le 04/11/2021

Le Conseil d’Etat réforme une sanction du Ministre de l’énergie en matière de certificats d’économie d’énergie

CE, 7 octobre 2021, n° 436706

Par une décision en date du 15 novembre 2019, le Ministre chargé de l’énergie a prononcé, sur le fondement de l’article L. 222-2 du Code de l’énergie, une sanction à l’encontre de la société Alpha Europe Energy, spécialisée dans les services relatifs aux certificats d’économie d’énergie (CEE) et ayant à ce titre réalisé plusieurs opérations ayant donné lieu à la délivrance de CEE, en :

  • annulant des CEE délivrés pour un volume de 6 975 568 kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac) dits « classiques » et de 56 914 615 kWh cumac dits « précarité » assortie d’une mise en demeure d’acquérir les CEE nécessaires à son application ;
  • la privant de la possibilité d’obtenir de nouveaux CEE pendant une durée de 18 mois ;
  • rejetant les demandes de CEE que la société avait déjà présentées.

Saisi par la société Alpha Europe Energy, le Conseil d’Etat annule cette sanction aux termes de la décision ici commentée.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat commence par confirmer la régularité de la procédure de sanction en considérant que, contrairement à ce qu’invoque la société requérante qui a été informée de la procédure initiée à son encontre, de la possibilité de contester les manquements reprochés ainsi que de consulter son dossier en se faisant assister par la personne de son choix, cette décision de sanction n’a pas été adoptée en violation des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure.

Le Conseil d’Etat s’attache ensuite à apprécier la matérialité des manquements reprochés à la société Alpha Europe Energy. A ce titre il estime que l’instruction révèle effectivement des discordances entre les documents fournis par la société requérante à l’appui de ses demandes de CEE et les documents correspondants détenus par les bénéficiaires de ces opérations, sans que les explications fournies par la requérante permettent de les écarter. Toutefois, il apparaît que le volume correspondant aux opérations non conformes n’a pas été correctement calculé par le Ministre, de sorte que le taux de conformité de l’échantillon s’élève à 47 % au lieu de 38 %.

Puis, sur l’appréciation des sanctions prononcées en elles-mêmes, le Conseil d’Etat considère que :

  • s’agissant de la sanction d’annulation de CEE, le Ministre ne pouvant légalement prononcer une sanction d’annulation de CEE dont ne dispose pas l’intéressé à la date de la décision et la société requérante ne disposant pas d’un solde de CEE suffisant permettant de prononcer à son encontre l’annulation de CEE correspondant au volume indiqué dans sa décision, le Ministre a entaché sur ce point sa décision d’un vice d’incompétence ;
  • s’agissant de la décision de rejet de demandes de CEE, dès lors que le délai de deux mois à l’issue duquel le silence gardé par le Ministre sur une demande de CEE fait naître une décision implicite d’acceptation est suspendu lorsqu’est notifié au requérant une mise en demeure, la société n’est pas fondée à soutenir qu’à la date de la sanction, les CEE concernés avaient déjà fait l’objet d’une décision implicite d’acceptation. Toutefois, pour l’une de ces demandes, le délai d’acceptation implicite de deux mois étant déjà achevé à la date de la décision de la suspension, celle-ci ne pouvait légalement être rejetée par la décision contestée.

Enfin et surtout, le Conseil d’Etat apprécie, au terme de cette analyse, la proportionnalité des sanctions prononcées par le Ministre.

C’est ainsi l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser les critères d’évaluation de la proportionnalité des sanctions prononcées, tenant à la nature et à la gravité des manquements, elles-mêmes appréciées au regard :

  • des règles méconnues ;
  • du caractère répété de ces manquements ;
  • de l’ampleur des non conformités révélées par l’échantillon contrôlé ;
  • de la durée des opérations de contrôle ;
  • de la situation financière de la société.

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat réforme la sanction prise à l’encontre de la société Alpha Europe Energy en la ramenant :

  • à l’annulation des CEE détenus par la société pour un volume seulement (en comparaison avec la sanction annulée) de 45 342 kWh cumac dits « classiques » et de 35 875 kWh cumac dits « précarité » ;
  • au rejet de certaines seulement des demandes de CEE présentées ;
  • à la privation de la possibilité d’obtenir de nouveaux CEE durant une durée ramenée à 9 mois.

Cet arrêt illustre le contrôle opéré par le Conseil d’Etat sur les sanctions prononcées par le Ministre chargé de l’énergie en cas de manquement à la règlementation des CEE.