Les 12 principaux apports de la loi PACTE pour les entreprises

Par sa décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur certaines dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Loi PACTE), dont il avait été saisi par quatre recours émanant, pour deux d’entre eux, de plus de soixante députés et, pour les deux autres, de plus de soixante sénateurs.

Alors que le projet de loi initial comprenait 71 articles, la loi qui a été adoptée en comportait finalement 221.

La Loi PACTE a été promulguée le 22 mai 2019.

 

Les principales mesures pour les Entreprises

1 – La loi PACTE fixe les nouveaux enjeux pour une économie responsable.

Une des mesures phares de la loi PACTE sur l’objet social de l’entreprise qui consistait en la modification de l’article 1833 du Code civil a abouti à la reformulation de l’article.

Afin que l’objet social de toutes les sociétés intègre la considération des enjeux sociaux et environnementaux, l’article a été complété par un alinéa ainsi rédigé :          

« La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité »

En complément, l’article 1835 du Code civil a également été modifié pour y figurer une raison d’être dans les statuts d’une société, peu importe sa forme juridique comme le précise cet extrait de l’article 169 de la loi PACTE : « Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité »

Enfin, la loi crée le statut d’entreprise à mission.

Ces sociétés définissent statutairement, en plus du but lucratif, une finalité d’ordre social ou environnemental.

Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :

  1. « Ses statuts précisent une raison d’être, au sens de l’article 1835 du code civil » ;
  2. « Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ».

Un comité de mission (composé d’un salarié minimum) est chargé exclusivement du suivi et devra présenter un rapport chaque année, joint au rapport de gestion.

Il est précisé qu’il devra « procéder à toute vérification qu’il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission ».

Un organisme tiers indépendant devra vérifier l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux.

D’une manière générale le concept d’entreprise à mission est un terme qui renvoie à un nouveau type d’entreprise hybride, au carrefour de l’entrepreneuriat classique et de l’économie sociale et solidaire, qui prend en compte l’intérêt général et les enjeux sociaux et environnementaux en plus de la dimension économique.

 

2 – La Loi PACTE prévoit des mesures pour inciter les entrepreneurs à adopter le statut de l’EIRL

Ainsi, les entrepreneurs pourront choisir d’exercer leur activité sous le statut de l’ Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) même avec un patrimoine affecté sans valeur. Ils n’auront plus besoin de faire évaluer par un expert les biens affectés d’une valeur supérieure à 30.000 €.

 

3 – La loi PACTE impose une représentation équilibrée homme-femmes au sein des organes de gestion des sociétés anonymes

Le non-respect des règles de représentation équilibrée hommes-femmes au sein du conseil d’administration peut désormais entraîner la nullité des délibérations auxquelles a pris part le membre du conseil irrégulièrement nommé.

L’article 188 de la Loi PACTE impose au Directeur Général de proposer des candidats au conseil en s’efforçant de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes (nouvel article L. 225-53 du Code de commerce).

Des mesures similaires sont prévues pour les sociétés anonymes à directoire.

Les sanctions prévues en cas de non-respect des règles de représentation équilibrée hommes-femmes au sein du conseil d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions sont renforcées.

En effet, auparavant, la loi sanctionnait par la nullité toute nomination intervenue en violation de ces règles, mais cette nullité n’entraînait pas celle des délibérations auxquelles avait pris part le membre du conseil irrégulièrement nommé.

Cette règle est supprimée par la loi PACTE (articles L. 225-18-1, L. 225-69-1 et L. 226-4-1 modifiés), de sorte que la nullité de la nomination irrégulière peut entraîner celle des délibérations auxquelles a participé le mandataire social

Toutefois, les membres du conseil d’administration ou de surveillance de sociétés anonymes élus par les salariés ne sont pas pris en compte pour les règles de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

 

4 – La loi Pacte augmente le nombre de salariés au sein des conseils d’administration

Dans le but de renforcer la représentation des salariés au sein des conseils d’administration, une société soumise à l’obligation de désigner des administrateurs salariés, conformément aux dispositions de l’article L. 225-27-1 du Code de commerce, devra compter deux administrateurs salariés dès lors que son conseil d’administration compte plus de 8 administrateurs non-salariés.

Ce seuil ne s’appliquera qu’aux sociétés de plus de 1.000 salariés en France ou 5.000 salariés en France et à l’étranger (art. 62).

 

5 – La loi PACTE assouplit les conditions d’octroi d’avances en compte courant d’associé

Désormais, tout associé quel que soit la fraction de capital qu’il détient peut désormais consentir des avances en compte courant à sa société. La précédente règle prévoyait un minimum de détention de 5% dans les sociétés civiles, SARL et sociétés par actions.

Afin de favoriser le financement des entreprises, la loi PACTE supprime la condition de détention du capital imposée aux associés (article 76 de la loi).

Désormais, les dispositions de l’article L. 312-2 du Code monétaire et financier, qui étaient applicables aux gérants, administrateurs, membres du directoire et du conseil de surveillance, sont maintenant étendues au directeur général, au directeur général délégué de société anonyme et au président de société par actions simplifiée.

 

6 – La loi PACTE instaure un nouveau régime des actions de préférence

Pour rappel, les actions de préférence sont des titres de capital, « avec ou sans droit de vote, assortis de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent » (article L. 228-11, al. 1er). Elles peuvent être émises seulement par des sociétés par actions (SA, SCA et SAS).

La loi PACTE vient ainsi modifier plusieurs articles du Code de commerce relatifs aux actions de préférence.

Tout d’abord, la loi PACTE autorise dans toutes les sociétés par action non cotées la création d’actions de préférence à droit de vote multiple (ou encore à droit de vote double sans avoir à respecter les conditions posées par le Code de commerce) alors qu’avant seule la SAS pouvait prévoir des droits de vote multiples (article L. 228-11, al. 1er mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 2°, a).

Elle permet également de retirer le droit préférentiel de souscription à toutes les actions de préférence comportant des droits financiers limités alors qu’avant cela n’était autorisé que pour les actions sans droit de vote à l’émission (article L. 228-11, al. 5 mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 2°, b).

Elle permet, en outre, le rachat des actions de préférence à l’initiative conjointe de la société et du détenteur de l’action de préférence, et non plus seulement à l’initiative exclusive de la société comme c’était précisé avant (article L. 228-12, III, 4° mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 3°).

