Le CHSCT n’est pas un pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance relative aux marchés publics

Par un arrêt en date du 28 mars 2018 (n° 16-29.106), la Cour de Cassation a, pour la première fois, tranché le point de savoir si le CHSCT doit être considéré comme un pouvoir adjudicateur au regard de l’article 10- 2° de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 qui prévoit que sont pouvoirs adjudicateurs « les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :
a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ».

La question jusqu’alors était en suspens : le CHSCT, personne morale de droit privé peut en effet désigner dans le cadre de sa mission de prévention et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs un expert, dont les honoraires sont à la charge de l’employeur qui peut être soumis à l’ordonnance du 23 juillet 2015.

Ces honoraires d’expertise sont-ils soumis à l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015?

La Cour de cassation répond par la négative en considérant que le CHSCT, dont la mission est de contribuer à la prévention et la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure, n’est pas une personne morale de droit privé créé pour satisfaire spécifiquement aux besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899, quand bien même le CHSCT exerce sa mission au sein d’une personne morale visée par ce texte.

La Cour de Cassation s’attache ainsi à la mission du CHSCT qui n’est pas de satisfaire aux besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de l’ordonnance susvisée.

Ainsi, les règles de publicité et de mise en concurrence issues du droit de la commande publique ne sont pas applicables à une expertise CHSCT.

Réflexions sur le statut des dirigeants d’un EPIC

Dans les entreprises privées, les membres du directoire ne sont pas des salariés mais des mandataires sociaux (article 80 ter CGI): ils sont cependant affiliés au régime général de Sécurité sociale (Lettre CNAMTS 8 nov. 1972 : Bull. jur. UCANSS n° 46/72).

Si la situation est claire pour les dirigeants d’entreprises du secteur privé, aucun texte ne fixe le statut général des administrateurs des établissements publics industriels et commerciaux de l’Etat. Or, de ce statut découlent de nombreuses conséquences.

Si quelques textes épars permettent d’ouvrir des pistes de réflexion (loi 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, art. 10 ; décret 94-582 du 12 juillet 1994, art.1 ; décret 2010-1035 du 1er septembre 2010) aucun cependant ne donne de réponse concrète sur ce point.

La jurisprudence du Conseil d’Etat a apporté des précisions sur le statut de certains dirigeants des EPIC de l’Etat en considérant que tant la fonction de président du conseil d’administration que les emplois de direction pouvaient constituer des emplois purement discrétionnaires, dont la nomination comme la révocation sont des prérogatives appartenant « normalement » au Gouvernement (CE, 13 novembre 1952, Jugeau).

Dans ces conditions, ils entrent dans le champ d’application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, dont le décret d’application n° 85-779 du 24 juillet 1985 fixe la liste des emplois laissés à la décision du Gouvernement.

Si ce dernier texte ne vise pas, au titre de tels emplois, ceux de direction dans les établissements publics de l’État, le juge administratif considère que cette liste n’est pas exhaustive et se réserve ainsi le pouvoir de la compléter au cas par cas (cf. CE 14 mai 1986,  Rochaix)

Lorsqu’un emploi ne figure pas dans la liste réglementaire des emplois supérieurs à la décision du gouvernement, le Conseil d’État se fonde de manière constante sur deux critères (CE 14 mai 1986, n° 60852) : celui des conditions de la nomination, discrétionnaire ; celui de la nature des fonctions, emportant de « vastes responsabilités administratives, dans le cadre notamment d’un établissement public » (CE 27 janvier 2016, n° 3844873).

Deux indices sont ainsi assez défavorables à la reconnaissance d’un emploi purement discrétionnaire : l’existence dans les statuts de l’exigence d’un décret motivé pour mettre fin aux fonctions (CE, ass., 27 oct. 1961, Bréart de Boisanger) et la fixation d’une durée déterminée du mandat (CE, 13 nov. 1952, Jugeau, préc.).

Toutefois, s’agissant de ce dernier critère, il a été jugé que l’autorité de nomination étant libre de mettre fin aux fonctions de dirigeants avant l’expiration de la durée du mandat et pour des motifs tirés de l’intérêt du service, le caractère révocable permettait la qualification d’emploi supérieur à la discrétion du gouvernement (CE, ass., 22 décembre 1989, Morin).

Or, dès lors que tant la nomination que la révocation des dirigeants d’un EPIC de l’Etat sont laissées à la décision du Gouvernement, leurs emplois entrent dans le champ d’application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ce qui leur confère la qualité d’agent public.

A cet égard, l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 prévoit que « l’accès de non-fonctionnaires [aux] emplois [laissés à la discrétion du Gouvernement] n’entraîne pas leur titularisation dans un corps de l’administration ou du service ».

On rappellera en effet que selon une jurisprudence constante, la qualité d’agent public est attribuée au comptable public mais également à l’agent chargé de la direction de l’établissement au sein de l’EPIC (CE, 26 janvier 1923, De Robert-Lafrégeyre ; CE, Sect., 25 janvier 1952, Boglione ; CE, Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau).

La question qui se pose est donc celle d’identifier, au sein des EPIC de l’Etat, qui a la qualité d’agent public.

Dans l’hypothèse où il existerait une répartition statutaires des pouvoirs entre un Président et un Directeur général de l’établissement au sein d’un EPIC de l’Etat, deux formes peuvent être envisagées, à savoir :

–       soit les statuts démontrent une volonté de confier le pouvoir au Président de l’établissement, auquel cas ses pouvoirs sont importants (exemple : préparation et exécution des délibérations du conseil d’administration ou de surveillance, autorité sur l’ensemble des services de l’établissement, recrutement et gestion des personnels,  ordonnancement des recettes et des dépenses, signature des contrats, représentation de l’établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile, etc.) ;

–       soit les statuts confèrent ces fonctions et donc un rôle plus important au directeur en cantonnant le président dans sa tâche de présidence du conseil d’administration ou de surveillance (exemple : convocation du conseil d’administration, présidence avec voix prépondérante en cas de partage de voix).

En toute hypothèse, cette distinction est particulièrement importante puisqu’elle permet de distinguer les agents exerçant les fonctions de direction au sein des EPIC et ayant ainsi la qualité d’agents publics :

–     dans le premier cas, le président de l’organe délibérant aura la qualité d’agent public mais pas le président du directoire, bien qu’il ait la qualité de directeur ;

–       dans le second cas, le président de l’organe délibérant n’aura pas la qualité d’agent public contrairement au directeur, président du directoire.

