charges d’exploitation des ELD bénéficiaires du FPE.

Pour annuler les arrêtés attaqués, le Conseil d’Etat a donc relevé que les modalités de calcul prévues par les arrêtés étaient susceptibles, « ainsi que cela s’est produit pour les années 2012, 2014 et 2015, de conduire à attribuer au coefficient alpha une valeur supérieure à 1 et, par voie de conséquence, à prélever sur la société ENEDIS, seul gestionnaire contributeur dont l’écart entre les recettes et les charges se trouve alors inférieur au produit de ses recettes et de bêta, une somme supérieure à l’excédent de ses recettes sur ses charges d’exploitation ». En conséquence, le Conseil d’Etat a enjoint au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l’économie et des finances, de prendre, dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, de nouveaux arrêtés fixant les valeurs des coefficients alpha, bêta et epsilon à appliquer par le FPE à la formule de péréquation pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 conformes aux motifs de la décision.

On précisera enfin que le fonctionnement du FPE a été modifié par la loi TECV, qui a introduit la possibilité, pour les GRD de plus de 100.000 clients qui estimaient que la formule forfaitaire ne prend pas en compte la réalité de leurs charges d’exploitation de saisir la CRE afin qu’elle détermine le niveau de dotation du FPE à leur allouer à partir de l’analyse réelle de leurs comptes.

Retrait d’un ouvrage électrique irrégulièrement implanté sur une propriété privée

Par un arrêt en date du 8 février 2018, la Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé l’injonction faite à la société Enedis de déplacer un ouvrage du réseau public de distribution d’électricité irrégulièrement implanté sur une propriété privée.

En l’espèce, au terme d’un premier jugement rendu le 18 mars 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d’une part, résilié le contrat permettant à la société EDF d’occuper la parcelle d’une propriété privée pour y installer un poste de transformation à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la lecture dudit jugement, et, d’autre part, enjoint aux propriétaires de cette parcelle de cesser l’occupation privative du toit de cet ouvrage jusqu’à ce que cette résiliation intervienne.

Ladite parcelle a ensuite été cédée à de nouveaux propriétaires.

Ces derniers ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de faire exécuter ce premier jugement en enjoignant à la société Enedis de retirer le poste de transformation implanté sur leur propriété. Le Tribunal administratif a fait droit à cette demande par un jugement du 15 mars 2016. La société Enedis a interjeté appel de ce jugement auprès de la Cour administrative d’appel de Versailles.

D’abord, dans l’arrêt commenté, la Cour considère que l’implantation du poste de transformation est devenue irrégulière à compter de la résiliation de la convention susvisée et qu’ainsi, la demande d’injonction des propriétaires de la parcelle constitue bien une mesure d’exécution du jugement du 18 mars 2014.

Ensuite, la Cour constate que les perspectives d’accord amiable entre les propriétaires de la parcelle et la société Enedis sont inexistantes, de sorte qu’une régularisation de l’implantation du transformateur électrique n’est pas envisageable.

Enfin, la Cour estime qu’il n’est pas établi qu’il ne serait pas possible de trouver un accord avec la commune afin de déplacer le transformateur sur le domaine public communal, ni qu’un déplacement sur une autre propriété ne serait pas envisageable, ni encore qu’aucune autre solution technique ne permettrait d’alimenter en électricité les foyers actuellement alimentés par le transformateur litigieux. En outre, elle considère que le coût de déplacement de l’ouvrage n’est pas tel qu’il ferait obstacle à la démolition du transformateur existant.

Elle en conclut que « dans ces conditions, compte tenu de l’inconvénient que constitue la présence de l’ouvrage pour M. et Mme A…et de l’atteinte ainsi portée au droit de propriété, l’intérêt général n’est pas tel qu’il justifierait de ne pas enjoindre à la société ENEDIS de procéder au retrait de ce poste de transformation électrique », et confirme donc le jugement de première instance.

Annulation d’un refus de raccordement au réseau d’électricité en l’absence de preuve d’un défaut de permis de construire

Par deux arrêts en date du 16 février 2018, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé l’annulation d’un refus de raccordement au réseau d’électricité d’une maison d’habitation, au motif qu’il n’était pas établi que cette maison ait été édifiée dans des conditions irrégulières.

En l’espèce, le maire de la commune d’Estirac avait refusé le raccordement d’une maison d’habitation au réseau d’électricité au motif notamment que cette construction n’avait pas été autorisée en vertu des dispositions de l’article L.421-1 du Code de l’urbanisme, selon lequel les constructions doivent être précédées d’un permis de construire.

En application de l’article L.111-6 du Code de l’urbanisme, les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L.421-1 à L.421-4 ou L.510-1 du même code ne peuvent en effet être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été autorisée ou agréée en vertu de ces articles.

La maison d’habitation en litige ayant été édifiée non avant la loi du 15 juin 1943 instituant le permis de construire mais entre 1954 et 1962, l’article 84 du Code de l’urbanisme applicable à cette époque, selon lequel toute personne désirant entreprendre une construction doit au préalable obtenir un permis de construire, s’appliquait aux faits de l’espèce. Et, si les bâtiments agricoles construits dans certaines communes de moins de 2000 habitants telle que celle d’Estirac étaient exemptés de cette obligation, tel n’était pas le cas des bâtiments d’habitation.

La construction de la maison d’habitation dont le raccordement au réseau d’électricité était demandé était donc bien subordonnée à la délivrance d’un permis de construire.

Son propriétaire était toutefois dans l’incapacité de prouver l’obtention d’un permis de construire.

