Compétence du juge judiciaire quant au litige relatif à un contrat de fourniture d’électricité conclu entre un fournisseur d’électricité et un concessionnaire de transport public urbain

La communauté de l’agglomération dijonnaise (ci-après, la « Communauté d’agglomération ») a confié à la société STRD, devenue Keolis Dijon (ci-après, la « Société Keolis »), la gestion et l’exploitation du réseau de transport public urbain dans le cadre d’une délégation de service public. La Société Keolis a ensuite conclu avec un fournisseur d’électricité (ci-après, le « Fournisseur ») un contrat de vente de gaz naturel véhicule, d’une durée de quinze ans, en vue de l’alimentation des autobus mis à sa disposition par la communauté d’agglomération.

La Communauté d’agglomération ayant décidé de procéder au remplacement des autobus par des véhicules hybrides, la Société Keolis a indiqué au Fournisseur que le contrat était devenu caduc par l’effet de cette décision.

Le Fournisseur a saisi la juridiction judiciaire afin d’obtenir réparation du préjudice résultant, selon lui, de la résiliation anticipée du contrat. Les juges de première instance se sont déclarés incompétents au motif que le contrat litigieux, bien que de droit privé, était indispensable à la bonne exécution de sa mission de service public par la Société Keolis, et avait été souscrit par elle dans le seul cadre de cette mission. Dès lors, le contrat constituait un contrat accessoire à la délégation de service public et il revenait à la juridiction administrative d’en connaître. Le Fournisseur a interjeté appel de ce jugement et la cour d’appel a retenu une solution contraire en jugeant que le contrat était de droit privé. La Société Keolis a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La Cour de cassation commence par rappeler le principe selon lequel « les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte d’une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l’accessoire d’un contrat de droit public ». La Cour de cassation confirme ensuite l’arrêt de la Cour d’appel qui a jugé que ce contrat n’était pas l’accessoire de la convention de délégation de service public mais un contrat de droit privé pour quatre motifs. En premier lieu, bien qu’il existe un lien étroit entre le contrat litigieux et la convention de délégation de service public, ces deux contrats portent sur des opérations distinctes. En deuxième lieu, la circonstance que le contrat de vente ait été conclu près de six mois après la convention de délégation de service public révèle une absence d’automaticité des signatures entre les deux conventions, de sorte qu’en contractant avec le Fournisseur, la Société Keolis a choisi le cocontractant qui lui semblait proposer la solution la plus adaptée à ses besoins afin de pouvoir répondre aux engagements qu’elle avait souscrits à l’égard de la communauté d’agglomération. En troisième lieu, les parties au contrat litigieux n’ont pas entendu faire correspondre sa durée avec celle de la convention de délégation de service public. En quatrième et dernier lieu, aucune stipulation du contrat litigieux ne prévoit la faculté pour la Société Keolis d’exciper de la résiliation de la convention de délégation de service public pour demander la résolution du contrat litigieux.

Rapport d’activité de la Commission de Régulation de l’Énergie pour l’année 2017

Un des faits les plus marquants de l’année est l’accroissement significatif de la concurrence. Sur les volumes totaux de consommation, la part de marché des fournisseurs alternatifs s’élève à 31 % en électricité et à 57 % sur le marché du gaz. La CRE dénombre ainsi pas moins de vingt-quatre (24) nouveaux entrants dans le marché de l’électricité et une trentaine d’offres dans le marché du gaz.

Cette accélération de la concurrence a notamment été permise par le développement du numérique qui ouvre de nouvelles opportunités commerciales pour attirer l’intérêt du consommateur. Afin d’encadrer cette pratique, la CRE a engagé un important travail sur l’importance des données numériques dans le secteur de l’énergie et a formalisé des recommandations pour faire des données numériques un levier d’efficacité du système énergétique.
Dans cette perspective d’amélioration du marché de l’énergie, la CRE a engagé plusieurs actions de fond. En premier lieu, elle a rencontré les autorités de régulation de l’énergie des autres États membres afin de définir des règles communes de fonctionnement. En second lieu, la CRE a entrepris des travaux majeurs pour améliorer le fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz (préparation de la fusion des zones pour le gaz et définition d’une feuille de route sur l’équilibrage dans le domaine de l’électricité). En troisième lieu, enfin, la CRE a effectué un important travail s’agissant du développement des investissements dans les infrastructures principalement afin d’inciter à l’optimisation des interconnexions pour faciliter la diversification des sources d’approvisionnement.
Au regard de l’importance croissante des considérations écologiques dans la production d’énergie, la CRE attache une particulière attention à cette problématique dans son rapport d’activité. Afin de favoriser l’utilisation des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) la CRE a recommandé avec insistance de recourir aux appels d’offres pour les filières matures. Cette stratégie a porté ses fruits puisque par le jeu de la concurrence, les prix des énergies renouvelables ont très sensiblement diminué. Le prix du MWh photovoltaïque qui a culminé à 600 euros il y a dix ans, se situe aujourd’hui pour certaines installations aux environs de 60 euros. Cette procédure d’appel d’offres a été utilisée pour la première fois en 2017 pour l’éolien terrestre et a également entraîné une baisse significative des prix qui avoisinent aujourd’hui 64 euros par MWh. La France se rapproche ainsi progressivement des prix affichés dans les autres États membres dans ce domaine.

 

