Concessions hydro-électriques soumises aux « délais glissants » : des compléments apportés aux dispositions relatives à la redevance proportionnelle due par le concessionnaire

De nombreuses concessions hydroélectriques sont actuellement en cours d’exécution alors même qu’elles sont parvenues à expiration sans qu’une procédure de renouvellement n’ait encore été engagée par l’Etat. Ces concessions sont donc, sur la base d’une interprétation très extensive, et contestable à notre sens, de l’article L. 521-16 du Code de l’énergie, prorogées sans qu’un terme à cette prorogation n’ait été fixé. Il s’agit du mécanisme dit des « délais glissants ».

Or, ces concessions arrivées à leur terme mais implicitement prolongées dans l’attente de l’organisation d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, ne permettent pas aux collectivités et groupements de collectivités sur le territoire desquels les cours d’eau sont situés de percevoir les redevances proportionnelles au chiffre d’affaires dues par les concessionnaires lorsque de nouvelles concessions sont conclues (en application de l’article L. 523-2 du Code de l’énergie).

Pour pallier le préjudice financier subi par les collectivités et leur groupements du fait de l’application du dispositif des délais glissants, le législateur a fini par introduire dans le Code de l’énergie un article L. 523-3 (issu de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019), instituant à compter du 1er janvier 2019 le versement, par le concessionnaire titulaire d’un contrat de concession soumis au régime des délais glissants, d’une redevance proportionnelle aux recettes ou aux bénéfices de la concession. Si la redevance est versée à l’Etat, une partie doit revenir aux départements, aux communes et aux groupements de communes sur le territoire desquels coulent les cours d’eau utilisés.

Un décret en Conseil d’Etat était néanmoins attendu pour préciser le taux de la redevance ainsi créée.

C’est chose faite par le décret du 28 juin 2019 qui crée au sein du Code de l’énergie un article R. 523-5 disposant :

« L’assiette de la redevance mentionnée à l’article L. 523-3 est le résultat normatif de la concession diminué de l’impôt sur les sociétés calculé sur ce résultat. Le résultat normatif est défini comme le total des recettes de la concession déterminées conformément au premier alinéa de l’article L. 523-2, diminuées de l’ensemble des charges et amortissements correspondant à l’exploitation de la concession.

Le taux de cette redevance est fixé à 40 %.

Si la prorogation de la concession en application du troisième alinéa de l’article L. 521-16 prend fin en cours d’une année civile incomplète, la redevance au titre de cette année est exigible au prorata temporis pour la fraction d’année écoulée ».

Tant l’assiette que le taux de la redevance étant désormais connus, il incombe aux concessionnaires titulaires de concessions hydro-électriques soumises aux délais glissants de verser cette nouvelle redevance, et à l’Etat de reverser aux collectivités et aux groupements de collectivités les sommes qui leur sont dues.

Le mécanisme étant applicable le 1er janvier 2019 (cf. art. L. 523-3 du Code de l’énergie), les premiers montants devraient être versés en 2020 au titre de l’exercice 2019. Il n’est en revanche pas évoqué dans la loi ou le décret, la situation antérieure au 1er janvier 2019.

Les unités touristiques nouvelles doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale

Par sa décision du 26 juin 2019 (CE, n° 414931, Association France Nature Environnement) le Conseil d’Etat annule partiellement le décret du 10 mai 2017 relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles (UTN).

Pour ce faire, il rappelle que l’article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement exige qu’une évaluation environnementale soit effectuée pour certains plans et programmes, notamment en ce qui concerne les secteurs du tourisme et de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

 

Le Conseil d’Etat dispose ensuite que :

« 4. Si la création d’unités touristiques nouvelles structurantes ou locales par leur inscription dans le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d’urbanisme est prise en compte par l’évaluation environnementale réalisée dans le cadre de l’élaboration de ces documents d’urbanisme, imposée respectivement par le 47° et le 54° du I de l’article R. 122-17 du code de l’environnement, tel n’est pas le cas pour celles qui sont autorisées par l’autorité administrative dans les communes non couvertes par ces documents. Eu égard à sa nature et à sa portée, la décision préfectorale créant une telle unité touristique nouvelle doit être regardée, non comme statuant sur une demande relative à un projet, mais comme constituant un plan ou programme au sens de la directive du 27 juin 2001 citée au point précédent »

Le Conseil d’Etat affirme donc que la décision de création d’une UTN par le préfet constitue en elle-même un plan ou programme au sens de l’article 3 de la directive 2011/42 en raison de la nature et de la portée de cette décision. Dès lors, la décision de création d’une UTN doit obligatoirement faire l’objet d’une évaluation environnementale, si elle est susceptible d’emporter une incidence notable sur l’environnement.

Or en l’espèce, le décret du 10 mai 2017 permet que les UTN soient créées par inscription dans un schéma de cohérence territoriale (Scot) ou un plan local d’urbanisme (PLU). L’impact environnemental de la création de l’unité est alors étudié au sein de l’évaluation environnementale du Scot ou du PLU.

Cependant, lorsque la décision de création d’une UTN concerne également des communes qui ne sont pas couvertes par ces documents d’urbanisme, le décret, par modification de l’article R. 122-14 du Code de l’environnement, prévoit uniquement que le dossier de demande d’autorisation comporte des éléments relatifs à l’état du milieu naturel, aux conséquences prévisibles du projet sur le milieu, et aux mesures pour éviter, réduire et compenser les incidences négatives notables sur l’environnement. Il ne requière pas une véritable consultation de l’autorité environnementale comme l’exige la procédure d’évaluation environnementale.

C’est pourquoi le Conseil d’Etat annule partiellement le décret qui aurait dû imposer une évaluation environnementale aux décisions de création d’UTN dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale ou un plan local d’urbanisme.

Permis de construire éolien, la possibilité de régularisation d’un permis entaché de la méconnaissance de l’autonomie de l’autorité environnementale

Par sa décision rendue le 27 mai 2019 (CE n° 420554, Association « L’Eolien s’en naît trop »), le Conseil d’Etat affirme la possibilité de régulariser un permis de construire éolien déclaré illégal en raison de l’absence d’autonomie de l’autorité ayant émis l’avis sur l’évaluation environnementale du projet.

Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de ses décisions du 6 et du 28 décembre 2017 par lesquelles le Conseil d’Etat exige que l’Etat garantisse une séparation fonctionnelle entre l’autorité chargée d’instruire la demande d’autorisation et l’autorité qui émet un avis sur l’évaluation environnementale du projet, sous peine d’irrégularité de l’avis (cf. CE, 6 décembre 2017, n° 400559 ; et CE, 28 décembre 2017, n° 407601). Il fait également suite à l’avis du Conseil d’Etat n° 420119 du 7 septembre 2018 qui affirmait le caractère régularisable d’une autorisation environnementale rendue illégale par cette circonstance, en vertu de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Dans l’espèce examinée, le Conseil d’Etat confirme d’abord sa position selon laquelle le préfet qui délivre le permis de construire d’un parc éolien ne peut pas être l’autorité qui se prononce sur l’évaluation environnementale.

Puis il met en œuvre l’avis du 27 septembre 2018 précité et étend cette possibilité au permis de construire éolien :

«  Le vice de procédure qui résulte de ce que l’avis prévu par le III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement a été rendu par le préfet de région en qualité d’autorité environnementale dans un cas où il était par ailleurs compétent pour autoriser le projet, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d’une autorité présentant les garanties d’objectivité requises ».

Le Conseil d’Etat précise ensuite les modalités de régularisation du vice entachant l’avis de l’autorité environnementale. Il indique alors qu’un nouvel avis peut être rendu par la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Puis, la soumission de cet avis au public dépend de sa teneur :

  • s’il diffère substantiellement du précédent avis, une enquête publique complémentaire doit être organisée, sur la base du nouvel avis et de tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par celui-ci, notamment une insuffisance de l’étude d’impact ;
  • S’il ne diffère pas substantiellement, l’information du public consiste en une simple publication internet du nouvel avis.

Le Conseil d’Etat sursoit alors à statuer pour que soit régularisé le vice de procédure tenant à l’incompétence du préfet de région.

Validation par le Conseil d’Etat du mécanisme de dérogation aux normes environnementales par les préfets

Par son arrêt rendu le 17 juin 2019 (CE, n° 421871,  Les Amis de la Terre), le Conseil d’Etat rejette le recours en annulation dirigé contre le décret du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet.