Mais la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu’il ne pouvait raisonnablement être exigé de ce dernier d’apporter la preuve de l’obtention d’un permis de construire, dès lors que notamment le propriétaire avait acquis le bien litigieux sur la foi d’un jugement d’adjudication (assorti d’un acte authentique suggérant que ce bien avait été régulièrement édifié) et alors que le constructeur était décédé depuis plus de trente ans lorsque le sous-acquéreur avait acquis ledit bien. En outre, il n’avait pas été possible de retrouver, dans les archives municipales et dans celles de l’État, l’intégralité des décisions d’utilisation des sols sur la commune en cause.

Dans ces conditions, le juge a considéré qu’il n’était pas établi que la maison d’habitation en litige avait été édifiée dans des conditions irrégulières au regard du droit de l’urbanisme. Par conséquent, il a confirmé le jugement de première instance par lequel le Tribunal administratif de Pau avait annulé l’arrêté de refus de raccordement et avait prescrit au maire d’Estirac de prendre une nouvelle décision, après une nouvelle instruction, sur la demande de raccordement au réseau d’électricité.

 

Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), règles d’urbanisme et contentieux : petit mémento

1)      – L’autorisation environnementale d’ICPE, auparavant autorisation unique, dispense l’installation de permis de construire uniquement pour les éoliennes terrestres.

A la suite à deux salves d’expérimentation, par une ordonnance n° 2017-80 et deux décrets n° 2017-81 et 2017-82, tous en date du 26 janvier 2017, l’autorisation environnementale a été généralisée conformément aux dispositions de l’article 103 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Ces textes ont inséré un nouveau titre au sein du livre Ier du Code de l’environnement, comportant un chapitre unique intitulé « Autorisation environnementale » et comprenant les articles L. 181-1 à L. 181-31.
Cette ordonnance, outre qu’elle instaure l’autorisation environnementale, a modifié la législation des ICPE sur plusieurs points.
Alors que l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 prévoyait que l’autorisation unique valait permis de construire, le législateur n’a pas souhaité intégrer les autorisations d’urbanisme nécessaires au projet dans le champ de la nouvelle autorisation environnementale. Ainsi, par principe, l’autorisation environnementale ne vaut pas permis de construire lorsque celui-ci est nécessaire :

« L’autorisation environnementale ne vaut pas autorisation d’urbanisme, celle-ci relevant d’une approche très différente dans ses objectifs, son contenu, ses délais et l’autorité administrative compétente. Toutefois, les articles L. 181-9 et L. 181-30 précisent l’articulation entre l’autorisation environnementale et l’autorisation d’urbanisme éventuelle : cette dernière peut être délivrée avant l’autorisation environnementale, mais elle ne peut être exécutée qu’après la délivrance de l’autorisation environnementale. En outre, la demande d’autorisation environnementale pourra être rejetée si elle apparaît manifestement insusceptible d’être délivrée eu égard à l’affectation prévue des sols prévue par le document d’urbanisme. Par ailleurs, pour les éoliennes seulement, l’autorisation environnementale dispense de permis de construire » (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, JORF n° 0023 du 27 janvier 2017).

Par dérogation, l’autorisation environnementale dispense l’installation de permis de construire uniquement s’agissant des projets d’installation d’éoliennes terrestres.
Aux termes de l’article L. 421-5 du Code de l’urbanisme, le législateur a autorisé le pouvoir réglementaire à écarter, sous certaines conditions, l’exigence d’autorisation d’urbanisme pour certains aménagements, constructions, installations ou travaux notamment lorsque leur contrôle est exclusivement assuré par une autre autorisation prévue par une autre législation :

« Un décret en Conseil d’Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison :
a) De leur très faible importance ;
b) De la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l’usage auquel ils sont destinés ;
c) Du fait qu’ils nécessitent le secret pour des raisons de sûreté ;
d) Du fait que leur contrôle est exclusivement assuré par une autre autorisation ou une autre législation ;
e) De leur nature et de leur implantation en mer, sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer ».

En application de ces dispositions, l’article R. 425-29-2 du Code de l’urbanisme, résultant du décret n° 2017-81 relatif à l’autorisation environnementale précité, prévoit que les projets d’éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale sont dispensés de permis de construire :
« Lorsqu’un projet d’installation d’éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, cette autorisation dispense du permis de construire ».
A ce jour, le Conseil d’Etat n’a pas eu à se prononcer sur ces dispositions.
Néanmoins, le tribunal administratif de Lille a récemment transmis au Conseil d’Etat des questions de droit nouvelles et présentant des difficultés sérieuses dont deux portent sur l’application des dispositions de l’article R. 425-29-2 du Code de l’urbanisme (TA Lille, 14 décembre 2017, Association «Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis» et autres, n° 1602467).
 
2) – Pour autant, l’ICPE reste soumise aux règles d’urbanisme que l’autorisation environnementale doit respecter :

En application de l’article L. 152-1 du Code de l’urbanisme, le règlement et les documents graphiques du plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme qui lui a succédé sont opposables à l’ouverture des installations classées:

« L’exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d’installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. 
Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu’elles existent, avec les orientations d’aménagement et de programmation ».

Le récent article L. 181-9 du Code de l’environnement dispose en outre que l’autorité administrative peut rejeter la demande d’autorisation environnementale dès lors que celle-ci est en contradiction avec les règles d’urbanisme applicables :

« Toutefois, l’autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l’issue de la phase d’examen lorsque celle-ci fait apparaître que l’autorisation ne peut être accordée en l’état du dossier ou du projet.
Il en va notamment ainsi lorsque l’autorisation environnementale ou, le cas échéant, l’autorisation d’urbanisme nécessaire à la réalisation du projet, apparaît manifestement insusceptible d’être délivrée eu égard à l’affectation des sols définie par le plan local d’urbanisme ou le document en tenant lieu ou la carte communale en vigueur au moment de l’instruction, à moins qu’une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité du document d’urbanisme ayant pour effet de permettre cette délivrance soit engagée ».

