Qualification de déchet des terres excavées : un projet d’arrêté soumis à consultation

Un projet d’arrêté fixant les critères de sortie du statut de déchets (SSD) pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’utilisation en génie civil ou en aménagement est soumis à consultation publique depuis le 27 mai 2019 et jusqu’au 20 juin 2019.

Ce décret a pour objet de fixer « les critères dont le respect permet de faire sortir du statut de déchet des terres excavées et sédiments, en s’appuyant sur des opérations de contrôle, et si nécessaire de traitement ».

Le décret prévoit trois conditions pour que ces terres excavées et sédiments puissent sortir du statut de déchets. 

Tout d’abord une condition sur la nature des déchets puisqu’il peut s’agir uniquement de :

  • Terres et cailloux contenant des substances dangereuses (rubrique 17 05 03) ;
  • Terres et cailloux autres que ceux visés précédemment ;
  • Boues de dragage contenant des substances dangereuses (rubrique 17 05 05) ;
  • Boues de dragage autres que celles visées précédemment ;
  • Terres et pierres.

En outre, les terres excavées et sédiments non dangereux issus de la préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement peuvent être mis en œuvre sur un site receveur respectant les critères suivants :

  • La qualité des sols du site receveur est maintenue ;
  • La préservation de la ressource en eau et des écosystèmes présents au droit du site receveur est assurée ;
  • Les terres excavées et sédiments sont compatibles avec l’usage futur du site receveur sur le plan sanitaire.

Enfin, un contrat de cession destiné à valoriser les terres excavées et sédiments doit être conclu entre la personne réalisant la préparation et le tiers qui valorisera les terres excavées et sédiments. Ce contrat doit au minimum comprendre :

  • le site d’excavation des terres excavées et sédiments ;
  • la période d’excavation des terres excavées et sédiments ;
  • le volume de terres excavées et sédiments concerné ;
  • la ou les opérations menées pour la préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement ;
  • le site concerné par l’utilisation en génie civil ou en aménagement ;
  • la période d’utilisation en génie civil ou en aménagement ;
  • l’usage retenu pour l’utilisation en génie civil ou en aménagement conformément aux guides considérés à la section 2 de l’annexe I ;
  • les critères de qualité des terres excavées ou sédiments.

La personne réalisant la préparation doit appliquer un système de gestion de la qualité conforme à l’arrêté ministériel du 19 juin 2015 et satisfaire aux exigences prévues aux article 3 à 6 du projet d’arrêté. On relèvera principalement une exigence de traçabilité des terres excavées et sédiments, ainsi que la nécessité de conserver les éléments démontrant la réunion des conditions de sortie des déchets pendant dix ans. Enfin, le projet d’arrêté prévoit les conditions dans lesquelles le certificat de conformité peut être délivré en fin de processus.

Le document d’information annexé au projet d’arrêté contient un logigramme présentant les étapes obligatoires et facultatives pour être conforme à l’arrêté de SSD auquel il peut être utile de se référer pour une meilleure compréhension.

Un nouveau projet de loi pour une économie circulaire

Le projet de loi, présenté par le Gouvernement le 4 juin dernier fait suite à un premier projet de loi qui devait voir le jour en début d’année mais dont la publication avait été retardée afin de le soumettre aux discussions qui se sont tenue lors du « grand débat national » (voir sur ce point : LAJEE n° 47, Economie circulaire : le projet de loi reporté ).

Le texte, tel que modifié, contient désormais cinq titres portant respectivement sur l’information du consommateur, la lutte contre le gaspillage, la responsabilité des producteurs, la lutte contre les dépôts sauvages, ainsi que des dispositions diverses regroupées au sein d’un titre V.

Ce projet contient différentes mesures portant notamment sur les diagnostics BTP, le renforcement de l’information du consommateur, l’indice de réparabilité ou les conditions de tri. Mais ce sont plus particulièrement les dispositions sur la responsabilité des producteurs (I) et les dépôts sauvages (II) qui ont retenu notre attention et feront l’objet des développements ci-après.

 

I. Les dispositions relatives à la responsabilité des producteurs

Cette responsabilité fait l’objet d’un titre III « La responsabilité des producteurs », organisé en huit articles.

 

  • Principes généraux

Le texte que propose le Gouvernement prévoit tout d’abord de renforcer les mesures de régulation des produits générateurs de déchets. L’article L. 541-9 du Code de l’environnement, tel que rédigé par l’article 8 du projet de loi, devrait ainsi notamment imposer un taux minimal d’incorporation de manière recyclée dans les produits et matériaux mis sur le marché. Par ailleurs, les nouvelles dispositions visant à permettre à l’administration d’obtenir davantage d’informations sur les substances dangereuses contenues dans les produits, les modes de gestion des déchets qui en sont issus et sur les conséquences de leur mise en œuvre. Les autorités administratives pourraient également avoir un droit d’accès aux données élargi aux produits mis sur le marché et aux informations économiques détenues par les producteurs ou leur éco-organisme.

L’article L.541-10 du Code de l’environnement porterait quant à lui exclusivement sur la responsabilité élargie du producteur, dénommée « REP ».

La responsabilité, qui incombait auparavant aux producteurs, importateurs et distributeurs des produits concernés, devrait désormais reposer sur les « producteurs du produit », entendus comme « toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, vend ou importe des produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication » (art. L. 541-10 tel qu’issu de l’article 9 du projet de loi).

Ces producteurs pourraient par ailleurs voir leurs obligations élargies puisqu’ils pourraient être obligés non seulement de « pourvoir ou contribuer à la prévention et à la gestion des déchets », comme cela est actuellement imposé dans le Code de l’environnement, mais également d’adopter une « démarche d’éco-conception des produits, de soutenir les réseaux de réemploi et de réparation […] et de développer le recyclage des déchets issus des produits » (art. L. 541-10 du Code de l’environnement tel que rédigé par l’article 9 du projet de loi).

Ces obligations devraient être prévues par voie réglementaire pour être mises en œuvre.

De plus, le rôle des éco-organisme pourrait être renforcé. En effet, alors que le producteur peut actuellement choisir entre la mise en place d’un système individuel de collecte et de traitement ou la création d’un éco-organisme agréé pour s’acquitter de son obligation de prévention, la mise en place d’un éco-organisme devrait devenir la règle de principe. L’article 9 du projet de loi dispose ainsi que « les producteurs s’acquittent de leur obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés dont ils assurent la gouvernance, auxquels ils transfèrent leur obligation et versent en contrepartie une contribution financière ».

Toutefois, un producteur qui met en place « un système individuel de collecte et de traitement approuvé peut déroger » au principe du recours à l’éco-organisme « lorsque ses produits comportent un marquage permettant d’en identifier l’origine, qu’il assure une reprise sans frais des déchets en tout point du territoire national accompagnée d’une prime de retour visant à prévenir l’abandon des déchets, et qu’il dispose d’une garantie financière en cas de défaillance » (art. L. 541-10 du Code de l’environnement tel que rédigé par l’article 9 du projet de loi).

En revanche, les éco-organismes et systèmes individuels devraient toujours bénéficier d’un agrément pour une durée de six ans renouvelable (même article).

On notera par ailleurs, que l’activité des éco-organismes devrait être davantage encadrée. Ces derniers pourraient en effet être contraints de mettre à la disposition des producteurs une comptabilité analytique pour les différentes catégories de produits et de déchets, de transférer la part de leurs contributions qui n’ont pas été employées en cas de changement d’éco-organisme et de leur permettre d’accéder aux informations techniques des opérateurs de gestion de déchets afin de faciliter l’éco-conception de leurs produits (article L.541-10 tel que rédigé par l’article 9 du projet de loi). En outre, ces organismes, chargés d’une mission d’intérêt général, ne pourraient procéder qu’à des placements financiers sécurisés et ne pas poursuivre de but lucratif pour leurs activités agréées. Enfin, « un censeur d’Etat [serait] chargé de veiller à ce que les éco-organismes disposent des capacités financières suffisantes pour remplir [leurs] obligations ».

Les producteurs soumis au principe de responsabilité élargie sont également davantage contrôlés puisqu’ils doivent s’inscrire sur un registre afin que l’Etat puisse assurer sa mission de suivi et d’observation des filières de REP. Les coûts de la collecte, de la gestion et de la communication des données nécessaires à cette mission sont couverts par une redevance versée par les producteurs ou leur éco-organisme (art. L. 541-10-6 du Code de l’environnement tel que rédigé par l’article 12, I, du projet de loi).

