Dérogations espèces protégées : les mesures de réduction doivent être prises en compte

Au fil de sa jurisprudence sur la question de la nécessité ou non d’obtenir une dérogation « espèces protégées », particulièrement fournie sur le sujet, le Conseil d’Etat consolide et affine la position de principe qu’il a dégagée au sein de son avis contentieux en date du 9 décembre 2022 (cf. notre article sur le sujet).

Au sein de cet avis, le Conseil d’Etat avait notamment indiqué que l’obtention d’une dérogation espèces protégées n’est imposée que si le risque pour les espèces en cause est « suffisamment caractérisé » et que, pour l’appréciation de ce risque, doivent être prises en compte « les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire ». Si ces mesures présentent des garanties d’effectivité suffisantes et permettent de réduire le risque porté par le projet sur les espèces protégées identifiées lors de l’étape précédente, de sorte que celui-ci ne serait, au final, pas « suffisamment caractérisé », la sollicitation d’une dérogation espèces protégées n’est pas nécessaire.

Dans un arrêt n° 452445 en date du 27 mars 2023, le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel qui avait considéré qu’une dérogation espèces protégées aurait été nécessaire dès lors que le projet était envisagé au sein d’une réserve de biodiversité et qu’il était susceptible d’affecter la conservation d’espèces protégées, et avait souligné que les mesures d’atténuation des impacts ne permettaient pas d’écarter tout risque pour les espèces concernées, notamment en ce qu’elles constituaient de simples mesures de réduction et non d’évitement. Le Conseil d’Etat censure donc ce raisonnement en indiquant que le juge, qui s’est borné à constater que les mesures visant à atténuer l’impact du projet sur la biodiversité ne permettaient pas d’écarter tout risque pour les espèces concernées, aurait dû examiner les garanties d’effectivité de ces mesures et non écarter les mesures de réduction de son analyse.

Au sein d’une autre décision du même jour, n° 451112, le Conseil d’Etat a considéré que s’était livrée à un examen approprié, et avait suffisamment établi l’existence d’un risque caractérisé d’un projet sur des espèces protégées, la Cour administrative d’appel qui a relevé les incidences du projet sur des espèces protégées, puis a énuméré les mesures d’évitement et de réduction prévues et pris en compte de l’effectivité de ces mesures.

Enfin, dans un troisième arrêt du 27 mars 2023, n° 455753, le Conseil d’Etat a confirmé le raisonnement d’une Cour administrative d’appel qui avait considéré que l’obtention d’une dérogation espèces protégées n’était pas nécessaire pour la réalisation d’un projet dès lors que « compte tenu des mesures d’évitement ainsi prévues, le projet n’était pas susceptible de causer la destruction de spécimens d’espèces animales protégées ou de dégrader leurs sites de reproduction ou de repos ». En l’espèce, le projet devait être réalisé sur un site où un faible nombre de chiroptères avait été observé et pour lequel des mesures d’évitement étaient prévues au cas où des spécimens de rapaces seraient ultérieurement découverts.

Vers la création d’une nouvelle infraction de mise en danger de l’environnement ?

Parmi les treize recommandations formulées par le Groupe de travail relatif au droit pénal de l’environnement – sous la présidence de M. François MOLINS, Procureur général près la Cour de cassation –, le rapport publié le 7 décembre 2022, envisage la création d’un nouveau délit de mise en danger en matière environnementale.

Pour l’heure, l’exposition de la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un « risque immédiat d’atteinte grave et durable » est prévue par l’article L. 173-3-1 du Code de l’environnement, non comme un délit autonome mais comme la circonstance aggravante d’infractions exhaustivement listées – notamment en matière de réglementation ICPE (Art. L. 173-1 et L. 173-2 du Code de l’environnement) ou encore de gestion des déchets (Art. L. 541-46, I du Code de l’environnement).

Face aux lacunes de l’arsenal juridique pour sanctionner certains comportements, le Groupe de travail recommande la création d’un délit autonome de mise en danger de l’environnement et en propose la rédaction suivante :

« Le fait d’exposer directement ou indirectement l’eau, l’air, les sols, sous-sol, la faune et la flore, ou les écosystèmes par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou par une faute caractérisée au sens de l’article 121-3 du Code pénal à un risque immédiat de dégradation substantielle ou durable de nature à mettre en péril l’environnement ».

Ce délit permettrait de remettre l’environnement au cœur de la réponse pénale, en se calquant directement sur le risque causé à autrui. Reste que si une telle infraction était retenue en ces termes par le législateur, la notion de « dégradation substantielle » méritera d’être précisée.

En outre, en l’état de sa rédaction, ce délit serait donc involontaire et supposerait, pour être retenu par un juge pénal, la démonstration d’une faute d’une particulière gravité.

Les « dark stores » : des entrepôts au regard du droit de l’urbanisme

Par une décision n°468360 du 23 mars 2023, le Conseil d’Etat, statuant en référé, a tranché la question de la destination des locaux utilisés pour la réception et le stockage ponctuel de marchandises dits « dark stores ».

 

Pour mémoire, la Ville de Paris avait mis en demeure, sous astreinte, la société FRICHTI et la société GORILLAS TECHNOLOGIES FRANCE de restituer, dans leur état d’origine, leurs locaux, initialement à usage de commerces traditionnels.

 

Ces deux sociétés avaient saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d’un référé-suspension à l’encontre de ces décisions.

 

Par une ordonnance n°2219412/4 du 5 octobre 2022, le juge des référés du Tribunal a suspendu les décisions de la Ville de Paris en raison notamment d’un doute sérieux sur la légalité de ces décisions, au motif que celles-ci considéraient ces locaux comme des entrepôts, alors que les sociétés requérantes s’estimaient être des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC).

 

Plus précisément, le juge des référés du Tribunal avait retenu que « Ces locaux doivent donc être regardés comme ayant pour objet, à l’instar des espaces de logistique urbaine, d’optimiser en milieu urbain le délai et le mode de livraison par la mise en place d’une logistique dite « du dernier kilomètre », qui conduit à diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraison dans Paris intramuros, et présentent ainsi un intérêt collectif. » (ordonnance du Tribunal).

 

La Ville de Paris s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

 

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat juge que les locaux modifiés en « dark stores » ne constituent plus des locaux destinés à « la présentation et vente de bien directe à une clientèle », car désormais destinés à « la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette » (décision précitée), de sorte qu’ils doivent être considérés comme des entrepôts, quand bien même des points de retrait peuvent y être installés.

 

Partant, le Conseil d’Etat a considéré que les sociétés avaient mis en œuvre un changement de destination sans dépôt d’une déclaration préalable alors qu’elles y étaient soumises. Il en conclut que la Ville de Paris était bien en droit d’exiger des sociétés le dépôt d’une déclaration préalable pour changement de destination des locaux.

 

En outre, le Conseil d’Etat s’est interrogé sur le point de savoir si, comme le soutenait la Ville, une telle déclaration préalable de changement de destination des locaux conduirait nécessairement à une décision d’opposition à déclaration préalable. Autrement posé, le Conseil d’Etat a étudié le caractère régularisable d’une absence de déclaration préalable par les sociétés.

 

Pour ce dernier, l’occupation des locaux par les deux sociétés « ne correspond pas à une logique de logistique urbaine qui, en application des dispositions du plan local d’urbanisme de Paris, pourrait les faire entrer dans la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif », mais a pour objet de permettre l’entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité relevant de la destination « Entrepôt », telle que définie par le même plan local d’urbanisme. (…) »

 

Ainsi, selon lui, les « dark stores » correspondent à la catégorie « entrepôts », tant du point de vue du code de l’urbanisme que du plan local d’urbanisme de Paris, et ne sauraient donc être considérés comme des CINASPIC.

 

Concrètement, les sociétés auraient donc dû déposer une déclaration préalable de changement de destination auprès de la Ville de Paris, qui s’y serait opposée car le PLU de Paris interdit la transformation de locaux existants en entrepôt en rez-de-chaussée sur rue.

 

Contrairement au juge des référés de première instance, le Conseil d’Etat a donc jugé qu’il n’y avait pas de doute sérieux sur la légalité des décisions prises par la Ville de Paris. Le Conseil d’Etat annule donc la suspension de ces décisions prononcée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris.

 

Cette décision du Conseil d’Etat s’inscrit notamment dans la lignée d’un communiqué de presse de septembre 2022 du Ministère de l’Economie, rappelant que, après concertation avec les élus locaux, le Gouvernement avait sa préférence pour considérer les « dark stores » comme des « entrepôts », peu important qu’ils disposent ou non d’un point de retrait.

