le 19/10/2021

Contentieux de PLU : absence d’incidence du caractère non exécutoire de la délibération de prescription sur la délibération d’approbation et opposabilité d’une ZPPAUP

CE, 24 septembre 2021, n° 444673

Par une décision en date du 24 septembre dernier, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur l’invocabilité, à l’appui du recours dirigé contre un PLU, du moyen tiré du défaut d’accomplissement des modalités de publicité de la délibération ayant prescrit l’élaboration du document d’urbanisme et du moyen tiré de la méconnaissance d’une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) par le PLU.

La commune de Pertuis a adopté son nouveau PLU par une délibération du 15 décembre 2015 après avoir prescrit sa révision générale par une délibération du 10 février 2010. Dans le cadre d’un premier pourvoi, la 10ème chambre jugeant seule a annulé l’arrêt du 17 juillet 2020 de la Cour administrative d’appel de Marseille, qui avait annulé ce PLU en tant qu’il classait en zone agricole des parcelles utilisées par une entreprise de travaux publics (CE, 4 mars 2021, n° 44508). L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille a, ensuite, fait l’objet d’un second pourvoi en tant qu’il rejette le surplus des conclusions d’annulation du PLU. Ce pourvoi a alors été porté devant la formation de chambres réunies du Conseil d’Etat.

Dans sa décision du 24 septembre 2021 (n° 444673), le Conseil d’Etat s’est ainsi prononcé, d’une part, sur l’incidence du caractère non exécutoire de la délibération prescrivant le PLU et d’autre part, sur l’invocabilité d’une méconnaissance d’une ZPPAUP par les autres documents du PLU.

  1. Le caractère inopérant du moyen tiré du défaut d’accomplissement des formalités de publicité de la délibération prescrivant l’élaboration, à l’appui d’un recours dirigé contre le PLU

Dans cette affaire, les requérants invoquaient l’inopposabilité de la délibération prescrivant le PLU et fixant les objectifs de la révision et les modalités de la concertation. Ils soutenaient, à ce titre, que la décision n’était pas exécutoire, faute d’avoir fait l’objet des mesures de publicité et d’information édictées à l’article R. 123-25 du Code de l’urbanisme alors applicable.

Statuant sur ce moyen, le Conseil d’Etat a jugé que, compte-tenu de l’objet et de la portée de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU et définissant les modalités de la concertation, l’accomplissement des formalités de publicité ne peut être utilement contesté à l’appui du recours pour excès de pouvoir formé contre la délibération approuvant ce PLU :

« […] Ainsi que le prévoit l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme sont invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme approuvé. Eu égard toutefois à l’objet et à la portée de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du plan local d’urbanisme et définissant les modalités de la concertation, l’accomplissement des formalités de publicité conditionnant son entrée en vigueur ne peut être utilement contesté à l’appui du recours pour excès de pouvoir formé contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. Par suite, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que, faute qu’il soit établi que les formalités de publicité requises aient été dûment accomplies, la délibération du 10 février 2010 prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme de Pertuis n’aurait pas été exécutoire ne pouvait être utilement invoqué à l’encontre de la délibération du 15 décembre 2015 qui a approuvé le plan » (CE, 24 septembre 2021, n° 444673)

Cette jurisprudence s’inscrit dans la continuité de la décision du 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise (n° 388902), dans laquelle le Conseil d’Etat avait jugé que l’illégalité de cette délibération ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le PLU, tout en rappelant en revanche les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme demeuraient invocables. 

  1. Sur l’invocabilité de la méconnaissance d’une ZPPAUP par le PLU

Dans le cadre de leur pourvoi, les requérants reprochaient à la Cour administrative d’appel de Marseille, d’avoir jugé qu’ils ne pouvaient utilement se prévaloir de la méconnaissance des prescriptions de la ZPPAUP de Pertuis, alors qu’ils critiquaient la création des secteurs Ng (aménagements, travaux, ouvrages et installations liés au transport ferroviaire) et Nl (aménagement d’une zone de loisirs destinée à l’accueil des enfants dans un cadre scolaire et associatif).

Au soutien de leur moyen, les requérants faisaient valoir, d’une part, des mentions du diagnostic du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du pays d’Aix-en-Provence, signalant l’utilité et la vulnérabilité des terres agricoles et des espaces boisés.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a rappelé que les mentions du diagnostic sont dépourvues de portée prescriptive et que la compatibilité du PLU ne s’appréciait qu’au regard du document d’orientations et d’objectifs du SCoT.

D’autre part, les requérants reprochaient à la Cour de ne pas s’être prononcée sur la légalité de la délibération approuvant le PLU, au regard des dispositions de la ZPPAUP. Ils soutenaient, en effet, que les prescriptions des ZPPAUP s’imposaient aux documents d’urbanisme dans un rapport hiérarchique de légalité.

Sur ce point, après avoir rappelé que les ZPPAUP étaient annexées aux PLU comme servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation du sol et étaient, par conséquent, opposables aux autorisations d’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé qu’elles n’étaient en revanche pas opposables aux PLU :

« 19. Si les requérants soutiennent que la Cour administrative d’appel aurait dû se prononcer sur la légalité de la délibération en litige au regard des dispositions de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, il ne résulte toutefois ni des dispositions rappelées au point 18, ni d’aucun autre texte ou principe, que les dispositions régissant une telle zone de protection seraient au nombre des règles au regard desquelles doit être appréciée la légalité du plan local d’urbanisme. Par suite, en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la zone de protection ne pouvait pas être utilement soulevé à l’encontre de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme, tout en rappelant que ces dispositions demeurent opposables aux autorisations d’urbanisme qui seront délivrées, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit » (CE, 24 septembre 2021, n° 444673).

Tout contrôle n’est cependant pas exclu. En effet, dans ses conclusions, Monsieur Laurent Domingo, rapporteur public, rappelle qu’il convient de procéder à un contrôle des classements :

« D’une part, vous procédez, pour l’un et l’autre des classements, à un contrôle distinct de l’erreur manifeste d’appréciation et, pris isolément, le PLU peut être annulé parce qu’il prévoit un classement entaché d’une telle erreur au regard du caractère patrimonial des lieux. D’autre part, vous procédez aussi à un contrôle de la cohérence des classements, en vérifiant l’absence de contradiction entre deux classements (29 octobre 2013, M. Jeannin, n° 348682, aux Tables, pour un classement simultané en zone ND et espace boisé et en emplacement réservé pour la réalisation d’une aire de stationnement).  Vous ne vous placez alors pas dans un rapport de type « vertical », où le PLU serait soumis à un autre classement, ou l’inverse, vous raisonnez dans une optique « horizontale » en confrontant les deux classements pour rechercher s’ils se contredisent à tel point qu’ils sont inconciliables ».