 

  • Liste des filières REP

Alors que la liste des produits soumis au principe de responsabilité élargie du protecteur était auparavant contenue dans des articles éparses (art. L. 541-10-1 à L. 541-10-4 du Code de l’environnement portant notamment sur les imprimés papiers, les équipements électriques et électroniques, les produits textiles d’habillement, les chaussures ou le linge de maison neufs destinés aux ménages ou encore les produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement), cette liste de produits serait élargie (déchets de constructions, jouets, tabac…). et les produits concernés regroupés à l’article L. 541-10-1 du Code de l’environnement (article 10 du projet de loi).

Sans être exhaustif, il convient de mentionner plus particulièrement les filières suivantes :

  • les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages ;
  • les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels, à compter du 1er janvier 2025, à l’exception de ceux utilisés dans le domaine de la restauration ;
  • les imprimés papiers, à l’exception des livres, émis, y compris à titre gratuit, par des donneurs d’ordre ou pour leur compte, à destination des utilisateurs finaux qui produisent des déchets ménagers et assimilés ;
  • les produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment à compter du 1er janvier 2022 ;
  • les équipements électriques et électroniques ;
  • les produits textiles d’habillement, les chaussures ou le linge de maison neufs destinés aux ménages ;
  • les huiles minérales ou synthétiques, lubrifiantes ou industrielles, à compter du 1er janvier 2022.

 

  • Modalités financières et fonctionnement du REP

Le régime applicable aux contributions financières versées par les producteurs de produits aux éco-organismes a également vocation à évoluer. En effet, l’assiette de ces contributions devrait être élargie afin de permettre aux organismes de remplir les missions qui lui sont confiées par la loi . Il est ainsi prévu que le montant de ces contributions couvre « au moins les coûts de la collecte, du transport et du traitement des déchets » (art. L.541-10-2 du Code de l’environnement tel que rédigé par l’article 11 du projet de loi) « ceux qui sont relatifs à la transmission et à la gestion des données nécessaires au suivi de la filière » et « ceux de la communication inter-filières ». Ces contributions pourraient être modulées, le cas échéant, « au regard des meilleures techniques disponibles […], [et] en fonction de critères de performance environnementale » (art. L. 541-10-3 du Code de l’environnement tel que modifié par l’article 11, II, du projet de loi).

Le projet de loi prévoit également l’insertion de critères obligatoires en cas de passation d’un marché entre un éco-organisme et des opérateurs économiques. En effet, il est indiqué que les critères d’attribution devraient prendre en compte le principe de proximité et le recours à l’emploi d’insertion. De plus, « lorsque les marchés portent sur le recyclage ou le traitement de déchets en vue de leur recyclage, l’éco-organisme propose de prendre les matières issues du traitement à un prix positif ou nul ou de prendre en charge les risques financiers relatifs aux variations des prix de revente des matières issues du traitement » (article L. 541-10-4 du Code de l’environnement tel que rédigé par l’article 11 du projet de loi).

 

  • Dispositifs spécifiques

Le projet de loi prévoit des dispositions spécifiques sur les conditions de reprise, la vente en ligne et les consignes.

S’agissant de la reprise, le projet de loi pose le principe selon lequel le producteur ou le distributeur d’un produit doit reprendre sans frais les produits usagés dont l’utilisateur final se défait. Ce principe aurait également vocation à s’appliquer aux ventes en ligne. L’article L. 541-10-8 du Code de l’environnement, tel qu’issu de l’article 13 du projet de loi, aurait vocation à régir les conditions de reprise des produits concernés.

Par ailleurs les ventes en ligne (ou marketplace) n’échapperaient pas à la responsabilité élargie puisque toute personne physique ou morale qui « facilite » les ventes à distance ou la livraison de produits soumis au principe de responsabilités élargie du producteur pour le compte d’un tiers, serait tenue de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent (art. L. 541-10-9 du Code de l’environnement tel que rédigé par l’article 13 du projet de loi).

En outre, l’article 14 du projet de loi prévoit l’ajout d’un article L. 541-10-10 au Code de l’environnement visant à contraindre les producteurs ou leurs éco-organismes à mettre en œuvre un dispositif de consigne pour le recyclage, la réutilisation ou le réemploi des produits consommés ou utilisés par les ménages si cela est « nécessaire pour atteindre les objectifs de collecte ».

Enfin, l’objectif de transition vers un dispositif harmonisé de collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques est avancé puisqu’il est prévu qu’il soit effectif sur l’ensemble du territoire national au 31 décembre 2022 (et non plus au 31 décembre 2025). Cette disposition concerne tout particulièrement les collectivités territoriales qui doivent veiller à sa mise en œuvre (article 15 du projet de loi).

 

II. Les dispositions relatives aux dépôts sauvages

Le titre IV du projet de loi est consacré à la « Lutte contre les dépôts sauvages » qui renforce notamment le dispositif de surveillance et de sanction de ces dépôts.

Le projet de loi prévoit en effet la possibilité pour les autorités publiques compétentes de recourir à la vidéoprotection aux fins d’assurer la prévention des abandons ou dépôts illégaux de déchets (art. L. 251-2 du Code de la sécurité intérieure (CSI) tel que rédigé par l’article 16, I, du projet de loi).

Le dispositif de sanction serait également renforcé puisque des agents supplémentaires pourraient procéder à la recherche et à la constatation d’infractions aux dispositions relatives à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux.

Il s’agirait notamment :

  • des agents des collectivités territoriales habilités et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat (ajout d’un 9° à l’article L. 541-44 du Code de l’environnement par l’article 16 du projet de loi) ;
  • mais aussi des agents spécialement habilités à constater par procès-verbaux les contraventions aux dispositions du code de la route concernant l’arrêt ou le stationnement des véhicules et les gardes champêtres (art. L. 541-3-1 du Code de l’environnement tel qu’ajouté par l’article 16 du projet de loi) ;

Par ailleurs, le non-respect de l’obligation de mise en place d’un tri des déchets à la source par le producteur ou le détenteur de déchets prévue à l’article L. 541-21-2 du Code de l’environnement serait désormais puni de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (art. L. 541-46 du Code de l’environnement tel que modifié par l’article 16 du projet de loi).

Enfin, le projet de loi permet à l’autorité compétente de mettre en demeure le propriétaire d’un véhicule ou d’une épave qui ne serait pas gérée conformément au titre IV du Code de l’environnement sur les déchets et porterait atteinte à l’environnement, à la santé ou à la salubrité publiques (création d’un article L. 541-21-5 du Code de l’envrionnement par l’article 16 du projet de loi).

Il faut finalement noter le III de l’article 16 du projet de loi qui prévoit la modification la rédaction de l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), relatif aux pouvoirs de police des présidents d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, de manière à ce que les maires puissent transférer leur pouvoir de police spéciale qu’ils détiennent en matière de déchets (au-delà de la gestion des déchets ménagers) à ces derniers. 

Par Clémence Du Rostu et Victoria Hautcoeur.

Lien entre l’objet social des EPL et les compétences des collectivités actionnaires : une sortie de crise favorable

1. Il sera rappelé que par un arrêt du 14 novembre 2018 (Conseil d’Etat, 14 novembre 2018, Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles, n° 405628), le Conseil d’Etat avait, en se fondant sur les articles L. 1531-1, L. 1521-1 et L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, considéré que : « la participation d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales à une société publique locale, qui lui confère un siège au conseil d’administration ou au conseil de surveillance et a nécessairement pour effet de lui ouvrir droit à participer au vote des décisions prises par ces organes, est exclue lorsque cette collectivité territoriale ou ce groupement de collectivités territoriales n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société. ».

On se souvient que, jusqu’alors, plusieurs décisions divergentes avaient retenu l’attention au sujet du lien qui doit être établi entre les missions de la SPL et les compétences de chacun de ses actionnaires.

Il en résultait une incertitude sur le fait de savoir si, en présence d’une SPL, une collectivité (ou un groupement de collectivités) ne pouvait y participer :

  • que si elle détenait toutes les compétences correspondant à l’objet social de la société (CAA de Nantes, 19 sept. 2014, Syndicat intercommunal de la Baie et a., n13NT01683) ;
  • ou, de manière moins stricte, que si la partie prépondérante des missions de la société n’excédait pas son domaine de compétence − autrement dit si elle disposait de la ou des compétences correspondant à la partie prépondérante de ces missions (CAA de Lyon, 4 octobre 2016, SEMERAP, n° 14LY02753, objet de ce pourvoi).