 

Enfin, preuve supplémentaire de ce que ces nouveaux concepts de « dark stores » ou encore de « dark kitchens » font bouger les lignes de la réglementation applicable en matière de destinations et sous-destinations, l’on vous indique la publication récente du décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu et d’un arrêté du même jour. Ce décret intervient afin notamment de créer une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » dans la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire ». Et l’arrêté précise que cette nouvelle sous-destination  « recouvre les constructions destinées à la préparation de repas commandés par voie télématique. Ces commandes sont soit livrées au client soit récupérées sur place. »

Point focus : Un Pacte d’actionnaires conclu pour la durée de la société est-il à durée déterminée ?

Dans un arrêt rendu le 25 janvier 2023, la Cour de cassation a considéré qu’un Pacte d’actionnaire conclu pour la durée de vie de la société était à durée déterminée et non à durée perpétuelle et qu’en conséquence, les signataires du pacte ne pouvaient y mettre fin à tout moment et unilatéralement.

En effet en vertu des dispositions de l’article 1210 du Code civil, les engagements perpétuels sont prohibés et les contractants peuvent donc y mettre fin dans les mêmes conditions que celles prévues pour les contrats à durée indéterminée, c’est-à-dire à tout moment en respectant le préavis contractuel ou à défaut en respectant un délai raisonnable conformément à l’article 1211 du Code civil.

Dans le cas d’espèce, le pacte prévoyait qu’il était conclu pour la durée de la société (soit 99 ans) mais également qu’il serait automatiquement et tacitement renouvelé en cas de renouvellement de la durée de la société.

Il était cependant stipulé qu’à chaque renouvellement de la durée de vie de la société, les signataires du pacte avaient la possibilité d’en sortir à la condition de le dénoncer aux autres signataires au moins six mois avant le terme de la société.

La Cour d’appel a considéré que cette durée et les conditions pour sortir du pacte étaient excessives et empêchaient en réalité les associés signataires de le dénoncer. En conséquence ledit pacte s’apparentait à un engagement perpétuel.

Pour la Cour de cassation, le fait que la durée d’une société est limitée à 99 ans et que la durée du pacte est similaire, il est limité dans le temps et ne peut être assimilé à un engagement perpétuel. Les signataires associés de ce pacte doivent en conséquence attendre la fin de la durée initiale de la société concernée pour le dénoncer.

Le 1er octobre 2019, le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 dit « Décret Tertiaire » pris en application de la Loi ELAN du 23 novembre 2018 est entré en vigueur

Qu’est-ce que le Décret Tertiaire ?

Le Décret Tertiaire précise les nouvelles obligations pesant sur les bâtiments accueillant des activités du secteur tertiaire, résultant de l’article L. 174-1 du Code de la construction et de l’habitation créé par la Loi ELAN.

Révisé à plusieurs reprises par une série d’arrêtés et un décret modificatif, le Décret Tertiaire est actuellement codifié aux articles R. 174-22 à R. 174-32 du Code de la construction et de l’habitation.

Cet ensemble de texte a pour vocation l’amélioration de la performance énergétique et environnementale des bâtiments concernés, au moyen d’actions permettant la réduction de la consommation d’énergie.

Le Décret Tertiaire complète l’arsenal environnemental adopté en réaction au constat selon lequel les consommations énergétiques du secteur immobilier sont élevées. En effet, le parc immobilier français représente environ 40 à 45 % des consommations énergétiques nationales, et génère un quart des émissions de CO2 annuelles.

Qui est concerné ?

Le Décret Tertiaire s’applique aux bâtiments, parties ou ensembles de bâtiments d’une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m² accueillant l’exercice d’activités tertiaires.

En effet, L’article R. 174-22 II 3 du CCH dispose que :

« Sont assujettis aux obligations mentionnées à l’article L. 174-1 les propriétaires et, le cas échéant, les preneurs à bail de […] tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface de plancher cumulée supérieure ou égale à 1 000 m2 ».

La notion d’« ensemble de bâtiments » concerne tant les bâtiments entièrement dédiés aux activités tertiaires que ceux ayant partiellement cet usage, le 3° de l’article R. 174-22 du Code de la construction et de l’habitation faisant référence à des bâtiments qui « hébergent » des activités tertiaires, sans emploi de l’adverbe « exclusivement ».

Ainsi, peuvent être additionnées des surfaces tertiaires de bâtiments ayant partiellement cet usage, dès lors que ces surfaces sont présentes sur une même unité foncière ou sur un même site et qu’elles sont supérieures ou égales à 1.000 m².

Par ailleurs, la Loi n° 2021-1104 en date du 22 août 2021 dite « Loi Climat et Résilience » a étendu le champ d’application du Décret Tertiaire aux bâtiments neufs et existants.

Le propriétaire comme l’occupant sont assujettis aux obligations introduites par le Décret Tertiaire, ce qui impacte nécessairement leurs relations (cf. infra).

Quelles sont les obligations mises en place ?

Le Décret Tertiaire impose trois obligations :

  • Celle de réduction du niveau de consommation d’énergie par paliers ;
  • Celle de communication des données de consommation d’énergie sur la plateforme OPERAT ;
  • Celle d’évaluer le respect de l’obligation par les parties au contrat de bail.

Pour favoriser la réduction de la consommation d’énergie, il convient de choisir une année d’exploitation de référence comprise entre 2010 et 2019.

Il est recommandé de choisir l’année au cours de laquelle les dépenses énergétiques ont été les plus fortes, pour atteindre une réduction de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 (article L. 174-1 du Code de la construction et de l’habitation).

Ces objectifs peuvent être modulés en fonction :

  1. a) De contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ;
  2. b) D’un changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ;
  3. c) De coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale.

Pour favoriser le suivi de la consommation d’énergie, une plateforme dite « OPERAT » a été créée, sur laquelle les assujettis doivent déclarer leurs données de consommation (au plus tard le 31 décembre 2022 pour les années 2020, 2021 et pour l’année de référence, et au plus tard le 30 septembre 2023 pour l’année 2022).

En cas de non-respect de cette obligation, le préfet peut mettre en demeure les assujettis de procéder à la déclaration des données dans un délai de trois mois, sous peine de faire l’objet d’une publication sur un site internet de l’Etat répertoriant les mise en demeures infructueuses.

Cette sanction moderne sous la forme « Name and shame » devrait encourager la prise de conscience environnementale des assujettis.

L’évaluation du respect de l’obligation par les parties au contrat de bail peut enfin être réalisée au moyen d’audits environnementaux en cours d’exploitation.

Quels sont les impacts sur les relations entre propriétaire et exploitant ?

Le Décret Tertiaire a un impact évident sur les relations entre le propriétaire et l’exploitant.

D’une part, le Décret procède à une responsabilité partagée entre le bailleur et le preneur, qui ont tout intérêt à répartir leurs actions œuvrant à la réduction des consommations d’énergie.

Concrètement, la réduction des consommations d’énergie passe par une exploitation « verte », plus écologique et respectueuse de l’environnement, mais également l’installation d’équipements performants et la rénovation énergétique du bâtiment.

Si l’exploitation « verte » incombe naturellement au preneur qui doit adapter ses comportements, la répartition de l’installation des équipements et de la rénovation du bâtiment peut s’avérer plus délicate.

En pratique, les baux commerciaux conclus après l’entrée en vigueur de la Loi Pinel permettent de mettre à la charge du preneur le coût de tous travaux, y compris ceux de rénovation, de mise en conformité et d’amélioration des performances énergétiques du bâtiment, à condition qu’il ne s’agisse pas de grosses réparations relevant de l’article 606 du Code civil, conformément à l’article R. 145-35 du Code de commerce.

La rénovation énergétique du bâtiment peut donc entraîner un contentieux non-négligeable entre le bailleur et le preneur si les obligations des parties ne sont pas précisément définies dans le contrat de bail.

D’autre part, les travaux de performance énergétique vont nécessairement impacter la valeur locative des bâtiments, ce qui intéressera les négociations entre les parties à l’occasion du terme ou du renouvellement du bail.

Il en résulte que les impacts du Décret Tertiaire se font d’ores et déjà ressentir dans les relations entre propriétaire et exploitant des bâtiments concernés.

La responsabilité du notaire pour nullité d’un cautionnement : rappel de la nécessité de démontrer un préjudice actuel et certain

Par acte notarié, une banque avait consenti à un couple un crédit garantie par diverses sûretés, dont le cautionnement hypothécaire d’un groupement foncier agricole. Un arrêt irrévocable a par la suite annulé cette sûreté en raison de son irrégularité, imputable au notaire. La banque n’a toutefois pas mis en œuvre les autres sûretés dont elle disposait. La banque a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de cette garantie.

La Cour d’appel, statuant sur renvoi après cassation partielle, refusa d’engager la responsabilité du notaire, au motif que si ce dernier avait bien commis une faute en instrumentant un acte nul, cette faute ne suffisait pas à justifier l’engagement de sa responsabilité.

En effet, la Cour d’appel a considéré que la banque n’avait pas apporté la preuve que la perte de sa garantie l’avait été par la faute du notaire et, qu’en outre elle n’avait pas mis en jeu les autres sûretés qu’elle avait à sa disposition.