Enfin, elle clarifie le champ de la procédure des avantages particuliers, qui impose notamment en cas d’émission la désignation d’un commissaire aux apports. Il vient ainsi préciser que la procédure des avantages particuliers s’applique non seulement aux actionnaires existants, mais aussi aux personnes qui le deviennent au moment de la souscription (article L. 228-15, al. 1er mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 4°).

Toutes ces nouvelles mesures sont applicables uniquement aux actions de préférence émises à compter de la publication de la loi (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, II).

 

7 – La loi PACTE modifie le régime de désignation des commissaires aux comptes

Désormais, l’entreprise devra avoir recours à un commissaire aux comptes afin de faire certifier ses comptes si elle remplit au moins deux critères sur les trois suivants :

  • Avoir un bilan supérieur ou égal à 4 millions d’euros ;
  • Avoir un chiffre d’affaires hors taxes supérieur ou égal à 8 millions d’euros ;
  • Avoir un effectif supérieur ou égal à 50 personnes.

Les seuils seront appliqués quelle que soit la forme juridique de la société.

Le but poursuivi par cette mesure est d’alléger les coûts des entreprises et de faciliter leur développement pour les plus petites d’entre elles.

La loi prévoit également qu’une société qui contrôle une ou plusieurs sociétés au sens de l’article L. 233-3 a l’obligation de désigner un Commissaire aux comptes lorsque l’ensemble qu’elle forme avec la ou les sociétés qu’elle contrôle dépasse les seuils fixés ci-dessus.

Les députés ont donc supprimé l’obligation sans condition de nommer des commissaires aux comptes pour les sociétés qui contrôlent ou qui sont contrôlées.

En outre, cette obligation de nommer un commissaire aux comptes ne s’applique pas lorsque la société qui contrôle la ou les sociétés est déjà elle-même contrôlée par une société dotée d’un Commissaire aux Comptes.

Enfin, il est toujours possible de nommer un commissaire aux comptes de manière volontaire.

En revanche, les Entreprises Publiques Locales (SEM et SPL) ne seront pas soumises à ces dispositions et seront donc toujours concernées par l’obligation de désigner un commissaire aux comptes.

 

8 – La loi PACTE simplifie la création des entreprises

Afin de faciliter la création d’entreprise, plusieurs mesures sont mises en œuvre par la loi PACTE : lancement d’une plate-forme en ligne afin de créer son entreprise, création d’un registre général des entreprises dématérialisé et la possibilité de publier des annonces légales en ligne.

 

9 – La loi PACTE simplifie la transformation et le rebond des entreprises.

La loi PACTE instaure trois mesures permettant de faciliter la transformation des entreprises : réforme de la liquidation judiciaire, transposition de la directive « insolvabilité » et réforme de la procédure de radiation.

Désormais, la procédure de liquidation judiciaire sera simplifiée afin de clôturer les procédures plus rapidement (entre 6 et 9 mois) si les entreprises n’emploient pas plus de cinq salarié et que leur chiffre d’affaires est inférieur à 750.000 euros.

La loi prévoit aussi de faciliter le rebond des entrepreneurs en proposant un recours plus automatisé à la procédure de rétablissement professionnel.

Cette procédure permet d’effacer les dettes d’une entreprise à condition que l’entreprise n’emploie pas de salariés et détienne moins de 5.000 euros d’actifs.

Enfin, des procédures préventives seront développées afin de minimiser le nombre de liquidations judiciaires. Les créanciers seront classés par ordre. Les délais et coûts des procédures d’insolvabilité seront réduits en prévoyant notamment la compétence des autorités administratives et judiciaires en charge des procédures et l’usage des moyens électroniques de communication.

La procédure de radiation sera elle aussi harmonisée à tous les fichiers administratifs.

 

10 – La loi PACTE rend transparente la rémunération des dirigeants

Dans les entreprises cotées, les écarts de rémunération entre les dirigeants et le salaire moyen et médian des salariés devront être communiqués. L’entreprise devra aussi indiquer l‘évolution de ces ratios d’équités sur une période de cinq ans.

 

11 – La loi PACTE encourage l’intéressement et la participation.

La loi Pacte simplifie les dispositifs d’intéressement et de participation, qui permettent aux salariés de bénéficier des profits de leur entreprise quand elle se porte bien. Le forfait social de 20% est supprimé pour les entreprises de 0 à 250 salariés en ce qui concerne l’intéressement, et pour les entreprises de 0 à 50 salariés en ce qui concerne la participation.

Les sociétés seront ainsi incitées à partager leurs profits avec les employés.

Aujourd’hui, une entreprise qui emploie au moins 50 salariés pendant 12 mois au cours des 3 derniers exercices doit prévoir un accord de participation. La Loi permet dorénavant à cette entreprise de le faire seulement à partir du premier exercice suivant 5 années civiles consécutives d’atteinte de ces seuils.

 

12 – La loi PACTE renforce la procédure des conventions règlementées

L’article 198, IV de la loi PACTE adapte en partie le contrôle des conventions réglementées dans les SA à la directive européenne 2017/828 du 17 mai 2017 en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires.

Les mesures prévues portent tout d’abord sur les sociétés cotées, qui seront désormais obligées de publier sur leur site les informations concernant les conventions réglementées au moment de leur conclusion. La loi comprend également des mesures qui affectent les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions non cotées.

La loi PACTE supprime ainsi la mention « possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital » de l’article L. 225-37-4 et la remplace par « contrôlée par la première au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ».

Devront ainsi être mentionnées les conventions réglementées conclues non seulement avec les sociétés dont la société anonyme détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital, mais aussi avec les sociétés (article L. 233-3, I) :

  • dont elle détient la majorité des droits de vote en vertu d’un accord conclu avec les actionnaires,
  • ou sur lesquelles elle exerce un contrôle de fait,
  • ou dont elle est un associé ou actionnaire disposant du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres de la direction,
  • ou dont elle détient directement ou indirectement plus de 40 % des droits de vote et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient une fraction de droits de vote supérieure à la sienne.

Toute personne intéressée pourra alors demander au président du Tribunal statuant en référé d’obliger le directoire ou le conseil d’administration de signaler les informations manquantes. Par ailleurs, les sociétés seront tenues de communiquer aux actionnaires la liste des conventions sur les opérations courantes conclues à des conditions normales.

Enfin, toute personne intéressée directement ou indirectement ne pourra pas prendre part aux délibérations du conseil d’administration ou de surveillance et au vote sur l’autorisation de la convention.

 

Par Hakim Ziane, Avocat senior référent

Cession des droits de commercialité : pourquoi et comment ?