La position du Conseil d’Etat était donc très attendue. Celui-ci, toutefois, dans son arrêt de novembre dernier, a opté pour la position la plus stricte avec, pour conséquence, qu’une collectivité ou un groupement de collectivités devait détenir l’ensemble des compétences correspondant à l’objet social de la société d’une SPL – mais aussi d’une SEM puisque la portée de l’arrêt dépasse le seul cas des SPL – pour avoir une participation dans de telles sociétés.

Les implications de cet arrêt, très critiqué, sur de nombreuses EPL existantes ou en cours de création, étaient donc très fortes puisqu’il avait pour effet de fragiliser la plupart d’entre elles au titre de leur actionnariat et, donc, de leur activité et de leur équilibre économique.

 

2. La loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales (publiée au JORF du lendemain) vient toutefois clore le débat à l’issue d’un processus parlementaire très rapide – la proposition de loi a été déposée à la Présidence du Sénat le 7 février 2019 et a fait l’objet d’un appui de la part du Gouvernement.

La loi complète en effet les articles L. 1531-1 et L. 1522-1 du Code général des collectivités territoriales, ainsi que l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme qui traitent, respectivement, des SPL, des SEM, des SPLA et SPLA-IN, en précisant que la réalisation de l’objet de ces sociétés « concourt à l’exercice d’au moins une compétence » de chacun des actionnaires (art. 1, 2 et 3 de la loi).

Désormais, si l’objet social de la société concourt à l’exercice d’une compétence – au moins – de l’actionnaire, la participation de la collectivité ou du groupement de collectivités à cette société est légale. C’est donc une approche très souple en la matière qui prévaut désormais.

Il est en outre important de préciser que la loi s’applique, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, aux sociétés constituées antérieurement à sa date de publication (art. 4 de la loi), permettant ainsi de sécuriser la situation des nombreuses SPL et SEM existantes.

Par Didier Seban et Thomas Rouveyran, Avocats Associés

Sur les erreurs matérielles dans la constitution des listes électorales à la suite de la loi du 1er août 2016 et les possibilités de recours

La loi n° 2016-1048 du 1er aout 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales a intégralement réformé le processus d’établissement de ces listes et fait évoluer les voies de recours contre leur établissement en cas d’erreurs matérielles notamment.

Désormais, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) tient un répertoire électoral unique et permanent (REU). Les listes ne sont par conséquent plus révisées annuellement par les communes, mais permanentes et centralisées au sein du REU.

Les demandes d’inscription et les radiations sont désormais traitées par le maire, et non plus par la commission administrative. Il communique la teneur de ces modifications à l’INSEE, qui en tient compte en mettant à jour le REU. En parallèle, l’INSEE procède d’office à certaines inscriptions et radiations (jeunes majeurs, naturalisations, décès, électeurs inscrits ou radiés à la suite d’une décision de justice, etc.).

Ce système, plus simple d’apparence, a finalement rencontré de nombreuses difficultés dans sa mise en œuvre, et des milliers de personnes se plaignent d’avoir été radiées sans raison ou bien ont constaté des erreurs matérielles dans les informations les concernant qui pourraient fragiliser leur droit de vote le jour du scrutin.

Les collectivités doivent être au fait des différents moyens juridiques à leur disposition, ou à disposition des personnes concernées afin de corriger les listes.

Il est d’abord possible de contester la décision de radiation prononcée par le maire dans le cadre de son pouvoir de traitement de ces demandes, sur le fondement de l’article L. 18, III du Code électoral.

Il est ensuite possible, à tout électeur inscrit, de demander la radiation ou l’inscription de tout électeur situé sur le territoire de sa commune, mais dans des conditions de délai relativement limitées (L. 20, I du Code électoral).

Enfin, le recours devant le Tribunal d’instance reste ouvert à toute personne se prétendant avoir été omise de la liste en raison d’une erreur matérielle, et ce, jusqu’au jour du vote, le TI devant lui-même se prononcer au plus tard le jour du vote.

Publication d’un premier décret pris en application de la loi ELAN relatif à l’urbanisme commercial

Le décret du 17 avril 2019 a été adopté afin de déterminer les modalités de mise en œuvre des articles 163 et 166 de la loi n° 2018-1021 du 21 novembre dernier, dite loi ELAN (d’autres dispositions réglementaires restent à venir en urbanisme commercial pour préciser notamment les conditions de dérogations aux règles d’urbanisme commercial applicables dans le périmètre d’une opération de revitalisation du territoire).

La loi ELAN a opéré d’importantes réformes en droit de l’urbanisme commercial afin notamment de lutter contre la désertification des centres-villes et plus largement la dévitalisation commerciale des territoires. Le décret du 17 avril 2019 prévoit des règles qui doivent en pratique participer à mettre en œuvre cet objectif.

Concernant tout d’abord la composition du dossier de demande d’autorisation commerciale le décret opère une reprise non négligeable du contenu de ces dossiers. Le contenu de l’analyse d’impact économique qui doit notamment permettre à la CDAC de d’être éclairée sur la contribution du projet à la préservation du centre-ville est précisé par l’article 4 du décret, et les organismes indépendants autorisés à être chargés de la rédaction de cette étude sont décrits à l’article 5 du décret.

En ce qui concerne ensuite la composition de la CDAC, le décret prévoit l’ajout de plusieurs membres désignés par les chambres consulaires, dont le rôle est d’apporter des éclairages sur la situation économique du territoire.

En outre, le décret précise certains points relatifs aux modalités d’instructions des demandes d’autorisations commerciales. A cet égard notamment, la loi ELAN prévoit l’obligation pour la CDAC d’informer les maires des communes voisines à la commune d’implantation du projet pour lequel une demande d’autorisation lui est soumise. Le décret   restreint le champ de cette information : seules sont concernées les communes incluses dans la zone de chalandise.

La question relative à l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions semble assez clairement tranchée : les règles relatives au fonctionnement et à la composition des CDAC entreront en vigueur le 1er octobre prochain, et les nouvelles dispositions concernant le dossier de demande d’autorisation d’exploitation commerciale s’appliqueront aux demandes déposées à compter du 1er janvier 2020.

Il conviendra donc de bien retenir ces nouvelles dates, notamment dans le cadre de la réalisation des dossiers de demande d’autorisation commerciale.

Résiliation de bail pour troubles de jouissance causés par les problèmes psychologiques de la locataire

Un bailleur assigne sa locataire en résiliation de bail pour troubles de jouissance, sur le fondement de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 et obtient gain de cause devant le juge d’instance.

La locataire, sous curatelle, fait appel et sollicite l’infirmation du jugement en invoquant des problèmes psychologiques à l’origine des troubles reprochés et la vocation sociale du bailleur.

Ce dernier, intimé, fait état de l’ancienneté et de la gravité des troubles et de l’obligation à laquelle il est tenu d’assurer une jouissance paisible à l’ensemble des habitants de l’immeuble.

La Cour d’Appel confirme le jugement rendu au motif que le fait que la locataire « souffre de graves problèmes psychologiques n’est pas exonératoire. En effet, la résiliation […] la mission sociale dévolue à l’office bailleur consiste à loger des personnes dont les revenus sot trop modestes pour qu’elles aient la possibilité de le faire sur le marché privé de la location et non à accueillir des personnes dont l’état relève de la psychiatrie en imposant à l’ensemble des résidents d’un immeuble, qui doivent pouvoir jouir paisiblement des appartements qui leur ont été donnés à bail, une cohabitation avec ces personnes qu’il n’ont pas choisie et qui leur est préjudiciable ».

Quelle transposition française du « Paquet Marques » ?

Le 16 décembre 2015 a été adopté la directive (UE) 2015/2436 dites « Paquet Marques » et visant à harmoniser et moderniser le droit des marques entre les Etats Membres de l’Union Européenne. Cette réforme est entrée en vigueur le 23 mars 2016 et a donné lieu à l’adoption du règlement 2015/2424, modifiant les règlements 207/2009/CE et 2868/95/CE portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) n° 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur.

La directive 2015/2436 devait être transposée par les Etats Membres dans un délai de 3 ans, soit le 14 janvier 2019.