La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel au motif que « la banque disposait, pour le recouvrement de sa créance, contre la co-empruntrice et contre les cautions personnelles, de recours qu’elle n’avait pas mis en œuvre et qui n’étaient pas la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire ». La Cour de cassation en a donc conclu que « le préjudice allégué n’était pas actuel et certain ».

Elle rappelle ainsi qu’un préjudice n’est réparable qu’à la condition d’être actuel et certain, ce caractère ne pouvant s’induire de la certitude du rôle causal de la faute du notaire dans la perte du cautionnement hypothécaire. Tant qu’il n’était pas établi avec certitude que le créancier avait perdu tout ou partie de sa créance par la faute du notaire, la responsabilité de ce dernier ne pouvait être engagée.

Or, en l’espèce, le préjudice subi par la banque ne trouvait pas sa cause exclusive dans le cautionnement hypothécaire annulé par la faute du notaire. Le préjudice subi par la banque aurait été actuel et certain si celle-ci avait épuisé l’intégralité de ces recours et s’il avait été établi que le notaire lui avait fait perdre, par sa faute, la seule sûreté qui lui aurait permis d’apurer sa dette, ce qui n’était pas le cas.

Garantie de la caution : attention au manque de réactivité du créancier

L’arrêt rendu par la 1ère chambre civile se réfère à l’article L. 341-1du Code de la consommation désormais abrogé, présente néanmoins un intérêt certain.

Il rappelle utilement l’importance de la réactivité du créancier lorsque ce dernier constate un premier incident de paiement. Il apporte des précisions pleinement transposables au droit nouveau du cautionnement réuni dans le Code civil et constitue un rappel utile pour les praticiens.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

Le 5 mars 2014 une personne physique se portait caution solidaire d’un prêt consentit par une banque à une autre personne physique. La banque constatait des incidents de paiement et le 16 avril 2016 adressait à la caution une lettre simple qui mentionnait des défauts de paiement en mars et avril 2016. Le 22 septembre suivant, la banque assignait la caution en paiement.

En appel, les juges constataient que la banque produisait une lettre simple faisant état du défaut de paiement.

 En application de l’ancien article L. 341-1 du Code de la consommation, ils condamnaient la caution à payer à la banque la somme de 1.397.156,55 € majorée de l’assurance et des intérêts au taux contractuel jusqu’au parfait paiement dans la limite de 1.600.000 €.

La caution se formait un pourvoi en cassation. Elle invoquait d’une part les modalités d’envoi à la caution de la lettre d’information. Ainsi elle contestait l’attitude de la banque qui produisait la lettre simple d’information mais n’apportait pas la preuve de son envoi.

La Cour a rejeté cet argument en indiquant que l’article L. 341-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige prévoit que le créancier doit informer la caution de la défaillance du débiteur principal mais ne précise pas les modalités de cette information. Elle indique qu’en l’espèce la caution ne discutait pas avoir été destinataire du courrier.

On notera que le nouvel article 2303 du Code civil n’impose toujours pas l’envoi de l’information par lettre recommandée. En pratique il sera cependant prudent d’y recourir afin d’éviter ce genre de débat.

La caution se prévalait ensuite du délai trop important dans lequel l’information de la défaillance du débiteur principal lui avait été donnée. Le premier incident de paiement avait eu lieu en mars 2016 or l’organisme bancaire ne l’avait tenu informé qu’après le deuxième incident d’avril 2016.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en rappelant que l’article L. 341-1 du Code de la consommation applicable au cas d’espèce, exige une information de la caution dans le mois du premier incident de paiement.

« Selon ce texte, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée ».

Cette exigence de rapidité est reprise dans le nouvel article 2303 du Code civil, lequel ajoute une précision encore plus sévère pour le créancier. Il prévoit en effet que les paiements effectués par le débiteur sont imputés prioritairement sur le capital.

L’article 2303 du code civil dispose :

« Le créancier professionnel est tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette ».

L’arrêt en date du 1er mars 2023, rappelle donc aux services juridiques des établissements bancaires qu’il faut être réactif, le retard dans l’information de la caution pouvant avoir des conséquences financières importantes.

Résolution judiciaire du contrat : l’inexécution fautive du débiteur n’est pas nécessaire

L’article 1217 du Code civil dispose que « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut provoquer la résolution du contrat ».

Les articles 1227 et 1229 précisent que la résolution peut, « en toute hypothèse, être demandée en justice », et qu’elle « met fin au contrat ».

L’interprétation de ces articles, issus de la réforme du droit des contrats de 2016, a été précisée par la Cour de cassation, qui affirme, dans un arrêt en date du 18 janvier 2023, qu’il n’est pas nécessaire que l’inexécution soit fautive pour que la résolution judiciaire soit prononcée.

En l’espèce, un établissement hôtelier a signé, le 13 février 2020, un contrat avec une société de traiteur, aux termes duquel cette dernière devait fournir diverses prestations de restauration, au cours d’un salon événementiel. Compte tenu de la crise sanitaire qui s’est amplifiée dans les semaines qui ont suivi la signature du contrat, le salon a, dans un premier temps, était reporté, puis totalement annulé.

L’établissement hôtelier a alors mis en demeure la société de traiteur de restituer l’acompte qui lui avait été versé au moment de la signature du contrat. Cette dernière s’y refusant, la société hôtelière l’a assignée en justice.

Dans un arrêt du 18 mars 2021 (n° 20/12607), la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la demande de restitution, au motif que si l’inexécution a été totale et d’une gravité suffisante, elle n’était pas fautive, si bien que la résolution ne pouvait être accueillie.

La Cour d’appel affirmait que l’inexécution ne peut « pas être considérée comme une inexécution fautive de la part du débiteur de l’obligation, ayant été causée par un élément extérieur, l’annulation du salon ; la société [hôtelière] n’est dès lors pas fondée à invoquer la résolution du contrat pour inexécution des obligations de son cocontractant et donc la restitution des sommes versées ».

Ce faisant, la Cour d’appel considérait qu’aucune résolution du contrat ne pouvait avoir lieu en l’absence de faute du débiteur, même si l’inexécution était complète et suffisamment grave.

Dans son arrêt en date du 18 janvier 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Après avoir rappelé que « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut provoquer la résolution du contrat », la Cour affirme que « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice et met fin au contrat. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre ».

Il ressort de cet arrêt que la chambre commerciale de la Cour de cassation refuse de faire de la faute une condition nécessaire à la mise en œuvre de la résolution judiciaire.

Cela correspond à une application à la lettre de l’article 1227 du Code civil, qui prévoit que la résolution peut être demandée « en toute hypothèse ».

Intéressement : le décret n° 2023-98 du 14 février 2023 fixe les nouvelles modalités de la procédure de rédaction pré-validée

La loi n° 2022-1158 dite « pouvoir d’achat » du 16 août 2022 a prévu une procédure en ligne d’accompagnement dans la rédaction d’accords collectifs ou de « décisions unilatérales » (DUE) d’intéressement « pré-validés » sur une plateforme de l’Urssaf, dont la mise en œuvre était subordonnée à l’adoption d’un décret.

La loi précitée prévoit que les exonérations sociales et fiscales d’un dispositif d’intéressement mis en place dans le cadre de cette procédure sont réputées acquises pour la durée de l’accord, étant précisé que cette sécurisation concerne les DUE pour les entreprises de moins de 50 salariés et les accords collectifs.[1]

Le décret n° 2023-98 en date du 14 février 2023 fixant les modalités de cette procédure a été publié au Journal officiel du 16 février 2023. Cette procédure étant entrée en application le 17 février 2023, le présent article est l’occasion de présenter les apports essentiels de ce décret.

Un code d’authentification pour pré-valider le dispositif d’intéressement

La procédure dématérialisée visée par la loi « pouvoir d’achat » est mise en œuvre via le site www.mon-interessement.urssaf.fr.

Le décret précité, introduisant l’article R. 3313-4 dans le Code du travail, vient préciser qu’un code d’identification du dispositif est délivré à la fin de cette procédure et au moment de son téléchargement pour permettre l’authentification de l’accord.

Ce code d’authentification permet de se dispenser de la procédure d’examen préalable du dispositif d’intéressement par l’URSSAF, prévue lorsque les entreprises utilisaient le site www.mon-interessement.urssaf.fr.

Dorénavant et concrètement, une fois le dispositif d’intéressement rédigé dans le cadre de la nouvelle procédure, l’entreprise reçoit un QR code ainsi qu’un identifiant unique.

Il ne lui reste alors qu’à déposer le dispositif sur la plateforme TéléAccords pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales (sous réserve que les clauses du dispositif n’aient pas été modifiées après son téléchargement et d’une application conforme du dispositif pré-validé).

