le 19/12/2018

Le Conseil d’Etat apporte un éclairage sur la répartition des compétences en matière de contrats de mobiliers urbains

CE, 28 novembre 2018, La société Philippe Vediaud Publicité, n° 414377

CE, 28 novembre 2018, La société Philippe Vediaud Publicité,  n° 414384

Par deux décisions du 28 novembre 2018, le Conseil d’Etat a apporté un éclairage sur la répartition des compétences entre intercommunalités et communes membres par rapport à l’attribution de marchés de mobiliers urbains.

La commune de Bègles et la commune d’Eysine ont chacune conclu avec la société CDA Publimédia un contrat aux termes duquel cette société s’engageait principalement à fournir, installer, maintenir et entretenir des mobiliers publicitaires d’information municipales sur le territoire de la commune, ainsi qu’à imprimer et mettre en place les affiches municipales, la société se rémunérant en louant à des annonceurs les espaces non utilisés pour l’affichage municipal.

Les deux communes étaient membres de la Communauté urbaine de Bordeaux, laquelle était compétente de plein droit, en vertu du 11° de l’article L. 5215-20-1 du CGCT en matière de « voirie et signalisation ».

La légalité des contrats a été contestée par la Société Philippe Védiaud publicité, candidat évincé. La Cour administrative d’appel de Bordeaux, saisie en appel, a, par deux arrêts du 17 juillet 2017, jugé illicites ces contrats comme dépourvus de cause au motif que les communes cocontractantes ne pouvaient transférer à leur cocontractant, en contrepartie des prestations obtenues, un droit d’exploitation de ces espaces publicitaires dont elles ne disposaient pas.

Telle n’est pas la position adoptée par le Conseil d’Etat.

La Haute Juridiction relève d’abord que le marché de mobilier urbain dont il était question en l’espèce, passé par les communes de Bègles et d’Eysine, avait pour objet de permettre la réalisation et la fourniture de prestations de service en matière d’information municipale par voie d’affichage. Ce contrat répondait donc aux besoins des Communes.

Et le Conseil d’Etat retient qu’un tel contrat ne constitue ni une simple convention domaniale, ni une convention se rapportant à la gestion de la voirie.

Le Conseil d’Etat tient en conséquence le raisonnement suivant :

« 5. Par suite, si l’installation sur le domaine public routier des dispositifs de mobilier urbain nécessitait la délivrance d’une autorisation de la part du gestionnaire du domaine public, celui-ci n’était compétent ni pour prendre la décision de recourir à ce mode d’affichage, ni pour l’exploiter. La cour administrative d’appel de Bordeaux a, dès lors, commis une erreur de droit en déduisant de la circonstance que l’implantation des mobiliers urbains sur le domaine public routier nécessitait la délivrance d’une permission de voirie par la communauté urbaine de Bordeaux l’incompétence de la commune pour passer un tel contrat ». 

Dit autrement, si l’intercommunalité, -Communauté urbaine en l’espèce-, est seule gestionnaire du domaine public en application de l’article L. 5215-20-1 du CGCT, celle-ci n’est compétente ni pour prendre de décision de recourir à ce mode d’affichage, ni pour exploiter.

A cet égard, les conclusions du rapporteur public, qui ont été suivies par le Conseil d’Etat, sur ces deux décisions sont intéressantes pour comprendre la frontière tracée entre les compétences :

«  Dès lors, la seule compétence qu’exerce la communauté urbaine vis-à-vis des mobiliers urbains est celle de les autoriser à s’implanter sur le domaine public. Cette compétence ne lui donne aucun pouvoir sur la gestion de ces installations, pas davantage que l’autorisation délivrée à un restaurateur d’installer une terrasse ne donne à la personne publique gestionnaire du domaine de compétence pour élaborer les menus. […] En juger différemment comme l’a fait la cour aurait d’ailleurs pour effet d’interdire aux communes d’externaliser la diffusion de leur information municipale puisqu’elles ne pourraient elles-mêmes conclure de contrats en ce sens et que la Communauté urbaine ne le pourrait pas davantage puisqu’elle n’exerce aucune compétence en matière de diffusion de l’information municipale de ses membres ».

Il conviendra donc de redoubler de vigilance à l’occasion de la conclusion de tels contrats afin de s’assurer que la personne publique qui conclut ce contrat est bien la personne compétente.