 

Principe : Dans les communes de plus de 200.000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable du maire et peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation d’autres locaux ayant un autre usage. En pratique, la compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage s’opère, entre opérateurs, au moyen d’une « cession de commercialité », c’est-à-dire d’un contrat aux termes duquel, un opérateur qui transforme en habitation des locaux affectés à un autre usage, cède sa commercialité à un autre opérateur qui fait l’opération inverse. Cette opération consiste, pour l’opérateur qui ne peut opérer de conversion sur des immeubles lui appartenant, d’acquérir alors d’un tiers la transformation imposée par l’administration et payer cette opération. Il acquiert alors la « commercialité » indispensable à la poursuite de son programme.

 

Exemple : A Paris, l’usage d’habitation d’immeubles peut être modifié sous réserve de la mise en œuvre d’une compensation par les locaux qui doivent correspondre, d’une part, à des unités de logement de qualité et de surface équivalente, et d’autre part, qui sont dans le même arrondissement que les locaux faisant l’objet du changement d’usage. A noter qu’il existe également un secteur renforcée où les règles de compensation sont plus contraignantes.

 

Mise en pratique : La cession de commercialité relève de la liberté contractuelle des parties et n’est soumise à aucun formalisme particuliers. Ainsi, elle s’exécute par acte sous seing privé entre le titulaire de droits à commercialité et le candidat à la transformation de locaux à usage d’habitation en un autre usage.

 

Par romain Desaix, Avocat senior référent

SCI : Vigilance quant à l’objet social

 

Principe : Le vendeur est tenu des vices cachés de la chose vendue, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. Une présomption irréfragable de connaissance du vice pèse sur le vendeur professionnel.

A ce titre est qualifiée de vendeur professionnel la société civile immobilière qui agit dans le cadre de son objet social, encore faut-il que son objet social prévoit expressément la vente d’immeuble, ce qui n’était pas le cas dans l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 mars 2019.

 

Clarification : En l’espèce, une SCI vend des lots d’un immeuble en copropriété.

Soutenant que le sous-sol avait été inclus à tort dans la surface privative du bien et qu’il avait découvert après la vente l’impossibilité d’utiliser les emplacements de stationnement avec un véhicule de taille moyenne, l’acheteur assigne la SCI en diminution du prix de vente et en réparation de son préjudice.

Mais, en relevant que la SCI, qui, aux termes de ses statuts, avait pour objet « l’acquisition par voie d’achat ou d’apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, l’aménagement, la gestion directe ou indirecte des biens et droits immobiliers dépendant des divers immeubles ci-après désignés […] et généralement toutes opérations civiles pouvant se rattacher directement à cet objet ou susceptibles d’en favoriser le développement », la Cour d’appel a pu en déduire que la vente d’immeuble n’entrait pas dans son objet social et qu’elle pouvait se prévaloir de la clause d’exonération de la garantie des vices cachés prévue dans l’acte de vente.

 

Apport : Si la vente d’immeubles n’est pas stipulée dans l’objet social d’une SCI, celle-ci peut se prévaloir de l’exonération de la garantie des vices cachés.

 

Par Charlotte Duvernois, Avocate senior

Crédit-bail immobilier : quel acte confère au crédit-preneur la qualité de propriétaire ?

 

Principe : Le crédit-bail immobilier est un mode privilégié de financement d’acquisition de biens professionnels, qu’il s’agisse notamment de bureaux, commerces, locaux d’activités ou hébergements hôteliers, et permet d’exploiter dans de bonnes conditions des immeubles affectés à une activité professionnelle. Quoi qu’il en soit, la qualification du crédit-bail immobilier reste la même : il s’agit d’une opération de financement dans laquelle le crédit-bailleur, bien que juridiquement propriétaire de l’immeuble, entend se cantonner à un rôle de financier et laisser à son cocontractant, le crédit-preneur, le soin d’assumer les risques et obligations qui auraient dû ou pu incomber au propriétaire et de régler les questions d’administration courante de l’immeuble. Sur un plan juridique, le crédit-bail est une convention sui generis où se mêlent différents contrats : prêt, location et promesse de vente, suivie, le cas échéant, d’une vente. L’encadrement légal est assez réduit (art. L. 313-7 du Code monétaire et financier), mais la jurisprudence a su, jusqu’à présent, en combler les lacunes. La Cour de cassation est intervenue le 9 janvier 2019 afin de clarifier le point relatif à la nature de l’acte qui confère la qualité de propriétaire au crédit-preneur.

 

Clarification : la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel, lorsque le crédit-bail immobilier prévoit la cession en exécution d’une promesse unilatérale de vente, seule la levée de l’option d’achat par le preneur a pour effet de lui transférer la propriété du bien, à l’exclusion de tout autre acte juridique. Ainsi, le fait pour un crédit-preneur, une SCI, de consentir lui-même un bail sur le bien, antérieurement à la levée de l’option d’achat, ne lui confère pas la qualité de propriétaire du bien.

 

Apport : Cette jurisprudence précise que dans le cadre d’un crédit-bail immobilier, seul l’acte authentique constatant la levée de l’option d’achat par le Preneur a pour effet de lui transférer la propriété du bien.

 

Par Samira Nina, Avocate à la cour

L’obligation de nommer un référent harcèlement sexuel et violences sexistes

 

La nouvelle obligation: Toutes les entreprises de plus de 11 salariés sont dotée d’un comité social et économique (CSE), depuis le 1er janvier 2019 et doivent donc désormais nommer un spécialiste du harcèlement sexuel et des comportements sexistes. Les membres du CSE doivent en effet désigner en leur sein un de leurs membres (élus ou suppléants) comme référent harcèlement sexuel.

Dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés, la direction doit nommer au sein de l’entreprise un deuxième référent, qui a les mêmes pouvoirs.

il s’agit d’une nouvelle obligation, entrée en vigueur au 1er janvier 2019, en application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

 

Les Apports : les entreprises disposent désormais d’un référent ayant bénéficié de la formation en santé, sécurité et conditions de travail nécessaire à l’exercice de ses missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-18).

Le référent doit apprendre à distinguer les faits de harcèlement sexuel et violences sexistes des situations voisines mais distinctes. Il doit être formé aux délit de harcèlement sexuel et aux actions civiles et pénales qui en découlent.

Ce référent doit ainsi réaliser au sein de l’entreprise des actions de sensibilisation et de formation, mettre en œuvre les procédures internes de signalement et de traitement des situations de harcèlement sexuel.

