Pour la vente d’une dépendance de son domaine privé, un centre hospitalier avait lancé une consultation à laquelle deux Sociétés avaient répondu avant d’en être évincées. Ces dernières ont alors introduit un recours à l’appui duquel elles soulevaient notamment le moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement entre les candidats. Le Conseil d’Etat rappelle qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à une personne morale de droit public autre que l’Etat de faire précéder la vente d’une dépendance de son domaine privé d’une mise en concurrence préalable. Toutefois, lorsqu’une telle personne publique fait le choix, sans y être contrainte, de céder un bien de son domaine privé par la voie d’un appel à projets comportant une mise en concurrence, elle est tenue de respecter le principe d’égalité de traitement entre les candidats au rachat de ce bien. En conséquence, le Conseil d’Etat accueille le moyen soulevé par les requérantes.
Vente parfaite d’un bien privé communal par délibération du conseil municipal
Par une délibération en date du 21 décembre 2006, le conseil municipal de la commune de Saint-Amand-les-Eaux (ci-après, la « Commune ») s’était prononcé favorablement sur l’offre de la SARL Bowling du Hainaut qui souhaitait lui acheter des parcelles pour un prix de 307.755 euros, sans subordonner cet accord à aucune condition. La société n’ayant pas honoré ses engagements financiers, le conseil municipal a pris de nouvelles délibérations, le 30 juin 2011, annulant celle de 2006 et décidant de céder les mêmes parcelles à une nouvelle société. La SARL Bowling du Hainaut avait alors initié un contentieux pour demander l’annulation des délibérations du 30 juin 2011 annulant la délibération du 21 décembre 2006 et procédant à la vente des parcelles à la nouvelle société.
Les recours avaient été rejetés par le Tribunal administratif de Lille et à la suite de la confirmation des jugements par la Cour administrative d’appel de Douai, la SARL Bowling du Hainaut a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt confirmatif de la Cour précitée.
Dans sa décision en date du 15 mars 2017, le Conseil d’Etat commence par rappeler qu’aux termes de l’article 1583 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce : la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée, ni le prix payé ».
Il relève ensuite que le conseil municipal s’étant prononcé favorablement à la vente sans subordonner son accord à aucune condition, il avait ainsi marqué son accord sur l’objet de la vente et sur le prix auquel elle devait s’effectuer. Dès lors, le Conseil d’Etat conclut que la délibération du 21 décembre 2006 a eu pour effet, en application des dispositions de l’article 1583 du Code civil précitées, de rendre la vente parfaite et de transférer à la SARL Bowling du Hainaut la propriété de ces parcelles.
En conséquence, la Commune ne pouvait annuler sa délibération du 21 décembre 2006 et procéder à la cession des parcelles à une nouvelle société par sa délibération du 30 juin 2011 dès lors que la vente était parfaite et que les parcelles étaient devenues la propriété de la SARL Bowling du Hainaut dès le 21 décembre 2006. Mais, bien entendu, la Commune n’est alors pas dépourvue de toute action, notamment si l’acquéreur n’a pas versé le prix de cession (action en résolution de la vente par exemple).
Limitation de la sous-traitance, présentation des capacités des candidats et modification des clauses d’un cahier des charges en cours de procédure de passation
Une autorité portuaire lituanienne (ci-après, l’ « Autorité portuaire ») avait publié un appel d’offres pour la passation, selon une procédure ouverte, d’un marché public de travaux sous l’empire de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. Durant la procédure de passation, l’Autorité portuaire avait procédé à une modification d’une clause du cahier des charges à deux reprises pour ajouter de nouvelles exigences relatives aux capacités professionnelles des membres d’un groupement conjoint. La société Borta, candidat à cette procédure d’appel d’offres, avait saisi la juridiction nationale pour obtenir l’annulation de la clause ainsi modifiée. La juridiction nationale a profité de cette saisine pour poser trois questions à la Cour de justice de l’Union Européenne (ci-après, la « CJUE »).
S’agissant de la première question relative à la sous-traitance, la juridiction nationale a interrogé la CJUE sur la compatibilité d’une clause, reprenant une disposition nationale, imposant à l’attributaire de réaliser les travaux principaux et n’autorisant le recours à la sous-traitance que pour les travaux « accessoires ». La CJUE juge que « les articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition d’une réglementation nationale (…) qui prévoit que, en cas de recours à des sous-traitants pour l’exécution d’un marché de travaux, l’adjudicataire est tenu de réaliser lui-même les travaux principaux, définis comme tels par l’entité adjudicatrice ».
S’agissant de la deuxième question, la CJUE était interrogée sur la compatibilité avec le droit européen d’une clause du cahier des charges qui, « en cas de présentation d’une offre conjointe par plusieurs soumissionnaires, requiert que l’apport de chacun d’entre eux pour satisfaire aux exigences applicables en matière de capacités professionnelles corresponde, proportionnellement, à la part des travaux qu’il exécutera réellement s’il se voit attribuer le marché concerné ». Là encore, la CJUE censure une telle clause et rappelle que tout soumissionnaire a le droit de faire valoir, pour un marché déterminé, les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités, pour autant qu’il soit prouvé à l’entité adjudicatrice qu’il disposera effectivement des moyens desdites entités qui sont nécessaires à l’exécution du marché. Cette faculté ne pouvant être écarté que dans des circonstances exceptionnelles appréciées strictement par la jurisprudence (CJUE, 7 avril 2016, Partner Apelski Dariusz, C‑324/14).