C’est donc avec un mois de retard que le Gouvernement Français a rendu public le 15 février 2019 les projets d’Ordonnances portant transposition de ce « Paquet Marques ».

Ces ordonnances annoncées comme la plus grande réforme du droit national des marques depuis la loi n° 91-7du 4 janvier 1991 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service qui transposait la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 ont été soumises à la consultation publique apportent des modifications majeures aux parties législative et réglementaire du Code de la Propriété Intellectuelle.

Les changements sont nombreux et conséquent, mais parmi les principales modifications plusieurs méritent d’être examinées.

Ainsi, une première spécificité nationale est supprimé à savoir l’exigence de représentation graphique contenu à l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Les ordonnances prévoient ainsi d’harmoniser le droit français afin de rendre désormais possible l’enregistrement à titre de marque de fichier sonore, multimédia … comme c’est déjà le cas auprès de l’EUIPO depuis 2017.

Les motifs de refus d’une demande d’enregistrement sont élargis et seront expressément inscrits à l’article L. 711-3 du CPI conduisant au refus d’enregistrement des appellations d’origine, des indications géographiques, des dénominations de variétés végétales antérieurement enregistrées ainsi que les demandes effectuées de mauvaise foi par le déposant.

Parallèlement, les droits antérieurs pouvant être invoqués dans une opposition sont étendus. L’article L ;712-4 du CPI prévoirait désormais qu’une opposition pourrait être fondée sur Une marque notoirement connue ou une marque de renommée, lorsque la marque contestée est de nature à tirer injustement profit de la renommée de la marque ou de lui porter préjudice, une dénomination sociale ou une raison sociale, une indication géographique, ou encore le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale, d’une institution, d’une autorité ou d’un organisme de droit public.

L’Ordonnance envisage d’intégrer un article L. 712-6-1 du CPI prévoyant le cas dans lequel un mandataire indélicat a déposé une marque en son nom propre en lieu et place de celui de son mandant et permettra à son titulaire légitime de s’y opposer en demandant la rétrocession de la marque à son profit.

Des changements procéduraux en matière de nullité ou de déchéance de marques sont également à prévoir.

Tout d’abord, les délais de la procédure d’opposition sont également modifiés puisqu’il est prévu que le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement durant lequel l’opposant doit avoir fourni l’exposé des moyens sur lesquels repose l’opposition actuellement en vigueur est allongé d’un mois. Ainsi, dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement l’opposant devra avoir fait sa déclaration d’opposition comprenant l’identité des parties et les marques mises en cause et disposera désormais d’un délai supplémentaire de un mois aux termes duquel il devra avoir fourni ses moyens.

Ensuite, les procédures en nullité ou en déchéance de marque sont simplifiées (article L. 716-5 du CPI). Il est désormais mis en place une procédure administrative relevant de la compétence exclusive de l’INPI lorsque de telles actions sont engagées à titre principal (motifs de nullité absolue ou certains motifs de nullité relative). Cette compétence exclusive ne jouera toutefois que sous réserve qu’aucun contentieux judiciaire ne soit déjà en cours entre les parties emportant compétence exclusive du juge saisi. Les autres actions civiles et demandes relatives aux marques telles que celle formées à titre reconventionnelles relèveront toujours de la compétence exclusive des Tribunaux de grande instance.

Les actions en nullité qui ne seraient pas fondées sur une marque notoirement connu au sens de la Convention de Paris deviennent imprescriptibles (article L. 716-6). Toutefois, la tolérance de la marque postérieure par le titulaire des droits antérieures pendant cinq ans constituera un délai de forclusion.

La prescription de l’action en contrefaçon de cinq ans trouvera son point de départ au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre le dernier fait lui permettant de l’exercer (article L.716-4-2). Le point de départ de l’action en déchéance pour non-usage qui a fait l’objet d’une jurisprudence fluctuante est désormais la date de publication de la marque (article L. 714-5 du CPI)

Il sera en outre désormais possible de se défendre lors d’une action en nullité à l’encontre de sa marque en arguant du manque d’usage sérieux de la marque antérieure. Si sur requête du titulaire de la marque postérieure le titulaire d’une marque antérieure n’apporte pas la preuve d’un usage sérieux pendant les cinq années précédant la demande, sa demande de nullité pourra être rejetée.

Enfin, l’article R. 712-24 modifié prévoit désormais qu’une demande de renouvellement pourra être faite au plus tôt un an avant l’expiration de la marque et au plus tard dans un délai de six mois à compter du lendemain de la date d’expiration sous réserve du paiement d’une redevance plus élevée en cas de renouvellement tardif.

Les changements à prévoir sont donc nombreux et d’une importance considérable au regard de notre droit national des marques. Ces projets d’Ordonnances ont fait l’objet d’une consultation publique qui a expirée le 20 mars 2019, il reste désormais à attendre leur adoption.

L’impossible mise à la retraite d’office d’un salarié ayant acquis au moment de son engagement l’âge de partir en retraite

En l’espèce, un salarié a été engagé à l’âge de 69 ans par une association. Par la suite, il a été mis à la retraite d’office par l’employeur alors qu’il était âgé de 71 ans.

Pour dire la mise à la retraite irrégulière, la cour d’appel, dans un arrêt du 10 octobre 2017, relève que, si un employeur peut mettre un salarié d’office à la retraite à partir de 70 ans, il ne peut le faire lorsque le salarié a atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite en application de l’article L. 1237-5 du Code du travail, son âge ne pouvant constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail.

Elle retient qu’en l’occurrence, au moment de son engagement, le salarié avait déjà atteint cet âge et, par suite, son âge ne pouvait plus constituer pour l’employeur un motif de mise à la retraite d’office.

Contestation cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 1237-5, dernier alinéa, du Code du travail. Elle souligne qu’il ressortait des faits que le salarié avait été engagé alors qu’il était âgé de 69 ans, ce dont il résultait qu’il n’avait pas atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite d’office.

Ainsi, il convient de retenir que lorsque le salarié avait atteint, au moment de son engagement, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite sans son accord en application de l’article L. 1237-5 du Code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail.

En avril et mai 2019, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a publié deux guides, le Guide déontologique et le Guide du déclarant, destinés à préciser les obligations déontologiques des agents et élus publics

Guide du déclarant de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, mai 2019

 

Le Guide déontologique (avril 2019)

Dans sa première partie, le Guide déontologique présente les différentes procédures déontologiques. Ainsi, les administrations sont incitées à cartographier les risques en matière de moralité des acteurs publics, particulièrement par la mise en place d’un processus d’identification des risques par des acteurs spécifiques au sein de la structure (association des supérieurs hiérarchiques et des élus au processus). Le guide propose une synthèse des différentes étapes de la cartographie des risques et rappelle que, si cet outil créé par la loi Sapin II n’est pas obligatoire pour la plupart des structures publiques, il est un outil précieux en matière de déontologie et de prévention de la corruption dont il est recommandé qu’elles se saisissent.

La Haute Autorité conseille également la création d’une charte déontologique. Elle conditionne sa mise en œuvre par les administrations, qui doivent préciser son champ d’application, (notamment vis-à-vis des agents concernés), fixer une échéance de révision, et prévoir les modalités de diffusion aux élus, aux nouveaux agents et au public. Elle rappelle qu’elle peut être saisie pour avis sur le projet de charte. Quant au contenu de la charte, s’il doit être adapté à chaque administration, il porte sur les valeurs et principes déontologiques cardinaux, ainsi que sur les procédures obligatoires telle que la désignation d’un référent déontologue.

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires a créé un individu « conseil et ressource » en matière de déontologie, le référent déontologue. Cette loi et son décret d’application de 2017 laissent une grande latitude aux administrations dans la mise en place de cette fonction, devenue obligatoire pour chaque administration (administrations centrales, collectivités locales, établissements de « santé »).

Le présent guide a pour objet principal de clarifier le rôle du nouvel acteur de la transparence publique qu’est le référent déontologue (deuxième partie du Guide). Ainsi, la Haute Autorité y définit expressément ses missions (conseil/formation en matière de conflits d’intérêts, recueil des alertes), sa nomination (notamment en fonction du type de structure publique), le type de fonctions compatibles avec la sienne, son mode de saisine (conseillée par tout moyen), sa formation, les moyens qui doivent lui être alloués.