Il est observé que selon une pratique récente, l’organisation du pouvoir au sein de certains EPIC récents de l’Etat s’inspire du modèle sociétal « classique » : aux côtés du conseil d’administration (dit conseil de surveillance), est institué un directeur assisté d’un directoire, organe exécutif collégial qui peut, soit simplement assister le directeur dans sa tâche de direction, soit même être titulaire de compétences devant ainsi être exercées collégialement.

Dans ce dernier cas, l’exercice collégial des fonctions de direction au sein d’un EPIC conduit à s’interroger sur la possibilité de reconnaître la qualité d’agents publics à l’ensemble des membres de l’organe concerné et non au seul directeur ou président personne physique.

En tout état de cause, il revient aux EPIC d’identifier en leur sein, les membres des organes d’administration ayant ou non la qualité d’agent public, afin de déterminer notamment, la situation des intéressés au regard des modalités de fin de fonction, du régime applicable d’assurance chômage ou encore des cotisations sociales devant être versées.

 

Le Conseil d’Etat étend sa jurisprudence « Czabaj » relative au délai raisonnable d’introduction d’une requête au domaine indemnitaire

Par une décision du 9 mars 2018, le Conseil d’Etat a étendu l’application de sa décision de principe « Czabaj » rendue en Assemblée le 13 juillet 2016, au contentieux indemnitaire.

Il faut rappeler que, par sa décision « Czabaj », la Haute juridiction a posé, à l’aune du principe de sécurité juridique, la règle selon laquelle une décision administrative individuelle notifiée à son destinataire ou dont il a eu connaissance mais ne mentionnant pas les voies et délais de recours ne peut être contestée « indéfiniment », et doit l’être dans un « délai raisonnable ».

Elle a plus précisément indiqué qu’en règle générale, sauf circonstances ou recours administratifs particuliers, ce délai ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle l’intéressé s’est vu notifier la décision ou en avait une connaissance établie.

En l’espèce, le Conseil d’Etat rappelle cette solution et le considérant de principe afférent et en fait une application combinée avec la jurisprudence de principe « Lafon » (Conseil d’Etat section, 2 mai 1959, Min. Finances c/ Lafon : Lebon 1959, p. 282), aux termes de laquelle un requérant n’est pas recevable à solliciter l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’illégalité d’une décision dont l’objet est purement pécuniaire devenue définitive.

En l’occurrence, la Communauté de communes avait eu connaissance, à la fin de l’année 2012, de la décision préfectorale portant minoration, pour cette année-là, de la compensation au titre du produit de la taxe sur les surfaces commerciales.

Cette décision, dont l’objet est purement pécuniaire, n’ayant pas été contestée dans le délai raisonnable d’un an, elle était ainsi devenue définitive à la date d’introduction de la requête de la Communauté de communes devant le tribunal administratif de Grenoble le    26 décembre 2014.

En conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par la Communauté de communes au titre de l’illégalité de cette décision étaient irrecevables. Le Conseil d’Etat rejette ainsi son pourvoi.

Il faut par ailleurs noter que la jurisprudence « Czabaj » a été étendue, par une décision du même jour (Conseil d’Etat, 9 mars 2018, Communauté d’agglomération du pays ajaccien, n° 401386), au contentieux des titres exécutoires. Le Conseil d’Etat a formulé des précautions supplémentaires en prévoyant une modulation du point de départ du délai d’un an et en prenant en compte l’erreur du débiteur quant à l’ordre de juridiction saisi.

Le Préfet est tenu de déclarer la démission d’office d’un conseiller municipal, aussitôt ce dernier condamné, par le juge pénal, à une peine complémentaire d’inéligibilité, déclarée exécutoire par provision

Le Président du Tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé, le 17 mai 2018, que le Préfet de la Guadeloupe était légalement tenu de déclarer, par arrêté du 1er mars 2018, démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal et de conseiller communautaire, un élu que le Tribunal correctionnel de Basse-Terre avait condamné à deux ans d’emprisonnement et à une peine complémentaire de 10 ans d’inéligibilité, en déclarant cette peine exécutoire par provision.
Le Président du Tribunal administratif, considérant que le caractère inopérant des moyens soulevés dans la requête dont il avait été saisi, s’est contenté de rendre, après expiration du délai de recours, une ordonnance de rejet.
Néanmoins, au requérant qui soutenait que la décision méconnaissait le droit à la présomption d’innocence et qu’il avait interjeté appel du jugement du Tribunal correctionnel, le juge a répondu que si un conseiller municipal se trouve, pour une cause survenue postérieurement à son élection, privé du droit électoral en vertu d’une condamnation devenue définitive ou d’une condamnation dont le juge pénal a décidé l’exécution provisoire, le Préfet est tenu de le déclarer démissionnaire d’office de tous ses mandats, quand bien même il aurait formé appel du jugement correctionnel provisoire, le Préfet est tenu de le déclarer démissionnaire d’office.
Cette Ordonnance du Tribunal administratif de Basse Terre, est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, n° 356865, 20 juin 2012).
Il convient de signaler, à cet égard, que l’élu démissionnaire d’office, avait soulevé, dans cette dernière affaire, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la faculté laissée ainsi au juge pénal de déclarer exécutoire par provision une peine d’inéligibilité.
Mais le Conseil d’Etat n’a pas transmis la question, les dispositions contestées ne pouvant être regardées comme applicables. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’Etat à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux
Il faudra donc attendre une éventuelle transmission d’une QPC présentée devant les juridictions répressives pour connaître la position du Conseil constitutionnel sur ce point.

L’enclavement causé par l’expropriation doit donner lieu à indemnisation et n’est pas couvert par l’indemnité de remploi

Lorsque l’expropriation conduit à enclaver une partie du reliquat, les expropriés peuvent solliciter une indemnité pour perte de jouissance et d’usage de ce reliquat.

Au cas présent, des expropriés ont sollicité une indemnité au titre de la perte de jouissance et d’usage d’un garage dont la desserte était rendue impossible par l’expropriation d’une partie de leur parcelle.

