ICPE – Précisions relatives aux prescriptions complémentaires applicables

A l’occasion d’un litige concernant la Société Antargaz, le Juge administratif a précisé le champ des prescriptions complémentaires que le Préfet pouvait imposer à un exploitant d’ICPE soumise à autorisation (CAA Nantes, 17 octobre 2016, Société Antargaz, n° 15NT01671).

Dans cette espèce, le Préfet d’Ille-et-Vilaine avait adopté, à l’encontre de la Société Antargaz, un arrêté complémentaire fondé que les dispositions des articles L. 512-3 et
R. 512-33 du Code de l’environnement qui permettent aux service de l’Etat de prescrire des mesures complémentaires lorsque toute modification apportée par l’exploitant à son installation, à son mode d’utilisation ou à son voisinage entraîne un changement notable des éléments du dossier de demande d’autorisation portée, avant sa réalisation, à la connaissance du Préfet. Les mesures consistaient dans le déplacement « de postes de chargement et de déchargement des camions-citernes implantés en limite nord du dépôt, vers le centre d’installation, sur l’emplacement libéré par les anciennes sphères aériennes ».

Or, ces mesures, présentées par le représentant de la société lui-même, étaient envisagées sur le fondement de l’article L. 512-16 du Code de l’environnement qui prévoit la possibilité, sans préjudice des mesures complémentaires prises par le Préfet, pour les plans de prévention des risques technologiques (PPRT), de mettre à la charge de l’exploitant des mesures supplémentaires permettant de réduire le périmètre des secteurs susceptibles de prévention prévues par le même article.

Saisi de la légalité de l’arrêté préfectoral, le Juge a alors indiqué qu’ « il résulte des dispositions précitées de l’article L. 512-3 du Code de l’environnement que les arrêtés complémentaires pris postérieurement à l’autorisation initiale d’exploiter ne peuvent comporter que des mesures jugées indispensables, au jour où elles sont édictées, à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même Code », de sorte que l’arrêté qui prescrit des mesures envisagées par l’exploitant lui-même dans le cadre d’un PPRT et qui n’est justifié par aucun changement postérieur des conditions d’exploitation, ni dans les circonstances de droit, ni dans les circonstances de fait, qui auraient conduit le Préfet à modifier son appréciation quant à la probabilité ou à la gravité des risques que ferait peser l’activité de la société sur le respect des intérêts environnementaux visés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement, et à durcir en conséquence les conditions imposées par l’arrêté initial du 18 avril 2008, doit être annulé.

Le Juge précise encore que « si la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie soutient qu’il était impossible d’inclure les modifications en litige par voie de prescriptions supplémentaires dès lors qu’elles n’avaient pas fait l’objet, avant le début de l’enquête publique, de la convention de financement prévue par les dispositions de l’article L. 515-19, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la mesure effectivement imposée par l’arrêté préfectoral en litige ».

Les impacts des évolutions du droit de l’environnement sur les opérations d’aménagement

Récemment, le droit de l’environnement a connu des évolutions qui ont notamment des effets, directs ou indirects, sur les opérations d’aménagement.

C’est en ce sens qu’il est apparu nécessaire de mettre en exergue les évolutions les plus marquantes en cette matière. L’objectif ne visant pas à l’exhaustivité mais simplement à attirer l’attention sur les nombreuses modifications du droit, imposant toujours plus de vigilance pour les praticiens.

1. Les conséquences de la réforme des évaluations environnementales sur les zones d’aménagement concertées

L’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, ainsi que son décret d’application n° 2016-1110 du 11 août 2016, ont vocation à simplifier les règles et assurer leur conformité au droit de l’Union Européenne.

L’ordonnance met fin à la distinction en droit français entre « évaluation environnementale » et « étude d’impact ». Désormais, la notion d’évaluation environnementale recouvre l’ensemble de la procédure concourant à la prise de décision, laquelle inclut notamment la réalisation d’un rapport d’évaluation sur les incidences sur l’environnement et les consultations (article L. 122-1 III du Code de l’environnement).

Sans reprendre l’article de la lettre d’actualité du Cabinet du mois de septembre 2016 relative aux précisions sur la réforme de l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, il nous paraissait important de souligner ici que l’application de ces textes mérite une attention particulière en matière d’opérations d’aménagement et, plus particulièrement, concernant les zones d’aménagement concertées (ZAC).

En premier lieu, si l’article 1er de l’ordonnance vise à clarifier différentes notions propres à l’évaluation environnementale, l’application de ces dernières en matière de ZAC mérite encore quelques éclaircissements.

La notion « d’autorisation », notamment, est définie comme la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit au maître d’ouvrage de réaliser le projet. Or, cette notion est difficilement transposable en matière de ZAC, puisque le Code de l’urbanisme ne prévoit pas d’acte de la procédure constituant une « décision ouvrant le droit au maître d’ouvrage de réaliser le projet ».

Précisément, ni l’acte de création de la ZAC, ni celui d’approbation du dossier de réalisation ne constituent une « autorisation » au sens de l’article 1er de l’ordonnance. Une analyse stricte du texte pourrait ainsi laisser supposer que la ZAC n’est pas soumise aux règles relatives aux projets soumis à évaluation environnementale.

Toutefois, cette analyse n’est pas satisfaisante, dès lors que la ZAC figure expressément au sein de la nomenclature (numéro 39) des « projets soumis à évaluation environnementale », de façon systématique ou au cas par cas, suivant l’ampleur de l’opération (annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement).

Par conséquent, il nous semble que les définitions posées à l’article L. 122-1 appliquées à la ZAC peuvent être entendues comme suit :

  • la décision créant la ZAC peut être entendue comme la première « autorisation» du projet ;
  • l’acte d’approbation du dossier de réalisation de la ZAC, lorsque ce dernier comprend des compléments à l’étude d’impact est également une « autorisation» ;
  • le « projet» est l’opération d’aménagement ;
  • le « maître d’ouvrage» est la personne qui a pris l’initiative de la ZAC ;
  • « L’autorité compétente» est la personne compétente pour créer la ZAC.

En deuxième lieu, le champ d’application de l’évaluation environnementale en matière de ZAC a été modifié et le décret du 11 août 2016 supprime toute condition relative à l’existence d’un document d’urbanisme applicable sur le territoire de la commune où se situe la ZAC.

Désormais, pour s’assurer de la soumission de la procédure de ZAC à l’évaluation environnementale, il suffira de vérifier les éléments suivants, tels qu’ils figurent à l’annexe à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, dans la rubrique 39 : (Dictionnaire permanent, Contr-Urb, La ZAC, n° 48, fév. 2017) :

  Terrain d’assiette inférieur à 5 ha Terrain d’assiette ≥ 5 ha et inférieure à 10 ha Terrain d’assiette ≥ 10 ha
Surface de plancher inférieure à 10.000 m² Pas d’étude d’impact Cas par cas Obligatoire
Surface de plancher ≥ à 10.000 m² et inférieure à 40.000 m² Cas par cas Cas par cas Obligatoire
Surface de plancher ≥ 40.000 m² Obligatoire Obligatoire Obligatoire

Les composantes d’un projet donnant lieu à une procédure de ZAC ne sont pas concernées par la présente rubrique si le projet dont elles font partie fait l’objet d’une étude d’impact ou en a été dispensé à l’issue d’un examen au cas par cas.
Sur ce point, il convient de relever la volonté louable d’éviter les redondances entre les études d’impact successives sur un même territoire.   

En troisième lieu, en application de l’article 6 de l’ordonnance du 3 août 2016, les nouvelles dispositions ont différentes dates d’entrées en vigueur qu’il apparaît nécessaire de balayer.

Il convient de relever plus particulièrement concernant les procédures de ZAC que :

  • Les ZAC relevant d’un examen au cas par cas devront faire application de la réforme dès lors que la demande d’examen est déposée à compter du 1er janvier 2017 ;
  • Les ZAC relevant d’une évaluation environnementale obligatoire devront faire application de la réforme dès lors que la première demande d’examen est déposée à compter du 16 mai 2017.

Sur ce deuxième point, il convient de relever que l’ordonnance prévoit une autre date d’entrée en vigueur lorsque l’autorité compétente est également le maître d’ouvrage (hypothèse la plus fréquente en matière de ZAC). Cette entrée en vigueur est soumise aux projets dont l’enquête publique est ouverte à compter du 1er février 2017. Or, aucune enquête publique n’est obligatoire en ZAC. Aussi, en matière de ZAC, nous ne sommes pas certains que cette distinction de date d’entrée en vigueur propre aux projets pour lesquels l’autorité compétente est également le maître d’ouvrage soit applicable. Dans le doute, il nous semble possible de considérer que les ZAC devant faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique sont toutes soumises à la réforme de l’évaluation environnementale dès lors que la décision de créer la ZAC est adoptée à compter du 16 mai 2017 – cette décision pouvant être entendue comme la « première demande d’autorisation » (position adoptée également par les auteurs du Dictionnaire permanent, Constr-Urb, La ZAC, n° 47 et s.).

