Plafonnement du supplément de loyer de solidarité (SLS)

Le supplément de loyer de solidarité, qui doit être acquitté, sous certaines conditions, par les locataires de logements sociaux dont les ressources excèdent d’au moins 20% les plafonds fixés pour l’attribution des logements sociaux, est plafonné lorsque son montant excède, avec le loyer principal, 30% des ressources du foyer, et ce en vertu de l’article L. 441-4 du Code de la construction de l’habitation. 

Un décret du 7 février 2020, pris en application d’une ordonnance du 15 mai 2019, est venu instituer un deuxième plafonnement applicable aux locataires acquittant un loyer dérogatoire après acquisition et conventionnement à l’aide personnalisée au logement de leur logement par un bailleur social. 

L’article D..441-20-1 du Code de la construction et de l’habitation ainsi issu du décret susvisé fixe les valeurs maximales du montant cumulé du loyer dérogatoire et du SLS, par mètre carré de surface habitable, en tenant compte des loyers moyens constatés dans les différentes zones géographiques. 

Appréciation de la condition d’urgence en matière d’intercommunalité

Par un arrêt en date du 7 février 2020, le Conseil d’Etat apporte des précisions quant à l’appréciation de la condition d’urgence des référés suspension introduits en matière d’intercommunalité. 

Dans cette affaire, le préfet du Nord avait pris un arrêté préfectoral sur le fondement de l’article L. 5214-26 du Code général des collectivités territoriales relatif à la procédure de retrait dérogatoire, qui permet de ne pas solliciter l’accord de la communauté « quittée » ni des autres communes membres et avait ainsi autorisé le retrait d’une commune.  

La communauté de communes dont la commune était retirée en avait alors demandé la suspension au juge des référés du Tribunal administratif qui a rejeté cette demande et ladite Communauté s’était alors pourvue en cassation. 

Le Conseil d’Etat a rappelé en premier lieu les principes relatifs à l’appréciation de l’urgence en référé suspension en indiquant que «  L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier objectivement et concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant et de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue  ». 

Il juge ensuite que « si la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme étant, en principe, remplie lorsqu’un arrêté préfectoral a pour objet de modifier la répartition des compétences entre une collectivité territoriale et un groupement de collectivités territoriales ou entre deux groupements de collectivités territoriales, tel n’est pas le cas s’agissant de l’exécution d’un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l’article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales, autorisant une commune à se retirer d’une communauté de communes pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale, lequel emporte seulement modification du périmètre géographique de la communauté de communes ». 

Il en résulte que les arrêtés préfectoraux autorisant le retrait dérogatoire d’une commune membre d’un EPCI pour adhérer à une autre structure intercommunale ne bénéficient pas de la même présomption d’urgence que d’autres arrêtés analysés comme modifiant la répartition des compétences entre une collectivité territoriale et un EPCI ou entre deux EPCI (sur une modification statutaire portant modifications des compétences exercées CE, 30 décembre 2009, n°328184, mentionné aux Tables ; sur la création d’une communauté par fusion : CE 17 mars 2017, n° 404891, mentionné aux Tables). 

C’est donc par une appréciation concrète et souveraine du juge des référés au vu des justifications fournies par le requérant et de l’ensemble des circonstances de l’affaire que celui-ci examine la caractérisation d’une urgence justifiant sa saisine aux fins de le voir prononcer la suspension d’un tel acte administratif. 

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que c’est à bon droit et par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que le juge des référés a jugé que la communauté de communes requérante ne justifiait pas d’une atteinte suffisamment grave et immédiate à ses intérêts caractérisant une urgence, notamment eu égard aux éléments financiers apportés.  

Plus précisément, il considère que le juge des référés a correctement apprécié la gravité de l’atteinte porté à la situation financière de la communauté de communes, dont la perte de ressources financières alléguée était de 1,5 million d’euros par an soit 7,89 % de ses recettes de fonctionnement, en tenant compte également de la diminution annuelle des charges d’environ 445 000 euros et de ce qu’un protocole d’accord destiné à compenser une partie des pertes induites par le retrait de la commune était en cours de discussion avec la communauté d’agglomération. Par ailleurs, il appartenait à la communauté de communes qui alléguait une privation des recettes issues de la vente future d’un lotissement de verser au dossier les éléments permettant d’évaluer l’ampleur du préjudice allégué pour apprécier la gravité de l’atteinte à sa situation.  

Faute de caractérisation de la condition d’urgence à prononcer une mesure de suspension à l’encontre de l’arrêté préfectoral autorisant le retrait d’une de ses communes membres, le pourvoi de la communauté de communes est donc rejeté. 

 

Covid -19 : Aménagement du chômage partiel

Face à la propagation grandissante de la pandémie de coronavirus et afin de limiter les conséquences d’une baisse d’activité, nous vous rappelons que le Gouvernement a souhaité́ redimensionner le dispositif d’activité partielle (plus couramment appelé́ « chômage partiel »). 

Ainsi, si votre activité est directement impactée par la crise sanitaire que nous vivons actuellement, vous pouvez envisager la mise en place de ce dispositif. Pour ce faire, vous devrez formuler une demande préalable auprès du Direccte. Cette demande est effectuée en ligne via un portait internet sécurisé et confidentiel (https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/ ).  

Pour votre parfaite information, compte tenu de l’afflux exceptionnel qui rend ce site difficilement accessible pour de nombreux employeurs, le ministère du travail a décidé le 16 mars d’accorder aux entreprises un délai de 30 jours pour déposer leur demande, avec effet rétroactif. 

Un décret sera par ailleurs pris dans les tous prochains jours, afin de couvrir 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 SMIC. Il y aura donc un reste à charge zéro pour l’employeur pour la quasi-totalité de ses salariés. Cela va permettre aux entreprises d’éviter les licenciements dans cette période difficile. 

Protection des consommateurs et clauses abusives : la notion de « rapport direct »

Il ressort des dispositions de l’article L.132-1 du Code de la consommation que : 

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». 

La loi protège ainsi les consommateurs contre ces clauses abusives, en leur permettant de retrouver les droits qu’elles visaient à supprimer ou à limiter. 

Il convient de noter que la législation sur les clauses abusives est pour la majorité issue d’une transposition de la directive européenne 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 modifiée en 2011 par la directive 2011/83/UE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, aussi appelé « Directive CACC ». 

La notion de « professionnels » est étendue puisqu’elle peut concerner : 

  • tout producteur, distributeur ou prestataire de service, toute personne physique ou personne morale ; 
  • toute société commerciale ou tout service public (service des eaux, HLM, maison de retraite, etc.). 

Selon l’article liminaire du Code de la consommation, « est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». 

Le non professionnel est, selon le même article, une personne morale qui agit à des fins n’entrent pas dans le cadre de son « activité commerciale, industrielle, artisanale libérale ou agricole ». 

En d’autres termes, une société concluant un contrat avec un consommateur peut ne pas relever de la classification de « professionnel » si le service qu’elle propose n’entre pas dans le cadre de son activité. 

Ainsi les dispositions protectrices de l’article précité ne lui sont pas applicables. 

C’est dans un arrêt du 24 janvier 1995 que la 1re chambre civile de la Cour de cassation avait inauguré la jurisprudence sur le « rapport direct » pour refuser, à l’époque, à une société commerciale ayant contracté avec EDF le bénéfice des dispositions protégeant les consommateurs et non-professionnels contre les clauses abusives.  

Ces dispositions, énonçait-elle, « ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant » (Cass. Civ., 1ère,  24 janv. 1995, n° 92-18.227 : JurisData n° 1995-000267). 

Ce critère du « rapport direct » fut plusieurs fois repris par la Cour de cassation (Cass. Civ., 1ère, 30 janv. 1996, n° 93-18.684 : JurisData n° 1996-000310). 