La Cour d’appel de Toulouse a refusé de leur octroyer cette indemnité en retenant que le garage demeurait leur propriété, que le procès-verbal de transport sur les lieux ne comportait aucun engagement de création d’une servitude, que la détermination d’une servitude ne relevait pas de la compétence du juge de l’expropriation et que l’indemnité de remploi comprenait déjà les frais de tous ordres normalement exposés pour acquérir des biens de même nature.

La Cour de cassation censure cet arrêt au visa des articles L. 321-1 [principe de réparation intégrale du préjudice] et R. 322-5  [indemnité de remploi] du Code de l’expropriation en soulignant que l’enclavement résultant directement de l’acquisition de parcelles par voie d’expropriation n’est pas couvert par l’indemnité de remploi.

En effet, si l’indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition de bien de même nature, cela ne prive pas l’exproprié de solliciter toutes indemnités accessoires permettant la réparation intégrale de son préjudice.

Inutilité d’une délibération pour proroger la déclaration d’utilité publique

Par un arrêt du 11 avril 2018, le Conseil d’Etat énonce, au visa de l’article L. 11-5 du Code de l’expropriation [désormais codifié à l’article L. 121-5 du même Code] que la seule exigence du texte tient à ce que l’acte prononçant la prorogation de la déclaration d’utilité publique émane de l’autorité qui était compétente pour déclarer l’utilité publique.

Ainsi, en l’espèce, la prorogation de la déclaration d’utilité publique a pu être demandée par le président du conseil général du département sans qu’il soit nécessaire qu’une délibération soit prise par l’organe délibérant du conseil général.

Sur l’obligation de tenir compte de la situation urbanistique des terrains nus pour l’application de la méthode d’évaluation par comparaison

Par un arrêt en date du 14 décembre 2017, pris au visa de l’article L. 322-4 du Code de l’expropriation [relatif aux possibilités légales et effectives de construction à la date de référence], la Cour de cassation énonce que les éléments de comparaison retenus pour l’évaluation des parcelles expropriées doivent tenir compte du zonage des parcelles et rechercher si celui-ci ne soumet pas lesdites parcelles à des règles d’urbanisme plus contraignantes.

Au cas présent, la Cour d’appel de Pau n’avait pas distingué entre le zonage UAd et UAg du plan local d’urbanisme, alors qu’une différence de hauteur de construction existait entre les deux zonages. Elle est censurée pour n’avoir pas pris en considération cette circonstance, alors même que les termes de comparaison se situait dans le même périmètre.

Renouveau du droit locatif et loi ELAN

Comme évoqué dans le sujet du mois, le projet de loi ELAN a pour ambition de transformer différents aspects du droit et notamment du droit locatif.

A ce titre différentes mesures sont envisagées afin d’adapter le cadre législatif pour que le logement réponde aux besoins de tous.

L’article 21 du projet prévoit une individualisation des frais de chauffage dans les immeubles collectifs d’habitation ou mixte. Cette modification permettra une transposition plus fidèle et plus efficace de la directive « efficacité énergétique » 2012/27/UE (DEE) ayant mis en place ce dispositif.

Afin d’optimiser les attributions de logements sociaux et l’occupation du parc social, l’article 34 du projet prévoit d’améliorer l’accès au logement en créant un « bail mobilité » d’une durée réduite (1 à 10 mois) et souple (absence de versement d’un dépôt de garantie, dispositif de garantie VISALE, non reconduction, etc.).

Les articles 35 à 37 du projet de loi tendent à favoriser la mobilité dans le parc social (en introduisant un examen périodique des conditions d’occupation du logement) et améliorer la transparence des attributions de logements sociaux.

L’article 38 du projet de loi prévoit de renouveler la gestion des attributions de logement social en mettant fin au cloisonnement induit par le système de réservation.

L’article 39 du projet de loi a pour objectif de favoriser la mixité intergénérationnelle en permettant, tant aux locataires qui sous-louent une partie de leur logement à une personne de moins de 30 ans, qu’aux sous-locataires d’une partie de logement de moins de 30 ans, de bénéficier d’une aide personnalisée au logement.

Il est envisagé, par les articles 40 à 42 du projet de loi, d’améliorer la prévention des expulsions locatives (y compris dans le parc social) en permettant le maintien dans le logement des locataires de bonne foi ayant repris le paiement de leur loyer et s’acquittant du remboursement de leur dette locative. La prévention des expulsions est aussi améliorée par des précisions sur les informations relatives au commandement de payer en cas d’impayé de loyer ou de charges.

L’article 45 du projet de loi ouvre la possibilité de colocation aux personnes handicapées dans le parc social afin de leur offrir une certaine autonomie tout en vivant avec des tiers.

L’article 47 prévoit un assouplissement du formalisme du cautionnement en supprimant l’obligation pour la caution de mentionner de manière manuscrite son engagement.

Les articles 48 et 49 du projet de loi prévoient une réforme de la fixation des loyers afin de les adapter aux capacités de chacun tout en favorisant la mixité sociale.

L’article 50 du projet de loi met en place des règles de décence à respecter en cas de colocation à baux multiples.

L’article 51 du projet de loi renforce les contrôles et sanctions civiles en matière de location à courte durée à des fins touristiques (Airbnb), à l’encontre des loueurs et plateformes ne respectant pas les obligations existantes.

Les articles 56, 57 et 58 du projet de loi prévoient des dispositifs pour lutter contre les marchands de sommeil et l’habitat indigne.

Enfin, l’article 61 du projet de loi crée un régime d’agrément qui permettra de sécuriser, de promouvoir et accompagner le recours au numérique dans l’établissement des contrats de location.

Prélèvement à la source et dispositif transitoire pour 2018 en matière de revenus fonciers : y aura-t-il une année blanche ?

A partir de janvier 2019 l’impôt sera prélevé à la source directement sur le revenu perçu.

Pour éviter que ce prélèvement soit doublé par un impôt à payer en 2019 sur les revenus de l’année 2018, un crédit d’impôt appelé crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) sera appliqué sur les revenus entrant dans le champ du prélèvement à la source (revenus non exceptionnels perçus en 2018).

Resteront imposés les revenus exceptionnels de 2018, ainsi que certains revenus non concernés par le prélèvement à la source (par exemple les plus-values mobilières et immobilières).

S’agissant plus particulièrement des revenus fonciers, il faut distinguer revenus réguliers et revenus exceptionnels :

–       Les revenus réguliers touchés en 2018 seront compensés par le CIMR ;

–       Les revenus exceptionnels 2018 (par exemple des loyers couvrant une période supérieure à 12 mois) seront imposés en 2019 au moment de la déclaration récapitulative des revenus de 2018.