Un point sur les composantes environnementales du projet de loi ELAN

Le travail législatif du mois de juin a notamment été marqué par l’adoption, par l’Assemblée nationale, du projet de loi ELAN, passant notamment par une revitalisation des centres-villes.
A ce stade, il convient de faire un bilan des dispositions retenues et des mesures qui ont fait débat à l’Assemblée nationale en matière environnementale et qui seront de nouveau discutées devant le Sénat. A cet égard, trois dispositions méritent d’être mentionnées.
L’article 12 quinquies du projet, d’abord, propose de modifier l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme relatif aux conditions d’extension de l’urbanisation, en ajoutant notamment la possibilité d’autoriser des constructions et installations « en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement et d’implantation de services publics, lorsqu’elles n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti ». Il s’agit ainsi de permettre de ce qui est parfois qualifié de « comblement des dents creuses ». Cet article est sujet à de nombreuses controverses notamment de la part de certains littoraux qui craignent une bétonisation des côtes, auxquelles s’ajoutent les associations environnementales s’inquiètent d’une régression, considérant la loi LITTORAL comme un acquis majeur en matière environnementale, quand certains maires y voient un moyen de rendre attractifs des centres villes désertés quand les associations environnementales.
Le deuxième point abordé dans ce projet de loi, ensuite, porte, dans son article 54, sur les « objectifs de revitalisation du territoire », défini, selon ce projet toujours comme visant « la mise en œuvre d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire ». La réhabilitation des friches urbaines a été intégrée parmi ces objectifs, tandis que l’amendement visant à la lutte contre l’étalement urbain a été retiré et celui visant à intégrer des actions en faveur de la transition énergétique du territoire, notamment de l’amélioration de la performance énergétique du parc immobilier a été rejeté.
Enfin, une nouvelle mesure importante concerne la limitation de la consommation des nouveaux espaces prévus par l’article 54 bis. Cette disposition s’appuie sur le constat que l’obligation d’engager une procédure complète d’autorisation d’exploitation commerciale n’encourage guère la reprise ou la rénovation des bâtiments existants. L’article prévoit ainsi de modifier l’article L. 752-1 du Code de commerce en augmentant (de 1.000 à 2.500 m²) le seuil d’autorisation commerciale pour les réouvertures au public, sur le même emplacement, d’un magasin de commerce de détail dont les locaux ont cessé d’être exploités pendant trois ans.
Pour être complet, on indiquera que la Commissiondes affaires économiques du Sénat a entendu, par l’adoption d’amendement le 4 juillet dernier, entendu offrir, selon ses termes « de nouvelles possibilités de constructibilité très encadrées dans les zones agricoles et littorales, afin d’encourager le développement maîtrisé des territoires ruraux, en s’inspirant de la proposition de loi de Jacques Genest visant à relancer la construction en milieu rural, adoptée en juin 2016 par le Sénat, et le comblement des « dents creuses » en s’inspirant de la proposition de loi de Michel Vaspart relative au développement durable des territoires littoraux, adoptée en janvier 2018. Le débat continue donc.

La disparition de l’ANESM au profit de la HAS entérinée par deux décrets publiés le 11 juin

L’article 72 de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale (LFSS) avait entériné la disparition de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au 1er avril 2018. A cette date, l’ensemble des biens, personnels, droits et obligations de l’Agence devaient être transférés à la Haute autorité de santé (HAS).

Une nouvelle commission a dès lors été créée au sein de la HAS, chargée, en vertu des dispositions de l’article L. 312-8 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) tel que modifié par la LFSS, d’établir et de diffuser les procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles.

Le 11 juin dernier, deux décrets ont été publiés, précisant les modalités d’application de ces dispositions.

Le décret n°2018-465, relatif à la commission mentionnée à l’article L. 312-8 du CASF introduit un nouvel article R. 312-207 au CASF qui détaille la composition de la commission. Celle-ci comprendra 25 membres, nommés par décision du collège de la HAS pour une durée de trois ans renouvelables deux fois. Parmi eux, 25 membres auront voix délibérative, ils seront « choisis principalement en raison de leurs compétences scientifiques ou techniques dans le domaine des établissements et services » pour 21 d’entre eux, et « parmi les adhérents d’une association d’usagers d’un établissement ou service social ou médico-social » pour les quatre derniers.

Quant au décret n° 2018-467, relatif à l’intégration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au sein de la Haute Autorité de santé (HAS), il tire les conséquences du transfert des missions de l’ANESM à la HAS en toilettant la partie réglementaire du CASF et notamment les articles D. 312-197 et suivants.

Le décret n° 2018-465

Le décret n° 2018-467

De nouvelles modalités de calcul du forfait global relatif aux soins des EHPAD

L’article R. 314-159 du Code l’action sociale et des familles, qui est entré en vigueur le 1er janvier, a introduit de nouvelles modalités de calcul du forfait global relatif aux soins. Celui-ci se calcule sur la base d’une équation tarifaire déterminée à partir de l’estimation des besoins en soins des résidents, selon des modalités précisées à l’article R. 314-162 du CASF.

Plus précisément, cette équation prend en compte le degré de dépendance de la personne et la moyenne nationale des besoins en soins requis en fonction des pathologies, elle permet ainsi de calculer, pour chaque EHPAD, le montant de sa dotation de soins.

Par un arrêté du 7 juin 2018, NOR : SSAS1815853A, la Ministre des solidarités et de la santé a établi les différentes valeurs du point qui sert de base à l’équation tarifaire :
– Pour les établissements ayant opté pour le tarif global et ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est établie à 12,44 € ;
– Pour les établissements ayant opté pour le tarif global et disposant d’une pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est établie à 13,10 € ;
– Pour les établissements ayant opté pour le tarif partiel et ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est fixée à 13,10 € ;
– Et enfin, pour les établissements ayant opté pour le tarif partiel et disposant d’une pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est fixée à 10, 77 €.

Il convient également de préciser que les valeurs annuelles du point des tarifs plafonds sont majorées de 20 % dans les départements d’outre-mer.

Enfin, le montant des produits de la tarification reconductibles afférents aux soins est revalorisé à hauteur de 0,70 €. Cette revalorisation intervient dans le cadre transitoire de la convergence des EHPAD vers le forfait global de soins tel que défini au VII de l’article 58 de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

Copropriété : le droit réel attaché à un lot de copropriété établi pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires est perpétuel

La problématique des conditions d’existence des droits réels de jouissance spéciale vient à nouveau d’être posée devant le Cour de Cassation.

A cet égard, le 7 juin 2018, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation devait se prononcer sur le point de savoir si les droits de jouissance spéciale, qui avaient été établis en faveur des autres lots de copropriété et constituaient une charge imposée à certains lots, pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) avait acquis, en 2004, divers lots à vocation commerciale, dont un à usage de piscine, faisant partie d’un immeuble en copropriété.

Les vendeurs avaient signé, le 20 août 1970, une convention « valant additif » au règlement de copropriété, par laquelle ils s’engageaient à assumer les frais de fonctionnement de la piscine et à autoriser son accès gratuit aux copropriétaires, au moins pendant la durée des vacances scolaires.