S’agissant de la troisième question relative à la modification des clauses d’un cahier des charges en cours de procédure, la CJUE juge que « les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que l’obligation de transparence qui découlent notamment des articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que l’entité adjudicatrice modifie, après la publication de l’avis de marché, une clause du cahier des charges relative aux conditions et aux modalités de cumul des capacités professionnelles, telle que la clause 4.3 en cause au principal ». Néanmoins, la CJUE encadre très strictement cette faculté d’une modification du cahier des charges en cours de procédure en la soumettant au respect de trois conditions cumulatives. En premier lieu, les modifications effectuées ne doivent pas être à ce point substantielles qu’elles auraient attiré des soumissionnaires potentiels qui, en l’absence de ces modifications, ne seraient pas en mesure de présenter une offre. En deuxième lieu, lesdites modifications doivent faire l’objet d’une publicité adéquate. En troisième lieu, ces modifications doivent intervenir avant la présentation des offres par les soumissionnaires et le délai de présentation de ces offres doit être prolongé lorsque les modifications concernées sont importantes et la durée de cette prolongation doit permettre aux soumissionnaires de modifier leur offre en conséquence.
Le licenciement économique n’est justifié qu’en cas de cessation complète de l’activité de l’employeur
Par un arrêt en date du 23 mars 2017 (n°15-21183), la Cour de cassation est venue rappeler que seule une cessation complète de l’activité de l’employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier.
La cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que la fermeture d’un établissement de l’entreprise résulte de la décision d’un tiers.
Le procès verbal de l’instance représentative du personnel fait foi jusqu’à preuve contraire
Par un arrêt en date du 8 mars 2017 (n° 15-26.956), la Cour de cassation est venue rappeler que le procès verbal de réunion d’une institution représentative du personnel fait foi, en cas de désaccord, jusqu’à preuve contraire.
Les juges du fond peuvent librement considérer que le témoignage n’est pas suffisant à apporter cette preuve contraire.
Il est donc de la plus extrême importance pour l’employeur de faire acter qu’une personne extérieure à l’institution, telle qu’un Huissier de justice, pourra éventuellement assister à la réunion.
Signature le 6 avril 2017 à l’unanimité des syndicats de la Convention collective des OPH
Dix années après l’ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 ayant crée les Offices publics de l’Habitat, ces derniers viennent de se doter d’une convention collective nationale, qui après la signature d’un arrêté d’extension, s’appliquera à l’ensemble de la branche professionnelle.
Cette convention collective nationale vient ainsi compléter les dispositions du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 et harmonise les conditions de travail entre salariés et agents publics.
Sous-traitance et interruption du délai de prescription quadriennale
En l’espèce, une entreprise attributaire du marché de reconstruction d’un collège passé par une collectivité locale avait sous-traité un lot.
Après assignation par le sous-traitant de l’entrepreneur principal devant le Tribunal de commerce en 2008, ce dernier a été placé en liquidation judiciaire.
Le sous-traitant a alors saisi le Juge des référés du Tribunal administratif qui a condamné le maître d’ouvrage à lui verser une provision de 250.000 euros au titre du paiement direct du lot sous-traité.
En appel, le Juge des référés de la Cour administrative d’appel a annulé cette ordonnance.
Le sous-traitant s’est alors pourvu en cassation.
Après avoir rappelé les termes de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, et notamment de son article 2 qui dispose que la prescription est interrompue par « […] tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance […] » le Conseil d’Etat relève que le Juge des référés en appel n’a commis aucune erreur de droit en rejetant la demande du sous-traitant comme étant prescrite, dans la mesure où l’interruption du délai de prescription quadriennale par un recours juridictionnel implique nécessairement la mise en cause d’une collectivité publique et que, par conséquent, l’instance engagée par la société sous-traitante devant le Tribunal de commerce contre le seul entrepreneur principal n’interrompait pas le délai de prescription quadriennale à l’égard du maître d’ouvrage, collectivité publique.
Il s’agit de l’application d’une jurisprudence ancienne du Conseil d’Etat qui considère que l’interruption de la prescription quadriennale en cas de recours juridictionnel est nécessairement subordonnée à la mise en cause d’une collectivité publique (CE, 24 juin, 1977, Commune de Férel, n°96584).
Précisions sur la suspension d’un fonctionnaire en congé maladie
Par un arrêt en date du 31 mars 2017, le Conseil d’Etat a précisé les modalités d’exécution d’une mesure de suspension dans l’intérêt du service prononcée à l’encontre d’un agent en congé de maladie.
Il rappelle, en premier lieu, qu’une mesure de suspension peut être régulièrement prononcée à l’encontre d’un agent qui bénéficie d’un congé de maladie.
Mais le Conseil d’Etat précise, d’une part, que la mesure n’entre en vigueur qu’à compter de la date à laquelle le congé de maladie prend fin. D’autre part, il indique que cette entrée en vigueur décalée s’applique même lorsque la décision ne la prévoit pas explicitement.
