Communautés de communes et d’agglomération : l’illégalité de l’accord local sur la répartition des sièges équivaut à une absence d’accord

Par un jugement du 22 décembre 2021, le Tribunal administratif de Nantes a apporté des précisions sur l’autorité compétente pour définir le nombre et la répartition des sièges des conseils communautaires des communautés de communes et communautés d’agglomération.

En effet, en application de l’article L. 5211-6-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), les conseils municipaux des communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération peuvent s’accorder selon des règles de majorité qualifiée prévues par cet article, avant chaque renouvellement général des conseils municipaux, sur le nombre et la répartition des sièges du conseil communautaire. A défaut d’accord, des critères légaux sont fixés par cette disposition, et le nombre de sièges et leur répartition sont constatés par arrêté préfectoral.

Dans l’affaire portée devant le Tribunal administratif de Nantes, les conseils municipaux des communes membres d’une communauté d’agglomération avaient adopté en 2019 et en vue du renouvellement général de 2020, à la majorité qualifiée légalement prévue, un accord local sur le nombre et la répartition des sièges du conseil communautaire. Considérant que cet accord ne répondait pas aux exigences de l’article L. 5211-6-1 du CGCT, le préfet a fixé ce nombre et cette répartition par arrêté préfectoral. Une commune a alors sollicité l’annulation de cette décision, soutenant que le préfet ne pouvait procéder à une telle répartition dès lors qu’il existait un accord local, que celui-ci aurait d’ailleurs pu déférer devant la juridiction s’il l’estimait illégal.

Le Tribunal administratif, considérant que l’accord local adopté méconnaissait en effet les dispositions de l’article L. 5211-6-1 du CGCT, a rejeté la requête et donc le raisonnement de la commune aux motifs que, « En l’absence d’accord local remplissant les conditions légales fixées au I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, la composition de l’organe délibérant devait être établie selon les dispositions prévues aux II à VI du même article, conformément au I de cet article. Il en résulte que seul le préfet était compétent pour fixer et répartir le nombre de sièges de conseillers communautaires de la communauté  » Agglomération du Choletais  » ».

Ainsi, en cas d’accord local, le préfet peut, s’il considère cet accord illégal, directement adopter un arrêté de répartition sur la base des règles de droit commun, sans avoir à contester au préalable ledit accord.

Le droit de préemption urbain : un outil efficace pour garantir la pérennité des librairies

Par décret n° 2021-217 du 25 février 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les commerces de détail de livres – les librairies – ont été reconnus comme essentiels à la vie et donc autorisées à ouvrir en cas de confinement.

C’est dire l’importance que jouent les librairies dans une démocratie.

Par un arrêt en date du 25 janvier 2022, la Cour administrative d’appel de Douai rappelle que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent intervenir pour s’assurer de la pérennité d’une librairie menacée de disparaître avec la vente des murs qui l’accueillent.

En l’espèce, les locaux de la librairie « La Bailleuloise » dans la commune de Bailleul ont été mis en vente par son propriétaire, à la suite du départ à la retraite du propriétaire du fonds de commerce de librairie et, l’acquéreur trouvé projetait d’y installer un cabinet d’assurances.

Par délibération en date du 12 octobre 2017, le conseil municipal de la ville a décidé d’exercer son droit de préemption pour l’acquisition des locaux accueillant cette librairie.

Dans cette décision, la Cour administrative d’appel de Douai considère que la commune pouvait légalement préempter pour s’assurer de la pérennité de la destination commerciale et du maintien, par sa mise à bail, d’une activité équivalente à celle de la librairie existante, dans les locaux actuels au regard de sa situation géographique stratégie, en plein centre-ville.

Elle ajoute, qu’un tel projet présente un intérêt général suffisant au regard de son prix d’acquisition qui est conforme aux données du marché immobilier local déterminé par le service des Domaines et non disproportionné au regard des capacités financières de la commune de Bailleul.

Enfin, elle considère qu’aucune pièce du dossier ne permet d’établir que les locaux acquis ne seraient pas adaptés à l’activité de librairie.

Ainsi, à condition de pouvoir justifier de la réalité du projet, cette décision donne aux collectivités titulaires du droit de préemption un outil précieux pour garantir la pérennité de ces commerces de première nécessité.

Responsabilité décennale : précisions sur la volonté tacite et non équivoque du maître de l’ouvrage de réceptionner les travaux

Dans cette affaire, un couple avait fait édifier en 2006 un immeuble à usage d’habitation selon un contrat de construction de maison individuelle par société en liquidation judiciaire depuis. Cette maison a, par la suite, été vendue en 2013.

Se plaignant de désordres (fissures affectant les murs de soutènement bordant la descente de garage et la découverte d’anomalies affectant la toiture), les acquéreurs ont recherché la responsabilité décennale des anciens propriétaires vendeurs.

Par arrêt du 24 septembre 2020, la Cour d’appel d’Amiens a déclaré leur action irrecevable au motif de l’expiration du délai de garantie décennale compte tenu de date de réception de l’ouvrage alors fixée au 3 avril 2006.

En l’espèce, à défaut de réception expresse, la Cour d’appel avait considéré que, même si les vendeurs ne justifiaient pas du paiement intégral du prix du contrat de construction, la date d’emménagement dans l’immeuble devait être considérée comme la date de réception tacite, puisqu’aucun élément ne permettait de conclure que l’immeuble n’était pas en mesure d’être réceptionné à cette date.

Les acheteurs se sont alors pourvus en cassation invoquant le fait qu’en se bornant à relever que les vendeurs avaient pris possession de l’ouvrage le 3 avril 2006, date à laquelle ils déclaraient avoir emménagé dans l’immeuble, pour fixer à cette date la réception tacite de l’ouvrage, la Cour d’appel avait statué par des motifs insuffisants à caractériser la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux et a violé les articles 1792-4-1 (relatif à l’action en responsabilité décennale) et 1792-6 du Code civil (qui définit la réception des travaux).

La date de réception des travaux est excessivement importante en ce qu’elle fixe le point de départ de la garantie décennale, d’où l’intérêt de caractériser la réception tacite à défaut de réception expresse.

La Haute juridiction a eu l’occasion de rappeler qu’aux termes de cet article, la réception de l’ouvrage peut être tacite si la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux est établie.

Selon la Cour de cassation, la seule prise de possession de l’immeuble par le maître de l’ouvrage ne saurait suffire à établir sa volonté tacite, non équivoque, de réceptionner les travaux.

En effet, si la Cour de cassation a déjà approuvé une Cour d’appel qui avait estimé que la date de prise de possession caractérisait la date de réception tacite (Cass. Civ., 3ème, 23 mai 2012, n° 11-10.502), la situation était différente étant donné l’absence de contestation sur le règlement des travaux.

Or, il en va différemment dans la présente affaire puisque le paiement du prix du contrat de construction n’avait pas été soldé dans son intégralité.

Dès lors, il ne saurait y avoir volonté non équivoque.

Cette règle est classiquement rappelée par la Haute juridiction (Cass. Civ., 3ème, 4 octobre 1989, n° 88-12.061).

Modalités d’appréciation de la prestation compensatoire et de la contribution à l’entretien des enfants

L’article 270 du Code civil dispose qu’en cas de divorce, « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ». Selon l’article 271, cette prestation est fixée « selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre ».

Par ailleurs, l’article 371-2 prévoit que « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources ».

Dans un arrêt rendu le 12 janvier 2022, la Cour de cassation revient sur les modalités d’appréciation de la prestation compensatoire et de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants après la séparation des parents.

En l’espèce, il avait été fixé par jugement que l’époux devrait verser à l’épouse un capital de 9.600 euros au titre de la prestation compensatoire et 200 euros au titre de sa contribution mensuelle à l’entretien et à l’éducation des enfants.

En appel de ce jugement, l’époux avait produit de nouvelles pièces relatives à ses dettes et charges, qui diminuaient ses capacités contributives.