Toutefois, l’arrêt de la Cour de cassation en date du 17 octobre 2019 (Cass. Civ., 3ème, 17 oct. 2019, n° 18-18.469 : JurisData n° 2019-018234) vient apporter deux tempéraments. 

Tout d’abord, depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, le critère du « rapport direct » a perdu toute référence législative avec la réforme du droit applicable aux contrats hors établissement. 

Surtout, il semblait que ce critère soit tombé en désuétude compte tenu de l’insécurité juridique inhérente à son usage qui a été abondamment critiqué. 

En effet, il est devenu très difficile d’apprécier juridiquement l’étendue et les limites de l’exercice de l’activité professionnelle. 

Pour exemple, dans certains cas d’espèce, la Cour a reconnu le rapport direct pour une SCI lorsqu’elle se rend acquéreur d’un immeuble en vue de l’exploiter conformément à son objet social et sa dénégation lorsque, comme dans l’espèce ici commentée, une autre SCI fait construire un hangar en vue de le louer. 

Dans cette espèce, selon la Cour, l’absence de « rapport direct » tiendrait au fait que la SCI en cause, professionnelle de l’immobilier, n’était pas un professionnel de la construction… 

Défini par l’ordonnance de recodification du droit de la consommation du 14 mars 2016 comme « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » (Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016, art. liminaire : JO 16 mars 2016, texte n° 29), le non professionnel est , depuis la loi de ratification du 21 février 2017 de ladite ordonnance, plus simplement caractérisé comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». 

Il apparaît ainsi clairement que le critère déterminant de la qualité de non-professionnel ne se rapporte nullement à la compétence professionnelle de la personne morale considérée. Comme pour la détermination du consommateur, seule importe la finalité extra-professionnelle de l’action entreprise, sans distinction selon que celle-ci relève ou non du domaine de spécialité de l’intéressée. 

Le recours à la notion de « rapport direct » devrait donc disparaitre…à moins que… 

Clause pénale et clause de dédit

Selon l’ancien article 1126 du Code civil, « la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution ». 

Ainsi, l’inexécution ou le retard mis par l’un des contractants à exécuter ses obligations, entraînant pour l’autre ou pour les autres parties au contrat, une perte ou un manque à gagner, oblige à la réparation du dommage et se résout alors en l’allocation de dommage-intérêts.  

Il appartient au juge saisi de l’affaire d’évaluer le montant de la réparation. Mais si les parties ont elles-mêmes prévu une sanction, cette stipulation s’appelle une clause pénale. 

Les parties peuvent stipuler soit, l’attribution d’une somme d’argent soit, exiger de la partie qui ne s’est pas exécuté qu’elle fournisse une prestation en nature ou qu’elle s’abstienne de faire quelque chose. L’indemnité que le débiteur doit à son ou à ses cocontractants peut être fixée globalement et définitivement. 

Cette somme est susceptible de modération par le juge. 

En revanche, la clause de dédit se définit comme la possibilité pour un cocontractant de se dédire de ses engagements moyennant le versement d’une somme représentant les dommages et intérêts conventionnels. 

Ainsi, lorsque le contrat le prévoit, cela permet à celui au profit duquel le dédit a été convenu, de renoncer à l’exécution de ce contrat 

Le juge ne dispose pas de la faculté d’en modérer le montant. 

Par un arrêt en date du 25 septembre 2019 (n° 18-14.427), la Cour de cassation rappelle que : 

« […] alors que la clause litigieuse stipulait une indemnité en cas de résiliation anticipée de la part du client dont le montant était équivalent au prix dû en cas d’exécution du contrat jusqu’à son terme et présentait, dès lors, un caractère comminatoire, en ayant pour objet de contraindre le locataire d’exécuter le contrat jusqu’à cette date, de sorte qu’elle constituait une clause pénale et non une clause de dédit […] » 

Cette espèce ne fait que rappeler la question de la distinction de la clause pénale et de l’indemnité de dédit.  

La différence de régime est considérable : le pouvoir modérateur du juge, institué par la Loi n° 75-597 du 9 juillet 1975, ne porte que sur la clause pénale, et non sur la somme à payer dont est assortie une faculté de dédit lorsqu’elle est consentie à titre onéreux (Cass. 3e civ., 9 janv. 1991, n° 89-15.780 : JurisData n° 1991-000022 ; Bull. civ. III, n° 19). 

En d’autres termes, si une clause prévoit en cas de résiliation anticipée, fautive car elle ne devrait pas avoir lieu, le paiement d’un forfait de dommages-intérêts, c’est une clause pénale ; si le même montant est prévu à la charge de la partie qui exercera une faculté de résilier par anticipation le contrat à durée déterminée, c’est une clause de dédit avec fixation du prix qu’elle doit payer pour être déliée, même si ce prix est très élevé car il manque l’élément de sanction d’une inexécution qui est nécessaire à la qualification de clause pénale. 

Les juridictions pénales face à la crise sanitaire

La situation sanitaire a conduit les juridictions à prendre des mesures exceptionnelles qui s’inscrivent dans la continuité des restrictions gouvernementales. 

Depuis lundi 16 mars 2020, la Garde des Sceaux a posé le principe de la fermeture des juridictions, prévoyant toutefois des exceptions pour permettre, en dépit de la réduction de l’activité judiciaire, le traitement des contentieux d’urgence dans le respect de nos libertés fondamentales. 

En matière pénale, ont été considérés par la Chancellerie comme des « contentieux essentiels » : 

  • Les audiences correctionnelles des tribunaux et des Cours d’appel pour les mesures de détention provisoire et de contrôle judiciaire ; 
  • Les audiences de comparution immédiate ; 
  • Les présentations devant le juge d’instruction ou le Juge des Libertés et de la détention ; 
  • Les audiences du juge de l’application des peines et de la Chambre d’application des peines pour la gestion des urgences ; 
  • Les audiences du Tribunal pour enfants et du juge pour enfant pour la gestion des urgences ; 
  • Les permanences du Parquet, notamment le suivi des mesures de gardes à vue ; 
  • Les audiences de la Chambre de l’instruction pour la détention. 

 

Afin toutefois de prévenir la propagation du virus tout en assurant la continuité du service public de la justice, ces dossiers devraient être examinés dans le cadre d’audiences regroupées respectant les mesures « barrières » et, dans certaines situations, par visioconférence. 

Les affaires qui n’induisent aucun contentieux lié à la liberté d’un justiciable (audiences, auditions, interrogatoires) sont renvoyées d’office par les juridictions pénales ; les parties seront re-citées ou reconvoquées par les services du Parquet dans des délais qui seront bien évidemment contingents des situations d’audiencement de chacune des juridictions. 

Les services d’accueil du public sont par ailleurs fermés, à l’instar des Maisons de justice et du droit et des points d’accès au droit.  

La question des effets de ces mesures sur les délais de procédure et de prescription en cours est à l’étude, en concertation avec les représentants du Conseil national des Barreaux et de la Chancellerie. 

A l’instant d’écrire ces lignes, le CNB vient de confirmer la mise en place prochaine d’un moratoire sur ces délais, qui prendrait effet à partir du 14 mars. Un projet de Loi d’urgence devrait par ailleurs être présenté ce jour en Conseil des ministres, afin d’habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à une adaptation des règles de procédure, avec effet rétroactif au 14 mars. 

Covid-19, acteurs publics et RGPD

La crise sanitaire liée au Covid-19 conduit les acteurs publics à mettre en œuvre un certain nombre de traitements de données à caractère personnel.  

Certains d’entre eux s’interrogent, par suite, légitimement sur la sécurité juridique des pratiques mises en œuvre, bien souvent en urgence, pour répondre aux enjeux en présence.  