Pour les déductions des charges foncières, il faut distinguer les charges courantes (assurances, charges de copropriété, intérêts d’emprunt…) et les charges exceptionnelles dites également charges « pilotables » (en particulier travaux d’entretien, de réparation ou d’amélioration).

L’intérêt de déduire des charges foncières au titre de l’année 2018 est toutefois limité en l’absence de revenus exceptionnels, dès lors que les revenus fonciers réguliers seront annulés par le CIMR.

Afin d’éviter que les propriétaires ne reportent systématiquement la réalisation des travaux sur l’année 2019 et au-delà, le législateur a introduit un mécanisme particulier d’imputation de ces charges : en 2019, 50% des charges pilotables supportées en 2018 et seulement 50% de celles supportées en 2019 seront déductibles du résultat foncier 2019.

Nombre de propriétaires se posent donc la question de l’opportunité de réaliser des travaux en 2018 et/ou 2019 ou de les reporter ultérieurement.

Une étude de chaque cas est indispensable, la réponse à cette question dépendant en effet de la nature et du montant des revenus réalisés en 2018.

Mais il est possible de retenir la règle générale suivante : dans la majorité des cas, en l’absence de revenus exceptionnels, il reste intéressant d’envisager la réalisation des travaux en 2018 si ces travaux sont d’un montant supérieur à deux fois les loyers réguliers + 21 400 €. A défaut, il pourra être pertinent de reporter les travaux à 2020.

Le dispositif transitoire prévoit cependant un traitement particulier des travaux d’urgence ou des travaux à réaliser sur un bien acquis en 2019, qui pourront être déduits à 100% sous conditions, tout comme un dispositif pour les travaux non compris dans le budget prévisionnel des copropriétés.

La société peut poursuivre son existence en dépit de la mésentente de ses associés

L’article 1844-7 du Code civil énumère huit hypothèses dans lesquelles la société prend fin. Parmi ces cas de cessation figure au 5° « la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas […] de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».

Dans l’affaire ayant donné lieu à la présente décision, une SCI a été constituée entre trois associés, membre d’une même famille, avec 50 % des parts attribués au gérant et l’autre moitié répartie entre les deux autres associés à proportion de 25 % pour chacun d’entre eux. Les statuts prévoyaient par ailleurs que les assemblées seraient présidées par le gérant avec voix prépondérante pour les besoins du partage des voix.

Mais à la suite d’un sérieux désaccord avec le gérant sur la gestion de l’entreprise, les deux associés se sont adressés au juge afin d’obtenir la dissolution de la société en invoquant, sur le fondement du texte précité, une mésentente entre les associés qui paralyserait le fonctionnement de la société.

Si cette situation conflictuelle avait paru suffisante au juge d’appel pour constituer un juste motif au prononcé d’un arrêt de dissolution anticipée de la société, la Cour de cassation qui a remis en cause cette décision a estimé que les motifs de la décision d’appel étaient « impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société ».

Ainsi donc, pour obtenir la dissolution anticipée d’une société sur le fondement de l’article 1844-7, 5 du Code Civil, il ne suffit pas d’invoquer des circonstances faisant état de mésententes entre les associés, quelle qu’en soit la gravité, encore faudrait-il établir que cette mésentente est de nature à « paralyser » le fonctionnement de la société.  

Cet arrêt qui traduit une fidélité de la Cour de cassation à la fois à la lettre et à l’esprit de l’article précité vient clairement fixer la jurisprudence en donnant corps à la fiction de la personnalité morale constituée par la société commerciale. Celle-ci doit pouvoir poursuivre son existence en dépit de la mésentente de ses associés, sans « craindre » d’être dissoute, dès lors que la situation conflictuelle qui les oppose n’est pas de nature à en paralyser le fonctionnement.   

Restitution des charges : point de départ du délai de prescription et caractère récupérable

Les locataires d’un immeuble appartement à un office HLM avaient, le 20 janvier 2016, assigné leur bailleur en remboursement d’un trop-perçu de charges locatives relatives au salaire du gardien portant sur l’année 2011. Le défendeur soulevait la prescription de cette action.

Par un jugement du 13 septembre 2016, le Tribunal d’Instance d’Aix-en-Provence rejetait la fin de non-recevoir au motif que le point de départ du délai de prescription de l’action en répétition (désormais « restitution ») de l’indu est la date de paiement de chacune des sommes indues et qu’en l’espèce le bailleur ne précisait pas la date à laquelle le paiement de la régularisation avait été fait.

En outre, le Tribunal d’Instance avait accueilli la demande de remboursement des locataires relatives à la rémunération du gardien, en considérant qu’elle ne pouvait être mise à leur charge au motif que le bailleur avait fait appel à un prestataire extérieur et que le gardien n’avait donc pas assuré seul l’élimination des déchets et l’entretien des parties communes.

Dans un arrêt de principe du 8 mars 2018, la Cour de Cassation, casse le jugement entrepris à ces deux égards.

En premier lieu, combinant les articles 68 de la loi du 1er septembre 1948, L. 442-6 du Code de la construction et de l’habitation et 2224 du Code civil, la juridiction suprême rappelle que l’action en restitution des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Or, ce jour est celui de la régularisation des charges qui seule permet de déterminer s’il existe un indu et non celui du versement de la provision.

Cette solution est justifiée puisque, en effet, ce n’est que lors de la régularisation annuelle que le locataire peut être en mesure de savoir si les sommes versées étaient justifiées ou s’il y a au contraire lieu à restitution.

En second lieu, la Cour de Cassation rappelle la règle introduite par le décret du 19 décembre 2008 en son article 2 c qui prévoit que, dès lors que le gardien assure seul l’élimination des déchets ou l’entretien des parties commune, sa rémunération est exigible à hauteur de 40% au titre des charges récupérables.

Avant ce décret, et en application de celui n° 87-713 du 26 août 1987 fixant la liste des charges récupérables, le gardien devait exercer ces tâches de manière cumulative pour que le bailleur puisse mettre sa rémunération à la charge de ses locataires.

Le présent arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler deux principes désormais établis en matière de charges locatives relatives aux baux d’habitation.