 

Ce que cela change : Le référent est désormais chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.  

L’objectif de la nomination du référent est de permettre aux salariés de trouver un interlocuteur vers qui se tourner, pour être écoutés, orientés et accompagnés. Les référents constitueront donc des relais.

 

Par Manon Boinet, Avocate à la cour

Cautionnement : comment s’apprécient les capacités du remboursement d’une caution ?

 

Principe : La caution est un second débiteur que le créancier s’est donné. Il a contre elle les mêmes droits et actions que contre le débiteur principal. À l’échéance, si le débiteur principal est défaillant, il peut exiger de la caution l’exécution de la garantie. Il peut aussi, s’il a des raisons de craindre la défaillance du débiteur, prendre à titre préventif des mesures conservatoires contre la caution. Toute poursuite en exécution est cependant subordonnée à l’exigibilité de la créance garantie. L’exécution, elle-même soumise à certaines conditions, peut être perturbée par une procédure collective de la caution et connaît certaines limites, lesquelles peuvent aussi résulter des autres engagements de la caution. Il faut en effet que la caution soit en capacité de faire face à ses obligations.

 

Clarification : La Cour de cassation a ainsi jugé que la capacité de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée s’appréciait en considération de son endettement global. En l’espèce la caution d’une société avait été actionnée, à la même période, par deux banques créancières. La Cour d’appel avait jugé que le cautionnement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion, mais avait retenu que le patrimoine immobilier de la caution lui permettait, au jour où elle avait été appelée, de faire face à son obligation. La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en jugeant que la cour d’appel aurait dû tenir compte des autres engagements de la caution.

 

Apport : La proportion ou disproportion de l’engagement de la caution s’apprécie non seulement au jour de la formation du contrat, mais également au jour de sa mise en œuvre et ne s’apprécie pas seulement à l’aune de ses biens et revenus, mais aussi en fonction de son « endettement global ».

 

Par Aliénor De Roux, Avocate senior référent

Pop-up store, le nouveau format vedette du retail : un package juridique en 3 étapes

1 –  Créer une société

Dans un premier temps, il est conseillé de constituer une société : sous la forme d’une société à responsabilité limitée (SARL) ou d’une société par actions simplifiée (SAS). Cela assurera la protection du patrimoine grâce à l’écran de la personnalité morale. La SAS sera préférable dans l’hypothèse où votre concept attirerait des investisseurs.

 

2 – Conclure un bail / une convention

Dans un deuxième temps, il faut garder en tête que le pop-up store n’est pas soumis à la législation relative aux baux commerciaux qui n’est pas adaptée.

Plusieurs outils contractuels sont toutefois disponibles :

  •  Bail dérogatoire soumis à l’article L. 145-5 du Code de commerce
  • Convention d’occupation précaire (COP) soumis à l’article L. 145-5-1 du Code de commerce
  • Contrat de prestation de services (CPS)
  • Contrat de mise à disposition

Le choix du contrat doit en outre être conjugué avec la souscription à une assurance adaptée.

 

3 –  Procéder aux inscriptions auprès du RCS

Enfin, depuis un avis du Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés en date du 27 novembre 2015, chaque ouverture (et chaque fermeture) de pop-up store doit faire l’objet d’une inscription au registre du commerce et des sociétés au titre d’un établissement secondaire tel que défini à l’article R. 123-40 du Code de commerce.

 

Par Alexane Raynaldy, Avocate directrice

 

Droit de préférence du preneur : les contours de l’ordre public dessiné par la Cour de cassation

 

 

Principe : Depuis la loi du 18 juin 2014 dite « Pinel », en application de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, le preneur à bail commercial bénéficie d’un droit de préemption lorsque son bailleur vend l’immeuble, sauf exceptions (cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, cession unique de locaux commerciaux distincts, cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial, cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint).

Ces dispositions s’appliquent à toute cession intervenant à compter du 18 décembre 2014.

Jusqu’à une récente décision de la Cour de cassation, ces dispositions n’étaient toutefois pas considérées comme d’ordre public car elles n’étaient pas expressément visées par l’article L. 145-15 du Code de commerce.

 

La nouveauté juridique : Dans une récente décision du 28 juin 2018, la Cour de cassation affirme que le droit de préférence du preneur codifié à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est d’ordre public.

 

La portée : L’affirmation du caractère d’ordre public de ce droit rejoint ce qu’une partie de la doctrine avait pu soutenir, en dépit de la lettre du texte.

Ainsi, alors même que l’article L. 145-15 du Code de commerce ne range pas expressément l’article L. 145-46-1 parmi les dispositions impératives (celles à l’égard desquelles les stipulations contraires sont réputées non-écrites), il a pu être remarqué que ce droit de préemption constitue malgré tout une règle contraignante, comme l’atteste d’ailleurs la nullité sanctionnant la vente conclue au mépris de ce droit (Cass., ass. plén., 17 mai 2002, n° 00-11.664).

Et d’autres auteurs d’ajouter qu’il ne saurait en aller autrement car, sinon, pourquoi le législateur aurait-il souhaité substituer à la seule volonté des parties (le pacte de préférence), un « dispositif légal très précis » (F. Roussel, B. Saintourens et P. Viudès, Dr. et patr. janv. 2015. 28) ?

Une telle décision amène ainsi à considérer avec prudence les éventuelles dérogations contractuelles susceptibles d’intervenir entre les parties concernant d’autres dispositions statutaires, qui ne seraient pas visées par l’article L.145-15 du Code de commerce. On pense notamment à la question du lissage de la valeur locative en cas de déplafonnement posée par l’article L. 145-34 du Code de commerce et pour laquelle il arrive fréquemment que les parties prévoit une dérogation contractuelle, notamment dans les quartiers où les droits d’entrée se négocient à des prix très élevés. Avec cette récente décision, la Cour de cassation semble en effet vouloir dessiner les nouveaux contours d’un ordre de protection du preneur, pourtant d’ores et déjà établi et codifié.

 

Par Alexane Raynaldy, Avocate directrice

AIRBNB et liberté d’établissement des services


Principe
 : L’article 631-7 du Code de la construction et de l’habitation soumet à autorisation du maire le changement d’usage qui est constitué par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.


Problématique :
Un tel régime, qui repose sur une autorisation préalable du maire pour proposer à la location de type Airbnb son logement, contreviendrait selon un bailleur à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur visant à faciliter l’exercice de la liberté d’établissement pour les prestataires de services.

La Cour de cassation, saisie par un bailleur, a ainsi renvoyé cette question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) laquelle rendra sa décision en fin d’année 2019.


