le 10/01/2019

Confirmation en appel de la validité de cinq contrats de concession de distribution d’électricité conclus sans mise en concurrence en Nouvelle-Calédonie

CAA Paris, 21 décembre 2018, Société anonyme Electricité et Eau de Calédonie (EEC), n° 18PA01476-18PA01481, 18PA01477-18PA01483, 18PA01478-18PA01482, 18PA01479-18PA01484, 18PA01480-18PA01485 (cinq décisions)

Par cinq arrêts du 21 décembre 2018, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé la validité de plusieurs contrats de concession de distribution d’électricité conclus sans procédure de mise en concurrence et de publicité par plusieurs collectivités de Nouvelle-Calédonie.

Entre 2014 et 2016, la société Enercal, gestionnaire à la fois de réseaux de distribution d’électricité et de transport d’électricité en Nouvelle Calédonie, a conclu cinq contrats de concession de distribution d’électricité avec les communes de Poya (signé le 2 juin 2015), de Pouembout (le 25 août 2014), de Kone (signé le 25 septembre 2014), et de Voh (signé le 18 mars 2018), ainsi qu’avec le Syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est (signé le 4 novembre 2016).

Considérant que la conclusion sans publicité ni mise en concurrence de ces contrats était contraire aux principes de la commande publique, la société Electricité et Eau de Calédonie (EEC) a introduit un recours en contestation de validité contre chacun desdits contrats de concession devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie. N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, la société EEC a interjeté appel de cinq jugements devant la Cour administrative d’appel de Paris.

Dans les cinq arrêts commentés, la Cour a tout d’abord repris la jurisprudence du Conseil d’Etat relative aux règles applicables aux contrats de concession des communes de Nouvelle-Calédonie[1] aux termes de laquelle « en l’absence de toute disposition mettant en œuvre les principes fondamentaux de la commande publique […] des motifs d’intérêt général peuvent justifier qu’un pouvoir adjudicateur en aménage les conditions de mise en œuvre, sous le contrôle du juge, afin de tenir compte notamment, s’agissant des délégations de service public, des particularités du service délégué ».

En effet, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire imposant aux communes de Nouvelle-Calédonie de respecter une procédure de mise en concurrence particulière lors de l’attribution des contrats de délégation de service public.

Une telle réglementation n’a pas été adoptée par la Nouvelle-Calédonie, compétente en application de l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, pour édicter les règles relatives à la commande publique.

Il appartient ainsi seulement aux communes de procéder à l’attribution des délégations de service public dans le respect des principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d’efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics en procédant notamment à un avis d’appel public à la concurrence et en assurant une information appropriée des candidats sur les critères de sélection des offres.

Hormis ces règles, les communes conservent donc une certaine part de liberté dans l’organisation de la procédure de mise en concurrence et peuvent même déroger aux principes fondamentaux de la commande publique lorsque des circonstances particulières le justifient et en présence d’un motif d’intérêt général.

C’est ce que la Cour a précisé dans les affaires ici commentées toutes relatives à l’attribution de concessions de distribution électrique qui relèvent de la compétence des communes en vertu de l’article 51 de la loi organique du 19 mars 1999 précitée.

Se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne[2], la Cour considère ainsi que « c’est à l’autorité adjudicatrice qu’il appartient d’établir, […], l’existence de circonstances particulières justifiant, pour un motif d’intérêt général, une dérogation aux principes fondamentaux de la commande publique et la mise en œuvre d’un tel aménagement » (des conditions de mise en œuvre des principes de la commande publique).

En l’espèce, dans les cinq arrêts commentés, des circonstances particulières justifiaient l’absence de mise en concurrence et de publicité préalable à la conclusion des cinq contrats litigieux, résultant de « la structure particulière du réseau de distribution d’électricité […] » qui « rendrait techniquement complexe, et financièrement coûteuse, l’attribution de la gestion de ce réseau à tout autre délégataire […] » que la société Enercal.

Pour la Cour, ces circonstances sont au cas précis « la dispersion de la population », les « particularités topographiques du territoire à desservir », le fait que « la gestion distincte des réseaux de transport et de distribution d’électricité nécessiterait la création de  » points-frontières », et « l’installation, à la jonction des deux réseaux, d’un grand nombre de dispositifs de comptage et de détection de pannes supplémentaires ». 

Les requêtes d’appel de la société EEC ont donc été rejetées

[1] CE, 27 mars 2015, Ministre des Outre-Mer, n°386646, concernant le renouvellement sans mise en concurrence ni publicité du contrat de distribution d’électricité conclu entre le Syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est et la société Enercal.

[2] CJUE, 14 septembre 2004, Commission c. République italienne, n° C-385/02.