Désireuse d’échapper à cette obligation, la SCI a fait valoir en justice l’expiration des effets de la convention.

Ses demandes ayant été rejetées, elle s’est pourvue en cassation, faisant notamment valoir la prohibition des engagements perpétuels.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de Cassation a jugé sur un motif de pur droit :

« Mais attendu qu’est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot ; que la cour d’appel a retenu que les droits litigieux, qui avaient été établis en faveur des autres lots de copropriété et constituaient une charge imposée à certains lots, pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis trouvant leur source dans le règlement de copropriété et que les parties avaient ainsi exprimé leur volonté de créer des droits et obligations attachés aux lots des copropriétaires ; qu’il en résulte que ces droits sont perpétuels ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation  »

C’est ainsi que la Cour de Cassation admet explicitement qu’un droit réel sui generis attaché à un lot de copropriété établi pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires est perpétuel.

Précisions sur la qualification des contrats de mobilier urbain

Dans une récente décision du 25 mai 2018, le Conseil d’État est venu préciser les critères de qualification des contrats de mobilier urbain.
En l’espèce, la commune de Saint-Thibaud-des-Vignes (ci-après, la « Commune ») avait publié en juin 2017 un avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution d’un contrat qu’elle avait qualifié de « marché de mise à disposition de mobiliers urbains destinés à l’affichage de l’information municipale avec ou sans publicité ».
L’objet du contrat consistait en l’installation, l’exploitation et l’entretien de plusieurs mobiliers urbains appartenant à la commune, le titulaire étant en contrepartie autorisé « à exploiter, à titre gratuit, sans paiement de la redevance d’occupation du domaine public, l’ensemble des faces d’affichages à des fins commerciales et publicitaires, des abris voyageurs et des faces d’information comportant un plan de la ville ».
La société Girod Médias (ci-après, la « Société évincée »), société évincée à l’issue de la procédure précitée, a intenté un référé précontractuel à l’encontre de la procédure précitée devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun. La Société évincée faisait notamment valoir que la Commune n’avait prévu aucun critère prix dans les critères d’attribution du contrat en violation de l’article L.62 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
Le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a adopté un raisonnement similaire à la Société évincée. Il a commencé par qualifier le marché en cause de marché public au motif que « le contrat, en conférant à la société attributaire un monopole sur l’exploitation à des fins publicitaires du mobilier urbain installé par ses soins, ne comporte aucun risque réel d’exploitation. Dans ces conditions, la part de risque transféré au cocontractant n’impliquant pas une réelle exposition aux aléas du marché, celui-ci ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service ». Partant le juge des référés a jugé que la Commune aurait dû prévoir un critère prix pour attribuer ledit marché, conformément aux dispositions de l’article L.62, et a annulé la procédure de passation du marché.
Saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun, le Conseil d’État commence par relever que pour juger que le contrat litigieux « était un marché public et non une concession de service, [le juge des référés] s’est borné à constater qu’il confiait à titre exclusif l’exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu’aucun risque n’était transféré à ce dernier ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d’exploitation, il a commis une erreur de droit ».
Après avoir annulé l’ordonnance attaquée en raison de cette erreur de droit, le Conseil d’État envisage la qualification juridique du contrat en cause. En premier lieu, le Conseil d’État relève que le contrat ne prévoit par le versement d’un prix par la Commune. En second lieu, il constate que le titulaire du contrat « est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d’espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu’aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter ». Le Conseil d’État en déduit que l’attributaire se voit transférer un risque lié à l’exploitation des ouvrages à installer et que le contrat constitue donc un contrat de concession et non un marché public.
Il s’ensuit de cette qualification que la Société évincée ne pouvait pas utilement soulever des manquements au décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics dès lors que celui-ci n’est pas applicable à la passation des contrats de concession.
Le Conseil d’État écarte également le moyen au terme duquel la Société évincée reprochait à la Commune de ne pas avoir respecter les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la passation des délégations de service public dès lors que la concession de services en cause ne confiait pas à son attributaire la gestion d’un service public.
Au regard de ce qui précède, le Conseil d’État rejette les prétentions de la Société évincée.
Par cette décision précise la qualification des contrats de mobilier urbain et plus largement la distinction entre les marchés publics et les concessions. Ainsi que le rappelle le rapporteur public dans cette affaire « ce qui distingue le contrat de concession du marché public, qui tendent tous deux à procurer à la personne publique la satisfaction de l’un de ses besoins, est la nature de la contrepartie de la prestation dont bénéficie la personne publique. Il s’agit dans les deux cas d’une contrepartie de nature économique, ce qui confère à ces deux contrats un caractère onéreux. Mais, alors que la contrepartie due au titulaire d’un marché est un prix versé par la personne publique, le concessionnaire se voit attribuer un droit d’exploiter dont le produit assurera au moins en partie sa rémunération. Au moins en partie car, ainsi que cela ressort de la définition que nous venons de lire, l’attribution de ce droit peut être assortie d’un prix ».
En conséquence, il convient d’apprécier, pour chaque contrat de mobilier urbain si un risque d’exploitation est transféré au titulaire du contrat pour en déduire la qualification de concession de services. Au regard de la décision du 25 mai 2018, c’est le cas lorsque le titulaire du contrat se rémunère sur les recettes publicitaires tirées de la vente d’espaces à des annonceurs publicitaires et qu’aucune stipulation ne prévoit le versement d’un prix à son titulaire éliminant tout risque réel d’exploitation et qu’aucune stipulation ne prévoit la prise en charge, totale ou partielle, par le pouvoir adjudicateur des pertes qui pourraient résulter de l’exploitation commerciale du mobilier urbain.