 Le décret du 29 décembre 2017 est pris en application de l’article 37-1 de la Constitution, qui autorise des dispositifs normatifs expérimentaux. En l’occurrence, ce décret permet à certains préfets, pendant une durée de deux ans, de déroger ponctuellement à des normes règlementaires, dans des matières et conditions qu’il fixe, pour adopter des normes individuelles. Entre autre, il ouvre les dérogations à la matière environnementale.

Le juge, pour répondre aux différents arguments soulevés par les requérants, indique que le décret attaqué ne méconnait pas l’article 37-1 de la Constitution, ni la loi. Il se fonde, à cette fin sur le fait que le champ d’application des dérogations envisagées (qui peuvent porter sur les règles qui régissent l’octroi des aides publiques ainsi que les règles de forme et de procédure applicables dans les matières énumérées) ainsi que leur durée (deux ans) sont limités.

De plus, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y a pas de violation du principe de non régression définit au II de l’article L. 110-1 du Code de l’environnement comme suit :

 » 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. […] « .

En effet, le Conseil d’Etat relève qu’il résulte des termes mêmes du décret attaqué, et notamment de son article 1er, qu’il ne permet pas aux préfets de déroger à des normes réglementaires ayant pour objet de garantir le respect de principes consacrés par la loi, tel le principe de non régression.

Cette solution du Conseil d’Etat est d’ailleurs confortée par le Rapport du Sénat Réduire le poids des normes en aval : interprétation facilitatrice et pouvoir de dérogation aux normes (n° 560), rendu public le 26 juin 2019. Ce rapport déplore la faiblesse du recours aux dérogations par les préfets et encourage à la diminution des limites encadrant ce droit. Notamment, il promeut l’extension du droit de dérogation aux actes des collectivités locales, et l’extension des domaines concernés par les dérogations. Il prône également la possibilité de déroger à des normes législatives sous réserve d’un accord au cas par cas du Sénat.

Annulation partielle de l’arrêté réglementant l’utilisation des pesticides

Par son arrêt rendu le 26 juin 2019 (CE, 26 juin 2019, nos 415426 et 415431, Association générations futures et Association eau et rivières de Bretagne), le Conseil d’Etat a annulé partiellement l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM).

Cet article L. 253-1 du CRPM pose les règles spécifiques relatives à la mise sur le marché, la distribution et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Par ailleurs, l’article L. 253-7 du même code précise que « l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière ».

Il faut rappeler que l’article L. 253-7 transpose l’article 12 de la directive européenne 2009/128/CE du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable qui exige des Etats membres qu’ils veillent à limiter ou interdire l’utilisation des pesticides dans certaines zones spécifiques, en « tenant dûment compte des impératifs d’hygiène, de santé publique et de respect de la biodiversité ou des résultats des évaluations des risques appropriées ».

L’arrêté du 4 mai 2017, qui succède à un arrêté déjà critiqué du 12 septembre 2006, a été pris en application de cet article L. 253-7 du CRPM pour préciser les conditions d’utilisation des pesticides.

Le Conseil d’Etat, saisi de la légalité de l’arrêté du 4 mai 2017, se fonde donc sur les articles L. 253-1 et L. 253-7 du CRPM ainsi que sur l’article 12 de la directive 2009/128 pour affirmer le principe suivant :

« 7. Il appartient à l’autorité administrative […] de prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière, s’agissant de la mise sur le marché, de la délivrance, de l’utilisation et de la détention de produits phytopharmaceutiques, qui s’avère nécessaire à la protection de la santé publique et de l’environnement ».

Ce faisant, le Conseil semble établir une obligation à la charge de l’administration de fixer les règles d’utilisation des pesticides qui sont nécessaires à la protection de la santé et de l’environnement, quand l’article L. 253-7 du CRPM, précité, ne parle que d’une possibilité.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a partiellement annulé l’arrêté du 4 mai 2017 en raison de ses nombreuses insuffisances en la matière, et, en particulier, en raison de l’absence de mesure de protection des riverains des zones traitées (considérant 9).

Le Conseil d’Etat retient également que l’arrêté attaqué aurait dû prévoir un délai pour le retour des travailleurs ou de toute autre personne sur une zone où des pesticides ont été utilisés, dans l’hypothèse où ces produits ont été utilisés sur des sols vierges de végétation (considérant 9).

Par ailleurs, il souligne que l’arrêté, qui ne régit que les techniques de pulvérisation et de poudrage, aurait également dû encadrer d’autres méthodes de dispersion des produits phytosanitaires, telles l’épandage de granulés ou l’injection de produits dans les sols car ces méthodes présentent aussi un risque de contamination des eaux de surface en dehors du site traité par ruissellement (considérant 17).

Enfin, le Conseil d’Etat dispose que l’arrêté attaqué aurait dû prévoir des mesures précises d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de pesticides afin d’éviter ou de réduire le risque de pollution par ruissellement en cas de forte pluie (considérant 18).

Au terme de la décision ici examinée, l’Etat dispose d’un délai de six mois pour adopter les mesures réglementaires qui s’imposent à la suite de l’annulation partielle de l’arrêté du 4 mai 2017.

 

La possibilité pour les préfets de déroger aux PPRT pour l’implantation des installations d’énergie renouvelable

Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat a été adopté en première lecture le 28 juin 2019 par l’Assemblée Nationale.

Pour promouvoir le développement des énergies renouvelables, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale s’est prononcée le 20 juin dernier en faveur d’un amendement portant modification de l’article L. 515-16-1 du Code de l’environnement relatif aux interdictions d’urbanisation futures dans les zones concernées par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Celui-ci serait alors complété par l’alinéa libellé de la façon suivante :

« Le préfet peut accorder des dérogations aux interdictions et prescriptions fixées par les plans de prévention des risques technologiques et mentionnées au premier alinéa du présent article pour permettre la réalisation d’un projet d’implantation d’installations produisant de l’énergie renouvelable. Ces dérogations fixent les conditions particulières auxquelles est subordonnée la réalisation du projet. »

Il ressort des discussions de la commission (Rapport fait au nom de la Commission des affaires économiques, sur le projet de loi, relatif à l’énergie et au climat, nos 1908 et 2032, pp. 63-64) que cette dérogation est motivée par le fait qu’une modification d’un PPRT, qui est aujourd’hui nécessaire pour permettre la réalisation de ces opérations, est une procédure lourde, qui peut nécessiter plusieurs années. Or le projet de loi relatif à l’énergie et au climat vise à faciliter et accélérer la transition écologique pour remplir les engagements climatiques européens et internationaux de la France.

C’est pourquoi il permet que des installations de production d’énergie renouvelable puissent être implantées par simple dérogation au PPRT, procédure beaucoup plus simple et rapide que la modification du PPRT. En l’occurrence, il ressort clairement des débats de la commission que cet article vise à favoriser l’implantation de panneaux photovoltaïques.

Vers un rétablissement des critères alternatifs pour définir les zones humides

Le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations de chasseurs et renforçant la police de l’environnement a été adopté par la commission mixte paritaire le 15 juin 2019.

Il porte principalement sur la création de l’Office français de la biodiversité (OFB), par la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui devrait voir le jour au 1er janvier 2020.

Mais il renforce aussi la protection des zones humides en proposant une modification de la définition de ces zones, telle que posée au 1° du I de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement. Celui-ci est en effet, à ce jour, libellé de la façon suivante :

« on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ; »

Deux critères sont dont dégagés par cet article :

  • Un critère pédologique,
  • Un critère botanique.

Et l’arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l’environnement affirme le caractère alternatif des critères deux critères précités.

Cependant, par son arrêt du 22 février 2017 (n° 386325), le Conseil d’Etat a considéré que l’article L. 211-1 précité devrait être lu comme caractérisant une zone humide, lorsque de la végétation y existe, « que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles ».

Le Conseil d’Etat exige donc le cumul des deux critères susmentionnés, relatifs à l’inondation de la zone et à la présence de végétation. Et, ce faisant, il restreint d’autant la possibilité de classement en zone humide et la protection de ces espaces par le régime de protection associé.

Les difficultés liées à l’application de cette décision ont conduit les services de l’Etat à publier une circulaire sur le sujet (Note technique du 26 juin 2017 relative à la caractérisation des zones humides, NOR : TREL1711655N).