A cet effet, il nous a semblé important de vous faire part des quelques précisions/observations suivantes.  

Tout d’abord, la CNIL a publié, il y a quelques jours un article dédié à ce sujet, lequel rappelle les grands principes en la matière, dans ce contexte très particulier. Il est donc utile, en premier lieu de s’y référer.  

Au-delà et pour ce qui intéresse plus particulièrement les acteurs publics, il peut être retenu dans la période, les considérations suivantes :  

  • Il est possible, en premier lieu, de mettre en œuvre un traitement de données personnelles qui aura pour objet la protection de son personnel. Pour rappel, la protection de la sécurité de ses salariés/agents est une obligation de tout employeur, de sorte qu’il est légitime, ainsi que l’a indiqué la CNIL, de mettre en œuvre des traitements de données personnelles poursuivant une telle finalité. Il peut donc tout à fait être envisagé de consigner des informations sur les membres de l’organisme ayant contracté le virus et les mesures prises à leur égard ainsi que de mettre en œuvre tout traitement de données personnelles visant à permettre le télétravail). Dans la mesure où, à notre sens, ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la relation de travail unissant les membres du personnel à leur employeur et qu’une information générale sur les traitements mis en œuvre dans le cadre de ces relations a, en principe, été effectuée, nous considérons, à ce stade, et du fait de l’urgence, qu’une information spécifique sur ces traitements de données personnelles n’est pas indispensable.  
  • Il est possible, au-delà, pour les acteurs publics, qui dans le cadre de leurs compétences souhaitent concourir à la protection des individus et à la solidarité à l’égard des plus vulnérable, de mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel inédits. Preuve en est, par l’exemple, puisque l’Etat s’est rapproché des opérateurs téléphoniques pour diffuser, le plus largement possible, par SMS, un message de santé publique. En l’occurrence, donc, sans avoir à recueillir un quelconque consentement, sur le fondement de l’intérêt public ou de la sauvegarde d’intérêts vitaux, les communes peuvent naturellement, par exemple, traiter les données personnelles de leurs séniors pour garantir leur protection (si elles envisagent par exemple de mettre en œuvre des dispositifs d’alerte). De même, il parait parfaitement envisageable de constituer des formulaires de contact dédiés au traitement de difficultés rencontrées par certaine personne et/ou à des propositions d’entraides. Nos seules recommandations, s’agissant de ces initiatives consistent à garder à l’esprit le fait de s’astreindre à ne collecter que ce qui est strictement nécessaire à l’atteinte des finalités fixées et à prévoir, dans la mesure du possible, une information des personnes concernées de ce type : « La commune de x… soucieuse de concourir, dans ce contexte de crise sanitaire, à la protection de sa population, a souhaité mettre en œuvre un dispositif d’entraide/d’alerte, pour lequel elle est conduite à traiter des données à caractère personnel. Ces données ne seront collectées que pour cette finalité exclusive et le temps de résolution de ladite crise sanitaire. Pour toute information complémentaire ou pour faire valoir un des droits associés à ce traitement de données à caractère personnel, vous pouvez vous adresser à son délégué à la protection des données joignables via les coordonnées suivantes xxx ».  

Crise sanitaire : la contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires liées au Covid-19

Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19

 

Compte tenu de la crise sanitaire qui touche la France et faisant suite aux dernières annonces de l’Exécutif concernant les consignes dites de « confinement », a été publié ce jour au Journal Officiel, le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 portant création d’une contravention de 4e classe réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population, dont l’article 1e dispose que : 

« La violation des interdictions de se déplacer hors de son domicile définies à l’article 1er du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 susvisé, la méconnaissance de l’obligation prévue au même article de se munir du document justifiant d’un déplacement autorisé, ainsi que la violation des mesures restrictives prises en application de l’article 2 du même décret lorsque des circonstances locales l’exigent, sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe ». 

 

L’élément matériel de l’infraction est donc la méconnaissance des dispositions réglementaires issues du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, qui limitent les déplacements hors du domicile, et dont l’article 1er dispose que : 

«  Afin de prévenir la propagation du virus covid-19, est interdit jusqu’au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l’exception des déplacements pour les motifs suivants, dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes : 

1° Trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ; 

2° Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique ; 

3° Déplacements pour motif de santé ; 

4° Déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance des personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants ; 

5° Déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie. 

Les personnes souhaitant bénéficier de l’une de ces exceptions doivent se munir, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions  ».

 

Ainsi, seules les personnes munies d’une attestation papier permettant de justifier leurs déplacements par l’un des cinq motifs limitativement énumérés pourront circuler sans encourir de sanction pénale. Cette attestation doit être renouvelée chaque jour, les représentants de l’Etat dans les Départements pouvant, conformément à l’article 2 du Décret du 16 mars 2020, adopter des mesures plus restrictives en matière de déplacement des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent. 

En cas de méconnaissance de ces règles, les contrevenants encourront une amende d’un montant forfaitaire de 135 euros pouvant être majorée à 375 euros en l’absence de paiement dans les 45 jours (article 529 et suivants du Code de procédure pénale). 

Le texte étant d’application immédiate, les forces de l’ordre peuvent réprimer dès aujourd’hui des comportements contraires aux consignes édictées. 

Obligation de déploiement de la fibre optique dans les lotissements neufs

A la suite de la parution de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, plusieurs dispositions du Code de la construction et de l’habitation (CCH) avaient été modifiées.  

Cette loi avait notamment, par le biais de son article 118, étendu l’obligation de fibrage des bâtiments, aux immeubles neufs et maisons individuelles, aux immeubles groupant plusieurs logements ou locaux à usage professionnel faisant l’objet de travaux soumis à permis de construire, ainsi qu’aux lotissements neufs. 

Si les décrets d’application n° 2016-1182 du 30 août 2016 et n° 2017-832 du 5 mai 2017 ont apporté des précisions relatives aux modalités de fibrage des immeubles neufs et maisons individuelles, et des immeubles groupant plusieurs logements ou locaux professionnels affectés par des travaux soumis à permis de construire, aucune disposition règlementaire n’est venue définir les modalités d’équipement en fibre des lotissements neufs, dont l’obligation n’a d’ailleurs pas été codifiée au CCH. Le II de l’article 118 prévoyait pourtant « Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article ». 

Face à cette carence normative, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a précisé dans une réponse ministérielle en date du 13 février 2020 que l’absence de décret d’application ne faisait pas obstacle à l’application d’une obligation légale dès lors que celle-ci «  est suffisamment précise et sa réalisation n’apparait pas manifestement impossible ».

En conséquence, il apparait que les promoteurs et autres acteurs de l’immobilier ne pourront plus se prévaloir de l’absence de décret d’application du II de l’article 118 précité pour s’exonérer de leur obligation légale de « fibrer » les lotissements neufs.    

Les limites de la liberté d’expression d’un représentant syndical

Si le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises, que les représentants syndicaux connaissaient du fait de leurs fonctions syndicales, une large liberté d’expression (CE, 18 mai 1956, Boddaert, n° 15589), il a toutefois rappelé, dans un arrêt du 27 janvier 2020, que celle-ci n’était pas illimitée et devait se concilier avec le respect de leurs obligations déontologiques et notamment leur devoir de réserve.  

En l’espèce, la Haute juridiction a rejeté le pourvoi d’une adjointe administrative territoriale de 2ème classe employée par la Commune de Beaumont-sur-Oise, représentante du personnel au comité technique, qui avait été exclue pour deux jours de ses fonctions par le Maire de cette Commune. Il lui était en effet reproché d’avoir tenu, au cours d’un réunion du comité technique, des propos « particulièrement irrespectueux et agressifs » à l’égard de la Directrice générale des services, qui était présente lors de cette instance en qualité d’experte.  
 
