Elections professionnelles : candidature et liste de candidats

Par un arrêt en date du 9 novembre 2016, la Cour de cassation confirme la possibilité d’une double candidature titulaire/suppléant aux élections professionnelles et précise par ailleurs que les listes de candidats incomplètes sont recevables. 

Au cas d’espèce, lors d’élections professionnelles, un employeur a estimé qu’une candidature unique (titulaire/suppléant) était irrecevable au motif que le protocole d’accord préélectoral prévoyait deux postes de titulaire et deux postes de suppléant à pourvoir. Selon cet employeur, les listes de titulaires et de suppléants déposées ne pouvaient donc pas comporter un seul et même nom.

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a eu à se demander si une liste de candidats pouvait comprendre un nombre de candidat inférieur au nombre de sièges à pourvoir et si une double candidature titulaire/suppléant était valable.

La Haute juridiction répond par l’affirmative à ces deux interrogations et rappelle qu’ « une liste peut comprendre un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, et qu’un salarié peut se porter candidat à une même fonction en qualité de titulaire et en qualité de suppléant ».

L’expert- comptable mandaté par le comité d’entreprise dans le cadre d’une mission légale d’examen annuel des comptes doit pouvoir accéder à la base de données relative au personnel

Par un arrêt en date du 9 novembre 2016 (n° 15-16.879), la Cour de cassation est venue préciser que l’employeur doit laisser l’expert-comptable accéder à sa base de données relative au personnel.

L’employeur ne peut décider si les documents dont l’expert-comptable du comité d’entreprise estime avoir besoin pour mener à bien sa mission légale sont ou non utiles à l’accomplissement de la mission légale.

Ainsi, même si ce n’est pas précisé dans le Code du travail, l’expert-comptable doit pouvoir accéder à la BDES, de laquelle il pourra extraire les informations lui permettant de mener sa mission. A défaut, l’employeur doit se charger de cette extraction.

La naissance d’une obligation de dénonciation du salarié auteur d’une infraction routière commise avec un véhicule de fonction

A compter du 1er janvier 2017, lorsqu’une infraction au Code de la route sera commise avec un véhicule de l’entreprise, l’employeur devra révéler l’identité du salarié, auteur de l’infraction, sous peine d’une amende de 750 euros.

Cette amende viendra s’ajouter à l’amende à payer pour l’infraction commise par le salarié au Code de la route.

L’incertitude sur les conséquences de l’absence de « grenellisation » des PLU : les élus confrontés au doute

En vertu des dispositions du V de l’article 19 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II », telles que modifiées par l’article 20 de la loi du 5 janvier 2011, puis par l’article 126 de la loi ALUR du 24 mars 2014, il est prévu que les plans locaux d’urbanisme approuvés avant le mois de juin 2011 « intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision et au plus tard le 1er janvier 2017 ».

Toutefois, quelques semaines avant cette date butoir, nombreuses sont les communes ne disposant pas d’un plan local d’urbanisme ayant fait l’objet d’une procédure de révision générale depuis l’entrée en vigueur des dispositions de cette loi.

Or, à ce jour, la question des conséquences que pourrait avoir cette absence de révision générale pour lesdits documents d’urbanisme n’a toujours pas reçu de réponse par la doctrine administrative (plusieurs parlementaires ont, depuis de nombreux mois, interrogé le gouvernement sur ce point : Q. n° 16651, JO Sénat 5 juin 2015 ; Q. n° 82538, JOAN du 23 juin 2015. François Baroin a, très récemment encore, également posé la question de l’avenir de ces PLU et sa question est – comme toutes celles posées avant celle-ci  – restée sans réponse à ce jour (Q. écrite n° 21750, JO Sénat du 12 mai 2016, p. 1981).

Dans cette attente, les communes se trouvent ainsi face à une problématique lourde de conséquences.

I. Ce qu’il faut entendre par le terme de « grenellisation »

Immédiatement, il n’apparaît pas inutile de rappeler ce que l’on entend par le terme, généralement utilisé, de « grenellisation » d’un PLU.

Précisément, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II », a modifié en profondeur le contenu des plans locaux d’urbanisme.

Plus spécifiquement, l’article 19 de cette loi a, quant à lui, modifié le chapitre III du Titre Ier du Livre Ier du Code de l’urbanisme.

En application de ces dispositions, le PLU doit ainsi être rédigé selon une organisation bien précise et comprendre certains éléments particuliers.

S’il est possible de résumer l’intégration de ces dispositions, on peut dire qu’en vertu de cet article, le PLU doit contenir les éléments suivants :

  • un rapport de présentation, qui doit contenir un diagnostic de l’état initial du territoire, présenter une analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, justifier les objectifs compris dans le Projet d’aménagement et de développement durable (PADD) au regard des objectifs de consommation de l’espace fixés, le cas échéant, par le SCOT ;
  • un PADD qui fixe des objectifs de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain (rappelons que le PADD doit être justifié par le Rapport de présentation et mis en œuvre par les Orientations d’aménagement et de programmation – OAP –  et le Règlement, qui restent les pièces du PLU directement opposables aux tiers) ;
  • des orientations d’aménagement et de programmation, qui peuvent comprendre certains éléments sans que cela soit obligatoire ;
  • un règlement et ses documents graphiques :
  • des annexes. 

Il nous semble toutefois que l’analyse de cette conformité entraînera nécessairement une analyse en profondeur de chacun des documents du PLU pour examiner s’ils intègrent bien ces principes de la loi Grenelle II.

Se pose alors la question de savoir à quelle date butoir ces dispositions doivent être intégrées aux PLU.

II. Les délais fixés par le législateur pour intégrer les dispositions du Grenelle II

Précisément, le V de l’article 19 de la loi « Grenelle II », tel que modifié en dernier lieu par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite loi ALUR par prévoit que :

« V. ― Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi, le cas échéant après son intégration à droit constant dans une nouvelle rédaction du livre Ier du code de l’urbanisme à laquelle il pourra être procédé en application de l’article 25 de la présente loi. 

Toutefois, les plans locaux d’urbanisme en cours d’élaboration ou de révision approuvés avant le 1er juillet 2013 dont le projet de plan a été arrêté par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal avant le 1er juillet 2012 peuvent opter pour l’application des dispositions antérieures. 

Les plans locaux d’urbanisme approuvés avant la date prévue au premier alinéa et ceux approuvés ou révisés en application du deuxième alinéa demeurent applicables. Ils intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision et au plus tard le 1er janvier 2017 ». 

Le législateur a ainsi fixé le 1er janvier 2017 comme date butoir pour que les PLU intègrent les dispositions de la loi « Grenelle II ».

Il doit être relevé que l’article 13 de la loi du 20 décembre 2014 sur la simplification de la vie des entreprises avait prévu que les dispositions susmentionnées de l’article 19 de la loi du 12 juillet 2010 ne s’appliqueraient pas si l’EPCI compétent avait engagé la procédure d’élaboration d’un PLUI avant le 31 décembre 2015.

Néanmoins, ces dispositions ont été abrogées, sans être recodifiées, par l’article 12 de l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Bien qu’à notre sens, la faculté qu’elles évoquent pourrait rester applicable dès lors que l’élément déclencheur de cette exception – l’engagement d’une procédure d’élaboration d’un PLUI avant le 31 décembre 2015 – est antérieur à l’entrée en vigueur de cette abrogation, il existe un flou auquel aucune réponse précise n’a été apportée (1).

III. Les conséquences possibles de l’absence d’intégration des dispositions du Grenelle II

La question principale reste donc celle des conséquences possibles de l’absence d’intégration des dispositions issues de la loi « Grenelle II ».

Comme cela ressort du Guide de légistique, l’utilisation du présent de l’indicatif dans le V précité de l’article 19 de cette loi apparaît conférer à ce texte un caractère impératif. 