Revenant sur cette décision, la commission paritaire mixte chargée de l’étude du projet de loi relatif à l’OFB a adopté un amendement proposé par le sénateur Jérôme Bignon visant à rétablir le caractère alternatif des critères. Le 1° du I de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement serait alors rédigé en ces termes :

« on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».

Quelles sont les ambitions du projet de loi relatif à l’énergie et au climat ?

Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 juin dernier, le projet de loi relatif à l’énergie et au climat concentrera l’attention de l’ensemble des acteurs du secteur de l’énergie jusqu’à la fin de l’été.

Si le secteur a été concerné par plusieurs lois adoptées lors du quinquennat en cours, il n’a pas fait l’objet d’une réforme d’envergure. Ce nouveau projet de loi fait donc office de « grande loi sur l’énergie » pour le Gouvernement actuel même si son intention, à la lecture de la première mouture du texte, semblait moins ambitieuse (notre brève à ce sujet).

Mais plusieurs circonstances, notamment la hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité depuis le 1er juin dernier (voir notre brève), ont conduit le Gouvernement à densifier les propositions portées par ce projet, le texte étant désormais composé de 13 articles insérés au sein de sept chapitres.

Le fil conducteur de ce projet de loi est de renforcer le lien, dans la politique énergétique nationale, entre enjeux climatiques et énergétiques (I). Ce qui se matérialise aussi par des mesures plus concrètes, apparues principalement dans les débats devant l’Assemblée nationale (II), et concernant aussi le cadre régulatoire de l’énergie (III).

 

I – Rendre la politique énergétique nationale plus ambitieuse en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Le projet de loi a pour objet principal de réviser les objectifs de la politique énergétique nationale énumérés à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie.

Il prévoit d’ajouter de nouveaux objectifs : celui visant à « (…) atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six »[1], l’augmentation de la production d’énergie hydroélectrique ou encore le développement de l’hydrogène bas carbone et renouvelable[2] (art. 1er).

Il rend les objectifs déjà existants de la politique énergétique plus ambitieux : nouvel objectif intermédiaire de réduction de la consommation énergétique finale « d’environ 7% en 2023 », nouvel objectif de part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie fixé à « au moins 33 % » d’ici à 2030 au lieu de 32%, ou encore objectif de réduction de la consommation primaire d’énergies fossiles porté de 30 % à 40% en 2030 (qui correspond au cadre d’action de la Commission européenne approuvé les 23 et 24 octobre 2014).

Dans la perspective d’atteindre ces objectifs, le projet de loi prévoit également des mesures en matière de planification énergétique. Par exemple, le contenu de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) est complété et fera l’objet d’une loi d’ici à 2023 puis tous les cinq ans – la PPE faisant à ce jour l’objet d’un décret simple (art. 1er bis A).

Entre autres mesures de planification, on citera l’introduction d’objectifs de réduction de l’empreinte carbone dans la stratégie nationale bas-carbone (art. 1er sexies), la fixation d’un plafond des émissions de gaz à effet de serre pouvant être émises par les centrales de production d’électricité existantes à combustibles fossiles (à fixer d’ici 2022 – art. 3) ou encore la remise d’un rapport annuel du Gouvernement sur les incidences positives et négatives du projet de loi de finances sur le réchauffement climatique (art. 1er octies).

Outre les mesures en faveur du climat, comme le cadre légal instauré pour le Haut Conseil pour le Climat[3] (art. 2) ou des mesures de simplification s’agissant de l’évaluation environnementale (Chapitre III), le projet de loi prévoit également des mesures concernant plus particulièrement le secteur de l’énergie, et ce dans l’objectif d’atteindre les objectifs ambitieux de la politique énergétique nationale.

 

II – Des mesures concrètes pour le secteur de l’énergie

L’examen du texte à l’Assemblée nationale a enrichi le projet de loi initial de plusieurs mesures spécifiques que l’on peut regrouper en deux séries de mesures.

 

II.1 D’une part, le projet de loi présente de nombreuses mesures en faveur du développement des énergies renouvelables.

Parmi les nouveautés, le projet de loi prévoit la mise en place par l’Etat d’appels à projets pour le développement d’installations de production d’électricité utilisant des énergies renouvelables innovantes (appelé le « contrat expérimental », v. art. 4 bis A), la dérogation possible aux interdictions et prescriptions fixées par le plan de prévention des risques technologiques pour la réalisation d’un projet d’énergie renouvelable (art. 4 ter), la création des communautés d’énergies renouvelables (art. 6 bis A), une réforme des garanties d’origine du biogaz ou de l’investissement participatif dans cette même filière (art. 6 septies) ou encore l’habilitation du Gouvernement pour définir le cadre juridique de l’hydrogène par voie d’ordonnance (art. 6 octies).

Le projet de loi prévoit également de nouvelles modalités permettant d’augmenter la puissance des installations hydroélectriques concédées dans le cadre d’un contrat de concession en cours d’exécution (art. 6 bis B).

Les mesures en faveur des énergies renouvelables dans le projet de loi concernent également des aspects plus techniques comme par exemple la compétence en premier et dernier ressort des litiges relatifs à l’éolien en mer que le texte prévoit de transférer de la Cour administrative d’appel de Nantes au Conseil d’État (art. 4 quater) ou la clarification la catégorie des redevables de la quote-part due au titre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3ReNR) (art. 6 octies).

 

II.2 D’autre part, les mesures prévues par le projet de loi portent également sur la promotion des économies d’énergie et de la performance énergétique.

Ces mesures portent en particulier sur la lutte contre la fraude et la spéculation des certifications d’économie d’énergie (CEE). Elles prévoient de renforcer le contrôle a posteriori des CEE délivrés par le pôle national des certificats d’économie d’énergie (notamment en matière de mise en demeure sur les obligations déclaratives) et la qualité des échanges d’information entre les administrations (Chapitre III).

De même, pour lutter contre la spéculation des CEE et éviter que leurs détenteurs ne conservent leurs CEE sans d’autres raisons que l’espoir de les revendre plus cher, le projet de loi plafonne la durée de vie des CEE à six ans. Il instaure également l’impossibilité de délivrance de CEE pour les opérations d’économie d’énergie qui ont aussi pour conséquence d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre (Chapitre III).

Concernant la performance énergétique, les mesures portent sur le régime juridique du diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements. Puis, le texte instaure une obligation de travaux pour tous les propriétaires de logement dont la consommation énergétique relève des classes F et G du DPE, et de réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique permettant d’atteindre la classe E au moins d’ici au 1er janvier 2028 (art. 3 septies).

Grandes trajectoires de politique énergétique et mesures plus concrètes, le projet de loi porte aussi et enfin sur plusieurs aspects de régulation du secteur de l’énergie.

 

III – Enjeux de la régulation du secteur de l’énergie

Parmi les quatre sujets de régulation visés dans le projet de loi, tous sont en réalité des réactions à vif sur l’actualité européenne et nationale du secteur de l’énergie.

En premier lieu, les mesures du projet de loi visent notamment les attributions de la Commission de Régulation de l’Energie (« CRE ») dans le cadre de sa mission de régulation du secteur de l’électricité et du gaz en France.

Outre la correction d’une scorie à l’article L. 132-2 du Code de l’énergie sur le renouvellement des membres du collège de la CRE, le projet de loi donne habilitation au Gouvernement pour réformer la procédure applicable devant le Comité de règlements des différends et des sanctions (CoRDIS) par voie d’ordonnance, et confie à la CRE la compétence de transiger les litiges liés au paiement de la contribution au service public de l’électricité au titre des années 2012 à 2015[4] (art. 7).

En outre, il est prévu que le ministre en charge de l’énergie ou la CRE puisse, chacun dans son domaine de compétence, accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental (de quatre ans maximum, renouvelable une fois) des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents (art. 7 quater).

En deuxième lieu, le projet de loi contient également des mesures visant à adapter le dispositif de l’Accès Régulé au Nucléaire Historique (ci-après « ARENH ») en cas d’atteinte de son plafond légal.

Ces mesures s’inscrivent dans la continuité des réflexions sur la place du nucléaire dans le parc de production d’électricité, le projet de loi repoussant à dix ans, 2035 au lieu de 2025, l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50% du parc de production d’électricité (cf. art. L. 100-4 du Code de l’énergie).