Or, selon les juges du Palais-Royal, si « les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques. En particulier, des propos ou un comportement agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ». 

Il en résulte que les représentants syndicaux ne peuvent s’affranchir, même dans le cadre de l’exercice de leur fonction syndicale, de leurs obligations déontologiques en tant que fonctionnaire. 

Jusqu’à présent, une étude de la jurisprudence démontrait que seuls les propos considérés comme particulièrement diffamants, outrageants et injurieux et sans lien avec la défense des intérêts professionnels, prononcés par un représentant syndical, pouvaient être sanctionnés (CAA de Bordeaux, 8 novembre 2008, Juliette X C/ Commune de Rémire-Montjoye, rq n° 07BX01721). Avec cet arrêt, le Conseil d’Etat va plus loin puisque désormais, les administrations peuvent sanctionner des représentants du personnel qui prononcerait des propos particulièrement agressifs et irrespectueux même dans le cadre de l’exercice de leur fonction syndicale.  

Le fait est que le juge administratif, dans le cadre de son contrôle entier des sanctions, veille précisément au contexte dans lequel des propos ont été tenus et, lorsqu’ils ne visent pas personnellement l’agent et n’excèdent pas les limites admissibles de la polémique syndicale, annule les sanctions, y compris du premier groupe (Voir, postérieurement à l’arrêt commenté : TA de Dijon, 12 mars 2020, Monsieur K. c/ Pole Emploi, req. n° 1901646). 

Une circulaire pour guider les communes devant installer leur nouveau conseil municipal

Nota : le Premier ministre a annoncé hier [jeudi 19 mars] un report de la tenue des conseils municipaux d’installation lorsque l’élection a été acquise dès le 1er tour, en contradiction avec la circulaire Gourault publiée la veille, commentée ci-dessous. Les anciens conseils municipaux seraient maintenus jusqu’à mi mai au moins.

La ministre de la cohésion des territoires a élaboré une circulaire pour aider les nombreuses communes (environ 30 000) dont l’élection municipale a été acquise lors du premier tour de scrutin à organiser l’installation de leurs conseils municipaux (les résultats du premier tour ayant été sanctuarisés, voir notre brève sur le sujet). 

Il paraissait en effet absolument indispensable d’expliquer aux services de ces communes comment organiser l’élection du maire et des adjoints (et potentiellement le vote d’autres délibérations indispensables, telles que la délégation de compétence du conseil municipal vers le maire) dans le contexte de confinement et de prévention du risque pandémique. Cela l’était d’autant plus que le Code général des collectivités territoriales pose le principe de publicité des séances du conseil municipal et impose que cette séance d’élection du maire se tienne entre le vendredi et le dimanche suivant le tour de scrutin décisif. 

En substance, cette brève circulaire indique que : 

  • Cette séance doit se tenir dans les délais habituels en la matière imposés par les textes ; 
  • Les règles habituelles de quorum doivent également être observées ; 
  • Il est fortement recommandé que les élus présentant des risques ou des fragilités particulières aient recours aux procurations ; 
  • Il est d’ailleurs rappelé qu’il n’est pas nécessaire d’être présent à cette séance pour être élu maire ou adjoint ; 
  • Les élus se rendant à cette séance sont considérés comme entrant dans l’un des cas dérogatoires permettant de se déplacer au sens du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant obligation de confinement ; 
  • En revanche, la circulaire part du principe que la séance se fera sans public compte tenu des obligations de confinement du reste de la population ; 
  • Il sera nécessaire de réduire au maximum la durée de cette séance en retenant un ordre du jour allégé (élection des maires et adjoints, délégation au maire) ; 
  • La séance devra être organisée dans le plein respect des gestes barrières (mise à disposition de gels hydro alcooliques, respect de la distance d’un mètre, possibilité de se réunir dans une autre salle que la salle du conseil habituelle si les conditions sanitaires l’exigent). 

 

Compte tenu de sa faible valeur juridique, cette circulaire n’a pas pu apporter des solutions sécurisées sur tous les sujets. Si un public devait néanmoins se présenter à la séance, par exemple, il faudra recourir au huis clos dans les conditions de droit commun, soit procéder à un premier vote public avant de faire sortir ces personnes. Par ailleurs, la recommandation forte sur le recours aux procurations sans mise en garde sur les effets juridiques corrélatifs pourrait fragiliser l’élection de l’exécutif et les décisions votées. En effet, rappelons que seuls les membres présents (et non les membres représentés) sont comptabilisés pour le calcul du quorum, d’après une jurisprudence bien ancrée. Sur la base de cette circulaire, les assemblées délibérantes pourraient penser échapper à cette rigueur et voter des délégations aux maires, qui pourraient par la suite être considérées comme illégales par le juge administratif par la voie de l’exception d’illégalité, mettant en péril des actes pris par le maire. Il est donc vivement recommandé de veiller au respect du quorum lors de la séance d’installation, sans quoi cela pourrait conduire, de façon contre-productive, à devoir reconvoquer un nouveau conseil municipal, à moins d’adopter des décisions risquant l’annulation. 

 

Gestion du Covid-19 dans la fonction publique

Outre les défis considérables qu’elle représente pour la collectivité en général et les responsables d’administration et d’entreprise an particulier, l’épidémie actuelle confronte également les employeurs publics à la délicate difficulté de concilier la préservation de la santé de leurs agents avec les nécessités de continuité des services publics essentiels.   

Pour accompagner les employeurs publics, le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt a diffusé une circulaire le 16 mars exposant les recommandations à suivre pour un cadre juridique clair à la gestion de la crise actuelle.  

La circulaire invite de façon générale les administrations à établir des plans de continuité de l’activité (PCA), qui fixeront les règles générales définissant les modalités d’exercice des fonctions des agents des services afin de concilier les impératifs de santé et de continuité.  

La règle est, comme le gouvernement l’a de manière générale exposé auprès de tous les employeurs, la généralisation et la systématisation du télétravail pour l’ensemble des emplois qui le permettent. Les agents concernés doivent donc être placés d’office en situation de télétravail pour l’ensemble de leur activité professionnelle.   

Pour ceux des agents pour lesquels, en raison de la nécessité de leur présence physique sur leur lieu de travail, le télétravail n’est pas possible, le PCA devra définir, parmi ces emplois, ceux qui relèvent de fonctions essentielles pour la continuité des services publics vitaux.  

Ceux des agents qui exercent de telles fonctions devront continuer à se rendre sur leur lieu de travail pour assurer leurs fonctions. 

Cette règle connait une première exception définie par la circulaire, à savoir ceux des agents sujets à des affections médicales qui les rendent particulièrement vulnérables au virus COVID-19, et dont la circulaire, sur la base des recommandations du Haut conseil de la santé publique, définit la liste.  

Une seconde nuance doit également être considérée, non évoquée par la circulaire mais qui découle clairement des principes qu’elle énonce : lorsque la présence d’un agent n’est nécessaire que pendant une partie seulement de son temps de travail, sa présence devra également être limitée à ce qui est strictement nécessaire.  

Pour les autres agents pour lesquels le télétravail n’est pas possible, et dont les fonctions ne sont pas définies comme essentielles par le PCA, une circulaire antérieure de la DGAFP du 27 février 2020 avait présenté deux méthodes :  

Pour les agents contractuels relevant du régime général, la DGAFP préconise l’applications des dispositions spéciales édictées par le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 qui élargissait le bénéfice des arrêts de travail, signés par le directeur de l’agence régionale de santé, aux travailleurs asymptomatiques faisant l’objet d’une mesure d’isolement puisqu’elles s’appliquent aux bénéficiaires du régime général, dont, donc, les agents contractuels de droit public.  

