le 26/06/2019

A qui appartient une œuvre de street-art ?

 

Principe : Des graffiti semés par Jean-Michel Basquiat dans les rues new-yorkaise aux pochoirs londoniens de Bansky, le Street Art est une forme d’art développée dans les espaces publics, dans les rues et qui connait un engouement depuis plusieurs années.

L’expression fait généralement référence à l’art non-autorisé par la loi et qui s’exprime sur les locaux, bâtiments, abris de bus, transport en commun appartenant soit à l’Etat soit aux particuliers.

John Fekner, artiste new-yorkais et aussi l’une des figures centrales de l’art urbain a défini le Street Art comme étant : « tout art dans la rue qui n’est pas du graffiti ».

Parmi les différentes méthodes développées et issues du Street Art figurent les tags ou graffiti, les fresques, le collage, les mosaïques, le « L.A.S.E.R Tags », l’art du pochoir, le sticker art, la projection vidéo, les installations de rue et le yarn bombing ou encore le « drones paintings ».

 

 

Problématique : Lorsqu’aucune commande n’a été passée,  le propriétaire immobilier servant de support à ces œuvres de Street Art, non-autorisées, peut-il en disposer librement ? En devient-il propriétaire ? Peut-il l’exploiter ou encore l’effacer ou la détruire ?

En droit, il est admis que tous les artistes indistinctement jouissent d’une protection et des droits d’auteur sur leurs compositions. Cela est repris à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Or, la doctrine considère que le Street Art est par définition un art éphémère qui est attentatoire à des biens privatifs.

Si le street-artist a des droits d’auteur sur son œuvre, rien n’interdit le propriétaire du support de repeindre l’œuvre du street-artist, qui sait que son œuvre a vocation à disparaitre un jour.

Le droit français distingue, tout d’abord, le droit sur l’œuvre et le droit sur le support, au terme duquel le propriétaire aurait le droit de disposer librement de la chose.

A ce sujet, la jurisprudence n’est pas encore fixée sur le sujet mais il semble que la solution dépende de l’autorisation préalable donnée à l’artiste au propriétaire du support.

Ainsi, en l’absence d’autorisation, l’artiste n’aura pas la possibilité de se prévaloir des dispositions de l’article L.121-1, alinéa 1, du Code de la propriété intellectuelle, et notamment du droit moral de l’auteur qui est perpétuel, imprescriptible et inaliénable.

Également, sur le plan du droit pénal, l’article 322-1 du Code pénal sanctionne :

« Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisations préalables, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain ».

 

 

Jurisprudence : Dans un arrêt du 28 septembre 1999, la Cour de cassation a considéré que la protection du droit d’auteur disparait lorsque l’illicéité de l’œuvre est prouvée. Or, dans le cadre du Street Art, cette illicéité peut résulter aussi bien de l’absence d’accord du propriétaire du support de l’œuvre, que de l’application des dispositions de l’article 322-1 du Code pénal, dès lors que l’œuvre a été réalisée sur une façade, un véhicule, la voie publique, ou bien du mobilier urbain.

Plus récemment encore, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 11 juillet 2017 fait primer le droit pénal sur les droits d’auteurs pour condamner l’artiste Azyle du chef de délit de dégradation sur le métro parisien.

Mise en pratique : En conclusion et en l’état actuel des choses, dès lors que le propriétaire immobilier n’a pas donné son accord préalablement, ce dernier aura la possibilité de recouvrir l’œuvre ou de la détruire sans risque d’être condamné pour avoir intenté aux droits attachés à une œuvre de Street Art.

 

Par Johann Petitfils-Lamuria, Avocat senior