Les mesures visent aussi à répondre à la situation inédite de dépassement du plafond légal de l’ARENH début 2019 et à ses conséquences sur la répartition et la fixation de l’ARENH.

Elles portent à ce stade sur les compléments de prix et leurs modalités de reversement, sur la compétence pour fixer le prix de l’ARENH (accordée provisoirement au Gouvernement – par arrêté ministériel et sur avis de la CRE) et sur le niveau du plafond de l’ARENH, passant à 150 TWh à partir de 2020 au lieu de 100 TWh aujourd’hui (art. 8).

En troisième lieu, même si le sujet n’était pas prévu dans le projet de loi initial[5], la hausse des prix au 1er juin a conduit le Gouvernement à inclure au sein du projet de loi les mesures visant à mettre progressivement un terme aux tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz (chapitre VII) après la censure des dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) à cet égard par le Conseil constitutionnel[6].

En l’état, le projet de loi réserve le bénéfice des TRV d’électricité uniquement aux consommateurs domestiques et petits consommateurs professionnels à compter du 1er janvier 2020, et les contrats en cours des autres usagers prendront fin au 30 décembre 2020. Pour les TRV de gaz, les nouveaux contrats ne pourront plus être souscrits après le premier jour du treizième mois suivant la publication de la loi, et les contrats en cours prendront fin au 1er juillet 2023. Il est également mis fin à l’éligibilité (en gaz et en électricité) réservée à certains consommateurs n’ayant pas souscrit à une offre de marché depuis le 1er janvier 2016 (que l’on appelle aussi les clients « dormants »).

Cette extinction est accompagnée de plusieurs mesures d’information, à la charge notamment des fournisseurs aux TRV, et de la mise en place de dispositifs plus spécifiques, tels que la fourniture de secours ou de dernier recours.

En quatrième et dernier lieu, le projet de loi habilite le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance pour transposer ou adapter le droit national aux derniers textes issus du paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » (art. 6 ; voir notre brève). Sont visées quatre directives (énergies renouvelables[7], efficacité énergétique[8], performance énergétique des bâtiments[9], règles communes pour le marché intérieur de l’électricité[10]) et trois règlements (préparation aux risques dans le secteur de l’électricité[11], marché intérieur de l’électricité[12] et gouvernance de l’union de l’énergie[13]).

En synthèse, l’ambition première du projet de loi, à savoir réviser les objectifs de politique énergétique fixés en 2015, semble avoir été rattrapée par la nécessité de réagir à des enjeux urgents. Le risque est d’obtenir une loi composée de fragments, avec des mesures d’ordre général sans lien évident avec les plus concrètes, au lieu d’une réforme d’ensemble. Conserver une ligne directrice aurait été préférable afin d’éviter que le législateur intervienne dans le désordre.

Désormais au Sénat, après la première lecture de l’Assemblée nationale, la discussion du projet de loi en séance publique par les sénateurs est prévue pour les 16, 17 et 18 juillet prochain. Un projet à suivre.

 

 

[1] La « neutralité carbone » étant définie comme étant « (…) un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques de gaz à effet de serre sur le territoire national. Le périmètre des émissions et absorptions comptabilisées correspond à celui des inventaires nationaux de gaz à effet de serre. La neutralité carbone s’entend sans utilisation de crédits internationaux de compensation carbone ».

[2] Avec un objectif de 20 à 40 % de la consommation totale d’hydrogène industriel à l’horizon 2030.

[3] Voir le décret n° 2019-439 du 14 mai 2019 relatif au haut conseil pour le climat qui a « install[é] le haut conseil pour le climat » et précisé sa composition et ses modalités de son fonctionnement.

[4] Application de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 juillet 2018, SAS Messer France (affaire c-103/17), repris par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 3 décembre 2018, SAS Messer France (n° 399115).

[5] voir la lettre rectificative au projet de loi relatif à l’énergie et au climat – conseil des ministres du 12 juin 2019

[6] Décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019 ; Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

[7] Directive 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

[8] Directive 2018/2002 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.

[9] Directive 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.

[10] Directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

[11] Règlement 2019/941 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE.

[12] Règlement 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité.

[13]glement 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) no 663/2009 et (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/ UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/ce et (UE) 2015/652 du conseil et abrogeant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil.

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre, avocate associée, et Maxime Gardellin, avocat à la cour.

Contrôle URSSAF : l’annulation d’un précédent redressement par la commission de recours amiable ne vaut pas accord tacite

→    Le contexte juridique :

En application de l’article L. 243-12-4 du Code de la sécurité sociale, l’Urssaf ne peut pas procéder une nouvelle fois à un contrôle portant, pour une même période, sur les points de la législation applicable ayant déjà fait l’objet d’une vérification, sauf dans des cas exceptionnels : réponses incomplètes ou inexactes, fraude, travail dissimulé ou demande de l’autorité judiciaire.

A cet égard, l’article R. 243-59-7 du même Code précise que le redressement établi en application des dispositions de l’article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n’ont pas donné lieu à observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l’article R. 243-59 dès lors que l’organisme a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments et que les circonstances de droit et de faits sont inchangées.

Ainsi, il résulte de ces articles que constitue une décision implicite d’acceptation des pratiques suivies dans l’entreprise le silence observé par l’Urssaf à l’occasion d’un contrôle au cours duquel les éléments révélant ces pratiques ont été mis à sa disposition.

 

→     L’arrêt :

En l’espèce, une société a obtenu l’annulation par la commission de recours amiable du chef de redressement afférent à la réintégration dans l’assiette des cotisations de la prise en charge par l’employeur des frais de repas de certains salariés.

Cette société a fait l’objet d’un contrôle ultérieur par l’URSSAF suivi d’un redressement portant sur le même point. Pour s’y opposer, l’entreprise fait valoir que la situation est la même que celle ayant abouti précédemment à l’annulation du redressement par la commission de recours amiable.

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a eu à se demander si l’annulation du redressement par la commission de recours amiable peut valoir approbation tacite de la pratique de l’employeur.

La Haute juridiction répond par la négative et rappelle que dès lors que les agents de contrôle ont conclu, à l’issue des opérations de contrôle, à un redressement, le cotisant ne peut pas se prévaloir d’un accord tacite de l’organisme du fait de l’annulation de ce redressement par la commission de recours amiable.

 

→     L’analyse :

La solution est en réalité assez logique puisque la Cour de cassation ne fait qu’appliquer à la lettre l’article R. 243-59-7 du Code de sécurité sociale au terme duquel il résulte qu’une décision implicite naît du silence des agents de l’Urssaf lors du contrôle. Or, en décidant de procéder à un redressement, ces derniers ont font connaître leur position en jugeant la pratique de l’employeur contraire à la législation en matière de cotisations de sécurité sociale.

 

Par Meriem Khelif, Avocate senior référent

RGPD et protection des données RH

La nouvelle obligation : L’entrée en vigueur du décret du 29 mai 2019 achève au niveau réglementaire le travail d’adaptation du droit français au droit de l’UE du règlement général sur la protection des données (RGPD). Entré en vigueur depuis le 25 mai 2018, c’est aujourd’hui l’occasion de revenir sur quelques mesures concrètes devant être mise en place dans l’entreprise et plus particulièrement au sein des services RH concernant la gestion des données personnelles des salariés.

L’entrée en vigueur du RGPD a renforcé le traitement des données personnelles des salariés et est devenu un challenge quotidien pour le service RH. En effet, du recrutement au départ des salariés, mais aussi tout au long de la carrière du salarié de nombreuses données personnelles sont collectées et ont vocation à être exploitées.

 

Les Apports : Le RGPD oblige notamment l’employeur à garantir la sécurité et la confidentialité des données personnelles collectées, informer et dans certains cas obtenir le consentement préalable des salariés (et candidats), collecter les données personnelles nécessaires, établir un registre des activités de traitement et désigner un délégué à la protection des données.

A titre d’exemple, on peut observer, après un an de mise en œuvre, que le registre de traitement des données, prend le plus souvent la forme d’un tableau, le RGPD n’exigeant aucune forme spécifique. Il doit, selon le modèle mis en ligne par la CNIL, recenser notamment le nom de l’entreprise et les coordonnées des responsables du traitement, les personnes concernées par les données traités, le type de données traitées (identité, situation de famille, données bancaires, données de connexion…), les catégories de destinataires auxquels les données vont être communiquées, les délais prévues pour l’effacement, une description générale des mesure de sécurité techniques et organisationnelles mises en œuvre dans l’entreprise. Afin de pouvoir mettre en place cet outil, il est préalablement nécessaire de faire l’inventaire de l’ensemble des données personnelles détenues par l’entreprise et en, conséquence de faire le point avec l’ensemble des équipes ayant vocation à traiter de ces données (par exemple service recrutement, paye, formation…).