Pour les fonctionnaires, qui ne relèvent donc pas de ce régime, la circulaire du 27 février comme celle du 16 mars préconisent le placement en autorisation spéciale d’absence rémunérée. 

 

Trois questions sont cependant laissées en suspens par ces circulaires :  

D’une part, l’applicabilité du décret du 31 janvier 2020 aux agents contractuels qui n’ont pas fait l’objet sur le plan médical de mesures de quarantaine ou d’isolement, dès lors que ces dispositions les plaçaient seuls dans leur champ d’application.   

D’autre part, celle de l’application du jour de carence aux agents contractuels : le décret du 31 janvier 2020 écarte l’application du jour de carence prévu par le Code de la sécurité sociale au bénéfice des salariés. En revanche, il ne prévoit pas la même exonération pour les agents contractuels, dont le jour de carence n’est pas défini par le Code de la sécurité sociale, mais par l’article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.  

Pour écarter ces deux difficultés, les employeurs pourront néanmoins choisir de placer également les agents contractuels en autorisation spéciale d’absence, ces dernières n’étant concernées par aucun dispositif de carence, aux termes même de la circulaire du 16 mars 2020.  

Enfin, sur le régime indemnitaire, certaines collectivités prévoient la suspension du régime indemnitaire pour les agents bénéficiant d’autorisations spéciales d’absence. Le secrétaire d’Etat a néanmoins annoncé que des préconisations seraient émises sur cette question précise, de sorte qu’il convient d’attendre encore des précisions, quitte à ne pas verser le régime indemnitaire et régulariser ensuite ou, au contraire, faire le choix d’un versement qui pourrait être recouvré ultérieurement. 

Covid-19 et juridictions de l’expropriation 

A compter de ce jour, toutes les audiences de fixation judiciaire des indemnités de dépossession et d’éviction assurées par les juridictions des expropriations qui étaient fixées prochainement sont renvoyées sine die au regard des circonstances sanitaires exceptionnelles. Il en va de même des audiences de référé-expulsion qui se tiennent habituellement devant cette même juridiction.

Les délibérés et ordonnances font l’objet de prorogations jusqu’à la fin de la crise sanitaire.

Les transports sur les lieux qui avaient fait l’objet de convocation sont également ajournés et reportés sine die.

Enfin, a été édicté le 18 mars 2020 un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 prévoyant, en son article 17, le recours aux ordonnances pour adapter, interrompre, suspendre ou reporter les délais de recours et de procédure juridictionnelle et ce de manière rétroactive à compter du 14 mars 2020, compte tenu de la période exceptionnelle.

Ces mesures pourraient avoir des répercussions importantes en matière de fixation judiciaire des indemnités, notamment en cause d’appel qui prévoit habituellement des délais de procédure à respecter à peine de nullité. Seban & Associés ne manquera pas de rendre compte de ces mesures une fois que ces ordonnances auront été adoptées.

Précisions juridiques autour du report du second tour des municipales

Par un décret particulièrement succinct du 17 mars 2020, il a été décidé de reporter le second tour des élections municipales et communautaires en cours. Ce report pose des questions tenant, d’une part, à ses conditions juridiques (I) et, d’autre part, à ses conséquences (II). 

 

1 – Les conditions du report du second tour des élections municipales  

Dimanche 15 mars, lors d’un scrutin marqué par la menace pandémique, le taux de participation aux élections municipale était d’environ 38,77%, alors qu’il était de près de 55% aux dernières élections municipales de 2014. Dans une allocution du 16 mars 2020, le Président de la République a annoncé un report du deuxième tour des élections municipales.  

Cette annonce va nécessiter une mobilisation de moyens juridiques importants dans un délai court, qui ne permettront probablement pas de lever toutes les ambiguïtés de la situation. 

 

Le cadre juridique du report des élections  

Concernant les élections locales, aucune disposition légale ne prévoit les cas limitatifs dans lesquels elles doivent ou peuvent être reportées.  

L’article L. 56 du Code électoral prévoit qu’« en cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour » et l’article L. 227 laisse plutôt penser que l’élection est un bloc unique car « les conseillers municipaux sont élus pour six ans. Lors même qu’ils ont été élus dans l’intervalle, ils sont renouvelés intégralement au mois de mars à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret pris en Conseil des ministres. Ce décret convoque en outre les électeurs ». 

Le Code électoral est clair sur le fait que le deuxième tour des élections doit en principe intervenir le dimanche suivant le premier tour. En toute orthodoxie juridique, il apparaitrait donc nécessaire qu’une loi intervienne avant le dimanche 22 mars 2020 pour repousser le second tour des élections municipales, ce qui est très certainement impossible compte tenu du délai et du contexte. En tout état de cause, une loi devrait en principe, d’une part, repousser le 2nd tour et définir une date pour la tenue de celui-ci (le 21 juin a priori) et, d’autre part, prolonger les mandats des conseillers municipaux et intercommunaux des élus concernés.  

Une loi est d’autant plus nécessaire que l’article 34 de la Constitution indique que tout ce qui touche à la libre administration des collectivités territoriales, prévue à l’article 72 de la Constitution, ressort du domaine de la loi.  

Dans sa déclaration du 16 mars 2020, le ministre de l’intérieur a mentionné la possibilité selon laquelle le projet de loi prévoirait que, dans un délai de six semaines au plus, c’est-à-dire au début du mois de mai, un rapport du conseil scientifique créé pour la gestion de la crise sanitaire du Covid-19, statuera sur la possibilité, au plan sanitaire, d’organiser les élections à un horizon de six semaines, c’est-à-dire à compter de mi-juin. 

Le gouvernement a également décidé de prendre un décret visant à abroger la convocation des électeurs pour le second tour des élections municipales, initialement prévu le 22 mars prochain (Décret n° 2020-267 du 17 mars 2020 portant report du second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, initialement fixé au 22 mars 2020 par le décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019). 

On pourrait aussi imaginer (mais ce n’est pas l’option retenue à ce stade), dans le cas où la situation s’aggraverait, que le gouvernement proclame l’état d’urgence (prévu par la loi n°55-385 du 3 avril 1955) pour « calamité publique », ce qui lui permettrait alors d’agir uniquement par voie de décret.  

Ce n’est que dans ces conditions que le gouvernement peut modifier le calendrier électoral. 

 

L’exemple du report du deuxième tour des élections de 1973 

La question du report des élections n’est pas une question nouvelle. En effet, un second tour peut être reporté « en cas de circonstances exceptionnelles ». Ces dispositions ont été mises en œuvre en 1973 pour justifier du report du 2nd tour des élections législatives à la Réunion car un cyclone était intervenu durant l’entre-deux tour. 

Le Conseil constitutionnel, alors saisi d’une protestation électorale par le candidat Paul Vergès, a constaté que la loi électorale ne prévoit rien en cas de cyclone et a estimé que la décision du préfet, bien qu’inévitable compte tenu des circonstances et du silence de la loi, était juridiquement irrégulière, sans toutefois avoir altéré la sincérité du scrutin (DC, 73-603/741 AN du 27 juin 1973). En effet, le Conseil constitutionnel a affirmé que législateur était seul compétent en matière électorale et qu’il pouvait ainsi modifier librement les règles antérieures, sous réserve de ne pas porter atteinte à des règles ou principes de valeur constitutionnelle. La notion de « périodicité raisonnable » a été dégagée par le conseil (DC, 90-280 DC du 6 décembre 1990, §16) où il est considéré que « les électeurs doivent être appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage ». Ce principe peut être entendu de deux manières. Selon une première interprétation, un délai rigoureusement similaire séparant des consultations identiques doit être observé, les élections municipales générales étant par exemple toujours séparées de six ans comme semble l’exiger l’article L. 227 du Code des communes. Mais il peut aussi signifier, de façon plus souple, que l’intervalle séparant deux consultations de même nature ne soit pas démesurément long.  