La troisième partie du guide es relative à la prévention des risques liés aux conflits d’intérêts et à la gestion éthique des organisations. Ainsi, elle rappelle les contours de cette notion ainsi que les moyens de prévention existants (déclaration d’intérêts, mesures d’abstention et de déport), et traite également de l’encadrement des libéralités aux agents (elle avertit notamment les agents du risque pénal qu’ils encourent en cas de libéralité avérée) et de l’utilisation légitime des moyens octroyés dans le cadre de leur fonction (exemple : voiture de fonction).

Une dernière partie propose des modèles à la disposition des agents des administrations (comme une fiche de saisine du référent déontologue) et résume le rôle de certains acteurs indispensables aujourd’hui dans la transparence de la vie publique (la Haute Autorité elle-même, la Commission de déontologie de la fonction publique, le Défenseur des droits). Il est également fait plus de précisions sur la procédure à suivre par un référent alerte, s’il est saisi par un lanceur d’alerte.

En résumé, ce document apporte des informations utiles sur les risques possibles en matière de déontologie, et rassemble les procédures obligatoires ou facultatives permettant de lutter contre ces risques, tels que les cartographies, les chartes déontologiques, et les référents déontologues. Ce guide pourra être utile à tout responsable public souhaitant mettre au cœur de son administration les valeurs de transparences et de déontologie, ou à tout référent déontologue.

 

Le guide du déclarant (actualisé en mai 2019)

Le Guide du déclarant a pour but de faciliter les déclarations des élus sur la plate-forme ADEL, créée en 2016.

Il précise ainsi les modalités, le contenu, les délais, les élus concernés, ainsi que les modalités de publication (qui dépendent de la nature de la déclaration et du type de mandat) des déclarations. Il distingue entre la déclaration de situation patrimoniale – à fournir au début et à la fin du mandat, qui porte notamment sur les biens mobiliers et immobiliers de l’élu – de la déclaration d’intérêts – à fournir seulement au début du mandat, qui porte quant à elle sur les activités, fonctions et mandats de l’élu, les activités de son conjoint, concubin ou partenaire – nécessaire à la détection des conflits d’intérêts.

Enfin, il propose une vue d’ensemble des informations à fournir par l’élu, ainsi que les dispositions particulières s’appliquant à certaines situations spécifiques (par exemple, un élu parlementaire).

Un arrêt du Conseil d’Etat précise les conditions de validité d’une demande de communication de documents d’un élu local

Un élu communautaire peut faire une demande de communication de documents au Directeur général des services d’un EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale), cette demande n’étant pas considérée comme mal dirigée.

Les délibérations locales en lien avec les documents demandés doivent être en cours, pour que l’élu puisse justifier de l’utilité de sa demande de communication.

Selon l’article L. 2121-13 CGCT : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération ». Par ailleurs, selon l’article L. 5211-1 du même code, la disposition précédemment citée est applicable aux conseillers communautaires.

Ainsi, là où un particulier ne peut demander la communication de certains documents de l’administration considérés comme confidentiels (tel qu’un document délivré par ministère d’avocat, selon l’article 6 de la loi du 11 juillet 1978), un élu local est en droit de demander tout document utile à l’examen d’une délibération du conseil dont il est membre.

En l’espèce, une élue communautaire avait effectué, le 1er octobre 2016, une demande de communication de plusieurs documents administratifs (en l’occurrence, des consultations juridiques sur une zone d’aménagement, ainsi que des bons de commande de prestation juridique de cette zone d’aménagement) relatifs à deux délibérations de la Communauté Intercommunale des Villes Solidaires (CIVIS) – un EPCI situé à la Réunion – à son Directeur général des services.

L’EPCI ayant refusé cette communication, la conseillère, a, par suite, introduit un recours en excès de pouvoir contre cette décision de refus de communication devant le Tribunal administratif de la Réunion.

Or, par un jugement du 12 octobre 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a fait droit à la demande de l’élue communautaire et enjoint à la CIVIS de communiquer lesdits documents.

La CIVIS a dès lors introduit un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État contre ce jugement, lequel a donné lieu à l’arrêt objet de la présente brève.

Cette décision du Conseil d’État est particulièrement utile, dès lors qu’elle apporte deux précisions quant aux conditions d’application des règles de communication et d’information des élus

Tout d’abord, le Conseil d’Etat affirme expressément, pour la première fois, qu’une demande adressée par un élu au DGS et non pas au Président de l’exécutif, ne saurait être considérée comme mal dirigée et ne peut donc être rejetée de ce seul fait (considérant 3).

Au demeurant, le Conseil d’État insiste sur la nécessité de démontrer l’utilité de la demande de communication d’un élu, laquelle ne saurait être présumée par son seul lien avec une délibération de l’organe délibérant, si celle-ci a d’ores et déjà été adoptée.

Le Conseil d’État, dans cet arrêt du 5 avril 2019, annule, par conséquent, le jugement du Tribunal administratif de la Réunion et renvoie devant lui l’examen au fond de cette affaire, considérant précisément que celui-ci n’avait pas effectué un contrôle suffisant de l’utilité de cette demande en se contentant de retenir un lien entre les documents et une délibération passée pour qualifier la demande d’utile.

Emplois fonctionnels : confirmation du bien-fondé d’une perte de confiance à la suite de faits de violence

Le 20 mars 2013, le Maire de la Commune d’Hénin-Beaumont avait décidé de ne pas renouveler le détachement sur emploi fonctionnel du Directeur général adjoint des services de la Commune, au titre d’une perte de confiance, motif classique autorisé par la jurisprudence du Conseil d’Etat Monsieur Brouhlet (7 janvier 2004, req. n° 250616).   

Après avoir rappelé le principe selon lequel « eu égard à l’importance du rôle des titulaires [des emplois fonctionnels] et à la nature particulière des responsabilités qui leur incombent, le fait pour le secrétaire général d’une commune de s’être trouvé placé dans une situation ne lui permettant plus de disposer de la part de l’autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peut légalement justifier qu’il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions », la Cour administrative d’appel de Douai livre dans l’arrêt commenté un énième exemple d’un comportement justifiant – à n’en pas douter en l’espèce – de la fin de l’occupation d’un emploi fonctionnel.

Il en ressort en effet que l’agent concerné avait d’ores et déjà commis plusieurs erreurs dans la préparation du budget communal, et notamment de carences en matière de formalisme et de respect des délais pour la préparation des conseils municipaux, le mandatement des factures et la rédaction des bons de commande nécessaires à différentes directions. Surtout, il avait ensuite tenté de séquestrer le Directeur général des services afin d’obtenir des explications sur le projet de non-renouvellement de son détachement dans l’emploi fonctionnel en cause puis, enfin, tenu des propos grossiers et insultants en vue de provoquer une confrontation physique à laquelle le directeur général des services s’était soustrait.

Si l’issue du litige ne laissait que peu de doute en l’espèce, il est important de rappeler que des faits d’une moindre importance et d’une moindre violence sont également de nature à justifier de ce type de décision au vu de la spécificité des fonctions (par exemple un différend d’ordre professionnel intervenu dans les relations entre le maire et l’agent à propos du fonctionnement de l’inspection générale de la ville et de l’accomplissement des missions, CAA de Paris, 25 mai 2004, Ville de Paris, req. n° 03PA01314). Mais la fin de l’occupation de l’emploi fonctionnel reste malgré ce soumise tout à la fois à un contrôle par le Juge de la matérialité des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation qui nécessite que l’autorité territoriale, en amont de sa décision, s’assure qu’elle dispose d’éléments suffisants, particulièrement pour démontrer les faits retenus.

L’imputabilité au service d’une dépression d’un fonctionnaire doit être appréciée au regard de ses conditions de travail

Par un arrêt Mme A… c/ communauté d’agglomération du Choletais en date du 13 mars 2019 (req. n° 407795), le Conseil d’État répondu à deux questions d’importance sur la notion de « lien direct » nécessaire à la reconnaissance de troubles dépressifs en maladie professionnelle :

  • premièrement, toute maladie en lien avec le contexte professionnel doit-elle être reconnue comme imputable à celui-ci, ou la caractérisation de ce lien nécessite-t-elle que ce contexte professionnel ait été de nature à occasionner cette affection ?
  • deuxièmement, comment convient-il de tenir compte de la contribution du comportement de l’agent à ce contexte professionnel dont il souffre ?