Aussi, pour rappel, un délégué à la protection des données doit être mis en place dans un certain nombre d’entreprise et est lorsqu’il n’est pas obligatoire un véritable atout au regard de la complexité technique du traitement des données et de l’étendue des obligations. La simplicité de la désignation de ce dernier, celle-ci s’effectuant en ligne, incite d’ailleurs les entreprises à en désigner un ! Les entreprises souhaitant mettre en place cet acteur en leur sein sont invitées à informer les salariés de cette création. Cette désignation devra faire l’objet d’une communication dans l’entreprise et afin de garantir son efficacité un dialogue régulier avec la Direction devra être instauré.

 

Premier bilan : Globalement, le constat est le suivant : les entreprises et leurs services RH s’approprient le dispositif RGPD et les particuliers sont plus sensibles à la protection des données. Depuis l’entrée en vigueur du RGPD, les contrôles de la CNIL se sont multipliés mais étaient effectuée avec « bienveillance ». Le 15 avril, la présidente de la CNIL a annoncé « la fin d’une forme de tolérance » s’agissant du contrôle de la mise en œuvre du RGPD. Désormais, les contrôles seront effectués pleinement et en cas de manquement des mesures de mise en demeure ou de sanctions seront prises. Les entreprises ont donc tout intérêt à s’assurer de leur mise en conformité !

 

Par Clara Bellest, Avocate à la cour

A qui appartient une œuvre de street-art ?

 

Principe : Des graffiti semés par Jean-Michel Basquiat dans les rues new-yorkaise aux pochoirs londoniens de Bansky, le Street Art est une forme d’art développée dans les espaces publics, dans les rues et qui connait un engouement depuis plusieurs années.

L’expression fait généralement référence à l’art non-autorisé par la loi et qui s’exprime sur les locaux, bâtiments, abris de bus, transport en commun appartenant soit à l’Etat soit aux particuliers.

John Fekner, artiste new-yorkais et aussi l’une des figures centrales de l’art urbain a défini le Street Art comme étant : « tout art dans la rue qui n’est pas du graffiti ».

Parmi les différentes méthodes développées et issues du Street Art figurent les tags ou graffiti, les fresques, le collage, les mosaïques, le « L.A.S.E.R Tags », l’art du pochoir, le sticker art, la projection vidéo, les installations de rue et le yarn bombing ou encore le « drones paintings ».

 

 

Problématique : Lorsqu’aucune commande n’a été passée,  le propriétaire immobilier servant de support à ces œuvres de Street Art, non-autorisées, peut-il en disposer librement ? En devient-il propriétaire ? Peut-il l’exploiter ou encore l’effacer ou la détruire ?

En droit, il est admis que tous les artistes indistinctement jouissent d’une protection et des droits d’auteur sur leurs compositions. Cela est repris à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Or, la doctrine considère que le Street Art est par définition un art éphémère qui est attentatoire à des biens privatifs.

Si le street-artist a des droits d’auteur sur son œuvre, rien n’interdit le propriétaire du support de repeindre l’œuvre du street-artist, qui sait que son œuvre a vocation à disparaitre un jour.

Le droit français distingue, tout d’abord, le droit sur l’œuvre et le droit sur le support, au terme duquel le propriétaire aurait le droit de disposer librement de la chose.

A ce sujet, la jurisprudence n’est pas encore fixée sur le sujet mais il semble que la solution dépende de l’autorisation préalable donnée à l’artiste au propriétaire du support.

Ainsi, en l’absence d’autorisation, l’artiste n’aura pas la possibilité de se prévaloir des dispositions de l’article L.121-1, alinéa 1, du Code de la propriété intellectuelle, et notamment du droit moral de l’auteur qui est perpétuel, imprescriptible et inaliénable.

Également, sur le plan du droit pénal, l’article 322-1 du Code pénal sanctionne :

« Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisations préalables, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain ».

 

 

Jurisprudence : Dans un arrêt du 28 septembre 1999, la Cour de cassation a considéré que la protection du droit d’auteur disparait lorsque l’illicéité de l’œuvre est prouvée. Or, dans le cadre du Street Art, cette illicéité peut résulter aussi bien de l’absence d’accord du propriétaire du support de l’œuvre, que de l’application des dispositions de l’article 322-1 du Code pénal, dès lors que l’œuvre a été réalisée sur une façade, un véhicule, la voie publique, ou bien du mobilier urbain.

Plus récemment encore, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 11 juillet 2017 fait primer le droit pénal sur les droits d’auteurs pour condamner l’artiste Azyle du chef de délit de dégradation sur le métro parisien.

Mise en pratique : En conclusion et en l’état actuel des choses, dès lors que le propriétaire immobilier n’a pas donné son accord préalablement, ce dernier aura la possibilité de recouvrir l’œuvre ou de la détruire sans risque d’être condamné pour avoir intenté aux droits attachés à une œuvre de Street Art.

 

Par Johann Petitfils-Lamuria, Avocat senior

Amiante et réparation du préjudice d’anxiété des salariés

 

Principe antérieur : Seuls les salariés qui avaient travaillé dans l’un des établissements dont les locaux contenaient des poussières d’amiante et mentionnés à ce titre, à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et sur une liste dressée par arrêté ministériel, c’est-à-dire ceux pouvant bénéficier d’un dispositif de pré-retraite amiante, pouvaient solliciter la réparation de le préjudice d’anxiété.

Revirement de jurisprudence : Par arrêt en date du 5 avril 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a retenu que désormais, même s’il n’a pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, tout salarié exposé à l’amiante et présentant, de ce fait, un risque élevé de développer une maladie grave peut agir contre son employeur sur le fondement d’un manquement à l’obligation de sécurité en vue d’obtenir la réparation du préjudice d’anxiété, tenant à l’inquiétude permanente de déclarer une maladie liée à l’amiante.

 

Portée de l’arrêt : L’assemblée plénière ouvre droit à une réparation d’un préjudice d’anxiété à tous les salariés exposés à l’amiante.

Cependant, conformément aux règles de responsabilité de droit commun, le salarié devra établir la réalité de son préjudice d’anxiété, l’exposition à l’amiante ne suffisant pas à elle-seule à en prouver l’existence.

L’employeur pourra s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir mis en œuvre les mesures et moyens de prévention, d’information, de formation et/ou d’organisation adaptés « au regard du risque connu ou qu’il aurait dû connaître » visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail (Soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444).

Reste que certaines interrogations demeurent sur les modalités d’appréciation :

  • du préjudice d’anxiété par hypothèse, subjectif, qui doit nécessairement être individualisé ;
  • de son lien avec l’activité professionnelle, problématique mieux connues des juridictions de sécurité sociale dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles, que des Conseils de prud’hommes ;
  • ou encore du point de départ du délai de prescription de l’action du salarié qui auparavant courait à compter de l’inscription de l’établissement au sein duquel il travaillait sur la liste réglementaire.

 

En pratique : Ainsi, en cas de contentieux, dès lors que la responsabilité de l’employeur serait engagée au titre d’un manquement à son obligation de sécurité, trois points pourront utilement être débattus :

  • le cas échéant, le point de départ et la durée de prescription de l’action du salarié, étant précisé qu’initialement fixée à 30 ans, cette dernière a connu des réductions successives par les lois n°2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013, dont les conditions d’application aux prescriptions en cours font l’objet de mesures transitoires ;
  • la preuve de l’existence d’un préjudice personnellement subi par le salarié résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • le quantum de l’indemnisation du préjudice dès lors que le juge considèrerait celui-ci comme étant démontré.

 

Par Marjorie Fredin, Avocate senior référent

Les 12 principaux apports de la loi PACTE pour les entreprises

Par sa décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur certaines dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Loi PACTE), dont il avait été saisi par quatre recours émanant, pour deux d’entre eux, de plus de soixante députés et, pour les deux autres, de plus de soixante sénateurs.