Enjeux :
La CJUE aura à trancher sur l’encadrement législatif de la location touristique qui constitue certes une activité économique de prestation de services, mais également un « fléau urbain » contre lequel luttent pouvoirs publics et législateur.

 

Par Emilie Bacqueyrisses, Avocate senior référent

Notre expertise en Droit Privé des Affaires

Seban & Associés, connu pour être le premier cabinet d’avocats s’adressant à l’ensemble des acteurs publics et de l’économie sociale et solidaire, a également développé depuis 15 ans une expertise incontestable en droit privé des affaires.

En effet, le droit privé des affaires est au cœur des sujets transversaux qu’il traite quotidiennement à travers le droit des entreprises (montages, ressources humaines, propriété intellectuelle et industrielle, contrats), mais aussi le droit de l’immobilier d’entreprise (achat, vente, location, valorisation foncière).

Constitué d’une équipe pluridisciplinaire en ces matières, il est à même d’accompagner les entreprises tout au long de leur vie sociale.

C’est cette expérience, qu’il a souhaité tout naturellement partager à travers cette Lettre de Droit Privé des Affaires (LDPA).

La LDPA a l’ambition de traiter trimestriellement tous les sujets d’actualité juridique touchant au droit des affaires grâce à des brèves et articles, offrant une vision complète et argumentée d’avocats expérimentés dans ce domaine.

Toute l’équipe de la LDPA vous souhaite une bonne lecture.

My-Kim Yang-Paya, Claire-Marie Dubois-Spaenlé, Corinne Metzger, Alexane Raynaldy, Hakim Ziane, Romain Desaix, Marjorie Fredin, Meriem Khelif, Aliénor De Roux, Emilie Bacqueyrisses, Johann Petitfils-Lamuria, Charlotte Duvernois, Samira Nina, Manon Boinet, Clara Bellest

 

 

 

Un pas de plus vers l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise

Pris en application de l’article 104 de la loi nº 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel relatif aux obligations en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, le décret n° 2019-382 du 29 avril 2019 vient préciser la procédure de sanction à l’encontre d’un employeur n’ayant pas publié l’index femmes/hommes ou défini de mesures de correction en cas de résultat insuffisant.

La réforme issue de la loi dite « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 a, en effet, étendu le champ d’application de la pénalité financière prévue à l’article L.2242-8 du Code du travail.

Ce décret tire ainsi les conséquences nécessaires des modifications opérées par la loi « Avenir professionnel » notamment en matière de négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle et la pénalité applicable en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations.

La pénalité prévue en absence d’accord ou de plan d’action sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes l’est désormais aussi en cas d’absence de publication des indicateurs de l’index de l’égalité femmes/hommes ou de définition des mesures de corrections lorsque le résultat obtenu à l’index n’atteint pas 75 points sur 100.

Pour mémoire, le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail et notamment aux modalités d’application et de calcul de l’index égalité femmes/hommes a rendu obligatoire la publication de la note de l’index  dès le 1er mars 2019 pour les entreprises d’au moins 1000 salariés, à compter du 1er septembre pour celles d’au moins 250 salariés et au 1er mars 2020 pour celle d’au moins 50 salariés.

L’agent de contrôle de l’inspection du travail qui constate un manquement de l’employeur à ses obligations en la matière le met en demeure de remédier à la situation dans un délai d’exécution qu’il lui appartient de fixer en fonction de la nature du manquement et de la situation relevée dans l’entreprise.

L’employeur devra alors communiquer dans le délai qui lui est imparti les éléments prouvant qu’il respecte les prescriptions en matière d’égalité professionnelle femmes/hommes. A cet égard l’employeur devra communiquer soit l’accord ou le plan d’action, soit la preuve de la publication de l’index, ou encore la décision qu’il aura prise afin de fixer les mesures correctrices.

Cette pénalité peut être doublée et ne doit pas être confondue avec celle prévue à l’article L. 1142-10 du Code du travail qui peut être appliquée lorsque dans les entreprises d’au moins cinquante salariés les résultats obtenus au regard des indicateurs mentionnés se situent en deçà de 75 sur 100 pendant plus de trois années consécutives.

L’article 1 du décret précise que, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, les objectifs de progression, les actions et les indicateurs chiffrés fixés dans ce domaine tiennent compte des indicateurs de l’index de l’égalité et des mesures de corrections définies en cas de résultats insuffisant.

A noter que la loi « Avenir Professionnel » a supprimé l’obligation pour l’employeur de produire une synthèse du plan d’action sur l’égalité professionnelle.

Lé décret précise que le montant de la pénalité prévues à l’article L. 2242-8 du Code du Travail peut atteindre 1 % des revenus d’activité de l’entreprise. L’article R. 2242-7 précise désormais que les revenus d’activité constituant la base du calcul de cette pénalité sont ceux du mois entier qui suit le terme de la mise en demeure faite par l’agent de contrôle de l’inspection du travail. Cette pénalité est due pour chaque mois entier et jusqu’à la réception par l’inspection du travail d’un des documents prouvant le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière d’égalité professionnelle.

L’article 2 du décret du 29 avril 2019 impose désormais que les indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer soit directement intégrée dans la base de données économiques et sociales en vue de les fournir aux représentants du personnel aux fins des trois consultations récurrentes du CSE.

Précisions sur les conséquences de la requalification d’un contrat à durée déterminée conclu avec un salarié protégé

Par arrêt en date du 5 juin 2019, la Cour de cassation a :

  • rappelé que l’employeur est tenu de saisir l’inspection du travail lorsqu’arrive le terme normal du contrat à durée déterminée d’un salarié protégé ;
  • mais qu’aucune indemnité de requalification n’était due lorsque, du fait de l’absence de saisine de l’inspecteur du travail avant le terme du contrat à durée déterminée conclu avec un salarié investi d’un mandat représentatif, le contrat devient à durée indéterminée.

Cette solution s’explique par le fait que l’employeur ne pourra pas mettre fin au contrat de travail du salarié protégé sans solliciter d’autorisation administrative.

Les employeurs de salariés en contrat à durée déterminée devenus salariés protégés doivent être particulièrement attentifs et saisir avant l’issue du contrat à durée déterminée l’inspection du travail en application de l’article L. 2421-8 du Code du travail.

A défaut le contrat devient à durée indéterminée et il ne pourra être rompu qu’avec l’autorisation de l’inspection du travail et pour un cause réelle et sérieuse.