En l’espèce, Mme A…, attachée territoriale chargée depuis le 1er septembre 1988 de la direction de l’établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes de Trémentines, rattaché pour sa gestion à la communauté d’agglomération du Choletais depuis 2003, a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un syndrome dépressif sévère, médicalement constaté en juin 2013, à la suite de plusieurs procédures disciplinaires engagées à son encontre.

Par décision du 31 juillet 2014, la communauté d’agglomération a refusé de faire droit à cette demande. Si le Tribunal administratif de Nantes avait annulé ce refus, la Cour administrative d’appel avait, elle, annulé le jugement.

Dans son arrêt, le Conseil d’État rappelle tout d’abord qu’une « maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. »

Pour le Conseil d’État, la Cour a ainsi eu raison de vérifier l’existence d’un lien entre la maladie et l’exercice des fonctions et surtout de rechercher si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service. En revanche, il a retenu qu’en jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A… interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

Il en résulte que le juge administratif doit désormais apprécier si les conditions de travail d’un agent qui demande l’imputabilité au service de sa dépression sont à l’origine de sa maladie en tenant compte de son comportement, mais sans pour autant déduire d’une simple absence de volonté délibérée de nuire l’impossible caractérisation de la maladie professionnelle.

Le renvoi à la Cour administrative d’appel et la décision à intervenir permettront dans ce cadre de mieux fixer les implications du comportement de l’agent dans cette hypothèse relativement classique de la dépression résultant de procédures disciplinaires pourtant bien fondées.

Annulation en référé précontractuel d’un marché public pour défaut de production des certificats et attestations de régularité fiscale et sociale

Par une ordonnance en date du 9 avril dernier, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la procédure de passation d’un marché public de travaux sur le seul moyen tiré du défaut de production par l’attributaire pressenti des documents attestant du respect de ses obligations fiscales et sociales.

Dans cette affaire, le syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (Syvade) avait engagé une procédure de passation pour des travaux d’aménagement et de réaménagement de son installation de stockage des déchets non dangereux (Isdnd) de la Gabarre. A la suite du rejet de son offre, la société BMJ a saisi le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de la Guadeloupe aux fins d’obtenir l’annulation la procédure de passation litigieuse.

Parmi plusieurs moyens soulevés à l’appui de son recours, la société BMJ a notamment soutenu que la société attributaire « ne pouvait se voir attribuer le marché litigieux dès lors qu’elle n’a pas produit les attestations nécessaires ».

Dans l’ordonnance commentée, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a tout d’abord rappelé que « le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit produire les documents attestant notamment qu’il est à jour de ses obligations fiscales et sociales avant la signature du marché », et ce conformément aux articles 51-II et 55-II du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics alors applicables.

Puis, statuant sur le fond de l’affaire, le Tribunal a constaté que le pouvoir adjudicateur n’avait pas demandé à la société attributaire de produire les documents attestant qu’il ne se trouvait pas dans un cas d’interdiction de soumissionner. A cet égard, l’article 9.3.2 du règlement de consultation prévoyait que le candidat, dont l’offre était la mieux classée, devait produire les documents requis dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de la lettre du pouvoir adjudicateur.

Faisant usage d’une économie de moyens, le Tribunal a donc annulé, sur l’unique moyen susvisé du requérant, la procédure de passation du marché public litigieux et a enjoint au Syvade de reprendre en intégralité la procédure si le Syndicat entend toujours passer un marché public.

La liste des contrôles CNIL réalisés en 2018 est disponible

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après « CNIL ») a publié l’ensemble des jeux de données relatifs aux contrôles réalisés en 2018 par ses agents.

Durant cette période, la CNIL a réalisé 310 contrôles dont :

  • 204 contrôles sur place (dont 20 contrôles portant sur des dispositifs vidéo) ;
  • 51 contrôles en ligne ;
  • 51 contrôles sur pièces ;
  • 4 auditions.

Ces 310 contrôles ont entrainé 49 mises en demeure (15,8 % du total) pour 11 sanctions (3,5 % du total). Dans l’immense majorité des cas, la simple intervention de la CNIL se traduit par une mise en conformité de l’organisme.

Les 11 sanctions sont réparties comme suit :

  • 10 sanctions pécuniaires (dont 9 publiques et 7 qui concernaient des atteintes à la sécurité des données personnelles) ;
  • 1 avertissement non public ;

Pour ce qui est des acteurs publics et parapublics, ils représentent 84 des 310 contrôles (soit 27 % du total des contrôles réalisés par la CNIL) sous les catégories suivantes :

  • finances publiques ;
  • santé/social ;
  • régalien ;
  • collectivités territoriales ;
  • éducation ;
  • associatif ;
  • culture ;
  • police/justice/sécurité.

La nature des contrôles à l’encontre des acteurs publics et parapublics diffère en fonction de l’objectif poursuivi par les agents de la CNIL et de la date du contrôle :

  • 42 contrôles ont été faits au fondement de la loi de 78 ;
  • 34 contrôles ont été faits au fondement du RGPD ou de la directive police/justice ;
  • 8 contrôles ont été faits au fondement du respect des dispositions relatives à la vidéosurveillance.

L’ensemble de ces éléments montre un renforcement des contrôles CNIL contre les acteurs publics et parapublics (23,97 % du total des contrôles en 2017 contre 27,09% en 2018) qui laisse penser que la tendance est à l’accroissement des contrôles à leur encontre.

Au-delà, les chiffres de 2018 montrent une hausse des sanctions pécuniaires publiques par rapport à l’exercice 2017 (passage de 6 à 10 sanctions), avec une très nette augmentation du montant moyen des amendes avec un record à 400 000 euros.

Le détail des organismes sanctionnés en 2018 montre aussi, et contre toute attente, la sanction de plusieurs associations et organismes publics. Si la sanction de l’OPH de Rennes peut paraître conjoncturelle, deux associations (l’ADEF et l’Alliance française Paris Ile de France) ont été sanctionnées pour des motifs plus habituels : les manquements à leurs obligations de sécurité des données.

L’année 2018 a montré que les organismes publics et parapublics, s’ils ne sont pas ciblés spécifiquement par le service des contrôles, ne bénéficient plus de la clémence de la Commission. Le montant des sanctions montre d’ailleurs bien que les organismes publics ou privés d’intérêt général ne sont pas considérés comme des structures à part mais bien comme des responsables de traitement comme les autres.

Le Conseil d’Etat confirme la sanction CNIL contre l’ADEF

L’association pour le Développement des Foyers (ci-après « ADEF ») a pour mission la mise à disposition de logements dans des résidences. Ces logements sont dédiés à des personnes en difficultés comme les étudiants, des familles monoparentales et ou des travailleurs migrants.

A la suite d’un contrôle en ligne datant de juin 2017, les agents de la Commission ont pu constater qu’en modifiant la structure de l’URL du site de l’ADEF, il était possible de récupérer les noms, prénoms, dates de naissance, coordonnées postales, statut marital, nombre d’enfants, numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), IBAN (références bancaires), données relevant de la vie privée (salaire, revenu fiscal de référence, versement d’une aide personnalisée au logement ou d’une allocation aux adultes handicapés) concernant les bénéficiaires.

Pas moins de 42 652 documents étaient concernés par la violation.

Après un contrôle sur place où les agents de la CNIL ont constaté que la violation de sécurité et l’intégrité des données n’était toujours pas assurée, la formation restreinte a prononcé une sanction pécuniaire de 75 000 euros, estimant que l’association avait manqué à son obligation de préserver la sécurité et la confidentialité des données personnelles des utilisateurs de son site.

Dans sa décision du 17 avril 2019 en chambres réunies, le Conseil d’Etat a considéré que la sanction pécuniaire de 75 000 euros et la publicité de la décision étaient proportionnées.

Le conseil d’Etat a indiqué qu’ « il résulte de l’instruction que le manquement constaté par la formation restreinte de la CNIL consistait en un défaut de sécurité du formulaire en ligne de demande de logement mis à la disposition des bénéficiaires des prestations offertes par l’ADEF, permettant à tout tiers non autorisé d’accéder, au moyen d’une simple modification des liens URL correspondant, aux documents téléchargés par les demandeurs de logement. […] Eu égard à la nature et à la gravité du manquement constaté qu’il aurait été possible de prévenir par des mesures simples de sécurité, […] aux moyens importants dont dispose l’association et au délai avec lequel elle a apporté les mesures correctrices de nature à remédier à ce manquement, la formation restreinte de la CNIL n’a pas infligé à l’ADEF une sanction disproportionnée en prononçant à son encontre une amende d’un montant de 75 000 euros ».