Critères de définition d’une zone d’activités portuaire : le Conseil d’Etat annule l’instruction ministérielle

De nombreuses collectivités se sont interrogées sur la question du transfert de zones d’activité portuaire au profit des intercommunalités compétentes en la matière.
En effet, faute pour le législateur d’avoir donné une définition sur le contour des zones d’activités, de nombreux doutes ont émergé au moment de la suppression de l’intérêt communautaire en matière de zones d’activités économique.
C’est dans ce contexte qu’une instruction ministérielle du 8 décembre 2016 a donné trois critères destinés à pouvoir déterminer si une zone pouvait être qualifiée, ou pas, de zone d’activité portuaire (un critère organique, un géographique et un économique), en indiquant que, si la zone remplissait bien les trois critères, la zone avait vocation à être transférée au profit de l’intercommunalité compétente.
Cette instruction a fait l’objet d’un recours et le Conseil d’Etat a annulé cette instruction pour un motif d’incompétence de l’auteur de l’acte, en l’absence d’habilitation législative du Ministre pour procéder à une telle énonciation de critères :
« 4. Aucune disposition réglementaire ne définit de critères permettant d’identifier les zones d’activités portuaires, au sens des articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du Code général des collectivités territoriales, dont les dispositions ne sont, par elles-mêmes, en tant qu’elles concernent le transfert de plein droit de ces zones, pas directement applicables. En fixant, en termes exclusifs et impératifs de tels critères sans y avoir été légalement habilité, le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales a pris, par l’instruction attaquée, une mesure réglementaire d’application de la loi. Les collectivités territoriales requérantes sont, dès lors, recevables et fondées à soutenir que cette circulaire est entachée d’incompétence.
5. Il résulte ce qui précède que l’instruction attaquée, dont les dispositions sont indivisibles, doit être annulée ».

Cette décision conduit in fine à devoir rediscuter les critères qui servent à définir les ZA portuaires.
Aussi et bien que le transfert des zones concernées a dû intervenir, en principe depuis le 1er janvier 2017 (date à laquelle l’intérêt communautaire de ces zones a été supprimé), les effets de cette décision pourrait donc être utilisée par les collectivités ou les intercommunalités sur le territoire desquelles des discussions sur le transfert d’une zone demeure.
En effet, les critères qui avaient été posés par l’instruction peuvent servie à titre indicatif mais ne peuvent désormais être considérés comme exhaustifs ni impératifs.

Allotissement : contrôle restreint du juge des référés précontractuels sur la définition du nombre et de la consistance des lots

Le Conseil d’Etat, par une décision en date du 25 mai 2018, précise que, lorsqu’un marché a été alloti, le contrôle du juge des référés précontractuels quant au nombre et à la consistance des lots est restreint à l’erreur manifeste d’appréciation. L’office public de l’habitat du département des Hauts-de-Seine (ci-après « Hauts-de-Seine Habitat ») a passé un marché de travaux d’entretien courant « tous corps d’état » et de remise en état des logements de son patrimoine, alloti en neuf lots géographiques. Saisi par le groupement des sociétés MPPEA, candidat évincé, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par ordonnance n° 1711246 du 3 janvier 2018, annulé la procédure de passation. Saisi d’un pourvoi en cassation par Hauts-de-Seine Habitat et par la société Eiffage construction amélioration de l’habitat, l’une des deux sociétés attributaires du marché, le Conseil d’Etat annule cette ordonnance.

La Haute Juridiction commence, et c’est là tout l’intérêt de cette décision, par distinguer deux intensités de contrôle du juge des référés précontractuels quant à l’allotissement.

Dans le cas où le pouvoir adjudicateur prend la décision de ne pas allotir, il appartient au juge de vérifier que cette décision n’est pas entachée « d’appréciations erronées » quant à l’existence d’un des motifs techniques ou économiques mentionnés à l’article L.32 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. En revanche, dans le cas où le pouvoir adjudicateur a bien alloti le marché, « le juge ne peut relever un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence du fait de la définition du nombre et de la consistance des lots que si celle-ci est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu de la liberté de choix dont le pouvoir adjudicateur dispose en ce domaine ». Le Conseil d’Etat conclut qu’en l’espèce, le juge des référés a commis une erreur de droit en ne s’étant pas borné à contrôler si la définition du nombre et de la consistance des lots était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Réglant l’affaire au fond, il considère que la décision de Hauts-de-Seine Habitat de se borner à une division du marché en neufs lots correspondant aux différents lieux d’exécution des travaux n’était pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation, eu égard notamment « aux difficultés techniques et de coordination qui étaient susceptibles de résulter de la multiplication du nombre de lots dans l’hypothèse où une division par lots techniques serait ajoutée à une division par lots géographiques ».

Responsabilité décennale – qualité pour agir après réception sans réserve de travaux effectués sur un monument historique

Cette affaire récente illustre parfaitement le principe selon lequel les bénéficiaires de l’action en garantie décennale sont, sauf exception, les propriétaires de l’ouvrage et en particulier le maître d’ouvrage (CE, 17 juin 1998, n° 149793).
Aux termes de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques : « Le ministre chargé des affaires culturelles peut toujours faire exécuter par les soins de son administration et aux frais de l’Etat, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d’entretien qui sont jugés indispensables à la conservation des monuments classés n’appartement pas à l’Etat. L’Etat peut, par voie de convention, confier le soin de faire exécuter ces travaux au propriétaire ou à l’affectataire ».
C’est sur ce fondement que, en l’espèce, des travaux de restauration extérieure d’une église classée monument historique, propriété de la commune de Saint-Quentin La Chabanne, ont été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage déléguée de l’Etat en vertu d’une convention passée entre les deux parties.
A la suite de l’apparition de désordres affectant la toiture de l’église, l’Etat a recherché la responsabilité de différents intervenants sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs devant le tribunal administratif de Limoges, lequel a fait droit à sa demande.
En appel, la Cour a toutefois considéré que la demande présentée en première instance par l’Etat sur le fondement de la garantie décennale était en réalité irrecevable.
En effet, la juridiction a retenu que « si l’Etat, qui assume au nom et pour le compte de la commune, la direction et la responsabilité des travaux a qualité pour mettre en cause la responsabilité contractuelle des entrepreneurs et des architectes jusqu’à la réception définitive, la commune, propriétaire des ouvrages, a seule qualité, après cette réception, pour invoquer la garantie décennale qui pèse sur les constructeurs en application des principes dont s’inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ».
Ainsi, si l’Etat pouvait engager, avant la réception des ouvrages, la responsabilité contractuelle des constructeurs, il lui était en revanche impossible de mettre en jeu leur responsabilité décennale à compter de la réception, laquelle avait mis fin à sa mission.
Il aurait pu en être différemment si la convention conclue entre la commune et l’Etat avait prévu une clause confiant à ce dernier le suivi décennal des ouvrages.
Faute pour la commune de pouvoir régulariser la demande en s’appropriant les conclusions de l’Etat pour la première fois en appel, la condamnation in solidum du maître d’œuvre et de la société titulaire du marché en cause est alors annulée.