En quatrième et dernier lieu, il convient de relever que le décret du 11 août 2016 créé des procédures dites « communes ou coordonnées » d’évaluation environnementale permettant à l’étude des incidences du projet de planification de valoir étude d’impact du projet. Selon un auteur, cette articulation peut avoir un intérêt notamment lorsqu’un PLU doit être adopté pour rendre possible un projet lui-même soumis à étude d’impact (Steve Herce, Les études d’impact revisitées par l’ordonnance du 3 août 2016, BDEI, déc. 2016).

En matière de ZAC, cette procédure pose question. En effet, d’une part, en théorie, la jurisprudence estime que les procédures de création et de réalisation de la ZAC sont dissociées de la procédure d’évolution du document d’urbanisme (CE, 26 juillet 2011, Société Innov Immo, n° 320457 ; CE, Avis, 4 juillet 2012, Commune de Marseille, n° 356221). D’autre part, en pratique, un projet d’aménagement réalisé en ZAC est bien souvent précisé en cours de réalisation. Il est donc rare qu’il soit possible de faire évoluer un PLU pour y introduire des règles nouvelles induites par une opération d’aménagement au stade de la création ou de l’approbation du dossier de réalisation de la ZAC.

En conclusion, si la réforme de l’évaluation environnementale vise à clarifier et simplifier les procédures, quelques points posent encore question et les praticiens devront trancher à défaut de jurisprudence encore rendue sur ces sujets.

2. La réforme de la participation du public sur les décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement

Par une ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016, le Législateur a réformé les procédures de participation du public aux différentes étapes précédant la prise de décision relative aux opérations susceptibles d’avoir une influence sur l’environnement.

La réforme apporte plusieurs évolutions concernant les procédures d’information et de participation du public, afin de renforcer leur effectivité mais également de les simplifier.

Jugée encore bien trop timide par certains auteurs, il n’en demeure pas moins que cette réforme a le mérite de renforcer et de consolider certains principes (Fl. JAMAY, L’ordonnance du 3 août 2016, un dialogue environnemental encore bien timide, Energie – Environnement – Infrastructure n°12, déc. 2016, comm. 82).

Ses dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017. 

En premier lieu, il convient de retenir que la réforme vise à définir les principes de la participation du public en définissant ses objectifs et les garanties apportées au public.

L’objectif premier est ainsi d’améliorer la qualité de la décision publique et de contribuer à la légitimité démocratique, l’idée étant sans doute de limiter les risques contentieux (Dictionnaire permanent, La participation du public se démocratise, 10 février 2017).

A ce titre, sur le plan du contentieux, il convient de relever que sur le modèle de l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme, l’ordonnance prévoit, aux termes d’un nouvel article L. 121-22 du Code de l’environnement, que l’illégalité pour vice de forme ou de procédure des décisions prises en application du chapitre Ier relatif à la participation du public à l’élaboration des plans, programmes et projets ayant une incidence sur le droit de l’environnement ne peut être invoquée, par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de leur prise d’effet, à l’encontre de la décision d’autorisation du projet. 

En deuxième lieu, les missions de la Commission nationale du débat public se voient renforcées. Le champ du débat public est élargi et, notamment, cette procédure peut désormais être mise en œuvre pour l’organisation de concertations préalables pouvant concerner les plans et programmes.

En troisième lieu, l’article L. 121-17 du Code de l’environnement prévoit la possibilité d’une concertation préalable organisée à l’initiative des administrés lorsque le projet n’est soumis ni à évaluation environnementale, ni à débat public, ni à concertation préalable ouverte sur décision de la CNDP, du maître d’ouvrage ou de l’autorité administrative. Le droit d’initiative du public implique certaines conditions prévues par les textes ainsi qu’une demande expresse au Préfet, lequel est chargé d’étudier la recevabilité et l’opportunité de la demande.

En quatrième lieu, l’Ordonnance vise à moderniser les procédures d’enquête publiques en accélérant leur dématérialisation.

Par ailleurs, l’Ordonnance favorise le recours à une procédure d’enquête publique unique et commune pour les projets, plans ou programmes nécessitant la réalisation de plusieurs enquêtes (article L. 123-6 du Code de l’environnement).

Enfin, l’Ordonnance crée également une procédure de « participation du public par voie électronique » pour les plans, programmes et projets non soumis à enquête publique.

Elle correspond à l’actuelle procédure de « mise à disposition du public », s’effectuera par voie électronique et sera ouverte et organisée par l’autorité compétente pour autoriser les projets ou approuver les plans et programmes (article L. 123-19 du Code de l’environnement ; voir également analyse de JC ZARKA, La réforme du dialogue environnemental, JCP, n° 41, 17 octobre 2016, 2271).

3. Le renforcement attendu du contrôle administratif sur les installations polluantes

Les récentes évolutions du droit de l’environnement ont également concerné le droit des installations polluantes, intéressant également, là encore, les opérations d’aménagement.

Indépendamment des poursuites pénales qui sont susceptibles d’être engagées à son encontre, il doit être rappelé que l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement (« ICPE » ci-après) peut se voir infliger des sanctions administratives, dans deux hypothèses :

  • l’inobservation par l’exploitant des conditions d’exploitation de son installation (article L.171-8 du Code de l’environnement) ;
  • l’exploitation d’une installation en l’absence de déclaration, d’enregistrement ou d’autorisation requise au titre du Code de l’environnement (article L. 171-7).

Afin d’assurer la conformité du droit interne avec le droit de l’Union européenne, l’ordonnance n° 2017-124 du 2 février 2017, publiée au Journal Officiel du 3 février, renforce ce dispositif de mesures et de sanctions administratives applicables en cas d’installations irrégulières.

Précisément, la Commission européenne avait estimé que ce dispositif n’était pas en conformité avec la Directive 2001-92 relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

Jusqu’alors, lorsqu’une installation classée était exploitée sans l’autorisation requise, le Préfet pouvait mettre en demeure l’exploitant de déposer, suivant la catégorie d’installation, une déclaration, une demande d’enregistrement ou une demande d’autorisation dans un délai librement fixé.

Toutefois, aucun délai maximum n’était prévu pour contraindre l’exploitant à régulariser sa situation.

L’ordonnance susmentionnée vise à encadrer plus strictement les modalités de régularisation d’une ICPE exploitée sans la formalité requise par le Code de l’environnement.

De première part, le texte prévoit que l’exploitant dispose d’un délai d’un an maximum pour régulariser sa situation.

De deuxième part, pendant ce délai laissé à l’exploitant, l’autorité administrative pourra désormais suspendre le fonctionnement des installations jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’autorisation requise par le Code de l’environnement, sauf à ce que des motifs d’intérêt général, et plus précisément, les intérêts protégés par le Code de l’environnement, ne s’y opposent.

Comme avant, pendant le délai de régularisation, l’autorité administrative conserve la faculté d’édicter des mesures conservatoires au frais de l’exploitant mis en demeure.

De troisième part, à l’expiration du délai d’un an, en cas de non-respect de la mise en demeure ou de rejet de la demande de régularisation, le Préfet devra ordonner la fermeture ou la suppression de l’installation illégale.

L’ordonnance précise que l’autorité administrative conservera par ailleurs la possibilité de faire usage des autres sanctions administratives prévues par l’article L. 171-8 du Code de l’environnement, à savoir la consignation, les travaux d’office, la suspension du fonctionnement de l’installation comme elle disposera désormais d’un délai de trois ans, au lieu d’un, pour prononcer une amende à l’égard de l’exploitant à compter de la constatation des manquements.

Prise sur le fondement de l’article 106 de la loi dite « Macron » du 6 août 2015 qui habilite le Gouvernement à modifier par voie d’ordonnance les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, l’ordonnance du 2 février 2017 renforce ainsi le contrôle administratif sur les installations polluantes, dans l’optique de limiter les dangers et les inconvénients générés par leur exploitation irrégulière.

4. La généralisation bienvenue du dispositif de l’autorisation environnementale unique

Pour rappel, en matière de projets d’ICPE et d’installations, ouvrages, travaux et activités (« IOTA » ci-après) soumises à la législation sur l’eau, l’autorisation environnementale unique était expérimentée depuis 2014 dans certaines régions.

Prises en application de loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014, pour les ICPE, et l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, pour les IOTA, avaient instauré ces expérimentations dans l’objectif de remédier à la multiplication des procédures distinctes pour un même projet, source de complexité inutile tant pour les entreprises que pour les services de l’État.

Le succès de l’expérimentation menée a conduit le Gouvernement à vouloir pérenniser le dispositif d’autorisation environnementale unique. C’est l’objet de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 et des deux décrets d’application du même jour (décret n° 2017-81 et n° 2017-82). Sans prétendre à l’exhaustivité, voici une brève présentation de son régime juridique, rappelée dans la précédente LAJEE.

De première part, le dispositif d’autorisation environnementale unique est entré en vigueur le 1er mars 2017 pour les projets déposés à compter de cette date. Toutefois, le porteur de projet peut encore choisir jusqu’au 30 juin 2017 entre la demande d’autorisation unique ou plusieurs demandes d’autorisations.

De deuxième part, le champ d’application de cette autorisation est précisé par le nouvel article L.181-1 du Code de l’environnement. Ainsi, sont désormais soumis à la nouvelle procédure :

  • les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation sur l’eau et les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), lorsqu’ils relèvent du régime d’autorisation ;
  • les projets soumis à évaluation environnementale et qui ne sont pas soumis à une autorisation administrative susceptible de porter les mesures d’évitement, de réduction ou de compensation.