Cette procédure de pré-validation ne porte, cependant et pour l’heure, que sur deux formules de calcul : un calcul fonction de la progression chiffre d’affaires (i) et un calcul fonction du résultat courant avant impôts (ii).

Au reste, le site maintien son outil d’aide à la rédaction d’accords d’intéressement dit « libres », qui seront contrôlés par l’URSSAF après leur dépôt sur la plateforme TéléAccords.

Une neutralisation des absences pour congé de paternité, de mise en quarantaine et de deuil pour le calcul de l’intéressement

En outre, l’article L. 3314-5 introduit par la loi « pouvoir d’achat » dans le Code du travail avait permis d’assimiler le congé de paternité et d’accueil de l’enfant à une période de présence pour le calcul de l’intéressement.

Le décret ci-commenté complète cette mesure, en étendant cette neutralisation au cas où l’intéressement est calculé en fonction du salaire. Il prévoit, ainsi, que l’employeur doit prendre en compte les salaires qui aurait été perçus si le salarié en congés paternité et d’accueil de l’enfant avait été présent dans l’entreprise (article R. 3314-3 du Code du travail).

Le principe d’assimilation à des temps de présence et de la prise en compte des salaires qui auraient été perçus a également été consolidé par le décret précité pour les congés de deuil et de mise en quarantaine.

[1] Article L. 3313-3 du Code du travail

Copropriétés très dégradées : Que faire ? Plan de sauvegarde, état de carence, des dispositifs à mobiliser

Articles L. 615-6 à L. 615-8 du Code de la construction et de l’habitation

Les immeubles bâtis soumis au statut de la copropriété sont régis par la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et le Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de cette loi qui contiennent de nombreuses dispositions particulières relatives aux copropriétés confrontées des difficultés plus ou moins importantes.

Outre ces dispositions, le Code de la construction et de l’habitation (ci-après, CCH) institue d’autres mesures visant à assurer le traitement des copropriétaires en difficulté et dégradées. En effet, au sein du Code, figure le Livre VI « Mesures tendant à remédier à des difficultés exceptionnelles du logement », Chapitre V « Mesures de sauvegarde ».

Les deux mesures prévues aux termes du CCH sont le plan de sauvegarde et la procédure de carence du syndicat des copropriétaires.

I. Le plan de sauvegarde

A. Les conditions d’application :

Le champ d’application du plan de sauvegarde est exclusivement limité aux groupes d’immeubles ou ensembles immobiliers, à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel, commercial et d’habitation, soumis au régime de la copropriété.

Ainsi, le plan de sauvegarde a vocation à s’appliquer aux ensembles immobiliers particulièrement complexes, composés de plusieurs immeubles.

Par ailleurs, sont exclus du plan de sauvegarde les immeubles à usage autre que l’habitation tel que les immeubles à usage exclusivement professionnel ou commercial.

S’agissant des conditions, le plan de sauvegarde peut trouver à s’appliquer lorsque la copropriété est confrontée à de graves difficultés, qui peuvent être variées. Il peut s’agir de difficulté sociales (situation des copropriétaires, relations entre les organes de la copropriété), techniques (nécessité de réaliser des travaux, état du bâtis) et financières (impayés des copropriétaires, insuffisance de la trésorerie, dettes fournisseurs) risquant de compromettre le syndicat des copropriétaires.

Ces difficultés peuvent trouver leur origine dans la complexité juridique ou technique du bâtiment. Tel sera notamment le cas lorsque la copropriété se trouve dans une organisation juridique complexe (à titre d’exemple : au sein d’une association syndicale libre).

B. La phase d’élaboration du plan de sauvegarde

Le plan de sauvegarde est un dispositif d’accompagnement des copropriétés dégradées qui implique un partenariat entre les personnes publiques et les organes de la copropriété et autres personnes privées éventuellement intéressées (fournisseurs, cocontractants, créanciers, etc).

Le plan de sauvegarde est institué par arrêté du préfet, en sa qualité de représentant de l’Etat dans le département, soit à son initiative, soit sur proposition du maire, du président de l’EPCI compétent en matière d’habitat, une association d’habitats ou de l’administrateur provisoire de la copropriété.

La première étape du plan de sauvegarde sera la phase d’élaboration, pour laquelle le préfet confie à une commission qu’il compose le soin d’élaborer un diagnostic de la situation et proposer un plan de sauvegarde.

S’agissant de la composition de cette commission les articles L. 615-1 et L. 615-3 du CCH prévoient qu’elle est présidée par le préfet et qu’elle est composée du maire, du président de l’EPCI, du président du Conseil départemental, du Président du Conseil syndical ainsi que de l’administrateur.

Ainsi, les copropriétaires doivent être représentés au sein de la Commission d’élaboration du plan de sauvegarde.

Même s’il ne s’agit pas d’une obligation pour le préfet, au cours de la phase d’élaboration du plan de sauvegarde, il peut être particulièrement opportun qu’un coordonnateur soit désigné sans attendre la phase d’exécution du plan de sauvegarde.

Au cours de la phase d’élaboration, le plan de sauvegarde de la commission est adressé pour information au syndicat des copropriétaires représenté par son syndic ou par son administrateur provisoire.

C. Sur la phase d’exécution du plan de sauvegarde

Lorsque le plan de sauvegarde est élaboré, il prend la forme d’une convention qui fixe les notamment mesures nécessaires afin de redresser la situation financière de la copropriété, clarifier et simplifier les règles de fonctionnement de l’immeuble, faire réaliser des travaux et organiser la mise en place de mesure d’accompagnement. Cette convention est signée entre les personnes publiques compétentes, l’administrateur provisoire et le cas échéant, les personnes privées intéressées.

Le plan de sauvegarde est institué pour une durée de cinq ans et peut être renouvelé par périodes de deux ans.

Le plan de sauvegarde est soumis à l’approbation du préfet et à avis du maire, du président de l’EPCI et le cas échéant du Conseil départemental.

Le plan de sauvegarde sera notifié aux collectivités publiques et organismes publiques concernés ainsi qu’aux copropriétaires et aux occupants de l’immeuble. Néanmoins cette notification dans des ensembles immobiliers complexes apparaît impossible.

Par ailleurs, le plan de sauvegarde approuvé par arrêté préfectoral est, de nouveau, adressé au syndicat des copropriétaires pris en la personne de son syndic ou de son administrateur provisoire, afin d’être exécuté. En effet, doivent être inscrites à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale les mesures préconisées par le plan.

Faute pour le syndicat des copropriétaires de réaliser les mesures prévues au plan de sauvegarde, le maire ou le président de l’EPCI pourront solliciter la désignation d’un administrateur provisoire sur le fondement de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ou bien introduire une procédure aux fins de voir constater la carence du syndicat des copropriétaires.

Même si le déclenchement du plan de sauvegarde s’effectue à l’initiative des pouvoirs publics, qui participent également à son élaboration, le syndicat des copropriétaires n’est pas pour autant exclu, dans la mesure où il intervient à plusieurs phases du projet.

En effet, cette mesure n’entraîne pas une disparition des organes de la copropriété qui restent en place et le syndicat des copropriétaires doit rester impliqué dans la mise en œuvre du projet élaboré.

II. La procédure de carence

A. Les conditions d’application :

Le champ d’application de la procédure de carence est davantage restreint que celui du plan de sauvegarde, dans la mesure où la carence concerne les immeubles collectifs à usage principal d’habitation. Sont donc expressément exclus de la procédure de carence d’autres copropriétaires tels que les copropriétés de locaux à usage de bureaux, commerciaux ou de parkings.

La carence du syndicat des copropriétaires pourra être constatée lorsqu’en raison, soit de graves difficultés financières ou de gestion et de l’importance des travaux à mettre en œuvre, dans l’incapacité d’assurer, soit la conservation de l’immeuble, soit la santé et la sécurité des occupants.

En réalité, la copropriété doit être confrontée à l’impossibilité d’assumer les charges et la gestion courante de l’immeuble. Les difficultés peuvent trouver leur origine tant dans des difficultés financières (trésorerie insuffisante, dettes et impayés des copropriétaires importants) ou en raison de difficultés de gestion.

La procédure de carence, dans ses conséquences, est particulièrement grave, ce qui suppose qu’un redressement et un rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété se révèle impossible.

Afin d’évaluer l’opportunité d’un constat de carence, il est indispensable que des études soient réalisées, permettant ainsi, le cas échéant, de démontrer l’impossibilité d’un redressement de la copropriété.

B. Les différentes étapes de la procédure judiciaire aux fins de constat de la carence

L’assignation aux fins de désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires et la phase d’expertise judiciaire

La carence du syndicat des copropriétaires, contrairement au plan de sauvegarde, se caractérise par une procédure judiciaire, en plusieurs étapes. La première phase de la procédure consiste en une demande de désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires dont la mission est strictement définie.