Enfin, le Conseil d’Etat indique que cette entrée en vigueur différée n’a pas d’influence sur le décompte de la durée de la mesure de suspension. Dès lors, quel que soit le délai pendant lequel l’entrée en vigueur de ladite mesure est retardée par un congé de maladie, le décompte de la durée de la période de suspension se fait à compter de la signature de la décision qui prononce la mesure de suspension.
La conséquence directe de cette précision est qu’en dehors de l’hypothèse de poursuites pénales prévue à l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la mesure de suspension prendra fin de plein droit dans un délai de quatre mois à compter de la signature de la décision de suspension, et non de son entrée en vigueur.
Outre ce point qui justifie sans doute sa mention aux tables du recueil Lebon, la décision s’insère dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure. Le Conseil d’Etat avait en effet déjà jugé qu’un agent ne peut être suspendu qu’à l’issue de son congé de maladie (CE, 29 octobre 1969, Commune de Labeurvière, publié au recueil Lebon) et que le placement en congé de maladie met automatiquement fin à la mesure de suspension (CE, 26 juillet 2011, M. Bruno A., n° 343837).
Il apparaît pour cette raison que cette jurisprudence est très vraisemblablement applicable à l’ensemble des mesures de suspension conservatoires, alors même que l’arrêt se prononçait en l’espèce à l’égard d’une mesure de suspension prononcée sur le fondement de l’article R. 6152-77 du Code de la santé publique qui prévoit la suspension conservatoire des praticiens hospitaliers, à l’instar de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983.
Précision sur l’indemnisation devant être versée à un agent public irrégulièrement évincé : il faut dorénavant intégrer la perte des droits à indemnisation chômage
Le Conseil d’Etat affine sa jurisprudence sur les conséquences indemnitaires d’une éviction illégale (annulation d’un licenciement, d’une révocation, d’une exclusion temporaire de fonctions…) en précisant par un arrêt rendu le 20 mars 2017 que le préjudice financier de l’agent peut également comprendre la perte des droits à indemnisation chômage.
Pour mémoire, depuis l’arrêt du 6 décembre 2013 Commune d’Ajaccio (n° 365155), l’indemnisation financière de l’agent évincé porte sur « la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ».
Si Conseil d’Etat n’avait pas encore eu l’occasion de se prononcer sur un préjudice particulier qui est celui de la réduction des droits à chômage c’est chose faite en l’espèce : le requérant ayant été licencié au 25 janvier 2011 (au lieu de quoi son contrat aurait pris fin le 23 octobre 2012), il a soutenu avec succès que ses droits à chômage ont pris fin prématurément et que le principe de la réparation intégrale impliquait une indemnisation du préjudice ainsi causé.
Naturellement, à l’instar des autres préjudices, ce dernier est soumis à la démonstration de sa réalité. Enfin, le montant de l’indemnité globale doit être réduit de toute rémunération ou allocation chômage perçue pendant cette période.
Nouvelles précisions du Conseil d’Etat sur les règles de prescription des rémunérations indûment perçues
Le 3 mars dernier, le Conseil d’Etat rendait une décision afférente à l’hypothèse de la perception par un agent de sommes perçues de manière irrégulière à la suite d’une nomination elle-même irrégulière (CE, 3 mars 2017, Madame A. contre Commune de Montreuil-sur-Ille, n° 398121).
Le 31 mars, dans le cadre d’un avis sollicité par le Tribunal administratif de Paris, il est venu de nouveau apporter des précisions complémentaires quant aux conditions de mise en œuvre des règles posées à l’article 37-1 de la loi du n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Premièrement, s’agissant de l’hypothèse prévue au 2ème alinéa de cet article (indus résultant soit de l’absence d’information de l’administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d’avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d’informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale), il précise que la prescription est celle de l’article 2224 du Code civil (cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer une action en recouvrement).
Deuxièmement, il indique que l’interruption de prescription est régie par les principes dont s’inspirent les dispositions du Code civil, en confirmant que la lettre par laquelle l’administration informe un agent de son intention de recouvrer une somme ou l’ordre de reversement ou le titre exécutoire sont des actes interruptifs, dont il convient en tout état de cause de retenir la date de notification et, naturellement, d’être en mesure d’en faire la démonstration.
Si un simple courrier d’information de l’intention de l’employeur peut donc suffire à interrompre les délais de l’article 37-1, encore faut-il donc qu’il veille à adresser celui-ci par la voie d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou à le faire signifier par Huissier.
Fermeture de la voie du référé suspension après l’expiration du contrat
Pour rappel, le Juge des référés peut, en vertu des dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, ordonner la suspension de l’exécution d’une décision administrative, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’un doute sérieux existe quant à la légalité de la décision.
Et la décision administrative dont l’exécution serait suspendue peut notamment être une décision de résiliation (CE, Sect., 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806) ou une décision de non-renouvellement d’un contrat (CE, 6 mai 2015, Commune d’Epinay-sous-Sénart, req. n° 386172).
Dans l’un comme dans l’autre cas, le Juge des référés peut faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles.