Responsabilité d’Airbnb à l’égard du propriétaire d’un logement sous-loué à son insu

Un bailleur dont le locataire a mis à son insu le logement donné à bail en location sur le site Airbnb 369 fois entre le 31 mars 2016 et le 24 septembre 2017 a assigné la plateforme en responsabilité sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil.

Le bailleur reprochait à Airbnb de ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 342-2-1 du Code de tourisme l’obligeant en son I° à informer le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalable à toute mise en location et en son II° à veiller à ce que le logement mis en location ne le soit pas plus de 120 jours par an.

Or, en l’espèce, non seulement Airbnb ne rapportait pas la preuve d’avoir respecté son obligation d’information auprès du bailleur, ni auprès du locataire, mais l’historique des locations faisant apparaître un dépassement bien supérieur à la limite de 120 jours/an autorisée.

Dans ces conditions, le Tribunal d’instance saisi du litige a fait droit à la demande du bailleur, en condamnant la société Airbnb à lui verser la somme de 3.000 € en réparation de son préjudice moral, la somme de 1.664,86 € en remboursement des frais d’huissier et enfin la somme de 1.869,07 € correspondant aux fruits perçus par Airbnb pour les locations illicites.

Ainsi, outre la possibilité d’engager la responsabilité du locataire ayant sous-loué le logement sans obtenir au préalable son autorisation, le bailleur peut également mettre en cause directement la plateforme de location.

Projet de loi relatif à la protection des données personnelles : adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale, Saisine du Conseil constitutionnel par 60 sénateurs

Le 14 mai 2018, l’Assemblée nationale a adopté en lecture définitive le projet de loi relatif à la protection des données personnelles.

Ce texte ne sera, pour autant, pas promulgué avant l’entrée en application du règlement général sur la protection des données (RGPD), le 25 mai 2018, conformément au souhait du gouvernement, puisque 60 sénateurs ont saisi le 16 mai dernier le Conseil constitutionnel sur ce projet de loi.

Parmi les points de divergence insurmontables entre les deux chambres, ayant conduit à l’échec de la commission mixte paritaire et fondant aujourd’hui la saisine du Conseil constitutionnel, figurent notamment, outre l’âge de la majorité numérique, le champ et les conditions d’application de ces nouvelles règles aux collectivités territoriales.

Plus précisément et s’insérant dans l’une des marges de manœuvre consenties aux Etats membres, le Sénat a défendu fermement l’exonération d’amende pour les collectivités territoriales ainsi que la création d’une dotation spécifique à leur destination et le report de certaines mesures pour leur garantir un délai transitoire de mise en conformité à cette nouvelle réglementation.

L’Assemblée nationale a cependant refusé catégoriquement de telles concessions au Sénat, considérant qu’il n’était pas « envisageable de déresponsabiliser les acteurs locaux qui manipulent chaque jour des centaines de milliers de données très sensibles, comme la composition ou les revenus des foyers » (extrait du rapport de Madame Paula Forteza, enregistré le 10 avril 2018).

En tout état de cause et si le débat méritait, à notre sens, très largement d’être porté au niveau législatif, il convient à nouveau d’être rassurant quant à la bienveillance dont a annoncé faire preuve la CNIL dans les prochains mois et sur la posture de dialogue préalable à toute sanction  qu’elle a vocation à adopter.

Rappelons, s’il est besoin, que le Législateur a admis lui-même le caractère partiellement insatisfaisant de ce projet de loi, en intégrant en son sein une habilitation du gouvernement à adopter, dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi, une ordonnance visant à améliorer l’intelligibilité de la loi du 6 janvier 1978.

L’actualité juridique sur le sujet demeure donc à suivre rigoureusement et s’annonce dense, tout au long de l’année 2018, a minima.

Méthode de notation des offres : le calcul de la note globale doit tenir compte de la disparité des valeurs des différents lots constituant le marché

Le Conseil d’Etat, par une décision en date du 6 avril 2018, précise de quelle manière l’acheteur doit, lorsqu’il calcule la note globale d’une offre, prendre en compte la disparité des valeurs des différents lots composant le marché faisant l’objet de la procédure d’attribution, de sorte à pouvoir identifier l’offre dont le prix est effectivement le plus avantageux.

En première instance, la Société Nouvelle d’Entreprise Générale du Sud-Ouest (ci-après « SNEGSO ») a obtenu du Tribunal administratif de Pau la condamnation de l’établissement public Habitat Sud Atlantic au versement d’une indemnité, en réparation du préjudice causé par son éviction irrégulière du marché de travaux de réaménagement de la résidence Breuer à Bayonne. Saisie de l’appel d’Habitat Sud Atlantic, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé ce jugement. Par une décision n° 381095 du 1er juillet 2015, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la même Cour  qui a rejeté la requête d’Habitat Sud Atlantic par un arrêt n° 15BX02439, 15BX03269 du 6 juin 2016.

Saisi du pourvoi d’Habitat Sud Atlantic, la Haute juridiction commence par annuler l’arrêt pour insuffisance de motivation. Réglant l’affaire au fond, elle rappelle dans un premier temps ce qu’elle avait déjà jugé dans sa décision du 1er juillet 2015, à savoir que, pour ce marché global divisé en dix lots techniques, le pouvoir adjudicateur avait entaché sa méthode de notation d’irrégularité en décidant, pour la mise en œuvre du critère du prix, de procéder à une notation lot par lot, avant de faire la moyenne arithmétique des différentes notes obtenues pour calculer une note globale, alors qu’il ressortait des pièces du dossier que le calcul de la note globale ne permettait pas de tenir compte de la grande disparité des valeurs des différents lots ni, par suite, d’identifier l’offre dont le prix était effectivement le plus avantageux.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat précise, et c’est là tout l’intérêt de la décision, qu’il incombait au pouvoir adjudicateur, compte tenu du cadre qu’il avait fixé, « d’appliquer aux notes attribuées aux sociétés candidates pour chaque lot, tant au titre du critère du prix que de la valeur technique, un coefficient de pondération tiré du rapport entre la valeur de chaque lot et la valeur estimée de l’ensemble du marché, afin que le calcul de la note globale attribuée aux offres déposées permette de tenir compte de la disparité des valeurs des différents lots constituant le marché faisant l’objet de la procédure d’attribution ».