Cette demande d’expertise s’effectue par la délivrance d’une assignation suivant la procédure accélérée au fond. L’article L. 615-6 du CCH dresse la liste des personnes ayant qualité à agir et des défendeurs à la première phase de la procédure.

Ainsi, le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat, sur le territoire duquel est implanté l’immeuble, le préfet, le syndic ou l’administrateur provisoire ou des copropriétaires représentant 15 % au moins des voix du syndicat peuvent solliciter la désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires.

S’agissant d’une procédure contradictoire, l’assignation devra être délivrée au syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic ou son administrateur provisoire. Cependant, précision étant faite qu’à ce stade de la procédure, les copropriétaires pris en leur nom personnel ne sont pas défendeurs et ne seront pas parties à l’expertise ordonnée.

Lorsque la saisie est effectuée par le maire ou le président de l’EPCI, il conviendra de présenter pour information à la première assemblée délibérante qui suit la délivrance de l’assignation, le projet simplifié d’acquisition. C’est la raison pour laquelle le projet doit impérativement être préparé en amont et en parallèle de la rédaction de l’assignation.

La première phase de la procédure judiciaire donne lieu à un jugement aux fins de désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires, dont la mission consistera à : « Constater l’importance du déséquilibre financier du syndicat, Constater la répartition des dettes par copropriétaire, Constater la nature et l’état des parties communes et, conséquemment, la nature et le coût des travaux à mettre en œuvre pour garantir la santé et la sécurité des occupants, Signaler en annexe de son rapport d’expertise les désordres dans les parties privatives affectant la sécurité et la santé des personnes qu’il constate au cours de sa mission ».

Le jugement fixera la durée de la mission qui ne peut excéder trois mois, renouvelables une fois. S’ouvre ainsi la phase d’expertise judiciaire au cours de laquelle le ou les experts exécuterons leur mission éventuellement assisté d’un ou plusieurs sapiteurs en considération des difficultés identifiées.

Lorsque le ou les experts judiciaires achèvent leur mission, ils déposent leur rapport définitif auprès du tribunal qui a ordonné leur désignation.

L’intervention forcée des copropriétaires et le constat de la carence

Après le dépôt du rapport d’expertise, le tribunal notifie les conclusions du rapport d’expertise ainsi que du jugement de désignation de l’expertise au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires et le cas échéant à l’administrateur provisoire.

A la différence de la première phase, cette seconde sera contradictoire à l’ensemble des copropriétaires.

En effet, la notification des conclusions du rapport et de la décision vaut intervention forcée des copropriétaires à l’instance.

Lors de la notification des conclusions du rapport et du jugement ayant ordonné l’expertise, le Tribunal convoque les parties, et notamment les copropriétaires intervenants forcés, à une audience, afin d’être entendus.

Au cours de cette audience, le président du tribunal peut également être amené à entendre l’expert judiciaire ayant déposé son rapport, sur les conclusions.

Au vu des conclusions de l’expertise et des observations faites par les parties, le tribunal peut déclarer l’état de carence du syndicat des copropriétaires. Le jugement pourra également désigner un administrateur provisoire en application de l’article 29-1 pour préparer la liquidation des dettes de la copropriété.  Le jugement de carence sera notifié au syndicat des copropriétaires ainsi qu’aux copropriétaires et à l’administration provisoire.

Le projet d’acquisition simplifié sera ensuite approuvé par l’assemblée délibérante.

Après le jugement constatant la carence du syndicat des copropriétaires, s’ouvre la phase d’expropriation ; le constat de carence fondant l’utilité publique de l’expropriation. Le préfet prendra un arrêté aux fins notamment de déclarer l’utilité publique du projet, déclarer cessibles les immeubles et fixer l’indemnité provisionnelle d’expropriation.

Les modalités de transfert de propriété des immeubles ou des droits réels immobiliers sont soumises aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

A défaut d’accord sur l’indemnité d’expropriation, une procédure judiciaire aux fins de fixation de l’indemnité d’expropriation pourra s’ouvrir.

Il en résulte que la procédure de carence est une procédure entraînant l’expropriation de l’immeuble soumis au statut de la copropriété.

Cookies : la CNIL sanctionne TIKTOK de 5 millions d’euros

Par une délibération de la CNIL en date du 29 décembre 2022 (Délibération SAN-2022-027), Tiktok a été sanctionné d’une amende d’un montant de 5 millions d’euros. La cause de cette sanction réside dans le fait que les utilisateurs de « tiktok.com » ne pouvaient pas refuser les cookies du site aussi facilement qu’ils ne pouvaient les accepter et n’étaient pas informés de manière suffisante sur les finalités des cookies.

La commission restreinte chargée de prononcer les sanctions (organe de la CNIL) a estimé que TIKTOK UK et TIKTOK IRELAND avaient manqué aux obligations prévues par l’article 82 de la loi Informatique et Libertés, lequel prévoit, pour mémoire, en ces termes, « tout abonné ou utilisateur d’un service de communications électroniques doit être informé de manière claire et complète, sauf s’il l’a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant : 1. De la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement ; 2.Des moyens dont il dispose pour s’y opposer.

Ces accès ou inscriptions ne peuvent avoir lieu qu’à condition que l’abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé, après avoir reçu cette information, son consentement qui peut résulter de paramètres appropriés de son dispositif de connexion ou de tout autre dispositif placé sous son contrôle ».

Sur le fondement de cet article, la CNIL identifie une double irrégularité commise par Tiktok.

Dans un premier temps, la sanction est liée à une complexification du mécanisme de refus contraignant les utilisateurs à accepter les cookies. En effet, pour refuser les cookies il était nécessaire pour l’utilisateur de cliquer à plusieurs reprises sur le bouton de refus des cookies contrairement au bouton d’acceptation des cookies. Selon la commission restreinte, ce mécanisme porte atteinte à la liberté de consentement des internautes et constitue une violation de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés.

Dans un deuxième temps, la CNIL a relevé que les utilisateurs n’étaient pas suffisamment informés des finalités des cookies, ni sur le bandeau d’information, ni dans le cadre d’interface de choix.

Il est intéressant de noter que la CNIL vise, dans sa décision, à plusieurs reprises ses lignes directrices du 17 septembre 2020, qu’elle estime méconnues : une alerte pour tous sur la nécessité de les respecter strictement.

Nous ne saurions donc, que vous appeler à la vigilance en la matière notamment en vérifiant la conformité de votre site internet, via l’outil Cookiebot.

Vidéosurveillance dans les chambres d’Ehpad : la CNIL lance une consultation publique

Vidéosurveillance dans les chambres d’Ehpad : la CNIL lance une consultation publique

Après avoir été interrogée sur le recours aux dispositifs de vidéosurveillance dans les Ephad et plus précisément dans les chambres des résidents, la CNIL a lancé une consultation publique. Cette consultation s’inscrit, plus précisément dans un contexte de médiatisation des cas de maltraitance au sein d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), plusieurs établissements s’interrogeant en conséquence, sur l’opportunité de l’installation de dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres de leurs résidents.

A date, la position de la CNIL tend en faveur du caractère disproportionné du recours à la vidéosurveillance. Cette mesure serait, en effet, indéniablement, particulièrement attentatoire à la vie privée des résidents comme des salariés. En ce sens, elle rappelle, en effet, la nécessité de trouver un équilibre entre la sécurité des résidents d’Ehpad, le respect de leur intimité et le respect des droits et libertés des salariés.

Ce n’est ainsi que dans le cas de suspicions fortes de maltraitance, que l’installation pourrait être justifiée. Cette maltraitance devrait alors être démontrée par la convergence d’indices concordants tels que la survenance d’hématomes, le changement de comportement de la personne âgée, etc. Les finalités de traitement et recours à la vidéosurveillance devraient donc être très encadrés. Ce faisant, il ne serait pas envisageable de justifier une telle installation par l’objectif d’améliorer la qualité du service offert aux résidents. Au demeurant, il est préconisé à date, que les lieux d’intimité ne puissent être captés ou encore que le personnel en charge de la gestion de ces dispositifs bénéficie d’une sensibilisation adéquate.

En tout état de cause, le projet de recommandation, conditionne le déploiement de cette activité de traitement à la réalisation d’une analyse d’impact relative à la protection des données. 

Cette consultation lancée par la CNIL est ouverte jusqu’au 20 mars 2023. Les acteurs publics qui souhaitent apporter leur appréciation sur le projet de recommandation de la CNIL n’ont donc plus que quelques jours pour ce faire.

Création du bail réel solidaire d’activité

Le bail réel solidaire (BRS) a été créé par la loi ALUR du 24 mars 2014. Il permet à des organismes fonciers solidaires (OFS) de distinguer le foncier – dont ils restent propriétaires – du bâti, et de céder des droits réels sur le bâti à des ménages choisis sous conditions de ressources, qui doivent occuper le logement à titre de résidence principale.