Toutefois, le Juge ne peut user de son pouvoir de suspension qu’après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet à la date à laquelle il est saisi du recours et, a fortiori, à la date à laquelle il rend son ordonnance. A défaut, la requête devrait être rejetée comme irrecevable dans la première hypothèse (CE, 6 mai 2015, Commune d’Epinay-sous-Sénart, req. n° 386172), et le Juge devrait prononcer un non-lieu à statuer dans la seconde (CE, 1er avril 2015, Société Alméria, req. n° 380721).
Au cas présent, Monsieur B. avait été recruté en qualité d’agent contractuel par le Département des Hauts-de-Seine à compter du 1er août 2009 et pour une durée d’un an. Ce contrat avait été renouvelé d’année en année, le dernier contrat étant parvenu à son terme le 31 juillet 2016. Or, le 13 juin 2016, l’agent était informé par le Département de sa décision de ne pas renouveler son contrat au-delà de son échéance. Il avait alors saisi le Juge des référés d’une demande tendant à la suspension de cette décision. Le Juge des référés a fait droit à cette demande par une ordonnance du 5 août 2016 et enjoint au Département de réintégrer Monsieur B. dans ses fonctions.
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance en rappelant au Juge des référés l’étendue de son office. En effet, ce dernier ne peut suspendre, au-delà du terme d’un contrat à durée déterminée, la décision de ne pas renouveler celui-ci, pas davantage qu’il ne peut imposer le maintien provisoire de relations contractuelles au-delà de la date d’échéance d’un contrat à durée déterminée.
Ce faisant, le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence Commune d’Epinay sous Sénart (CE, 6 mai 2015, req. n° 386172), rendue dans un litige très similaire et portant sur un contrat de fonction publique.
Premières décisions du Conseil d’Etat sur les « cars Macron »
Il s’agissait de l’une des mesures phares de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi « Macron » : la libéralisation des activités de transport public régulier interurbain de voyageurs par autocar. Les premiers contentieux viennent d’être tranchés par le Conseil d’Etat.
Pour mémoire, depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions, ces services de transports sont complètement libéralisés pour les liaisons supérieures à 100 kilomètres. Pour les liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres, l’opérateur économique souhaitant s’implanter doit déclarer son projet à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). A l’occasion de la publication de la déclaration (qui est obligatoire), une autorité organisatrice des transports (AOT) peut alors interdire ou limiter le service envisagé, après avis conforme de l’ARAFER (l’Autorité doit se prononcer dans le délai de deux mois à compter de sa saisine), dès lors qu’il est porté « une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ou à l’équilibre économique du contrat de service public de transport concerné » (article L. 3111-18 du Code des transports, alinéa 2), et, plus concrètement, à l’équilibre économique de la ou des ligne(s) de train(s) TER concurrencée(s).
Ainsi la libéralisation des services de transports réguliers interurbains de voyageurs par autocar assurant une liaison inférieure ou égale à 100 kilomètres est en réalité encadrée par un système de déclaration préalable, laquelle donne lieu, le cas échéant, à un projet d’interdiction ou de limitation par l’AOT à la suite d’un avis conforme (c’est-à-dire auquel l’AOT doit se soumettre), de l’ ARAFER. Ces avis sont contestables devant le Conseil d’Etat.
Saisi par la Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (devenue Région Nouvelle-Aquitaine) d’avis défavorables de l’ARAFER s’agissant de projets d’interdiction ou de limitation de services libéralisés qu’elle entendait prendre, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rendre très récemment ses premières décisions en la matière.
Dans les trois affaires, le Conseil d’Etat rejette les prétentions de l’AOT régionale. Ces décisions ne présentent malheureusement qu’une analyse peu développée.
Néanmoins, on peut relever que la Haute juridiction retient que c’est à raison que l’ARAFER a analysé l’impact du service libéralisé au regard des « recettes commerciales du service de transport organisé par la région », d’une part, et du « montant de la compensation versée par la région au titre de ce service », d’autre part.
Par ailleurs, dans les trois cas, elle considère qu’ « au regard du montant des subventions publiques versées par la région », l’atteinte portée au service TER organisé par l’AOT n’est pas substantielle.
Ainsi, le Conseil d’Etat tient compte de la faiblesse des recettes commerciales par rapport aux subventions publiques régionales dans le financement des services conventionnés (services TER) pour considérer que l’atteinte auxdits services par les services librement organisés par autocar n’est pas substantielle.
Ce raisonnement semble pour le moins critiquable, puisque les subventions publiques participent précisément de l’équilibre économique des services de transports ferroviaires de voyageurs, qui sont par nature largement déficitaires, et qu’il n’est par ailleurs nullement précisé par les textes que l’impact du service libéralisé devrait s’apprécier au regard des seules recettes commerciales de la ligne impactée.
Enfin, on peut regretter que la Haute juridiction ne porte son analyse ni sur le périmètre pris en compte par l’ARAFER pour apprécier l’impact économique du service libéralisé sur le service conventionné, ni sur la méthodologie employée par l’Autorité pour apprécier la substituabilité entre ces deux services.