Toutefois, contrairement à ce que le législateur a prévu pour les Plans d’occupation des Sols, à savoir une caducité programmée, aucune sanction n’a ici été prévue par le texte.

Deux raisonnements apparaissent ainsi pouvoir être tenus.

  1. La première analyse possible revient à considérer que l’absence d’intégration des dispositions susmentionnées au 1er janvier 2017 aura pour conséquence systématique de rendre l’entier document d’urbanisme illégal en ce qu’il n’a pas un contenu conforme aux exigences légales.

Au terme de cette analyse, le document dans son ensemble deviendrait alors inapplicable et, plus encore, le Maire devrait, à ce titre, prononcer son abrogation en raison de cette illégalité.

Ce raisonnement pourrait être justifié par plusieurs éléments. 

Tout d’abord, si le rapport de présentation du PLU n’est pas directement opposable aux tiers, il n’en reste pas moins que son insuffisance peut entraîner une annulation totale du PLU dès lors qu’il a pour objet de permettre de comprendre l’économie générale du plan et de connaître ses grandes orientations (CAA Douai, 13 mars 2008, n° 07DA00102 ; TA Nantes, 21 avril 2009, Association Sauvegarde de l’Anjou, n° 064265 in AJDA 2009 p. 1905, N. Wolff) (2).

Ensuite, le Juge administratif examine également le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-1 du Code de l’urbanisme (voir encore, CAA Douai, 17 avril 2014, Association Bois-Guillaume Réflexion, préc.).

Au surplus, il est vrai que le Juge administratif examine et peut sanctionner les incohérences et contradictions entre le rapport de présentation et le PADD (voir, pour l’examen de cette question : CAA Douai, 17 avril 2014, Association Bois-Guillaume Réflexion, n° 13DA00363 ; voir encore CAA Lyon, 18 novembre 2009, n° 07LY00802) ;

Se reposant sur ces éléments, certaines Directions départementales des territoires (par exemple, l’Eure et Loir), de même que certains auteurs, considèrent qu’il existe une automaticité entre l’absence d’intégration expresse des dispositions des lois Grenelle et l’illégalité de l’intégralité du PLU.

Cette position a des impacts extrêmement importants puisque, dans cette hypothèse d’une illégalité automatique de l’entier document d’urbanisme, c’est très certainement le Règlement national d’urbanisme (RNU) qui pourrait devoir s’appliquer.

Au surplus, les conséquences de cette hypothèse font naître en outre des incohérences puisque, à l’inverse, plusieurs dispositions permettent de maintenir les anciens POS malgré leur caducité programmée depuis de nombreuses années (articles L. 174-3, L. 174-5 et L. 174-6 du Code de l’urbanisme).

Or, les PLU – même non « grenellisés » – répondent à des exigences davantage poussées que les POS en termes d’aménagement de l’espace, d’environnement, de développement durable et de cohérence du projet d’urbanisme.

Empêcher ces PLU de se maintenir dans leur ensemble alors que certains POS peuvent, quant à eux, subsister, n’apparaîtrait pas conforme à la volonté des auteurs de ces dispositions.

Bien qu’elle apparaisse la plus simple, cette conséquence n’apparaît pas non plus juridiquement évidente.

2. Un second raisonnement pourrait donc, plus justement, être tenu.

Notamment, l’absence de mention d’une sanction spécifique de l’absence d’intégration de ces dispositions nous amène à penser que d’autres solutions que celle d’une illégalité totale du document d’urbanisme peuvent être trouvées.

Certaines Directions départementales des territoires et plusieurs Questions parlementaires évoquent cette seconde solution selon laquelle le PLU ne serait pas illégal dans son entier mais se trouverait partiellement « fragilisé » (voir, par exemple, la DDT de Saône et Loire ; voir également les questions parlementaires précitées).

Plusieurs arguments pourraient tendre à une solution plus mesurée que celle d’une illégalité totale du document d’urbanisme.

De première part, s’agissant de l’insuffisance du rapport de présentation, il convient de préciser que, lorsque ces insuffisances sont de nature à n’affecter qu’une zone, sans remettre en cause l’équilibre général du document, elles n’entraîneront pas une annulation totale du document (CAA Douai, 8 février 2007, Association Vigilance Eolienne de la Pévèle, n° 06DA00939).

Au surplus, le Juge administratif n’est pas formaliste : ainsi, il s’attachera à vérifier si les éléments manquant ne figurent pas dans une autre partie du document d’urbanisme (CAA Douai, 6 juillet 2007, Ville du Havre, n° 07DA00549).

En d’autres termes, les lacunes relevées dans le rapport peuvent être comblées par des éléments figurant dans d’autres parties dudit rapport ou, en tout état de cause, dans le document d’urbanisme.

Il ressort donc de l’ensemble de ce qui précède qu’une insuffisance apparente du rapport de présentation n’a nullement pour conséquence automatique une annulation totale du document d’urbanisme.

De deuxième part, de la même manière, l’absence ou l’insuffisance de l’évaluation environnementale n’entraîne pas systématiquement l’annulation du PLU.

Plus précisément, saisi d’un tel moyen – considéré comme ressortant d’un vice de forme – il appartient au Juge administratif d’examiner si cette insuffisance ou cette absence a pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou qu’elle a été de nature à exercer une influence sur la décision prise (CE, 14 octobre 2011, Société Ocreal, n° 323257).

Le Juge doit donc se prononcer sur le caractère suffisant des informations environnementales figurant dans le Rapport de présentation.

En d’autres termes, là encore, il n’existe aucune automaticité de la sanction, l’illégalité du document d’urbanisme ne pouvant être prononcée qu’en fonction des circonstances de l’espèce.

Par conséquent, au regard de ce qui précède, considérer que l’absence de « grenellisation » d’un PLU rendrait, de manière automatique et systématique, l’entier document d’urbanisme illégal pourrait apparaître excessif.

Au contraire, au travers d’un travail approfondi de lecture du PLU, le Juge administratif saisi de la question pourrait considérer que certains éléments de ce document apparaissent compatibles avec les lois Grenelle et, ainsi, ne pas annuler le document dans sa globalité.

A titre d’exemple, un PLU qui aurait été mis en compatibilité par le biais d’une déclaration de projet, pour une partie de son territoire, pourrait, selon nous, ne pas être considéré comme illégal dans son entier, dès lors que nécessairement, pour ce qui concerne ce territoire de projet, tous les éléments du document d’urbanisme auront été mis en compatibilité avec les lois en vigueur (en ce comprises la loi dite « Grenelle II »).

Ce faisant, les dispositions du PLU applicables sur un tel territoire, entièrement compatibles avec les lois Grenelle (rapport de présentation, PADD et règlement compris), n’auraient selon nous aucune raison d’être considérées comme illégales et inapplicables.

En conclusion, deux raisonnements peuvent être tenus en l’absence de doctrine administrative assurant une position précise sur le sujet :

  • soit, l’on considère que le PLU qui n’aurait pas fait l’objet d’une révision générale pour intégrer les dispositions de la Loi Grenelle II est entièrement illégal.

En l’absence de toute disposition évoquant une caducité, le document deviendrait illégal et inapplicable, dans son ensemble, et le Maire serait tenu de l’abroger, par souci de sécurité juridique maximale ; et la plus grande prudence imposerait de lancer une révision générale du PLU ;

  • soit, l’on considère que la « grenellisation » du PLU doit faire l’objet d’un examen approfondi par zone ou par document et que l’absence d’une révision générale du document ne peut pas entraîner une illégalité automatique du document d’urbanisme.