En appliquant cette méthode de notation au cas d’espèce, le Conseil d’Etat conclut que l’irrégularité commise par Habitat Sud Atlantic dans la mise en œuvre de la méthode de notation n’est pas la cause directe de l’éviction de la SNEGSO, dès lors qu’elle n’a pas eu d’incidences sur le classement de son offre et qu’il en résulte, en application de sa décision Société Bancel (CE, 10 février 2017, req. n° 393720), que la demande de la SNEGSO tendant à la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière doit être rejetée.

Publication de la loi de ratification des « ordonnances MACRON »

La loi de ratification en date du 29 mars 2018 (L. n° 2018-217, JO 31 mars), a apporté certaines modifications et précisions sur la réforme du droit du travail issue des ordonnances du 22 septembre 2017, complétée ensuite par l’ordonnance dite « balai » du 20 décembre suivant.

Les principales mesures résultant de ce texte sont les suivantes.

Volet « Comité social et économique » (CSE) et droit syndical

Il est désormais possible de mettre en place le CSE de manière anticipée dans les entreprises au sein desquelles les mandats s’éteignent en 2019, faculté qui n’avait été prévue jusqu’alors que pour les mandats expirant entre septembre et décembre 2018.

La loi de ratification réserve la possibilité de déroger à la limite de trois mandats des membres du CSE dans le protocole préélectoral aux seules entreprises de 50 à 300 salariés, selon des modalités qui seront fixées par décret.

La loi apporte en outre, des précisions sur le montant et les modalités d’affectation et de transfert des budgets de fonctionnement et des activités sociales et culturelles du CSE.

Elle réserve également l’obligation pour l’employeur de recevoir chaque mois les membres du CSE pour les questions individuelles aux entreprises de moins de 50 salariés.

De plus, elle revient sur les modalités de prise en charge des frais d’expertises commandées par le CSE, l’employeur devant financer :

  • l’intégralité des frais de missions d’expertise-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière, sur la politique sociale de l’entreprise, la mission d’expertise des comptes, l’expertise en cas de risque grave et enfin la mission de l’expert habilité en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle mais seulement dans les entreprises d’au moins 300 salariés et en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle dans la BDES ;
  • les frais de toutes les autres expertises (hors expertises « libres »), à hauteur de 80 %, 20 % restant à la charge du CSE, sauf si ce dernier n’a pas les ressources nécessaires, sous réserve qu’il n’ait pas transféré de reliquat du budget de fonctionnement sur le budget ASC dans les trois années précédentes.

D’autres précisions sont apportées concernant l’exercice du droit d’alerte qui pourra être mis en œuvre en cas d’atteinte aux droits des personnes ou de dangers grave et imminent en matière de santé publique et d’environnement dans les entreprises comportant entre 11 et 49 salariés.

Désormais, les règles relatives à la commission des marchés mise en place par le CSE sont codifiées aux articles L. 2315-44-1 et suivants du Code du travail, ce qui en fait une commission obligatoire dès lors que le CSE dépasse au moins deux des trois critères suivants : le nombre de 50 salariés à la clôture d’un exercice et/ou 3,1 millions d’euros de ressources annuelles et/ou le montant total du bilan au moins égal à 1,55 millions d’euros.

La loi de ratification codifie également la jurisprudence selon laquelle une clause du règlement intérieur du CSE ne peut pas imposer à l’employeur des obligations non prévues par la loi, et laisse la possibilité à ce dernier de dénoncer les dispositions allant au-delà des prescriptions légales à l’issue de l’information du CSE et d’un délai raisonnable.

La formation nécessaire à l’exercice des missions des membres du CSE en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, et que doit financer l’employeur dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, est désormais ouverte à tous les membres du CSE et non plus uniquement aux membres de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT).

Enfin, un délégué syndical pourra être désigné parmi les anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au CSE, si aucun candidat présenté par l’organisation syndicale aux élections professionnelles n’a obtenu 10 % des suffrages exprimés ou s’il n’y a plus de candidat remplissant cette condition ou encore si l’ensemble des élus concernés renoncent à leur droit d’être désigné.

Volet « Négociation collective »

La procédure de révision et de dénonciation des accords collectifs est précisée. L’employeur peut ainsi :

  • proposer un avenant de révision aux salariés qui sera validé s’il est approuvé à la majorité des deux tiers du personnel ;
  • dénoncer l’accord à tout moment, cette faculté n’étant ouverte aux salariés que pendant un délai d’un mois avant chaque date anniversaire de la conclusion de l’accord et ils doivent représenter au moins deux tiers du personnel.

Par ailleurs, s’agissant de la suppression du maintien des avantages individuels acquis, il est précisé que le « maintien de la rémunération » qui lui est substitué, constitue une garantie de rémunération qui peut être assurée par le versement d’une indemnité différentielle entre le montant de la rémunération dû avant dénonciation ou mise en cause et le montant de la rémunération résultant du nouvel accord, s’il existe et du contrat de travail du salarié.

Enfin, il sera possible d’exclure les éléments « sensibles » qui porteraient atteinte aux intérêts stratégiques de la publication obligatoires de certains accords collectifs.

Volet « rupture du contrat de travail »

Outre quelques modifications s’agissant du régime des licenciements économiques par l’exclusion en cas de fraude, d’une appréciation des difficultés économiques limitée au territoire national pour les groupes d’entreprises, il est à noter que la loi de ratification a également retiré certaines mentions des modèles de lettre de licenciement dont celle relative aux droits et obligations des parties.

Elle revoit également l’application du barème d’indemnisation, en précisant que l’indemnité légale de licenciement ne doit pas être prise en compte dans le cadre de la fixation de l’indemnisation du licenciement abusif et que le barème ne s’appliquera pas lorsque la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul.

Par ailleurs, l’employeur aura désormais seulement pour obligation de saisir l’inspection du travail avant l’arrivée du terme du CDD d’un salarié protégé, et non plus un mois avant l’arrivée de cette échéance.

En cas de ruptures conventionnelles collectives, la loi de ratification précise qu’un congé de mobilité pourra être proposé et a complété l’article L. 1237-19-1 du Code du travail qui fixe les mentions devant être contenues dans l’accord collectif relatif aux ruptures conventionnelles collectives en prévoyant notamment les modalités d’exercice du droit de rétractation des parties.

Volet « santé au travail »

La loi du 29 mars 2018 instaure une visite médicale de fin de carrière pour les travailleurs bénéficiant du suivi individuel renforcé et remet en cause le caractère automatique de la prise en charge des honoraires et frais d’instruction par la partie perdante dans le cadre d’un contentieux résultant d’une contestation d’un avis d’inaptitude au travail.