Sur ce point, le Conseil d’Etat a relevé que :
« lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation d’exploitation d’une telle installation classée située en zone urbaine, elle doit apprécier notamment la compatibilité des activités exercées avec le caractère de la zone, tel que fixé par le plan local d’urbanisme, en tenant compte des prescriptions que le préfet a pu imposer à l’exploitation » (CE, 30 juin 2003, SARL Protime, n° 228538, mentionné au Recueil).

Plus récemment, la Haute Juridiction a rappelé qu’il revenait au juge des ICPE d’apprécier la légalité de l’autorisation délivrée vis-à-vis des règles d’urbanisme :
« Considérant, en premier lieu, qu’en vertu du premier alinéa de l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme, devenu son article L. 152-1, le règlement et les documents graphiques du plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme qui lui a succédé sont opposables à l’ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan ; qu’il en résulte que les prescriptions de celui-ci qui déterminent les conditions d’utilisation et d’occupation des sols et les natures d’activités interdites ou limitées s’imposent aux autorisations d’exploiter délivrées au titre de la législation des installations classées ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l’autorisation au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance » (CE, 16 décembre 2016, Société Ligérienne Granulats SA, n° 391452, au Recueil).

A noter que les dispositions de l’article L. 152-1 du Code de l’urbanisme exigent la conformité de l’ouverture d’ICPE au règlement et aux documents graphiques du PLU lorsque celles de l’alinéa 2 l’article L. 514-6 du Code de l’environnement, introduit par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, parlent de simple compatibilité des ICPE avec les règles d’urbanisme (voir n° 4).
 
3) – Le juge de la légalité de l’ICPE est un juge de plein contentieux qui doit donc, en principe, exercer son contrôle en se plaçant à la date à laquelle il statue.

L’article L. 514-6 du Code de l’environnement soumet les décisions prises au titre de la législation ICPE à un contentieux de pleine juridiction :
« I. – Les décisions prises en application des articles L. 512-7-3 à L. 512-7-5, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 512-20, L. 513-1, L. 514-4, du I de l’article L. 515-13 et de l’article L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ».

En outre, l’article L. 181-17 du Code de l’environnement, issu de l’ordonnance du 26 janvier 2017, prévoit que l’autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction :

« Les décisions prises sur le fondement de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 181-9 et les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ».

Sur ce point, le Conseil d’Etat jugeait déjà que, par principe, en matière d’ICPE, le juge devait faire application des règles de droit applicables à la date à laquelle il statuait :
« le juge, lorsqu’il est saisi d’une demande dirigée contre une décision autorisant ou refusant d’autoriser l’ouverture d’un établissement classé pour la protection de l’environnement, fait application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de son jugement » (CE, Sect., 7 février 1986, Colombet, n° 36746, au Recueil).
 
4) – Mais, première exception : pour apprécier la légalité de l’autorisation environnementale au regard des règles d’urbanisme, le juge de l’ICPE, quoique de pleine juridiction, se place à la date de la délivrance  de l’autorisation :

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 514-6 précité du Code de l’environnement, et par exception à la règle selon laquelle les décisions prises sur le fondement de la législation ICPE sont soumises au plein contentieux, la compatibilité d’une ICPE avec les dispositions d’urbanisme s’apprécie à la date de délivrance de l’autorisation :

« Par exception, la compatibilité d’une installation classée avec les dispositions d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un plan d’occupation des sols ou d’une carte communale est appréciée à la date de l’autorisation, de l’enregistrement ou de la déclaration ».

Le Conseil d’Etat juge ainsi qu’
« il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l’autorisation au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance ; que, dès lors, en jugeant qu’il lui appartenait de se prononcer sur la légalité de l’autorisation attaquée au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle elle statuait, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit » (CE, 30 décembre 2016, Société Nouvelles Carrières d’Alsace, n° 396420).
 
4.1) – Ce dont il résulte que la modification de la réglementation d’urbanisme postérieure à la délivrance de l’autorisation classée n’est pas opposable à l’installation classée existante :

Le Conseil d’Etat a considéré que la modification de la réglementation d’urbanisme postérieurement à la délivrance d’une autorisation d’ouverture n’était pas opposable à l’arrêté autorisant l’exploitation de l’ICPE :

« il résulte de l’intention du législateur que lorsque, postérieurement à la délivrance d’une autorisation d’ouverture, les prescriptions du plan évoluent dans un sens défavorable au projet, elles ne sont pas opposables à l’arrêté autorisant l’exploitation de l’installation classée ; qu’il en résulte qu’en faisant application de la délibération du 25 mars 2009, qui était postérieure à l’autorisation accordée à la société ERGS et avait pour effet d’interdire l’installation en cause, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit » (CE, 22 février 2016, Société Entreprise Routière du Grand Sud, n° 367901, mentionné aux Tables).
 
 4.2) – Et, exception à l’exception, il n’y a pas d’obstacle à ce que le juge de l’ICPE, « eu égard à son office » constate qu’à la date à laquelle il statue, l’autorisation initialement illégale a été régularisée par une modification ultérieure des règles d’urbanisme : 
Le Conseil d’Etat a par ailleurs estimé que le juge du plein contentieux des ICPE pouvait prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statuait, que des irrégularités avaient été régularisées. Dans ce cadre, le juge, tout en faisant application des règles en vigueur à la date de l’édiction de l’arrêté, tient cependant compte des régularisations postérieures à l’arrêté qui ont pu être faites :

« Considérant, en deuxième lieu, qu’il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l’autorisation au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance ; que, toutefois, eu égard à son office, la méconnaissance par l’autorisation des règles d’urbanisme en vigueur à cette date ne fait pas obstacle à ce qu’il constate que, à la date à laquelle il statue, la décision a été régularisée par une modification ultérieure de ces règles » (CE, 16 décembre 2016, Société Ligérienne Granulats SA, n° 391452, au Recueil).