La signature du dirigeant et sa portée à l’égard de l’entreprise

Le nouvel article du Code civil L.1367 (ancien 1316-4 )pose le principe selon lequel « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte ».
Cette disposition a souvent posé des difficultés d’interprétation sur le point de savoir si la signature du dirigeant ou associé d’une société l’identifie ou l’engage personnellement à l’égard des actes accomplis pour le compte de celle-ci. En d’autres termes, comment savoir si la signature du dirigeant l’engage personnellement ou n’engage exclusivement que l’entreprise qu’il représente ?
La lecture de ces trois arrêts de la Cour de cassation permet de répondre à cette préoccupation.
-  Les faits ayant donné lieu au premier arrêt (Cass., Com., 22 février 2005, n° 03-16398) font état d’une société de fait créée entre deux vétérinaires pour l’exercice en commun de leur activité alors qu’ils étaient par ailleurs associés dans d’autres sociétés et que l’un d’entre eux était associé unique d’une société unipersonnelle. Ces deux vétérinaires ont convenu de trois cessions subordonnées à la conditions suspensive de deux autres cessions. Mais pour la signature d’un l’accord, l’associé de la société unipersonnelle n’agissait pas ex qualité de sorte que cette société a été mise hors de cause alors que les requérant entendaient engager sa responsabilité.
La Cour de cassation a effet jugé que « d’une part, le dirigeant n’engage en principe la société que par les actes qu’il accomplit en qualité de mandataire social et qu’à défaut de mention de cette qualité, il appartient au tiers contractant de faire la preuve que le dirigeant a eu et manifesté la volonté d’agir au nom et pour le compte de la société ».
 – Dans la deuxième espèce (Cass., 3ème civ., 12 septembre 2006, n° 03-19277), une personne a été assignée tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant d’une société, en paiement d’un solde d’honoraires en raison d’une faute qui aurait été commise dans l’exécution des prestations de la société.
Mais la Cour de cassation a jugé que le nom du défendeur n’étant indiqué que sous la rubrique « nom du représentant légal ou statutaire de la personne morale », il n’avait contracté qu’en sa seule qualité de gérant de la société.

 – Dans la dernière espèce (Cass., Com., 9 mai 2018, n° 16-28157) un contractant déclarant agir tant en son nom personnel qu’au nom de la société dont il était associé a conclu avec une autre société un contrat portant sur l’entretien d’un parcours de golf. Mais il n’a signé le contrat qu’une seule fois. La société au nom de laquelle il a agi ayant été placée en liquidation judiciaire sans avoir réglé les échéances prévues au contrat, la société prestataire de service d’entretien a engagé des poursuites contre l’associé en recouvrement des sommes impayées. L’associé s’était par ailleurs personnellement engagé, au moyen de plusieurs chèques, à payer les sommes dues, mais ils n’ont pu être encaissés pour avoir été révoquées.
Si les juges d’appel n’avaient pas retenu sa responsabilité faute de signature de l’acte à titre personnel, au contraire la Cour de cassation a estimé qu’une telle exigence n’était pas nécessaire dès lors que l’intéressé agissait en une double qualité, à la fois à titre personnel et en qualité de représentant d’un tiers.

Une lecture combinée de ces trois arrêts de la Cour de cassation permet d’affirmer que si en principe le dirigeant ou l’associé n’engage la société que par les actes qu’il accomplit en qualité de mandataire social (Cass., Com., 22 février 2005, n° 03-16398), il n’agit en revanche qu’en sa seule qualité de représentant légal de la société lorsque son nom se réfère expressément à sa qualité de représentant légal (Cass., 3e civ., 12 septembre 2006, n° 03-19277).
Cependant, même si l’acte dont il est signataire ne comporte qu’une seule signature, celle-ci est suffisante pour l’engager personnellement dès lors qu’il intervient en une double qualité, à la fois à titre personnel et en qualité de représentant de la société ou plus globalement d’un tiers (Cass., Com., 9 mai 2018, n° 16-28157).

Cass., Com., 22 février 2005, n° 03-16398

Cass., 3ème civ, 12 septembre 2006, n° 03-19277

Le report de la dématérialisation des demandes d’autorisations d’urbanisme et de leur instruction à 2022

Initialement, à compter du 8 novembre 2018 prochain, les collectivités devaient être en mesure de recevoir toute demande d’autorisation d’urbanisme par voie électronique (décrets n° 2016-1491 dits SVE du 20 octobre 2016 et du 4 novembre 2016). La dématérialisation du dépôt des demandes d’autorisations d’urbanisme est une des mesures voulue par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie Logement et réaffirmée par le Premier ministre Edouard Philippe le 1er février à l’occasion du programme Action publique 2022. Parallèlement à la numérisation des demandes d’autorisations de construire, l’article 17 du projet de loi ELAN vise la dématérialisation de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme au 1er janvier 2022. Avec ces deux dispositifs, les communes sont obligées de mettre en œuvre une téléprocédure spécifique pour recevoir et instruire les permis de construire et autres autorisations d’urbanisme. Cela suppose que les collectivités disposent de temps pour parvenir à une numérisation de qualité et sécurisée de ces procédures. Pour cette raison, les présidents de l’AdCF et de l’AMF, Jean-Luc Rigaut et François Baroin, ont adressé le 26 janvier dernier un courrier commun au Ministre et secrétaire d’État à la Cohésion des territoires afin de demander un report de l’obligation de saisine par voie électronique en matière d’urbanisme. Le ministre y a répondu favorablement puisque l’échéance du 8 novembre 2018, initialement fixée pour le dépôt par voie électronique des demandes d’autorisation, a été reportée au 1er janvier 2022.
Les deux échéances sont désormais alignées.

Pouvoir d’injonction du juge administratif pour délivrer un permis de construire

Le Conseil d’Etat a été saisi d’une demande d’avis portant sur la question de savoir si le juge administratif peut enjoindre à l’administration de délivrer un permis de construire. 

