le 20/04/2017

Limitation de la sous-traitance, présentation des capacités des candidats et modification des clauses d’un cahier des charges en cours de procédure de passation

CJUE, 5 avril 2017, Borta, aff. C-298/15

Une autorité portuaire lituanienne (ci-après, l’ « Autorité portuaire ») avait publié un appel d’offres pour la passation, selon une procédure ouverte, d’un marché public de travaux sous l’empire de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. Durant la procédure de passation, l’Autorité portuaire avait procédé à une modification d’une clause du cahier des charges à deux reprises pour ajouter de nouvelles exigences relatives aux capacités professionnelles des membres d’un groupement conjoint. La société Borta, candidat à cette procédure d’appel d’offres, avait saisi la juridiction nationale pour obtenir l’annulation de la clause ainsi modifiée.  La juridiction nationale a profité de cette saisine pour poser trois questions à la Cour de justice de l’Union Européenne (ci-après, la « CJUE »).

S’agissant de la première question relative à la sous-traitance, la juridiction nationale a interrogé la CJUE sur la compatibilité d’une clause, reprenant une disposition nationale, imposant à l’attributaire de réaliser les travaux principaux et n’autorisant le recours à la sous-traitance que pour les travaux « accessoires ». La CJUE juge que « les articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition d’une réglementation nationale (…) qui prévoit que, en cas de recours à des sous-traitants pour l’exécution d’un marché de travaux, l’adjudicataire est tenu de réaliser lui-même les travaux principaux, définis comme tels par l’entité adjudicatrice ».

S’agissant de la deuxième question, la CJUE était interrogée sur la compatibilité avec le droit européen d’une clause du cahier des charges qui, « en cas de présentation d’une offre conjointe par plusieurs soumissionnaires, requiert que l’apport de chacun d’entre eux pour satisfaire aux exigences applicables en matière de capacités professionnelles corresponde, proportionnellement, à la part des travaux qu’il exécutera réellement s’il se voit attribuer le marché concerné ». Là encore, la CJUE censure une telle clause et rappelle que tout soumissionnaire a le droit de faire valoir, pour un marché déterminé, les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités, pour autant qu’il soit prouvé à l’entité adjudicatrice qu’il disposera effectivement des moyens desdites entités qui sont nécessaires à l’exécution du marché. Cette faculté ne pouvant être écarté que dans des circonstances exceptionnelles appréciées strictement par la jurisprudence (CJUE, 7 avril 2016, Partner Apelski Dariusz, C‑324/14).

S’agissant de la troisième question relative à la modification des clauses d’un cahier des charges en cours de procédure, la CJUE juge que « les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que l’obligation de transparence qui découlent notamment des articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que l’entité adjudicatrice modifie, après la publication de l’avis de marché, une clause du cahier des charges relative aux conditions et aux modalités de cumul des capacités professionnelles, telle que la clause 4.3 en cause au principal ». Néanmoins, la CJUE encadre très strictement cette faculté d’une modification du cahier des charges en cours de procédure en la soumettant au respect de trois conditions cumulatives. En premier lieu, les modifications effectuées ne doivent pas être à ce point substantielles qu’elles auraient attiré des soumissionnaires potentiels qui, en l’absence de ces modifications, ne seraient pas en mesure de présenter une offre. En deuxième lieu, lesdites modifications doivent faire l’objet d’une publicité adéquate. En troisième lieu, ces modifications doivent intervenir avant la présentation des offres par les soumissionnaires et le délai de présentation de ces offres doit être prolongé lorsque les modifications concernées sont importantes et la durée de cette prolongation doit permettre aux soumissionnaires de modifier leur offre en conséquence.