Cette seconde hypothèse permettrait ainsi de continuer à appliquer un PLU qui n’aurait pas fait l’objet d’une révision générale depuis la loi « Grenelle II » dès lors que certaines de ces dispositions apparaissent compatibles avec celle-ci. A titre d’exemple, tel pourra être le cas de PLU qui ont fait l’objet de procédures de mise en compatibilité avec des déclarations de projets ou des déclarations d’utilité publique.

Contrairement à celui portant une automaticité de la sanction, ce raisonnement répondrait en outre au pragmatisme du Juge administratif.

En tout état de cause, il apparaît fondamental que le gouvernement réponde le plus rapidement possible à la question posée par les parlementaires, afin que les Maires confrontés à cette problématique lourde de conséquences puissent enfin bénéficier d’une position assurée et élaborer la stratégie à adopter en conséquence.

A l’heure où ces lignes sont écrites, un espoir que ce soit le cas est possible.

Précisément, le projet de loi relatif à l’Egalité et à la Citoyenneté, tel qu’il a été approuvé en seconde lecture par l’Assemblée Nationale et transmis au Sénat le 25 novembre dernier, a intégré un article 33 bis FA, aux termes duquel :

« À la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du VIII de l’article 17 et à la seconde phrase du troisième alinéa du V de l’article 19 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « au plus tard » et, à la fin, les mots : « et au plus tard le 1er janvier 2017 » sont supprimés ».

En d’autres termes, si ces dispositions devaient être approuvées en seconde lecture par le Sénat, les PLU non grenellisés devront intégrer les dispositions de la loi portant engagement national pour l’environnement au plus tard lors de leur prochaine révision, sans qu’aucune date butoir ne soit plus précisée.

Cela permettrait aux Communes dont le PLU n’a pas encore fait l’objet de ce toilettage de pouvoir le faire dans le cadre de leur prochaine révision générale.

 Valentine TESSIER
Avocat à la Cour

 (1) Il n’en reste pas moins que la question de la persistance de ses effets reste toutefois posée, à tel point qu’un amendement au projet de Loi Egalité et Citoyenneté avait été déposé pour rétablir cette disposition, amendement toutefois non soutenu (Amendement n°383 au projet de loi n° 3679, présenté par M. Blein, avant l’article 33, non soutenu : http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3679/CSEGALITE/383.asp)

(2) CAA Marseille 2 juillet 2009, SA Briqueterie du Pont d’Avignon, n° 07MA00707 ;TA Strasbourg, 19 mai 2009, n° 0606389, in Environnement 2009 n° 10, comm. 123

Projets de loi de Finances pour 2017 et de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2016 : l’ISF n’est pas (encore) mort !

Les discutions parlementaires sur les projets de loi de finances (PLF) pour 2017 et de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2016 permettent au gouvernement de montrer que les objectifs affichés dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale se traduisent effectivement par l’adoption de nouvelles dispositions anti-abus donnant aux services fiscaux des pouvoirs de contrôle accrus.

S’agissant particulièrement de l’impôt sur la fortune (ISF), si un certain nombre de candidats déclarés à l’élection présidentielle de 2017 affichent leur intention de le supprimer, l’article 4 du PLF et l’article 20 du PLFR en discussion démontrent au contraire l’intention du gouvernement actuel d’en garantir une plus grande effectivité, en luttant contre des pratiques permettant à certains redevables de limiter abusivement leurs cotisations ISF.

L’article 4 du PLF prévoit la mise en place d’un mécanisme anti-abus visant à lutter contre certains détournements du plafonnement de l’ISF

Rappelons que l’ISF est plafonné en fonction du montant cumulé des impôts dus par le redevable.

Pour 2016, l’impôt sur les revenus de 2015 (prélèvements sociaux et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus inclus) ajouté à l’ISF 2016 ne doit pas dépasser 75% des revenus perçus en 2015. En cas de dépassement, la différence vient en déduction du montant de l’ISF.

Les motifs exposés dans le projet de loi le précisent : certains bénéficiaires du plafonnement de l’ISF ont mis en place des stratégies d’optimisation fiscale abusive visant à diminuer artificiellement le montant du revenu imposable afin de bénéficier d’un plafonnement plus important.

Certains redevables diminueraient leurs revenus imposables par capitalisation des revenus de capitaux mobiliers dans une société holding patrimoniale interposée, appelée « cash box ». Leur train de vie courant peut alors être assuré par l’utilisation des liquidités ou de l’épargne disponible, ou encore en ayant recours à l’emprunt.

Lorsque de telles pratiques seront mises à jour par les services fiscaux, les revenus du contribuable artificiellement minorés par le recours à la société holding pourront être réintégrés dans le calcul du plafonnement, augmentant ainsi la cotisation d’ISF exigible.

L’article 20 du PLFR prévoit quant à lui une clarification de la notion de bien professionnel

L’exposé des motifs du projet de loi précise que cet article a deux objectifs :

  • il doit en premier  lieu préciser la notion d « activité principale» dans le cadre du dispositif d’exonération de 75 % de la valeur des parts ou actions de sociétés détenues par les salariés ou mandataires sociaux dans lesquelles ces derniers exercent leur activité principale (article 885 I quater du Code général des impôts – CGI).

Dans d’autres dispositifs de faveur, l’exercice d’une activité professionnelle est caractérisé lorsque les revenus qui en sont issus représentent plus de 50 % des revenus du contribuable.

Dans le dispositif de l’article 885 I quater du CGI, aucune précision sur la notion d’ « activité principale » ne figure. Le gouvernement, considérant que cette situation est source d’incertitudes et donc de contentieux propose d’en expliciter le contenu en adaptant les critères de rémunération normale et de seuil de rémunération prévus, en matière de biens professionnels, par l’article 885 O bis du CGI et en y ajoutant une référence aux jetons de présence imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers afin de préserver le champ actuel de l’article 885 I quater qui vise nommément les mandataires sociaux.

La condition relative au caractère prépondérant de la rémunération perçue au titre de l’activité exercée dans l’entreprise est ainsi précisée, et les services fiscaux pourront donc engager des redressements lorsqu’ils considéreront que le redevable de l’ISF a bénéficié de l’exonération sur la base d’une activité professionnelle fictive et non rémunérée.

  • en second lieu, cet article a pour objet de lever toute ambiguïté sur les modalités de correction de la base de l’exonération des biens professionnels prévue à l’article 885 O ter du CGI.

L’article 885 O ter du CGI, dans sa rédaction actuelle, prévoit l’exonération totale de l’ISF des biens professionnels du contribuable. Lorsque le contribuable exerce sont activité au sein d’une société, l’exonération d’ISF ne s’applique pas aux actifs de la société non nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société.

La question de l’exonération des biens et actifs des filiales et sous-filiales de la société s’est posée en jurisprudence.

La modification légale prévue par l’article 20 du PLFR fait évidemment suite à l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 octobre 2015 qui a jugé que « l’article 885 O ter du Code général des impôts, qui limite la portée de l’exonération de taxation des biens professionnels, est d’interprétation stricte, en sorte que son champ d’application ne s’étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales des sociétés constituant un groupe et que le terme « société » qu’il mentionne, renvoie seulement à la société qualifiée de biens professionnels par l’article 885 O bis du même code, dans laquelle le contribuable détient des parts sociale ».

 Le gouvernement craint de voir se développer les pratiques abusives consistant à placer, en vue de bénéficier d’une exonération d’ISF les biens non nécessaires à l’activité professionnelle, tels que des biens issus du patrimoine personnel du dirigeant et réservés à son seul usage, dans des filiales ou sous-filiales de la société éligible au régime des biens professionnels.

Ainsi, en riposte à cette jurisprudence du 20 octobre 2015, l’article 20 du PLF envisage de préciser explicitement que sera exclue du bénéfice de l’exonération la fraction de la valeur des parts ou actions de la société constitutive du bien professionnel du redevable correspondant à la valeur des éléments du patrimoine social de ses filiales et sous-filiales qui serait représentative d’actifs non nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société constitutive du bien professionnel du redevable.