Dans un arrêt du 27 août 2019, la Cour d’appel de Colmar confirmait la décision de première instance.

La Cour de cassation casse partiellement cet arrêt.

 Elle affirme qu’il résulte des articles 270 et 271 du Code civil que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée. Elle considère qu’en se déterminant « au vu d’éléments décrivant la situation financière de [l’époux] en première instance, sans rechercher, comme il le lui était demandé, offres de preuve à l’appui, si celle-ci n’avait pas évolué, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

S’agissant de la fixation de la contribution à l’entretien de l’enfant, la Cour rappelle que le juge doit se placer au jour où il statue pour apprécier les ressources des parents. Elle en déduit là encore, qu’en se déterminant sur les éléments financiers avancés en première instance, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en ne recherchant pas si la situation financière de l’époux avait évolué.

Opposabilité au syndicat des copropriétaires de la clause de conciliation insérée dans un contrat de maîtrise d’œuvre conclu entre une SCI et un architecte

Après qu’une Société Civile Immobilière a fait appel à un architecte pour la construction d’un immeuble, le syndicat des copropriétaires fait constater par huissier des désordres et malfaçons. Après cette expertise, le syndicat décide d’assigner l’architecte en responsabilité et en indemnisation. Celui-ci oppose au syndicat une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre de la clause instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge insérée dans le contrat le liant à la SCI.

La clause prévoyait la saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes, avant toute saisine du juge.

La Cour d’appel de Reims, dans un arrêt du 17 septembre 2019, déclare irrecevables les demandes du syndicat, au motif que ce dernier n’a pas mis en œuvre la clause de conciliation.

Dans son arrêt du 5 janvier 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt de la Cour d’appel, qui a « souverainement retenu que le syndicat avait eu connaissance de la teneur du contrat de maîtrise d’œuvre et de la clause lors des opérations d’expertise judiciaire avant l’assignation au fond de l’architecte. Elle a exactement déduit que la clause litigieuse était opposable au syndicat qui recherchait la responsabilité contractuelle de l’architecte ».

Délai biennal de la garantie des vices cachés : forclusion ou prescription ? Opposition entre les première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation

Selon les articles 2241 et 2242 du Code civil, « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion », jusqu’à l’extinction de l’instance.

En revanche, si le délai de prescription peut faire l’objet d’une suspension, conformément à l’article 2239 du Code civil selon lequel « la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès », ce n’est pas le cas du délai de forclusion (Cass. Civ.,3ème, 3 juin 2015, n° 14-15.796).

L’article 1648 du Code civil dispose que « l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ».

Dans son arrêt du 5 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation considère que ce délai de deux ans est un délai de forclusion.

En l’espèce, l’acheteur découvre le 10 décembre 2012 que l’installation d’assainissement du bien qu’il a acheté le 5 juin 2009 est vétuste. Un expert judiciaire est désigné à sa demande par ordonnance du 24 juillet 2013, et rend son rapport le 20 novembre 2015.

Le 28 juin 2016, l’acquéreur assigne les vendeurs en nullité de la vente pour dol et erreur sur les qualités substantielles, puis invoque, pour la première fois en cause d’appel, la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 15 septembre 2020, déclare sa demande irrecevable, parce que tardive, en application de l’article 1648 du Code civil, qu’elle qualifie de délai de forclusion.

Dans son arrêt du 5 janvier 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi, et confirme l’arrêt de la cour d’appel, qui a retenu que ce délai de forclusion avait été interrompu par l’assignation en référé du 28 mai 2013 jusqu’à l’ordonnance du 24 juillet 2013. A défaut de nouvel acte interruptif de forclusion dans le nouveau délai qui expirait le 24 juillet 2015, la demande de l’acquéreur, intentée le 28 juin 2016, était forclose en son action fondée sur la garantie des vices cachés.

En pratique, cette décision implique que l’acquéreur, dès l’expert désigné, doit prendre le soin d’interrompre à nouveau le délai, par l’introduction d’une demande au fond, avant l’expiration du délai de 2 ans depuis la désignation de l’expert, quand bien même l’expertise ne serait pas terminée.

Il faut noter que cette solution dégagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation est contraire à celle de la première chambre, qui a déjà affirmé que l’article 1648 du Code civil édictait un délai de prescription pouvant, à ce titre, faire l’objet d’une suspension lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (Cass. Civ., 1ère, 25 novembre 2020, n° 19-10.824).

Création d’emplois d’expert de haut niveau et de directeur de projet dans la fonction publique territoriale

Décret n° 2022-49 du 21 janvier 2022 portant échelonnement indiciaire des experts de haut niveau et des directeurs de projet des collectivités territoriales et de leurs établissements publics

 

Deux décrets en date du 21 janvier 2022 (n° 2022-48 et n° 2022-49), publiés au Journal officiel le 23 janvier 2022 et entrés en vigueur le lendemain de cette publication fixent le régime juridique applicable aux emplois d’expert de haut niveau et de directeur de projet pouvant désormais être crées dans les collectivités et leurs établissements publics.

Le décret n° 2022-48 vient définir ce nouveau type d’emplois et fixer les modalités de sélection des agents ainsi que les conditions d’accès et d’emplois, tandis que le décret n° 2022-49 prévoit l’échelonnement indiciaire.

Un dispositif similaire pour ce même type d’emplois d’expert de haut niveau et de directeur de projet est déjà en vigueur de longue date au sein de la fonction publique d’Etat, depuis l’adoption de deux décrets n° 2008-382 et n° 2008-383 du 21 avril 2008, et de l’arrêté du 21 avril 2008. Dans la fonction publique territoriale, cette création était légalement possible depuis plus d’une dizaine d’années suivant les dispositions de l’article 6-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 mais les décrets d’application n’étaient pas intervenus.

Les emplois d’expert de haut niveau et directeur de projet sont répartis en trois groupes selon l’importance de la population de la collectivité :

  • le groupe I comprend les emplois des communes de plus de 400.000 habitants, des départements de plus de 900.000 habitants, des régions de plus de 2.000.000 d’habitants et des établissements publics assimilés ;
  • le groupe II comprend les emplois des communes de 150.000 à 400.000 habitants, des départements de moins de 900.000 habitants, des régions de moins de 2.000.000 d’habitants et des établissements publics assimilés
  • le groupe III comprend les emplois des communes de 40.000 à 150.000 habitants et des établissements publics assimilés dans les conditions prévues par le même décret.

De ce classement par groupes dépend le nombre maximum d’emplois qui pourront être crées au sein de la collectivité, ce nombre oscillant entre deux et trois.

Les missions pouvant leur être confiées sont largement définies puisque le décret prévoit qu’ils « peuvent être chargés d’animer la conduite de projets et de coordonner à cette fin l’action des services intéressés ou d’assurer des missions de conseil, d’audit ou de médiation qui requièrent une expérience diversifiée et une grande capacité d’analyse et de proposition » et que les missions confiées pourront évoluer durant la période d’occupation des fonctions (cf. art. 2). Une certaine marge de manœuvre est donc laissée aux collectivités pour la détermination des missions confiées.

Deux conditions cumulatives d’accès aux emplois d’expert de haut niveau et de directeur de projet sont prévues. Ces emplois sont ainsi réservés aux « fonctionnaires appartenant à un corps ou cadre d’emplois de catégorie A dont l’indice terminal brut est au moins égal à la hors-échelle B », et qui justifient « d’au moins six années d’activités professionnelles diversifiées les qualifiant particulièrement pour l’exercice de fonctions supérieures de direction, d’encadrement ou d’expertise ».

Le processus de recrutement s’effectue par étapes, dont la première, l’examen préalable, comprend l’étude du dossier de candidature et éventuellement une mise en situation professionnelle. Les candidats présélectionnés sont ensuite convoqués à un ou plusieurs entretiens de recrutement conduits par au moins deux personnes, lesquelles établissent un rapport à destination de l’autorité territoriale.