Depuis, le succès du bail réel solidaire se confirme d’année en année. Ainsi, quand on recensait 4 offices fonciers solidaires à la fin de l’année 2017, on en compte aujourd’hui plus de 110 sur le territoire national. Fin 2021, plus de 300 logements en BRS avaient été livrés.

Alors que ce dispositif ne pouvait concerner que des logements, la loi 3DS du 21 février 2022 a étendu le champ d’activité des offices fonciers solidaires, en leur permettant de réaliser et de céder des locaux d’activité, sur les terrains qu’ils acquièrent pour la réalisation de logement.

Ainsi, le 8 février dernier, a été présentée l’ordonnance créant le bail réel solidaire d’activité (BRSA), dont le but est de permettre aux OFS, « à titre subsidiaire et dans un but de mixité fonctionnelle de leurs opérations, d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser des locaux à usage commercial ou professionnel sur des terrains acquis ou gérés au titre de leur activité principale ».

Comme l’indique le rapport au Président de la République, le bail réel solidaire d’activité « reprend ou s’inspire fortement des éléments constitutifs du BRS » : il se fonde notamment sur une dissociation de la propriété foncière et de la propriété bâtie et sur la conclusion d’un bail de longue durée. Il prévoit également le versement d’une redevance et la possibilité de céder les droits réels, sous réserve d’un encadrement des prix de cession.

Deux possibilités de mise à disposition des locaux d’activité sont prévues par l’ordonnance du 8 février 2023.

Tout d’abord, l’office foncier solidaire peut céder lui-même les droits réels relatifs au local d’activité directement à une entreprise qui sera titulaire du BRSA.

D’autre part, un établissement public ou une entreprise publique locale constituée à l’initiative d’une collectivité peut acquérir les droits réels relatifs à des locaux d’activité auprès d’un OFS, est alors elle-même titulaire du BRSA, puis met les locaux en location à des microentreprises à des niveaux de loyers modérés.

S’agissant des bénéficiaires, l’ordonnance en date du 8 février 2023 prévoit que le BRSA ne pourra être conclu qu’avec des microentreprises (moins de dix salariés et moins de deux millions d’euros de chiffres d’affaires). Toutefois, les offices fonciers solidaires seront libres de déterminer des critères supplémentaires qui pourront notamment concerner la nature des activités pouvant être exercées dans les locaux. Cela permettra de répondre à certaines attentes des acteurs publics, en matière de revitalisation, de maintien ou de diversification des activités commerciales sur leurs territoires.

La portée d’une ordonnance du premier président de la Cour d’appel autorisant à assigner à jour fixe

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si l’appelant autorisé à assigner à jour fixe par le premier président de la Cour d’appel, pouvait assigner une partie non mentionnée dans l’ordonnance. En l’espèce un jugement avait prononcé la liquidation d’une société et désigné un liquidateur. La société et son gérant ont relevé appel de cette décision. En application de l’article 917 du Code de procédure civile, les appelants formèrent une demande devant le premier président de la Cour d’appel pour que l’affaire soit examinée de manière prioritaire.

L’article 917 du Code de procédure civile dispose :

« Si les droits d’une partie sont en péril, le premier président peut, sur requête, fixer le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité. Il désigne la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.

Les dispositions de l’alinéa qui précède peuvent également être mises en œuvre par le premier président de la cour d’appel ou par le conseiller de la mise en état à l’occasion de l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférés en matière de référé ou d’exécution provisoire ».

En l’espèce l’ordonnance rendue par le premier président n’autorisait pas à assigner le liquidateur, pourtant les appelants l’assignèrent devant la Cour. Les intimés formèrent un pourvoi estimant que cette citation était irrégulière. Il apparaît cependant que dans la rédaction de l’article 917 précité, le premier président de la Cour d’appel se prononce seulement sur la date à laquelle l’affaire doit être examinée et sur la chambre à laquelle est distribuée.

L’article 917 du Code de procédure civile ne fait nullement référence à l’identité des personnes qui seront assignées.

Dans l’arrêt du 18 janvier 2023 (Cass. Civ., 1re, 18 janvier 2023, n° 19-24.671), la Cour de cassation a rappelé que l’ordonnance autorisant à assigner à jour fixe devant la Cour d’appel, constitue une mesure d’administration judiciaire. Elle rappelle également que selon l’article 920 du Code de procédure civile, l’appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.

Elle conclut qu’ « aucun de ces textes ( les articles 917 et 920) ni aucune autre disposition ne fait obstacle à ce que la partie qui a obtenu le bénéfice de la procédure à jour fixe assigne sans nouvelle autorisation une personne qui n’est pas mentionnée dans l’ordonnance du premier président ».

Cette position avait déjà fait l’objet d’un arrêt (Cass. Civ., 2e, 15 avril 2021, n° 19-21.803P), cependant dans cette précédente affaire, les parties étaient unies par un lien d’indivisibilité que la Cour avait relevé. Dans l’arrêt du 18 janvier 2023, la Cour choisit de ne pas mentionner l’existence d’un potentiel lien d’indivisibilité.

En conséquence, il apparaît qu’en application de cette dernière jurisprudence, il est possible, même en l’absence de lien d’invisibilité entre les parties, d’assigner devant la Cour d’appel, une partie qui n’est pas visée dans l’ordonnance du premier président, autorisant à assigner à jour fixe.

Le régime impératif de la vente en l’état futur d’achèvement est applicable lorsque les travaux ne sont pas achevés lors de la signature de l’acte de vente

En application de l’article 1601-1 du Code civil (repris par l’article L.261-1 du Code de la construction et de l’habitation), lorsque le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé, la vente d’immeuble à construire est le régime applicable.

Parmi les ventes d’immeubles à construire, on retrouve la vente en l’état futur d’achèvement, qui est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes et dont les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution.

Ainsi, lorsque le vendeur s’engage à édifier ou reconstruire un bien immobilier et que lors de la réitération de la vente par acte authentique, les travaux ne sont pas encore achevés, le régime de la vente en l’état futur d’achèvement trouve application.

Il s’agit d’un régime impératif, qui impose certaines obligations au vendeur, notamment celle de produire des garanties d’achèvement.

En l’espèce, un acquéreur a conclu un contrat de réservation portant sur un logement meublé en l’état futur d’achèvement dans un l’immeuble devait faire l’objet d’une rénovation lourde par le vendeur. Alors que les travaux n’étaient pas achevés l’acquéreur a signé un acte authentique de vente, devant notaire. L’acquéreur a alors assigné le vendeur en nullité de l’acte de vente et le notaire en responsabilité et indemnisation.

L’office notarial placé en liquidation judiciaire, représenté par son liquidateur, a été condamné à payer à l’acquéreur la somme de 173 075 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011 au titre de la restitution du prix de vente, et la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts. La Cour d’appel de Versailles retient que la vente litigieuse doit être soumise au régime de la vente en l’état futur d’achèvement et qu’il appartenait au notaire de s’assurer de l’existence de garanties d’achèvement.

Le mandataire liquidateur de l’office notarial forme un pourvoi en cassation considérant que le régime de la vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement n’est pas applicable, en l’espèce.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en confirmant la motivation de la Cour d’appel, considérant que l’acte de vente plaçait expressément le contrat sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement par référence aux articles L. 261-2 et R. 262-1 du Code de la construction et de l’habitation.

La Cour retient également que le projet correspondait à une reconstruction et que les travaux n’étaient pas achevés à la date de signature de l’acte de vente, de sorte que la vente est soumise au régime de la vente en l’état futur d’achèvement.

La réparation du vice caché par un tiers ne peut supprimer l’action estimatoire permettant à l’acquéreur d’obtenir la restitution du prix à hauteur du coût des travaux mis à sa charge pour remédier au vice

Le 9 mars 2016, Monsieur R est devenu propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété. Or, l’acquéreur a par la suite constaté des désordres affectant les planchers de l’appartement acquis, résultant de la présence d’insectes xylophages.

La présence de ces insectes au sein de l’ensemble immobilier en copropriété a nécessité la mise en œuvre par la préfecture d’une procédure de péril ordinaire. Dans ces conditions, Monsieur R, acquéreur, a assigné la société GUIGAL, vendeur, aux fins d’obtenir la réduction du prix ainsi que des dommages-intérêts, sur le fondement de la garantie des vices cachés. La société GUIGAL a pour sa part appelé le syndicat des copropriétaires en garantie, sur le fondement des articles 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et 1242 du Code civil.

En première instance, les juges du fond ont fait droit à la demande de l’acquéreur, en reconnaissant l’existence d’un vice caché, et en lui accordant le bénéfice d’une restitution partielle du prix de vente. Le syndicat des copropriétaires était pour sa part tenu de garantir le vendeur de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

Le vendeur interjetait dès lors appel de la décision rendue en ce qu’elle a fait droit à la demande en restitution du prix de vente de l’acquéreur.