Cependant, il est prévu qu’aucun redressement ne sera effectué lorsque le contribuable démontrera qu’il est de bonne foi en ce qu’il n’était pas en mesure de disposer des informations nécessaires.

La loi pour une République numérique et l’aménagement numérique du territoire

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, pour une République numérique, dont un panorama général a été dressé dans la Lettre d’actualités juridiques n° 65, comporte plusieurs mesures intéressantes au titre de l’aménagement numérique du territoire.

Une série de mesures vise à faciliter le déploiement des réseaux de communications électroniques, qui concernent le plus souvent les réseaux d’initiative publique :

– l’article 71 confie au Ministre chargé des communications électroniques de fixer, sur proposition de l’ARCEP, les modalités et conditions d’attribution du statut de zone fibrée. Le statut sera attribué par décision de l’ARCEP ;

– l’article 73 complète l’article L. 48 du Code des postes et des communications électroniques pour étendre les servitudes dont dispose les opérateurs de communications électroniques sur les propriétaires privées, afin de faciliter le déploiement en façades d’immeubles et la mutualisation des supports ;

– l’article 74 vise à faciliter la mise en œuvre du droit à la fibre, institué en 2008 par la LME, en modifiant loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, de sorte à ce que les copropriétaires ne puissent refuser le fibrage de l’immeuble « sans motif sérieux et légitime » ;

– l’article 76 autorise les collectivités territoriales à acquérir ou céder des IRU – autrement appelés droits permanents, irrévocables et exclusifs d’usage de longue durée de réseaux de communications électroniques – en section d’investissement de leur budget ;

– l’article 77 modifie l’article L. 34-8-3 du Code des postes et des communications électroniques, relatif au déploiement des réseaux FTTH, pour permettre une différenciation tarifaire envers l’opérateur qui déploierait son propre réseau FTTH en parallèle d’un réseau FTTH existant ;

– l’article 78 donne pouvoir à l’ARCEP d’accepter les engagements de couverture des opérateurs de communications électroniques hors zone très dense et à l’ARCEP celui de les contrôler et de les sanctionner.

D’autres mesures, prévues à l’article 85, visent à renforcer les outils à disposition des opérateurs de communications électroniques, et en particulier de l’opérateur historique, en matière d’entretien des réseaux. La servitude d’élagage dont disposait l’établissement public France Telecom est, en quelque sorte, rétablie dans les servitudes de l’article L. 47 et dans les droits de passage de l’article L. 48. Une obligation générale d’entretien des abords de réseaux est posée à l’article L. 51 du Code des postes et des communications électroniques.

L’article 69 étend les compétences des collectivités et de leurs groupements en matière d’usages numériques en ajoutant aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique un volet relatif à la stratégie de développement des usages et services numériques.

En matière de gouvernance, l’article 70 apporte une dérogation à l’article L. 5721-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour autoriser un syndicat mixte ouvert à adhérer à un autre syndicat mixte ouvert dans le cadre des compétences prévues à l’article L. 1425-1 du CGCT.

Enfin, sur le plan fiscal, l’article 72 rend éligible au FCTVA les dépenses d’investissement réalisées sur la période 2015-2022, sous maîtrise d’ouvrage publique, en matière d’infrastructures passives de téléphonie mobile.

Loi NOTre : le rappel des conséquences de la nouvelle répartition des compétences en matière de développement économique sur les interventions des conseils départementaux

Par une circulaire du 3 novembre 2016, le Ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales a rappelé les conséquences de la suppression de la clause de compétence générale et de la nouvelle répartition des compétences. Cette circulaire, qui intervient à la suite d’une première instruction du 22 décembre 2015 sur le même thème, doit appeler la vigilance des départements qui souhaiteraient continuer à soutenir les entreprises et l’attractivité économique de leurs territoires.

La circulaire rappelle le principe découlant de la suppression de la clause de compétence générale, à savoir que le Département ne peut attribuer d’aides aux entreprises en dehors des cas prévus par la loi. A cet égard, la possibilité pour les Départements de se fonder sur la compétence de promotion des solidarités territoriales, introduite par la loi MAPTAM à l’article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), est exclue. Or, la solidarité territoriale sous-tend très souvent les actions de développement économique de certains Départements, notamment pour les territoires ruraux, de telle sorte que la distinction entre l’action économique et la solidarité territoriale est parfois très ténue. Pour autant, la circulaire ne laisse place au débat et tranche en faveur d’une appréciation indépendante des compétences de développement économique et de solidarité territoriale, cette dernière ne pouvant offrir un fondement juridique aux Départements pour intervenir dans des domaines désormais réservés par la loi à d’autres collectivités. 

Dans le même sens, les compétences partagées de tourisme, de culture ou de sport n’ont pas pour effet de déroger aux dispositions qui encadrent les aides aux entreprises. Cela peut s’avérer particulièrement délicat à mettre en œuvre dans la mesure où, suivant les territoires, les actions de tourisme et de développement économique se confondent. Dans une telle hypothèse, la continuité des interventions du Département devrait s’apprécier au cas par cas compte tenu des conséquences sur le territoire. A cet effet, il convient d’abord de souligner que la loi NOTRe n’opère pas de transfert de compétences en matière de développement économique, si bien que la continuité des actions économiques portées par le Département n’est pas automatique, les Régions et les intercommunalités n’ayant aucune obligation de reprendre les actions antérieurement entreprises par les Départements puisque la loi a uniquement imposé la tenue de débats en conférence territoriale de l’action publique (CTAP).

Par ailleurs, la circulaire indique que la Région ne peut pas déléguer au Département ses compétences en matière d’aides aux entreprises sur le fondement de l’article L. 1111-8 du CGCT permettant à une collectivité territoriale de déléguer à une collectivité relevant d’une autre catégorie une compétence dont elle est attributaire. La circulaire précise que l’article L. 1511-2 du CGCT déroge aux dispositions de l’article L. 1111-8 du CGCT dans la mesure où il prévoit que la Région peut déléguer tout ou partie des aides à la métropole de Lyon, aux communes et à leurs groupements sans évoquer le Département. C’est un point particulièrement contesté par l’Assemblée des Départements de France (ADF) qui va déposer un recours contre la circulaire, l’association ayant déposé un premier recours contre l’instruction du 22 décembre 2015 au sujet duquel le Conseil d’Etat devrait se prononcer au cours du mois de janvier 2017.

Les aides à l’immobilier d’entreprises

En matière d’aide à l’immobilier d’entreprise, seules les communes, la métropole de Lyon et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre sont compétents pour définir les régimes d’aides et décider de l’octroi de ces aides sur leurs territoires en matière d’immobilier des entreprises et de locations de terrains ou d’immeubles. Les communes et les EPCI peuvent déléguer la compétence d’octroi de tout ou partie des aides à l’immobilier d’entreprise (article L. 1511-3 du CGCT).

La circulaire opère une distinction (pour le moins confuse) des possibilités ouvertes aux Départements selon qu’ils détiendraient ou pas une délégation de compétence en matière d’octroi d’immobilier d’entreprises.

En ce qui concerne, tout d’abord, la possibilité pour le Département de maintenir un actionnariat majoritaire au sein d’une société d’économie mixte (SEM) ou d’une société publique locale d’aménagement (SPLA), la circonstance que le Département dispose d’une délégation en matière d’octroi d’aides à l’immobilier d’entreprise demeure indifférente à l’obligation pour le Département de céder au moins deux tiers de son actionnariat dans le cas où l’objet de la société ne relèverait plus de ses compétences. Les formes d’aide à l’entreprise sont expressément prévues par l’article L. 1511-3 du CGCT et ne comprennent pas en effet la prise de participation au sein d’une société.