Autres mesures

Enfin, la loi de ratification supprime le caractère obligatoire de la charte mettant en place le télétravail dans l’entreprise, instaure une priorité de réembauche en CDI au profit des salariés licenciés à l’issue d’un contrat de chantier si l’accord et la convention le prévoit et détermine les conditions d’une mobilité internationale des apprentis.

Le Gouvernement a annoncé que des précisions sur l’application la réforme seront apportées par la Direction générale du travail par la publication prochaine de « questions-réponses ».

L’absence de rupture d’égalité de traitement résultant d’un accord collectif

 Dans un arrêt du 28 mars 2018 (n° 16-19.260 / 16-19.262), la Cour de cassation a considéré que les salariés ne pouvaient prétendre à une inégalité de traitement dès lors qu’ils étaient placés dans une situation différente en vertu d’un accord collectif.

Dans cette espèce, plusieurs salariés qui s’étaient vu décerner la médaille d’honneur du travail par arrêté préfectoral du 18 juin 2012, ont saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement de la gratification prévue par l’article 9-7 de la convention collective de leur entreprise, entrée en vigueur le 1er janvier 2012.

Néanmoins, la Cour de cassation après avoir rappelé, que selon l’article 9-7 de la convention collective, il est alloué aux salariés une prime équivalant à une mensualité brute à l’occasion de l’obtention de chaque médaille du travail et que le droit à cette prime est ouvert à la date d’anniversaire des années d’activité nécessaires à l’obtention de la médaille, a considéré que :

« La Cour d’appel avait exactement retenu que le droit à la gratification naissait à la date à laquelle le salarié atteignait le nombre d’années de services requis pour l’échelon concerné et qu’en vertu du principe selon lequel ce sont les dispositions légales ou conventionnelles en vigueur à la date à laquelle naît un droit qui déterminent les droits du salarié, ceux qui avaient acquis l’ancienneté requise pour pouvoir prétendre à un tel échelon de la médaille d’honneur du travail antérieurement au 1er janvier 2012 ne pouvaient prétendre qu’à la gratification correspondante prévue par l’usage d’entreprise en vigueur jusqu’au 31 décembre 2011 ».

La Cour de cassation a ainsi jugé que certains des salariés avaient acquis l’ancienneté requise avant le 1er janvier 2012 et que d’autres l’avaient acquise après cette date, ce dont il résultait que le régime juridique applicable à la gratification relevait, pour les premiers, de l’usage d’entreprise, et pour les seconds, de la convention collective, et dès lors les salariés n’étaient pas placés dans une situation identique, et qu’il n’existait pas de rupture d’égalité de traitement.

 En conséquence, par cette décision, la Cour de cassation admet que le régime collectif en vigueur à la date à laquelle naît un droit puisse justifier une différence de traitement entre salariés d’une même entreprise.

Copropriété : compétence du juge du fond pour la procédure à la rectification d’erreur matérielle affectant l’état descriptif de division

La nature de l’état descriptif de division et la qualification qui peut lui être associée dans certaines circonstances n’a de cesse d’être discutée.

A cet égard, le 22 mars 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le pouvoir du juge de statuer sur une demande en rectification matérielle affectant un état descriptif de division, s’agissant notamment de la numérotation des lots.

En l’espèce, Madame X copropriétaire avait assigné en restitution d’un lot un copropriétaire situé au même étage.

Les copropriétaires défendeurs avaient alors sollicité des juges du fond, la rectification d’une erreur matérielle résultant de l’inversion des numéros de ces deux lots sur le plan annexé au règlement de copropriété.

Les juges du fond ont fait droit à cette demande et Madame X a interjeté appel.

A l’appui de sa demande, Madame X soutenait que le règlement de copropriété procédait par renvoi exprès à un plan qui lui était annexé et que dès lors la modification de la prétendue erreur matérielle, en l’espèce une erreur dans la numérotation des lots, ne pouvait être corrigée que par un vote en assemblée générale.

La Cour d’appel n’a pas fait droit à cette argumentation et a déclaré recevable la demande en rectification d’erreur matérielle affectant le plan annexé au règlement de copropriété.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond jugeant :

« Mais attendu, d’une part qu’il ne résulte pas des énonciations de l’arrêt que le règlement de copropriété procéderait à un renvoi exprès au plan qui lui est annexé et qu’il serait certifié exact et sincère ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu à bon droit que le juge a le pouvoir de statuer sur une demande en rectification d’une erreur matérielle affectant un état descriptif de division, la cour d’appel, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a exactement déduit que la demande en rectification d’une erreur de numérotation des lots dans l’état descriptif de division était recevable ; […]

[…] Attendu, d’autre part que, procédant à l’interprétation de l’état descriptif de division que son ambiguïté, découlant du rapprochement de ses termes avec le plan annexé au règlement de copropriété, rendait nécessaire, la cour d’appel, qui en a souverainement déduit l’existence d’une erreur matérielle par inversion des numéros des lots n° 23 et 29 sur ce plan, a pu, sans modifier les droits des parties, ordonner sa rectification ;

C’est ainsi que la Cour de cassation écarte la contractualisation du plan et affirme que le juge est compétent pour procéder à la rectification d’une erreur matérielle affectant l’état descriptif de division.

Droit immobilier : action estimatoire et principe de réparation intégrale du préjudice

Par acte en date du 20 juillet 2007, un vendeur a cédé aux acquéreurs, au prix de 98.000 euros, une maison d’habitation atteinte de fissures anciennes. Se plaignant de l’apparition de nouvelles fissures et de déformations du gros œuvre, les acquéreurs ont, après expertise, assigné en garantie des vices cachés le vendeur et le notaire.

Sur le fondement de l’article 1644 du Code civil, les acquéreurs ont choisi d’engager une action estimatoire, c’est-à-dire de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

La Cour d’appel de Bourges a condamné le vendeur à indemniser les acquéreurs à hauteur de 238 291, 08 euros au titre de la restitution d’une partie du prix d’achat de la maison et du coût de la démolition et de la reconstruction, outre les préjudices divers.

Considérant que la Cour d’appel avait indemnisé les acquéreurs au-delà du préjudice que leur ont causé les vices affectant la maison, le vendeur a formé un pouvoir en cassation.