Les procédures d’autorisation ICPE et IOTA disparaissent donc en tant que telles. Les procédures de déclaration et d’enregistrement restent inchangées.

De troisième part, l’autorisation environnementale unique se substitue à d’autres régimes et, précisément, aux termes de l’article L. 181-2, elle vaut également :

– autorisation spéciale au titre des réserves naturelles nationales et des réserves naturelles classées en Corse par l’Etat ;

– autorisation spéciale au titre des sites classés ou en instance de classement ;

– dérogation aux mesures de protection de la faune et de la flore sauvage ;

– absence d’opposition au titre des sites Natura 2000 ;

– déclaration ou agrément pour l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés ;

– agrément pour le traitement de déchets ;

– autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité ;

– autorisation d’émission de gaz à effet de serre ;

– autorisation de défrichement ;

– pour les éoliennes terrestres, autorisations au titre des obstacles à la navigation aérienne, des servitudes militaires et des abords des monuments historiques et sites patrimoniaux remarquables ;

– déclaration IOTA, enregistrement ou déclaration ICPE.

De quatrième part, la procédure est sécurisée puisque le porteur de projet pourra désormais,  en amont de sa demande d’autorisation, solliciter du Préfet toute information utile ou, encore, la délivrance d’un certificat de projet indiquant  les régimes, décisions et procédures applicables à son projet  (article L.181-5 et L.181-6).

De cinquième part, s’agissant de l’articulation avec les autorisations d’urbanisme, l’autorisation environnementale unique ne dispense pas le pétitionnaire de solliciter les permis de construire nécessaires à son projet, sauf en ce qui concerne les éoliennes.

Néanmoins, l’ordonnance précise l’articulation entre les deux procédures d’autorisation (art. L. 181-9 et L. 181-30). Ainsi, l’autorisation d’urbanisme peut être délivrée avant l’autorisation environnementale. En revanche, elle ne peut être exécutée qu’après la délivrance de celle-ci.

De sixième part, lorsque plusieurs pétitionnaires souhaiteront réaliser sur un même site plusieurs projets, ils pourront solliciter une autorisation environnementale unique. En revanche, pour les projets complexes et de grande ampleur, la demande pourra s’effectuer par tranches, ces dernières devant tout de même comporter une certaine cohérence du point de vue de leurs enjeux environnementaux (article L. 181-7).

De septième part, s’agissant du délai d’instruction de la demande d’autorisation, il est réduit à 9 mois contre 15 mois environ auparavant (article L. 181-9 du même Code et sauf cas particuliers prévus par l’ordonnance). Il se décompose comme tel :

– une phase d’examen du projet fixée à quatre mois (R. 181-17 du Code) ;

– une phase d’enquête publique fixée à trois mois (R. 181-36, R. 123-5 et R. 123-6 du Code) ;

– une phase de décision fixée également à deux mois (R. 181-41 du Code).

De huitième part, les textes précisent que la demande d’autorisation environnementale sera déposée auprès du préfet du département dans lequel se situe le projet (R. 181-12 du même Code) qui est seule autorité compétente pour la délivrer (R. 181-2 du même Code).

De neuvième part, le contenu du dossier est précisé. Ainsi, le dossier d’autorisation, qui doit porter sur l’ensemble des autorisations intégrées auxquelles le projet est soumis, comporte une étude d’impact ou une étude d’incidence environnementale (art. R. 181-12 à R. 181-15). Le décret n°2017-82 du 26 janvier 2017 complète le décret précité n° 2017-81 du même jour afin de préciser le contenu du dossier de demande d’autorisation environnementale en fonction des intérêts à protéger (art. D.181-15-1 à D.181-15-9).

Un arrêté fournira ultérieurement un modèle de formulaire de demande d’autorisation.

De dixième part, en cas de modification substantielle du projet ou des modalités de sa mise en œuvre, une nouvelle autorisation environnementale sera requise. Par ailleurs, si le projet est modifié, ou si son exécution ne respecte pas les prescriptions édictées, le Préfet peut, de sa propre initiative ou sur demande du bénéficiaire, imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect de ces dispositions (art. L.181-14).

De onzième part, le régime contentieux de cette autorisation unique est clarifié et unifié. Ainsi, les délais de recours contentieux sont fixés à deux mois pour le pétitionnaire, et à quatre mois pour les tiers (art. R. 181 45). Ce dernier délai peut être prorogé de deux mois en cas de recours des tiers qui disposent d’un droit de réclamation s’ils estiment que les prescriptions fixées sont insuffisantes (art. R. 181 47).

L’ordonnance précise que l’autorisation environnementale est soumise au régime du plein contentieux (article L. 181-17) ce qui permettra au Juge administratif de n’annuler qu’une partie de la procédure d’autorisation environnementale, ou de l’autorisation, et de surseoir à statuer jusqu’à régularisation.

En généralisant l’autorisation environnementale unique, il est permis d’espérer de cette réforme un réel allègement des formalités pour les porteurs de projet et une réduction attendue des délais d’instruction.

5. Le verdissement des PLU renforcé par la loi pour la reconquête de la biodiversité

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a également fait évoluer, comme presque chacune des lois votées au Parlement, le droit de l’urbanisme et a des impacts sur la réalisation des opérations d’aménagement. Précisons d’emblée que cette loi est entrée en vigueur le 10 août 2016, lendemain de sa publication au journal officiel.

Plusieurs modifications doivent être mises en exergue car elles donnent aux autorités compétentes de nouveaux outils juridiques pour respecter des exigences environnementales dans la création architecturale.

De première part, la loi biodiversité permet aux plans locaux d’urbanisme de classer certains éléments des trames vertes et bleues, nécessaires à la préservation ou à la remise en état des continuités écologiques, en Espaces de continuités écologiques (nouveaux articles L. 113-29 et L. 113-30 du Code de l’urbanisme).

Ces espaces de continuités pourront être protégés grâce à plusieurs outils :

  • par le classement en zone Agricole (R. 151-22 et R. 151-23) ;
  • au sein du Règlement de la zone, par la délimitation des terrains nécessaires aux continuités écologiques (R. 151-41) ;
  • ou encore par l’élaboration d’orientations d’aménagement et de programmation (ci-après OAP) spécifiques (L. 151-7).

De deuxième part, la loi biodiversité complète l’article L. 111-19 du Code de l’urbanisme en prévoyant que les nouvelles constructions soumises à une autorisation d’exploitation commerciale sur le fondement des dispositions de l’article L. 752-1 du Code de commerce ne pourront être autorisées qu’aux deux conditions suivantes :

  • si ces constructions intègrent « sur tout ou partie de leurs toitures, et de façon non exclusive, soit des procédés de production d’énergies renouvelables, soit un système de végétalisation basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité, soit d’autres dispositifs aboutissant au même résultat » ;
  • si elles intègrent, sur les aires de stationnement, « des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols ».

Ces dispositions sont applicables aux permis de construire dont la demande a été déposée à compter du 1er mars 2017.

Enfin, outre la ratification de l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, cette loi permet de pallier deux oublis de la recodification du Code de l’urbanisme par ladite Ordonnance. 

Précisément, d’une part, la loi n° 2014-366 dite loi ALUR avait intégré dans le Code de l’urbanisme une nouvelle obligation de procéder à la révision du Plan local d’urbanisme pour ouvrir à l’urbanisation une zone classée en AU et qui, dans les neuf ans de sa création, n’avait pas encore été ouverte à l’urbanisation ni fait l’objet d’acquisitions foncières significatives de la part de la Commune ou de l’EPCI compétent, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur foncier.

Toutefois, cette disposition n’avait pas été reprise par l’Ordonnance susmentionnée portant recodification du livre I du Code de l’urbanisme.

La loi biodiversité pallie cette erreur en ajoutant un 4° à l’article L. 153-31 du Code de l’urbanisme.

D’autre part, l’Ordonnance susmentionnée avait supprimé par erreur les servitudes de localisation.

La loi biodiversité, grâce à un amendement inséré en cours de discussion parlementaire, corrige cet oubli en insérant un dernier alinéa à l’article L. 151-41 du Code de l’urbanisme, permettant la création de servitudes « pouvant être instituées dans les zones urbaines et dans les zones à urbaniser, pour indiquer la localisation prévue et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d’intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier, en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements ».

6. L’exigence tenant à la Grenellisation des PLU repoussée

En vertu des dispositions du V de l’article 19 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II », telles que modifiées par l’article 20 de la loi du 5 janvier 2011, puis par l’article 126 de la loi ALUR du 24 mars 2014, il était prévu que les plans locaux d’urbanisme approuvés avant le mois de juin 2011 « intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision et au plus tard le 1er janvier 2017 ».

Toutefois, nombreuses étaient les communes ne disposant pas d’un plan local d’urbanisme ayant fait l’objet d’une procédure de révision générale depuis l’entrée en vigueur des dispositions de cette loi.

