Economie sociale et solidaire
le 16/06/2022

Associations et Loi Séparatisme : suspension de la dissolution du Groupe Antifasciste Lyon et Environs

CE, 16 mai 2022, n° 462954

Le Conseil d’Etat a, par une ordonnance du 16 mai 2022, suspendu la dissolution du « Groupe Antifasciste Lyon et Environs ». L’ordonnance précise la portée des dispositions entrées en vigueur dans le cadre de la récente loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « Loi Séparatisme ».

Depuis cette loi, un nouveau motif de dissolution d’association ou de groupement de fait a été intégré au 1° de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure qui liste les motifs justifiant la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait. Le gouvernement peut désormais dissoudre une association ou un groupement de fait en cas d’incitation «  […] à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens ».

Sur le fondement de ces nouvelles dispositions, le groupement d’extrême gauche lyonnais a ainsi été dissout le 30 mars dernier par un décret du ministre de l’Intérieur. Des appels à la violence ainsi que des débordements en manifestation lui étaient reprochés.

Le « Groupe Antifasciste Lyon et Environs » et un de ses membres ont demandé aux juges des référés du Conseil d’État de suspendre en urgence cette dissolution, dénonçant une atteinte aux libertés d’association, de réunion, d’expression et d’opinion.

Le Conseil d’Etat a ainsi été amené à préciser le sens des nouvelles dispositions de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure qui, souligne-t-il, « prévoient la dissolution d’associations ou groupements de fait dont les activités troublent gravement l’ordre public. Elles permettent d’imputer aux associations et groupements de fait les agissements commis par leurs membres, en cette qualité, ou les agissements directement liés aux activités de l’association ou du groupement dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient » (§ 4 de l’Ordonnance).

Suivant ce raisonnement, il a suspendu la décision du Gouvernement estimant que « les éléments retenus contre le groupement, pris tant isolément que dans leur ensemble, ne justifient pas sa dissolution au regard du code de la sécurité intérieure ». Les juges ont estimé qu’il n’était pas « démontré que les actions violentes » commises lors de manifestations « soient liées aux activités » du groupe. Ils ont par ailleurs observé « que les publications du groupement sur ses réseaux sociaux ne peuvent être regardées à elles seules comme une légitimation du recours à la violence » et en a déduit qu’il ne pouvait être, s’agissant de ce groupement de fait, considéré « que le groupement ait appelé à commettre des actions violentes » (Communiqué du Conseil d’Etat du 16 mai 2022).

Les juges ont notamment analysé la manière dont le groupement d’extrême gauche se présentait sur les réseaux relevant à ce sujet que « si le groupement relaie, parfois avec une complaisance contestable, les violences commises à l’encontre des forces de l’ordre, la revendication par le groupement d’un discours très critique à l’égard de l’institution policière ne saurait caractériser, à elle-seule, une provocation à des agissements violents, au sens du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure » (§ 6 de l’Ordonnance).

Cette première décision permet de préciser les contours du nouveau motif de dissolution d’une association ou d’un groupement de fait visant les provocations à des violences aux personnes et aux biens, qui avait suscité de nombreuses craintes lors de l’adoption de la Loi Séparatisme du fait de son caractère flou. Il en ressort que les termes de ce motif sont envisagés de manière stricte et non extensive. Ce qui se comprend au vu de la liberté publique mise en jeu, la liberté d’association.