Le jugement rendu en première instance sur cette question était infirmé par la Cour d’appel de Paris, au motif qu’en acceptant que le bien soit remis en état par le syndicat des copropriétaires, le vice avait disparu et que dès lors, il importait peu que la réparation n’ait pas été effectuée par la venderesse.

Par arrêt en date du 8 février 2023, la Cour de cassation est venue casser et annuler l’arrêt rendu en ce qu’il a débouté l’acquéreur de sa demande en restitution du prix et de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts. En effet, la juridiction a considéré qu’au regard des articles 1641 et 1642 du Code civil, il appartient au seul acquéreur d’accepter que le vendeur procède, par une remise en état à ses frais, à une réparation en nature, faisant disparaître le vice constaté, et rétablissant l’équilibre contractuel voulu par les parties.

En revanche, « cette solution ne peut être étendue à la réparation du vice caché par un tiers, laquelle, n’ayant pas d’incidence sur les rapports contractuels entre l’acquéreur et le vendeur, ne peut supprimer l’action estimatoire permettant à l’acquéreur d’obtenir la restitution du prix à hauteur du coût des travaux mis à sa charge pour remédier au vice ».

En conséquence, la réparation du vice caché par le syndicat des copropriétaires, affectant l’appartement acquis par Monsieur R, n’est pas de nature à priver ce dernier de l’action estimatoire contre le vendeur, lui permettant d’obtenir la restitution du prix à hauteur des travaux mis à sa charge pour remédier au vice.

Garantie des vices cachés, défaut de conformité et manquement à l’obligation d’information : le non-cumul des actions

Par acte du 12 avril 2010, une société a vendu à un des particuliers un corps de bâtiment à réhabiliter en maison d’habitation. Constatant que la charpente était infestée de parasites, les acquéreurs ont assigné leur venderesse en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l’obligation de délivrance, ainsi que sur celui de l’obligation de conseil et d’information.

La Cour d’appel a rejeté l’ensemble de ces demandes au motif que le désordre constatés ne pouvait être réparé que sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les demandeurs ont formé un pourvoi en cassation, faisant grief à la Cour d’appel de les avoir déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

La Cour de cassation a toutefois donné raison à la Cour d’appel d’avoir constaté que l’infestation parasitaire avait détruit les pièces principales de charpente et du solivage entraînant un risque d’effondrement et retenu qu’elle ne pouvait en conséquence constituer qu’un vice caché de la chose vendue.

Ainsi, dès lors que le désordre constaté constituait un vice caché, les demandes formées sur les fondements du manquement à l’obligation de délivrance de la chose vendue et sur le manquement au devoir d’information ne pouvaient être accueillies.

L’action en garantie des vices cachés exclue les actions engagées sur d’autres fondements ; la Cour de cassation rappelle ainsi le principe de non-cumul des actions.

Il faut toutefois souligner que la Cour de cassation admet par exception à la règle du non-cumul des actions que l’action en garantie des vices cachés n’exclut pas celle en nullité pour dol (Cass. Civ., 1re, 6 nov. 2002, n° 00-10.192 ; Cass. Civ., 3e, 23 sept. 2020, n° 19-18.104).

Requalification d’un bail en l’état futur d’achèvement en marché public

Par un arrêt en date du 27 février 2023, la Cour administrative de Marseille a requalifié un contrat de bail en l’état futur d’achèvement (BEFA) en marché public de travaux, contrat dont elle a prononcé l’annulation tant ses clauses contrevenaient au régime applicable en matière de marchés publics. L’arrêt constitue un exemple de requalification d’un montage qui, selon la Cour, « avait pour seul but d’échapper […] aux règles de publicité et de mise en concurrence ».

L’affaire est la suivante : un centre hospitalier a décidé de conclure, de gré à gré, un bail en l’état futur d’achèvement auprès d’une société civile immobilière, contrat qui prévoyait « la location, à l’établissement public, de deux bâtiments existants ainsi que d’un bâtiment à construire, pour une durée de quinze ans, avec une option d’achat ». Et à l’issue des travaux de construction, le centre hospitalier, « estimant que les conditions de conclusion du contrat étaient susceptibles de mettre en cause sa responsabilité pénale », a suspendu les paiements, s’est abstenu de prendre possession des locaux, et a introduit devant le Tribunal administratif de Grenoble un recours contentieux tendant à l’annulation du contrat, recours que le tribunal a rejeté.

La Cour a considéré qu’un des bâtiments « serait réalisé conformément à une notice descriptive sommaire et un cahier des prestations élaborés par le centre hospitalier et annexés au contrat », et donc que ce contrat prévoyait « la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins exprimés par le centre hospitalier, avec une option d’achat ». Elle en a donc déduit que ce contrat répondait à la définition d’un marché public de travaux, c’est-à-dire « soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception », et ce moyennant une contrepartie onéreuse[1].

La Cour administrative d’appel de Marseille a en conséquence prononcé l’annulation du contrat, et ce au motif que le contrat était contraire à la règle de prohibition des paiements différés qui est applicable aux marchés publics, à l’exception des marchés de partenariat. Et elle a pris soin de souligner que les établissements hospitaliers ne peuvent recourir aux marchés de partenariat :

« Le centre hospitalier ne pouvait ignorer que la satisfaction de son besoin supposait la passation d’un marché public. Le montage contractuel réalisé avait ainsi pour seul but d’échapper, d’une part, aux règles de publicité et de mise en concurrence, et, d’autre part, à la prohibition de tout paiement différé. Il doit à cet égard être tenu compte du fait que la loi n’offre pas aux centres hospitaliers, même au terme d’une procédure de mise en concurrence, la possibilité de différer le paiement de tels travaux répondant spécifiquement à un besoin. A ce titre, l’article 71 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, aujourd’hui codifié à l’article L. 2211-1 du code de la commande publique, interdit expressément aux établissements publics de santé de recourir à la procédure du marché public de partenariat, qui permet de faire préfinancer les travaux par un partenaire privé dont la rémunération prend la forme de loyers. Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, l’illicéité du contrat justifie en l’espèce son annulation ».

La décision est logique. C’est peut-être bien surtout la sanction qui ne s’imposait pas avec évidence : on sait qu’eu égard à la « loyauté » qui prévaut entre les parties et à la sécurité juridique, les parties ne peuvent en principe pas solliciter l’annulation de ce contrat, même s’il est illégal, sauf dans des cas bien spécifiques : un « contenu illicite du contrat » ou un « vice d’une particulière gravité », ce qui renvoie essentiellement à un vice du consentement (dol, erreur…) ou à un contenu contractuel contraire à la loi[2].

 

[1] Articles L. 1111-1 et L. 1111-2 du code de la commande publique.

[2] CE, 28 décembre 2009, arrêt dit « Béziers I », req. n° 304802

Cartel, ombrelle et préjudice

Il est désormais de jurisprudence constante qu’une personne publique victime de pratiques anticoncurrentielles peut saisir le Juge administratif en vue de la réparation du préjudice subi du fait de cette entente.

Un récent arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris, le 17 février 2023, apporte certaines précisions relativement à la méthode d’évaluation du préjudice subi par un acheteur public victime d’une entente anticoncurrentielle sur les prix (CAA Paris, 17 février 2023, req. n° 14PA02419).

Au cas de l’espèce, il revenait plus particulièrement au juge administratif de se prononcer sur le montant de l’indemnisation de la SNCF, qui avait introduit un recours indemnitaire en 2013 en vue d’obtenir la réparation du surcoût supporté sur l’achat de ses équipements professionnels à base de carbone et de graphite, qu’elle estimait imputable aux sociétés membres d’un cartel qui avaient été condamnées en 2004 par la Commission des communautés européennes pour s’être entendues sur les prix de vente de ce type de produits, entre octobre 1988 et décembre 1999 (décision 2004/420/CE).

Si le Tribunal administratif de Paris a d’abord rejeté sa demande (TA Paris, 1er avril 2014, req. n° 1308641, 1301400), la Cour administrative d’appel de Paris a ensuite annulé ce jugement par un arrêt avant dire droit en date du 13 juin 2019 et, avant de statuer sur l’évaluation du préjudice subi, a ordonné la réalisation d’une expertise afin d’évaluer les surcoûts subis par la SNCF au cours de la période de responsabilité, sur la base d’une estimation par extrapolation des données disponibles concernant ses achats de balais et de bandes d’usure en carbone et graphite pour les pantographes de ses trains, réalisés auprès des sociétés appartenant au cartel, de leurs filiales, et d’autres fournisseurs, en comparant les coûts supportés sur ces deux catégories de produits, et ceux qui auraient dus l’être en l’absence d’entente.

Par une décision en date du 12 octobre 2020, le Conseil d’Etat admettait l’action indemnitaire introduite par la SNCF, et considérait qu’il y avait lieu de retenir la responsabilité solidaire des membres de l’entente, y compris en raison de la hausse des prix pratiqués par l’un de ses cocontractants, qui n’avait pas participé à l’entente (CE, 12 octobre 2020, req. n° 432981, 433423, 433477, 433563, 433564). Les affaires ont été renvoyées à la Cour administrative d’appel de Paris.

