Requalification de vacataires : L’irrégularité du besoin de recrutement n’exclut pas son caractère permanent

Par un arrêt du 5 juillet 2018, la Cour administrative de Douai a fourni un nouvel exemple, riche de précisions, concernant l’éternelle problématique de la requalification des agents recrutés en tant que vacataire, en agents contractuels assujettis au décret n° 88-145 du 15 février 1988 ou de son équivalent dans les fonctions publiques d’Etat et hospitalière.

La jurisprudence en la matière s’articule autour d’une dichotomie d’apparence simple, à savoir le recrutement de l’agent, soit pour accomplir un acte déterminé répondant à un besoin ponctuel de la collectivité, soit pour satisfaire un besoin permanent de la collectivité.

Pour autant, l’appréciation du caractère ponctuel ou permanent du besoin de la collectivité donne souvent lieu à une analyse complexe et casuistique de la nature des fonctions confiées à l’agent de la part des juridictions administratives qui aboutit dans bien des cas à la requalification du vacataire en agent contractuel.

Dans cette espèce, le Maire d’une commune avait de recruté plusieurs guides-conférenciers, anciens salariés d’une association, et disposant d’une expertise certaine du patrimoine culturel local, afin de s’assurer la disposition de leurs compétences au sein de la commune.

Pour les qualifier de vacataires, au moment de leur recrutement, la commune s’était fondée sur la circonstance que ces agents n’avaient vocation qu’à remplir des missions ponctuelles sur la demande de la commune, dont des visites guidées, des conférences ou d’animation d’ateliers, leur fréquence n’étant pas assurée. Pour cette raison, l’acte de recrutement prévoyait uniquement une rémunération horaire, versée en fonction des missions confiées au fil de l’eau à ces agents. C’est sur ce caractère variable que la commune s’appuyait, devant la Cour administrative d’appel, pour soutenir que le besoin qui avait justifié le recrutement des agents n’était pas permanent.

Mais la Cour a donné tort à la collectivité. S’appuyant notamment sur la circonstance que l’acte de recrutement ne définissait aucune mission en particulier, et que de nombreuses missions ont été confiées au requérant sur une période de plus de 12 ans, la Cour a qualifié de permanent le besoin de la commune ayant justifié le recrutement, et ce, « alors même que les horaires hebdomadaires de l’intéressée étaient irréguliers et que sa rémunération était déterminée à la vacation ».

La Cour procède donc à la requalification du vacataire en agent contractuel de droit public.

La conséquence est lourde pour la commune : constatant l’absence de cadre d’emploi répondant au besoin particulier de guides conférenciers et la durée totale d’emploi de l’intéressé, la Cour confirme l’appréciation déjà portée par le Tribunal en jugeant qu’en application de l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, l’intéressé aurait dû bénéficier d’un contrat à durée indéterminée.

Un nouveau cas d’indemnisation des congés annuels non pris par l’agent contractuel

Décidemment, il va falloir s’habituer à compter avec la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en droit de la fonction publique.

Après avoir rappelé que les agents en congés de maladie pouvaient pour autant acquérir des droits à congés annuels, lesquels devaient donc être récupérés lors de leur reprise de fonctions (arrêts CJCE du 20 janvier 2009 C-350/06 et C-520/06CE ; le Conseil d’Etat dans son avis du 26 avril 2017), la Cour de Justice va cette fois-ci sur le terrain plus général de l’indemnisation des congés non pris, quelle qu’en soit la cause.

Pour mémoire, en droit interne, la règle est jusqu’à présent que seuls les jours de congés qui n’ont pu être pris par l’agent du fait de l’administration peuvent être indemnisés (cf. pour la fonction publique territoriale, l’article 5 du décret n° 88-145 du 15 février 1988).

Mais toujours est-il que le pouvoir règlementaire va devoir procéder à une modification dans les temps à venir : la Cour de justice de l’Union européenne a en effet considéré que l’employeur a pour obligation de prévenir son agent des modalités selon lesquelles son droit à congé serait perdu.

Plus précisément, l’employeur doit « veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l’incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l’informant, de manière précise et en temps utile pour garantir que lesdits congés soient encore propres à garantir à l’intéressé le repos et la détente auxquels ils sont censés contribuer, de ce que, s’il ne prend pas ceux-ci, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée, ou, encore, à la fin de la relation de travail lorsque cette dernière intervient au cours d’une telle période ».

Dans cette affaire, un agent public allemand avait demandé en vain à ce que ses congés lui soient payés à l’issue de son contrat, alors qu’il y avait initialement renoncé : la Cour lui donne raison en rappelant que le travailleur étant par définition la partie faible dans un contrat de travail, l’employeur devait s’assurer de ce qu’il était bien informé de son droit à congé et qu’à défaut, ces derniers ne pouvaient être « perdus ».

Il s’agira, pour l’employeur public français, d’un renversement complet de la logique des textes applicables à la matière. La question de la date à laquelle le pouvoir réglementaire en prendra acte – sans que cela ne conditionne son application pour autant – reste cependant entière quand on sait que la décision de la CJUE sur l’acquisition des congés annuels pendant les congés de maladie, qui a bientôt dix ans, n’a toujours pas donné lieu à une mise en conformité du droit interne…

Précisions sur le délai de carence entre deux contrats à durée déterminée

Par arrêt en date du 10 octobre 2018 (n°17-18.294), la Cour de cassation est venue rappeler la nécessité de respecter un délai de carence entre deux contrats à durée déterminée lorsque les motifs de recours à ces contrats ne sont pas prévus à l’article L. 1244-1 du Code du travail (remplacement de salariés).

Ainsi, la succession de contrats de travail à durée déterminée, sans délai de carence, n’est licite, pour un même salarié et un même poste, que si chacun des contrats a été conclu pour l’un des motifs prévus limitativement par l’article L. 1244-1 du Code du travail.

Dès lors, un contrat conclu pour remplacement d’un salarié absent ne peut immédiatement succéder à un contrat conclu pour accroissement temporaire d’activité, sauf accord contraire avec les partenaires sociaux et sous la condition impérative que le contrat de travail à durée déterminée, n’a pas pour effet pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (article L. 1244-4 du Code du travail).

Loi « Avenir professionnel » et égalité professionnelle

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel dite « Loi Avenir Professionnel » dispose d’un volet « égalité de rémunération ».

Plus précisément, la loi consacre un chapitre entier du Code du travail à des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise (articles L. 1142-7 à L. 11142-10 du Code du travail nouveaux).

La volonté clairement affichée du législateur est de rendre l’arsenal juridique déjà existant plus effectif et d’atteindre une égalité réelle entre les hommes et les femmes.

Ainsi, la loi pose un principe général au terme duquel tout employeur, quel que soit son effectif, doit prendre en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (article L. 1142-7 du Code du travail nouveau). 

Si cet objectif s’applique à tous les employeurs, il convient de remarquer que la loi ne prévoit de mesures contraignantes que pour les entreprises d’au moins 50 salariés.

Ces dernières devront chaque année publier des indicateurs relatifs :

  • aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ;
  • aux actions mises en œuvre pour les supprimer.

Si elles ne respectent pas cette obligation, elles pourront se voir appliquer une pénalité de 1% de la masse salariale brute.

Les nouvelles dispositions entreront en vigueur au plus tard au 1er janvier 2020 pour les entreprises de 50 à 250 salariés et le 1er janvier 2019 pour celles de plus de 250 salariés.

Référé suspension : exemples de moyens caractérisant l’urgence et faisant naître un doute sérieux sur la validité d’un marché public

Cette affaire fournit d’utiles illustrations de moyens conduisant le juge des référés à prononcer, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, la suspension de l’exécution d’un marché public dont la validité est contestée.

A l’origine, la Communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) et son Président, M. Virapoullé, ont saisi le Tribunal administratif de la Réunion d’un recours en contestation de la validité d’un marché de services de tri, traitement, stockage, enfouissement et valorisation des déchets non dangereux passé par le Syndicat mixte de traitement des déchets du Nord et de l’Est (SYDNE), dont la CIREST est membre et M. Virapoullé vice-président. Dans le même temps, ils ont présenté, devant le juge des référés de ce Tribunal, une demande de suspension de l’exécution de ce marché, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. Par une ordonnance du 13 février 2018, le juge des référés a rejeté cette demande.

Saisi par la CIREST et M. Virapoullé d’un pourvoi, le Conseil d’Etat statue par une décision du 10 octobre 2018.