Les fonctionnaires nommés sur l’un de ces emplois par l’autorité territoriale sont placés en position de détachement pour une durée maximale de trois ans (renouvelable une fois) auprès de l’autorité territoriale ou, sur sa décision, auprès du DGS ou d’un DGA.

A l’instar du détachement sur des emplois fonctionnels, le décret prévoit expressément que les agents nommés pourront se voir retirer leur emploi agents dans l’intérêt du service, par une décision motivée et après entretien préalable. La perte de confiance pourra donc très certainement justifier la fin du détachement.

Reste à savoir maintenant si les collectivités feront usage de cette nouvelle possibilité qui leur est offerte, en complément des emplois fonctionnels.

Le renforcement de l’obligation de protection fonctionnelle face à la multiplication des menaces sur les agents publics

Le 2 novembre 2020, quatre ministres, dont celle de la Fonction publique, publiaient une circulaire visant à renforcer la protection des agents publics face aux attaques dont ils font l’objet dans le cadre de leurs fonctions.

La circulaire vise plusieurs axes de renforcement, en alertant notamment sur la multiplication des menaces et attaques sur les espaces numériques et en préconisant la mise en place d’un suivi systématique des menaces ou attaques dont sont l’objet leurs agents.

Mais il faut surtout en retenir la volonté du Gouvernement de mobiliser les managers à tous les niveaux de l’administration pour protéger les agents, en s’assurant qu’ils bénéficient d’un soutien renforcé et systématique de leur employeur en cas d’attaques ou de menaces, et notamment de l’octroi sans délai de la protection fonctionnelle prévue à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 lorsque les circonstances et l’urgence le justifient, afin de ne pas les laisser sans défense dans une situation pouvant se traduire par une atteinte grave à leur intégrité.

Le statut général de Fonction publique prévoit effectivement en son article 11, 4e alinéa que : « la collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en résulte ».

Consacrant la mesure phare de cette circulaire, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République est venue compléter cette disposition, par un second paragraphe qui redéfinit les contours de l’obligation qui pèse sur l’administration.

Désormais, « lorsqu’elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique du fonctionnaire, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque ».

La loi du 24 août 2021 fait donc peser sur la collectivité débitrice de l’obligation de protection fonctionnelle, la nécessité de réagir de manière urgente, au risque d’atteinte grave à l’intégrité physique d’un de ses agents. Pour ce faire, à titre conservatoire, elle devra prendre les mesures nécessaires pour protéger le fonctionnaire, en mettant en œuvre les moyens de faire cesser ce risque.

Le legislateur réaffirme ce principe déjà en réalité ici un principe déjà posé en par la jurisprudence (CE, 8 juillet 2020, n° 427002) selon laquelle une collectivité peut légalement accorder sa protection sans qu’une demande écrite formalisée lui soit adressée par le bénéficiaire.

Il est important de relever toutefois que la décision d’accorder la protection fonctionnelle est créatrice de droits, de sorte que si l’administration a fait fausse route dans son octroi elle pourra retirer sa décision, mais uniquement si elle est illégale et dans un délai de quatre mois (voir art. L. 242-1 du Code des relations entre le publics et l’administration).

De nouvelles obligations et clauses relatives à la laïcité et la neutralité des services publics dans les contrats de la commande publique

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a pour objectif de lutter contre le séparatisme, lutte qui passera désormais par le vecteur des services publics et donc, en toute logique, les contrats de la commande publique ayant pour objectif l’exécution desdits services.

La loi dispose en effet que le titulaire du contrat de commande publique doit assurer l’égalité des usagers devant le service public ainsi que le respect des principes de laïcité et de neutralité du service public.

Dans cette perspective le titulaire devra :

  • s’assurer que les salariés et les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction qui participent à l’exécution du service respectent ces principes ;
  • veiller, dans le cadre des contrats de la commande publique à ce que leurs sous-traitants ou sous concessionnaires respectent les obligations prévues par la loi.

Pour conférer une force exécutoire à ces obligations les contrats de la commande publique devront prévoir des modalités de contrôle du cocontractant, et par suite ces mêmes contrats devront prévoir des sanctions dans le cas où le cocontractant : « N’a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés » (Article 1er II de la loi).

En complément de la loi, c’est par le biais d’une instruction du Gouvernement, en date du 31 décembre 2021 et dite « circulaire laïcité », que des instruction précises ont été émise quant au contrôle de légalité de la loi du 24 août 2021.

Ainsi, le Premier Ministre souligne qu’il faut faire preuve d’une « vigilance accrue dans la mission du contrôle de légalité » dans les stratégies locales de contrôle, et ce pour constituer un « socle minimum de contrôle » au travers de « trois priorités nationales » : la commande publique, la fonction publique territoriale et l’urbanisme.

En effet, pour les actes concernant les marchés et les délégations de service public, la suspension préfectorale est immédiatement exécutoire et le juge disposera d’un mois pour statuer sur celle-ci.

En sus, le Premier Ministre souligne que, concernant la commande publique :

« Les contrats ayant pour objet, en tout ou partie, l’exécution d’un service public devront comprendre des clauses rappelant les obligations prévues au II de l’article 1er de la loi du 24 août 2021. Elles devront préciser les modalités de contrôle et de sanction du cocontractant lorsque celui-ci n’a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements ».

Il appartiendra donc aux collectivités de bien veiller à intégrer dans leurs marchés publics et conventions de délégations de services public les clauses prévues par ladite loi afin de passer avec succès un contrôle de légalité qui s’annonce accru.

Responsabilité décennale des constructeurs et erreur d’implantation d’un ouvrage

Cette décision revient sur la qualification d’une erreur d’implantation d’un bassin de rétention, empiétant sur une emprise foncière voisine (une autoroute au cas présent), en désordre de nature décennale, dès lors que cela rend l’ouvrage impropre à sa destination.

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage recherchait la responsabilité décennale d’une part de la société qu’il avait mandatée pour réaliser une mission d’étude préalable à la création d’une zone d’activité et d’autre part du géomètre expert missionné aux fins de vérifier le calage topographique de la zone.

En effet, en raison d’une erreur d’implantation, le maître d’ouvrage avait dû régulariser, par le biais d’un protocole, l’emprise irrégulière constatée sur l’autoroute par une cession d’une fraction de la parcelle voisine.

Cette erreur avait par ailleurs entraîné des coûts importants liés à des travaux de recalibrage et d’enrochement du bassin de rétention rendus nécessaires pour permettre l’élargissement de l’autoroute en dépit de cette mauvaise implantation.

Le maître d’ouvrage, une communauté de communes aux droits de laquelle était ensuite venue une communauté d’agglomération en l’espèce, avait ainsi sollicité l’indemnisation de ses préjudices.

En première instance, le Tribunal administratif de Toulon avait condamné solidairement les sociétés à payer à la communauté d’agglomération une somme de 104.319,32 euros. Un appel avait alors été formé par le géomètre-expert.

La Cour confirme la responsabilité de l’assistant à maître d’ouvrage et du géomètre expert compte tenu de l’erreur d’implantation qui avait été faite.

Ainsi, elle confirme qu’une erreur d’implantation sur la propriété d’un tiers rend l’ouvrage impropre à sa destination et justifie la condamnation in solidum des constructeurs :

« 9. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par M. A… et la société Présents venue aux droits de la SAS Sitétudes, d’une part, il ne résulte pas de l’instruction que l’erreur d’implantation du bassin, au regard de limites séparatives de propriété, était apparente au jour de la réception, alors notamment que le maître de l’ouvrage n’était pas informé, à la date de la réception, de la persistance d’une incertitude sur ce point ; d’autre part, l’erreur d’implantation d’un ouvrage sur la propriété d’un tiers rend celui-ci impropre à sa destination, dès lors notamment, comme en l’espèce, que ce tiers entend faire valoir ses droits sur sa propriété, contraignant, par conséquent, le maître de l’ouvrage à acquérir la parcelle concernée ou à détruire l’ouvrage qui y est irrégulièrement implanté ».

