le 06/07/2018

Compétence du juge judiciaire quant au litige relatif à un contrat de fourniture d’électricité conclu entre un fournisseur d’électricité et un concessionnaire de transport public urbain

Cass., 1ère Civ., 6 juin 2018, n° 17-20.777

La communauté de l’agglomération dijonnaise (ci-après, la « Communauté d’agglomération ») a confié à la société STRD, devenue Keolis Dijon (ci-après, la « Société Keolis »), la gestion et l’exploitation du réseau de transport public urbain dans le cadre d’une délégation de service public. La Société Keolis a ensuite conclu avec un fournisseur d’électricité (ci-après, le « Fournisseur ») un contrat de vente de gaz naturel véhicule, d’une durée de quinze ans, en vue de l’alimentation des autobus mis à sa disposition par la communauté d’agglomération.

La Communauté d’agglomération ayant décidé de procéder au remplacement des autobus par des véhicules hybrides, la Société Keolis a indiqué au Fournisseur que le contrat était devenu caduc par l’effet de cette décision.

Le Fournisseur a saisi la juridiction judiciaire afin d’obtenir réparation du préjudice résultant, selon lui, de la résiliation anticipée du contrat. Les juges de première instance se sont déclarés incompétents au motif que le contrat litigieux, bien que de droit privé, était indispensable à la bonne exécution de sa mission de service public par la Société Keolis, et avait été souscrit par elle dans le seul cadre de cette mission. Dès lors, le contrat constituait un contrat accessoire à la délégation de service public et il revenait à la juridiction administrative d’en connaître. Le Fournisseur a interjeté appel de ce jugement et la cour d’appel a retenu une solution contraire en jugeant que le contrat était de droit privé. La Société Keolis a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La Cour de cassation commence par rappeler le principe selon lequel « les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte d’une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l’accessoire d’un contrat de droit public ». La Cour de cassation confirme ensuite l’arrêt de la Cour d’appel qui a jugé que ce contrat n’était pas l’accessoire de la convention de délégation de service public mais un contrat de droit privé pour quatre motifs. En premier lieu, bien qu’il existe un lien étroit entre le contrat litigieux et la convention de délégation de service public, ces deux contrats portent sur des opérations distinctes. En deuxième lieu, la circonstance que le contrat de vente ait été conclu près de six mois après la convention de délégation de service public révèle une absence d’automaticité des signatures entre les deux conventions, de sorte qu’en contractant avec le Fournisseur, la Société Keolis a choisi le cocontractant qui lui semblait proposer la solution la plus adaptée à ses besoins afin de pouvoir répondre aux engagements qu’elle avait souscrits à l’égard de la communauté d’agglomération. En troisième lieu, les parties au contrat litigieux n’ont pas entendu faire correspondre sa durée avec celle de la convention de délégation de service public. En quatrième et dernier lieu, aucune stipulation du contrat litigieux ne prévoit la faculté pour la Société Keolis d’exciper de la résiliation de la convention de délégation de service public pour demander la résolution du contrat litigieux.