Cette décision du Conseil d’Etat vient une nouvelle fois confirmer que des organismes publics ou parapublics réalisant des missions d’intérêt général ou de service public ne sont pas à l’abri d’une sanction au fondement des dispositions légales relatives aux données à caractère personnel.

La CNIL et in fine le Conseil d’Etat confirment que les acteurs publics et parapublics devront offrir les meilleures garanties de protection des données à caractère personnel, notamment en matière de sécurité, pour échapper à une sanction en cas de contrôle.

Transfert d’entreprise : le refus du salarié de la modification de son lieu de travail constitue un motif économique de licenciement

Par un arrêt publié au bulletin en date du 17 avril 2019, la Cour de cassation précise la nature juridique du licenciement consécutif au refus du salarié de la modification du lieu d’exécution de son travail dans le cadre d’un transfert d’entreprise.

La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, et plus particulièrement de son lieu de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.

En l’espèce, une société implantée à Nantes cède son activité à une société basée à Orléans entrainant le transfert de plusieurs salariés en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail. Souhaitant rapatrier à Orléans les postes de travail, les salariés se voient proposer une modification du lieu d’exécution de la relation contractuelle. Après avoir refusé la modification de leur contrat de travail, les salariés sont licenciés pour motif personnel.

Considérant que la modification de leur contrat de travail a été proposée par l’employeur pour un motif économique, les salariés contestent le motif de leur licenciement et saisissent la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel fait droit aux demandes des salariés, ce que confirme le 17 avril 2019 la Cour de cassation.

Selon la Cour de cassation, dès lors que la modification du contrat de travail des salariés s’inscrivait dans la volonté de l’entreprise de ne conserver qu’un seul lieu de production dans le but de réaliser des économies, que l’objectif affiché était la pérennisation de son activité internet et que le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société cessionnaire à la suite du rachat d’une branche d’activité d’une autre société, le licenciement des intéressées avait la nature juridique d’un licenciement économique.

Le licenciement prononcé pour motif personnel était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation confirme tout d’abord que « lorsque l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer » (Cass. soc., 30 mars 2010, n°08-44.227).

Pour autant, la Cour de cassation semble revenir sur sa position adoptée en 2016 qui pouvait laisser suggérer que le refus du salarié d’une modification de son lieu de travail entraînée par le transfert d’entreprise constitue une cause autonome de rupture (Cass. soc., 1er juin 2016, n°14-21.143).

Dans l’attente d’une confirmation de cet arrêt, le repreneur qui licencie les salariés transférés ayant refusé la modification de leur contrat de travail est incité à notifier des licenciements économiques. Les salariés doivent en conséquence bénéficier d’un reclassement ou le cas échéant d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

L’annulation du PLU de Gonesse

Le tribunal de Cergy-Pontoise, par la décision du 12 mars dernier, annule la délibération approuvant le nouveau PLU de Gonesse.

Par une délibération du 25 septembre 2017, le conseil municipal de Gonesse a approuvé le nouveau plan local d’urbanisme de la Commune devant permettre notamment la réalisation du projet d’aménagement de la ZAC du Triangle de Gonesse.

Pour mémoire, le projet du Triangle de Gonesse représente une surface globale de 750 hectares, 400 hectares formant un carré agricole, et 296 hectares dédiés à une urbanisation, alliant quartier d’affaires international et développement du projet EuropaCity.

Le projet EuropaCity qui quant à lui a vocation à reposer sur 80 hectares, devrait être dédié à une offre de loisirs et de cultures, autour « d’une programmation éclectique, transdisciplinaire, culturelle, sportive, musicale, cinématographique et scientifique »1.

Après recours gracieux, quatre requêtes tendant à l’annulation du nouveau plan local d’urbanisme ont été présentées devant le juge administratif.

Par jugement du 12 mars 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a finalement annulé la délibération du 25 septembre 2017 approuvant le nouveau PLU de Gonesse.

Trois motifs ont fondé la décision du juge administratif.

Dans un premier temps, le Tribunal a estimé que ni le rapport de présentation, ni l’évaluation environnementale ne justifiait suffisamment le projet tel qu’arrêté s’agissant de l’opération du Triangle de Gonesse.

En effet, les juges ont considéré qu’il ressortait « des pièces du dossier qu’aucune solution de substitution raisonnable à l’urbanisation de la moitié sud du triangle de Gonesse » n’avait été envisagée par la commune dans ces deux documents. Or, pour le tribunal, « ce projet, qui se traduit par l’artificialisation de 248 hectares de terres agricoles », présente un impact écologique très important.

Ainsi, du fait d’une évaluation environnementale qui serait, selon le tribunal, insuffisante eu égard aux impacts d’un tel projet et d’un rapport de présentation lacunaire, ne présentant ni solutions de substitution, ni alternatives sérieuses, il a été a considéré que l’élaboration du plan local d’urbanisme avait été entachée d’une irrégularité telle, qu’elle avait eu pour effet de nuire à la parfaite information de la population, viciant dès lors la procédure d’élaboration et ensemble la délibération approuvant le PLU.

Dans un deuxième temps, le Tribunal a jugé que la situation du projet, à proximité des aéroports Roissy Charles de Gaulle et du Bourget, emportait violation des articles L. 112-10 du Code de l’urbanisme et 166 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR.

En effet, la zone à urbaniser de la ZAC du triangle de Gonesse avait vocation à emporter la création de quelques 500 nouveaux logements. Or, l’implantation de ces constructions se trouvait au cœur de la zone C des plans d’exposition au bruit des aéroports Roissy Charles de Gaulle et du Bourget.

Partant, du fait de la situation de l’opération, le juge a considéré qu’une « telle construction [entraînerait] une augmentation significative de la population exposée au bruit », méconnaissant dès lors les dispositions ci-avant mentionnées.

Enfin, dans un dernier temps, les juges ont jugé qu’une erreur manifeste d’appréciation a été commise par le conseil municipal de Gonesse, dans le cadre de l’élaboration du PLU, en ce qu’il a permis le classement de 248 hectares de zone agricole en zone à urbaniser.

En effet, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme portant sur les objectifs de développement durable devant être poursuivis par les collectivités publiques en matière d’urbanisme, le juge relève qu’il ressort du projet, « que la révision du plan local d’urbanisme [avait] notamment pour objet l’urbanisation de 248 hectares d’une terre agricole décrite par le rapport de présentation comme particulièrement fertile ». Il considère que le classement de cette zone en zone à urbaniser vient « bouleverser l’équilibre existant entre le développement urbain et l’utilisation économe des espaces naturels » et que la révision du PLU vient affecter directement l’environnement, tant s’agissant de « la protection des milieux naturels et des paysages, de la préservation de la qualité de l’air, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystème », que de l’impact d’un tel projet notamment s’agissant du risque d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

[1] http://triangledegonesse.fr/europacity/

« De l’application des règles de procédure administrative contentieuse et du droit de l’urbanisme en Nouvelle Calédonie »

Dans une affaire portant sur un contentieux de permis de construire, le Conseil d’Etat a été interrogé par la Cour Administrative d’Appel de Paris s’agissant de deux questions préjudicielles.

La première question portait sur l’applicabilité des dispositions R. 424-15 et A. 424-17 du Code de l’urbanisme en Nouvelle-Calédonie, relatives aux mentions des voies et délais de recours et conditionnant la recevabilité du recours contre une autorisation d’urbanisme.

La seconde question préjudicielle portait sur la question de savoir si les compétences réglementaires de l’Etat et les dispositions « générales » du code de l’urbanisme s’appliquaient ou non à la Nouvelle Calédonie.

Dans le cadre de l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 13 février dernier, il ressort que les dispositions réglementaires des articles R. 424-15 et A. 424-17, relatives à l’obligation d’affichage sur le terrain objet de l’autorisation, obligeant à ce qu’il soit fait mention des voies et délais de recours, relèvent de la procédure administrative contentieuse, qui est régie par l’Etat.

Dans son considérant 7, le Conseil d’Etat vient préciser que cette réglementation relève de la compétence de l’Etat et que lesdites dispositions s’appliquent, de plein droit à la Nouvelle-Calédonie, « sans préjudice des dispositions prises par l’Etat les adaptant à son organisation particulière ».