Mais ces moyens n’avaient peut-être pas été soulevés par la requérante. Il conviendra donc d’être particulièrement attentif aux prochaines décisions rendues par le Conseil d’Etat qui lui donneront, il faut l’espérer, l’occasion d’enrichir sa jurisprudence.
Incompétence matérielle du Juge judiciaire pour statuer sur la responsabilité d’un service de l’Aide Sociale à l’Enfance
Le 7 février dernier, le Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris devait se prononcer sur la compétence du Juge judiciaire pour statuer sur la responsabilité pour carences fautives du Service de l’Aide Sociale à l’Enfance d’un Département.
En l’espèce, une fillette était placée en 2010 auprès d’un Service de l’Aide Sociale à l’Enfance pendant une durée d’un an, puis une mainlevée du placement était ordonnée le 19 août 2011 par le Juge des enfants, qui instituait une mesure d’aide au retour en famille (AREF) confiée à l’Aide Sociale à l’Enfance pour six mois et une mesure d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) confiée au Service d’Action Educative.
A la suite d’un signalement transmis en décembre 2012 au Procureur de la République par le Département en raison d’hématomes présent sur le corps du frère de la fillette, une enquête était menée et la fillette était retrouvée morte en janvier 2013, sa mort remontant selon les experts à un an environ.
Une Association de défense des enfants assignait alors le Département devant le Tribunal de grande instance aux fins de voir dire que ce dernier avait commis des carences fautives dans l’exécution par l’Aide Sociale à l’Enfance des mesures d’assistance éducative de placement et d’aide au retour en famille de la fillette.
En défense, le Département soulevait un incident, faisant valoir que la juridiction compétente pour statuer sur la responsabilité d’un Département en raison d’une carence fautive alléguée du Service de l’Aide Sociale à l’Enfance dans l’exercice du contrôle qui lui incombe d’une mesure d’assistance éducative, est la juridiction administrative et non judiciaire.
Ce faisant, le Département soulevait l’irrecevabilité de l’action en responsabilité intentée par l’Association pour carences fautives alléguées du Département comme portée devant un juge matériellement incompétent.
Par ordonnance du 7 février 2017, le Tribunal de grande instance de Paris a donné raison au Département.
Le Tribunal de grande instance de Paris s’est donc déclaré incompétent et a renvoyé l’Association à mieux se pourvoir et à saisir le Tribunal administratif territorialement compétent.
Clarification du régime d’indemnisation des administrateurs des organismes d’habitations à loyer modéré
Pour mémoire, le régime d’indemnisation des administrateurs des conseils d’administration ou de surveillance des organismes d’habitations à loyer modéré est régi par les articles L. 423-13 et R. 421-10 du Code de la construction et de l’habitation.
Ce régime obéit au principe de la gratuité du mandat des administrateurs d’organismes d’habitations à loyer modéré et, par conséquent, implique le caractère bénévole de cette activité.
Cependant, l’article R. 421-10 du Code de la construction et de l’habitation prévoit la possibilité pour le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de l’organisme de décider du remboursement des frais de déplacement de ses membres, en renvoyant à un arrêté dont la publication n’est toujours pas intervenue.
Se posait donc la question de la mise en œuvre de ce dispositif et des textes applicables.
Interrogé sur ce point, le Ministère du logement et de l’habitat durable a répondu qu’en l’absence de publication dudit arrêté, c’est l’ancien l’article R. 421-56 du Code de la construction et de l’habitation, ainsi que l’arrêté du 31 juillet 1985 relatif aux indemnités pouvant être allouées aux administrateurs des offices publics de l’habitations à loyers modérés qui s’appliquent.
Ledit arrêté du 31 juillet 1985 renvoie au décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’Etat, de sorte qu’il n’y a par conséquent « pas de vide juridique empêchant le remboursement des frais de déplacements des administrateurs ».
Le Ministère ajoute le Gouvernement examine actuellement les conditions de publication de l’arrêté prévu par l’article R. 421-10 du Code de la construction et de l’habitation.
Application dans le temps de l’article L. 480-13 1° du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015
Dans un objectif de sécurité juridique, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 avait modifié la rédaction de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme afin de restreindre les possibilités d’obtenir la démolition d’une construction régulièrement édifiée en application d’un permis de construire annulé ensuite par le Juge administratif.
En effet, jusqu’alors, l’article L. 480-13 précisait :
« Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :
a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ; (…) »
Ces dispositions ont été modifiées par l’article 111 de la loi du 6 août 2015 qui prévoit désormais que la démolition ne peut être obtenue que si la construction se trouve dans l’une des zones limitativement énumérées par les dispositions de l’article L. 480-13 1° (modifiées en dernier lieu par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017).
Par sa décision du 23 mars 2017, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser qu’en l’absence de disposition contraire dans la loi du 6 août 2015 précitée, la nouvelle rédaction de l’article L. 480-13 est d’application immédiate, y compris pour les instances en cours introduites avant l’entrée en vigueur de ladite loi :
« Attendu que, pour accueillir la demande de démolition, l’arrêt retient que le permis de construire a été annulé par la juridiction administrative dès lors qu’il ne respectait pas les dispositions du plan d’occupation des sols relatives à la hauteur des constructions et que la violation de la règle d’urbanisme est à l’origine du préjudice subi par M. et Mme Z…;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’une loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, même lorsque semblable situation fait l’objet d’une instance judiciaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Application directe de la loi Littoral aux autorisations d’urbanisme – Abandon de la jurisprudence Porto-Vecchio
Par une décision en date du 31 mars 2017, la section du contentieux du Conseil d’Etat a précisé les conditions d’application de la loi Littoral aux autorisations d’urbanisme.