Alors que le projet de loi initial comprenait 71 articles, la loi qui a été adoptée en comportait finalement 221.

La Loi PACTE a été promulguée le 22 mai 2019.

 

Les principales mesures pour les Entreprises

1 – La loi PACTE fixe les nouveaux enjeux pour une économie responsable.

Une des mesures phares de la loi PACTE sur l’objet social de l’entreprise qui consistait en la modification de l’article 1833 du Code civil a abouti à la reformulation de l’article.

Afin que l’objet social de toutes les sociétés intègre la considération des enjeux sociaux et environnementaux, l’article a été complété par un alinéa ainsi rédigé :          

« La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité »

En complément, l’article 1835 du Code civil a également été modifié pour y figurer une raison d’être dans les statuts d’une société, peu importe sa forme juridique comme le précise cet extrait de l’article 169 de la loi PACTE : « Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité »

Enfin, la loi crée le statut d’entreprise à mission.

Ces sociétés définissent statutairement, en plus du but lucratif, une finalité d’ordre social ou environnemental.

Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :

  1. « Ses statuts précisent une raison d’être, au sens de l’article 1835 du code civil » ;
  2. « Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ».

Un comité de mission (composé d’un salarié minimum) est chargé exclusivement du suivi et devra présenter un rapport chaque année, joint au rapport de gestion.

Il est précisé qu’il devra « procéder à toute vérification qu’il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission ».

Un organisme tiers indépendant devra vérifier l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux.

D’une manière générale le concept d’entreprise à mission est un terme qui renvoie à un nouveau type d’entreprise hybride, au carrefour de l’entrepreneuriat classique et de l’économie sociale et solidaire, qui prend en compte l’intérêt général et les enjeux sociaux et environnementaux en plus de la dimension économique.

 

2 – La Loi PACTE prévoit des mesures pour inciter les entrepreneurs à adopter le statut de l’EIRL

Ainsi, les entrepreneurs pourront choisir d’exercer leur activité sous le statut de l’ Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) même avec un patrimoine affecté sans valeur. Ils n’auront plus besoin de faire évaluer par un expert les biens affectés d’une valeur supérieure à 30.000 €.

 

3 – La loi PACTE impose une représentation équilibrée homme-femmes au sein des organes de gestion des sociétés anonymes

Le non-respect des règles de représentation équilibrée hommes-femmes au sein du conseil d’administration peut désormais entraîner la nullité des délibérations auxquelles a pris part le membre du conseil irrégulièrement nommé.

L’article 188 de la Loi PACTE impose au Directeur Général de proposer des candidats au conseil en s’efforçant de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes (nouvel article L. 225-53 du Code de commerce).

Des mesures similaires sont prévues pour les sociétés anonymes à directoire.

Les sanctions prévues en cas de non-respect des règles de représentation équilibrée hommes-femmes au sein du conseil d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions sont renforcées.

En effet, auparavant, la loi sanctionnait par la nullité toute nomination intervenue en violation de ces règles, mais cette nullité n’entraînait pas celle des délibérations auxquelles avait pris part le membre du conseil irrégulièrement nommé.

Cette règle est supprimée par la loi PACTE (articles L. 225-18-1, L. 225-69-1 et L. 226-4-1 modifiés), de sorte que la nullité de la nomination irrégulière peut entraîner celle des délibérations auxquelles a participé le mandataire social

Toutefois, les membres du conseil d’administration ou de surveillance de sociétés anonymes élus par les salariés ne sont pas pris en compte pour les règles de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

 

4 – La loi Pacte augmente le nombre de salariés au sein des conseils d’administration

Dans le but de renforcer la représentation des salariés au sein des conseils d’administration, une société soumise à l’obligation de désigner des administrateurs salariés, conformément aux dispositions de l’article L. 225-27-1 du Code de commerce, devra compter deux administrateurs salariés dès lors que son conseil d’administration compte plus de 8 administrateurs non-salariés.

Ce seuil ne s’appliquera qu’aux sociétés de plus de 1.000 salariés en France ou 5.000 salariés en France et à l’étranger (art. 62).

 

5 – La loi PACTE assouplit les conditions d’octroi d’avances en compte courant d’associé

Désormais, tout associé quel que soit la fraction de capital qu’il détient peut désormais consentir des avances en compte courant à sa société. La précédente règle prévoyait un minimum de détention de 5% dans les sociétés civiles, SARL et sociétés par actions.

Afin de favoriser le financement des entreprises, la loi PACTE supprime la condition de détention du capital imposée aux associés (article 76 de la loi).

Désormais, les dispositions de l’article L. 312-2 du Code monétaire et financier, qui étaient applicables aux gérants, administrateurs, membres du directoire et du conseil de surveillance, sont maintenant étendues au directeur général, au directeur général délégué de société anonyme et au président de société par actions simplifiée.

 

6 – La loi PACTE instaure un nouveau régime des actions de préférence

Pour rappel, les actions de préférence sont des titres de capital, « avec ou sans droit de vote, assortis de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent » (article L. 228-11, al. 1er). Elles peuvent être émises seulement par des sociétés par actions (SA, SCA et SAS).

La loi PACTE vient ainsi modifier plusieurs articles du Code de commerce relatifs aux actions de préférence.

Tout d’abord, la loi PACTE autorise dans toutes les sociétés par action non cotées la création d’actions de préférence à droit de vote multiple (ou encore à droit de vote double sans avoir à respecter les conditions posées par le Code de commerce) alors qu’avant seule la SAS pouvait prévoir des droits de vote multiples (article L. 228-11, al. 1er mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 2°, a).

Elle permet également de retirer le droit préférentiel de souscription à toutes les actions de préférence comportant des droits financiers limités alors qu’avant cela n’était autorisé que pour les actions sans droit de vote à l’émission (article L. 228-11, al. 5 mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 2°, b).

Elle permet, en outre, le rachat des actions de préférence à l’initiative conjointe de la société et du détenteur de l’action de préférence, et non plus seulement à l’initiative exclusive de la société comme c’était précisé avant (article L. 228-12, III, 4° mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 3°).

Enfin, elle clarifie le champ de la procédure des avantages particuliers, qui impose notamment en cas d’émission la désignation d’un commissaire aux apports. Il vient ainsi préciser que la procédure des avantages particuliers s’applique non seulement aux actionnaires existants, mais aussi aux personnes qui le deviennent au moment de la souscription (article L. 228-15, al. 1er mod. par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, I, 4°).

Toutes ces nouvelles mesures sont applicables uniquement aux actions de préférence émises à compter de la publication de la loi (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 100, II).

 

7 – La loi PACTE modifie le régime de désignation des commissaires aux comptes

Désormais, l’entreprise devra avoir recours à un commissaire aux comptes afin de faire certifier ses comptes si elle remplit au moins deux critères sur les trois suivants :

  • Avoir un bilan supérieur ou égal à 4 millions d’euros ;
  • Avoir un chiffre d’affaires hors taxes supérieur ou égal à 8 millions d’euros ;
  • Avoir un effectif supérieur ou égal à 50 personnes.

Les seuils seront appliqués quelle que soit la forme juridique de la société.

Le but poursuivi par cette mesure est d’alléger les coûts des entreprises et de faciliter leur développement pour les plus petites d’entre elles.

La loi prévoit également qu’une société qui contrôle une ou plusieurs sociétés au sens de l’article L. 233-3 a l’obligation de désigner un Commissaire aux comptes lorsque l’ensemble qu’elle forme avec la ou les sociétés qu’elle contrôle dépasse les seuils fixés ci-dessus.

Les députés ont donc supprimé l’obligation sans condition de nommer des commissaires aux comptes pour les sociétés qui contrôlent ou qui sont contrôlées.

En outre, cette obligation de nommer un commissaire aux comptes ne s’applique pas lorsque la société qui contrôle la ou les sociétés est déjà elle-même contrôlée par une société dotée d’un Commissaire aux Comptes.

Enfin, il est toujours possible de nommer un commissaire aux comptes de manière volontaire.

En revanche, les Entreprises Publiques Locales (SEM et SPL) ne seront pas soumises à ces dispositions et seront donc toujours concernées par l’obligation de désigner un commissaire aux comptes.

 

8 – La loi PACTE simplifie la création des entreprises

Afin de faciliter la création d’entreprise, plusieurs mesures sont mises en œuvre par la loi PACTE : lancement d’une plate-forme en ligne afin de créer son entreprise, création d’un registre général des entreprises dématérialisé et la possibilité de publier des annonces légales en ligne.