Le maire d’une commune avait refusé d’accorder un permis de construire à une association afin de créer un nouveau centre cultuel sur le territoire de la commune. Le préfet a déféré l’arrêté de refus de permis de construire au tribunal administratif, assorti de conclusion aux fins d’injonction et d’astreinte pour que soit accordé le permis de construire. Par ailleurs, l’association pétitionnaire avait également formé un recours contre le refus de permis de construire devant le tribunal administratif. Le tribunal a alors annulé l’arrêté de refus de permis de construire et transmis le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat en application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative.

Le tribunal administratif de Versailles s’interrogeait sur la question de savoir s’il pouvait enjoindre à l’administration d’accorder le permis de construire demandé en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative.

Par avis en date du 25 mai 2018, le Conseil d’Etat répond favorablement à cette interrogation :

« Il résulte de ce qui précède que, lorsque le juge annule un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition »

Autrement dit, le juge administratif doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction comme tel était le cas en l’espèce, ordonner à l’autorité compétente de délivrer un permis de construire bien qu’elle ait opposé un refus à cette demande.

Le juge précise également que si une nouvelle décision juridictionnelle venait à annuler le jugement ayant prononcé une injonction de délivrer le permis de construire, l’autorité compétente peut alors la retirer dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois à compter de la notification de la nouvelle décision.

 

Adoption définitive du projet de loi pour un pour un nouveau pacte ferroviaire

Présenté en Conseil des ministres le 14 mars 2018 et examiné au Parlement selon la procédure accélérée, le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire a été définitivement adopté par l’Assemblée Nationale et le Sénat les 13 et 14 juin derniers.

Ce texte, qui s’appuie notamment sur les conclusions du Rapport « Spinetta » (L’avenir du transport ferroviaire, remis au Premier ministre le 15 février 2018), comporte deux volets : l’un relatif à la transformation du groupe public ferroviaire, c’est-à-dire la SNCF et ses filiales, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, l’autre relatif à l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs.

Sur le premier volet, les députés ont précisé que le capital de la société anonyme SNCF (ayant jusque-là nature juridique d’un établissement public industriel et commercial) était intégralement détenu par l’Etat, et les sénateurs que ce capital était incessible.

Par ailleurs, il est prévu que les trois entités du groupe public ferroviaire peuvent recruter des personnels sous le statut de cheminot jusqu’au 31 décembre 2019. 

En outre, les personnels de la SNCF dont les contrats de poursuivent auprès de l’attributaire du contrat de service public de transport attribué après mise en concurrence conserveront l’intégralité de leur rémunération et, en cas de réembauche sur un poste vacant au sein groupe public ferroviaire, ils pourront opter pour le statut de cheminot entre la troisième et la huitième année après le transfert.

S’agissant de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs, le calendrier francilien est différent de celui retenu pour les autorités organisatrices de transport du reste du territoire.

Pour ces dernières, à compter du 25 décembre 2023, c’est-à-dire à l’issue de la phase transitoire d’adaptation à l’ouverture à la concurrence prévue par le Règlement « OSP » du 23 octobre 2007, le monopole de SNCF Mobilités pour l’exploitation des trains express régionaux disparaît. Les conventions d’exploitation conclues avant cette date se poursuivent jusqu’à leur terme mais leur durée ne peut excéder dix ans.

Pendant la période transitoire, du 3 décembre 2019 au 24 décembre 2023, les régions peuvent soit choisir d’exploiter elles-mêmes les services de transport ferroviaire, soit en confier l’exploitation à un opérateur sélectionné après mise en concurrence.

En Ile-de-France, le monopole d’exploitation de SNCF Mobilités peut se poursuivre jusqu’à une date fixée par Ile-de-France Mobilités, laquelle est comprise entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2032 pour les services qui ne font pas partie du réseaux express régional, et entre le 1er janvier 2033 et le 31 décembre 2039 pour les autres[1]. Le calendrier d’ouverture à la concurrence francilien n’apparaît donc pas conforme à l’échéancier européen.

La loi doit désormais être promulguée. Mais elle pourrait être préalablement soumise au contrôle du juge constitutionnel, notamment sur saisine de soixante députés ou sénateurs, conformément à l’article L.61 de la Constitution.

[1] Les services de transport ferroviaire qui font partie du réseau express régional, à l’exception des services de transport ferroviaire empruntant pour une partie de leur parcours les mêmes lignes que les services de transport guidé mentionnés au 3° du II de l’article L. 1241-6.

Confiscation du produit de l’infraction et absence d’exigence de proportionnalité

Par arrêt rendu le 3 mai 2018, la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’une première société du chef d’abus de confiance et d’une seconde des chefs d’abus de confiance, faux et usage de faux en considérant que les juges d’appel avaient dûment justifié les peines de confiscation et d’amendes qu’ils avaient prononcées à leur encontre.

En l’espèce, les deux sociétés condamnées s’étaient pourvues en cassation contre cette décision au motif que la peine de confiscation en valeur – pour 500.000 euros d’un bien immobilier appartenant à l’une des deux sociétés – n’était pas proportionnée à l’infraction commise, et que les deux amendes prononcées de 5.000 et 10.000 euros chacune n’avaient pas été suffisamment motivées. 

Ainsi saisie, la Cour de cassation écartait successivement ces deux moyens, jugeant d’abord qu’il « ressort des énonciations de l’arrêt que la valeur de la part du bien confisqué n’excède pas le montant du produit des infractions dont la prévenue a été déclarée coupable », puis, que la cour d’appel avait justifié le montant des amendes prononcées dans la mesure où « les ressources et les charges des sociétés prévenues étaient constituées du produit des infractions poursuivies ».

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle la distinction qu’elle opère entre la confiscation d’un bien qui est le produit ou l’objet des infractions dont le prévenu a été jugé coupable, d’une part, et la confiscation d’un bien ne présentant aucun lien avec celle-ci, d’autre part (par ex. Cass., Crim., 7 décembre 2016, n° 16-80.879). Une fois cette distinction établie, le raisonnement est simple : dans la première hypothèse, la Cour estime que les juges ne sont pas tenus de contrôler la proportionnalité de la mesure de confiscation au regard de la situation personnelle et du profil du prévenu et inversément, lorsque celui-ci prononce la confiscation d’un bien sans rapport avec l’infraction poursuivie.