La circonstance que le juge des ICPE puisse prendre en considération des éventuelles régularisations ne remet toutefois pas en cause la règle aux termes de laquelle la légalité d’une autorisation, s’agissant des règles d’urbanisme, s’apprécie à la date à laquelle cette autorisation a été délivrée.
 
4.3) – En conséquence de cette appréciation de la validité de l’autorisation à la date de sa délivrance, le juge peut, sous réserve de L 600-1, retenir l’illégalité, invoquée par voie d’exception, du document d’urbanisme sur le fondement duquel l’autorisation a été délivrée, à la condition que le requérant ait invoqué la méconnaissance des dispositions remises en vigueur du fait de cette constatation d’illégalité et, éventuellement de celle du document remis en vigueur :

Si le document d’urbanisme opposable à l’autorisation ICPE a été déclaré illégal, la légalité de cette autorisation doit s’apprécier à l’aune du document d’urbanisme immédiatement antérieur, ou à défaut, des règles générales d’urbanisme applicables.
C’est ce qu’a jugé le Conseil d’Etat dans le cadre d’un recours contestant la légalité d’un permis de construire :

« Considérant toutefois que, si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte la réglementation d’urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte d’application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant demandant l’annulation d’un permis de construire ne saurait utilement se borner à soutenir qu’il a été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l’illégalité dont il se prévaut ; que, cependant, il résulte de l’article L. 125-5 devenu L. 121-8 du code de l’urbanisme que la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu’un permis de construire a été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal – sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l’article L. 600-1 du même code -, à la condition que le requérant fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur » (CE, 7 février 2008, Commune de Courbevoie, n° 297227, au Recueil).

Cette solution a été transposée aux recours contestant la légalité d’une autorisation d’exploiter ICPE par l’arrêt Société Ligérienne Granulats précité :

« Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’article L. 600-12 du même code que la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement antérieur et, le cas échéant, en l’absence d’un tel document, les règles générales d’urbanisme rendues alors applicables, en particulier celles de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu’une autorisation d’exploiter une installation classée a été délivrée sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal – sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l’article L. 600-1 du même code -, à la condition que le requérant fasse en outre valoir que l’autorisation méconnaît les dispositions d’urbanisme pertinentes remises en vigueur du fait de la constatation de cette illégalité et, le cas échéant, de celle du document remis en vigueur  » (CE, 16 décembre 2016, Société Ligérienne Granulats SA, n° 391452, au Recueil).
 
5) – Mais, seconde exception : Le juge doit encore se placer à la date de la délivrance de l’autorisation environnementale pour apprécier le respect des règles de procédure fixées par le code de l’environnement :

Le principe, aux termes duquel le juge des ICPE doit faire application des règles de droit en vigueur à la date à laquelle il statue, doit être nuancé en distinguant les règles de procédure et les règles de fond :

« il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce » (CE, 22 septembre 2014, SIETOM de la Région de Tournan-en-Brie, n° 367889).

L’appréciation portée par le juge des ICPE sur les capacités techniques et financières du pétitionnaire est une parfaite illustration de la dissociation opérée par le juge quant à son office entre règles de procédure et de fond. En effet, la complétude du dossier ICPE sur les capacités techniques et financières est une règle de forme tandis que le fait pour le pétitionnaire de présenter effectivement de telles capacités pour assurer le fonctionnement de l’exploitation relève des règles de fond.
Il s’en évince que, pour apprécier si le dossier ICPE est complet et comporte un volet relatif aux capacités techniques et financières, le juge se placera à la date de délivrance de l’autorisation. A l’inverse, pour apprécier si le pétitionnaire présente bien les capacités techniques et financières nécessaires au fonctionnement de l’installation, le juge se placera au jour auquel il statue.

Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé qu’
« il résulte de ces dispositions non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l’appui de son dossier de demande d’autorisation, mais aussi que l’autorisation d’exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies ; que le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site au regard, des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code » (CE, 22 février 2016, Société Hambrégie, n° 384821, mentionné aux Tables).

Denis GARREAU – Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, Patrick CHAUVIN – Avocat au Barreau de Paris et Margaux NGUYEN CHANH – Stagiaire . 

 

 

Censure du recours au contrat de partenariat relatif à la rénovation de l’éclairage public et de la voirie en l’absence de complexité du projet et d’un bilan plus favorable

Dans l’arrêt qui est ici commenté, la Cour administrative d’appel de Nantes était saisie, par la commune de Ouistreham, d’un appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Caen qui avait annulé la délibération du 9 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune avait approuvé le principe du recours à un contrat de partenariat public-privé en vue de l’aménagement et de la rénovation de la voirie et de l’éclairage public et avait autorisé le maire à engager la procédure de passation de ce contrat.

On rappellera synthétiquement que les anciennes dispositions des articles L. 1414-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT) ne permettaient de recourir au contrat de partenariat que dans trois hypothèses : au regard de la complexité du projet, au regard du caractère urgent du projet, ou encore au regard du bilan plus favorable présenté par le recours à ce type de contrat.

Dans cette affaire, la commune avait notamment justifié le recours au contrat de partenariat par la complexité du projet « en ce qu’il comporte des travaux de rénovation ou d’entretien de voiries, des travaux de rénovation, de maintenance et de modernisation de l’éclairage public, des travaux de modernisation du système de signalisation tricolore, devenu trop vétuste, ainsi que des travaux de réaménagement de l’avenue de la Mer, principale artère commerciale de la commune, et des travaux d’aménagements de ronds-points ».