S’agissant ensuite du maintien des Départements au sein des syndicats mixtes, la circulaire indique que les Départements doivent se retirer des syndicats mixtes chargés uniquement d’intervenir en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise. Pour autant, la loi ne prévoit ni le retrait d’office, ni d’obligation pour les Départements d’être à l’initiative de la procédure de retrait prévue à l’article L. 5721-6-3 du CGCT, aux termes duquel une collectivité territoriale peut être autorisée par le représentant de l’Etat dans le Département à se retirer d’un syndicat mixte si, à la suite d’une modification de la réglementation, de la situation de cette personne morale de droit public au regard de cette réglementation ou des compétences de cette personne morale, sa participation au syndicat mixte est devenue sans objet.

Si cette disposition permet de faciliter le retrait des Départements des syndicats mixtes ouverts (cette faculté existant déjà pour les syndicats mixtes fermés) dont l’objet ne correspondrait plus à leurs compétences, elle ne prévoit pas d’obligation de sortie des syndicats mixtes. Théoriquement, les Départements pourraient ainsi se maintenir au sein des syndicats intervenant en matière d’immobilier d’entreprise. En revanche, les actes tels que la contribution annuelle du Département restent soumis à un risque juridique et comptable qui peuvent compromettre le fonctionnement du syndicat. 

La circulaire semble ouvrir la possibilité pour les Départements qui bénéficient d’une délégation de se maintenir au sein des syndicats mixtes chargés d’intervenir en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise. Or, une telle interprétation paraît fragile d’un point de vue juridique, le Département ne pouvant transférer au syndicat une compétence dont il est simple délégataire.

En ce qui concerne, enfin, les zones d’activités économiques il est indiqué qu’en l’absence de délégation, les Départements doivent transférer les zones d’activités dont ils sont propriétaires à la commune ou à l’EPCI à fiscalité propre. En l’absence d’une procédure de transfert d’office et de compensation prévue par la loi,  le transfert de zones d’activités peut se confronter à des logiques de territoires et financières pouvant s’opposer au transfert effectif des zones d’activités.

Projet de loi de finances rectificative pour 2016 : les modifications envisagées des dispositions relatives au Versement Transport (article 26 II)

Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2016 a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 7 décembre dernier. Il a été déposé le 8 décembre au Sénat pour son examen en première lecture.

Il modifie notamment certaines dispositions relatives au versement transport, concernant l’extension du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, de la métropole de Lyon ou d’un syndicat mixte auquel a adhéré un EPCI à fiscalité propre. Par renvoi ces modifications s’appliquent également à la création d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) ou au transfert de cette compétence à un EPCI à fiscalité propre.

En effet, dans ce cas, il a été prévu que, sur décision de l’organe délibérant, le taux de versement transport peut être réduit par rapport au taux applicable sur le territoire des autres communes, pendant une durée maximale de 5 ans, pour les communes nouvellement incluses dans le périmètre et qui n’avaient, jusque là, pas institué le versement transport ou l’avaient fixé à un taux inférieur à celui appliqué sur le territoire des autres communes du groupement.

Cette période transitoire a été prévue afin de permettre une convergence progressive vers un taux de versement transport uniforme sur l’ensemble du nouveau périmètre.

Le PLFR pour 2016 propose d’aller encore plus loin en prévoyant, pour les communes nouvellement incluses, une période transitoire de convergence de 12 ans au lieu de 5 ans pendant laquelle le taux de versement transport peut être réduit ou même nul.

Toutefois, le texte prévoit une limite : le taux de versement transport adopté par les communes et EPCI ne peut être inférieur à celui qui était applicable « l’année précédant la modification de périmètre ». En matière de fusion d’EPCI, cela induit concrètement que le taux de versement transport doit demeurer au moins égal au taux propre applicable sur le périmètre de chacun des « anciens » EPCI l’année précédant la fusion.

Par ailleurs, le PLFR précise que, dans ces hypothèses et pendant la période de convergence, le taux de versement transport peut être réduit à un taux nul sur les périmètres qui n’étaient pas auparavant soumis au VT.

Jusque là, aucune disposition législative ne prévoyait l’impossibilité de fixer un taux nul de versement transport. Le texte précisait que le taux de versement transport pouvait être réduit, ce qui avait pu prêter à interprétation sur la possibilité d’instituer un taux nul.

La Direction générale des collectivités locales et la Direction générale des finances publiques avaient néanmoins retenu, de manière contestable, que le taux de versement transport pouvait être « très faible mais non nul » (Instruction conjointe relative à la mise en œuvre de la nouvelle carte de l’intercommunalité en application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, fiche n° 9).

Grâce à cette précision législative, si elle devait être définitivement adoptée, il serait désormais expressément prévu que le taux de versement transport peut être nul.

Notons que les amendements parlementaires proposant la suppression de ces nouvelles dispositions n’ont, soit pas été soutenus, soit ont été retirés. C’est donc dans cet état que le texte sera présenté en première lecture au Sénat les 15 et 16 décembre prochains.

 

 

 

Refonte du droit relatif à l’accès aux gares de voyageurs et autres infrastructures

Un décret publié le 1er novembre 2016 vient préciser les conditions d’un accès transparent et non discriminatoire aux installations de service reliées au réseau ferroviaire, telles que les gares de voyageurs.

Ce décret vient achever la transposition de la directive n° 2012/34/UE du 21 novembre 2012 du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen, laquelle opère une refonte, au sein d’un seul texte, des précédents textes constituant les trois « paquets ferroviaires ». Il modifie notamment le décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de services du réseau ferroviaire et le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferré national.

Aux termes de ces nouvelles dispositions, il est notamment prévu que les entreprises ferroviaires et candidats (au sens du 7° II de l’article préliminaire du décret du 7 mars 2003, lequel renvoie à l’article L. 2122-11 du Code des transports) doivent se voir « proposer dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoire des services de base » sur les installations de service.

Le décret apporte également des précisions concernant le périmètre des services de base et des prestations complémentaires et connexes régulées, ainsi que sur les modalités de calcul des redevances dues au titre des prestations régulées. Le montant des redevances « ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d’un bénéfice raisonnable ». Elles peuvent être fixées de manière pluriannuelle, mais la tarification doit en tout état de cause demeurer établie annuellement.

Les tarifs des redevances doivent être conformes à l’avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) et publiés par SNCF Réseau dans un délai contraint.

Par ailleurs, l’exploitant de l’installation doit tenir une comptabilité analytique de « l’ensemble des recettes et des charges relatives aux prestations régulées de l’installation ou de la catégorie d’installation de service ».

Concernant les gares de voyageurs, il est prévu que les directeurs de gares soient nommés pour cinq ans renouvelables « par arrêté du Ministre chargé des transports, sur proposition du conseil de surveillance de la SNCF et après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières », sachant qu’il peut être mis fin à leurs fonctions dans les mêmes formes.

Des dispositions transitoires ont été prévues : les exploitants d’installations de service, c’est-à-dire SNCF Gares & Connexions et SNCF Réseau, disposent en principe d’un délai de deux mois pour mettre en conformité leurs documents de référence (gares de voyageurs et réseau) avec ces nouvelles dispositions et pour transmettre à l’ARAFER les tarifs, ou projets de tarifs en cas de modifications, des redevances dues au titre des prestations régulées.

Le décret est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 2 novembre 2016.

 

La compétence exclusive de la juridiction administrative en matière de dommages de travaux publics

Par un arrêt en date du 16 novembre 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation réaffirme la compétence de la juridiction administrative en matière de dommages de travaux publics, tout en précisant que celle-ci s’applique également lorsque l’action est dirigée par la personne privée ayant exécuté les travaux.