Or, en ce début d’année, malgré l’échéance de cette date butoir, la question des conséquences que pourrait avoir cette absence de révision générale pour lesdits documents d’urbanisme n’avait toujours pas reçu de réponse par la doctrine administrative (plusieurs parlementaires ont, depuis de nombreux mois, interrogé le gouvernement sur ce point : Q. n° 16651, JO Sénat 5 juin 2015 ; Q. n° 82538, JOAN du 23 juin 2015 ; Q. écrite n° 21750, JO Sénat du 12 mai 2016, p. 1981).

Dans cette attente, les communes se trouvaient ainsi face à une problématique lourde de conséquences.

C’est donc avec un immense soulagement qu’elles ont vu l’adoption, le 22 décembre 2016, de la loi relative à l’Egalité et la Citoyenneté.

Celle-ci a ainsi permis de repousser les dates fixées par la loi « Grenelle II » pour le verdissement des PLU et, conséquemment, de repousser les difficultés posées – et non résolues en l’absence de réponse du gouvernement – par l’absence de « grenellisation » de certains PLU. Les dispositions des articles 17 et 19 de la Loi Grenelle II sont ainsi modifiées, imposant désormais que les PLU non grenellisé devront intégrer ces dispositions au plus tard lors de leur prochaine révision, sans qu’aucune date précise ne soit plus fixée.

En considération de tout ce qui précède, force est de constater que l’interaction entre le droit de l’environnement et l’aménagement est devenue une véritable évidence. L’interpénétration de ces deux matières est prégnante et impose aux acteurs de l’aménagement de prendre en considération ces exigences au moment d’élaborer leurs projets.

Elina ASIKA
Valentine TESSIER
Morgan BUNEL
Avocats à la Cour

Inapplicabilité de la prescription biennale en cas de recouvrement de la rémunération indue obtenue par fraude

En l’espèce, l’affaire soumise au Conseil d’Etat concernait une ancienne secrétaire de mairie de la Commune de Montreuil-sur-Ille qui, à la suite d’un contrôle de la Chambre régionale des comptes de Bretagne, s’était vue notifier par le Maire un titre exécutoire d’un montant de 33.890,52 euros en raison de l’illégalité de sa nomination au grade d’attaché territorial principal, signée par ses soins.

Plus précisément, ce titre émis le 26 octobre 2016 visait au recouvrement de la différence entre la rémunération qu’elle aurait été en droit de percevoir dans son ancien grade et celle irrégulièrement perçue en tant qu’attaché territorial principal, sur la période du 1er janvier 2008 au 1er mai 2012, date de son départ à la retraite.

Si l’article 37-1 de la loi du n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations pose le principe selon lequel les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents ne peuvent être répétées que dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné (y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive), le Conseil d’Etat a pris en considération le fait que, en réalité, l’arrêté de nomination en qualité d’attaché principal ne pouvait intervenir faute de création par le Conseil municipal d’un emploi ad hoc et donc d’une nomination régulière.

Ce faisant, en application de l’exception prévue au 3ème alinéa de l’article 37-1 de la loi précitée, le Conseil d’Etat a confirmé la légalité du recouvrement, alors même que le délai de deux ans était expiré.

Relaxé au plan pénal du chef de détournement de fonds publics relatif aux rémunérations perçues en tant qu’attaché principal, l’agent devra donc néanmoins rembourser à la collectivité le trop-perçu de rémunération constaté.

Le Conseil d’Etat précise les conditions du recours au bail emphytéotique cultuel

Les 22 et 23 avril 2013, le Conseil de Paris a approuvé la division en volumes du site de l’Institut des cultures d’Islam (ICI), situé dans le XVIIIème arrondissement de Paris.

L’objectif de cette opération était de distinguer les espaces affectés aux activités culturelles, qui demeurent propriété de la Ville, des volumes destinés à accueillir le futur lieu de culte.

Par cette délibération, le Conseil de Paris a également autorisé la conclusion d’un bail emphytéotique administratif avec la Société des Habous et des Lieux Saints de l’Islam, association relevant de la loi du 9 juillet 2001 relative  la liberté d’association.

Le bail emphytéotique, portant uniquement sur les volumes destinés à servir d’assiette à des locaux cultuels, a été conclu pour une durée de 99 ans et consenti en contrepartie d’un loyer capitalisé d’une euro.

Le bail prévoyait également une clause de cession du lieu de culte au profit de l’association.

Un contribuable local a alors saisi le Tribunal administratif de Paris en vue de l’annulation de cette délibération et de la décision du maire de conclure le bail avec l’association précitée.

Par un jugement en date du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le recours, ce jugement ayant toutefois été annulé par la Cour administratif d’appel de Paris par un arrêt du 26 octobre 2015 (1).

La Cour a en effet estimé que l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales ouvre la faculté aux collectivités territoriales de conclure un bail emphytéotique en vue de l’édification d’un lieu de culte affectée à des « associations ayant exclusivement pour objet l’exercice d’un culte » à savoir les associations cultuelles visées à l’article 19 de loi du 9 décembre 1905, ce qui n’est pas le cas en l’espèce de Société des Habous et des Lieux Saints de l’Islam.

La Ville de Paris a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat en soutenant que, par un tel raisonnement, la Cour avait entaché sa décision d’une erreur de droit en ce qu’elle a ajouté une condition à l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales non prévue par le législateur.

Ainsi, la présente affaire posait la question de savoir quelles sont les associations pouvant bénéficier d’un bail emphytéotique administratif prévu à l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales en vue de l’édification ou de l’aménagement d’un lieu de culte.

En effet, la notion d’association cultuelle visée à l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales vise t’elle les associations répondant aux critères stricts du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 ? Ou bien est-il permis de retenir une conception plus souple de cette notion qui permettrait pour les besoins de l’application de l’article L. 1311-2 précité à des associations n’ayant pas exclusivement un objet cultuel de conclure un bail emphytéotique en vue de d’édification d’un lieu de culte ?

Autrement dit, existe-t-il une conception autonome de la notion d’association cultuelle prévue à l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales ?

A cette question, le Conseil d’Etat a répondu en deux temps en réaffirmant tout d’abord qu’aux termes de la loi du 9 décembre 1905, seules les associations cultuelles peuvent bénéficier d’une aide à la réparation aux édifices cultuels, à l’exception de toute aide au culte et à la construction de nouveaux édifices cultuels en application du principe de non-subvention au culte, tel que cela résulte des dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 (I).

Si, par dérogation à ces dernières dispositions, l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir les associations cultuelles en vue de l’édification d’un lieu de culte, le Conseil d’Etat retient une interprétation stricte de cette dérogation qui permet seulement aux associations cultuelles, répondant à la définition de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905, d’en être affectataire (II).

I. Seules les associations cultuelles peuvent bénéficier des aides à la réparation des lieux de culte, à l’exception de toute aide à la création d’un édifice cultuel

En application du principe d’interdiction du financement des cultes, la loi du  9 décembre 1905 a prévu le transfert des biens appartenant aux anciens établissements du culte aux associations cultuelles qui devaient être créées pour l’exercice du culte dans les anciennes circonscriptions de ces établissements, dans le délai d’un après la promulgation de ladite loi.

La qualification d’association cultuelle ressort d’une appréciation stricte en raison des conséquences qui s’y attachent directement, à savoir l’attribution d’une capacité et d’un régime fiscal avantageux accordés en raison même de la nature cultuelle de son activité, mais aussi l’encadrement du financement public se restreignant aux seules réparations des édifices cultuels, à l’exception de toute aide au culte ou à l’édification d’un lieu de culte.

  • L’appréciation stricte de la notion d’association cultuelle

Les associations cultuelles, au sens de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 sont des associations ayant pour objet exclusif l’exercice d’un culte, ne poursuivant aucune activité qui ne se rattache pas directement à celui-ci.

En 2005, l’article 19 de la loi du 9 décembre 2005 a été modifié afin d’instituer un régime de libre acceptation pour les libéralités consenties aux associations cultuelles, de telle sorte que le caractère cultuel d’une association ne fait plus depuis l’objet d’une reconnaissance officielle (2).

Cette suppression génère une réelle insécurité juridique dans la mesure où la détermination du caractère cultuel d’une association au sens de la loi du 9 décembre 2005 s’effectue au cas par cas.

A cette fin, il convient de se référer aux critères dégagés par une jurisprudence constante du Conseil d’Etat (3), réaffirmés récemment par un arrêt du 4 mai 2012 (4).

Ainsi, « pour être qualifié d’association cultuelle au sens de l’article IV de la loi du 9 décembre 1905, une association doit avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte, c’est-à-dire la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunis par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques, et ne doit mener que des activités en relation avec cet objet, telles que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte ».

Ainsi, une association cultuelle ne saurait exercer des activités commerciales, comme la vente d’ouvrages de piété, politiques, scolaires ou même charitables (5).

Dans ce sens, la Haute juridiction n’a pas considéré comme étant cultuelle, une communauté religieuse qui disposait d’un magasin, d’ateliers et de chambres d’hôtes (6), alors même qu’elle avait pour objet « la pratique de la vie monastique […] dans la solitude, la prière et le travail et dans la mise en œuvre de la charité évangélique».

Il en est de même quant à l’association, dont des membres, à l’occasion d’activités associatives sans lien avec le culte, décident de se réunir entre eux pour prier (7).

En l’espèce, la Société des Habous et des Lieux Saints de l’Islam est une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 et a notamment pour objet de gérer l’Institut Musulman de Paris.

Au soutien de son pourvoi en cassation, la Ville de Paris a invoqué la circonstance que la juridiction d’appel avait inexactement relevé que l’association n’avait pas pour objet exclusif l’exercice d’un culte.

Le Conseil d’Etat a écarté ce motif qu’il a estimé sans incidence sur le bien-fondé de la décision d’appel «  dès lors qu’il ressort des pièces du dossier […] que cette association n’est pas régie par les dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 ».

Il ressort de ce qui précède que la Haute juridiction a retenu un critère unique consistant à rechercher si l’association était régie ou pas par les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, contrairement à l’appréciation casuistique appliquée habituellement par les juridictions administratives pour qualifier une association de cultuelle, même si elle pouvait relever du régime juridique de la loi du 1er juillet 1901.

  • Les conséquences de la qualification d’association cultuelle

Les associations cultuelles disposent d’une capacité juridique plus importante que les associations relevant uniquement de la loi du 1er juillet 1901.

Le statut d’association cultuelle offre en effet différents avantages liés à la nature de leur activité puisqu’elles peuvent percevoir, sans autorisation préalable, outre les cotisations de leurs membres, les dons manuels issus des quêtes et collectes pour les frais du culte effectués auprès des fidèles, ainsi que des rétributions pour les cérémonies et services religieux.

Elles peuvent également recevoir des libéralités testamentaires et des libéralités entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet, sous réserve d’une déclaration auprès du Préfet.

L’association cultuelle bénéficie également d’un régime fiscal avantageux qui lui permet d’être exonérée de la taxe locale d’équipement, de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’habitation au titre de l’édifice ou des locaux où se déroule le culte, si les lieux servent exclusivement aux offices religieux (8).

Elles bénéficient également d’une exonération des droits de mutation sur les dons et les legs, ainsi que d’une réduction d’impôts consenties aux particuliers pour les dons qui leurs sont destinés. 

Par ailleurs, la qualification d’association cultuelle emporte l’impossibilité de recevoir de subventions publiques (9), toute subvention déguisée étant sanctionnée par le Juge. Ainsi, la mise à disposition gratuite d’un édifice public en vue de l’exercice du culte est illégale lorsqu’il n’a pas été affecté à cet effet par la loi de 1905 (10).

 Le Juge apprécie également la valeur locative réelle pour déterminer si un loyer modique constitue une subvention déguisée (11). Ainsi, est illégale une vente à prix réduit d’un immeuble du domaine privé à une association ayant une activité cultuelle (12).

Par dérogation, les collectivités peuvent toutefois uniquement participer aux réparations des édifices affectés au culte public appartenant à des associations cultuelles. Autrement dit, dans la mesure où l’article 19 vise uniquement les associations cultuelles, seules les associations cultuelles pourraient recevoir une aide à la réparation des édifices cultuels.

Même si, selon la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes, une association régie par la loi du 1er juillet 1901 peut assurer l’exercice public du culte, cette hypothèse concernant des biens cultuels relevant de la propriété publique, dont les dépenses d’entretien et de conservation incombe à la personne publique propriétaire (13), et non à l’association qui n’est pas gestionnaire du bien. 

Un dispositif spécifique a été introduit par la loi de finances rectificative du 29 juillet 1961 instaurant une faculté de garantie, par les collectivités, des emprunts contractés par les associations cultuelles désireuses de financer, dans les agglomérations en voie de développement, la construction d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux. En cas de défaillance, la collectivité devrait donc se substituer à l’association et verser les sommes dues par cette dernière.

Mais c’est davantage vers le bail emphytéotique administratif que les collectivités territoriales se sont tournées. Cette pratique ancienne permettait aux collectivités, notamment les communes, de consentir à titre onéreux des baux emphytéotiques à des associations cultuelles pour leur permettre de construire un lieu de culte, dont la collectivité deviendra propriétaire à l’expiration du bail.

II. Seules les associations cultuelles peuvent être affectataires d’un bail emphytéotique pour la construction d’un nouvel édifice cultuel

Le bail emphytéotique administratif cultuel a fait l’objet d’une reconnaissance officielle par l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques permettant ainsi de recourir à ce procédé contractuel en toute légalité. L’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales prévoit en effet qu’ « un bien immobilier appartenant à une collectivité peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime, […] en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public ». Cette faculté est également ouverte aux établissements publics de coopération intercommunale.

  • Une dérogation au principe de non-subventionnement du culte et aux exceptions liées au financement des réparations des lieux de culte gérés par des associations cultuelles

Une incertitude juridique a longtemps demeuré quant à la coordination de ce dispositif avec la loi du 9 décembre 1905.

Dans un premier temps, le Juge administratif constatant le caractère modique, voir symbolique du loyer mis à la charge de l’association cultuelle annulait le BEA cultuel au motif qu’il constituait une subvention prohibée par la loi de 1905.

Cette position a été infléchie par une jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Versailles du 3 juillet 2008, considérant que le caractère modique de la redevance mise à la charge de l’emphytéote devait se justifier au regard de la plus-value que les collectivités peuvent légitimement attendre du retour, dans leur patrimoine, du terrain concerné, assorti d’un édifice que la collectivité n’aura ni construit, ni financé.

Or, le Conseil d’Etat, par son arrêt du 19 juillet 2011, Mme Vayssière (14), considère que dès lors que le régime des baux emphytéotiques permet l’édification des lieux de culte, il constitue une dérogation à la loi de 1905 et plus précisément au principe de non subventionnement des cultes.

Le Conseil d’Etat estime que par le BEA cultuel, le législateur a permis aux collectivités territoriales de conclure un tel contrat en vue de la construction d’un nouvel édifice cultuel, avec pour contreparties, d’une part, le versement, par l’emphytéote, d’une redevance qui, eu égard à la nature du contrat et au fait que son titulaire n’exerce aucune activité à but lucratif, ne dépasse pas, en principe, un montant modique, d’autre part, l’incorporation dans leur patrimoine, à l’expiration du bail, de l’édifice construit, dont elles n’auront pas supporté les charges de conception, de construction, d’entretien ou de conservation et qu’il a, ce faisant, dérogé aux  dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905.

Cette solution permet ainsi à une collectivité et une association cultuelle de conclure un BEA cultuel, assorti d’une redevance symbolique, telle la somme annuelle d’un euro, sans craindre de contrevenir au principe de non subventionnement des cultes. Cette solution se veut pour le moins facilitatrice à l’endroit des cultes non historiques, installés sur le territoire national postérieurement à la loi de 1905 et propre à établir un équilibre entre les anciens et les nouveaux lieux de cultes.

  • Une dérogation appréciée strictement et en cohérence avec le régime juridique des associations cultuelles

Par la présente décision, le Conseil d’Etat poursuit la construction du régime juridique du BEA cultuel en précisant que la faculté de conclure un bail emphytéotique n’est ouverte qu’à condition que l’affectataire soit une association cultuelle au sens de l’article 19 de la loi du  9 décembre 1905 « ainsi que l’impliquent les termes de l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales ». En effet, ces dispositions visent uniquement l’association cultuelle comme affectataire d’un édifice du culte. Cette notion ne renvoie à aucune autre définition qu’à celle prévue à l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905. De même en est-il des articles L. 2252-4 et L. 3231-5 du Code général des collectivités territoriales qui autorisent respectivement une commune ou un département à garantir les emprunts contractés pour financer la construction d’édifices cultuels par une association cultuelle, mais aussi par des « groupements locaux ».

Ainsi, tel que le souligne le Rapporteur public HENRARD dans ses conclusions, « lorsque le législateur a entendu élargir au-delà des seules associations cultuelles de la loi de 1905 le bénéfice de ses subventions indirectes […] il l’a fait de façon explicite en les distinguant des groupements locaux – terme qui peut englober toutes les autres formules juridiques et notamment l’association de la loi de 1901 ». (15)

Il ressort ainsi de ce qui précède que l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités n’a pas créé une notion autonome de l’association cultuelle pour les besoins de son application et qui devrait ainsi s’entendre autrement que comme une association répondant aux critères de l’article 19 de la loi du 19 décembre 1905.

Cette solution résulte d’une interprétation rigoureuse de la dérogation aux articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 que constitue le recours au bail emphytéotique cultuel et s’inscrit surtout en cohérence avec le statut conféré aux associations cultuelles par la loi et à l’intention du législateur de 1905, à savoir la création d’un cadre juridique spécifique pour l’exercice public du culte.

En l’espèce, la Société des Habous et des lieux Saints de l’Islam constitue, comme indiqué plus haut, une association relevant de la loi du 1er juillet 1901.

En pratique, lorsqu’une telle association souhaite bénéficier d’un BEA cultuel, il convient ainsi de créer une association cultuelle avec les mêmes membres.

Dans les faits, les projets de construction de mosquée comportent d’ailleurs à la fois un projet cultuel et des activités annexes à l’exercice cultuel, comme la vente d’ouvrages, la tenue de séminaires ou d’activité culturelles.

A cet effet, outre la distinction des volumes qui feront respectivement l’objet des deux baux, l’association cultuelle ne pourra conclure que le BEA portant sur les locaux réservés exclusivement au culte, ce qui implique que l’autre BEA devra être conclue avec une autre association, relevant de la loi du 1er juillet 1901 qui, en pratique, se compose très souvent des mêmes membres que l’association cultuelle signataire du BEA cultuel ou toute autre personne publique ou privée.

La décision du Conseil d’Etat précise toutefois que l’association cultuelle doit être affectataire de l’édifice cultuel, ce qui signifie qu’elle ne détient pas pour autant la qualité de preneur.

Dans cette dernière hypothèse, l’on pourrait tout à fait concevoir qu’une association de droit commun conclue le bail comportant une clause résolutoire garantissant l’affectation du lieu de culte à une association cultuelle, ce qui en pratique ne permet pas de se dispenser de la nécessité de créer deux associations, le cas échéant, et de procéder à une division en volume en cas de projet mixte (à la fois cultuel et culturel ou social). Par cette mention, le Conseil d’Etat ouvre toutefois une voie aisée pour les baux en cours d’exécution, qui dans les faits sont conclus au bénéfice d’association de droit commun dans la majorité des cas, de les régulariser en insérant une telle clause au contrat, ce qui suppose là encore la création d’une association cultuelle, dans l’intérêt des gestionnaires des édifices cultuels.

Nadia BEN AYED
Avocat à la Cour

(1) Cour administrative d’appel de Paris, 26 octobre 2016, n° 14PA03125
(2) Ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 portant simplification du régime des libéralités consenties aux associations, fondations et congrégations, de certaines déclarations administratives incombant aux associations et modification des obligations des associations et fondations relatives à leurs comptes annuels
(3) CE, Ass, 24 octobre 1997, Association locale pour le culte des témoins de Jéovah de Rioms, Rec. p.372 ; CE 23/06/2000, n° 215109 ; CE, 28/04/2004, Association cultuelle du Vajra triomphant, n° 248467
(4) CE, 04/05/2012, n° 336463, mentionné dans les tables du recueil Lebon
5) CE, 29/10/1990, Association cultuelle Eglise Apostolique Arménienne de Paris, Rec. p. 297
(6) CAA Bordeaux, 06/03/2012, n° 11BX01598
(7) CE, 04/04/2012, n° 336464
(8) Article 1382 4° du Code général des Impôts
(9) Article 19 de la loi du 9 décembre 1905
(10) CE 26 mai 1911, Commune de Heugas, Rec. p. 624
(11) CE 18 novembre 2004, Commune de Mouhers, n° 90866. Mais CE, 19/7/11, Cne de Montpellier, n° 313518
(12) TA Orléans 16 mars 2004, Fédération d’Indre-et-Loire de la libre pensée, n° 0103376
(13) Article 13 de la loi du 9 décembre 1905
(14) Conseil d’État, Assemblée, 19/07/2011, 320796, Publié au recueil Lebon
(15) Conclusions de Monsieur Olivier HENRARD, Rapporteur public

Opposition du bailleur à déspécialisation partielle

Un locataire exploite, en vertu d’un bail commercial, des locaux pour une activité d’entretien et de réparation automobile et s’engage à ne pas exercer l’activité de pneumatique et le bailleur lui garantit l’exclusivité et la non-concurrence des activités de vente et pose de tous éléments concernant l’échappement et l’amortisseur.

Le 7 janvier 2004, le locataire signifie à son bailleur une demande de d’extension d’activité pour la vente, la pose et la réparation pneumatique sur le fondement de l’article L. 145-47 du Code de commerce.

Cette demande est refusée par le bailleur suivant lettre en date du 3 mars 2004.

La Cour d’appel (CA Grenoble, 5 nov. 2015) sur renvoi après cassation (Cass, civ. 3ème, 5 févr. 2012, n° 11-17.213) rejette la demande du locataire tendant à voir déclarer le bailleur déchu de son droit à contester le caractère connexe ou complémentaire de la nouvelle activité.

Le locataire prétendait que le bailleur devait non seulement exprimer son refus par acte extra-judiciaire dans le délai de 2 mois imparti par l’article L. 145-47 du Code civil, mais il doit en outre motiver l’absence de caractère complémentaire ou connexe de l’activité envisagée.

Saisie d’un pourvoi par le locataire, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, a nouveau saisie du litige, a considéré, dans un arrêt du 9 février 2017, que :

« Le bailleur n’était pas tenu de motiver sa contestation, la cour d’appel, qui a constaté que les bailleresses avaient manifesté de façon non équivoque leur opposition à l’adjonction aux activités autorisées au bail de l’activité envisagée par la locataire dans le délai imparti, en a justement déduit que la déchéance prévue à l’article L145-47 du Code de commerce n’était pas encourue ».

Ce faisant, la jurisprudence rappelle que le bailleur qui manifeste de manière non équivoque son refus d’une déspécialisation partielle, n’a pas à justifier les raisons de sa contestation.

 

Publicité de la clôture de la liquidation d’une société

En matière de procédures collectives, la clôture de la liquidation d’une société donne désormais lieu au dépôt au greffe de deux actes distincts :

  • les comptes de clôture et
  • la décision des associés sur ces comptes.

Antérieurement, le seul dépôt de la décision des associés sur les comptes intégrant les comptes suffisait.

C’est le principe dégagé par l’avis du Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés des 18 octobre et 2 décembre 2016 publié le 23 décembre 2016.

Plus précisément et selon les dispositions de l’article R. 237-7 du Code de commerce, les comptes de clôture de la liquidation amiable d’une société établis par le liquidateur doivent être déposés au greffe du Tribunal de commerce. Leur est jointe la décision des associés statuant sur ces comptes.

Il en ressort clairement, estime le Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés, que la formalité porte sur deux actes distincts.

Il n’est donc plus possible de satisfaire à cette formalité par le dépôt unique d’une décision des associés intégrant les comptes définitifs du liquidateur.

Les comptes doivent désormais figurer dans un acte distinct déposé avec la décision des associés, même si celle-ci en relate le contenu.

A titre informatif, il est rappelé que ce dépôt conditionne la radiation de la société du Registre du Commerce et des Sociétés par le greffier.

Le Comité a également précisé dans son avis que la société ne peut pas être radiée si la décision des associés sur les comptes ne certifie pas la bonne gestion du liquidateur ou ne le décharge pas de son mandat.

SAS : violation du droit des actionnaires minoritaires

La tenue d’une Assemblée Générale Exceptionnelle aux fins d’évincer les actionnaires minoritaires d’une société par actions simplifiée (SAS) et permettant à l’actionnaire majoritaire de prendre le contrôle de cette dernière viole le droit des actionnaires minoritaire et doit être annulée.

C’est dans ce sens que la Cour de cassation, dans une décision en date du 11 janvier 2017, a validé le raisonnement de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejetant le pourvoi formé par la SAS et son actionnaire majoritaire.

Dans les faits, une SAS comprenant une société actionnaire majoritaire et deux autres sociétés actionnaires minoritaires a organisé, en août 2011, une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) au cours de laquelle a été décidé :

  • la réduction du capital par résorption des dettes ;
  • l’augmentation du capital par création d’actions nouvelles et
  • l’attribution des droits de souscription au profit de l’actionnaire majoritaire, devenue actionnaire unique de la SAS à l’issue de cette assemblée.

Les deux sociétés minoritaires ont alors assigné la SAS et son actionnaire majoritaire en annulation de cette Assemblée Générale Extraordinaire et de toutes les décisions prises.

Dans un arrêt du 13 février 2014, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu la nullité de l’Assemblée Générale Extraordinaire, pour atteinte portée aux droits des actionnaires minoritaires.

La Cour d’Appel a ainsi relevé que l’opération avait pour objectif de permettre à l’actionnaire majoritaire de prendre l’entier contrôle de la SAS, dont la survie n’était pas en jeu et que le choix de la période estivale ne se justifiait pas au regard de la situation de la société.

Enfin, ils ont conclu que l’opération avait pour objectif essentiel d’évincer les actionnaires minoritaires sans qu’aucun des éléments produits n’établisse que cette éviction était justifiée par l’intérêt social de la SAS.

La Cour de cassation, dans une décision du 11 janvier 2017, valide le raisonnement de la Cour d’appel et rejette le pourvoi formé par la SAS et son actionnaire.

Pas de diminution du droit au paiement direct du sous-traitant en l’absence de modification des stipulations du contrat de sous-traitance

Cette affaire a donné l’occasion au Conseil d’Etat de rappeler le mécanisme tripartite entre le maître de l’ouvrage, l’entrepreneur principal et le sous-traitant dont l’intervention a été acceptée et les conditions de paiement agréées par un acte spécial.

Le Conseil d’Etat a considéré que le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur principal ne pouvaient, via la conclusion d’un acte spécial modificatif, réduire le droit au paiement direct du sous-traitant dans le but de tenir compte des conditions dans lesquelles les prestations sous-traitées ont été exécutées. Seule la modification des stipulations du contrat de sous-traitance permet en effet de réduire le montant  de la rémunération.

Dans cette affaire, le Grand port maritime de Marseille (anciennement dénommé Port autonome de Marseille) avait attribué à la Société Gardiol le marché public de travaux portant sur la construction d’un atelier destiné aux lamaneurs. Par un acte spécial conclu avec l’attributaire, elle avait encore accepté l’intervention de la Société Dervaux en tant que sous-traitant et agréé ses conditions de paiement. Et la réunion de cette double condition, par application des dispositions de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, ouvrait au sous-traitant le bénéfice du paiement direct par le maître de l’ouvrage. Non satisfaits des conditions dans lesquelles les prestations sous-traitées avaient été exécutées, le maître de l’ouvrage et l’attributaire ont alors conclu un acte spécial modificatif dont l’objet était de diminuer le montant de la rémunération directe du sous-traitant fixé par l’acte spécial initial.

Le Conseil d’Etat censure la réduction du droit au paiement direct en relevant que les stipulations du contrat de sous-traitance étaient, quant à elles, demeurées inchangées. La modification du contrat de sous-traitance apparaît donc être la condition sine qua non de la diminution du droit au paiement direct du sous-traitant.

Statuant au fond, la Haute juridiction rappelle le principe selon lequel il appartient au maître d’ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d’ouvrage. Faute de pouvoir rechercher la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur principal, le maître d’ouvrage peut encore mettre en cause la responsabilité des sous-traitants sur le terrain quasi-délictuel. Il ne saurait toutefois se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution du contrat de sous-traitance mais peut seulement invoquer la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires.

En l’espèce, « si le Grand port maritime de Marseille fait valoir que la société Dervaux aurait exécuté les travaux avec retard, d’une part, il ne soutient pas que la responsabilité contractuelle de la société Gardiol, entrepreneur principal, n’aurait pu être utilement recherchée à ce titre et, d’autre part, il n’apporte en tout état de cause aucun élément de nature à établir que ce retard, à le supposer établi, aurait été, compte tenu de circonstances particulières, constitutif d’une violation des règles de l’art ». Par conséquent, le Conseil d’Etat censure les juges du fond qui ont rejeté la demande du sous-traitant tendant à la condamnation du maître de l’ouvrage au titre du paiement direct.

L’obligation de construire : critère de distinction entre le bail emphytéotique et le bail à construction

Par acte en date du 25 janvier 1928, une société a pris à bail un terrain, pour une durée de 99 ans et moyennant un loyer annuel de 1 franc.

La société preneuse a édifié sur ce terrain un casino d’été et un complexe de loisirs.

Lors de la sollicitation par les bailleurs de la révision du loyer, un litige est né avec le preneur sur la qualification du bail ; les Juges du fond ont retenu la qualification de bail emphytéotique.

La société preneuse a formé un pourvoi en cassation, faisant valoir que le bail litigieux était un bail à construction, et non un bail emphytéotique, dans la mesure où, selon elle, le contrat stipulait qu’à défaut de réalisation de l’immeuble à usage de casino, le bail serait résilié.

En réalité, la société preneuse avait la faculté, et non l’obligation, de faire édifier des immeubles sur le terrain ; quant à la prétendue clause résolutoire sanctionnant le défaut de construction, elle n’avait pour objet que de prévoir qu’à défaut d’obtention des autorisations nécessaires à l’exploitation du casino, le bail n’aurait aucun effet.

C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé :

« Mais attendu qu’ayant relevé que les termes du bail, qui prévoyait seulement la faculté de faire édifier tous immeubles et notamment un casino, ne mettaient à la charge de la société Cannes Balnéaire aucune obligation de construire et retenu, sans la dénaturer, que la clause stipulant que, « dans le cas où la ville de Cannes ne donnerait pas à la société Cannes Balnéaire les autorisations nécessaires à l’exploitation d’un casino, il est entendu que le présent bail n’aura aucun effet », n’était pas une clause résolutoire mais une condition concernant l’exploitation du casino et n’édictait aucune obligation de construire, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le contrat devait être qualifié de bail emphytéotique ».

La Cour de cassation rappelle fermement que, comme son nom l’indique, l’obligation de construire est un élément déterminant de la qualification du bail à construction.

La simple faculté de construire ne peut en aucun cas permettre la qualification de bail à construction, mais permet en revanche de distinguer celui-ci du bail emphytéotique : en l’absence d’obligation de construire, le bail sera qualifié de bail emphytéotique.


 

L’Etat tente une nouvelle opération de déconcentration

Par une circulaire du Premier ministre en date du 17 février, le Gouvernement a créé les Commissions régionales de stratégie numérique (ci-après « CRSN »). Rappelant les initiatives prises par l’Etat dans le cadre du développement du numérique et du renforcement de l’attractivité des territoires, le Premier Ministre demande aux Préfets de région de « mobiliser les collectivités, opérateurs de communications électroniques et acteurs impliqués sur le numérique » au sein de ces nouvelles commissions qui devront se réunir au moins une fois par an. La feuille de route de ces nouvelles commissions est particulièrement large puisqu’elles auront à aborder des sujets aussi divers que le déploiement des infrastructures (réseaux Très haut débit publics et privés, couverture mobile), la définition d’une stratégie de développement des usages et d’acculturation du citoyen au numérique, la dématérialisation des services publics, la mise en œuvre du déploiement du télétravail, l’accès aux données publiques, le déploiement des services et contenus numériques, le développement des infrastructures de l’informatique en nuage et de calcul intensif …

S’agissant de la couverture des territoires en très haut débit, Il faut se référer à l’annexe 2.2 de la circulaire pour voir cette thématique détaillée plus précisément. Notamment les CRSN ou des sous-commissions spécifiquement dédiées au très haut débit ou aux infrastructures fixes, auront la lourde tâche de « veiller à la complémentarité des initiatives publiques et privées en instaurant et/ou en maintenant un niveau élevé de concertation entre les opérateurs privés et les collectivités territoriales ». Et cela passe par les engagements pris par les opérateurs privés sur les déploiements sur fonds propres au travers des conventions de programmation et de suivi des déploiements. L’annexe 2.2 demande notamment aux Préfets, dans le cadre de leur présidence des CRSN, de veiller à ce que ces conventions soient signées au cours du premier semestre de l’année 2017.

Si l’intention est louable, il est à craindre que ces commissions ne permettent pas d’obtenir les engagements souhaités des opérateurs privés, dont les réponses aux consultations des collectivités territoriales dans le cadre de leur projet de réseaux d’initiative publique restent toujours incertaines et les intentions d’investir conditionnent très largement la construction des réseaux publics et leur cohérence avec les réseaux déployés en zones « Appel à Manifestation d’Intention d’Investissement » (AMII).

Enfin, ces commissions doivent se substituer aux  Commissions consultatives régionales d’aménagement numérique du territoire (« CCRANT ») qui n’avaient pas rencontré un franc succès jusqu’à présent, les dernières CCRANT s’étant réunies en 2015, notamment en Rhône-Alpes, Nord-Pas de Calais, et Midi-Pyrénées.

 

Molière s’invite en Ile-de-France

La clause imposant aux candidats à l’attribution d’un marché public de disposer de salarié maîtrisant la langue française pour s’assurer du respect des consignes de sécurité attachées à l’exécution de ce marché vient de faire irruption à la Région Ile-de-France.

En effet, cette clause, baptisée « clause Molière », est apparue dans  le rapport pour le conseil régional de mars 2017 et s’insère dans le cadre du « Small Business Act » porté par la Région et destiné à favoriser l’emploi local.

Cette clause anime les Préfectures depuis quelques mois, notamment en Région Auvergne Rhône-Alpes où la Préfecture du Rhône a été saisie par des membres de l’opposition.

De son côté, la préfecture de la Région Hauts-de-France, où la clause a été adoptée, a produit un document émanant de l’Observatoire régional de la commande publique aux termes duquel « l’objectif recherché, à savoir assurer la nécessaire sécurité des travailleurs sur le chantier, est préservé, tout en respectant les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, desquels découle le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, posés par le code de marchés publics et les règles européennes ».

La prudence s’impose face à une telle restriction de la concurrence au sein de l’Union Européenne et il sera particulièrement intéressant de prendre connaissance des premières décisions des juridictions administratives que nous ne manquerons pas de présenter dans notre prochaine lettre d’actualité juridique.

Le recours « Tarn et Garonne » impossible en cas de déclaration sans suite

Par un jugement en date du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif d’Amiens a confirmé qu’en l’absence de contrat, le candidat évincé ne pouvait régulièrement saisir … le Juge du contrat.

Une telle décision pouvait paraître évidente, mais le Tribunal a rappelé que la déclaration sans suite de la procédure interrompant le processus de formalisation du contrat (lequel contrat étant alors inexistant), cela interdit la contestation devant le Juge du contrat de la régularité des actes détachables, ce compris la régularité de la décision de déclaration sans suite.

Reste donc la possibilité qui était offerte de contester par la voie du recours en excès de pouvoir la décision de déclaration sans suite, confirmée par la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie, dans la dernière mise à jour de sa fiche technique sur les recours contentieux lies à la passation des contrats de la commande publique.

En revanche, le Tribunal examine la régularité de cette même décision à l’aune des conclusions indemnitaires présentées par le candidat se prétendant évincé irrégulièrement. De telles conclusions conduisent incontestablement le juge à apprécier le bien-fondé de la déclaration sans suite afin de déterminer si une faute a été commise par l’acheteur et si celle-ci ouvre droit à réparation. Et en l’espèce, le Tribunal considère qu’il ne ressort pas de l’instruction que cette décision ait été motivée par un autre motif que l’intérêt général.