Droit immobilier : le prix d’une vente immobilière peut être compensé avec une dette du vendeur à l’égard de l’acquéreur

Par acte authentique du 20 mars 2013, M. et Mme Y ont vendu à M. X une maison dont le prix a été payé par l’acquéreur par compensation avec une somme d’un même montant formant partie de la dette reconnue par les vendeurs envers l’acquéreur en vertu d’une garantie de passif incluses dans deux actes sous seing privé, aux termes desquels les vendeurs avaient cédé aux acquéreurs les actions et la part qu’ils détenaient dans deux sociétés de droit luxembourgeois.

L’une des sociétés ayant été mise en liquidation judiciaire, les vendeurs ont assigné l’acquéreur en nullité de la vente.

La Cour d’appel rappelle que l’acquéreur a payé le prix de la vente d’un commun accord avec le vendeur, conformément aux dispositions des articles 1289 et suivants du code civil relatifs à la compensation, alors applicables au litige.

Elle a toutefois considéré que ce n’était pas l’acquéreur qui était le créancier de la garantie de passif et que, par conséquent, la reconnaissance de dette des vendeurs à son profit était sans cause et qu’à défaut de prix, le vente devait être annulée (CA de Paris, pôle 4, chambre 1, 24 mars 2017, n° 15/12473).

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au visa de l’article 1582 du code civil, dans les termes suivants :

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le prix de vente avait été déterminé dans l’acte et alors que l’existence de ce prix n’était pas affectée par une éventuelle impossibilité de le compenser avec une dette du vendeur à l’égard de l’acquéreur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

La Cour de cassation rappelle ainsi que l’accord sur la chose et sur le prix doit s’apprécier au moment de l’acte de vente.

En l’espèce le prix de la vente était déterminé aussi bien dans sa nature que dans son montant par la reconnaissance de dette du vendeur et au sein même de l’acte de vente.

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a considéré que l’existence du prix au moment de la vente ne pouvait être remise en cause.

Par conséquent, il importait peu que l’une des sociétés dont les actions et parts avaient été cédées ait été mise en liquidation judiciaire postérieurement à cette vente, dès lors qu’au moment de la signature de l’acte, les vendeurs étaient réellement débiteurs à l’égard de l’acquéreur, ce qui permettait la compensation.

Restitution des sommes versées en cas de nullité d’une rupture conventionnelle

Dans un arrêt du 30 mai 2018 (n° 16-15.273), la chambre sociale de la Cour de cassation a clarifié le régime de nullité d’une rupture conventionnelle.

Dans cette espèce, une salariée ayant signé une convention de rupture homologuée par l’administration a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la nullité de cette convention et au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Dans le cadre de son pourvoi, la salariée fait grief à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles du 21 mai 2015 de la condamner au remboursement des sommes perçues dans le cadre de la rupture conventionnelle et de limiter à une certaine somme le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, aux termes de son arrêt du 30 mai 2018 sus énoncé, la Cour de cassation considère que :

« Lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

La nullité de la convention de rupture emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention ;

Et ayant retenu que la rupture conventionnelle était nulle, la cour d’appel, qui a condamné la société au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont elle a évalué le montant, en a exactement déduit, sans méconnaître l’objet du litige ni être tenue de procéder à d’autre recherche, que la salariée devait restituer à l’employeur les sommes versées dans le cadre de cette convention ».

La Haute Cour rappelle donc dans premier temps que dans le cadre d’un contrat de travail rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, la rupture conventionnelle déclarée nulle n’ouvre pas droit à réintégration du salarié mais produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle précise ensuite que la nullité de la convention de rupture emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention.

Enfin, elle juge qu’en conséquence de cette nullité, la salariée devait restituer à l’employeur les sommes versées dans le cadre de cette convention.

Selon la Cour, la salariée n’était donc pas fondée à conserver le bénéfice des indemnités versées dans le cadre de la rupture conventionnelle à titre de dommages et intérêts.

Cette décision est particulièrement intéressante dans la mesure où la Cour de cassation juge différemment en matière de requalification d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, situation lors de laquelle le salarié n’a pas à restituer l’indemnité de précarité (Cass. soc.,  30 mars 2005, n°03-42.667).

Conséquences d’une absence de BDES sur les délais de consultation du CE (ou du CSE) en matière d’orientations stratégiques de l’entreprise

La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur les conséquences d’une absence de base de données économiques et sociales (BDES) sur les délais de consultation du CE en matière d’orientations stratégiques de l’entreprise (Cass. soc., 28 mars 2018, n° 17-13.081).

Pour rappel, l’employeur est tenu de consulter chaque année les membres de ces instances notamment sur les orientations stratégiques de l’entreprise et doit à cet effet, leur remettre des informations suffisantes pour leur permettre de rendre un avis motivé.

A défaut de se prononcer avant l’expiration du délai qui lui est imparti à cet effet, par la Loi, sauf dispositions conventionnelles particulières, le comité est réputé avoir rendu un avis négatif. Il peut toutefois, saisir en référé le président du tribunal de grande instance pour lui demander communication des éléments manquants, s’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants pour rendre son avis avant l’expiration du délai de consultation (Cass. soc., 3 nov. 2016, n° 15-16.082).

Dans l’affaire commentée, réuni à plusieurs reprises, entre octobre 2014 et mars 2015 dans le cadre de sa consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le comité d’entreprise a saisi le président du tribunal de grande instance le 16 juin 2015 aux fins de voir constater que le délai de consultation n’avait pas couru et d’ordonner la production de documents complémentaires ainsi que la prorogation du délai de consultation.

Sur l’appel interjeté contre la décision de première instance, la Cour d’appel n’a pas fait droit à la demande du CE retenant que le comité avait agi après le terme du délai de consultation préfix prévu par la loi dans la mesure où il avait saisi le tribunal plus de quatre mois après la communication des informations.

La Cour de cassation censure la décision des juges du fond en considérant « qu’en statuant ainsi, alors que le comité d’entreprise soutenait que l’employeur n’avait pas mis à sa disposition la base de données économiques et sociales rendue obligatoire par l’article L. 2373-7-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, ce dont il résultait que le délai de consultation n’avait pu courir, la cour d’appel a violé les textes susvisés [articles L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-7-1 et L. 2323-7-2 du Code du travail dans leur rédaction alors applicable et article R. 2323-1 du Code du travail] ».