En l’espèce, la société EUROVIA BOURGOGNE, assignée par Mme L. en réparation de son préjudice devant la juridiction judiciaire à la suite de travaux publics exécutés sur la Commune de Leynes, soulevait l’exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.

Exception qui a été rejetée par la Cour d’appel de Dijon aux motifs que le litige portait sur la responsabilité délictuelle d’une personne privée à l’égard d’une autre personne privée. La Cour de cassation casse cet arrêt en jugeant ainsi que « hormis le cas où le préjudice invoqué trouve sa cause déterminante dans l’action d’un véhicule, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître de l’action en réparation des dommages survenus à l’occasion de la réalisation de travaux publics, fût-elle dirigée contre la personne privée ayant exécuté ces travaux ».

La loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016, dite « Bloche », réintègre l’obligation de publicité légale pour les ventes ou cessions de fonds de commerce

Alors qu’elle avait été supprimée par la loi Macron du 7 août 2015, l’obligation de faire paraître une annonce légale en cas de vente d’un fonds de commerce vient d’être rétablie par la nouvelle loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016, dite « Loi Bloche » visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

En effet, jusqu’en août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi Macron, deux publications devaient être effectuées en cas de vente ou cession d’un fonds de commerce :

  • la première dans un journal d’annonces légales (JAL) ;
  • la deuxième au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC) et celle-ci devait mentionner la date de publication de la première insertion.

Or, dans un but de simplification, la loi Macron d’août 2015 avait supprimé cette double publication en ne conservant que celle du BODACC.

À compter du 15 novembre 2016, date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi Bloche, qui vient d’être promulguée, l’obligation de double publication pour le vendeur d’un fonds de commerce est rétablie.

Rappelons que, comme auparavant, cette annonce doit être publiée dans les 15 jours suivant la signature de l’acte.

La publication doit être effectuée dans un journal habilité dans l’arrondissement ou le département dans lequel le fonds est exploité, et sous forme d’extrait ou d’avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

Précisions sur la communication d’une liste électorale à un électeur par le maire ou le Préfet

Le Conseil d’Etat a, dans une décision de Section en date du 2 décembre 2016, précisé les dispositions des articles L. 28 et R. 16 du Code électoral, relatifs à la communication d’une liste électorale (CE, 2 décembre 2016, n° 388979).

Plus précisément, l’article L. 28 de ce Code prévoit la possibilité pour « tout électeur, tout candidat et tout parti ou groupement politique » de prendre communication et copie de la liste électorale d’une commune.

Le dernier alinéa de l’article R. 16 du même Code indique quant à lui que « tout électeur peut prendre communication et copie de la liste électorale et des tableaux rectificatifs à la mairie, ou à la préfecture pour l’ensemble des communes du département à la condition de s’engager à ne pas en faire un usage purement commercial ».

L’objectif poursuivi par ces dernières dispositions est de prévenir une exploitation commerciale des données personnelles contenues dans une liste électorale, à savoir le nom, la date et le lieu de naissance, l’adresse du domicile ou du lieu de résidence des personnes inscrites, ainsi que la nationalité s’agissant des électeurs ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France.

Dans sa décision du 2 décembre 2016, le Conseil d’Etat, après avoir précisé que ces articles « ont pour objet de concourir à la libre expression du suffrage », a jugé que « tout électeur inscrit sur une liste électorale » peut prendre communication et copie de la liste électorale « d’une commune ». Ce faisant, il a estimé que l’expression « tout électeur » doit s’entendre au sens large et ne vise pas les seuls inscrits sur les listes électorales de la commune concernée par la demande.

Il a également indiqué que la demande doit être adressée à la mairie mais qu’elle peut l’être à la préfecture de département si elle porte sur plusieurs communes dudit département.

En outre, afin d’éviter toute exploitation commerciale des données personnelles contenues dans la liste électorale, le Conseil d’Etat a envisagé la possibilité pour le Maire ou le Préfet de refuser sa communication, « nonobstant l’engagement pris par le demandeur » sur le fondement de l’article R. 16 du Code électoral.

Il a ainsi jugé que « s’il existe, au vu des éléments dont elle dispose nonobstant l’engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l’usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial, l’autorité compétente peut rejeter la demande de communication de la ou des listes électorales dont elle est saisie ».

A cet égard, il a précisé qu’il est loisible à l’autorité compétente « de solliciter du demandeur qu’il produise tout élément d’information de nature à lui permettre de s’assurer de la sincérité de son engagement de ne faire de la liste électorale qu’un usage conforme aux dispositions des articles L. 28 et R. 16 du Code électoral. L’absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte parmi d’autres éléments, par l’autorité compétente afin d’apprécier, sous le contrôle du Juge, les suites qu’il convient de réserver à la demande dont elle est saisie ».

A noter que les dispositions en cause ont été modifiées par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

En effet, l’article 7 de cette loi a élevé au rang législatif les dispositions du Code électoral tendant à prévenir l’usage commercial des listes électorales. Les articles L. 28 et R. 16 de ce Code auront donc vocation à être fusionnés sur ce point à l’article 37 du même code, étant précisé que la loi du 1er août 2016 entrera en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat et, au plus tard, le 31 décembre 2019 (article 16).

Une commune peut désigner ses conseillers communautaires au sein d’un nouvel EPCI avant la création de cet EPCI

Dans une décision en date du 16 novembre 2016, le Conseil d’Etat a jugé qu’aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit ne fait obstacle à ce que la désignation par une commune de ses conseillers communautaires au sein d’un nouvel établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’intervienne avant que le Préfet n’ait pris l’arrêté portant création du nouvel EPCI au sein duquel ces conseillers sont appelés à siéger, conformément à un cadre légal déjà fixé à la date de cette désignation par des arrêtés préfectoraux ayant arrêté le schéma de coopération intercommunale, le périmètre de fusion des deux EPCI et le nombre et la répartition des sièges au sein du nouveau conseil communautaire (CE, 16 novembre 2016, n° 398262).

Dans l’affaire qui était soumise au Conseil d’Etat, un nouvel EPCI issu de la fusion de deux anciens EPCI devait naître au 1er janvier 2016, dans le cadre de la révision de la carte intercommunale prévue par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi MAPTAM).

Plus précisément, après l’intervention, le 4 mars 2015, du schéma régional de coopération intercommunale (SRCI) de la Région Île-de-France (équivalant en grande couronne des schémas départementaux de coopération intercommunale – SDCI – pour le reste du territoire), arrêté par le Préfet de Région, le Préfet des Yvelines avait, le 18 mai suivant, arrêté un projet de périmètre du nouvel EPCI. Le nombre et la répartition des sièges au sein de cet EPCI avaient ensuite été fixés par un arrêté du Préfet de Région du 16 décembre 2015, l’arrêté du Préfet des Yvelines portant fusion des deux EPCI et création du nouvel EPCI étant intervenu, quant à lui, le 24 décembre suivant.

Or le conseil municipal de l’une des communes membres du futur EPCI avait procédé à l’élection de ses représentants au conseil communautaire dès le 19 décembre 2015.

Le Conseil d’Etat était donc saisi de la question de savoir si cette élection était intervenue précocement ou non.

Il a jugé que l’élection des conseillers communautaires pouvait intervenir dès lors que le cadre légal de la création de l’EPCI était précisé par les arrêtés susmentionnés, à savoir ceux arrêtant le SRCI, le projet de périmètre et le nombre ainsi que la répartition des sièges au conseil communautaire, et ce quand bien même l’arrêté portant création de l’EPCI ne serait pas intervenu à la date de l’élection.

Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet aux communes concernées de pouvoir espérer convoquer leur conseil municipal avant les congés de la période de Noël pour élire leurs représentants au nouveau conseil communautaire, alors que les arrêtés de création des EPCI interviennent, le plus souvent, à la fin du mois de décembre.