Rappelons qu’en 2015, dans sa décision Porto-Vecchio publiée au Recueil (CE 9 novembre 2015, req. n° 372531), le Conseil d’Etat avait considéré que les dispositions de la loi Littoral étaient directement applicables aux autorisations d’urbanisme en l’absence de plan local d’urbanisme.
A contrario, cela supposait qu’en présence d’un PLU régulièrement applicable, la loi Littoral serait applicable uniquement par l’intermédiaire de ce document d’urbanisme et non plus directement aux autorisations d’urbanisme.
C’était, en tout cas, le sens des conclusions du rapporteur public, Xavier de Lesquen, dans cette affaire.
Par sa décision du 31 mars 2017, le Conseil d’Etat revient sur cette jurisprudence – diversement appliquée par les juges du fond – et considère que les dispositions de la loi Littoral désormais codifiées aux articles L. 121-1 et suivants du Code de l’urbanisme sont directement applicables aux autorisations d’urbanisme :
« Eu égard, d’une part, au seul rapport de compatibilité prévu par l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme entre les documents d’urbanisme qu’il mentionne et entre ces documents et les règles spécifiques à l’aménagement et à la protection du littoral et, d’autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu’une telle décision respecte les prescriptions du plan local d’urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 146-1 et suivants de ce code ».
Les nouvelles règles de la prescription en matière pénale
Par la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, le législateur a entendu réformer profondément les régimes de prescription en matière pénale en s’assignant pour objectif « d’assurer un meilleur équilibre entre l’exigence de répression des infractions et l’impératif de sécurité juridique et de conservation des preuves, principalement en allongeant les délais de prescription de l’action publique en matière criminelle et correctionnelle, tout en unifiant ces délais avec ceux de la prescription de la peine, et en consacrant, précisant et encadrant les règles jurisprudentielles relatives aux causes d’interruption et de suspension de la prescription » (Circulaire du 28 février 2017 présentant les dispositions de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale).
Ce texte, adopté de façon consensuelle par l’Assemblée nationale et le Sénat a été publié au Journal Officiel du 28 février 2017, et est entré en vigueur depuis le 1er mars 2017.
Pour bien comprendre ces nouvelles règles, il convient tout d’abord d’examiner les modifications apportées au régime de droit commun de la prescription (1.), avant de préciser les modalités d’application dans le temps de la réforme (2.).
- Les modifications apportées au régime de droit commun de la prescription
La Loi modifie les délais de prescription de droit commun de l’action publique (1.1.) et de la peine (1.2.).
- La prescription de l’action publique
Un allongement des délais de prescription. La Loi a doublé les délais de prescription de droit commun en matière criminelle et délictuelle, tout en maintenant leur point de départ au jour de la commission de l’infraction.
Ainsi, le délai est désormais fixé à vingt ans au lieu de dix ans, s’agissant de la matière criminelle (CPP, art. 7 al. 1er) ; celui en matière délictuelle passe de trois à six ans (CPP, art. 8 al. 1er).
En revanche, le délai de prescription d’un an en matière contraventionnelle est maintenu (CPP, art. 9).
Ces modifications ont pour objectif de mieux protéger l’intérêt des victimes et de tenir compte des nouvelles méthodes et techniques d’investigation, de recueil et de conservation des preuves.
Un report du point de départ de la prescription pour toute infraction occulte ou dissimulée. Le législateur consacre la jurisprudence prévoyant, pour certains délits occultes (par nature) et dissimulés (par la volonté de leur auteur), le report du point de départ du délai de prescription de l’action publique au jour de leur découverte, et l’a rend applicable à l’ensemble des infractions.
Ainsi, le Code de procédure pénale prévoit désormais que le délai de prescription de toute infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où ces infractions sont apparues et ont pu être constatées « dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique » (CPP, art. 9-1 al. 3).
Par ailleurs, les notions d’infraction occulte ou dissimulée sont définies par le législateur : « est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire » (CPP, art. 9-1 al. 4) ; « est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte » (CPP, art. 9-1 al. 5).
La Jurisprudence ancienne semble donc avoir conservé sa pertinence sur ce point : à titre d’exemple sont des infractions occultes par nature, les délits d’abus de confiance, de tromperie, de publicité trompeuse, etc.
Ces nouvelles dispositions sont applicables à l’ensemble des infractions – contravention, délit ou crime – et en toutes hypothèses, y compris celles dans lesquelles, par le passé, la Cour de cassation avait refusé de différer le point de départ de la prescription.
L’instauration d’un délai butoir. Afin d’éviter l’imprescriptibilité de ces infractions dissimulées ou occultes, le législateur a encadré le report du point de départ de la prescription par des délais butoirs, qui courent cette fois à compter de la date de la commission de l’infraction.