Ainsi, la Cour de cassation décide que l’absence de BDES fait obstacle au déclenchement du délai de consultation quel que soit la teneur des informations communiquées au CE par d’autres moyens.

Cette solution semble pouvoir s’étendre au cas dans lequel la BDES serait insuffisante ou incomplète, mais également aux consultations sur la politique sociale et sur la situation économique et financière de l’entreprise puisque les articles L.2323-13 et L.2323-17 précisent que les informations relatives à ces consultations sont mises « à la disposition du comité d’entreprise dans les conditions prévues à l’article L.2323-9 », c’est-à-dire dans la base de données économiques et sociales.

Irrecevabilité de l’action du salarié qui a conclu une transaction ayant pour objet de régler les conséquences du licenciement rédigée en termes généraux et ne faisant pas mention du cas particulier de la retraite supplémentaire du salarié licencié

En l’espèce, après avoir été licencié pour une cause économique, un salarié conclut une transaction avec son employeur. Le salarié ayant pris sa retraite quelques années plus tard, il reprend contact avec son ancien employeur aux fins d’obtenir le versement d’une retraite supplémentaire, ce qui lui a été refusé.
Le salarié saisi alors la juridiction prud’homale.
La Cour d’appel déclare sa demande recevable et fait droit à sa demande au motif que la transaction avait pour objet de régler les conséquences du licenciement, qu’il n’est pas fait mention dans cet acte de la retraite supplémentaire du salarié licencié et qu’il n’existait aucun litige entre les parties concernant la retraite supplémentaire dont la mise en œuvre ne devait intervenir que plusieurs années plus tard.
C’est dans ces conditions que la Haute juridiction a eu à se demander si un salarié peut réclamer le versement d’une retraite supplémentaire postérieurement à la signature d’une transaction rédigée en termes généraux et ne faisant pas mention du cas particulier de la retraite supplémentaire du salarié licencié.
Elle répond par la négative et rappelle qu’une transaction rédigée en termes généraux interdit au salarié qui l’a signée de demander ensuite le versement d’une somme d’argent, au cas particulier une retraite supplémentaire.
Selon la chambre sociale de la Cour de cassation, la demande du salarié ne pouvait pas aboutir alors qu’aux termes de la transaction, ce dernier déclarait avoir reçu toutes les sommes auxquelles il pouvait ou pourrait éventuellement prétendre au titre de ses relations de droit ou de fait existant ou ayant existé avec la société. Il renonçait également à toute réclamation de quelque nature que ce soit, née ou à naître ainsi qu’à toute somme ou forme de rémunération ou d’indemnisation auxquelles il pourrait éventuellement prétendre à quelque titre et pour quelque cause que ce soit du fait notamment du droit commun, des dispositions de la convention collective, de son contrat de travail et/ou de ses avenants et/ou tout autre accord, ou promesse et/ou découlant de tout autre rapport de fait et de droit.
Cette formulation, très générale, confère à la transaction une portée très large et devrait rendre, à l’avenir, les salariés plus attentifs à la rédaction du projet d’accord transactionnel.

Rapprochements d’organismes de logement social et droit social : la préparation des opérations

Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dit « ELAN »), adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 12 juin 2018 devrait fortement accélérer les regroupements d’organismes.

Ces regroupements se traduiront au plan social par des transferts de personnel, caractérisés par le transfert d’une entité économique autonome au sens de l’article L.1224-1 du Code du travail.

Ces transferts de personnel doivent être anticipés, particulièrement lorsque le rapprochement est envisagé entre organismes de statut différents, ce qu’encourage fortement le projet de loi.

Aux fins de mener à bien socialement le projet, trois étapes majeures s’imposent :

–  Anticiper les conséquences sociales du projet en réalisant un comparatif des statuts des personnels concernés

Il sera ainsi nécessaire de comparer l’ensemble du statut collectif applicable dans chaque entité (conventions collectives, accords de branche, accords d’entreprise qui sont désormais publiés).

Ce bilan sera essentiel pour anticiper l’impact du projet sur la masse salariale, les salariés de l’entreprise cédée ayant droit, à défaut de conclusion d’un accord de substitution pendant le délai de survie des accords antérieurement conclus (12 mois augmenté du délai de préavis), au maintien de leurs avantages salariaux et bénéficiant pendant ce délai de survie des clauses les plus favorables de chaque statut.

Il est donc de la plus extrême importance d’identifier en amont du projet les thèmes de négociation qui devront être abordés aux fins d’harmoniser le statut collectif du personnel.

Pour rappel, ces thématiques peuvent être ouvertes à la négociation avant même que le projet soit mis en œuvre dans le cadre d’accords de transition applicables pour une durée de trois ans maximum aux salariés de l’entreprise cédée ou d’adaptation, applicables au personnel tant du cédant que du cessionnaire.

L’analyse comparée des statuts collectifs devra a minima porter sur la classification des emplois aux fins de faciliter l’intégration des salariés transférés, l’organisation de la durée du travail, les systèmes d’astreinte, les accords de prévoyance existants.

Informer et consulter le CSE avant que toute décision définitive ne soit prise

Le CSE (ou le comité d’entreprise, le CHSCT ou la DUP pour les transferts antérieurs à la mise en place du CSE) devra, préalablement à la consultation et afin d’initier utilement la procédure d’information/ consultation, être informé sur les motifs du projet, ses conséquences sociales et organisationnelles.

Il conviendra d’être particulièrement attentif à l’identification du moment adéquat pour lancer le processus de consultation des institutions représentatives du personnel.

Celui-ci ne devra pas intervenir trop tôt alors que l’entreprise n’est pas en mesure d’apporter aux élus des informations suffisamment précises sur le projet et particulièrement ses conséquences sociales.

En effet, les élus pourraient alors saisir le Tribunal de grande instance pour voir constater que la consultation n’a pu utilement commencer et/ ou solliciter la communication des pièces complémentaires.

–  Accompagner le transfert de personnel et harmoniser le statut du personnel au sein de l’entreprise d’accueil

Seul le strict respect de ces étapes permettra de mener à bien le projet sans conflit sociaux majeurs.