Quoi qu’il en soit, le Conseil considère depuis ces décisions que le législateur peut porter une atteinte à cette périodicité lorsqu’elle a un caractère exceptionnel et transitoire. Le législateur doit adapter le régime électoral des assemblées locales à certains besoins, mais, il ne faudrait cependant pas que la succession des lois fasse en sorte que ce caractère « transitoire » s’estompe trop fortement.  

 

Dans le cas actuel, il s’agit d’une situation inédite et exceptionnelle. En l’espèce, il serait question de reporter au minimum les élections de 12 semaines. Alors, qu’en principe, ce report pourrait soulever certaines difficultés dans la mesure où le délai de report est élevé et que face à l’incertitude quant à l’évolution de la situation, il est susceptible d’être rallongé, certaines élections locales ont été néanmoins reportées de plus d’un an face à des situations présentant un caractère bien moins exceptionnel.   

  

2 -Les conséquences d’un report du second tour des élections sur le 1er tour des municipales  

Les conséquences du report du 1er tour 

Le décret du 17 mars 2020 décide du report du second tour des élections municipales.  

Or, d’après un certain nombre de constitutionnalistes, l’élection municipale forme un tout indissociable de deux tours (si besoin), séparés d’une semaine. Dans cette logique, le report du second tour devrait, selon eux, a minima, entrainer l’annulation partielle des opérations électorales du 1er tour, seules les élections acquises en un tour pouvant être validées. 

Dans l’allocution du 16 mars 2020, le président mentionnait le fait que près de 30 000 communes en France auraient déjà élu les membres du conseil municipal dès le premier tour des élections. En cohérence, le décret du 17 mars mentionne que, dans 4 922 communes, un deuxième tour est nécessaire. 

Le pouvoir exécutif, dans le souci de respecter au mieux l’expression démocratique, a pris la décision de ne pas procéder à l’annulation des résultats du premier tour, y compris pour les élections non encore acquises, avec toutes les conséquences sur les possibilités de maintien et de fusion au second tour que cela entraine. 

Si l’on fait abstraction des débats doctrinaux sur la validité juridique de ce procédé (en l’absence de tout texte envisageant clairement la question), il n’en reste pas moins que des questions très concrètes vont se poser. 

 

Les conséquences pour les candidats et conseils en place 

Premièrement, la date de dépôt des candidatures du deuxième tour doit en principe intervenir le mardi précédant le dimanche du deuxième tour, au plus tard à 18 heures. Le décret du 17 mars n’abordant pas ce point, la loi devra définir ce qu’il en est pour le second tour, qui devrait se tenir (d’après les premières annonces) le 21 juin. 

Deuxièmement, la loi devra prévoir une suspension de la campagne officielle jusqu’à l’amorce du second tour, et ce d’autant que l’obligation de confinement de la population rend toute action de propagande totalement vaine. Dans cette attente, il faut inévitablement considérer que les restrictions pesant sur la communication institutionnelle en période préélectorale continuent à s’appliquer dans les communes concernées, jusqu’au second tour prévu au mois de juin. 

Troisièmement, en principe, les conseillers municipaux cessent leur mandat au moment du scrutin, à l’exception des maire et adjoints, qui conservent leurs fonctions jusqu’à l’élection du nouveau maire lors du conseil municipal d’installation. Il résulte d’un principe traditionnel du droit public consacré en 1952 par la jurisprudence que l’autorité désinvestie restée provisoirement en fonction est en charge de l’expédition des seules affaires courantes (CE, 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie, n° 86015). Ce principe a été posé afin d’éviter que des décisions importantes soient prises durant cette période transitoire par l’équipe sortante. En revanche, la continuité du service public rend nécessaire la gestion habituelle et courante de l’administration par les équipes évincées, ceci afin d’éviter de tomber dans un immobilisme complet jusqu’à l’élection du nouveau conseil. Il est particulièrement inconfortable de maintenir ce régime de pouvoirs limités à la gestion des affaires courantes sur une période aussi longue, dont il n’existe aucun précédent. Toutefois, là encore, compte tenu des circonstances exceptionnelles, les communes ne devraient pas se trouver dans une situation très différente des autres collectivités, qui verront leurs projets immanquablement gelés durant cette période. 

 

La prolongation des mandats des élus en place 

Reporter la date de l’élection conduit indirectement le législateur à allonger la durée du mandat des conseillers municipaux élus en mars 2014, et à raccourcir celle des conseillers municipaux à élire. Partant, les mandats des élus locaux alors que ceux-ci ont été désignés par les électeurs pour une durée, fixée au moment de l’élection, voient la durée de leur mandat modifiée en cours de mandat.  

Si cela peut paraitre étonnant, il faut néanmoins observer que des précédents de prolongation de mandats locaux de plusieurs mois existent, y compris dans une époque récente (on songera notamment aux dernières élections départementales, finalement tenues en mars 2015, soit un an après le terme normal du mandat de la moitié des conseillers généraux, à la suite de la réforme du mode de scrutin). 

Enfin, la loi devra régler l’épineuse question de la composition des conseils communautaires, qui pourront, dans cette période transitoire, rassembler à la fois des élus nouvellement élus au premier tour, et des élus issus de l’ancienne mandature, qui ont en principe cessé leur mandat. Cette question fait l’objet d’une autre brève ci-après. 

Covid-19 : quelles incidences sur les marques ?

Alors que le Directeur général de l’organisation mondiale de la santé annonçait le 11 mars dernier que l’épidémie de Covid-19 pouvait être qualifiée de pandémie, l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) n’a pas tardé à réagir face à cette situation exceptionnelle.  

En effet, l’épidémie emporte une incidence considérable sur les communications à l’échelle européenne et mondiale et par voie de conséquence entre EUIPO et ses parties prenantes à l’échelle internationale.  

En conséquence, le Directeur exécutif de l’EUIPO a signé, le 16 mars 2020 une décision qui entrera en vigueur le jour suivant sa publication au Journal Officiel de l’Office suivant laquelle il est décidé de la suspension de l’ensemble des délais de procédure expirant entre le 9 mars 2020 et le 30 avril 2020.  

L’ensemble des délais est donc prorogé jusqu’au 1er mai 2020. En pratique, cela signifie que l’ensemble des délais sont prorogés jusqu’au lundi 4 mai 2020, le vendredi 1er mai étant férié.  

Dans ce contexte de propagation rapide et constante de la COVID-19, il faut envisager que, comme l’avait fait le Directeur de l’Office Chinois de la Propriété Intellectuelle le 14 février dernier, le Directeur de l’Institut National de Propriété Intellectuel prenne à son tour une mesure visant à la prorogation des délais de procédure.  

Il ne faudra pas manquer de s’enquérir des nouvelles décisions des Directeurs d’Office au fur et à mesure de l’évolution de l’épidémie du Coronavirus et veiller à prendre note de l’ensemble des dates de reprises des procédures afin de ne pas manquer de protéger ou défendre ses droits.  

Ainsi, alors que les Offices tentent de prendre des mesures conservatrices des droits de leurs parties prenantes, les premiers dépôts de marques liés au virus sont déjà apparus aux USA et en Chine.  

Il est cependant à ce jour trop tôt pour mesurer l’ampleur de ce phénomène de dépôt douteux puisque toutes ces demandes doivent être publiées au Bulletin Officiel des Offices, les plus récentes ne l’ayant donc pas été.  