Ainsi, le délai de prescription des infractions occultes ou dissimulées ne pourra pas dépasser trente ans en matière criminelle et douze ans en matière délictuelle.
Il résulte de ces dispositions que si, avant l’expiration de ces délais de douze et trente ans à compter de leur commission, un délit ou un crime occulte ou dissimulé n’a pas été découvert et n’a pas fait l’objet d’un acte interruptif de prescription, ces faits seront définitivement prescrits et ne pourront plus donner lieu à poursuite. Au contraire, si un acte interruptif est intervenu avant l’expiration de ces délais butoirs, les nouveaux délais de prescription de droit commun de 6 ans et de 20 ans s’appliqueront alors.
- La prescription de la peine
Le délai de prescription de droit commun de la peine en matière délictuelle est porté de cinq à six ans (CP, 133-3), ceux applicables en matière criminelle (20 ans) et contraventionnelle (2 ans) restant inchangés (CP, art. 133-2 et 133-4).
- Les modalités d’application dans le temps de la nouvelle Loi et leurs conséquences
La loi du 27 février 2017 est d’application immédiate (2.1.) à toutes les infractions non prescrites à la date de son entrée en vigueur ; cela signifie que les infractions ayant donné lieu à une mise en mouvement de l’action publique avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, se prescriront conformément aux règles antérieures (2.2.).
Ces dispositions emportent par ailleurs diverses conséquences quant à la procédure de réhabilitation (2.3.).
- Une loi d’application immédiate
Par principe, les lois de prescription de l’action publique et des peines, sans distinguer selon qu’elles sont plus ou moins sévères, pourvu qu’elles ne soient pas déjà prescrites, sont immédiatement applicables aux infractions commises avant leurs entrées en vigueur (CP, art. 112-2 4°).
Les prescriptions nouvelles n’ont donc aucun effet sur les prescriptions déjà acquises lors de l’entrée en vigueur de la réforme ; en d’autres termes, les délits ou les crimes prescrits au moment de l’entrée en vigueur de la Loi – par application des anciens délais de prescription de l’action publique de trois ans ou de dix ans – ne peuvent plus être poursuivis.
Il en est de même pour les peines correctionnelles déjà prescrites à l’issue de l’ancien délai de cinq ans.
A contrario, s’agissant des prescriptions en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, les nouveaux délais de prescription se substituent aux anciens.
- Une absence de prescription des infractions ayant donné lieu à une mise en mouvement de l’action publique avant l’entrée en vigueur de la Loi
Le Législateur a pris soin de préciser que cette Loi « ne peut pas avoir pour effet de prescrire les infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise » (Loi n° 2017-242 du 27 février 2017, art. 4).
Par mise en mouvement ou exercice de l’action publique, il faut ici entendre le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, le réquisitoire introductif du Parquet saisissant un Juge d’instruction ou la citation saisissant le Tribunal correctionnel.
Dès lors qu’un tel acte est intervenu avant l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, ce sont les anciennes règles de prescription qui doivent trouver application ; en particulier, le « bornage » de la prescription des infractions occultes et dissimulées sera exclu.
Précisons que la Loi ne fait pas obstacle à ce que l’interruption de la prescription par des actes d’enquête émanant du ministère public ou des procès-verbaux de police tendant à la recherche et à la poursuite d’auteurs présumés soit effective, même en l’absence de mise en mouvement de l’action publique intervenue avant son entrée en vigueur.
- Des conséquences en matière de réhabilitation
L’allongement du délai de prescription des peines délictuelles – de cinq à six ans – a dès lors pour conséquence de prolonger d’un an le délai de réhabilitation légale prévu pour des condamnations délictuelles non exécutées (CP, art. 133-13 et 133-14).
Enfin, ajoutons que le nouveau délai de prescription de la peine de six ans n’aura d’effet que sur la réhabilitation légale des condamnations prononcées pour les délits commis à compter du 1er mars 2017.
Sonia KANOUN
Avocat à la Cour
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Etat des lieux des principaux derniers textes d’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte susceptibles d’intéresser les acteurs publics
Trois textes d’application de la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissante verte retiennent ce mois-ci l’attention.
Pris en application de l’article 12 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissante verte, le décret n° 2017-312 du 9 mars 2017 modifiant le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ajoute deux dispositions à l’article 2 de ce décret de 2002, lequel liste les conditions pour qu’un logement puisse être qualifié de décent.
Premièrement, pour être décent, le logement doit être protégé contre les infiltrations d’air parasites. A cet effet, les portes et fenêtres doivent présenter une étanchéité à l’air suffisante, et les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés doivent être munies de portes ou fenêtres.
Deuxièmement, le logement doit permettre une aération suffisante. Pour cela, les dispositifs d’ouverture et de ventilation doivent être en bon état et permettre un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.
Il restera donc à déterminer, pour l’application de ces nouvelles dispositions, ce que recouvrent les notions d’étanchéité et d’aération « suffisantes ».
Enfin, on notera qu’alors que l’article 12 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat « définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée », le décret n° 2017-312 commenté ne contient pas un tel calendrier.