Cela signifie que les règles de procédure administrative contentieuse sont définies par l’Etat. Ces dispositions s’appliquent de plein droit à la Nouvelle-Calédonie, sauf si l’Etat en disposait autrement, comme par exemple, par l’édiction de règles spéciales, applicables uniquement à la Nouvelle-Calédonie, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Il en est de même s’agissant de l’obligation de notification du recours organisée par l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, conditionnant le déclenchement du délai contentieux.

Le Conseil d’Etat, dans cet avis, considère que l’article R. 600-1 participe à la procédure administrative contentieuse.

Par conséquent, ces règles sont également définies par l’Etat, qui demeure, en matière de  réglementation, compétent, pour les fixer.

Et les dispositions de l’article R.600-1 sont applicables « sans préjudice des dispositions prises par l’Etat les adaptant à son organisation particulière » de plein droit à la Nouvelle-Calédonie (considérant 8).

La substance même de cette décision correspond à l’application stricte de l’adage selon lequel « Specialia generalibus derogant », la règle spéciale déroge au général.

En effet, un ensemble de règles spéciales est prévu pour la Nouvelle-Calédonie. Dès lors qu’il y a lieu de les appliquer, elles sont appliquées de manière dérogatoire aux règles générales du code de l’urbanisme.

A l’inverse, pour toutes les autres règles et pour lesquelles aucune disposition spécifique n’aurait été établie, c’est le droit « général », étatique, qui s’applique.

En définitive, ce que nous dit le Conseil d’Etat dans son avis, c’est que les règles « générales » de procédure administrative sont prévues par l’Etat et ont vocation à s’appliquer dans tous les cas et en tous lieux, y compris en Nouvelle-Calédonie, sauf, si, à l’inverse l’Etat avait édicté des dispositions spéciales de procédure administrative pour la Nouvelle-Calédonie.

Nouvelle jurisprudence relative à la fraude quant à la qualité du pétitionnaire pour présenter une demande de permis de construire

Par un arrêt fort intéressant en date du 11 avril 2019, la Cour administrative d’appel de Paris a retenu l’existence d’une fraude commise par le pétitionnaire quant à sa qualité pour présenter une demande de permis de construire, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

Dans cette affaire, la société pétitionnaire, porteuse d’un projet de construction portant sur les parties communes d’un immeuble en copropriété, n’avait pas obtenu l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires pour réaliser ses travaux, et s’était même vu opposer une opposition farouche de l’ensemble des autres copropriétaires réunis en assemblée (ladite société ayant cherché lors de cette assemblée à minimiser l’ampleur de son projet).

Passant outre cette opposition, elle a présenté une demande de permis de construire sans en avertir les autres copropriétaires et la mairie de Paris lui a délivré le permis sollicité.

L’un des syndicats de copropriétaires ainsi que plusieurs copropriétaires en leur nom propre ont demandé l’annulation du permis.

Le Tribunal administratif de Paris ayant fait droit à leur demande en première instance, aussi bien la Ville de Paris que la société pétitionnaire ont fait appel de ce jugement.

La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’annulation du permis au motif qu’une fraude avait bel et bien été commise par la société pétitionnaire, et ce indépendamment que le service instructeur ait été averti de l’existence de cette fraude :

 

« Il ressort des pièces du dossier que l’assemblée générale des copropriétaires, réunie le 31 mars 2015, a décidé à l’unanimité de reporter le vote sur le projet de la SCI 34 rue de la Fédération, compte tenu, d’une part, de l’opposition de nombreux copropriétaires aux travaux en cause et, d’autre part, de la contestation, eu égard à leur importance, des modalités de vote définies pour les adopter. Le vote était ainsi différé jusqu’à présentation d’une nouvelle résolution par la société Paris 34 Fédération. Ainsi, lorsque la société pétitionnaire a déposé le 26 juin 2015 une demande de permis de construire en attestant avoir qualité pour le faire, elle savait que l’obtention d’une autorisation de la copropriété était nécessaire, qu’elle ne l’avait pas obtenue et qu’aucune demande d’autorisation n’était même en cours d’examen. Elle ne pouvait donc ignorer, à la date du dépôt de sa demande de permis de construire, qu’elle ne disposait pas d’une des qualités prévues à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme pour déposer une telle demande. En attestant avoir l’une des qualités définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, elle s’est livrée à une manœuvre frauduleuse afin d’induire l’administration en erreur. L’autorisation qui lui a été délivrée, qu’elle n’avait pas qualité pour obtenir, ne peut, ayant été obtenue par fraude, qu’être annulée. Est sans influence à cet égard la circonstance que les services de la Ville de Paris, qui ont d’ailleurs été alertés à plusieurs reprises sur la situation de la copropriété au cours des mois de mai et juin 2015 et qui n’ont pas cru bon de revenir sur leur décision une fois saisis d’un recours gracieux, auraient ignoré l’existence de cette fraude ». 

 

Le juge administratif s’érige ainsi en rempart contre les autorisations d’urbanisme sollicitées par des demandeurs dépourvus de qualité pour ce faire, et qui ont réussi à tromper la vigilance du service instructeur.

Validation des ruptures conventionnelles du contrat de travail postérieures à une déclaration d’inaptitude physique

Dans un arrêt du 9 mai 2019 (n° 17-28.767), la Cour de cassation a levé l’interrogation qui demeurait sur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte suite à un accident du travail, en répondant par l’affirmative dès lors qu’il n’y a eu ni fraude, ni vice du consentement.

En l’espèce, une salariée avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation d’une rupture conventionnelle qu’elle avait conclue peu de temps après sa déclaration d’inaptitude d’origine professionnelle.

Elle soutenait à ce titre, que son employeur en régularisant une telle rupture, avait méconnu les règles protectrices applicables à l’inaptitude (obligation de recherche de reclassement du salarié déclaré inapte, reprise du versement du salaire à défaut de reclassement ou de rupture du contrat de travail dans le délai d’un mois, possibilité d’engager la procédure de licenciement uniquement en cas de justification de l’impossibilité de reclassement, indemnité spécifique de licenciement), de sorte que l’objet de la convention de rupture conventionnelle aurait été « illicite ».

Après avoir été déboutée de cette demande par les juges du fond, la salariée a porté cette affaire à la connaissance de la Cour de cassation qui a approuvé la solution de la Cour d’appel au motif que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail.

Il ressort de cet arrêt que cette validation s’étend a fortiori aux ruptures conventionnelles conclues avec un salarié dont l’inaptitude est d’origine non professionnelle.

Par cet arrêt, la Haute juridiction qui excluait du temps de l’ancienne rupture amiable, la possibilité de conclure une telle rupture avec un salarié déclaré inapte (Cass. soc., 12 févr. 2002, n° 99-41.698), poursuit sa jurisprudence « permissive » en matière de rupture conventionnelle qu’elle a progressivement ouverte à des situations « épineuses » soit parce qu’elle s’inscrivait dans un contexte conflictuel, soit parce que le salarié était fondé à revendiquer l’application d’une protection légale particulière.

En effet, la Cour de cassation a successivement admis la validité de ruptures conventionnelles conclues :

  • après une déclaration d’aptitude avec réserves (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082);
  • pendant la suspension du contrat du salarié en raison d’un accident du travail (Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297);
  • lorsque la salariée est en congé maternité (Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149);
  • ou encore dans un contexte de harcèlement moral (Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550).

Cependant, la Cour de cassation continue de rappeler que la rupture conventionnelle peut être annulée dès lors que le salarié rapporte la preuve d’une fraude à la loi ou d’un vice du consentement.

A ce titre, compte tenu du régime de protection légale instauré au bénéfice des salariés inaptes, il conviendra pour les employeurs, de se montrer particulièrement prudents sur les modalités de conclusion de cette rupture s’agissant notamment du degré d’information à fournir au salarié, voire du montant de l’indemnité de rupture qui lui sera versée.

De même, la fragilité de son état de santé au moment de la conclusion de la convention et partant, l’existence d’un vice du consentement, pourrait être invoquées par le salarié au soutien d’une demande d’annulation de la rupture conventionnelle. Une telle demande pourrait avoir d’autant plus de chance de prospérer en cas d’inaptitude d’origine professionnelle résultant d’une dégradation de la santé mentale du salarié en lien avec ses conditions de travail (exemples : dépression suite à une « mise au placard », burn-out lié à une surcharge de travail,…).

L’assistance des parties dans le cadre de la conclusion d’une rupture conventionnelle pourrait alors s’avérer utile à la sécurisation juridique de la rupture du contrat de travail.