La Cour, après avoir analysé l’ensemble des justifications apportées par la commune dans le cadre du rapport d’évaluation requis par le CGCT, considère toutefois que la condition de complexité n’est pas remplie dès lors :

  • « que cette énumération constitue un ensemble d’actions de conception, gestion et exécution de travaux de voirie et réseaux divers (VRD) dont la spécificité permettant de les soustraire au droit commun de la commande publique ne ressort pas des pièces du dossier et n’est pas justifiée par le rapport d’évaluation» ;
  • la Cour poursuit en relevant que «  la description des travaux relatifs à l’éclairage public, ne permet en rien de déterminer en quoi la commune ne pouvait elle-même définir ses besoins en la matière, alors surtout qu’elle disposait d’un diagnostic précis de son éclairage public réalisé quelques années auparavant » et enfin « s’agissant de la signalisation tricolore, le rapport d’évaluation se borne à constater que si le matériel est aux normes il présente une certaine vétusté, sans préciser en raison de quelle spécificité les travaux requis seraient d’une complexité telle que la commune ne pourrait elle-même définir ses besoins en vue de la passation de marchés publics ».

La Cour en déduit que le seul fait pour la commune d’invoquer « la complexité qui résulterait de la multiplicité des travaux et prestations envisagés et de leurs difficultés techniques ne saurait suffire à justifier le recours au contrat de partenariat, en l’absence de circonstances particulières de nature à établir qu’il lui était impossible de définir, seule et à l’avance, les moyens propres à satisfaire ses besoins ».

Par ailleurs, la commune avait également tenté de justifier le recours au contrat de partenariat sur la base de la notion de bilan plus favorable. Or, là encore, la Cour considère que « le rapport d’évaluation dont se prévaut la commune requérante justifie le recours au contrat de partenariat principalement par des développements généraux sur l’intérêt juridique et financier de ce contrat, sans justifier concrètement et précisément, au regard de la nature des travaux en cause et des besoins de la commune, en quoi le partenariat public privé présenterait, (…) un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable ». Ce motif ne peut donc davantage justifier le recours au contrat de partenariat.

Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Nantes réaffirme l’exigence du juge dans l’appréciation des conditions nécessaires au recours au contrat de partenariat et la nécessité pour les personnes publiques d’apporter des justifications particulièrement précises et convaincantes.

On notera que la condition de complexité ne figure plus explicitement parmi les conditions devant être remplies pour permettre de recourir au marché de partenariat (voir dispositions de l’article 75 de l’Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics), l’acheteur devant désormais démontrer que le recours au marché de partenariat présente « un bilan plus favorable ». Pour autant, il y a tout lieu de penser que des considérations attachées à la complexité d’un projet demeureront utiles à la démonstration de l’efficience du marché de partenariat et que la portée de la décision ici commentée ne peut être limitée aux seuls contrats dont la procédure de passation avait été initiée avant le 1er avril 2016.

L’erreur favorable au producteur d’électricité commise par EDF dans la fixation contractuelle du tarif d’achat ne permet pas d’écarter l’application du contrat d’achat

Par une décision en date du 12 février 2018, la Cour administrative d’appel de Marseille a apporté d’intéressantes précisions relatives aux tarifs d’achat de l’électricité applicables en cas d’erreur commise par la société EDF dans sa fixation.

Dans cette affaire, un contrat d’achat d’électricité avait été conclu, sur le fondement de l’obligation d’achat instaurée par les articles L. 314-1 et suivants du Code de l’énergie, entre la société EDF, d’une part, et la société Corsica Sole 3, d’autre part, cette dernière exploitant une installation de production d’électricité photovoltaïque.

Le prix d’achat de l’électricité prévu par ce contrat a été fixé, au terme d’une erreur commise par la société EDF, à un niveau plus élevé que le niveau minimal fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 (applicable dans cette espèce) pour le type d’installation dont relevait en l’espèce celle exploitée par la société Corsica Sole 3.

Lorsqu’elle s’est rendu compte de son erreur, la société EDF a refusé de verser à la société productrice d’électricité la totalité du prix d’achat contractuellement prévu. La société EDF a alors réduit le montant des sommes versées à hauteur du montant minimal prévu pour le type d’installation dont relevait celle de la société Corsica Sole 3. Cette dernière a alors sollicité devant le Tribunal administratif de Bastia la condamnation de la société EDF à lui verser le montant contractuellement prévu, mais a toutefois été déboutée de sa demande par les premiers juges.

Saisi de l’affaire en appel, la Cour administrative d’appel de Marseille juge :

  • d’une part, que rien ne fait obstacle à ce que la société EDF propose des tarifs d’achat plus intéressants pour les producteurs que les tarifs fixés par voie réglementaire, lesdits tarifs ayant uniquement pour objet de fixer des conditions minimales ; en conséquence, la clause du contrat prévoyant un tarif d’achat plus important que celui qui résulterait de l’application des niveaux minimum prévus par le décret n’est pas illicite ;
  • d’autre part, que l’erreur commise par la société EDF ne peut être regardée comme ayant vicié son consentement et que dès lors le contrat, prévoyant le tarif plus avantageux pour le producteur d’électricité, doit être appliqué.

La société EDF a donc été condamnée à verser à la société appelante l’intégralité des sommes prévues contractuellement, assortie des intérêts au taux légal.

Le régime juridique de la consignation et de la déconsignation des fonds à recouvrer en cas de non-respect du niveau de qualité en matière d’interruption et d’alimentation en électricité enfin complet

L’arrêté du 6 mars 2018 définit les pièces nécessaires à la consignation et la déconsignation des fonds à recouvrer en cas de non-respect du niveau de qualité en matière d’interruption et d’alimentation en électricité pour le gestionnaire du réseau et permet désormais, grâce aux précisions qu’il apporte, la mise en œuvre effective de ce dispositif coercitif entre les mains des Autorités Organisatrices de la Distribution publique d’Electricité (ci-après, AODE).

On rappellera à cet égard que l’article L. 322-12 du Code de l’énergie consacre la possibilité pour l’AODE, lorsque le niveau de qualité n’est pas atteint en matière d’interruptions d’alimentation imputables aux réseaux publics de distribution, d’obliger le gestionnaire du réseau public de distribution (ci-après, GRD) à remettre entre les mains d’un comptable public une somme qui sera restituée après constat du rétablissement du niveau de qualité.

Par un décret n° 2016-1128 du 17 août 2016 relatif à la consignation en cas de non-respect du niveau de qualité en matière d’interruption de l’alimentation en électricité créant au sein du Code de l’énergie les articles R. 322-11 et suivants, un certain nombre de précisions avaient d’ores et déjà été apportées concernant les conditions et modalités de mise en œuvre de la procédure (voir notre brève dans la Lettre d’actualité énergie & environnement de septembre 2016)

Toutefois, pour rendre le dispositif de consignation et de déconsignation effectif, les précisions, contenues dans l’arrêté du 6 mars 2018 ici commenté, relatives aux pièces devant être produites au comptable public, demeuraient nécessaires.

L’article 1er de l’arrêté du 6 mars 2018 précise ainsi que :

  • La demande de consignation doit être accompagnée de la décision administrative de l’AODE mentionnant le montant de la somme à consigner.
  • La demande de déconsignation doit quant à elle être accompagnée des pièces suivantes :
  • la décision de l’exécutif de l’AODE ordonnant la déconsignation de la somme recouvrée conformément à l’article R. 322-15 du code de l’énergie ;
  • toutes pièces de nature à justifier de l’identité et la qualité de mandataire ou de préposé du GRD bénéficiaire de la déconsignation ;
  • un relevé d’identité bancaire du GRD.

Le mécanisme de consignation et de déconsignation peut donc désormais être mis en œuvre par les AODE.

IOTA : Note technique relative à l’instruction des dossiers de déclaration au titre de la loi sur l’eau

Le Ministère de la Transition écologique et solidaire constate que les services préfectoraux compétents sont saisis, en moyenne, de 10 000 dossiers de demande de déclaration au titre de la loi sur l’eau. Il souhaite dès lors généraliser une pratique établie dans certaines préfectures consistant en la hiérarchisation des dossiers de demande au regard des impacts environnementaux. La note technique en date du 5 février 2018 donne les orientations à suivre pour permettre d’adapter l’instruction des dossiers face aux enjeux qu’ils représentent.

Le Ministère préconise ainsi de « limiter au strict nécessaire l’instruction des dossiers de déclaration sans enjeu particulier sur les milieux (des) territoires, et d’investir le temps suffisant uniquement pour celles relatives à des projets présentant des risques environnementaux sur les milieux fragiles ». Il établit ainsi un « cadre type d’instruction des dossiers soumis à déclaration » en distinguant deux degrés d’instruction : l’instruction élémentaire et l’instruction nécessitant une vigilance accrue.

Pour la première, le Ministère indique que les dossiers « feront simplement l’objet d’une vérification rapide du type de projet, de la pertinence des rubriques visée, de la modalité de traitement et d’une saisie sous l’outil informatique CASCADE ». Pour la seconde, les dossiers doivent faire « l’objet d’une vérification du type de projet, de la pertinence des rubriques visées, de la modalité de traitement, d’une saisie sous l’outil informatique CASCADE et d’une analyse des impacts après l’émission du récépissé de déclaration permettant d’entreprendre l’opération sous un délai de deux mois ». La note identifie alors, dans les rubriques les plus récurrents, les projets soumis à une instruction élémentaire et ceux devant être soumis à une instruction nécessitant une vigilance accrue. La grille doit ensuite être adaptée aux enjeux locaux (SDAGE, SAGE, arrêtés types….).

Risques naturels et hydrauliques : les instructions du Gouvernement pour 2018

La dernière instruction du 26 juillet 2016, publié par le Gouvernement établissait les thèmes prioritaires d’actions nationales en matière de risques naturels et hydrauliques pour 2016-2017. Les instructions portaient alors en particulier sur l’achèvement de la mise en œuvre de la directive cadre sur l’eau, l’élaboration et la mise en œuvre des programmes d’action de prévention des inondations (PAPI), la prévention des risques sismiques et des risques de manière générale par la mise en place d’actions de sensibilisation et, enfin, les prémices de la mise en œuvre de la compétence « gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations «  (GeMAPI).

L’instruction du 20 février 2018 (NOR TREP1803179J) vient abroger celle du 26 juillet 2016 et définir les thèmes prioritaires d’actions nationales en matière de risques naturels et hydrauliques pour l’année 2018.