Le classement illégal dans la voirie communale résultant d’une erreur de l’administration n’est pas constitutif d’une voie de fait

Le juge judiciaire est gardien de la propriété privée, compétence consacrée comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République par la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989 (décision n° 89-256 DC).

Aussi, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge judiciaire dispose ainsi de la compétence pour constater la commission d’une voie de fait, enjoindre à l’administration de la faire cesser et ordonner la réparation des préjudices subis,

Selon le dernier état de la jurisprudence, la voie de fait est constituée lorsque « l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. » (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, n° C3911).

Par le présent arrêt, la Cour de cassation vient préciser que le classement illégal d’un chemin dans la voirie communale résultant d’une erreur de la commune n’est pas constitutif d’une voie de fait dans la mesure où il ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à l’un des pouvoirs de l’administration.

Par conséquent, la Cour d’appel ne pouvait à bon droit condamner, sous astreinte, la commune à procéder au déclassement dudit chemin.

Ce nouvel arrêt, publié au bulletin, s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle de la Cour de cassation visant à circonscrire la notion de voie de fait. (voir en ce sens : 3ème Civ., 13 mai 2014, n° 12-28248 ; 3ème Civ., 15 octobre 2014, n° 13-27484 ; 3ème Civ., 11 mars 2015, n° 13-24133)

Date de référence : les expropriés ne peuvent bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d’urbanisme prévues par l’autorité expropriante

En matière d’expropriation, trois dates sont à prendre en considération pour l’évaluation des biens :

  • l’estimation des bien expropriés correspondant à la date de la décision de première instance, aux termes des dispositions du premier aliéna de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation ;
  • la consistance matérielle et juridique des biens appréciée à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété et, à défaut, à la date de la décision de première instance selon les mêmes dispositions ;
  • et enfin, l’usage effectif du bien, apprécié, quant à lui, à une date dite « de référence », selon deuxième alinéa de l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.


S’agissant de cette dernière date, celle-ci est, en principe, fixée à un avant l’ouverture de l’enquête publique relative à la déclaration d’utilité publique du projet sauf, notamment, lorsque le bien est soumis au droit de préemption urbain, auquel cas il y a lieu de faire application des dispositions des articles L. 213-6 et L. 213-4 du Code de l’expropriation.


La date de référence à retenir est ainsi celle à laquelle a été publié l’acte approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols ou le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.


Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation valide le raisonnement tenu par une Cour d’appel n’ayant pas retenu comme date de référence la date de publication de l’acte déclarant d’utilité publique une opération et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme, date qui ne fait pas partie de celles limitativement prévues par l’article L. 213-4 du Code de l’urbanisme.


L’intérêt de cet arrêt réside dans les motifs justifiant cette exclusion tirés de ce que les expropriés ne peuvent bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d’urbanisme prévues par l’autorité expropriante.

Nouvelle illustration de l’utilisation du référé mesures-utiles en matière contractuelle

Par une décision en date du 29 mai 2019, le Conseil d’Etat a rappelé les conditions dans lesquelles une personne publique peut contraindre son cocontractant défaillant à exécuter ses obligations contractuelles, lorsqu’elle ne dispose pas des moyens de le faire elle-même.

En l’occurrence, l’Université de Rennes 1 avait conclu avec la société Complétel, un marché ayant pour objet la fourniture de services d’adduction à un réseau en très haut débit entre plusieurs sites répartis en Bretagne. A la suite à une rupture du faisceau hertzien sur l’un des sites, la société titulaire a proposé de mettre en œuvre une solution alternative consistant au déploiement de la 4G sur le site concerné. Malgré le recours à cette technologie de substitution, l’Université a constaté une faiblesse du débit de connexion par rapport à celui qui était prévu par les stipulations contractuelles.

Face à ce manquement contractuel, l’Université Rennes 1 a saisi le Tribunal administratif de Rennes dans le cadre d’un référé mesures-utiles, aux fins d’enjoindre la société Complétel de respecter ses obligations contractuelles en rétablissant le débit de connexion du site par tous moyen.

Par une ordonnance en date du 18 février 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de l’Université, et a ordonné à la société Complétel de « rétablir le réseau hertzien ou de mettre en œuvre toute autre technologie permettant de rétablir une connexion d’un débit de 80 Mbits/s sur le site concerné » jusqu’au terme du marché, injonction qui a également été assortie d’une astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter du neuvième jour suivant la notification de l’ordonnance.

A la suite de cette ordonnance, la société Complétel s’est pourvue en cassation pour demander l’annulation de celle-ci et le rejet de la demande de l’Université de Rennes 1.

Pour rejeter le pourvoi, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé le principe, bien établi au sein de la jurisprudence[1], selon lequel « s’il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans l’exécution d’un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle ».

Puis la Haute juridiction administrative a précisé que dans le cas où les pouvoirs exorbitants de l’administration apparaitraient insuffisants pour assurer l’exécution d’un contrat administratif par le cocontractant, le juge du contrat peut prononcer une condamnation du cocontractant à une obligation de faire assortie éventuellement d’une astreinte.

Si cette défaillance du cocontractant se manifeste dans une situation d’urgence, le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de Justice Administrative, peut « ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l’urgence, ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Les obligations du cocontractant doivent être appréciées en tenant compte, le cas échéant, de l’exercice par l’autorité administrative du pouvoir de modification unilatérale dont elle dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs ».

Partant, cette solution s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence administrative qui admet que l’administration puisse, notamment lorsque la continuité du service public est en jeu, recourir à la procédure du référé mesures-utiles pour faire cesser l’inertie du cocontractant défaillant et le contraindre à respecter ses engagements contractuels [2].

 

[1] V. en ce sens: CE, Sect., 13 juillet 1956, OPHLM du département de la Seine, req. n° 37656, p. 343.

[2] V. en ce sens: CE, 29 juillet 2002, Centre hospitalier d’Armentières, req. n° 243500 ; CE, 1er mars 2012, Société Assistance conseil informatique, req. n° 354628 ; CE, 3 juillet 2013, société Véolia Transport Valenciennes Transvilles, req. n° 367760, CE, 25 juin 2018, ADEME, req. n° 418493.

Expérimentation de la nouvelle tarification des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD)

Malgré l’opposition du secteur et l’avis défavorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), un décret du 15 mai dernier relatif à la réforme de la tarification des SAAD a été publié au Journal officiel le 17 mai. Ainsi, un nouveau modèle de financement des SAAD est expérimenté, ce dernier portant sur la modulation des tarifs des SAAD par les départements qui se porteront volontaires dans le cadre d’un appel à candidatures et qui devrait avoir vocation à devenir le nouveau modèle de la tarification des services d’aide à domicile.