La solution retenue par le Conseil d’Etat confirme partiellement et précise une solution retenue par le Juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier dans une ordonnance du 9 octobre 2003. Le Juge des référés de cette juridiction avait en effet admis qu’il puisse être procédé, avant la prise d’effet d’un arrêté de fusion, à la désignation des conseillers communautaires et organisé une première réunion de l’organe délibérant pour élire le président et les membres du bureau.

Le Juge avait plus précisément considéré que ces élections constituaient des mesures d’organisation interne destinées à préparer la mise en œuvre de l’arrêté de fusion à compter de sa date d’effet et ne constituait pas « un exercice anticipé des compétences » (TA de Montpellier, 9 octobre 2003, Ria Sirach contre communauté de communes de Conflent ; Réponse ministérielle, JOAN, Question écrite avec réponse n° 30831, 2 juillet 2013).

Le Conseil d’Etat a ainsi confirmé que l’élection des conseillers communautaires pouvait intervenir préalablement à la création de l’EPCI mais ne s’est pas prononcé, dans la mesure où il n’était pas saisi de la question, sur la possibilité, assez surprenante pourtant mais évoquée dans la réponse ministérielle précitée, de réunir, avant cette date, l’organe délibérant de l’EPCI pour en élire le bureau.

En pratique, dans le cadre des actuelles fusions pour mise en œuvre des SDCI, cette décision va pouvoir être utilement appliquée dès que les Préfets auront adopté l’arrêté portant répartition des sièges du nouvel EPCI, les communes pourront désigner leurs nouveaux délégués.

Fixation du loyer binaire de renouvellement : retour au statut

Cass. civ., 3ème, 3 novembre 2016, n° 15-16.826

Cass. civ. 3ème, 3 novembre 2016, n° 15-16.827

La stipulation selon laquelle le loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au Juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.

Par deux arrêts de censure partielle qui figureront à son Rapport, la Cour de cassation réintègre dans le giron du statut des baux commerciaux la détermination, lors du renouvellement du contrat, de la partie fixe d’un loyer binaire.

En vogue dans les centres commerciaux, le loyer binaire (également appelé « loyer clause-recettes ») se caractérise par l’existence d’un loyer minimum garanti, complété par un loyer variable additionnel calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur.

Or, au motif que le statut des baux commerciaux envisage un prix unique et non pas un loyer composite, la jurisprudence considère que ce mode de fixation échappe aux règles statutaires, renvoyant les parties aux termes de leur convention (V., en matière de révision du loyer, Civ. 3e, 15 mai 1991, n° 89-20.847, D. 1991. 364, obs. L. Rozès ; V. aussi, concernant le loyer de renouvellement, l’arrêt Théâtre Saint-Georges et ses nombreuses décisions successives).

En dépit d’une tentative de la pratique de contrecarrer cette jurisprudence, en insérant dans les baux une stipulation en vertu de laquelle le loyer minimum garanti sera, en renouvellement, fixé à la valeur locative, les cours d’appel de Limoges et d’Aix-en-Provence ont persisté à considérer qu’il existe une incompatibilité entre le loyer binaire et l’application des règles de l’article L. 145-33 du Code de commerce (Limoges, 4 sept. 2014, n° 13/00095, AJDI 2015. 514 ; Aix-en-Provence, 19 févr. 2015, n° 13/11349, AJDI 2015. 514).

À l’occasion d’un pourvoi dirigé contre deux arrêts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la Haute juridiction clarifie la situation en précisant qu’une telle stipulation n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au Juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.

Dénégation du statut en cours d’instance

Un bailleur qui a délivré un congé avec refus de renouvellement peut, au cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, dénier l’application du statut des baux commerciaux.

En l’espèce, une commune a donné à bail à un particulier diverses parcelles de terre pour une durée neuf années à compter du 1er janvier 1994. Ce bail a été renouvelé jusqu’au 31 décembre 2011 par délibération du conseil municipal. Toutefois, le 30 juin 2011, la commune a délivré au preneur un « congé sans offre de renouvellement de bail commercial » pour le 31 décembre 2011, « en application de l’article L.145-14 du Code de commerce ». Le congé rappelle également au preneur les termes du dernier alinéa de l’article L. 145-9 de ce Code relatif à la possibilité de contester le congé ou de demander une indemnité d’éviction. Le preneur a donc saisi le Tribunal de grande instance afin d’obtenir le paiement de cette indemnité d’éviction.

La commune s’est opposée à ces demandes en contestant la qualification du bail. Selon cette dernière, ce bail doit être exclu du statut des baux commerciaux puisqu’il porte sur des terrains nus.

En première instance, le Tribunal a débouté le preneur de sa demande en refusant d’appliquer le statut des baux commerciaux. Toutefois, la Cour d’appel a infirmé cette décision, les magistrats ayant estimé que la contestation sur la qualification du bail était en contradiction avec les termes du congé.

Or il s’induit de cette contradiction que la contestation était infondée, le bail relevant du statut des baux commerciaux.

La commune forme alors un pourvoi dont le moyen unique reproche à la Cour d’appel d’avoir violé les articles 12 et 73 du Code de procédure civile. La Cour de cassation a donc dû s’interroger sur la possibilité pour le bailleur, qui a notifié un congé faisant application du statut des baux commerciaux et prévoyant la possibilité pour le preneur de demander l’octroi d’une indemnité d’éviction, de contester l’application de ce statut au cours de l’instance engagée en vue du paiement de cette indemnité.

La Cour de cassation répond par l’affirmative et casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 72 du Code de procédure civile. Malgré la délivrance d’un congé sur le fondement du statut des baux commerciaux, un bailleur peut dénier l’application de ce statut puisque les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause, y compris au cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction.

Pas d’indemnisation des jours épargnés sans délibération, quel que soit le fondement de la demande

Dans cette affaire, le Département avait refusé de faire droit à la demande d’un agent qui, parti à la retraite après une longue période de maladie, avait sollicité que les jours de repos de son compte épargne-temps fassent l’objet d’une indemnisation, faute pour lui d’en bénéficier sous forme de congés supplémentaires.

Confirmant la légalité de la décision du Département, le Conseil d’Etat a précisé dans cet arrêt que les règles du décret n° 2004-878 du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique territoriale doivent faire l’objet d’une application stricte, et notamment celle posée à l’article 3 selon laquelle « lorsqu’une collectivité ou un établissement n’a pas prévu, par délibération, prise en vertu du deuxième alinéa de l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l’indemnisation ou la prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique des droits ainsi épargnés sur le compte épargne-temps au terme de chaque année civile, l’agent ne peut les utiliser que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l’article 3 du décret du 26 novembre 1985 susvisé ».

Ainsi, après avoir écarté la demande de la requérante de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité au motif que les dispositions en vigueur méconnaîtraient le droit de propriété et le principe d’égalité devant la loi, le Conseil d’Etat a précisé que : « ni l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ni l’article 87 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ni l’article 5 du décret du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale n’ont pour objet ou pour effet d’instituer un droit à rémunération des jours épargnés sur un compte épargne-temps qui n’ont pu être utilisés sous forme de congé du fait du placement de l’agent en congé maladie préalablement à sa cessation de fonctions et qui ne peuvent, faute de délibération de la collectivité en ce sens, donner lieu à indemnisation ».

Publication du projet de décret relatif aux Commissions consultatives paritaires

Le projet de décret attendu à la suite de la modification du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale par le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale est enfin paru.

Pour mémoire, les formalités de consultation préalable de commissions mises en place par la nouvelle version du décret du 15 février 1988 n’ont pour le moment pas à être respectées par les collectivités, en vertu de la théorie des formalités impossibles (voir pour une illustration de la théorie : CE, 30 décembre 2003, Hôpital local du Croisic, n° 249262).