En ce sens, la juridiction écarte tout caractère apparent du désordre à la réception, lequel n’aurait pas permis d’engager la responsabilité décennale des constructeurs, dès lors que le maître d’ouvrage n’était pas au courant de la persistance d’une incertitude quant aux limites de propriété.

En outre, la Cour écarte l’argumentation du géomètre expert qui soutenait ne pas être lié par un contrat de louage d’ouvrage et ainsi ne pas pouvoir se voir appliquer les dispositions de l’article 1792 du Code de la construction et de l’habitation.

Il est intéressant de relever que, devant les juridictions judiciaires également, une erreur d’implantation, impliquant en particulier un risque de perte de l’ouvrage, peut parfaitement caractériser un désordre de nature décennale (Cass. Civ., 3ème civ., 18 mars 2021, n° 19-21078).

Vue d’ensemble concernant les accusés du procès du 13 novembre 2015

La Cour d’assises de Paris spécialement composée en matière de terrorisme va devoir se prononcer sur la culpabilité de 20 accusés, dont 6 sont absents, à la suite des attentats du vendredi 13 novembre 2015.

En effet, au terme de l’Ordonnance de Mise en Accusation, confirmée par l’arrêt de renvoi de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’appel de Paris, 20 personnes ont été renvoyées devant la Cour d’assises spécialement composée en matière de terrorisme dont cinq sont présumées mortes en zone irako-syrienne, et la 6ème reste incarcérée en Turquie. 

Cette dernière purge actuellement une peine de 10 ans et 9 mois d’emprisonnement à la suite de sa condamnation par la Cour d’assises de Manavgat (Turquie) pour des faits de faux en documents administratifs et d’affiliation à une organisation terroriste, son extradition ayant malheureusement été impossible.

La quasi-intégralité des accusés ont été renvoyés du chef de participation à une association de malfaiteurs terroriste, c’est-à-dire, conformément à l’article 421-2-1 du Code pénal, qu’ils ont été poursuivis pour leur participation à un groupement ou une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs fait(s) matériel(s) en lien avec un projet terroriste, en l’occurrence, les attaques du 13 novembre 2015.

À titre d’illustrations, les éléments matériels retenus à charge, contre les accusés, sont notamment :

  • le voyage, puis le séjour en zone irako-syrienne pour rejoindre les rangs de l’État islamique et le suivi à la fois d’un enseignement religieux et militaire délivré par l’organisation ;
  • le départ de Syrie pour rejoindre la cellule terroriste en Belgique projetant des attaques, et ce, en profitant de la crise migratoire en 2015 ;
  • la fourniture et/ou l’utilisation de faux papiers pour se déplacer ou encore pour louer clandestinement des logements pour les assaillants dans les alentours de Bruxelles ;
  • la location de véhicules pour transporter les futurs assaillants du Bataclan, des terrasses parisiennes et du Stade de France ;
  • le visionnage de vidéos de propagande de l’État islamique au café des « Béguines», les mois précédant les attaques du 13 novembre 2015 ;
  • la contribution à l’envoi d’argent par mandat à d’autres membres du groupement ;
  • l’apport d’une aide logistique à des membres du groupement pour trouver des logements, des véhicules ou des armes.

Dès lors, les accusés encourent, de ce chef, une peine de réclusion criminelle de 20 ans et 350.000 euros d’amende, conformément à la version de l’article 421-6 du Code pénal en vigueur au moment des faits.

En outre, certains accusés, dont les liens avec les auteurs des attaques ont été mis en évidence au stade de l’information judiciaire, sont poursuivis sur le fondement de qualifications criminelles en raison des actes matériels accomplis en amont ou pendant les attaques.

C’est par exemple le cas de l’un des accusés, qui avait eu pour mission de conduire 3 kamikazes aux abords du Stade de France, puis d’activer sa ceinture explosive à un second endroit dans la région parisienne.

Ce dernier est renvoyé, à l’instar d’autres accusés, des chefs de :

  • meurtres en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste sur les sites des attaques ;
  • tentatives de meurtres en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste ;
  • séquestration, sans libération volontaire avant le septième jour, en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste pour les faits survenus au Bataclan.

De fait, cet accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté que la Cour d’assises spécialement composée pourra, par décision motivée, porter à 30 ans, comme le prévoit l’article 421-7 du Code pénal.

Pour d’autres, le fait qu’ils aient pu apporter une aide ou un soutien en accompagnant certains des protagonistes décédés pendant les préparatifs des attaques ont contribué à leur renvoi sur le fondement de la complicité de tentatives de meurtres, notamment sur personnes dépositaires de l’autorité publique, en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste, faits leur faisant encourir la réclusion criminelle à perpétuité.

Cette dernière qualification explique la raison pour laquelle des policiers en service le soir des faits, ainsi que des syndicats de la profession se sont constitués partie civile.

Parallèlement, les magistrats instructeurs ont renvoyé trois des accusés devant la Cour d’assises du chef de recel de terroriste en relation avec une entreprise terroriste, et ce, en raison de leur participation au rapatriement de l’un des assaillants de Paris à Bruxelles dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 et à son hébergement à Bruxelles, soit postérieurement aux attentats.

À noter que parmi ces 3 accusés, 2 comparaissent libres à l’audience, mais demeurent sous contrôle judiciaire. 

Ainsi, pour le recel de terroriste, ces accusés encourent la peine délictuelle de 6 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende aux termes des articles 421-3 et 434-6 du Code pénal.

À l’issue des débats, il reviendra à la Cour d’assises spécialement composée d’apprécier les éléments débattus au cours des 10 mois d’audience et, en cas de condamnation des accusés, de fixer leur peine.

De la nécessité de juger : retour sur l’organisation hors norme du procès des attentats du 13 novembre 2015

Le procès des attentats du vendredi 13 novembre 2015 s’est ouvert devant la Cour d’assises de Paris, spécialement composée en matière de terrorisme le 8 septembre 2021.

Tous les superlatifs s’appliquent à cette audience tant elle est la plus grande, longue, dense, complexe des Cours d’assises qui ont pu se tenir ces dernières décennies pour juger les attentats les plus meurtriers sur le sol français depuis la Seconde Guerre Mondiale avec 131 morts et plusieurs centaines de blessés.

Cette audience « hors norme » a été l’objet d’aménagements et d’investissements considérables.

En effet, elle présente la particularité de juger 20 accusés, dont 5 sont présumés morts en zone irako-syrienne, 1 est incarcéré en Turquie et 14 sont présents à l’audience dont 11 accusés dans le box et 3 comparaissent librement.

De leur côté, 2.300 personnes, dont la vie a été durablement impactée par les attentats, sont dorénavant parties civiles.

SEBAN & ASSOCIES qui représente une cinquantaine d’entre elles, se rend chaque jour sur le banc des quelques 350 avocats de partie civile pour les représenter et tenter de leur apporter des réponses sur l’organisation et le déroulement de ces attaques.

L’audience se tient du mardi au vendredi à partir de 12h30 même si de nombreux lundis ont également été réquisitionnés pour avancer le déroulement de ce procès.

Cette audience est également particulièrement longue puisqu’initialement prévue pour une durée de 9 mois, de septembre 2021 à mai 2022, elle durera en réalité 10 mois à la suite des contagions successives de certains accusés par le Covid-19, soit jusqu’en juin 2022.

Le volume du dossier à étudier au cours de cette audience est également totalement inédit ; le dossier fait 469 tomes, soit plus d’un million de pages de procès-verbaux.

Déjà, au cours de l’instruction, les moyens engagés dans cette procédure étaient inédits, puisque six juges d’instruction antiterroristes français ont travaillé sur ce dossier.