Les objectifs annoncés de ce nouveau modèle de financement des SAAD sont de permettre une plus grande équité de traitement, d’assurer l’accessibilité financière et géographique des services pour les bénéficiaires et de rendre l’offre comme les restes à charge pour les usagers plus lisibles. C’est ainsi que le nouveau modèle prévoit un tarif de référence national qui est applicable à tous les SAAD et un complément de financement appelé « modulation positive ».

Le décret précise ainsi la répartition et l’utilisation de l’enveloppe de 50 millions d’euros gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 pour expérimenter ce nouveau modèle de financement. L’enveloppe sera répartie entre les départements en fonction du nombre d’heures d’aide humaine réalisées en 2017 sur leur territoire par les SAAD. Les départements disposaient ainsi de 30 jours – seulement – après la publication du décret pour communiquer à la CNSA ce nombre d’heures. Les crédits devraient ensuite être versés aux départements ayant transmis cette information dans les 45 jours suivant la publication du décret, à qui il revient ensuite de répartir ces crédits entre les SAAD retenus dans le cadre d’un appel à candidatures.

Le cahier des charges de l’appel à candidatures est annexé au décret et prévoit les critères d’éligibilité et de sélection des SAAD candidats. A ce titre sont retenus le profil des personnes prises en charge, l’amplitude horaire d’intervention et les caractéristiques du territoire d’intervention. Les crédits attribués seront versés aux SAAD en contrepartie de la signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens prévu à l’article L. 313-11-1 du code de l’action sociale et des familles entre le conseil départemental et le SAAD ou à celle d’un avenant à ce contrat pluriannuel d’ici le 31 mars 2020. Les tarifs versés conformément aux dispositions du code de l’action sociale et des familles devraient être complétés d’une dotation du département comprenant notamment les crédits attribués par la CNSA dans le cadre de l’expérimentation.

Le CNCPH qui a pu contester la fixation d’un tarif de référence par département ainsi que la contractualisation obligatoire avec les départements, a indiqué que ce texte règlementaire n’a « aucun effet correctif sur les dysfonctionnements du secteur ».

Exclusion du champ de la commande publique des services de représentation légale et de conseil dans la préparation ou de l’éventualité d’un contentieux

La Cour de justice de l’Union européenne vient de préciser, par un arrêt du 6 juin 2019 (C-264/18) rendu sur question préjudicielle, la compatibilité de l’article 10 de la directive 2014/24 (qui concerne les exclusions spécifiques pour les marchés de services) avec le principe général d’égalité de traitement en ce qui concerne les services d’arbitrage et de conciliation, d’une part, et les services fournis par les avocats, d’autre part.

A cette fin, la CJUE rappelle tout d’abord que, conformément à une jurisprudence constante, le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

Sur cette base, le juge considère, en premier lieu, que les services d’arbitrage et de conciliation ne sont pas comparables aux autres services inclus dans le champ d’application de la directive 2014/24. Il estime en effet que « les arbitres et conciliateurs doivent toujours être acceptés par toutes les parties au litige et sont désignés d’un commun accord par celles-ci. Un organisme public qui lancerait une procédure de passation de marchés publics pour un service d’arbitrage ou de conciliation ne saurait, dès lors, imposer à l’autre partie l’adjudicataire de ce marché en tant qu’arbitre ou conciliateur commun ».

En deuxième lieu, en ce qui concerne l’exclusion de certains services fournis par des avocats, le juge précise que l’article 10 « n’exclut pas tous les services susceptibles d’être fournis par un avocat au bénéfice d’un pouvoir adjudicateur du champ d’application de la directive, mais uniquement la représentation légale de son client dans le cadre d’une procédure devant une instance internationale d’arbitrage ou de conciliation, devant les juridictions ou les autorités publiques d’un État membre ou d’un pays tiers ainsi que devant les juridictions ou institutions internationales, mais également le conseil juridique fourni dans le cadre de la préparation ou de l’éventualité d’une telle procédure ».

De telles prestations de services fournies par un avocat ne se conçoivent selon la CJUE que dans le cadre d’une relation intuitu personae entre l’avocat et son client, marquée par la confidentialité la plus stricte.

Or, toujours selon la CJUE :

  • « une telle relation intuitu personae entre l’avocat et son client, caractérisée par le libre choix de son défenseur et le rapport de confiance qui unit le client à son avocat, rend difficile la description objective de la qualité attendue des services à fournir» ;
  • « la confidentialité de la relation entre l’avocat et son client, dont l’objet consiste, (…) tant à sauvegarder le plein exercice des droits de la défense des justiciables qu’à protéger l’exigence selon laquelle tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, pourrait être menacée par l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur, de préciser les conditions d’attribution d’un tel marché ainsi que la publicité qui doit être donnée à de telles conditions.».

Ainsi, eu égard à leurs caractéristiques objectives, les services visés à l’article 10 et fournis par un avocat ne sont pas comparables aux autres services inclus dans le champ d’application de cette directive et peuvent en être écartés.

De quoi relancer le débat sur la fin de la sur-transposition de la directive 2014/24 en droit français, qui avait amené à la rédaction d’un projet de loi en ce sens à l’automne 2018  dont l’adoption était fortement attendue mais a été reportée.

Inconstitutionnalité de la visite du domicile dans le cadre du contrôle de l’usage des locaux destinés à l’habitation

La Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 651-6 du Code de la construction et de l’habitation, et plus précisément ses alinéas 3 et 6 qui disposent respectivement que :

« [Les agents assermentés du service municipal du logement] sont habilités à visiter les locaux à usage d’habitation situés dans le territoire relevant du service municipal du logement ».

et qui :

« En cas de carence de la part de l’occupant ou du gardien du local, l’agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police. Les portes doivent être refermées dans les mêmes conditions ».

La visite du local destiné à l’habitation vise à vérifier si ce dernier est loué meublé de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, une telle pratique constituant un changement d’usage nécessitant une autorisation préalable du maire. Le changement d’usage non autorisé est sanctionné dans les conditions prévues par l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation.

Selon les requérants à l’origine de la QPC, la visite du logement par un agent assermenté sans l’accord de l’occupant ou du gardien du local, et sans autorisation judiciaire pour surmonter ce défaut d’accord préalable, méconnaissait la liberté individuelle et le principe d’inviolabilité du domicile.

