le 19/10/2021

Maîtrise d’ouvrage publique / Retards / Responsabilité quasi-délictuelle des intervenants à une opération de travaux publics

CE, 11 octobre 2021, Société coopérative métropolitaine d’entreprise générale (CMEG), n° 438872

Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’un maître d’ouvrage public méconnait ses obligations contractuelles, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l’égard du titulaire. A ce titre, le Conseil d’Etat a, par un arrêt en date du 6 janvier 2016, précisé synthétiquement les types de fautes reprochables à un maître d’ouvrage public dans l’exécution d’un marché public de travaux (CE, 6 janvier 2016, Sté Eiffage construction Alsace Franche Comté, n° 383245) :

« Que les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics  ».

Toutefois, la jurisprudence administrative a précisé en 2013 que la responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage public ne peut être retenue pour des fautes exclusivement commises par d’autres intervenants (CE, 5 juin 2013, Région Haute-Normandie, n° 352917) :

« Considérant que les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché […] imputables à une faute de la personne publique ; que, dès lors, en jugeant que la responsabilité de la région Haute-Normandie était susceptible d’être engagée du seul fait de fautes commises par les autres intervenants à l’opération de restructuration du lycée, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit ; que, par suite, la région Haute-Normandie est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi  ».

Dans le même sens, le Conseil d’Etat avait considéré en 2016 (CE, 6 janvier 2016, Société Eiffage construction Alsace Franche Comté, n° 383245) :

« Qu’en jugeant que l’hôpital Nord Franche-Comté, maître d’ouvrage, ne pouvait être tenu pour responsable des préjudices dont les sociétés requérantes lui demandaient réparation du fait de l’allongement de la durée d’exécution du marché de travaux résultant de manquements à leurs obligations d’un autre entrepreneur ou de la maîtrise d’œuvre, la cour administrative d’appel de Nancy n’a pas commis d’erreur de droit  ».

La question se posait donc de savoir quel type d’action le titulaire d’un marché public de travaux ayant subi des préjudices du fait du titulaire d’un autre marché public pouvait engager à son encontre. On pensait naturellement à la responsabilité quasi-délictuelle de l’intervenant en cause. C’est ce confirme le Conseil d’Etat dans son arrêt CMEG du 11 octobre 2021, en précisant que le titulaire préjudicié peut s’appuyer non seulement sur les manquements de l’intervenant en cause aux règles de l’art ou aux dispositions législatives et réglementaires mais aussi du marché public que ledit intervenant a conclu avec le maître d’ouvrage de l’opération :

« Dans le cadre d’un litige né de l’exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n’est lié par aucun contrat, notamment s’ils ont commis des fautes qui ont contribué à l’inexécution de ses obligations contractuelles à l’égard du maître d’ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l’art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d’un manquement aux stipulations des contrats qu’ils ont conclus avec le maître d’ouvrage».