Tout d’abord, la Haute Juridiction considère que la condition de l’urgence est remplie dans la mesure où une atteinte grave et immédiate aux intérêts du SYDNE, dont peuvent se prévaloir les requérants, est caractérisée par les circonstances de l’espèce. Ces circonstances ont trait, d’une part, au risque que les finances du SYDNE soient affectées de façon substantielle et difficilement réversible par l’exécution du marché, eu égard à son montant (243 millions d’euros), à sa durée (quinze ans) et à l’ampleur des travaux prévus et, d’autre part, aux conséquences indemnitaires d’une annulation ou d’une résiliation du contrat par le juge du fond qui seraient d’autant plus graves pour les finances du SYDNE que les investissements liés à l’exécution du marché auraient déjà été réalisés. Par ailleurs, le Conseil d’Etat juge que la suspension du marché ne porterait pas une atteinte grave et immédiate à un intérêt public.

Ensuite, le Conseil d’Etat considère que les moyens développés par les requérants sont de nature à créer un doute sérieux sur la validité du contrat et à conduire à la cessation de son exécution ou à son annulation. En l’occurrence, les requérants soutenaient que le SYDNE avait méconnu les dispositions de l’article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 en recourant à une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence au motif que la société Inovest était le seul opérateur en capacité de répondre à son besoin dans les délais impartis, alors qu’il existait une solution alternative ou de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence résultait d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché.

Par ailleurs, un doute sérieux sur la validité du marché attaqué a pu être constaté eu égard à la circonstance qu’au terme du marché, le centre de tri qui devait être réalisé n’était pas destiné à faire retour à la collectivité, la durée du contrat, fixée à quinze ans, méconnaissait les dispositions de l’article 16-I du décret précité obligeant à tenir compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence périodique.

Par suite, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du Tribunal administratif et prononce la suspension de l’exécution du marché public attaqué.

Dématérialisation des autorisations d’urbanisme : les délais s’harmonisent

Dans le cadre de la simplification des relations entre l’administration et les citoyens, la réglementation évolue progressivement pour permettre à chacun de saisir l’administration par voie électronique (SVE).

Précisément, aux termes des dispositions de l’article L. 112-8 du Code des relations entre le public et l’administration, les administrés peuvent saisir l’administration par voie dématérialisée.

Ainsi, en principe, toute personne (dès lors qu’elle s’est identifiée préalablement auprès d’une administration), peut, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat, adresser à l’administration, par voie électronique : une demande, une déclaration, un document ou une information, ou lui répondre par la même voie.

Cependant, en application de l’article L.112-10 de ce même Code, de nombreuses dérogations à ce principe peuvent être prévues par décret.

Ce faisant, et selon les matières dans lesquelles l’administré souhaite saisir l’administration, il pourra le faire ou non par voie dématérialisée.

Aussi, en matière de demandes d’autorisation d’urbanisme (permis de construire, d’aménager, de démolir, déclarations préalables, demandes de certificat d’urbanisme, ou encore déclarations d’intention d’aliéner) et aux termes du décret n° 2016-1491 du 4 novembre 2016, le droit de saisine par voie électronique devait entrer en vigueur à compter du 7 novembre 2018.

Toutefois, la loi ELAN (article 62) adoptée le 16 octobre dernier, ayant imposé aux communes de plus de 3.500 habitants, de mettre en place, à compter du 1er janvier 2022, une téléprocédure spécifique, leur permettant de recevoir et d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme, il a été nécessaire d’harmoniser les délais.

Dans ce contexte, par décret n° 2018-954 du 5 novembre 2018, l’échéance du droit de saisine par voie électronique des demandes d’autorisation d’urbanisme a été fixé au 31 décembre 2021.

Dès lors, à compter de cette date, les administrés pourrons saisir l’administration par voie électronique en matière de demande d’urbanisme (dans toutes les communes), et les services instructeurs (dans les communes de plus de 3.500 habitants) devront disposer d’une téléprocédure spécifique leur permettant de recevoir et d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2022.

Absence d’exception d’illégalité de la délibération créant la zone d’aménagement concerté à l’appui d’un recours contre la déclaration d’utilité publique

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat énonce que l’illégalité frappant la délibération créant une zone d’aménagement concerté (ZAC) ne peut être utilement invoquée, par la voie de l’exception, à l’encontre de la contestation de la déclaration d’utilité publique (DUP) des travaux nécessaires à l’aménagement de cette zone.

Néanmoins, lorsqu’il se prononce sur l’utilité publique d’une opération, le juge de l’excès de voir tient compte, le cas échéant, au titre des inconvénients que comporte l’opération contestée devant lui, des motifs de fond qui auraient été susceptibles d’entacher d’illégalité l’acte de création de la zone d’aménagement concerté pour la réalisation de laquelle la déclaration d’utilité publique a été prise et qui seraient de nature à remettre en cause cette utilité.

Ainsi, le Conseil d’Etat refuse de voir une opération complexe entre l’acte de création de la ZAC et la DUP prise pour l’acquisition des terrains nécessaires aux travaux de cette ZAC.

 

La responsabilité de l’avocat en matière de dénonciation de l’assignation en acquisition de clause résolutoire aux créanciers inscrits

Il ressort d’un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 25 octobre 2018 qu’il incombe à l’avocat, qui représente les bailleurs lors d’une instance en résiliation de bail dont il a rédigé l’acte introductif, de veiller à ce que l’acte introductif d’instance soit bien notifié aux créanciers inscrits.

En l’espèce, une ordonnance de référé du 6 décembre 2005 a constaté l’acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat de bail commercial conclu entre des bailleurs et un preneur. 

L’assignation délivrée par l’avocat des bailleurs n’ayant pas été dénoncée à une société créancière du preneur et titulaire d’un nantissement inscrit sur le fonds de commerce, cette dernière a alors assigné en réparation de son préjudice les bailleurs.

A leur tour, les bailleurs ont appelé en garantie l’huissier en charge de l’affaire ainsi que leur avocat.

Par un arrêt du 24 février 2017, la Cour d’appel de Colmar a estimé que la mission confiée à l’avocat ne consiste qu’en la rédaction de l’assignation.

A contrario, ledit arrêt considère que c’est à l’huissier qu’il revient de s’assurer de requérir l’état des inscriptions sur le fonds de la société auprès du tribunal de grande instance du lieu du siège de la société et de procéder à sa dénonciation.

La Cour de cassation est venu casser cet arrêt dans une décision du 25 octobre 2018 précisant que l’avocat investi d’un devoir de compétence, est, lui, tenu d’accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client.

En statuant ainsi, il a été jugé que la Cour d’appel avait violé les dispositions des articles L.143-2 du Code de commerce et 1240 du Code civil.

L’absence d’inscription au RCS n’empêche pas la soumission au statut des baux commerciaux d’un ancien bail dérogatoire

Une bailleresse a consenti à un preneur un bail dérogatoire d’une durée de 23 mois à un preneur comportant une obligation pour ce dernier de fournir une attestation d’inscription au RCS dans un délai de 2 mois suivant la prise d’effet du bail le 15 février 2004 sous peine de caducité.

Par la suite, 3 autres baux dérogatoires ont été conclus, à effet respectivement au 1er février 2006, 2008 et 2010 à l’issue desquels le preneur a été laissé en possession des lieux loués.

Ce dernier a assigné le 6 août la bailleresse aux fins de voir constater qu’il était titulaire d’un bail commercial à compter du 1er février 2006.

La bailleresse s’est prévalue de l’absence d’immatriculation pour solliciter le rejet de la demande du preneur et à titre reconventionnel l’acquisition de la clause résolutoire du dernier bail dérogatoire

La Cour de cassation, confirmant l’arrêt d’appel, rejette le pourvoi de la bailleresse en jugeant que :

« L’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas nécessaire pour que s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux ».

Peut-être la solution eût été différente si la bailleresse avait soulevé la caducité du premier bail dérogatoire, le preneur n’ayant pas respecté l’obligation d’immatriculation qu’il contenait.

Droit au maintien dans les lieux du sous-locataire dont le bail est régi par la loi du 1er septembre 1948 en cas de décès du locataire principal et absence de cotitularité du bail de la veuve qui ne vivait pas dans les lieux

Au décès de leur locataire titulaire d’un bail soumis à la loi du 1er septembre 1948, des bailleurs ont assigné sa veuve, ainsi que la sous-locataire, elle-même titulaire d’un bail loi de 1948, en expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.

Déboutés par la Cour d’appel, les bailleurs se sont pourvus en cassation. Selon eux, la veuve du locataire, bien qu’elle n’occupât pas les lieux loués, en percevait les loyers et s’était donc comportée comme locataire.

Quant à la sous-locataire, les demandeurs prétendent qu’elle ne pouvait bénéficier du droit au maintien dans les lieux offert uniquement au conjoint ou au partenaire de pacs, aux ascendants, personnes handicapées et mineurs jusqu’à leur majorité qui vivaient effectivement avec le locataire décédé depuis plus d’un an.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 14 juin 2018, rejette le pourvoi des demandeurs.

Selon elle, le contrat de sous-location étant soumis à la loi du 1er septembre 1948, il avait fait naître, en vertu de l’article 4 de cette loi, un droit au maintien dans les lieux du sous-locataire occupant de bonne foi personnel et indépendant des droits du locataire principal.

La juridiction suprême rappelle également que la cotitularité du bail au profit du conjoint ou du partenaire de pacs de l’article 1751 du Code civil ne s’applique que lorsque le titulaire occupe effectivement les lieux, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Dès lors, la veuve du locataire décédé ne pouvait être redevable d’une indemnité d’occupation.

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que la loi du 1er septembre 1948 s’applique aux baux conclus sous son régime, qu’il s’agisse d’un bail principal ou d’un contrat de sous-location.

Les futures règles de procédure applicables aux contestations de décisions de la sécurité sociale et de l’aide sociale

Le décret n° 2018-928 du 29 octobre dernier relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale est venu fixer les règles de procédure applicables aux contestations de décisions rendues par divers organismes qui entreront en vigueur au 1er janvier 2019.

Ce décret s’inscrit dans le mouvement de réforme débuté en mai dernier par deux ordonnances[1] et un décret[2] visant à simplifier le système actuel et pour le moins complexe relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale. A compter du 1er janvier 2019, les juridictions spécifiques du contentieux général et du contentieux technique de la sécurité sociale ainsi que de l’aide sociale seront supprimées. Un transfert de ces contentieux est ainsi opéré au profit des juridictions judiciaires (Tribunaux de grande instance et Cours d’appel spécialement désignées) et administratives (Tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel) de droit commun, selon les modalités prévues par le décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018.

Le décret précité du 29 octobre prévoit la procédure applicable dans les cas de contestations des décisions des organismes de sécurité sociale, des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des autorités administratives intervenant dans le domaine de l’aide sociale notamment les départements, autant au stade du recours préalable qu’à celui du recours juridictionnel.

Un des importants apports du décret concerne l’insertion du recours préalable obligatoire qui vient remplacer le « recours gracieux ». Ce recours préalable obligatoire peut être l’occasion d’exposer les motifs de la contestation et les éléments insuffisamment ou incorrectement pris en compte et sera analysé selon les mêmes modalités que la demande initiale.

Par ailleurs, le recours préalable obligatoire formé contre les décisions de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées sera dépourvu d’effet suspensif, sauf lorsqu’il est formé par la personne handicapée ou son représentant légal à l’encontre des décisions concernant le placement en établissement ou service pour enfants ou adultes handicapés. A noter  que pour l’aide sociale, le silence gardé pendant plus de deux mois par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées vaudra décision de rejet de la demande.

En matière d’aide sociale et de décisions des MDPH, ce décret prévoit que le Tribunal administratif de Paris aura la compétence – qui était celle de la commission centrale d’aide sociale jusque là – de trancher les litiges de compétence entre départements lorsqu’un président de conseil départemental ne reconnaît pas sa compétence sur une demande d’admission à l’aide sociale.

Le décret apporte par ailleurs des précisions quant au fonctionnement des formations des TGI compétents en modifiant le code de l’organisation judiciaire. Le code de justice administrative est aussi amendé afin de prendre en compte la suppression de la commission centrale d’aide sociale.

[1] Ordonnances n°2018-358 du 16 mai 2018 relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale et n°2018-359 du 16 mai 2018 fixant les modalités de transfert des personnels administratifs des juridictions concernées

[2] Décret n°2018-360 du 16 mai 2018  pris pour l’application de l’ordonnance n°2018-359 du 16 mai 2018

La CNIL réagit face aux détournements de finalités

Décision n° MED 2018-037 du 25 septembre 2018 mettant en demeure la société Humanis Assurances 

Décision n° MED 2018-038 du 25 septembre 2018 mettant en demeure la société Mutuelle Humanis Nationale 

Décision n° MED 2018-036 du 25 septembre 2018 mettant en demeure la société AUXIA 

Décision n° MED 2018-034 du 25 septembre 2018 mettant en demeure la société MALAKOFF MÉDÉRIC MUTUELLE 

Le 25 septembre 2018, la présidente de la CNIL a décidé de mettre en demeure cinq sociétés (Grand Est Mutuelle, Humanis Assurances, Mutuelle Humanis Nationale, Auxia, Malakoff Médéric Mutuelle) appartenant aux groupes Humanis et Malakoff-Médéric.

Pour rappel, ces sociétés ont pour activité principale la mise en œuvre des régimes de retraite complémentaires en réalisant des opérations de gestion. En raison de ces missions, celles-ci ont accès à des données personnelles mises à disposition par les fédérations AGIRC-ARRCO aux fins de recouvrer les cotisations et payer les allocations retraite.

Cependant, à la suite de contrôles réalisés en février et mars 2018 dans les locaux de ces sociétés, la CNIL a constaté que les bases de données à des fins de prospection commerciale, notamment pour les produits d’assurance de personne, étaient alimentées par des données issues des bases informatiques de l’AGIRC-ARRCO transmises par flux pour des finalités initiales de gestion de la retraite complémentaire.

Ces sociétés ont été mises en demeure au motif que :

  • sous-traitantes de l’AGIRC-ARRCO, elles ont décidé, sans l’aval de leur responsable de traitement, de modifier les finalités pour lesquelles la collecte était réalisée ;
  • placées dans une situation de responsable de traitement de fait, elles disposaient de données sans que les personnes concernées ne soient informées de la finalité de ce traitement et ne puissent exercer leurs droits ;
  • plusieurs centaines de milliers de personnes sont concernées.

La présidente de la CNIL a laissé à ces sociétés un délai d’un mois pour que celles-ci mettent fin à la violation de la loi informatique et liberté.

Date de référence pour la fixation des indemnités d’expropriation dans le cas de la création d’emplacements réservés

Par un arrêt en date du 24 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a apporté des précisions intéressantes sur la date de référence qu’il convient de retenir dans le cadre de la fixation du montant des indemnités d’expropriation.

Pour rappel, si le bien exproprié doit être indemnisé à hauteur de sa valeur au jour où la juridiction de l’expropriation de première instance rend son jugement, l’usage effectif du bien, c’est-à-dire sa constructibilité ou sa destination, doit être arrêté à une date de référence.

L’article L. 322-2 du Code de l’expropriation prévoit le principe selon lequel la date de référence doit être fixée un an avant la date d’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique.

L’article L. 322-6 du même Code prévoit une autre date de référence lorsqu’est en cause un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme. Dans ce cas, la date de référence « est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou le plan d’occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé ».

En l’espèce, le projet d’aménagement justifiant le recours à l’expropriation emportait mise en compatibilité du document d’urbanisme communal (en l’occurrence, le plan d’occupation des sols) et créait des emplacements réservés.

La DREAL a demandé que la date de référence soit fixée un an avant l’enquête préalable à la DUP, conformément à l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation.

Les juges du fond n’ont pas fait droit à sa demande et ont fixé l’indemnité d’expropriation en prenant comme date de référence celle de l’adoption de l’arrêté préfectoral emportant DUP et mise en compatibilité du plan d’occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle étaient situés les emplacements réservés justifiant le recours à l’expropriation.

La DREAL a formé un pourvoi en cassation, au motif que l’article L. 322-6 du Code de l’expropriation doit être interprété de manière stricte, c’est-à-dire que la date de référence prévue par cet article doit être retenue seulement « lorsque l’emplacement réservé est créé en dehors de toute déclaration d’utilité publique ».

L’argumentation avancée par l’autorité expropriante consiste à expliquer que l’usage effectif du bien ne saurait être indemnisé en tenant compte du projet d’aménagement justifiant le recours à l’expropriation (qui, dans la très grande majorité des cas, emporte une valorisation de cet usage effectif).

Toutefois, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, a rejeté le pourvoi de la DREAL, en se tenant aux termes mêmes employés dans l’article L. 322-6 du Code de l’expropriation qui n’excluent pas explicitement la situation dans laquelle l’emplacement réservé est créé spécifiquement dans le cadre de la DUP :

« Mais attendu que l’arrêté déclarant l’opération d’utilité publique et emportant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols constitue un acte entrant dans les prévisions de l’article L. 322-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; qu’ayant relevé que l’arrêté du 6 décembre 2011 déclarant d’utilité publique le projet d’aménagement de la rocade ouest de la commune de Mende et emportant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols était l’acte le plus récent rendant celui-ci opposable et délimitant la zone dans laquelle était situé l’emplacement réservé, la cour d’appel a exactement fixé la date de référence au jour de cet arrêté ».

Nul doute que cette décision constitue une jurisprudence dont pourront se prévaloir avantageusement les expropriés.

Objet social des SPL et lien avec les compétences des collectivités actionnaires

Conseil d’Etat, 14 novembre 2018, Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles, n° 405628   

Par un arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d’Etat a, en se fondant sur les articles L. 1531-1, L. 1521-1 et L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, considéré que : « hormis le cas, prévu par l’article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales, où l’objet social de la société s’inscrit dans le cadre d’une compétence que la commune n’exerce plus du fait de son transfert, après la création de la société, à un établissement public de coopération intercommunale, la participation d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales à une société publique locale, qui lui confère un siège au conseil d’administration ou au conseil de surveillance et a nécessairement pour effet de lui ouvrir droit à participer au vote des décisions prises par ces organes, est exclue lorsque cette collectivité territoriale ou ce groupement de collectivités territoriales n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société. ».

Jusqu’alors, plusieurs décisions divergentes avaient retenu l’attention au sujet du lien qui doit être établi entre les missions de la SPL et les compétences de chacun de ses actionnaires.

Il en résultait une incertitude sur le fait de savoir si, en présence d’une SPL à objet multiple, une collectivité (ou un groupement de collectivités) ne pouvait y participer :

  • que si elle détenait toutes les compétences correspondant à l’objet social de la société (CAA de Nantes, 19 sept. 2014, Syndicat intercommunal de la Baie et a., n13NT01683) ;
  • ou, de manière moins stricte, que si la partie prépondérante des missions de la société n’excédait pas son domaine de compétence − autrement dit si elle disposait de la ou des compétences correspondant à la partie prépondérante de ces missions (CAA de Lyon, 4 octobre 2016, SEMERAP, n° 14LY02753, objet de ce pourvoi).

La position du Conseil d’Etat était donc attendue.

Celui-ci opte pour la position la plus stricte en considérant que la Cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit. Il est vrai qu’en participant à une SPL dont l’objet excède ses propres compétences, une collectivité est susceptible de prendre part, en sa qualité d’actionnaire, à des décisions ayant trait à la mise en œuvre d’une compétence qu’elle ne possède pas.

Désormais, pour participer à une SPL, la collectivité (ou le groupement de collectivités) devra détenir l’ensemble des compétences correspondant à l’objet social de la société.

On notera toutefois que le Conseil d’Etat – comme l’avait fait la Cour administrative d’appel de Nantes – prend soin d’exclure le cas prévu à l’article L. 1521-1 du CGCT, à savoir celui où l’objet social de la société s’inscrit dans le cadre d’une compétence que la commune n’exerce plus du fait de son transfert, après la création de la société, à un établissement public de coopération intercommunale. La commune pourra donc, dans cette hypothèse, continuer de participer au capital de la SPL en question.

La portée de cet arrêt sur de nombreuses SPL existantes ou en cours de création mérite donc la plus grande attention de la part des collectivités ou de leurs groupements concernés.

Les pouvoirs de police du maire face aux situations de péril

A la suite des évènements dramatiques survenus à Marseille, il paraît important de rappeler brièvement les fondements des pouvoirs de police du maire en la matière, leurs modalités de mise en œuvre ainsi que leurs conséquences.

1. Les fondements textuels applicables 

En matière de péril, le maire peut faire application soit de ses pouvoirs de police spéciale, propres aux édifices menaçant ruine, sur le fondement des articles L.511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, soit de ses pouvoirs de police générale, sur le fondement des articles L.2212-2-5° et L.2212-4 du Code général des collectivités territoriales.

Si ces pouvoirs poursuivent le même objectif, à savoir l’exécution de mesures nécessaires à faire cesser le péril existant et rétablir la sécurité publique, leurs champs d’application se distinguent.

De même, les procédures applicables, le formalisme associé ainsi que les effets juridiques qui en découlent sont différents, de sorte que le maire doit être attentif au choix opéré de recourir à l’une ou l’autre de ces procédures.

2. Le critère de distinction entre police générale et police spéciale 

Le champ d’application respectif des polices générale et spéciale du maire est strictement défini, sous peine de censure par le juge, la jurisprudence posant comme critère de distinction « l’origine du péril »[1] affectant l’immeuble.

Ainsi, la police spéciale des édifices menaçant ruine peut être mise en œuvre lorsque l’existence du péril émane d’une cause propre à l’immeuble, à savoir, un défaut d’entretien, un caractère vétuste ou encore des vices de construction.

A l’inverse, la police générale trouve application lorsque l’existence du péril est extérieure à l’immeuble, tels que des évènements naturels (mouvement de terrain, inondation etc.) ou des faits de l’homme.

Lorsque l’état de péril est provoqué par une pluralité de cause, et que coexistent des causes intrinsèque et externe, c’est la cause prépondérante qui doit être recherchée, c’est-à-dire celle sans laquelle les désordres ne seraient pas survenus[2].

3. L’exception du « péril immédiat »

Dans les cas d’extrême urgence, lorsque le délai de mise en œuvre d’une procédure de péril imminent[3] est incompatible avec une situation de péril particulièrement grave et immédiate, le maire doit faire usage de ses pouvoirs de police générale, et ce, quelle que soit la cause du péril[4].

Il appartient au maire de justifier précisément de l’existence de circonstances exceptionnelles et d’une situation d’extrême urgence.

Dans ce cadre, les travaux sont exécutés d’office aux frais de la commune, les textes ne prévoyant pas expressément la possibilité de les recouvrer auprès des propriétaires de l’immeuble en cause.

4. La mise en œuvre des procédures de péril 

En ce qui concerne le pouvoir de police générale du maire, le Code général des collectivités territoriales ne prévoit pas de formalisme particulier, l’arrêté devant néanmoins être motivé et les mesures ordonnées strictement nécessaires et proportionnées. 

A l’inverse, s’agissant des pouvoirs de police spéciale, des règles procédurales sont strictement définies aux articles L.511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation[5], et permettent au maire de mettre en œuvre la procédure de péril selon deux modalités distinctes :

  • La procédure de péril ordinaire[6]

Après constatation de l’existence d’une situation de péril, le maire en informe les propriétaires de l’immeuble concerné et les invite à présenter leurs observations dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois.

A l’issue de ce délai, le maire prend un arrêté mettant en demeure les propriétaires de procéder aux travaux de réparation ou de démolition nécessaires afin de mettre fin au péril. Après une nouvelle mise en demeure infructueuse, ces travaux sont réalisés d’office par la commune, aux frais des propriétaires défaillants.

  • La procédure de péril imminent[7]

Après constatation de l’existence d’une situation de péril imminent, le maire en informe les propriétaires et saisit le Tribunal administratif en vue de la désignation d’un expert judiciaire qui devra, dans les 24h suivant sa nomination, examiner l’immeuble litigieux, dresser un constat de l’état des bâtiments mitoyens et proposer des mesures de nature à mettre fin à l’imminence du péril qu’il constatera.

Sur la base du rapport de l’expert, le maire ordonne alors les mesures provisoires nécessaires pour mettre un terme à l’imminence du péril, lesquelles seront effectuées d’office par la commune en cas de carence des propriétaires, et aux frais de ces derniers.

5. Les mesures pouvant être prescrites au titre de la police spéciale

Dans le cadre d’une procédure de péril imminent, seules des mesures provisoires et conservatoires sont susceptibles d’être prescrites.

Si ces mesures ne sont pas suffisantes pour mettre durablement fin au péril, le maire doit poursuivre une procédure de péril ordinaire, nécessitant un délai de mise en œuvre de plusieurs mois, au titre de laquelle il pourra prescrire des travaux plus lourd, comme par exemple la réhabilitation ou la démolition de l’immeuble.

Dans ce dernier cas et face à la carence des propriétaires, les travaux de démolition de l’immeuble ne pourront pas être réalisés d’office par la commune, et devront préalablement être autorisés par le juge judiciaire, statuant en la forme des référés[8].

6. Les conséquences d’un arrêté de péril 

L’arrêté de péril prescrit par le maire, qu’il soit ordinaire ou imminent, emporte plusieurs conséquences tant pour le propriétaire et ses occupants que pour la commune, lorsque celle-ci doit se substituer au propriétaire défaillant.

  • La suspension du paiement du loyer

L’édiction d’un arrêté de péril par le maire ne met pas automatiquement fin aux baux en cours de l’immeuble concerné.

Au contraire, les loyers en principal ou toutes autres sommes versées en contrepartie de l’occupation cessent d’être due à compter du 1er jour qui suit la notification ou l’affichage de l’arrêté et ce, jusqu’au premier jour du mois qui suit la date d’achèvement constatée par l’arrêté. 

  • L’obligation d’héberger ou de reloger les occupants

En vertu de l’article L. 521-3-1 du Code de la construction et de l’habitation, les propriétaires d’un immeuble frappé par un arrêté de péril sont tenus d’assurer à leurs occupant un hébergement décent, en cas d’interdiction temporaire d’habiter, ou un relogement définitif, en cas d’interdiction permanente d’habiter.

En cas de carence des propriétaires, dans les délais fixés par l’arrêté, ces obligations sont alors automatiquement dévolues à la commune.

7. Le recouvrement des frais engagés par la commune

Par application des dispositions des articles L. 511-2 et 511-3 du Code de la construction et de l’habitation, les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu’elle est substituée aux propriétaires défaillants, sont recouvrés comme en matière de contribution directe.

Ce recouvrement n’est susceptible d’intervenir que dans le cadre des pouvoirs de police spéciale, et peut en particulier concerner les frais d’expertise, les coûts des travaux réalisés d’office ainsi que les coûts afférents à l’obligation d’hébergement et de relogement.

 

Par Cyril CROIX et Axelle LASSERRE

 

 

[1] CE, 27 juin 2005, Ville d’Orléans, n°262199 ;

[2] CE, 31 mars 2006, Perone, n°279664 ;

[3] Article L.511-3 du Code de la construction et de l’habitation ;

[4] CE, 10 octobre 2005, Commune de Badinières, n°259205 ; CE, 6 novembre 2013, Commune de Cayenne, n°349245 ;

[5] «Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu’ils menacent ruine et pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l’article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l’article L.511-3. » ;

[6] Article L.511-2 du code de la construction et de l’habitation ;

[7] Article L.511-3 du code de la construction et de l’habitation ;

[8] TC, 6 juillet 2009, n°0903702 ; L.511-2-5°.

 

La régularisation des autorisations d’occupation du sol : bilan et perspectives

La régularisation des autorisations d’occupation du sol peut être engagée à l’initiative, d’une part, du pétitionnaire et/ou de l’autorité compétente et, d’autre part, depuis un période plus récente, par le Juge administratif.

C’est chronologiquement la possibilité d’une régularisation du permis de construire à l’initiative de l’Administration qui a été admise par le juge (d’abord en ce qui concerne les défauts de conformité d’un projet de construction au regard des règles d’urbanisme applicables : CE,  2 octobre 1987, n°66391 –  CE, 15 janv. 1997, n°100494 ; et par la suite en ce qui concerne les vices de formes et de procédures : CE, 2 fév. 2004, SCI La Fontaine de Villiers, n°238315).

En revanche, ce n’est qu’avec l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, sur proposition du rapport Labetoulle[1], qu’a été octroyé au Juge administratif le pouvoir  de surseoir à statuer avant d’inviter les parties à procéder à la régularisation du permis de construire, de démolir ou d’aménager (L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme).

Même si ce texte est récent, il a d’ores et déjà donné lieu a une abondante jurisprudence venant préciser les contours de ces nouveaux pouvoirs octroyés au juge, et donc des modalités et des conditions de régularisation des autorisations d’occupation du sol (I.). Mais ce premier retour d’expérience a permis de faire ressortir les limites de ces nouveaux mécanismes, limites que le législateur entend essayer de corriger (II.).

I – BILAN

Cela fait bientôt six ans que le Juge administratif manie ce nouveau pouvoir qui lui a été octroyé par l’ordonnance du 18 juillet 2013.

Sur le papier, il s’agissait à l’évidence d’un outil pouvant emporter une réforme très profonde du contentieux de l’urbanisme, susceptible de marquer encore davantage les particularités de ce contentieux, que l’on peut aujourd’hui analyser comme étant à mi chemin entre le contentieux de l’excès de pouvoir et le plein contentieux. Cependant, évidemment, la portée effective de ce nouvel outil dépendait nécessairement de l’usage qui en serait fait par l’autorité chargée de le mettre en œuvre, le Juge administratif.

Ce premier bilan devra permettre de constater que, dans leur grande majorité, les juridictions administratives se sont pleinement approprié ce pouvoir, d’une part, en en dessinant des contours procéduraux devant permettre de donner une pleine portée à cet outil contentieux et, d’autre part, en construisant un champ d’application relativement élargi des possibilités de régularisation.

1 – Des contours procéduraux affinés au gré de la jurisprudence administrative

Comme relevé précédemment, l’insertion de l’article L. 600-5-1 dans le Code de l’urbanisme a été suggéré par le rapport Labetoulle[2].

Toutefois, les auteurs de ce rapport ont entendu laisser au Juge administratif le soin de polir les contours de ce nouvel outil contentieux, afin de trouver un juste et délicat équilibre entre la préservation efficace du droit au recours, et le gain de temps pour le porteur de projet :

« Par la rédaction qu’il a retenue à cette fin, le groupe de travail n’a pas prétendu régler à l’avance toutes les questions – elles sont nombreuses – qui ne manqueront pas de se poser dans l’application de cette disposition (faudratil, par exemple, admettre l’appel contre le jugement avantdire droit ou, comme cela paraît souhaitable, reporter la contestation des motifs pour lesquels ont été écartés les autres moyens jusqu’à l’intervention du jugement comportant le dispositif final ?). Il lui a semblé que la voie jurisprudentielle était la plus appropriée pour couvrir, progressivement, l’ensemble des hypothèses ».

Pour ce faire, le Juge administratif n’a pas hésité à interpréter largement les possibilités offertes par l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme. En effet, la lecture stricte de ces dispositions qui prévoient la régularisation d’ « un vice » devrait porter à croire qu’un seul vice est susceptible d’être régularisé par autorisation d’urbanisme, et que le constat de plusieurs irrégularités entachant la légalité de ladite autorisation devrait emporter l’impossibilité de mettre en œuvre l’article L. 600-5-1.

Toutefois, par souci de pragmatisme semble-t-il, le Juge administratif a rapidement permis qu’à l’occasion d’un contentieux engagé contre une autorisation d’urbanisme, plusieurs vices puissent être régularisés (voir par exemple en ce sens : CAA Nancy, 23 janv. 2014, n° 13NC00783 ; CAA Paris, 16 fév. 2015, n° 13PA03456 ; CAA Bordeaux, 9 juill. 2015, n° 12BX02902 ; CAA Marseille, 26 oct. 2017, n° 16MA00230 ; CAA Versailles, 7 déc. 2017, n° 15VE02620 ; CAA Lyon, 3 mai 2018, n° 16LY02240).

Par ailleurs, et afin de préserver effectivement le gain de temps contentieux et procédural du porteur de projet, le Conseil d’Etat a rapidement entendu préciser que la contestation de la légalité du permis de construire modificatif (PCM) de régularisation ne doit pas faire l’objet d’une nouvelle instance indépendante, mais doit être réglée dans le cadre de l’instance en cours contre le permis initial que le permis modificatif entend régulariser (CE, Avis, 18 juin 2014, n° 376760 ; CE, 19 juin 2017, n° 398531). Juger le contraire n’aurait pas été constructif au regard des objectifs affichés de la réforme en cause. Toutefois, cela n’est valable que pour les parties à l’instance. Pour les tiers, il est toujours loisible de former un recours indépendant contre le permis modificatif. Cependant, encore faudrait-il que ce tiers démontre son intérêt à agir, et que les moyens articulés pour contester ce permis modificatif ne portent que sur cette nouvelle autorisation, le recours contre un PCM ne réouvrant pas un nouveau délai de recours contre le permis de construire initial.

De manière générale, les prises de position du Juge administratif depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 juillet 2013, marquent semble-t-il la volonté d’ouvrir une large place à la régularisation des autorisations d’urbanisme en cours de procédure. En ce sens, le Conseil d’Etat a jugé que dans l’hypothèse d’une première tentative infructueuse de régularisation à l’initiative de l’Administration et du porteur de projet, rien n’interdit au Juge administratif d’utiliser les pouvoirs qui lui sont dévolus par l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme lorsqu’il constate que le moyen est régularisable, afin de laisser une seconde chance de régularisation de l’autorisation (CE, 22 fév. 2018, n° 4114561). Mais surtout, et après avoir d’abord pris position contre cette possibilité (CE, 30 déc. 2015, n° 375276), le Conseil d’Etat a jugé que le fait de constater que la construction objet de l’autorisation à régulariser est achevée ne doit pas s’opposer à la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1 (CE, 22 fév. 2017, n° 392998), et donc à la régularisation de ladite autorisation (en revanche, le constat d’un tel achèvement continue à s’opposer, à la lecture de la jurisprudence, à l’annulation partielle de l’autorisation prévue par l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme).

2 – Un champ matériel large mais nécessairement encadré par la notion de permis de construire modificatif

L’efficacité de ce nouvel outil au regard des objectifs qui lui sont assignés, dépend également de l’appréciation prétorienne du caractère ou non régularisable de différents types de vices dont est susceptible d’être entachée une autorisation d’occupation du sol.

De ce point de vue une nouvelle fois, les décisions du Juge administratif démontrent la volonté d’ouvrir de nombreuses possibilités de régularisation des autorisations d’urbanisme en cours d’instance.

A cet égard, le Juge administratif a sursis à statuer dans l’attente de la régularisation de dossiers de demande au sein desquels manquaient des pièces obligatoires (voir par exemple pour la pièce marquant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation du domaine public : CAA Bordeaux, 22 juin 2018, n° 15BX03115) ou au sein desquels figuraient toutes les pièces requises mais dont certaines étaient incomplètes (voir par exemple pour des plans ne faisant pas ressortir toutes les informations nécessaires à l’instruction de la demande : CAA Marseille, 31 mai 2018, n° 16MA00230 ; CAA Lyon, 3 mai 2018, n° 16LY02240).

De la même façon, l’absence de la saisine pour avis d’une tierce personne alors qu’elle était obligatoire peut être régularisée (par exemple, dans le cas de la saisine pour avis simple de l’Architecte des Bâtiments de France quand il fallait en réalité une autorisation : CAA Marseille, 19 juill. 2018, n° 17MA01850).

L’absence d’une formalité obligatoire préalable à l’autorisation d’urbanisme peut également faire l’objet de la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1 (pour l’exemple de l’absence de déclassement préalable du domaine public d’une parcelle sur laquelle portait le permis de construire : CAA Bordeaux, 28 août 2018, n° 15BX01143 – en l’absence d’autorisation de défrichement préalable pourtant obligatoire : CAA Nantes, 10 nov. 2017, n° 15NT02043).

L’incompétence de l’auteur de l’acte est  également susceptible d’être régularisée (CAA Lyon, 3 mai 2018, n° 16LY02240), tout comme l’absence de signature de l’acte (CAA Marseille, 14 janvier 2016, n° 14MA00803).

La question est plus subtile quand la régularisation rend nécessaire la modification du projet de construction en lui-même.

En effet, l’article L. 600-5-1 prévoit que l’outil de la régularisation doit prendre la forme d’un « permis modificatif ». Ce faisant, le législateur a nécessairement encadré les conditions de la régularisation lorsque celle-ci implique de modifier le projet de construction en lui-même, puisque pour entrer dans le champs d’application de l’article L.600-5-1, ces modifications doivent pouvoir être actées à travers l’adoption d’un permis de construire modificatif. En d’autres termes, les amendements à apporter au projet ne doivent pas être trop importants.

Ainsi, le Juge administratif examine si  « les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d’illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale ». Dans le cas où les modifications entreprises remettent en cause la conception générale du projet, alors l’autorisation d’occupation du sol ne peut être régularisée à l’occasion de la délivrance d’un permis modificatif, et l’utilisation de l’article L. 600-5-1 doit donc être exclue.

En résumé, si la régularisation de l’autorisation rend nécessaire de légères modifications du projet de construction, le juge peut surseoir à statuer dans l’attente d’une telle régularisation (par exemple pour l’ajout de places de stationnement : CAA Bordeaux, 6 juin 2017, n° 16BX00402 ; pour la nécessité d’un léger recul supplémentaire par rapport aux limites séparatives : CAA Bordeaux, 30 mars 2018, n° 16BX00931, 16BX01003). Au contraire, lorsque les modifications nécessaires sont trop importantes, alors le Juge administratif refuse de faire usage des pouvoirs qui lui sont octroyés par l’article L. 600-5-1 (dans le cas d’une importante modification de l’emprise au sol et de notables amendements des caractéristiques de la toiture : CAA Lyon, 25 oct. 2018, n° 17LY00416 : dans le cas d’une importante baisse de l’emprise au sol, des hauteurs et de l’aspect extérieur de la construction : CAA Lyon, 13 mars 2018, n° 15LY02376 ; dans le cas du projet de lotissement auquel il conviendrait d’ajouter 200 m² d’espaces verts : CAA Lyon, 15 fév. 2018, n° 16LY00967).

D’autres types de vices sont assez logiquement exclus de la possibilité de régularisation. Tel est le cas par exemple lorsque le vice en cause est la caducité du permis lui-même (CAA Marseille, 1er juin 2018, n° 17MA01872), ou encore lorsque la construction autorisée l’a été en zone inconstructible du PLU ou sur une parcelle sur laquelle toute construction est interdite aux termes du PPRI (CAA Nantes, 27 juillet 2018, n° 16NT03188 ; CAA Bordeaux, 27 sept. 2018, n° 16BX03616, 16BX03905).

II – PERSPECTIVES

Le bilan des six premières années de la pratique de la procédure de régularisation permet de constater que la majorité des juridictions administratives a entendu faire un large usage des pouvoirs qui leur sont conférés en application de l’article L. 600-5-1.

En réalité, le plus souvent, les limites de ce nouvel outil telles qu’elles ressortent de la jurisprudence administrative résultent de la rédaction du texte en lui-même. Or, si le Juge administratif dispose d’un large pouvoir d’interprétation des textes, il n’est en revanche pas censé s’écarter de la lettre même du texte lorsque celle-ci est parfaitement claire.

Désireux d’élargir les pouvoirs de régularisation du Juge administratif, le législateur a, sur les préconisations du Rapport dit Rapport Maugüe[3], et à l’occasion de l’élaboration de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) définitivement adoptée depuis le 16 octobre dernier, retravaillé la rédaction du texte des articles L. 600-5-1 et L. 600-5 du Code de l’urbanisme.

La rédaction de l’article L. 600-5-1 issue de la loi ELAN est la suivante :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 6005, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

Il ressort de l’étude d’impact de cette loi publiée 3 avril 2018[4], que ce faisant, l’objectif poursuivi est le suivant :

« Le second objectif est de sécuriser les autorisations accordées en renforçant les pouvoirs que le juge administratif détient des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme, et qui lui permettent de n’annuler que partiellement une autorisation de construire, ou de surseoir à statuer si l’illégalité est régularisable ».

La même étude d’impact résume les apports d’une telle réforme :

« Il est ainsi prévu que ces mécanismes soient désormais possibles en cas de permis de construire de régularisation et non plus seulement en cas de permis modificatif. Le juge aura par ailleurs l’obligation de motiver son refus de faire usage de ces deux articles. Enfin, la mise en œuvre de ces deux mécanismes est étendue aux déclarations préalables et devient possible même après l’achèvement des travaux ».

La refonte opérée par l’article 80 4° et 5° de la loi ELAN des articles L. 600-5-1 et L. 600-5[5], doit emporter au moins quatre incidences principales sur les procédures de régularisation des autorisations d’occupation du sol.

1 – La possibilité de régulariser les non-oppositions à déclaration préalable

La rédaction de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme issue de l’ordonnance du 18 juillet 2013 et en vigueur jusqu’à présent, ne renvoie qu’aux « permis construire, de démolir ou d’aménager », et pas aux arrêtés de non-oppositions à déclaration préalable, de sorte que l’illégalité d’une déclaration préalable n’est pas régularisable, comme cela a pu être rappelé à l’occasion de diverses réponses ministérielles (pour un exemple : Réponse ministérielle JO Sénat 20 fév. 2014 p. 475 à la Question ministérielle n° 08740 JO Sénat 17 oct. 2013 p.3006).

Aux termes de la rédaction issue de la loi ELAN, l’article L. 600-5-1 (comme d’ailleurs le futur article L. 600-5) renvoie pour la régularisation à la déclaration préalable : « le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ».

Ainsi, à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de cet article du Code de l’urbanisme, il ne sera plus nécessaire de reprendre l’entière procédure de déclaration préalable pour régulariser un vice dont pourrait être entachée une telle autorisation.

2 – L’obligation pour le Juge administratif de mettre en œuvre ses pouvoirs issus de l’article L. 600-5-1 dès lors qu’il constate que le ou les vices sont régularisables

Tel qu’elle a été conçue à l’origine, l’utilisation de l’outil de régularisation entre les mains du Juge administratif était une simple faculté. En ce sens, l’article L. 600-5-1 prévoit que le juge « peut » surseoir à statuer.

Afin de donner davantage d’envergure à cet outil, et également d’inciter les juridictions administratives récalcitrantes à en faire usage, la loi ELAN transforme cette faculté en obligation :

« D’autre part, l’article L. 600-5-1 est rédigé pour transformer en obligation la faculté de recourir au sursis à statuer. Si le juge peut refuser de faire droit à des demandes d’annulation partielle ou de sursis à statuer, il doit alors modifier ce refus ».

Partant, le simple constat du caractère régularisable du ou des vices dont serait entachée une autorisation d’occupation des sols devra imposer au juge, saisi de la légalité de cette autorisation, de surseoir à statuer dans l’attente d’une régularisation de ces vices.

Le refus de faire droit à une telle demande devra être motivée. Cela devrait avoir une conséquence relativement importante. En effet, jusqu’à présent, et compte de la rédaction actuelle de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a refusé de contrôler le refus des juges du fond de mettre en œuvre l’outil de régularisation.

En effet, le Conseil d’Etat juge que l’appréciation portée sur le caractère ou non régularisable d’un vice, et l’opportunité de surseoir à statuer relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond :

« L’exercice de la faculté de surseoir à statuer afin de permettre la régularisation du permis de construire faisant l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, instituée par les dispositions citées au point 10 de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, est un pouvoir propre du juge. Toutefois, lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à la mise en œuvre de ces dispositions, la décision du juge du fond de faire droit à celles-ci ou de les rejeter relève de son appréciation souveraine, tant sur le caractère régularisable du vice entachant l’autorisation attaquée que sur l’exercice de la faculté, ouverte par l’article L. 600-5-1, de surseoir à statuer pour qu’il soit procédé à cette régularisation dans un délai qu’il lui appartient de fixer eu égard à son office, sous réserve du contrôle par le juge de cassation de l’erreur de droit et de la dénaturation » (CE, 22 déc. 2017, n° 402362 – voir également CE, 6 déc. 2017, n° 405839).

Or, le fait de muter la faculté en obligation devrait amener le Conseil d’Etat à modifier les conditions de son contrôle sur le caractère régularisable ou non d’un vice, et sur le refus de recourir au sursis à statuer. En effet, l’obligation de motivation d’un tel refus a pour objet notamment de pouvoir censurer un tel raisonnement.

On comprend que la motivation ne sera développée que dans le cas où les parties défenderesses auront, aux termes de leurs mémoires, sollicité, le cas échéant à titre subsidiaire, la mise en œuvre par le juge de l’article L. 600-5-1 en vue de la régularisation de l’autorisation. En l’absence d’une telle demande, le juge n’aurait semble-t-il pas à exposer le choix de son refus. On le sait, la mise en œuvre de cet article n’est pas conditionnée à une demande en ce sens des parties, puisque le juge peut de sa propre initiative surseoir à statuer. Toutefois, on peut envisager qu’en l’absence d’une demande des parties en 1ère instance ou en appel, il serait plus difficile d’articuler auprès du Conseil d’Etat un moyen tenant à la non mise en œuvre par les juges du fond des pouvoirs qu’ils tiennent de l’article L. 600-5-1.

Par conséquent, dans le cas où il apparaît au pétitionnaire et/ou à l’Administration que l’un des moyens d’annulation de l’autorisation pourrait être sérieux, il semble peut-être judicieux de demander, à titre subsidiaire, au juge de surseoir à statuer dans l’attente d’une régularisation, pour l’obliger à motiver le cas échéant le refus de la mise en œuvre de cet outil.

3 – L’élargissement de la forme que peut prendre l’acte de régularisation

Comme cela a été exposé précédemment, la rédaction actuelle de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme puisqu’elle renvoie comme outil de la régularisation à un « permis modificatif » restreint nécessairement les vices régularisables à ceux susceptibles d’être compris dans un permis de construire modificatif.

Ainsi, les modifications de la construction le cas échéant nécessaires à la régularisation ne doivent pas remettre en cause la conception générale de la construction.

En ne renvoyant plus simplement à un « permis modificatif » mais désormais à une « mesure de régularisation », détaillée au futur article L. 600-5-2 comme pouvant être un « permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation », il semble que le législateur a entendu élargir les facultés de régularisation, de sorte que les modifications qui pourraient être envisagées pour régulariser l’autorisation pourraient être bien plus larges que celles susceptibles d’être contenues dans un permis de construire modificatif.

4 – L’inscription dans la loi de la possibilité de régulariser même après l’achèvement des travaux

On l’a vu, le Conseil d’Etat a semblé hésiter sur la possibilité de régulariser des autorisations d’occupation du sol portant sur des constructions achevées. A cet égard, si les juges du Palais Royal ont semblé exclure dans un premier temps cette possibilité, ils  ont fini par l’admettre en février 2017 (CE, 22 fév. 2017, n° 392998).

La future rédaction de l’article L. 600-5-1 issue de la loi ELAN transpose dans le Code de l’urbanisme cette jurisprudence en prévoyant que la régularisation peut intervenir « même après l’achèvement des travaux », et prévoit la même chose pour l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme (pour lequel le Conseil d’Etat n’avait pas admis qu’une annulation partielle pouvait intervenir même après le constat de l’achèvement des travaux).

Cette nouvelle rédaction devrait mettre un terme aux divergences jurisprudentielles qui existent entre les Cours administratives d’appel. En effet, si certaines cours ont adopté le même raisonnement que le Conseil d’Etat en jugeant que l’achèvement des travaux ne devait pas empêcher la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1 (CAA Bordeaux, 29 mars 2018, n° 15BX01143), d’autres résistent en continuant à rechercher si les travaux objets de l’autorisation attaquée sont ou non achevés quand se pose la question du sursis à statuer (CAA Nantes, 29 juin 2018, n° 17NT02567 ; CE Versailles, 29 mars 2018, n° 16VE02775), et refusent de mettre en œuvre l’article L. 600-5-1 quand elles constatent un tel achèvement (CAA Lyon, 19 déc. 2017, n° 15LY03417).

Par Céline LHERMINIER et Emmanuelle BARON

 

[1] Rapport « Construction et droit au recours pour un meilleur équilibre » http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Labetoulle.pdf

[2] Rapport « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » – 25 avril 2013

[3] Rapport au ministre de la cohésion des territoires présenté par le groupe de travail présidé par Christine Maugüé, conseillère d’Etat « Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace »

http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/2018.01.11_rapport_contentieux_des_autorisations_d_urbanisme.pdf

[4] http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0846-ei.asp#TopOfPage

[5] http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2017-2018/721.html

 

 

Biens de retour : précisions utiles sur les provisions pour renouvellement

Dans un arrêt en date du 18 octobre 2018, le Conseil d’État a validé la loi du Pays qu’avait adoptée l’Assemblée de Polynésie française en mars dernier relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public[1].

Cette loi visait à préciser les modalités de constitution et d’utilisation de ces provisions par les délégataires de service public en Polynésie française. Elle prévoyait notamment que les provisions pour renouvellement constituent un « financement de l’autorité délégante » et que toutes les provisions non utilisées en fin de contrat doivent revenir à l’autorité délégante.

Estimant cette loi illégale, une société concessionnaire du service public de l’électricité en Polynésie (la société Electricité de Tahiti-Engie), avait alors engagé un recours à l’encontre de cette loi sur le fondement des dispositions de l’article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française afin que le Conseil d’Etat se prononce sur la conformité de cette loi au  bloc de légalité défini au III de l’article 176 de la loi organique précitée.

Par sa décision ici commentée, le Conseil d’Etat valide la majeure partie des dispositions de la loi attaquée en posant le principe que toutes les sommes constituées par les délégataires de service public en vue du renouvellement de biens nécessaires au fonctionnement du service public doivent revenir à l’autorité concédante en fin de contrat.

Rappelant d’abord les principes généraux applicables aux biens de retour des délégations de service public dégagés par la décision de principe « Commune de Douai » (CE, Assemblée 21 décembre 2012, Commune de Douai, n° 342788), le Conseil d’Etat juge ensuite que « les sommes requises pour l’exécution de travaux de renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu, à l’expiration du contrat, à des provisions » font retour à la personne publique.

Le Conseil d’Etat précise en outre que les sommes qui auraient fait l’objet de provisions pour des montants excédant le besoin de renouvellement appartiennent également à la personne publique au motif que l’équilibre économique du contrat ne justifie pas que le concessionnaire les conserve  « […] Il en va de même des sommes qui auraient fait l’objet de provisions en vue de l’exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, l’équilibre économique du contrat ne justifiant pas leur conservation par le concessionnaire […] ».

En définitive, le Conseil d’Etat juge que toutes les sommes constituant des provisions (y compris celles surestimées) appartiennent à la personne publique.

Le Conseil d’Etat censure toutefois les points II et III de l’article LP 6 qui prévoyaient que les provisions pour renouvellement devenues sans objet puissent abonder un fonds de travaux, sur un compte bancaire dédié.

Par suite, le Conseil d’Etat valide dans sa quasi-totalité les dispositions de la loi du Pays attaquée dès lors qu’elles « découlent du régime des concessions de service public » et ne méconnaissent ni les libertés contractuelle et d’entreprendre, ni le droit de propriété, ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni les principes de la commande publique.

La loi du Pays ainsi validée a été promulguée le 30 octobre dernier[2] par le Président de la Polynésie française.

[1] Texte adopté n° 2018-16 LP/APF du 14 mars 2018 de la loi du pays relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public

[2] Loi du Pays n° 2018-34 du 30 octobre 2018 relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public.

Responsabilité pour faute de l’Etat dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police dans le cadre de la remise en état d’une Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) soumis à déclaration

Dans cette espèce, la Mutuelle d’épargne de retraite et de prévoyance CARAC a tenté d’engager la responsabilité pour faute simple de l’Etat à la suite de la cessation d’activité de la Société Oil France qui exploitait une station-service. La Mutuelle considérait, en effet, que l’Etat avait commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité :

  • d’abord elle reprochait au Préfet de ne pas avoir mis en œuvre de mesures contraignantes à l’encontre de la Société Oil France en vue de l’exécution de travaux de dépollution des sols et de s’être borné à procéder à de simples demandes ou mises en demeure dans des délais anormaux ;
  • par ailleurs, la Mutuelle considérait que l’Etat avait commis une faute en ne donnant pas suite à sa proposition d’effectuer les travaux de dépollution en lieu et place de l’ancien exploitant sur le fondement de l’article L. 512-21 du Code de l’environnement, relatif à la remise en état d’un site pollué par un tiers intéressé ;
  • enfin, il était reproché à l’Etat d’avoir émis des prescriptions incohérentes.

Le juge a rejeté les trois moyens soulevés par la Mutuelle.

Concernant la première faute invoquée, le juge a considéré qu’elle n’est pas caractérisée dès lors qu’il n’appartenait pas au Préfet de mettre en œuvre les mesures contraignantes prévues à l’article L. 171-8 du Code de l’environnement du simple fait qu’ait été constaté l’existence d’un délai pendant lequel une pollution a perduré sur un site à la suite de sa cessation d’activité et de l’absence concomitante de mise en œuvre des mesures coercitives de la part de l’administration. Par ailleurs, le juge a constaté que, dans les faits de l’espèce, il n’existait pas de risque sanitaire pour la population et l’environnement qui justifiait une intervention du Préfet sur le fondement des dispositions précitées et que la demande de la Mutuelle visait principalement à défendre ses intérêts économiques dont l’atteinte ne pouvait être réparée par la mise en œuvre par le Préfet des mesures précitées.

S’agissant de la deuxième faute invoquée, le juge l’a également rejeté au motif, d’une part, que la demande de la Mutuelle sur le fondement de l’article L. 512-21 du Code de l’environnement était formulée en termes généraux et n’avait pas rencontré l’accord de l’exploitant à qui elle devait se substituer, et, d’autre part, que le contenu du dossier que devait remettre le tiers intéressé n’était, à l’époque, pas précisé par les textes.

Concernant enfin la troisième faute invoquée, le juge a considéré qu’elle n’est pas plus caractérisée et a contesté les incohérences soulevées.

Eau – Retrait d’une autorisation d’exploiter une microcentrale hydroélectrique aggravant le risque d’inondation

Le litige porte sur la décision du Préfet des Alpes Maritime du 6 septembre 2011 de retirer à la Société SAS Energie Var 3 l’autorisation qui lui avait été délivrée en application de l’article L. 214-1 du Code de l’environnement, relatif aux autorisations des installations, les ouvrages, travaux et activités (IOTA) entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, pour l’exploitation une microcentrale hydroélectrique située au niveau d’un seuil situé sur le Var.

La requête en annulation de cette décision, déposée par la SAS Energie Var 3, avait d’abord été rejetée en première instance puis en appel. L’affaire ayant été portée devant le Conseil d’Etat, celui-ci a alors cassé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille en considérant que celle-ci n’avait pas suffisamment motivé son arrêt « en jugeant, après avoir relevé que les installations de cette société faisaient obstacle à l’écoulement des eaux du fleuve Var, que ce motif justifiait le retrait de l’autorisation sur le fondement du 2° du II de l’article L. 214-4 du code de l’environnement, sans rechercher si cet obstacle à l’écoulement des eaux avait une incidence, dans les circonstances de l’espèce, sur le risque d’inondation et si, par suite, sa suppression était nécessaire pour prévenir ou faire cesser les inondations » (CE, 16 février 2018, n°393267).

L’affaire ayant été renvoyée devant la Cour administrative d’appel, celle-ci confirme sa position selon laquelle le recours contre l’arrêté prononçant le retrait de l’autorisation devait être rejeté en développant les éléments l’ayant conduit à adopter cette décision.

En particulier, la Cour administrative d’appel relève que le contexte de crues récurrentes sur le fleuve du Var entre 1993 et 2002, provoquées ou aggravées par des aménagements successifs, avait entraîné la nécessité d’abaisser certains seuils qui rehaussaient artificiellement le niveau du fleuve, dans le but notamment de limiter les risques de débordement et donc de prévenir des inondations. Cette opération avait d’ailleurs été préconisée par le schéma d’aménagement et de gestion des eaux de la vallée du Var. Dans ce contexte, et dans la mesure où la microcentrale de la Société SAS Energie Var 3 était construite sur l’un des seuils à abaisser, la destruction de cette exploitation ainsi que de la digue située en travers du fleuve qui supportait la voie d’accès au bâtiment était nécessaire. Partant, le retrait de l’autorisation d’exploitation, qui avait été délivrée pour 45 ans, était indispensable afin de permettre les travaux dont le caractère d’intérêt général était reconnu par l’arrêté préfectoral. La Cour administrative d’appel se fonde encore, pour justifier sa décision, sur une étude technique réalisée par les services de l’Etat ainsi que sur l’absence de solution sérieuse de la part de la Société visant au maintien de son activité.

Les contestations contre les compteurs Linky ne trouvent pas grâce devant la juridiction administrative

L’installation des compteurs Linky d’ENEDIS ne cesse d’être contestée par de nombreuses communes mais cette opposition n’est pas favorablement accueillie par le juge administratif.

Ainsi, dans deux arrêts récents du 5 octobre 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes a rejeté les appels interjetés à l’encontre de deux jugements du Tribunal administratif de Rennes par lesquels le Tribunal a annulé deux délibérations par lesquelles le conseil municipal des communes intéressées avait refusé le déploiement des compteurs « Linky » sur leur territoire communal.

Dans les deux affaires en cause, les conseils municipaux des communes avaient adopté des délibérations par lesquelles elles refusaient l’ « élimination » sur leur territoire des compteurs électriques existants et leur remplacement par les compteurs dits « Linky ».

Ces délibérations avaient été contestées par la société ENEDIS par des recours pour excès de pouvoir introduits devant le Tribunal administratif de Rennes. Le Tribunal ayant jugé les délibérations en cause illégales et prononcé leur annulation, les communes intéressées ont interjeté appel de ces jugements.

La Cour administrative d’appel de Nantes a tout d’abord relevé que les communes étaient membres de syndicats départementaux d’énergie et qu’elles n’étaient donc pas, en application des dispositions combinées de l’article L. 322-4 du Code de l’énergie et du IV de l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales, propriétaires des ouvrages affectés à ces réseaux, et notamment des compteurs électriques installés sur leur territoire.

La Cour administrative d’appel de Nantes a donc jugé que les conseils municipaux des communes intéressées ne disposaient pas, sur le fondement de ces textes, de la compétence pour s’opposer au déploiement des compteurs « Linky » sur leur territoire.

Chaque commune avait également développé un moyen subsidiaire propre, que la Cour administrative d’appel de Nantes a également rejeté.

Dans l’affaire n° 18NT00454, la commune de Bovel se prévalait des dispositions de l’article L. 1321-1 du Code général des collectivités territoriales pour soutenir qu’elle avait conservé la propriété des compteurs électriques depuis le transfert de la compétence en matière d’organisation des réseaux de distribution publique d’électricité au syndicat départemental d’énergie d’Ille-et-Vilaine dont elle était membre. Cependant, la Cour administrative d’appel de Nantes relève que les compteurs électriques, en tant que dispositifs de comptage, font partie du réseau public de distribution d’électricité et que leur propriété avait donc été transférée au syndicat départemental d’énergie d’Ille-et-Vilaine. En conséquence, la commune de Bovel n’était plus propriétaire de ces compteurs de sorte que le conseil municipal de Bovel « n’avait pas davantage compétence pour subordonner, par ces mêmes délibérations, la désaffectation des compteurs d’électricité existants et leur remplacement par les dispositifs de comptage « Linky » à un accord préalable de la commune et à une décision de désaffectation prise par le conseil municipal ».

Dans l’affaire n° 17NT01495, la commune de Cast soutenait que l’implantation des compteurs « Linky » causait un trouble à l’ordre public et que le maire de la commune de Cast était fondé à faire usage de ses pouvoirs de police administrative pour justifier la prise de ces délibérations. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Nantes juge, d’une part, que les troubles à l’ordre public n’étaient pas établis et, d’autre part, que les dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales réservent exclusivement au maire l’exercice des pouvoirs de police et que la commune ne saurait donc les invoquer pour justifier, au titre de la police municipale, les délibérations adoptées par le conseil municipal.

CAA Nantes, 5 oct 2018, req. n° 18NT00454