Suivant le raisonnement des requérants, le Conseil constitutionnel considère qu’ « en prévoyant ainsi que les agents du service municipal du logement peuvent, pour les motifs exposés ci-dessus, procéder à une telle visite, sans l’accord de l’occupant du local ou de son gardien, et sans y avoir été préalablement autorisés par le juge, le législateur a méconnu le principe d’inviolabilité du domicile ».

Ainsi, le Conseil constitutionnel déclare l’article L. 651-6 alinéa 6 du Code de la construction et de l’habitation contraire à la Constitution, et ce à compter du 5 avril 2019, date de publication de la décision laquelle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Les requérants critiquaient par ailleurs les dispositions de l’article L. 651-7 du même Code permettant aux agents de recueillir tout document sur les conditions d’occupation au motif qu’il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du droit à une procédure juste et équitable, raisonnement que le conseil constitutionnel n’a pas suivi, considérant que de telles dispositions étaient conformes à la constitution.

Cette décision met à mal la lutte des communes contre la location meublée touristique sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction sanctionnant le changement d’usage non autorisé des locaux destinés à l’habitation.

Un dossier de candidature est incomplet faute de joindre une copie électronique à son format papier comme l’exigeait le règlement de consultation !

Par une décision en date du 22 mai 2019, le Conseil d’Etat a jugé qu’une autorité concédante peut rejeter le dossier de candidature manquant à l’obligation de remise des candidatures et des offres sous format papier et électronique de son règlement de consultation.

Dans cette affaire, la collectivité de Corse a rejeté la candidature de la société Corsica Ferries en raison de son incomplétude conformément à l’article 6-1 de son règlement de consultation pour l’attribution de la délégation de service public de transport maritime de passagers et de marchandises entre la Corse et le continent pour la période 2019-2020.

Alors que l’article 6-1 du règlement de consultation prévoyait que « les candidatures et les offres devront être remises en un (1) exemplaire papier, ainsi que sous format électronique (cinq (5) clés USB) », la société évincée avait déposé un dossier de candidature au format papier et au moyen d’un lecteur de CD-Rom, qui s’est révélé être vide.

Après avoir vu ses demandes rejetées par le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Bastia par une ordonnance du 18 décembre 2018, la société requérante s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Après avoir rappelé l’article 23 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession sur les pièces et informations obligatoires des candidatures, le Conseil d’Etat a précisé qu’« une candidature doit être regardée comme incomplète […] dès lors qu’elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au mode de transmission de ces documents, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles ».

Ne relevant donc pas des dispositions de l’article 23 du décret précité, les conditions de présentation des candidatures et des offres constituent des exigences « purement formelles » et uniquement soumise au principe d’égalité de traitement des candidats. Elles doivent donc être non-discriminatoires et justifiées par les caractéristiques spécifiques du contrat[1].

De telles exigences peuvent être fixées par le règlement de consultation qui est, comme le rappelle le Conseil d’Etat dans la décision commentée, « obligatoire dans toutes ses mentions » pour les candidats (cf. CE, 23 novembre 2005, SARL Axialogic, n° 267494).

En l’espèce, la condition fixée à l’article 6-1 du règlement de consultation par la collectivité de Corse n’était pas, selon le Conseil d’Etat, dépourvue de toute utilité dès lors qu’« elle avait pour objet de permettre l’analyse des candidatures déposées dans des délais contraints ». Pour le Conseil d’Etat, c’est donc à bon droit que le juge des référés précontractuels a considéré que la candidature de la société requérante était incomplète en l’absence d’une présentation sous format électronique.

Ecartant deux autres moyens d’annulation tenant à la compétence et à la composition de la commission de délégation de service public, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi en cassation de la société Corsica Ferries.

 

[1] Voir sur ce point les conclusions du rapporteur public, Monsieur Gilles Pellissier, sur la décision commentée publiées sur le site du Conseil d’Etat – ArianeWeb.

Pas de recours « Tarn-et-Garonne » pour les bénéficiaires de subventions contre la décision d’octroi de la subvention publique et sa convention

Par un avis en date du 29 mai dernier, le Conseil d’Etat a précisé que sa jurisprudence du 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne (n°358994), sur le recours en contestation de la validité d’un contrat administratif, ne s’applique pas aux décisions d’octroi d’une subvention publique d’une commune, ni à la convention conclue avec son bénéficiaire en fixant les modalités.

En application de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, cet avis a répondu à la demande de la Cour administrative d’appel de Bordeaux portant sur la question de savoir si le recours « Tarn-et-Garonne » est recevable contre une convention de subvention publique dont les conditions d’attribution et de versement ont été préalablement fixées par la délibération du conseil municipal d’une commune.

La demande de la Cour s’inscrivait dans le cadre d’un litige en appel sur la légalité de la délibération du conseil municipal de Mont-de-Marsan du 19 décembre 2014 attribuant une subvention de 1.500.000 euros à la société Le Club, et de la convention signée le 6 janvier 2015 entre le maire de la commune et la société à cet effet.

Après avoir repris les articles 9-1 et 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relations avec les administrations[1], le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que la « décision qui a pour objet l’attribution d’une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire […] dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi ».

Ces conditions peuvent découler, soit des normes régissant la subvention en cause, soit de la décision d’octroi elle-même, soit de la convention signée avec le bénéficiaire, soit « implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention ».

Puis, en réponse à la question de la Cour, le Conseil d’Etat a considéré que « les recours relatifs à une subvention […] ne peuvent être portés que devant le juge de l’excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d’un intérêt leur donnant qualité à agir », de tels recours pouvant être assortis d’une demande de suspension dans les conditions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Ces litiges peuvent concerner tant la décision d’octroi de la subvention, « quelle qu’en soit la forme », que les conditions d’octroi fixées par cette même décision ou par la convention à signer avec le bénéficiaire, et tous autres décisions administratives portant sur le montant ou les conditions d’octroi de la subvention, ou encore sur l’arrêt du versement ou le remboursement de sommes déjà versées.

En définitive, c’est en toute logique que le Conseil d’Etat écarte la possibilité d’introduire un recours de plein contentieux « Tarn-et-Garonne », réservé uniquement aux contrats

 

[1] Notamment l’obligation de conclure une convention pour les subventions attribuées par une autorité administrative ou un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial dont le montant annuel dépasse la somme de 23 000 euros (cf. art. 10 de la loi du 12 avril 2000 précitée et art. 1er du décret du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques).