le 16/03/2017

Pas de diminution du droit au paiement direct du sous-traitant en l’absence de modification des stipulations du contrat de sous-traitance

CE, 27 janvier 2017, Société Dervaux, n° 397311

Cette affaire a donné l’occasion au Conseil d’Etat de rappeler le mécanisme tripartite entre le maître de l’ouvrage, l’entrepreneur principal et le sous-traitant dont l’intervention a été acceptée et les conditions de paiement agréées par un acte spécial.

Le Conseil d’Etat a considéré que le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur principal ne pouvaient, via la conclusion d’un acte spécial modificatif, réduire le droit au paiement direct du sous-traitant dans le but de tenir compte des conditions dans lesquelles les prestations sous-traitées ont été exécutées. Seule la modification des stipulations du contrat de sous-traitance permet en effet de réduire le montant  de la rémunération.

Dans cette affaire, le Grand port maritime de Marseille (anciennement dénommé Port autonome de Marseille) avait attribué à la Société Gardiol le marché public de travaux portant sur la construction d’un atelier destiné aux lamaneurs. Par un acte spécial conclu avec l’attributaire, elle avait encore accepté l’intervention de la Société Dervaux en tant que sous-traitant et agréé ses conditions de paiement. Et la réunion de cette double condition, par application des dispositions de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, ouvrait au sous-traitant le bénéfice du paiement direct par le maître de l’ouvrage. Non satisfaits des conditions dans lesquelles les prestations sous-traitées avaient été exécutées, le maître de l’ouvrage et l’attributaire ont alors conclu un acte spécial modificatif dont l’objet était de diminuer le montant de la rémunération directe du sous-traitant fixé par l’acte spécial initial.

Le Conseil d’Etat censure la réduction du droit au paiement direct en relevant que les stipulations du contrat de sous-traitance étaient, quant à elles, demeurées inchangées. La modification du contrat de sous-traitance apparaît donc être la condition sine qua non de la diminution du droit au paiement direct du sous-traitant.

Statuant au fond, la Haute juridiction rappelle le principe selon lequel il appartient au maître d’ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d’ouvrage. Faute de pouvoir rechercher la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur principal, le maître d’ouvrage peut encore mettre en cause la responsabilité des sous-traitants sur le terrain quasi-délictuel. Il ne saurait toutefois se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution du contrat de sous-traitance mais peut seulement invoquer la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires.

En l’espèce, « si le Grand port maritime de Marseille fait valoir que la société Dervaux aurait exécuté les travaux avec retard, d’une part, il ne soutient pas que la responsabilité contractuelle de la société Gardiol, entrepreneur principal, n’aurait pu être utilement recherchée à ce titre et, d’autre part, il n’apporte en tout état de cause aucun élément de nature à établir que ce retard, à le supposer établi, aurait été, compte tenu de circonstances particulières, constitutif d’une violation des règles de l’art ». Par conséquent, le Conseil d’Etat censure les juges du fond qui ont rejeté la demande du sous-traitant tendant à la condamnation du maître de l’ouvrage au titre du paiement direct.