 

9 – La loi PACTE simplifie la transformation et le rebond des entreprises.

La loi PACTE instaure trois mesures permettant de faciliter la transformation des entreprises : réforme de la liquidation judiciaire, transposition de la directive « insolvabilité » et réforme de la procédure de radiation.

Désormais, la procédure de liquidation judiciaire sera simplifiée afin de clôturer les procédures plus rapidement (entre 6 et 9 mois) si les entreprises n’emploient pas plus de cinq salarié et que leur chiffre d’affaires est inférieur à 750.000 euros.

La loi prévoit aussi de faciliter le rebond des entrepreneurs en proposant un recours plus automatisé à la procédure de rétablissement professionnel.

Cette procédure permet d’effacer les dettes d’une entreprise à condition que l’entreprise n’emploie pas de salariés et détienne moins de 5.000 euros d’actifs.

Enfin, des procédures préventives seront développées afin de minimiser le nombre de liquidations judiciaires. Les créanciers seront classés par ordre. Les délais et coûts des procédures d’insolvabilité seront réduits en prévoyant notamment la compétence des autorités administratives et judiciaires en charge des procédures et l’usage des moyens électroniques de communication.

La procédure de radiation sera elle aussi harmonisée à tous les fichiers administratifs.

 

10 – La loi PACTE rend transparente la rémunération des dirigeants

Dans les entreprises cotées, les écarts de rémunération entre les dirigeants et le salaire moyen et médian des salariés devront être communiqués. L’entreprise devra aussi indiquer l‘évolution de ces ratios d’équités sur une période de cinq ans.

 

11 – La loi PACTE encourage l’intéressement et la participation.

La loi Pacte simplifie les dispositifs d’intéressement et de participation, qui permettent aux salariés de bénéficier des profits de leur entreprise quand elle se porte bien. Le forfait social de 20% est supprimé pour les entreprises de 0 à 250 salariés en ce qui concerne l’intéressement, et pour les entreprises de 0 à 50 salariés en ce qui concerne la participation.

Les sociétés seront ainsi incitées à partager leurs profits avec les employés.

Aujourd’hui, une entreprise qui emploie au moins 50 salariés pendant 12 mois au cours des 3 derniers exercices doit prévoir un accord de participation. La Loi permet dorénavant à cette entreprise de le faire seulement à partir du premier exercice suivant 5 années civiles consécutives d’atteinte de ces seuils.

 

12 – La loi PACTE renforce la procédure des conventions règlementées

L’article 198, IV de la loi PACTE adapte en partie le contrôle des conventions réglementées dans les SA à la directive européenne 2017/828 du 17 mai 2017 en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires.

Les mesures prévues portent tout d’abord sur les sociétés cotées, qui seront désormais obligées de publier sur leur site les informations concernant les conventions réglementées au moment de leur conclusion. La loi comprend également des mesures qui affectent les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions non cotées.

La loi PACTE supprime ainsi la mention « possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital » de l’article L. 225-37-4 et la remplace par « contrôlée par la première au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ».

Devront ainsi être mentionnées les conventions réglementées conclues non seulement avec les sociétés dont la société anonyme détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital, mais aussi avec les sociétés (article L. 233-3, I) :

  • dont elle détient la majorité des droits de vote en vertu d’un accord conclu avec les actionnaires,
  • ou sur lesquelles elle exerce un contrôle de fait,
  • ou dont elle est un associé ou actionnaire disposant du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres de la direction,
  • ou dont elle détient directement ou indirectement plus de 40 % des droits de vote et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient une fraction de droits de vote supérieure à la sienne.

Toute personne intéressée pourra alors demander au président du Tribunal statuant en référé d’obliger le directoire ou le conseil d’administration de signaler les informations manquantes. Par ailleurs, les sociétés seront tenues de communiquer aux actionnaires la liste des conventions sur les opérations courantes conclues à des conditions normales.

Enfin, toute personne intéressée directement ou indirectement ne pourra pas prendre part aux délibérations du conseil d’administration ou de surveillance et au vote sur l’autorisation de la convention.

 

Par Hakim Ziane, Avocat senior référent

Cession des droits de commercialité : pourquoi et comment ?

 

Principe : Dans les communes de plus de 200.000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable du maire et peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation d’autres locaux ayant un autre usage. En pratique, la compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage s’opère, entre opérateurs, au moyen d’une « cession de commercialité », c’est-à-dire d’un contrat aux termes duquel, un opérateur qui transforme en habitation des locaux affectés à un autre usage, cède sa commercialité à un autre opérateur qui fait l’opération inverse. Cette opération consiste, pour l’opérateur qui ne peut opérer de conversion sur des immeubles lui appartenant, d’acquérir alors d’un tiers la transformation imposée par l’administration et payer cette opération. Il acquiert alors la « commercialité » indispensable à la poursuite de son programme.

 

Exemple : A Paris, l’usage d’habitation d’immeubles peut être modifié sous réserve de la mise en œuvre d’une compensation par les locaux qui doivent correspondre, d’une part, à des unités de logement de qualité et de surface équivalente, et d’autre part, qui sont dans le même arrondissement que les locaux faisant l’objet du changement d’usage. A noter qu’il existe également un secteur renforcée où les règles de compensation sont plus contraignantes.

 

Mise en pratique : La cession de commercialité relève de la liberté contractuelle des parties et n’est soumise à aucun formalisme particuliers. Ainsi, elle s’exécute par acte sous seing privé entre le titulaire de droits à commercialité et le candidat à la transformation de locaux à usage d’habitation en un autre usage.

 

Par romain Desaix, Avocat senior référent

SCI : Vigilance quant à l’objet social

 

Principe : Le vendeur est tenu des vices cachés de la chose vendue, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. Une présomption irréfragable de connaissance du vice pèse sur le vendeur professionnel.

A ce titre est qualifiée de vendeur professionnel la société civile immobilière qui agit dans le cadre de son objet social, encore faut-il que son objet social prévoit expressément la vente d’immeuble, ce qui n’était pas le cas dans l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 mars 2019.

 

Clarification : En l’espèce, une SCI vend des lots d’un immeuble en copropriété.

Soutenant que le sous-sol avait été inclus à tort dans la surface privative du bien et qu’il avait découvert après la vente l’impossibilité d’utiliser les emplacements de stationnement avec un véhicule de taille moyenne, l’acheteur assigne la SCI en diminution du prix de vente et en réparation de son préjudice.

Mais, en relevant que la SCI, qui, aux termes de ses statuts, avait pour objet « l’acquisition par voie d’achat ou d’apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, l’aménagement, la gestion directe ou indirecte des biens et droits immobiliers dépendant des divers immeubles ci-après désignés […] et généralement toutes opérations civiles pouvant se rattacher directement à cet objet ou susceptibles d’en favoriser le développement », la Cour d’appel a pu en déduire que la vente d’immeuble n’entrait pas dans son objet social et qu’elle pouvait se prévaloir de la clause d’exonération de la garantie des vices cachés prévue dans l’acte de vente.

 

Apport : Si la vente d’immeubles n’est pas stipulée dans l’objet social d’une SCI, celle-ci peut se prévaloir de l’exonération de la garantie des vices cachés.

 

Par Charlotte Duvernois, Avocate senior

Crédit-bail immobilier : quel acte confère au crédit-preneur la qualité de propriétaire ?

 

Principe : Le crédit-bail immobilier est un mode privilégié de financement d’acquisition de biens professionnels, qu’il s’agisse notamment de bureaux, commerces, locaux d’activités ou hébergements hôteliers, et permet d’exploiter dans de bonnes conditions des immeubles affectés à une activité professionnelle. Quoi qu’il en soit, la qualification du crédit-bail immobilier reste la même : il s’agit d’une opération de financement dans laquelle le crédit-bailleur, bien que juridiquement propriétaire de l’immeuble, entend se cantonner à un rôle de financier et laisser à son cocontractant, le crédit-preneur, le soin d’assumer les risques et obligations qui auraient dû ou pu incomber au propriétaire et de régler les questions d’administration courante de l’immeuble. Sur un plan juridique, le crédit-bail est une convention sui generis où se mêlent différents contrats : prêt, location et promesse de vente, suivie, le cas échéant, d’une vente. L’encadrement légal est assez réduit (art. L. 313-7 du Code monétaire et financier), mais la jurisprudence a su, jusqu’à présent, en combler les lacunes. La Cour de cassation est intervenue le 9 janvier 2019 afin de clarifier le point relatif à la nature de l’acte qui confère la qualité de propriétaire au crédit-preneur.