Cette procédure présente aussi la particularité d’avoir une dimension internationale. En effet, les attentats ont été organisés depuis la Syrie, puis programmés en Belgique et exécutés en France. C’est pourquoi des actes d’investigation ont directement été réalisés en Belgique, bien entendu, mais également en Algérie, Tunisie, Egypte, Suède, Autriche, Inde, Grèce ou encore au Pakistan.

La salle d’audience, nommée « Grand procès », est à elle seule une innovation puisqu’elle a été construite spécifiquement pour ce procès pour un coût annoncé de 7,5 millions d’euros. Elle a été construite dans la salle des pas perdus du Palais de Justice de Paris sur l’Ile de la Cité avec une capacité de 500 personnes.  D’autres salles de retransmission sont également monopolisées pendant cette audience, à l’instar de la première chambre civile de la Cour d’appel de Paris, afin que le public puisse assister à ce procès et garantir ainsi la publicité des débats.

Une Web radio, qui retransmet en différé de trente minutes toute l’audience, a également été mise en place à destination des parties civiles qui ne voudraient ou ne pourraient pas se rendre psychiquement au Palais de Justice. Les parties civiles ont toutes reçu avant le début de l’audience des codes personnels afin de s’y connecter.

La Cour d’assises saisie est spécialement composée en matière de terrorisme ce qui signifie qu’il n’y a pas de jury populaire, mais 7 magistrats professionnels dont le Président de la Cour, Monsieur Jean-Louis PERIES, et deux assesseurs conformément aux dispositions des articles 706-25 et 698-6 du Code de procédure pénale. Trois magistrats supplémentaires suivent également la totalité des débats afin d’être en mesure de remplacer tout magistrat défaillant, pour garantir ainsi le bon déroulement de l’audience jusqu’à son terme. Ce nombre de trois est très faible dans les circonstances actuelles où une infection au Covid-19 pourrait facilement empêcher un magistrat de se présenter.

Cette audience est également entièrement filmée « pour l’histoire » sur le fondement de l’article L. 221-1 du Code du patrimoine qui prévoit précisément :

« Les audiences publiques devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire peuvent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel ou sonore […] lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice ».

D’ailleurs, cet enregistrement est de droit en matière de crime contre l’humanité ou d’actes de terrorisme lorsque le ministère public le demande ce qui est précisément le cas en l’espèce (article L. 122-3 du Code du patrimoine).

Le Président de la Cour d’appel de Paris a donc pris une ordonnance spécifique le 18 juin 2021 pour autoriser l’enregistrement audiovisuel et sonore de ce procès.  

Une fois achevé, les vidéos seront transmises à l’administration des Archives de France. Selon l’article L. 222-1 alinéa 3 du Code du patrimoine, elles ne seront accessibles de manière totalement libre qu’après 50 ans. Avant cela, elles ne pourront être reproduites ou diffusées qu’une fois la décision de la juridiction devenue définitive et sur autorisation spéciale du Président du Tribunal Judiciaire de Paris ou par le juge qu’il délèguera à cet effet (Article L. 222-1 alinéas 2 du Code du patrimoine).

C’est donc véritablement pour les générations à venir, qui n’auront pas connu les attentats terroristes du début du 21ème siècle, que les vidéos seront conservées.

Le début de cette audience a été marquée par les auditions de parties civiles. Pendant cinq longues semaines, la Cour, les accusés et le public ont inlassablement écouté une à une les histoires si singulières de chacun des survivants des attentats, ainsi que des familles des victimes décédées. Autant de témoignages émouvants qui ont permis à chacun de suivre seconde par seconde, minute par minute, le déroulement de la soirée du 13 novembre 2015 aux abords du Stade de France à Saint-Denis, sur les terrasses des 10ème et 11ème arrondissements de Paris et dans la salle de spectacle du Bataclan.

Depuis, les interrogatoires des accusés ont commencé afin d’appréhender leurs personnalités et leurs motivations.

Le Président a fait le choix de découper les interrogatoires par période. Il s’agit actuellement d’étudier en détail leurs parcours compris entre janvier 2014 et août 2015. Il conviendra ensuite d’appréhender la période critique d’août à novembre 2015, afin de cerner l’implication de chacun dans les attentats.

 

Marine ALLALI et Didier SEBAN

Les dispositions de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 qui concernent le droit de l’énergie

Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’Etat

Décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021

 

En complément de notre commentaire des dispositions de la loi de finances pour 2022 en matière de droit de l’environnement, nous signerons quelques dispositions de cette même loi en matière de droit de l’énergie.

 

I. Bouclier tarifaire

La loi de finances pour 2022 organise de deux manières le bouclier tarifaire en gaz naturel comme en électricité.

A. Le gaz

 L’accompagnement des fournisseurs de gaz naturel face au gel des tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz (Article 181 de la loi de finances pour 2022) :

A compter du 1er novembre 2021 et jusqu’au 30 juin 2022, les TRV de gaz naturel fournis par Engie sont gelés. L’échéance peut être modifiée par arrêté et fixée à une date comprise entre le 30 avril 2022 et le 31 décembre 2022.

Les TRV de gaz des entreprises locales de distribution :

  • Peuvent évoluer jusqu’au niveau des TRV de gaz d’Engie lorsqu’ils sont inférieurs à ce niveau.
  • Sont fixés à leur niveau en vigueur au 31 octobre 2021, toutes taxes comprises, dans les autres cas.

Passé la période de gel des tarifs, les TRV gaz seront fixés en application de l’article L. 445-3 du Code de l’énergie, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019. Jusqu’au 30 juin 2023, les TRV gaz intègreront une composante de rattrapage définie par arrêté pour une durée maximale de 12 mois, destinée à couvrir les pertes de recettes que les fournisseurs de gaz naturel ont supportées, avec tout de même pour limite de ne pas dépasser le niveau du tarif appliqué en octobre 2021. Si les TRV gaz excèdent ce niveau, les ministres chargés de l’économie et de l’énergie fixent, par arrêté conjoint, une composante de rattrapage inférieure.

Si ce rattrapage n’est pas suffisant, les pertes supportées par les fournisseurs constitueront des charges imputables aux obligations de service public compensées par le budget de l’Etat. Ces charges, diminuées des recettes supplémentaires perçues dans le cadre du rattrapage, seront compensées an application des articles L. 121-37 à L. 121-41 du Code de l’énergie, en tenant compte de l’acompte versé, dans la limite de la couverture des coûts d’approvisionnement effectivement supportés, approuvés par la Commission de régulation de l’Energie (CRE) lors de l’établissement de la formule tarifaire.

Plusieurs précisions sont en outre apportées sur le calcul de ces pertes supportées par les fournisseurs.

La minoration de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) (Article 29 de la loi de finances pour 2022) :

Le tarif de vente de gaz naturel pourra être gelé à 1,08 euros par mégawattheure. Cette minoration se fera par décret de façon ponctuelle sans consultation préalable lorsqu’il est constaté, pour un mois donné en 2022, un coût des approvisionnements en gaz naturel supérieur à celui constaté en octobre 2021. L’évolution des coûts d’approvisionnement en gaz naturel par rapport à octobre 2021 est déterminée dans les conditions prévues à l’article 2 de l’arrêté du 28 juin 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fourni par ENGIE dans sa rédaction en vigueur le 6 octobre 2021.

La minoration est applicable aux consommations relevant du tarif prévu pour l’usage de combustible fixé à 8,45 euros par mégawattheure, et réalisés pour les besoins des personnes physiques autres que les besoins tenant à leurs activités économiques, et aux quantités fournies à partir du premier jour du mois au titre duquel la minoration a été prise, jusqu’à une date antérieure au premier jour du mois pour lequel la condition de la hausse des coûts d’approvisionnement n’est plus remplie, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022.

B. L’électricité

La hausse limitée à 4 % des tarifs bleus, c’est-à-dire des TRV d’électricité applicables aux consommateurs résidentiels (Article 29 de la loi de finances pour 2022) : cette minoration est prévue au 1er février 2022.

