le 14/12/2016

Projets de loi de Finances pour 2017 et de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2016 : l’ISF n’est pas (encore) mort !

Les discutions parlementaires sur les projets de loi de finances (PLF) pour 2017 et de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2016 permettent au gouvernement de montrer que les objectifs affichés dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale se traduisent effectivement par l’adoption de nouvelles dispositions anti-abus donnant aux services fiscaux des pouvoirs de contrôle accrus.

S’agissant particulièrement de l’impôt sur la fortune (ISF), si un certain nombre de candidats déclarés à l’élection présidentielle de 2017 affichent leur intention de le supprimer, l’article 4 du PLF et l’article 20 du PLFR en discussion démontrent au contraire l’intention du gouvernement actuel d’en garantir une plus grande effectivité, en luttant contre des pratiques permettant à certains redevables de limiter abusivement leurs cotisations ISF.

L’article 4 du PLF prévoit la mise en place d’un mécanisme anti-abus visant à lutter contre certains détournements du plafonnement de l’ISF

Rappelons que l’ISF est plafonné en fonction du montant cumulé des impôts dus par le redevable.

Pour 2016, l’impôt sur les revenus de 2015 (prélèvements sociaux et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus inclus) ajouté à l’ISF 2016 ne doit pas dépasser 75% des revenus perçus en 2015. En cas de dépassement, la différence vient en déduction du montant de l’ISF.

Les motifs exposés dans le projet de loi le précisent : certains bénéficiaires du plafonnement de l’ISF ont mis en place des stratégies d’optimisation fiscale abusive visant à diminuer artificiellement le montant du revenu imposable afin de bénéficier d’un plafonnement plus important.

Certains redevables diminueraient leurs revenus imposables par capitalisation des revenus de capitaux mobiliers dans une société holding patrimoniale interposée, appelée « cash box ». Leur train de vie courant peut alors être assuré par l’utilisation des liquidités ou de l’épargne disponible, ou encore en ayant recours à l’emprunt.

Lorsque de telles pratiques seront mises à jour par les services fiscaux, les revenus du contribuable artificiellement minorés par le recours à la société holding pourront être réintégrés dans le calcul du plafonnement, augmentant ainsi la cotisation d’ISF exigible.

L’article 20 du PLFR prévoit quant à lui une clarification de la notion de bien professionnel

L’exposé des motifs du projet de loi précise que cet article a deux objectifs :

  • il doit en premier  lieu préciser la notion d « activité principale» dans le cadre du dispositif d’exonération de 75 % de la valeur des parts ou actions de sociétés détenues par les salariés ou mandataires sociaux dans lesquelles ces derniers exercent leur activité principale (article 885 I quater du Code général des impôts – CGI).

Dans d’autres dispositifs de faveur, l’exercice d’une activité professionnelle est caractérisé lorsque les revenus qui en sont issus représentent plus de 50 % des revenus du contribuable.

Dans le dispositif de l’article 885 I quater du CGI, aucune précision sur la notion d’ « activité principale » ne figure. Le gouvernement, considérant que cette situation est source d’incertitudes et donc de contentieux propose d’en expliciter le contenu en adaptant les critères de rémunération normale et de seuil de rémunération prévus, en matière de biens professionnels, par l’article 885 O bis du CGI et en y ajoutant une référence aux jetons de présence imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers afin de préserver le champ actuel de l’article 885 I quater qui vise nommément les mandataires sociaux.

La condition relative au caractère prépondérant de la rémunération perçue au titre de l’activité exercée dans l’entreprise est ainsi précisée, et les services fiscaux pourront donc engager des redressements lorsqu’ils considéreront que le redevable de l’ISF a bénéficié de l’exonération sur la base d’une activité professionnelle fictive et non rémunérée.

  • en second lieu, cet article a pour objet de lever toute ambiguïté sur les modalités de correction de la base de l’exonération des biens professionnels prévue à l’article 885 O ter du CGI.

L’article 885 O ter du CGI, dans sa rédaction actuelle, prévoit l’exonération totale de l’ISF des biens professionnels du contribuable. Lorsque le contribuable exerce sont activité au sein d’une société, l’exonération d’ISF ne s’applique pas aux actifs de la société non nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société.

La question de l’exonération des biens et actifs des filiales et sous-filiales de la société s’est posée en jurisprudence.

La modification légale prévue par l’article 20 du PLFR fait évidemment suite à l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 octobre 2015 qui a jugé que « l’article 885 O ter du Code général des impôts, qui limite la portée de l’exonération de taxation des biens professionnels, est d’interprétation stricte, en sorte que son champ d’application ne s’étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales des sociétés constituant un groupe et que le terme « société » qu’il mentionne, renvoie seulement à la société qualifiée de biens professionnels par l’article 885 O bis du même code, dans laquelle le contribuable détient des parts sociale ».

 Le gouvernement craint de voir se développer les pratiques abusives consistant à placer, en vue de bénéficier d’une exonération d’ISF les biens non nécessaires à l’activité professionnelle, tels que des biens issus du patrimoine personnel du dirigeant et réservés à son seul usage, dans des filiales ou sous-filiales de la société éligible au régime des biens professionnels.

Ainsi, en riposte à cette jurisprudence du 20 octobre 2015, l’article 20 du PLF envisage de préciser explicitement que sera exclue du bénéfice de l’exonération la fraction de la valeur des parts ou actions de la société constitutive du bien professionnel du redevable correspondant à la valeur des éléments du patrimoine social de ses filiales et sous-filiales qui serait représentative d’actifs non nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société constitutive du bien professionnel du redevable.

Cependant, il est prévu qu’aucun redressement ne sera effectué lorsque le contribuable démontrera qu’il est de bonne foi en ce qu’il n’était pas en mesure de disposer des informations nécessaires.