Il ne fait toutefois que peu de doute que ces demandes seront rejetées, toutefois le fondement juridique d’un tel refus n’est pas encore connu.  

Il est de la responsabilité de tous les Directeurs des Offices dans le monde de communiquer leurs lignes directrices pour l’examen des demandes de marques liées au Coronavirus COVID-19. 

Pour mesurer l’ampleur de ces dépôts reposant sur ce fléau mondial, il suffit de se reporter aux dires de l’Office Chinois de Propriété Intellectuelle qui affirme avoir reçu plus de 1000 demandes de dépôt de marque « CORONAVIRUS » désignant par exemple les classes 25 (vêtements) et 41 (divertissement) mais également des demandes portant sur le nom de l’hôpital construit en urgence, a fait l’objet de plusieurs dépôts, tout comme le nom du docteur Li Wenliang lanceur d’alerte et victime de ce virus… 

 

Les marques du tourisme subissent quant à elles l’impact de l’épidémie du Coronavirus et son retentissement sur la bourse mondiale.  

Partout dans le monde le secteur du voyage est particulièrement touché, le prix des actions des compagnies aériennes comme des grands groupes hôteliers est en chute libre, emportant une dévalorisation considérable de leurs marques.  

Et nous pourrons terminer par évoquer la marque de bière mexicaine « Corona » dont l’image de marque est particulièrement touchée par ce virus. Nul doute que les équipes de communication dédiées à cette marque vont devoir redoubler d’effort et d’imagination pour convaincre les populations que cette marque n’est pas liée au Virus.

Covid-19 : quels impacts sur les procédures en urbanisme ?

L’épisode du confinement lié au coronavirus impacte de nombreux domaines du droit. Pour certains d’entre eux, le gouvernement a commencé à apporter des réponses. Ainsi et par exemple, en matière de marchés publics, il a été annoncé que le coronavirus sera considéré comme un cas de force majeure justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles. 

S’agissant des procédures d’urbanisme, aucune communication propre à cette matière n’est intervenue pour l’instant.   

Nous pouvons penser que la force majeure pourra également trouver à s’appliquer dans certains cas. Si la jurisprudence ne donne que peu d’applications de cette notion en urbanisme, tel a, notamment, pu être le cas en matière de délai de validité d’un permis de construire lorsque la force majeure empêche la réalisation des travaux (entraînant alors une suspension du délai de validité : CE, 28 janvier 1955, Cts Robert et Bernard: Lebon 54, concl. Grévisse ; CE, 30 janvier 1985, Doumergue, n° 139417).  

Par ailleurs, un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 en discussion ce 18 mars nous donne des indications des mesures qui pourraient s’appliquer au droit de de l’urbanisme.  

En effet, au regard des informations disponibles, celui-ci devrait prévoir de permettre au gouvernement de prendre, par voie d’ordonnance, toute mesure : 

  • Adaptant les délais applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative, ainsi que les délais de réalisation par les entreprises ou les particuliers de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposés par les lois et règlements ;

     

  • Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté, ou toute sanction ou autre effet. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 14 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises pour ralentir la propagation du virus Covid-19 ;

     

  • Adaptant, aux seules fins de limiter pendant la durée de propagation du virus Covid-19 les contacts physiques entre les personnels des juridictions, et entre ces derniers et les justiciables, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure, à la publicité des audiences, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions en matière civile, sociale et commerciale. 

 

Ainsi, s’agissant de l’urbanisme, l’on peut notamment noter que des mesures seront prises quant aux délais de procédure et notamment les délais de recours devant le juge administratif. Cela apparaissait prévisible dans la mesure où il est difficile d’imposer le respect d’un délai de recours déclenché par un affichage sur le terrain en période de confinement.  

Par ailleurs, les délais d’instruction des demandes d’autorisation devraient être adaptés, ce qui apparaît également souhaitable afin d’éviter, par exemple, que les difficultés d’organisation résultant du confinement entraînent la délivrance d’autorisations tacites involontaires.  

Sont également prévues des mesures relatives à la question de la participation du public qui ne peut, évidemment, pas avoir lieu efficacement pendant la période de confinement (du moins lorsqu’elle n’est pas dématérialisée). 

Parmi les questions restantes, reste, notamment, l’adaptation de la procédure d’élaboration ou d’évolution des documents d’urbanisme et les avis à recueillir dans ce cadre (notamment les personnes publiques associées).  

En outre, les différentes dispositions à intervenir seront-elles applicables aux procédures en cours (dossier de demande d’autorisation d’ores et déjà déposé ou procédure d’élaboration prescrite) ? 

Dans l’attente des précisions à intervenir, il conviendra de demeurer vigilant afin de sécuriser au maximum les procédures d’urbanisme et d’aménagement en cours et à intervenir.  

Lutte contre l’impact économique du coronavirus : les annonces de la Commission européenne en matière d’aides d’Etat

Lors de la vidéoconférence des dirigeants de l’UE qui s’est tenue le 10 mars dernier sur la réponse à apporter à l’épidémie de COVID-19, la présidente de la Commission européenne a déclaré que la Commission veillerait à ce que des aides d’Etat puissent être accordées aux entreprises qui en ont besoin. 

Un communiqué de presse du 13 mars dernier est venu préciser le sujet. La Commission européenne y indique qu’elle utilisera tous les instruments juridiques à sa disposition pour atténuer les conséquences de la pandémie en cours, en particulier en permettant aux États membres « d’agir de manière décisive et coordonnée, en utilisant toute la flexibilité [des] cadres instaurés par les aides d’Etat ».   

A cette occasion, la Commission souligne que les règles européennes en matière d’aides d’État permettent aux États membres de prendre des mesures rapides et efficaces pour aider les entreprises, et en particulier les PME, qui sont confrontées à des difficultés économiques en raison de l’épidémie de COVID-19. On pense en particulier aux aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. 

La Commission souligne également que les Etats membres peuvent concevoir de larges mesures de soutien conformes aux règles en vigueur en matière d’aides d’Etat.  

Elle indique à cet égard que l’article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE, qui dispose que sont compatibles avec le marché intérieur les « aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires », permet aux États membres d’indemniser les entreprises pour les dommages directement causés par des événements extraordinaires, y compris des mesures dans des secteurs tels que l’aviation et le tourisme. 

On sait par ailleurs que l’article 107, paragraphe 3, point b) du TFUE dispose que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre », et que la Commission a admis que la crise économique et financière depuis 2008 entrait dans le champ d’application de cet article.  

La Commission souligne qu’il en va de même de l’impact de l’épidémie de COVID-19 en Italie, à raison de sa nature et de son ampleur. S’agissant des autres États membres, son appréciation concernant l’utilisation de l’article 107, paragraphe 3, point b), se fera selon une approche similaire. Tout porte donc à croire que l’évolution de la situation en France au cours des derniers jours permet également de solliciter ces dispositions. La Commission indique d’ailleurs qu’elle est « prête à travailler avec tous les États membres afin de garantir la mise en place en temps utile d’éventuelles mesures nationales de soutien pour faire face à l’épidémie de COVID-19 ». 

Il faut enfin souligner qu’un cadre juridique spécial au titre de l’article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE est en cours de préparation par la Commission, et devrait permettre de simplifier le recours à ces dispositions dans le contexte actuel. 

Au regard du droit européen, la souplesse sera de mise à n’en pas douter, pour faciliter l’intervention de l’État et des autres personnes publiques en soutien aux entreprises qui seront frappées par telle et/ou telle conséquence de cette situation sanitaire inédite. Reste à savoir si cette souplesse sera également traduite en droit français, notamment en considération de la répartition des compétences qui encadre l’action des collectivités territoriales en la matière. 

