le 19/12/2018

Rappel des conditions de la protection de son nom par une collectivité territoriale

CA Paris, pôle 5 chambre 1, 26 juin 2018, n° 17/06317

Par un arrêt en date du 28 juin 2018 la Cour d’appel de Paris est venu préciser à quelles conditions une collectivité territoriale peut faire interdire à un tiers l’utilisation de son nom à titre de marque.

Pour rappel, en vertu de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) il est possible de déposer le nom d’une collectivité territoriale à titre de marque.

Mais, si le nom d’une collectivité peut être déposé en tant que marque par la collectivité concernée, il peut également être déposé par toute autre personne justifiant d’un intérêt légitime, dès lors que l’utilisation du nom ne crée aucun risque de confusion avec les activités de la collectivité (CA Versailles, 13 sept. 2007, n° 06/03071 : JurisData n° 2007-346646).

La loi dite « Hamon » n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et son décret d’application du 15 juin 2015 ont mis en place un privilège et offrent certains moyens aux collectivités territoriales. Ainsi, une procédure d’alerte prévu à l’article L. 712-2-1 du CPI permet désormais aux collectivités locales et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’être informés par l’INPI dans les cinq jours ouvrables suivant la publication d’un dépôt de demande d’enregistrement de la marque contenant leur nom.

En l’espèce, un particulier avait déposé à titre de marque le signe « # PARIS » dans les classes 14, 18 et 25 auprès de l’INPI.

En vertu de la loi HAMON précitée, la commune de Paris a fait opposition à cette demande d’enregistrement en invoquant une atteinte au nom, à l’image et à la renommée de la collectivité.

Dans un premier temps la Cour d’appel de Paris a rappelé que « l’article L. 711-4 h) du CPI n’a pas pour objet d’interdire aux tiers, de manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où il résulte de ce dépôt une atteinte à des intérêts publics.

En effet, l’atteinte aux droits d’une collectivité territoriale sur son nom, son image ou sa renommée n’est constituée que pour autant que celle-ci établisse que l’enregistrement du signe peut entraîner un risque de confusion avec ses propres attributions où est de nature à lui porter préjudice ou à porter préjudice à ses administrés ».

Puis, la Cour a retenu qu’en l’espèce, « il existe une grande proximité entre le signe « # PARIS » de la demande d’enregistrement et le nom « PARIS », dès lors que la dénomination « PARIS », seul élément verbal du signe contesté, en constitue l’élément essentiel ».

Enfin, la Cour a pris le soin de vérifier que la commune de Paris, pour se prévaloir des dispositions de la loi HAMON, justifiait bien qu’elle est active dans les domaines d’activité concernés par les produits des classes 14, 18 et 25 désignés dans l’enregistrement de la marque contestée. Et en effet, ce nom bénéficie d’une exceptionnelle notoriété non seulement en tant que capitale de la France mais également en raison de sa renommée mondiale dans les domaines du luxe notamment dans les secteurs de l’habillement, de la bijouterie, de la joaillerie, de la maroquinerie ou de la parfumerie.

De l’ensemble de ces éléments, la Cour a ainsi pu juger que le risque de confusion est particulièrement élevé pour les produits désignés dans l’enregistrement de la marque contestée et par voie de conséquence a pu en déduire que « le signe contesté « # PARIS » est de nature à porter atteinte au nom et à la renommée de la commune de Paris, étant susceptible d’empêcher ou d’entraver l’utilisation par celle-ci de son nom « Paris » pour commercialiser des produits en classes 14 et 18 ou du hashtag « # PARIS » pour communiquer, notamment sur les réseaux sociaux, sur des événements qu’elle soutiendrait concernant les produits précités ; le signe contesté est également de nature à porter atteinte aux intérêts des parisiens, administrés de la commune de Paris, notamment des acteurs économiques intervenant dans les mêmes secteurs d’activité ».

Cette décision permet donc d’observer le cheminement intellectuel suivi par les juge afin de pouvoir décider qu’une demande d’enregistrement de marque porte atteinte à une collectivité territoriale. Ce fût l’occasion de rappeler que le privilège dont jouissent les collectivités territoriales sur leur nom n’est pas absolu et que les conditions pour l’activer doivent être réunies pour obtenir une décision favorable.