Attention à l’avantage en nature que constitue le paiement des amendes de la circulation au lieu et place du salarié

Par arrêt en date du 9 mars 2017 (n° 15-27.538), la Cour de cassation est venue affirmer que la prise en charge par l’employeur des amendes routières des salariés est soumise à cotisations.

Elle estime au visa de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale que sont considérées comme rémunérations soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail et que dès lors, la prise en charge par l’employeur des amendes réprimant une contravention au Code de la route constitue un avantage soumis à cotisations.

Il conviendra donc d’être particulièrement attentif en cas de prise en charge des contraventions directe à déclarer cet avantage.

La faute lourde nécessite l’intention de nuire et peut entraîner la responsabilité pécuniaire du salarié

Par une série d’arrêts du 25 janvier 2017 (n° 14-26.071, 15-21.352,  15-27.365 et 15-21.064), la Cour de cassation rappelle que la faute lourde nécessite l’intention de nuire et que ce n’est que dans le cas d’une telle faute que le salarié peut être redevable de dommages et intérêts.

L’employeur est invité à clairement établir l’intention de nuire du salarié fautif c’est à dire la volonté de porter préjudice à l’employeur.

Cumul d’activité et de départ vers le privé pour les agents publics : le décret d’application de la loi déontologie publié

La loi dite « déontologie » du 20 avril 2016 (n° 2016-483) avait procédé à la modification des règles relatives au cumul d’activité et au départ vers le privé des agents publics (auparavant régis par l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dorénavant transférées dans le nouvel article 25 septies de cette même loi).

Ce nouvel article devait faire l’objet d’une modification intégrale du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat qui régissait jusque là les aspects réglementaires de ces questions.

Le Gouvernement a finalement opté pour l’abrogation pure et simple de cet ancien décret et la rédaction d’un tout nouveau décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017, qui est entré en vigueur le 1er février dernier.

Abrogeant également l’ancien décret n° 2007-611 du 26 avril 2007 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie, le texte reprend en grande partie les éléments développés dans l’ancienne réglementation sur le cumul d’activité, la cessation d’activités et la commission de déontologie.

Mais il durcit le régime de saisine préalable de la commission de déontologie avant le départ de l’agent public vers le secteur privé, notamment en matière de délais, et il renforce les pouvoirs de contrôle de la commission.

Le décret détermine ensuite les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à l’interdiction qui est faite aux agents publics d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative et il dresse la liste des activités susceptibles d’être exercées à titre accessoire.

Il opère par ailleurs une distinction entre la création ou la reprise d’entreprise d’une part, et la poursuite d’activités au sein d’une entreprise d’autre part, précise l’obligation de déclaration des dirigeants de société et d’associations recrutés par l’administration et modifie les conditions de cumul des agents à temps non complet ou exerçant des fonctions à temps incomplet.

Ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d’activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique

En introduisant de nouvelles dispositions dans la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, cette ordonnance rapproche certains points du droit applicable aux fonctionnaires du droit du travail, et ceci s’agissant de la formation et de la définition des accidents et maladies professionnels.

D’une part, le texte crée, à l’instar du dispositif existant pour les salariés du droit privé, un compte personnel d’activité (ci-après « CPA ») au bénéfice des fonctionnaires et des agents contractuels de droit public ayant pour objet d’informer leur titulaire de ses droits à formation et de faciliter son évolution professionnelle. Substitué au droit individuel à la formation, il se compose de deux comptes distincts : un compte personnel de formation (CPF) et un compte d’engagement citoyen (CEC).

D’autre part, l’ordonnance modifie les règles de prise en charge des incapacités temporaires reconnues imputables au service avec la création d’un nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, une extension aux fonctionnaires du régime de présomption légale d’imputabilité au service des accidents survenus dans le temps et sur le lieu du service ainsi que des maladies professionnelles qui figurent dans les tableaux des articles L. 461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

Enfin, l’accident de trajet est désormais défini légalement comme l’accident qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit le service et la résidence ou le lieu de restauration et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l’accident du service.

La plupart des dispositions de cette ordonnance sont d’application immédiate mais des décrets doivent intervenir concernant les modalités d’application du compte personnel d’activité.

 

Marques et Nom des collectivités : Laguiole retrouve son nom ?

Par un arrêt en date du 4 octobre 2016, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel dans le bras de fer opposant la commune de Laguiole à la société Lunettes Folomi.

La Cour suprême a recours à la qualification de tromperie sur le fondement des pratiques commerciales et à celle de fraude pour aboutir à l’annulation des marques en cause.

Il est ainsi reproché aux Juges du fond de n’avoir pas suffisamment recherché si l’utilisation pour désigner des produits, du nom d’une commune de 1.300 habitants connue par près de la moitié de la population française, n’était pas susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen et de constituer une pratique commerciale trompeuse , au vu des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation et n’avoir pas « recherché si le dépôt de multiples marques comprenant ce nom pour des produits sans lien avec ce terroir ne relevait pas d’une stratégie commerciale visant à priver la commune et ses administrés de l’usage de ce nom nécessaire à leur activité économique et constitutive d’une fraude », sur le fondement des articles L. 711-1 et L. 712-1 du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour d’appel de Paris, cour de renvoi, devra trancher cette affaire.

Rappelons que cette décision s’inscrit dans le contexte de la protection des indications géographiques industrielles et artisanales créées par la loi n° 2014-344 relative à la consommation du 17 mars 2014 qui a également instauré une procédure d’alerte au profit des collectivités territoriales et des établissements publics auprès de l’Institut de la Propriété Industrielle (INPI).

Le souci est de conférer à ces derniers la maîtrise de leur nom à l’égard de toute accaparation commerciale.

Appréciation par le Conseil d’état de l’utilité d’une mesure d’expertise

L’expertise judiciaire est, dans de nombreux domaines, le préalable à une action contentieuse devant le Juge du fond. En effet, l’expert judiciaire éclaire le Juge saisi sur des éléments d’ordre technique lui permettant ainsi de définir notamment les responsabilités.

La demande d’expertise est fondée, sur les dispositions de l’article R. 531-1 du Code de justice administrative lequel dispose que « le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction ».

Si le principe est que l’expertise judiciaire ne peut avoir pour objet de palier la carence du demandeur dans l’établissement de preuve, il est toutefois très rare que le Juge des référés refuse de faire droit à une demande de désignation d’expert.

Toutefois, le Conseil d’Etat vient de rappeler qu’il ne peut systématiquement être fait droit à ce type de demande. En effet, si le Juge des référés saisi n’est pas compétent pour apprécier le fond du dossier, il n’en demeure pas moins qu’il conserve le pouvoir d’apprécier l’utilité d’une expertise.

La Haute juridiction administrative a en effet jugé que l’utilité d’une telle demande doit être appréciée « d’une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d’autres moyens et, d’autre part, bien que ce Juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l’intérêt que la mesure présente dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher ; qu’à ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d’expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l’appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription ; que, de même, il ne peut faire droit à une demande d’expertise permettant d’évaluer un préjudice, en vue d’engager la responsabilité d’une personne publique, en l’absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne ».

Ainsi, le Juge des référés qui est « juge de l’évidence » peut rejeter une demande d’expertise en raison de son inutilité s’il estime qu’une demande ultérieure au fond n’a aucune chance de prospérer.

Nul besoin de violation délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité pour caractériser le délit de détournement de fonds par négligence

L’article 432-16 du Code pénal, réprimant le délit de détournement de fonds, dispose que « lorsque la destruction, le détournement ou la soustraction par un tiers des biens visés à l’article 432-15 [acte ou titre, fonds publics ou privés, effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet remis en raison des fonctions ou de la mission de l’auteur] résulte de la négligence d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, d’un comptable public ou d’un dépositaire public, celle-ci est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ».

Au cas d’espèce, l’ancien Président d’une Communauté de communes et d’un Syndicat Intercommunal avait été poursuivi et condamné par le Juge pénal pour avoir, pendant près de 8 années, signé, « sans procéder aux vérifications élémentaires qui auraient révélé des anomalies patentes, des ordres de paiement étayés de 47 fausses factures confectionnées à l’adresse du syndicat par la Secrétaire générale de ladite communauté, qu’elle lui a présentées et qui ordonnaient le versement des montants qui y figuraient sur le compte bancaire personnel de son époux », pour un montant estimé de 799.756,17 euros.

En d’autres termes, il était reproché à l’ancien élu de s’être abstenu de lire les documents présentés à sa signature par la Secrétaire générale, en laquelle il avait une confiance aveugle, et d’avoir validé, sans en contrôler le contenu, des factures mensongères censées avoir été établies par une société n’ayant aucun rapport d’affaires avec le syndicat qu’il présidait. Dès lors, le prévenu avait nécessairement manqué aux devoirs de sa charge et commis une faute de négligence au sens de l’article précité.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie du pourvoi de l’ancien élu qui soutenait que « l’hypothèse de la faute caractérisée ne concernant par le cas d’espèce, les Juges du fond auraient dû constater une violation, de façon manifestement délibérée, d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », a estimé que l’article 432-16, fondement de la condamnation, n’exige pas, pour que le délit soit caractérisé, une telle violation.