Si les propositions motivées de TRV électricité de la CRE conduisent à ce que les tarifs dit « bleus » excèdent de plus de 4 % ceux applicables au 31 décembre 2021, majorés des taxes applicables à cette date, les ministres chargés de l’économie et de l’énergie peuvent s’opposer à ces propositions et fixer, par arrêté conjoint, un niveau de tarifs inférieur afin de répondre à l’objectif de stabilité des prix.

Dès leur première évolution de l’année 2023, les TRV électricité dits « bleus » et les tarifs de cession intègreront une composante de rattrapage, sur 12 mois, permettant de couvrir les pertes de recettes supportées par EDF.

Comme pour le gaz, les pertes de recettes supportées par les fournisseurs d’électricité pour les offres aux TRV et pour leurs offres de marché constituent des charges imputables aux obligations de service public qui seront compensées par l’Etat.

La minoration de la CSPE (article 29 de la loi de finances pour 2022) : il est prévu la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) en parallèle de la hausse des TRV électricité prévue au 1er février 2022. Les tarifs de la TICFE (tarif général et tarifs applicables aux personnes qui exploitent des installations industrielles situées dans des sites industriels électro-intensifs ou dans des entreprises industrielles électro-intensives) supérieurs à 0,5 euros par mégawattheure font l’objet d’une minoration exceptionnelle si le tarif « bleu », destiné aux particuliers, venait à excéder 4 % celui applicable au 31 décembre 2021, taxes comprises. Toutefois, lorsque cette minoration conduit, au 1er février 2022, à un tarif inférieur à un tarif minimal, ce tarif minimal s’applique. Ce tarif minimal est de 1 euro par mégawattheure pour les consommations dont la puissance de raccordement est inférieure à 250 kVA et à 0,5 euro par mégawattheure pour les autres tarifs.

Ce tarif réduit sera applicable aux consommations d’électricité réalisées jusqu’au 31 janvier 2023. 

 

II. Rénovation énergétique

Plusieurs dispositions de la loi de finances pour 2022 concernent la politique de rénovation énergétique des bâtiments.

MaPrimeRénov’ (Article 86 de la loi de finances pour 2022) : ce dispositif est prolongé en 2022 et consolidé par un budget de 2 milliards d’euros. Désormais, cette prime s’appliquera aux logements de plus de 15 ans contre 2 ans à ce jour.

Eco-PTZ (Article 86 de la loi de finances pour 2022) : ce dispositif, qui devait prendre fin le 31 décembre 2021, est finalement prolongé jusqu’au 31 décembre 2023. En outre, concernant les éco-PTZ « performance énergétique globale », leur plafond est poussé jusqu’à 50.000 euros avec un délai maximal de remboursement augmenté à 20 ans. Enfin, à partir du 1er juillet 2022, le cumul de l’éco-PTZ et de la prime pour la rénovation énergétique MaPrimeRénov’ sera simplifié : en faisant la demande de prime auprès de l’Anah, une notification d’attribution sera envoyée dès que le dossier sera accepté. Cette notification constituera une preuve justificative auprès de la banque pour l’obtention d’un éco-prêt à taux zéro.

La prolongation du dispositif « Denormandie » jusqu’au 31 décembre 2023 (Article 75 de la loi de finances pour 2022) : il s’agit d’un dispositif fiscal immobilier ayant pour objectif d’inciter à la rénovation des logements anciens dans des communes où l’habitat est dégradé et qui ont conclu une convention d’opération de réhabilitation de territoire. Dans la pratique, ce dispositif se traduit par une réduction d’impôt sur le revenu, accordée à des particuliers qui achètent un logement à rénover.

 

III. Transports

Les transports font également l’objet de dispositions dans la loi de finances pour 2022 pour favoriser l’emploi des énergies renouvelables dans ce secteur. On relèvera notamment, pour les acteurs publics, les incitations fiscales à l’utilisation des énergies renouvelables dans les transports (Article 95 de la loi de finances pour 2022). S’agissant de la taxe incitative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (TIRUERT), le niveau d’incorporation que les redevables doivent atteindre pour éviter cette taxe est fixé à 9,5 % pour les essences et 8,6 % pour les gazoles. Sont aussi augmentés les seuils d’incorporation des biocarburants. S’agissant spécifiquement de l’hydrogène, la TIRUERT prend désormais en compte l’ensemble de l’hydrogène d’origine renouvelable ainsi que l’hydrogène utilisé pour le raffinage et la biomasse.

Evolution des TRVE et des tarifs de cession : le Gouvernent s’oppose aux propositions de la CRE et fixe un plafond à 4 % TTC

Délibération CRE sur les TRVE 

Arrêté du 28 janvier 2022 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continental

Arrêté du 28 janvier 2022 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale

Arrêté du 28 janvier 2022 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité Jaunes et Verts applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale

Arrêté du 28 janvier 2022 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental

Arrêté du 28 janvier 2022 relatif aux tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution

 

La Commission de régulation de l’énergie (ci-après « CRE ») est chargée de formuler une proposition d’évolution des tarifs réglementés de vente de l’électricité (ci-après « TRVE ») et des tarifs de cession de l’électricité aux Entreprises Locales de Distribution (ci-après « ELD ») auprès des Ministres de la transition écologique et de l’économie, des finances et de la relance.

Pour mémoire, les TRVE sont les tarifs qui, par opposition aux offres de marché, sont fixés par les pouvoirs publics et peuvent uniquement être proposés par les fournisseurs historiques. Ils concernant les sites de puissance inférieure à 36 kVA.

Depuis la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « Loi Energie Climat », la catégorie de bénéficiaires de ces tarifs a été réduite. Aux termes de l’article L. 337-7 du Code de l’énergie, seuls sont désormais concernés les « consommateurs finals domestiques, y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d’un immeuble unique à usage d’habitation consommateurs finals domestiques » et les « consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros ».

On rappellera également que les tarifs de cession permettent aux Entreprises locales de distribution (ci-après « ELD ») de s’approvisionner auprès d’EDF en électricité aux tarifs réglementés de vente d’électricité pour la fourniture de leurs clients et, pour les ELD desservant moins de 100.000 clients, pour la fourniture de leurs pertes réseau.

La CRE doit ainsi proposer un barème pour ces deux tarifs dans le respect des dispositions des articles L. 337-5 et L. 337-11 du Code de l’énergie aux termes desquels la définition des TRVE et des tarifs de cession doit se faire en fonction de « catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des couts liés à ces fournitures ».

Ainsi, par deux délibérations du 18 janvier 2022, la CRE a mis en œuvre la méthode dite « par empilement des coûts » pour proposer une évolution des TRVE et du tarif de cession applicable à compter du 1er février 2022.

Prenant en compte le contexte de l’augmentation des prix sur les marchés de gros de l’électricité, le régulateur a proposé une évolution du niveau moyen des TRVE de +44,5 % HT (soit 57,40 €/MWh), soit +44,5 % HT pour les tarifs bleus applicables aux consommateurs résidentiels, et +44,7 % HT pour les tarifs bleus applicables aux consommateurs professionnels éligibles.

La CRE a également proposé une évolution du tarif de cession occasionnant une hausse moyenne de 60,74 €/MWh HT, soit 101,43 % HT.

Toutefois, par cinq arrêtés du 28 janvier 2022, le Gouvernement a refusé les barèmes tarifaires présentés par la CRE estimant que ceux-ci conduisaient à ce que  « les tarifs dits  » bleus «  applicables aux consommateurs résidentiels définis à l’article R. 337-18 du Code de l’énergie, majorés des taxes applicables après application de l’article 29 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, excèdent de plus de 4 % ceux applicables au 31 décembre 2021, majorés des taxes applicables à cette date ».