 

Clarification : la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel, lorsque le crédit-bail immobilier prévoit la cession en exécution d’une promesse unilatérale de vente, seule la levée de l’option d’achat par le preneur a pour effet de lui transférer la propriété du bien, à l’exclusion de tout autre acte juridique. Ainsi, le fait pour un crédit-preneur, une SCI, de consentir lui-même un bail sur le bien, antérieurement à la levée de l’option d’achat, ne lui confère pas la qualité de propriétaire du bien.

 

Apport : Cette jurisprudence précise que dans le cadre d’un crédit-bail immobilier, seul l’acte authentique constatant la levée de l’option d’achat par le Preneur a pour effet de lui transférer la propriété du bien.

 

Par Samira Nina, Avocate à la cour

L’obligation de nommer un référent harcèlement sexuel et violences sexistes

 

La nouvelle obligation: Toutes les entreprises de plus de 11 salariés sont dotée d’un comité social et économique (CSE), depuis le 1er janvier 2019 et doivent donc désormais nommer un spécialiste du harcèlement sexuel et des comportements sexistes. Les membres du CSE doivent en effet désigner en leur sein un de leurs membres (élus ou suppléants) comme référent harcèlement sexuel.

Dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés, la direction doit nommer au sein de l’entreprise un deuxième référent, qui a les mêmes pouvoirs.

il s’agit d’une nouvelle obligation, entrée en vigueur au 1er janvier 2019, en application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

 

Les Apports : les entreprises disposent désormais d’un référent ayant bénéficié de la formation en santé, sécurité et conditions de travail nécessaire à l’exercice de ses missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-18).

Le référent doit apprendre à distinguer les faits de harcèlement sexuel et violences sexistes des situations voisines mais distinctes. Il doit être formé aux délit de harcèlement sexuel et aux actions civiles et pénales qui en découlent.

Ce référent doit ainsi réaliser au sein de l’entreprise des actions de sensibilisation et de formation, mettre en œuvre les procédures internes de signalement et de traitement des situations de harcèlement sexuel.

 

Ce que cela change : Le référent est désormais chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.  

L’objectif de la nomination du référent est de permettre aux salariés de trouver un interlocuteur vers qui se tourner, pour être écoutés, orientés et accompagnés. Les référents constitueront donc des relais.

 

Par Manon Boinet, Avocate à la cour

Cautionnement : comment s’apprécient les capacités du remboursement d’une caution ?

 

Principe : La caution est un second débiteur que le créancier s’est donné. Il a contre elle les mêmes droits et actions que contre le débiteur principal. À l’échéance, si le débiteur principal est défaillant, il peut exiger de la caution l’exécution de la garantie. Il peut aussi, s’il a des raisons de craindre la défaillance du débiteur, prendre à titre préventif des mesures conservatoires contre la caution. Toute poursuite en exécution est cependant subordonnée à l’exigibilité de la créance garantie. L’exécution, elle-même soumise à certaines conditions, peut être perturbée par une procédure collective de la caution et connaît certaines limites, lesquelles peuvent aussi résulter des autres engagements de la caution. Il faut en effet que la caution soit en capacité de faire face à ses obligations.

 

Clarification : La Cour de cassation a ainsi jugé que la capacité de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée s’appréciait en considération de son endettement global. En l’espèce la caution d’une société avait été actionnée, à la même période, par deux banques créancières. La Cour d’appel avait jugé que le cautionnement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion, mais avait retenu que le patrimoine immobilier de la caution lui permettait, au jour où elle avait été appelée, de faire face à son obligation. La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en jugeant que la cour d’appel aurait dû tenir compte des autres engagements de la caution.

 

Apport : La proportion ou disproportion de l’engagement de la caution s’apprécie non seulement au jour de la formation du contrat, mais également au jour de sa mise en œuvre et ne s’apprécie pas seulement à l’aune de ses biens et revenus, mais aussi en fonction de son « endettement global ».

 

Par Aliénor De Roux, Avocate senior référent

Pop-up store, le nouveau format vedette du retail : un package juridique en 3 étapes

1 –  Créer une société

Dans un premier temps, il est conseillé de constituer une société : sous la forme d’une société à responsabilité limitée (SARL) ou d’une société par actions simplifiée (SAS). Cela assurera la protection du patrimoine grâce à l’écran de la personnalité morale. La SAS sera préférable dans l’hypothèse où votre concept attirerait des investisseurs.

 

2 – Conclure un bail / une convention

Dans un deuxième temps, il faut garder en tête que le pop-up store n’est pas soumis à la législation relative aux baux commerciaux qui n’est pas adaptée.

Plusieurs outils contractuels sont toutefois disponibles :

  •  Bail dérogatoire soumis à l’article L. 145-5 du Code de commerce
  • Convention d’occupation précaire (COP) soumis à l’article L. 145-5-1 du Code de commerce
  • Contrat de prestation de services (CPS)
  • Contrat de mise à disposition

Le choix du contrat doit en outre être conjugué avec la souscription à une assurance adaptée.

 

3 –  Procéder aux inscriptions auprès du RCS

Enfin, depuis un avis du Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés en date du 27 novembre 2015, chaque ouverture (et chaque fermeture) de pop-up store doit faire l’objet d’une inscription au registre du commerce et des sociétés au titre d’un établissement secondaire tel que défini à l’article R. 123-40 du Code de commerce.

 

Par Alexane Raynaldy, Avocate directrice

 

Droit de préférence du preneur : les contours de l’ordre public dessiné par la Cour de cassation

 

 

Principe : Depuis la loi du 18 juin 2014 dite « Pinel », en application de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, le preneur à bail commercial bénéficie d’un droit de préemption lorsque son bailleur vend l’immeuble, sauf exceptions (cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, cession unique de locaux commerciaux distincts, cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial, cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint).

Ces dispositions s’appliquent à toute cession intervenant à compter du 18 décembre 2014.

Jusqu’à une récente décision de la Cour de cassation, ces dispositions n’étaient toutefois pas considérées comme d’ordre public car elles n’étaient pas expressément visées par l’article L. 145-15 du Code de commerce.

 

La nouveauté juridique : Dans une récente décision du 28 juin 2018, la Cour de cassation affirme que le droit de préférence du preneur codifié à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est d’ordre public.

 

La portée : L’affirmation du caractère d’ordre public de ce droit rejoint ce qu’une partie de la doctrine avait pu soutenir, en dépit de la lettre du texte.

Ainsi, alors même que l’article L. 145-15 du Code de commerce ne range pas expressément l’article L. 145-46-1 parmi les dispositions impératives (celles à l’égard desquelles les stipulations contraires sont réputées non-écrites), il a pu être remarqué que ce droit de préemption constitue malgré tout une règle contraignante, comme l’atteste d’ailleurs la nullité sanctionnant la vente conclue au mépris de ce droit (Cass., ass. plén., 17 mai 2002, n° 00-11.664).

Et d’autres auteurs d’ajouter qu’il ne saurait en aller autrement car, sinon, pourquoi le législateur aurait-il souhaité substituer à la seule volonté des parties (le pacte de préférence), un « dispositif légal très précis » (F. Roussel, B. Saintourens et P. Viudès, Dr. et patr. janv. 2015. 28) ?

Une telle décision amène ainsi à considérer avec prudence les éventuelles dérogations contractuelles susceptibles d’intervenir entre les parties concernant d’autres dispositions statutaires, qui ne seraient pas visées par l’article L.145-15 du Code de commerce. On pense notamment à la question du lissage de la valeur locative en cas de déplafonnement posée par l’article L. 145-34 du Code de commerce et pour laquelle il arrive fréquemment que les parties prévoit une dérogation contractuelle, notamment dans les quartiers où les droits d’entrée se négocient à des prix très élevés. Avec cette récente décision, la Cour de cassation semble en effet vouloir dessiner les nouveaux contours d’un ordre de protection du preneur, pourtant d’ores et déjà établi et codifié.

 

Par Alexane Raynaldy, Avocate directrice