La publication de ce projet de décret indique cependant que l’entrée en vigueur des dispositions attendues approche, et que les collectivités devront donc bientôt travailler à la mise en place de ces commissions afin de respecter les nouvelles procédures imposées par le décret n° 88-145.

Le projet ainsi publié permet à cette fin d’avoir un premier aperçu des modalités d’organisation des commissions consultatives paritaires, et des travaux à mener pour leur institution prochaine.

Il rappelle par ailleurs dans son article 18 quel sera le champ d’intervention desdites commissions, lequel est en définitive assez large : décisions de licenciement, décision de non renouvellement des contrats d’agent investis d’un mandat syndical, sanctions disciplinaires autres que l’avertissement et le blâme, etc …

L’absence justifiée d’un agent contractuel pour raison médicale à son entretien préalable entraîne l’annulation de son licenciement

Recrutée par contrat à durée indéterminée sur un emploi d’animatrice, la requérante avait sollicité l’annulation de l’arrêté par lequel le Maire de la Commune d’Hermonville l’avait licenciée à la suite de la suppression de son poste.

La question posée en l’espèce était de savoir si en fixant son entretien préalable à une date à laquelle la requérante ne pouvait y participer la collectivité avait méconnu la procédure, fixée par l’article 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale dans sa version alors applicable, selon laquelle le licenciement ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable.

La Cour y a répondu par l’affirmative en jugeant que « la commune devait procéder à une nouvelle convocation afin de lui permettre de bénéficier d’un entretien préalable dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l’article 42 du décret du 15 février 1988 ».

Reste cependant que l’arrêt repose sur le fait que l’entretien était fixé à un créneau horaire correspondant à une interdiction médicale de sortie de l’agent de son domicile.

C’est ainsi qu’une absence de l’agent à un entretien ne suffit pas, seule, à l’annulation de la décision (CAA Bordeaux, 6 mai 2014, Monsieur V. contre Commune de Bordeaux, n° 12BX03238) : encore faut-il établir réellement l’impossibilité – connue de l’administration – qu’avait l’agent de s’y rendre.

Mais en pareille hypothèse, l’administration doit rester vigilante pour, au besoin, organiser un nouvel entretien.

Confirmation de la recevabilité du recours porté devant le Juge judiciaire pour indemniser le préjudice subi du fait d’un recours abusif contre une autorisation d’urbanisme

Lorsque l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme a été créé par l’Ordonnance n° 2016-638 du 18 juillet 2013, la question a pu se poser de savoir si ces dispositions excluaient désormais la possibilité pour un pétitionnaire de saisir le Juge judiciaire, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 (devenu 1240) du Code civil, d’une demande d’indemnisation du préjudice subi du fait d’un recours abusif formé contre le permis dont il était titulaire.

Si les Juges du fond avaient depuis eu l’occasion de rejeter les moyens tirés d’une telle irrecevabilité, la Cour de cassation vient de rendre une décision mettant un terme au débat.

Elle confirme ainsi que les dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme n’ont ni pour objet, ni pour effet, d’écarter la compétence de droit commun pour indemniser, sur le fondement des dispositions susmentionnées du Code civil, le préjudice subi du fait d’un recours abusif.

Les pétitionnaires pourront donc solliciter, d’une part, devant le Juge administratif, l’allocation de dommages-intérêts lorsqu’ils démontreront avoir subi « un préjudice excessif » du fait d’un recours « mis en œuvre  des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant » et, d’autre part, devant le Juge judiciaire, l’indemnisation de tout le préjudice subi du fait du même recours.

Cette décision est heureuse car on sait les réticences du Juge administratif à reconnaître comme remplies les conditions très strictes posées par l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. Il aurait donc été peu équitable, dans ces conditions, de refuser aux pétitionnaires de se tourner vers la voie judiciaire pour faire valoir leur entier préjudice.

Actualités de l’interprétation de l’article L. 212-1 du Code des relations entre le public et l’administration (ancien article 4 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration)

CE, 22 juillet 2016, Association Accomplir, n° 389056

CE, 12 octobre 2016, M. A., n° 395307

Pour mémoire, l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration (DCRA) désormais repris à l’article L. 212-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) énonce que :

« Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».

Or, dans les deux espèces ici examinées, la question de l’application de ces dispositions a été posée.

Dans la première, « Association Accomplir », la Cour administrative d’appel de Paris avait annulé la délibération attaquée au motif que le second alinéa de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, désormais repris à l’article L. 212-1 du CRPA, avait été méconnu.

Autrement dit, constatant le défaut de preuve établissant la signature de ladite délibération par le Maire de Paris, la Cour a considéré que la délibération était irrégulière et l’a annulée.

Mais saisi de cette décision, le Conseil d’Etat a censuré l’interprétation de la Cour estimant qu’elle avait commis une erreur de droit.

En effet, le Conseil d’Etat a d’abord considéré que les dispositions générales de la loi DCRA invoquées par le requérant ne pouvaient pas s’appliquer aux délibérations, dans la mesure où les dispositions spéciales de l’article L. 2121-23 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) existaient spécifiquement pour ces actes. Ces dispositions prévoient pour mémoire que les délibérations :

« sont signées par tous les membres présents à la séance, ou mention est faite de la cause qui les a empêchés de signer » (L. 2121-23 du CGCT).

Néanmoins, le Conseil d’Etat poursuit, en indiquant que les dispositions spéciales de l’article L. 2121-23 du CGCT « ne sont pas prescrites à peine de nullité de ces délibérations ».

Dès lors, au terme de cette première espèce, il convient de noter que les délibérations ne sont pas soumises aux dispositions de l’article L. 212-1 du CRPA, qu’en outre, les dispositions spéciales du CGCT qui posent le principe selon lequel les délibérations doivent être signées, ne s’imposent pas à peine de nullité.

Dans la seconde espèce, un jury fédéral de la Fédération française d’études et de sports sous-marins a refusé à Monsieur B. par une décision en date du 10 juillet 2010 de lui délivrer le brevet de moniteur fédéral. Monsieur B. a demandé au Président de la Commission technique régionale de réviser ses notes au titre de l’examen du Brevet, demande qui a été refusée par une décision en date du 16 octobre 2010.

Prenant acte de ce refus, Monsieur B a formé un recours administratif auprès du Président de la Commission technique régionale qui a également refusé sa demande par une décision du 7 novembre 2010.

En première instance, le Tribunal administratif a rejeté sa requête. La Cour administrative d’appel de Nantes a également rejeté l’appel formé par Monsieur B. contre ce jugement.

Saisi en dernier ressort, le Conseil d’Etat a rappelé les dispositions du dernier alinéa de l’article 4 de la loi DCRA, codifié pour mémoire à l’article L. 212-1 du CRPA, et indique ensuite :

« que si ces dispositions imposent qu’une décision écrite prise par une des autorités administratives au sens de cette loi comporte la signature de son auteur et les mentions prévues par cet article, elles n’ont ni pour objet ni pour effet d’imposer que toute décision prise par ces autorités administratives prenne une forme écrite » (CE, 12 octobre 2016, préc).

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que l’appréciation des mérites du candidat aux épreuves de l’examen de moniteur fédéral n’avait pas à prendre une forme écrite dans la mesure où aucune disposition des règlements et chartes des examens de la fédération française d’études et de sports sous-marins n’imposaient une telle formalisation.

Autrement dit, si le principe général posé désormais par l’article L. 212-1 du CRPA s’impose, il n’implique pas obligatoirement que toute décision prenne nécessairement une forme écrite. Ainsi, une décision non écrite, c’est-à-dire, dépourvue d’instrumentum, n’en demeure pas moins légale. Plus encore, un moyen qui opposerait l’article L. 212-1 du CRPA à une décision de ce type, c’est-à-dire non écrite, serait inopérant.