Parmi les sujets prioritaires, le Gouvernement identifie en particulier :

  • la poursuite de l’accompagnement des collectivités compétentes en GeMAPI, notamment en ce qui concerne la définition des systèmes d’endiguement (et plus particulièrement ceux qui ne nécessitent que la délivrance d’une autorisation complémentaire, sans enquête publique préalable), la préparation du transfert des digues de l’Etat, qui doit intervenir en 2024, ainsi que la prise en compte de la nouvelle organisation induite par cette compétence dans la définition des documents stratégiques et de planification (SGRLI, PPRN, PPRi, PAPI) ;
  • l’amélioration de la gestion du fond de prévention des risques naturels majeurs (FNPRM) par une instruction stricte des dossiers de demande de financement et une meilleure gestion des crédits ;
  • la finalisation des PPRN en cours et la priorisation des dernières élaborations et des révisions nécessaires, avec un accent mis sur les territoires à risques important d’inondation (TRI) qui n’en sont pas encore dotés ainsi que sur les PPRN littoraux prioritaires. Une annexe à l’instruction définit les orientations à suivre pour une priorisation de l’élaboration ou de la révision des PPRN ;
  • l’information préventive des populations par la mise à jour régulière de l’avancement des travaux sur la base GASPAR en ce qui concerne plus particulièrement l’approbation des PPRN, la réalisation des dossiers départementaux des risques majeurs (DDRM) et des dossiers d’information, communales sur les risques majeurs (DICRIM) et des arrêtés d’information « acquéreur locataire » (IAL). Une campagne de sensibilisation est également prévue à la fin de l’été sur l’arc méditerranéen face aux risques de « pluie intense » ;
  • l’application de mesures constructives de réduction de la vulnérabilité aux Antilles concernant plus particulièrement les risques sismiques ;
  • et enfin, les actions relatives à la prévision des crues, l’hydrométrie et la mission Référent Département Inondation (RDI).

Pas d’obligation de payer une surconsommation excessive d’eau en cas de défaut d’information de l’abonné par le service d’eau potable

La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt en date du 21 mars 2018, que, à défaut pour le service d’eau potable qui constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation, susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, d’en informer l’abonné, celui-ci n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne.

Elle a, en outre, précisé que cette information doit intervenir au plus tard lors de l’envoi de la facture établie d’après le relevé de compteur enregistrant la consommation d’eau effective de l’abonné et préciser les démarches à effectuer pour bénéficier de l’écrêtement de ladite facture.

Pour ce faire, la Cour de cassation s’est fondée sur les articles L. 2224-12-4 III bis et R. 2224-20-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

Le premier fixe une obligation d’information de l’abonné en cas de constatation, par le service d’eau potable, d’une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, et définit l’anormalité d’une augmentation de la consommation.

Il prévoit également la possibilité, pour l’abonné, d’obtenir l’écrêtement de sa facture d’eau s’il présente au service d’eau potable, dans le délai d’un mois à compter de cette information, une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations. Dans ce cas, l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne.

Le second précise que l’information se fait par tout moyen et au plus tard lors de l’envoi de la facture établie d’après le relevé de compteur enregistrant la consommation d’eau effective de l’abonné. Il ajoute que cette information précise les démarches à effectuer pour bénéficier de l’écrêtement de la facture prévue par les dispositions légales.

Précisions sur les dépenses pouvant être couvertes par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères

Dans une décision en date du 19 mars 2018, le Conseil d’Etat a précisé l’étendue des dépenses pouvant être couvertes par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

Il a plus précisément indiqué que la TEOM n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires de la commune, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales.

Il a ensuite précisé que ces dépenses sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu’elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.

Il a, par conséquent, considéré que le Tribunal administratif de Montreuil, saisi d’une demande de restitution de la cotisation de la TEOM à laquelle avait été assujettie la SAS Cora en 2013 par la Commune de Livry-Gargan, avait commis une double erreur de droit en jugeant que, pour déterminer le montant de la TEOM, il y avait lieu de prendre en compte, notamment, les dépenses exposées pour la seule administration générale de la commune, ainsi que les dépenses réelles d’investissement.

Cette décision intéresse aujourd’hui davantage les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, la compétence en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés étant une compétence obligatoire de l’ensemble de ces EPCI depuis la loi NOTRE du 7 août 2015.

Pas de mise en compatibilité de la DUP avec le PLU lorsqu’elle est prise pour la constitution de réserves foncières en vue d’y affecter une opération d’aménagement

En vertu des dispositions de l’article L. 123-14 du Code de l’urbanisme, lorsque la réalisation d’un projet public ou privé de travaux, de construction ou d’opération d’aménagement, présentant un caractère d’utilité publique nécessite une mise en compatibilité d’un plan local d’urbanisme, celle-ci peut être entérinée dans la déclaration d’utilité publique. Dans ce cas, l’enquête publique porte à la fois sur l’utilité publique et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence.
Par cet arrêt, il est jugé que les dispositions précitées ne peuvent trouver application que si les utilisations du sol qu’implique la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique (DUP) sont définies avec suffisamment de précision pour emporter de nouvelles dispositions du plan local d’urbanisme. Elles ne sont pas applicables lorsque l’administration qui projette la réalisation d’une opération d’aménagement impliquant normalement, d’une part, l’acquisition des terrains et, d’autre part, la réalisation de travaux et d’ouvrages, se borne à procéder dans un premier temps à la seule acquisition des terrains sans avoir défini le plan des aménagements envisagés.
Ainsi, aucune mise en compatibilité n’a à être entreprise si la DUP est prise pour la constitution de réserves foncières en vue de permettre la réalisation ultérieure d’une opération d’aménagement.

Sur le dépôt d’un mémoire en réplique et récapitulatif en appel devant la chambre des expropriations

 En application de l’article R. 311-26 du Code de l’expropriation, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant (ce délai était de 2 mois avant d’être modifié par décret n°2017-891 du 6 mai 2017).

En dépit de ces règles strictes, la Cour de cassation admet que l’intimé produise un mémoire en réplique et récapitulatif dès lors que celui-ci ne comporte que des éléments complémentaires en réplique.

 

Déploiement de la fibre optique : engagements des opérateurs, appels à manifestation d’engagements locaux et simplification des mesures de déploiement.