Covid-19 et baux commerciaux

Face à la menace du Coronavirus, de nombreux commerces ont dû, pour empêcher sa propagation, fermer leurs portes au public et renoncer ainsi à toute activité et revenus en découlant.  

Lors de son allocution télévisée du 16 mars 2020, le président de la République Emmanuel Macron a précisé plusieurs mesures afin de venir en aide aux petites entreprises sévèrement affectées par cette crise sanitaire. 

Le président a ainsi annoncé que « dès demain [mardi 17 février 2020], les factures d’électricité, de gaz ainsi que les loyers devront être suspendus » pour les petites et moyennes entreprises en difficulté. 

Il reste à encadrer cette suspension de paiement des loyers dans ses modalités et surtout dans sa durée. 

Il convient enfin de préciser que cette mesure concerne uniquement les entreprises et donc les loyers commerciaux et n’a donc pas vocation à s’étendre aux loyers des baux d’habitation, malgré le moratoire sollicité par la Confédération Nationale du Logement le 17 mars dernier. 

Covid-19 et contrats publics

Par une communication en date du 17 mars 2020, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures de soutien immédiates aux entreprises parmi lesquelles la « reconnaissance par l’État et les collectivités locales du Coronavirus comme un cas de force majeure pour leurs marchés publics », ce qui a pour conséquence que « pour tous les marchés publics d’État et des collectivités locales, les pénalités de retards ne seront pas appliquées » (https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises). 

Cette communication constitue une évolution par rapport aux précédentes déclarations du ministre de l’Economie et des Finances, datées du 29 février dernier, selon lesquelles la reconnaissance de la force majeure semblait réservée aux seuls marchés publics de l’Etat. 

Notons qu’au-delà des marchés publics, la solution devrait s’imposer également aux autres contrats de la commande publique, notamment aux contrats de concession. 

Ceci étant, si la force majeure peut conduire à la suspension, voire à la résiliation du contrat, encore faut-il rappeler qu’elle ne saurait être automatiquement retenue pour tous les contrats actuellement en cours d’exécution, même s’ils sont majoritairement concernés. 

La force majeure tient, en effet, à trois conditions.  

D’abord, l’existence d’un évènement extérieur aux parties au contrat. Tel est bien le cas s’agissant du Covid-19.  

Ensuite, la force majeure doit résulter d’un évènement imprévisible. A ce titre, un doute pourrait exister sur le caractère imprévisible du Covid-19 et de ses conséquences pour les contrats récemment conclus, alors que son existence était déjà connue.  

Enfin, l’évènement doit être irrésistible, ce qui implique d’établir que les conséquences de l’épidémie – notamment les mesures imposées par le Gouvernement afin de lutter contre sa propagation – rendent impossible, d’une quelconque manière, l’exécution du contrat. Cette impossibilité de se soustraire aux conséquences de l’épidémie doit résulter d’éléments précis (rupture de l’approvisionnement, personnels indisponibles etc.). 

Aussi, bien qu’elles donnent d’utiles orientations sur la vie des marchés publics dans les conditions actuelles, les annonces gouvernementales ne dispensent pas les acheteurs et leurs cocontractants de se référer aux conditions ci-dessus rappelées pour déterminer s’il y a lieu de suspendre totalement ou partiellement l’exécution du contrat sans appliquer de pénalités de retard, voire de résilier le contrat. 

Toutefois, les circonstances actuelles, très particulières, conduisent sans doute à faire preuve d’une certaine tolérance dès lors que les déclarations du Gouvernement entendent écarter l’application des pénalités de retard pour « tous les marchés publics » de l’Etat et des collectivités. La Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (DAJ) recommande d’ailleurs aux acheteurs publics de ne pas « hésiter à reconnaître que les difficultés rencontrées par leurs cocontractants sont imputables à un cas de force majeure » (voir la fiche explicative publiée à l’adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/fiche-passation-marches-situation-crise-sanitaire.pdf

Il semble également possible de considérer que la mise en œuvre des autres sanctions contractuelles, telle que la résiliation pour faute du titulaire, devrait être écartée sauf à ce que l’acheteur dispose d’éléments précis et concordants lui permettant de prouver que le titulaire aurait pu prendre des mesures pour poursuivre l’exécution du marché dans des conditions normales. En revanche, les parties pourront envisager une résiliation pour cause de force majeure. 

En tout état de cause, il est fortement recommandé aux acheteurs et à leurs cocontractants d’engager un dialogue afin de décider des mesures à prendre et que les parties respectent les procédures prévues dans leur contrat, notamment celles prévues dans les cahiers des clauses administratives générales et particulières. 

En dernier lieu, en ce qui concerne la passation des contrats, les acheteurs publics peuvent mettre en œuvre une publicité limitée à dix jours en cas d’urgence (article R. 2161-8, 3° du Code de la commande publique), voire passer des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables en cas d’urgence impérieuse (article R. 2122-1 du Code de la commande publique) mais, dans ce dernier cas, le marché doit être limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence. La DAJ rappelle néanmoins que ces marchés « pourront être renouvelés si la situation de blocage devait se prolonger » (v. la fiche explicative précitée). 

Suite de la saga de l’action directe du sous-traitant à l’encontre du maître de l’ouvrage

Par un arrêt rendu le 13 février 2020, la Haute juridiction est revenue non seulement sur l’acceptation tacite du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement mais plus généralement sur la portée de l’action directe d’un sous-traitant à l’encontre du maître de l’ouvrage. 

Pour mémoire, la sous-traitance est régie par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dont les dispositions sont d’ordre public.   

Il résulte des dispositions de l’article 6 de cette loi que, une fois accepté et ses conditions de paiement agrées par le maître d’ouvrage, le sous-traitant a droit au paiement direct par lui pour les prestations dont il assure l’exécution. 

En pratique, en application des dispositions de l’article 12 de cette même loi, le sous-traitant dispose d’une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne le paie pas un mois après en avoir été mis en demeure, étant précisé que la copie de cette mise en demeure doit être adressée au maître de l’ouvrage. Les sommes qui sont dues sont celles mentionnées dans le contrat de sous-traitance.  

En l’espèce et d’un point factuel, une entreprise principale a sous-traité le lot couverture et bardage à une société. 

Après réception, le sous-traitant a mis en demeure l’entreprise principale de lui régler le solde de son marché et en a adressé une copie au maître de l’ouvrage. 

Devant l’inaction de l’entreprise principale, le sous-traitant assigne directement en paiement le maître de l’ouvrage.  

Aux termes d’un arrêt rendu le 30 août 2018, la Cour d’appel de Douai a fait droit à cette action directe mais a toutefois limité le montant initialement réclamé par le sous-traitant. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le sous-traitant en ces termes : 

« Mais attendu qu’ayant relevé que le maître de l’ouvrage avait accepté tacitement la société Soprema et agréé ses conditions de paiement de sorte que celle-ci pouvait agir au titre de l’action directe, retenu à bon droit que les obligations du maître de l’ouvrage étaient limitées à ce qu’il devait encore à l’entrepreneur principal à la date de réception de la copie de la mise en demeure adressée à celui-ci et constaté qu’à cette date, le solde du marché de l’entreprise principale s’élevait à la somme de 61 958,08 euros et que le maître de l’ouvrage avait par la suite réglé au sous-traitant la somme de 35 000 euros, la cour d’appel, devant qui la société Soprema n’invoquait que la privation de l’action directe au soutien de sa demande subsidiaire formée sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, a, sans modifier l’objet du litige, légalement justifié sa décision de condamner le maître de l’ouvrage à payer au sous-traitant une somme de 26 958,08 euros » 

Cette décision est sans ambiguïté : l’action directe du sous-traitant est limitée aux sommes dues à la date de la mise en demeure.