Le Gouvernement a alors fixé un barème des TRVE correspondant à une augmentation de 4 % TTC en moyenne soit, comme le précise la CRE dans une lettre d’information, à une hausse d’environ 38 €/an au lieu de 330 €/an sur la facture d’un client résidentiel et d’environ 60 €/an au lieu de 540 €/an pour un client professionnel.

Pour respecter ce plafond, le Gouvernement s’est notamment engagé à minorer les tarifs de l’accise sur l’électricité, anciennement taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (ci-après « TICFE »), de 22,50 €/MWh à 1 €/MWh pour les particuliers et à 0,50 €/MWh pour les entreprises. Un décret d’application de la Loi de finances 2022 a été publié en ce sens le 28 janvier 2022.

Biogaz : appel à projets sur la méthanisation des biodéchets

Communiqué de presse du 20 janvier 2022 relatif à l’appel porté par la FNCCR, l’AES et GRDF

Conformément à la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire[1], le tri à la source des biodéchets deviendra obligatoire à partir du 1er janvier 2024, y compris pour les ménages[2].

Dans ce nouveau contexte législatif, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), l’Agence des Economies Solidaires (AES) et Gaz réseau distribution France (GRDF) lancent un appel à projets à destination des collectivités locales ou groupements en vue de soutenir l’émergence de nouvelles solutions de mobilisation des biodéchets, via la méthanisation.

A l’occasion du communiqué de presse du 20 janvier 2022 annonçant cet appel à projets, les trois acteurs rappellent que la méthanisation des biodéchets constitue une véritable solution qui offre un double bénéfice de valorisation organique et énergétique en ce qu’elle permet la production d’une énergie renouvelable et d’un engrais naturel.

L’appel à projets s’adresse ainsi à toutes les collectivités souhaitant mettre en œuvre le tri à la source de leurs biodéchets avant le 1er janvier 2024, avec une orientation possible vers la méthanisation.

Des défis de différentes natures devront être relevés par les candidats :

« – techniques : conformité à la réglementation sanitaire, traçabilité des flux ou encore l’ergonomie des solutions de tri.

– sociétaux et comportementaux : faire adhérer le producteur, donner du sens au geste de tri.

– économiques : efficience de collecte et de traitement, création de valeur du flux de biodéchets et diminution des charges de gestion de ce flux »[3].

Les trois partenaires pourront retenir jusqu’à 6 lauréats, lesquels pourront bénéficier d’un co-financement d’études, de travaux de recherche, de prestations de conseils et d’investissement. Ce soutien financier sera compris entre 30.000 et 130.000 euros selon la nature des projets retenus. 

L’appel à projets est ouvert jusqu’au 25 mars 2022. Les lauréats devraient être connus d’ici le début du mois de mai 2022.

 

 

[1] Transposant la Directive 2008/98/CE relative aux déchets et abrogeant certaines directives, modifiée en 2018

[2] Obligation codifiée à l’article L. 541-21-2-1 du Code de l’environnement

[3] https://innovation.grdf.fr/appels-a-projets/mobilisation_biodechets/

Facturation d’électricité et de gaz naturel : recommandations sur les informations a porter sur les factures

Arrêté du 18 avril 2012 relatif aux factures de fourniture d’électricité et de gaz naturel, à leurs modalités de paiement et aux conditions de report ou de remboursement des trop-perçus

 

Par une recommandation publiée le 11 janvier 2022, le Médiateur National de l’Energie (ci-après, MNE) a rappelé les informations devant être mentionnées sur les factures d’électricité et de gaz naturel, conformément à l’arrêté du 18 avril 2012 relatif aux factures de fourniture d’électricité et de gaz naturel, à leurs modalités de paiement et aux conditions de report ou de remboursement des trop-perçus.

En l’espèce, un consommateur a souscrit des contrats de fourniture d’électricité et de gaz naturel ayant un rythme de facturation bimestriel ayant pour objet à la fois la consommation de gaz naturel et celle d’électricité. 

Le consommateur a adressé à son fournisseur plusieurs réclamations afin d’obtenir la communication sur ses factures du montant toutes taxes comprises (ci-après, TTC) pour chaque énergie. En effet, les facturations litigieuses faisaient apparaître le seul montant TTC pour les deux énergies, sans opérer de dissociation entre l’électricité et le gaz naturel.

Dans ce cadre, le MNE rappelle que les factures d’énergie sont régies par l’arrêté du 18 avril 2012 précité et notamment par son article 12 qui prévoit l’obligation, pour les fournisseurs, de communiquer au consommateur au moins une fois par an pour chaque énergie : 

« – le montant hors taxes de l’abonnement annuel facturé ;

– le montant hors taxes de la consommation annuel facturée ;

– le montant hors taxes annuel facturé de chaque option et service souscrits;

– le montant total annuel toutes taxes comprises facturé au client ».

Constatant que les factures en cause ne comprenaient pas le montant total annuel TTC pour chaque énergie, le MNE recommande au fournisseur de communiquer à ses clients, le montant total TTC facturé pour chaque énergie, au moins une fois par an, conformément à l’article 12 de l’arrêté du 18 avril 2012. Ce manquement justifie également le signalement de cette affaire à la Direction départementale de protection des populations de Paris. 

Le MNE recommande, enfin, au fournisseur d’accorder un dédommagement de 75 euros TTC pour le traitement insatisfaisant des réclamations formulées par le consommateur.

Un acte de vandalisme commis sur un compteur électrique n’est pas un cas de force de majeure permettant d’exonérer la responsabilité d’Enedis

A l’occasion d’une action en indemnisation des pertes d’exploitation en raison de l’endommagement d’un compteur électrique, le Juge des référés considère qu’un acte de malveillance n’est pas de nature à exonérer la responsabilité d’Enedis.

En l’espèce, la demanderesse, la SARL Chronopli exerce une activité de façonnage de métaux au sein d’une zone artisanale.

A la suite d’un vol de fusibles commis sur son compteur électrique extérieur, la SARL Chronopli a subi par un effet de surtension lors de la coupure de courant, des dommages sur ses appareils électriques.

C’est ainsi que la SARL Chronopli a assigné la société Enedis devant le Juge des référés du Tribunal de commerce de Toulouse pour la voir condamner à lui verser par provision la somme de 85.000 euros au titre des pertes d’exploitation non prises en charge par son assureur.

Déboutée de ses demandes en première instance, la demanderesse a interjeté appel. La Cour d’appel de Toulouse rappelle qu’aux termes de la réglementation en vigueur et du contrat unique portant sur la fourniture, l’accès et l’utilisation du réseau public de distribution conclu entre les parties, Enedis est chargée de distribuer l’électricité à la SARL Chronopli et donc de lui assurer une fourniture continue et de qualité.

Ce faisant, indépendamment de la nature de cette obligation (de moyen ou de résultat), le contrat de distribution d’énergie prévoit deux hypothèses dans lesquelles Enedis peut s’exonérer de cette obligation en raison d’un acte commis par un tiers : (i) lorsque l’interruption est due au fait imprévisible et irrésistible d’un tiers et (ii) en cas de destruction due à des atteintes délictuelles assimilées à un événement de force majeure.

Or, le contrat définit la force majeure comme « tout événement échappant au contrôle du débiteur qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées empêchant l’exécution de son obligation mentionnée dans les présentes dispositions générales par le débiteur ».

Le Juge d’appel rappelle très justement que « même si au terme des clauses de ce contrat une atteinte délictuelle est assimilée à un cas de force majeure, encore faut-il que cette atteinte ait les caractéristiques d’imprévisibilité et d’irrésistibilité telles que prévues à la définition sus visée ».

Or, au cas présent, la Cour considère que le vol de composants d’un compteur électrique ne peut être considéré comme un évènement imprévisible et irrésistible compte tenu de sa localisation, à hauteur d’homme et sur la voie publique dans une zone industrielle très peu fréquentée, protégée seulement par une clé spéciale et une affiche prévenant de la dangerosité qui « visiblement était insuffisante ».