L’arrêt commenté présente donc deux intérêts :

  • Il met en application le principe selon lequel l’acheteur peut demander la réparation du préjudice subi en raison de « la théorie de l’effet ombrelle », c’est-à-dire lorsqu’il a subi une hausse des prix pratiqués par l’un de ses cocontractants, qui n’a pas participé à l’entente anticoncurrentielle, mais qui a été obligé d’augmenter ses prix pour s’aligner sur ceux pratiqués par les membres du cartel ;
  • Il donne également d’utiles précisions quant à la méthode d’évaluation du préjudice subi par l’acheteur.

D’une part, la Cour rappelle que toute personne ayant subi un préjudice causé par une entente anticoncurrentielle a le droit d’en obtenir la réparation, et précise que cette réparation consiste à placer la partie lésée dans une situation où elle se serait trouvée si l’infraction ne s’était pas produite, et que l’estimation des taux de surprix repose sur la comparaison des prix effectivement payés par la victime, et des prix contrefactuels qu’elle aurait payé en l’absence de cartel, « tant auprès de sociétés ayant participé à l’entente que d’entreprises tierces ».

D’autre part, la Cour rappelle que seuls les achats en lien avec le fait générateur fautif survenu au cours de la période d’existence du cartel sont affectés par les pratiques anticoncurrentielles, et considère donc qu’il y a lieu de retenir la somme des achats effectués en application des contrats conclus entre octobre 1988 et décembre 1999 (période retenue par la décision de la commission) ainsi que ceux effectués en 2000 et 2001, en exécution des contrats-cadres conclus pendant la période de cartel.

Il en ressort que les membres d’une entente anticoncurrentielle peuvent être tenus de réparer un préjudice qui s’étend, temporellement, au-delà de la période durant laquelle cette entente existait.

A cet égard, l’arrêt précise que « cette méthode ne prolonge pas la période de responsabilité définie par la Commission, puisqu’elle n’est que la conséquence des modalités de passation des marchés à bons de commandes et du caractère pluriannuel des contrats signés pour les achats de la SNCF ».

Enfin, la Cour se penche sur la question des achats effectués auprès d’entreprises « non-cartellistes » ayant bénéficié des effets d’ombrelles sur leurs prix.  Elle déduit alors de l’assiette du préjudice le montant des commandes passées avec une société sur une période où il n’était pas établi qu’elle avait bénéficié de l’ombrelle du cartel pour pouvoir augmenter ses prix, et lui intègre au contraire tous les achats effectué par la SNCF auprès d’une autre société qui était « certes non membre du cartel, mais qui, en sa qualité de fournisseur, était durant toute la période sous le contrôle du cartel, [et] a pratiqué des prix fixés, délibérément ou non, à un niveau supérieur à celui résultant de conditions normales de concurrence ».

En somme, cette décision met donc une nouvelle fois en lumière le souci du juge administratif de protéger les personnes publiques victimes de telles pratiques, et l’extension de la responsabilité des membres d’une entente aux effets d’ombrelle sur les prix. Plus globalement, cet accueil bienveillant de l’action indemnitaire de la personne publique atteste de la volonté du juge administratif de préserver l’ordre public concurrentiel, et d’ériger le contentieux administratif comme levier de dissuasion des comportements anticoncurrentiels.

L’employeur pourrait produire en justice des moyens de preuve issus d’un dispositif de vidéosurveillance considéré comme illicite

Par un arrêt en date du 8 mars 2023 (n° de pourvoi 21-17.802)[1], la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser les conditions de la recevabilité d’une preuve recueillie par l’employeur au moyen d’un dispositif de « vidéosurveillance » déclaré illicite en l’absence des informations et autorisations préalables nécessaires (requises par l’article 32 (ancien) de la loi n° 78-17, du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés » dans sa version applicable à l’espèce et le code de la sécurité intérieure).

En l’espèce, un salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 12 août 2013, notamment en raison d’un détournement de fonds et d’une soustraction frauduleuse. Ce dernier a, alors, saisi la juridiction prud’homale en vue de contester son licenciement.

A hauteur d’appel, le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse, notamment au motif que les éléments de preuve issus d’un dispositif de « vidéosurveillance » illicite, produits par l’employeur pour démontrer la gravité des griefs reprochés au salarié, étaient irrecevables.

En l’occurrence et plus particulièrement, l’employeur entendait démontrer la gravité de la faute reprochée au salarié à l’appui de son licenciement au moyen :

  • d’un procès-verbal de constat de la « vidéosurveillance » ;
  • de CD de la « vidéosurveillance » ;
  • d’un détail des extraits de la « vidéosurveillance ».

La Cour d’appel, infirmant le jugement du conseil de prud’hommes, a considéré ces pièces irrecevables. Pour ce faire, elle a procédé à un raisonnement en deux temps :

En premier lieu, la Cour d’appel a constaté que le dispositif de « vidéosurveillance » était illicite, en relevant :

  • d’une part, que le salarié n’avait pas été informé des finalités du dispositif de « vidéosurveillance » ni de la base juridique qui le justifiait (comme l’exigeait l’article 32 (ancien) de loi n° 78-17, du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés ») ;
  • d’autre part, que l’employeur n’avait pas sollicité, pour la période considérée, l’autorisation préfectorale exigée par les dispositions, alors applicables, de la loi n° 78-17, du 6 janvier 1978 et des articles L. 223-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure.

En deuxième lieu, la Cour d’appel a relevé que la production de ces éléments de preuve n’étaient pas indispensables pour l’employeur, car ce dernier déclarait que les faits reprochés au salarié avaient déjà été révélés par un audit et que la « vidéosurveillance » ne faisait que confirmer le contenu de ce dernier.

Compte tenu de cette illicéité (i) et de l’absence de caractère indispensable de la production des éléments issus de la « vidéosurveillance » (ii), la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir déclaré ces moyens de preuve irrecevables.

La Cour de cassation a, de plus, précisé le régime applicable à la recevabilité d’une preuve issu d’un dispositif de « vidéosurveillance » illicite.

Portée de l’arrêt

L’apport principal de l’arrêt de la Cour de cassation ci-commenté porte sur la précision des conditions selon lesquelles une preuve illicite peut être jugée recevable ou irrecevable par les juges du fond.

Par l’arrêt ci-commenté, la Cour de cassation rappelle que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats.

Elle énonce, plus largement, qu’il revient au juge du fond d’apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure, en mettant, d’une part, en balance le droit à la preuve de l’employeur et le respect à la vie privée du salarié (i), et, d’autre part, de vérifier si la production de cette preuve était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi (ii).

Pour ce faire, la Haute juridiction précise, ainsi, qu’en présence d’une preuve illicite et lorsque cela lui est demandé, il convient, pour le juge :

  • de « s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci » ;
  • de « rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié »;
  • d’apprécier « le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi ».

Si l’utilisation d’éléments tirés d’un dispositif de vidéosurveillance illicite satisfait à ces critères, alors l’employeur pourra les produire devant les juridictions sans qu’ils soient écartés des débats.

Au cas particulier, le fait que l’audit, évoqué par l’employeur, révélait déjà les faits reprochés au salarié à l’appui de son licenciement ne rendait pas indispensable le recours à la vidéosurveillance pour établir la matérialité de ces faits.

Par ailleurs, si la jurisprudence évoque, dans l’arrêt ci-commenté, que la production du moyen de preuve droit être « indispensable » au regard du droit à la preuve, il est à rappeler qu’elle a, dans d’autres situations, simplement évoqué que les juges du fond devaient rechercher si la production de la preuve était seulement « nécessaire » à l’exercice du droit à la preuve. [2]

Ainsi, il semble, à notre sens, que la Haute juridiction emploie ces termes en fonction de l’intensité du caractère intrusif et de la nature du moyen utilisé pour récolter la preuve (i.e. procédé automatisé, stratagème, etc., ou simple consultation d’éléments collectés sans procédé ou technologie particulière).

En tout état de cause, la preuve tirée de la vidéosurveillance aurait, éventuellement, pu être recevable si, en l’espèce, l’employeur n’avait pas mentionné l’existence du rapport d’audit révélant les faits reprochait au salarié.

Au reste, si le dispositif de vidéosurveillance avait été licite, l’employeur aurait pleinement pu en exploiter les images devant les juges du fond.

Pour mémoire, il est rappelé, que les conditions de la licéité de dispositifs de vidéosurveillance ou de vidéoprotection diffèrent en fonction la nature des lieux filmés.

 

[1] Cass. Soc., 8 mars 2023 n°21-17.802 Décision – Pourvoi n°21-17.802 | Cour de cassation

[2] Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203