La Cour de cassation, au visa du principe de la réparation intégrale du préjudice, a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, considérant :

« qu’en statuant ainsi, alors que la restitution d’une partie du prix de vente et l’indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction compensaient l’une et l’autre la perte de l’utilité de la chose, la Cour d’appel a violé le principe susvisé ».

En effet, il avait déjà été jugé par la Cour de cassation que l’action estimatoire de l’article 1644 du Code civil devait permettre « de replacer l’acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n’avait pas été atteinte de vice caché » (Cass, 3ème civ, 1er février 2006, n° 05-10845).

La réduction du prix comprend donc nécessairement le coût de réparation des vices cachés, ce dont la cour d’appel n’a pas tenu compte, dans la mesure où elle a non seulement restitué une partie du prix de vente, mais également alloué une indemnité pour la démolition et la reconstruction du bien.

Cet arrêt a donc le mérite de rappeler ce que signifie le principe de la réparation intégrale du préjudice et ce que permet de recouvrer une action estimatoire fondée sur l’article 1644 du Code civil.

Un lien d’amitié peut constituer « l’intérêt quelconque » nécessaire a la caractérisation du délit de prise illégale d’intérêts

Par arrêt rendu le 5 avril 2018, la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’un maire du chef du délit de prise illégale d’intérêts en jugeant que le lien d’amitié l’unissant à un dirigeant de société pouvait être constitutif de l’« intérêt quelconque », nécessaire à la caractérisation de ce délit.

Pour mémoire, le délit de prise illégale d’intérêts est défini aux termes du premier alinéa de l’article 432-12 du Code pénal comme « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

Au cas d’espèce, le maire d’une commune avait participé à toutes les étapes du processus de décision ayant abouti à retenir la société dirigée par l’un de ses amis de longue date, comme cessionnaire d’un terrain communal : présidence du jury formé pour désigner le candidat cessionnaire du terrain, participation à la délibération du conseil municipal désignant ladite société comme bénéficiaire du contrat de cession, signé personnellement l’acte de vente du terrain, participation à la délibération du conseil municipal engageant la commune à garantir financièrement ladite société dans le cadre d’un emprunt contracté auprès du Crédit Foncier et participation à la délibération du conseil municipal autorisant la signature d’un avenant à l’acte de vente du terrain, supprimant la condition résolutoire obligeant ladite société à verser une caution d’un montant de 500 000 euros visant à garantir l’achèvement des travaux.

A l’issue d’une enquête préliminaire, le maire et le dirigeant de la société étaient poursuivis devant le Tribunal correctionnel, le premier du chef du délit de prise illégale d’intérêts et le second du chef de recel de ce délit.

Après une décision de relaxe en première instance, les seconds juges infirmaient ce jugement et condamnaient les deux prévenus en soutenant que la notion d’« intérêt quelconque », pouvait être largement entendue – c’est-à-dire qu’il pouvait être de nature matérielle ou morale, direct ou indirect – et n’impliquait aucune condition relative au degré d’importance de l’intérêt en présence.

Fidèle à la jurisprudence de la chambre criminelle en la matière, les mêmes juges soulignaient aussi que, dans le silence du texte, la caractérisation de cet « intérêt quelconque » ne nécessitait pas de prouver que la personne publique en ait tiré profit ni que celui-ci soit en contradiction avec l’intérêt du service public dont la personne est en charge ( Cass., Crim., 19 mars 2008, n° 07-84.288, Bull. crim. n° 69).

Dès lors, les deux prévenus formaient un pourvoi en cassation en maintenant qu’une simple amitié, dépourvue de toute relation d’affaires, ne saurait suffire à caractériser un intérêt au sens de l’article L. 432-12 Code pénal.

Ainsi saisie, la Cour de cassation relevait un faisceau d’indices permettant de constater que le maire « avait pris un intérêt en cédant le terrain communal, conscient de sa relation avec le gérant de la société concessionnaire, un ami de longue date qui avait été, pendant plusieurs années, un partenaire de golf ».

Cette décision, aussi stricte qu’elle puisse paraître, s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle bien établie par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (voir notamment : Cass., Crim., 13 janvier 2016, n° 14-88.382) et doit donc inciter les personnes publiques à redoubler de vigilance lorsqu’elles participent à des opérations pouvant mêler leurs fonctions et leurs relations personnelles.

L’intérim des fonctions de direction dans la fonction publique, une situation encadrée au moins pour certains personnels de la fonction publique hospitalière

Les conditions d’intérim de certaines fonctions peuvent parfois être floues, au détriment finalement de l’agent qui assure cet intérim.

Tel est le cas notamment s’agissant de l’intérim des fonctions de Directeur général des services dans les collectivités territoriales, qui n’est prévu par aucun texte mais a donné lieu simplement à quelques jurisprudences éparses, comme dernièrement l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 18 avril 2017 (Ville de Lyon,  req. n° 16LY00073) précisant qu’un fonctionnaire chargé de l’intérim d’un emploi vacant tel que celui de Directeur général des services ne peut prétendre bénéficier des avantages, notamment de rémunération, primes et indemnités attachées à ces fonctions qu’il n’exerce que temporairement en vue d’assurer la continuité du service public.

Le vide juridique n’est cependant pas généralisé.

Ainsi par exemple, le décret du 9 avril 2018 relatif notamment aux modalités d’indemnisation des périodes d’intérim pour certains personnels de la fonction publique hospitalière prévoit :

  • qu’une indemnisation est versée à l’agent chargé de l’intérim en cas d’absence d’une durée supérieure à trente jours calendaires ou en cas de vacance d’emploi du directeur chef d’établissement ou du directeur en charge d’une direction commune ;
  • que l’agent chargé de remplacer le directeur bénéficie d’une majoration temporaire de la part Fonctions perçue au titre de sa prime de fonctions et de résultats ;
  • qu’un déplafonnement temporaire de la prime de fonctions et de résultats peut être au besoin autorisé le temps de la période d’intérim.

Eu égard aux difficultés que certaines collectivités peuvent parfois éprouver pour le recrutement d’un Directeur général des services, et donc de la durée des vacances de ces emplois, il serait utile qu’un texte semblable puisse être adopté pour la fonction publique territoriale, dans l’intérêt des agents chargés d’exercer tout à la fois leurs missions et celles de la direction générale.