Par ailleurs, le décret n° 2017-437 du 29 mars 2017 relatif à la valorisation des effacements de consommation d’électricité conduisant à des économies d’énergie significatives définit les catégories d’effacement de consommation d’électricité qui conduisent à des économies d’énergie significatives comme celles générant un taux d’économie d’énergie d’au moins 40%.
Le taux d’économie d’énergie est défini par la contribution de l’effacement à la diminution constatée de la consommation d’un consommateur par rapport à son programme prévisionnel de consommation ou à sa consommation estimée, en tenant compte des augmentations de la consommation de ce même consommateur qui précéderaient ou suivraient les baisses constatées. Il est proposé chaque année par chaque opérateur d’effacement au gestionnaire du réseau de transport d’électricité, lequel valide ce taux selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires.
Ledit décret précise également que, pour que le paiement du versement vers les fournisseurs d’électricité des sites effacés soit réparti entre l’opérateur d’effacement valorisant des effacements conduisant à des économies d’énergie significatives et le gestionnaire du réseau public de transport, ledit opérateur doit en faire la demande chaque année audit gestionnaire.
La part de versement dont s’acquitte le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité est alors déterminée sur la base du taux d’économie d’énergie, ou, lors de la première demande de l’opérateur d’effacement, sur un taux provisoire qui sera par la suite régularisé.
Le décret n° 2017-437 est applicable aux effacements réalisés à compter de la publication de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie portant approbation des règles prévues à l’article R. 271-3 du Code de l’énergie relatives aux effacements conduisant à des économies d’énergie significatives, et au plus tard le 1er janvier 2018. A cette heure, on observera qu’a été publiée au Journal officiel du 11 décembre 2016 la délibération de la Commission de régulation de l’énergie portant approbation des règles de valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l’énergie. On restera attentif à la publication d’une éventuelle délibération complémentaire sur ces questions d’ici le 1er janvier 2018.
Enfin, le décret n° 2017-457 du 30 mars 2017 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie de la Guyane a, en application de l’article L. 141-5 du Code de l’énergie, adopté une programmation pluriannuelle de l’énergie (« PPE ») spécifique à la Guyane. Il s’agit, après la Corse, de la deuxième zone non-interconnectée du territoire français à être dotée d’un PPE.
Un Tribunal administratif valide l’abandon de colonnes montantes d’électricité pour être incorporées au réseau public de distribution d’électricité
Par un jugement en date du 9 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a validé le transfert des colonnes montantes d’électricité situées dans le patrimoine d’un office public de l’habitat au réseau public de distribution d’électricité (Tribunal administratif de Montreuil, 9 mars 2017, Société ENEDIS, n° 1510315).
En l’espèce, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité avait formé un recours pour excès de pouvoir contre une délibération d’un office public de l’habitat par laquelle ce dernier avait, en application de l’article 15 des cahiers des charges des contrats de concession liant les autorités concédantes sises sur son territoire à ce gestionnaire de réseau, « fait abandon de ses droits sur la totalité des colonnes montantes de distribution d’électricité dont il pourrait être propriétaire ».
Le Juge administratif a d’abord considéré qu’à compter de la publication du décret n° 46-2503 du 8 novembre 1946 relatif aux colonnes montantes d’électricité, soit le 13 novembre 1946, les colonnes montantes qui appartenaient à des personnes privées ont été incorporées dans le réseau public de distribution d’électricité, à moins que le propriétaire n’ait expressément décidé d’en conserver la propriété. Ce faisant, le Tribunal met à la charge du gestionnaire du réseau de distribution le soin de rapporter la preuve de l’absence de transfert des colonnes montantes par l’office. A défaut d’une telle preuve, les colonnes montantes sont présumées avoir été incorporées au réseau public de distribution d’électricité.
Il a ensuite rejeté l’ensemble des moyens de la société requérante tendant à l’annulation de la délibération d’abandon de ces ouvrages.
En particulier, il a jugé que l’abandon des colonnes montantes d’électricité n’est soumis à aucune condition de fond tenant, notamment, à l’état desdites colonnes.
Puis il a écarté le moyen tenant à ce que l’incorporation des colonnes montantes dans la concession ferait supporter aux usagers du service public des dépenses étrangères à l’objet des concessions, en considérant que les frais de maintenance et de renouvellement de ces ouvrages sont compris dans les coûts servant au calcul des tarifs d’utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE).
Enfin, il a rejeté le moyen tenant à la rupture d’égalité entre usagers du service public en jugeant qu’en l’espèce, une telle rupture n’était pas démontrée, et qu’en tout état de cause, cette rupture serait justifiée par la poursuite d’un objectif d’intérêt général, à savoir l’intégration de l’ensemble des équipements concourant à la livraison de l’énergie électrique jusqu’au branchement individuel dans la concession, eu égard aux risques inhérents aux défauts d’entretien de ces ouvrages.
Par conséquent, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de la société concessionnaire.
Ce jugement s’inscrit dans le droit fil d’un jugement du Tribunal administratif d’Amiens (TA Amiens, 17 février 2015, ERDF, n° 1301146) dont il a été interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Douai, mais également dans un contexte jurisprudentiel plus large caractérisé par une certaine hétérogénéité des décisions (voir notre récente brève à ce sujet dans la Lettre d’actualités Energie & Environnement de mars 2017).