Dans le cadre d’une question ministérielle du 26 décembre 2017, M. François André interpelait M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la cohésion des territoires, sur l’importance de faciliter le déploiement de la fibre optique.

En effet au regard de l’engagement formulé par le gouvernement de garantir un accès à toute la population en haut débit d’ici à 2020 et en très haut débit d’ici à 2022 ainsi que de parvenir à un territoire intégralement fibré en 2025, le député François André a souligné l’importance de simplifier les démarches et de lever des contraintes administratives ou techniques pesant sur le déploiement de la fibre. Il estimait également nécessaire de préciser l’obligation de pré-raccordement en fibre. 

A cette occasion, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires a précisé les nouvelles mesures prises par l’Etat pour faciliter et accélérer la couverture des territoires en téléphonie mobile et en fibre optique.

En premier lieu, Gouvernement a demandé aux opérateurs de communications électroniques une accélération de leurs déploiements, dans le cadre d’engagements contraignants et opposables au titre de l’article L. 33-13 du code des postes et communications électroniques. On relèvera que les opérateurs de communications électroniques seront passibles de sanctions en cas de défaillance ou de manquements à leurs engagements.

En outre, les opérateurs ont pris des engagements de couverture en téléphonie mobile sur près de 10.000 communes qui ne bénéficiaient d’aucune couverture.

En deuxième lieu, le secrétaire d’Etat a annoncé que l’Etat souhaite que les collectivités territoriales puissent sécuriser de nouvelles opportunités d’investissement privé en organisant, durant le premier semestre 2018, des appels à manifestation d’engagements locaux.

En troisième lieu, le gouvernement souhaite proposer, dans le cadre de la future loi relative au logement et à l’aménagement numérique des mesures de simplification visant à réduire les délais de construction et de mise en service des installations des opérateurs.

Ainsi cette loi permettrait notamment:

          qu’une partie des demandes d’autorisations d’urbanismes relatives à l’installation d’antennes de téléphonie mobile basculerait sur un régime de simple déclaration préalable ;

          que les maires disposent de plus de latitude dans leur compétence en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme pour le déploiement des réseaux mobiles ;

          la mise en œuvre d’un guichet unique pour les opérateurs de communications électroniques afin de leur permettre d’effecteur leurs démarches, qu’il s’agisse des demandes d’autorisation d’urbanisme ou des dossiers d’information du public sur l’exposition aux champs électromagnétiques ;

          une publicité des titres d’occupation du domaine public, sans formalité particulière et permettre aux opérateurs de se prévaloir de servitudes visant à l’installation, l’exploitation ou l’entretien de leurs équipements en simplifiant les demandes d’autorisation de ces servitudes ;

          aux opérateurs l’accès au registre national d’immatriculation des syndicats de copropriété, pour faciliter l’identification des interlocuteurs ad hoc pour le déploiement de la fibre dans les habitats collectifs.

Attaques diffamatoires contre un élu de la République – conditions d’une sanction judiciaire pénale et civile

Dans cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle les conditions dans lesquelles les attaques diffamatoires portées contre un élu de la République seront sanctionnées par une décision de condamnation pénale et civile, nonobstant le moyen de défense habituel tiré du débat de polémique politique et du débat d’intérêt général (article 10 de la convention européenne – droit à la liberté d’expression politique) :

« Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat public, la cour d’appel a, d’une part, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, lesquels, reprochant à M. Didier X… la pratique » le clientélisme » « le favoritisme », d’acheter, avec l’argent public, le silence de la presse » et de  » dilapider l’argent public pour aller en Amérique, Australie ou aux Seychelles », constituaient des faits précis, susceptibles de donner lieu, à l’audience, à débat contradictoire, et portaient atteinte à son honneur et sa considération et a retenu, ainsi, à bon droit, qu’ils comportaient des imputations diffamatoires visant M. Didier X…, en sa qualité de président de la région de […] , dépositaire de l’autorité publique, d’autre part, a refusé au prévenu le bénéfice de la bonne foi, après avoir estimé que celui-ci était « mu par une animosité personnelle« , qu’il avait « manqué de prudence dans ses propos » et que « ses accusations » … » dépassaient le cadre de la polémique politicienne » et « ne reposaient sur aucune base factuelle »; ».

Ces critères sont certes stricts et souvent délicats à mettre en œuvre, mais leur admission par la Cour de cassation démontre qu’une condamnation pénale et civile n’est pas impossible.

Par ailleurs, pour les lecteurs plus éclairés, la Cour de cassation rappelle un principe procédural d’importance mais établi de longue date : la Cour d’appel est tenue, quoique saisie sur le seul appel de la partie civile (dont l’effet dévolutif ne s’attache qu’aux intérêts civils), d’évoquer (pouvoir d’évocation intégrale) à la fois les intérêts pénaux et les intérêts civils de l’affaire, lorsqu’elle infirme un jugement de premier instance ayant fait droit à la nullité des actes de poursuites (nullité de la citation directe). La Cour d’appel est donc en mesure d’assortir sa décision de condamnation du chef de diffamation d’une peine pénale, au-delà de l’allocation de dommages et intérêts.

Ce pouvoir d’évocation intégrale n’est toutefois pas reconnu à une Cour d’appel qui infirme un jugement de première instance ayant fait droit à l’exception de prescription de l’action. Dans ce cas, l’appel de la partie civile ne saisira la Cour que des intérêts civils ; la Cour d’appel ne sera pas en mesure d’assortir sa décision de condamnation du chef de diffamation d’une sanction pénale ; seule la question des dommages et intérêts sera évoquée.

Restera à comprendre pourquoi la chambre criminelle opère une telle distinction.