Dans ces conditions, le Juge des référés considère que le principe de la responsabilité d’Enedis ne se heurte à aucune contestation sérieuse, justifiant l’indemnisation intégrale du préjudice subi par la demanderesse.

Loi de finances pour 2022 et environnement

La loi n° 2021-1900 de finances pour 2022 a été publiée au Journal officiel du 31 décembre 2021. Cette loi de finance comporte plusieurs dispositions ayant trait aux thématiques environnementales.

Parmi les mesures adoptées dans ce domaine, on notera notamment la réforme de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales prévue à l’article 193 de la loi. Cette réforme vise à :

  • Étendre le périmètre des bénéficiaires de la fraction Natura 2000 en abaissant à 50 % le taux de couverture du territoire par la zone protégée (contre 75 % actuellement) ;
  • Substituer au critère de potentiel fiscal par habitant celui de potentiel financier par habitant pour la détermination des communes éligibles à la dotation ;
  • Instituer une quatrième fraction de cette dotation destinée aux communes de moins de 10.000 habitants caractérisés comme peu denses ou très peu denses, dont le potentiel financier par habitant est inférieur au potentiel financier moyen par habitant des communes de la même strate démographique et dont le territoire est classé en tout ou partie en parc naturel régional (PNR) ;
  • Fixer un minimum de 1.000 euros pour le montant attribué aux communes éligibles au titre de chaque fraction. Pour la fraction « cœur de parc national », le plancher d’attribution est en revanche fixé à 3.000 euros ;
  • Prévoir une augmentation progressive sur trois ans du montant attribué aux communes qui adhèrent à la charte d’un parc national et à celles dont tout ou partie du territoire a fait l’objet d’un classement en parc naturel régional.

L’enveloppe de la dotation est par ailleurs augmentée à hauteur de 24,3 millions d’euros. Cette hausse est gagée par une diminution à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes et des EPCI.

L’article 194 de la loi de finances prévoit quant à lui un dispositif exceptionnel de subvention pour les communes forestières qui connaissent une baisse de leurs recettes forestières en raison de circonstances anormales (notamment la crise liée au scolyte) et une dégradation en conséquence de leur situation financière. Ces subventions seront arrêtées par le préfet de département.

S’agissant des taxes locales en matière environnementale, on peut noter que :

– L’article 98 de la loi supprime la possibilité pour les collectivités d’instaurer à titre expérimental un péage urbain, cette taxe n’ayant jamais été mise en œuvre.

–  L’article 111 de la loi vise par ailleurs à permettre aux collectivités et EPCI d’encourager les formes d’agriculture urbaine en exonérant de la taxe d’aménagement les serres de jardin personnelles (destinées à un usage non-professionnel) dont la surface est égale ou inférieure à 20 mètres carrés. La délibération de la collectivité territoriale ou de l’EPCI prévoyant l’exonération doit intervenir avant le 30 novembre, pour être applicable à compter du 1er janvier de l’année suivante. Elle est valable pour une durée d’un an et reconduite de plein droit jusqu’à l’intervention d’une délibération contraire (articles L. 331-9 et L. 331-14 du Code de l’urbanisme).

Au-delà de ces mesures, on peut également retenir :

  • L’augmentation temporaire du plafond d’exonération d’impôt sur le revenu des frais de déplacements domicile-travail pris en charge par les collectivités publiques pour leurs employés. Ainsi, la prise en charge par ces employeurs publics des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques des salariés pour leurs déplacements professionnels domicile-travail est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite de 310 euros par an. Cet article vise à inciter les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou Pôle Emploi à prendre en charge une partie des frais de déplacement de leurs employés entre leur domicile et leur travail (article 4 de la loi).
  • La modification de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) (article 48 de la loi) (cf. focus pour plus de précision)
  • L’intégration des services environnementaux dans les bénéfices agricoles. Il s’agit de services « écosystémiques » tels que la préservation de la qualité de l’eau, le stockage de carbone, la protection du paysage ou de la biodiversité qui peuvent être réalisés par un agriculteur à la demande d’une entreprise ou d’une collectivité (article 12 de la loi). Les bénéfices résultants de ces services seront ainsi imposés au titre de bénéfices agricoles.
  • La prolongation et l’augmentation du crédit d’impôt pour l’agriculture biologique jusqu’en 2025 alors qu’il devait arriver à échéance au 31 décembre 2022 (article 84 de la loi).
  • La suppression du dispositif de réduction d’impôt pour la protection du patrimoine naturel (article 35 de la loi).

 

ENR : deux consultations et deux propositions de loi

Consultation publique relative à la levée des obstacles à la mise en œuvre des projets d’énergie renouvelable

Proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés 

Proposition de loi visant à stopper le développement anarchique de l’éolien

 

Le début de l’année 2022 est marqué par plusieurs actualités en matière d’énergie renouvelable.

D’abord, la Commission européenne a lancé, le 18 janvier, et jusqu’au 12 avril, deux consultations.

La première consultation s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’Union Européenne en faveur de l’énergie solaire.

Pour mémoire, cette stratégie a pour objectif d’exploiter l’énergie solaire de sorte à permettre la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe en la matière, à travers les axes suivants :

« – recenser les obstacles à l’utilisation de l’énergie solaire,

– proposer des mesures pour accélérer son déploiement,

– rendre les systèmes d’énergie solaire de l’UE plus compétitifs et plus résilients ».

La seconde consultation vise quant à elle à solliciter des avis et commentaires sur les pratiques permettant de lever les obstacles à la mise en œuvre des projets d’énergies renouvelables, tenant notamment à la durée des procédures d’autorisations ou les problèmes de connexion au réseau.

A noter que cette consultation concerne également la facilitation des accords d’achat d’électricité, notamment transfrontaliers.

Outre ces consultations, deux propositions de loi en matière d’ENR sont actuellement en discussion.

En matière d’énergie solaire, une proposition de loi « visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés » a été déposée le 11 octobre 2021au Sénat.

Elle vise à modifier l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme en permettant, par exception à son article L. 121-8 (lequel prévoit que les extensions d’urbanisation doivent être réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants), d’autoriser l’implantation d’ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil sur une friche.

Cette proposition de loi doit être discutée au Sénat en séance publique le 22 février 2022.

Enfin, en matière d’éolien cette fois, une proposition de loi « visant à stopper le développement anarchique de l’éolien» a été déposée le 25 janvier dernier à l’Assemblée Nationale et a été renvoyée à la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Cette proposition de loi, très hostile à l’éolien, vise notamment à permettre aux conseils municipaux d’avoir, par délibération, un droit de véto afin d’interdire le dépôt d’une demande d’autorisation environnementale en vue de l’installation d’une éolienne.

Paquet énergie climat : l’Union européenne atteint les objectifs fixés en matière de mix énergétique

Pour mémoire, l’un des grands objectifs fixés par le « Paquet énergie-climat » adopté le 12 décembre 2008, était d’atteindre une part de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie totale à l’horizon 2020.

Et les statistiques publiées par la Commission européenne le 18 janvier 2022 ici commentées, et notamment le baromètre élaboré pour chaque Etat de l’Union Européenne relatif à la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, nous indiquent que cet objectif est globalement atteint.

En effet, il ressort de cette analyse que l’Union Européenne a atteint une part de 22,1 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie, dépassant de 2 % l’objectif ainsi fixé.

En regardant ce baromètre dans le détail, on notera que seule la France n’atteint pas tout à fait l’objectif, avec une part d’énergie renouvelable de 19,1 % dans le mix énergétique.

Enfin, cette publication informe utilement sur la provenance et l’utilisation des énergies renouvelables au sein de l’Union Européenne. De manière générale :

« – le vent et l’eau fournissent la part la plus importante de l’énergie renouvelable ;

– l’énergie solaire est la source d’énergie ayant la croissance la plus rapide ;

– 10,2 % des énergies renouvelables ont été utilisées dans les activités de transport en 2020 ».