Montant des pénalités justifié par un retard important dans l’exécution des travaux

La Cour administrative d’appel de Paris a jugé que dans le cas d’un retard particulièrement important dans l’exécution d’un marché de travaux, l’application d’une pénalité représentant 14,2% du montant du marché n’est pas manifestement excessive.

Dans cette affaire, le maître d’ouvrage avait appliqué d’importantes pénalités de retard au titulaire d’un marché portant sur un bâtiment industriel. Ce dernier soulevait le caractère manifestement excessif de ces pénalités devant le juge administratif. La Cour administrative d’appel relève que le cahier des prescriptions spéciales qui prévoyait une pénalité plus sévère que le cahier des clauses administratives générales prévalait sur ce dernier document et que le maître d’œuvre avait déjà tenu compte de diverses contraintes de chantier, d’intempéries et de l’immobilisation forcée du personnel du titulaire pour réduire le nombre de jours de pénalités applicables.

Le maître d’ouvrage était donc fondé à appliquer des pénalités bien plus importantes que le montant retenu in fine. La Cour administrative d’appel juge alors que  « dans ces conditions et compte tenu du retard très important pris par le titulaire dans l’exécution des travaux », la pénalité infligée par le maître d’ouvrage n’est pas manifestement excessive.

Des effets de nullité du congé délivré par le bailleur

Un bailleur a délivré un congé avec refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction à son preneur à bail commercial.
Ce dernier a alors assigné son bailleur en annulation de congé et paiement d’une indemnité d’éviction, demandes auxquelles les juges du fond ont fait droit.
Le bailleur s’est alors pourvu en cassation, en soutenant que la nullité du congé avait entraîné sa disparition rétroactive, de telle sorte qu’il ne pouvait avoir été mis au bail lequel s’est poursuivi. En outre selon le bailleur, l’indemnité d’éviction n’était due au preneur que s’il a mis fin au bail et restitué les locaux.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, en rappelant que le congé délivré sans motif ou pour motifs équivoques par le bailleur produit néanmoins ses effets et met fin au bail commercial, dès lors que le bailleur est en toujours en droit de refuser le renouvellement du bail à la condition de payer une indemnité d’éviction.
La juridiction précise également à cette occasion que la nullité du congé prévue à l’article L145-9 du Code de commerce est relative, ne pouvant être invoquée que par le preneur lequel peut choisir d’y renoncer en sollicitant une indemnité d’éviction ou bien s’en prévaloir afin que le bail se poursuive. Le maintien du preneur dans les lieux est ainsi sans incidence sur les effets du congé.

Publication de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

Pour mémoire, la loi NOTRe du 7 août 2015 a rendu le transfert des compétences eau et assainissement obligatoire aux communautés de communes et d’agglomération à compter du 1er janvier 2020.
Après de nombreux débats devant les assemblées parlementaires, ce dispositif a finalement été modifié de la manière suivante : la possibilité d’un report du transfert obligatoire de la compétence au 1er janvier 2026 pour les seules communautés de communes est acté dans l’article 1er, qui en précise les conditions :

– d’une part, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes, représentant au moins 20 % de la population, devront avoir délibéré en ce sens ;

– d’autre part, les communautés de communes dont les membres souhaitent mettre en œuvre cette faculté de report ne doivent pas exercer ces compétences, à titre optionnel ou facultatif, à la date de publication de la loi, étant précisé que chaque compétence doit être appréciée individuellement.

Par ailleurs, l’article L. 1412-1 du Code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas relatifs à la régie unique :

– une régie unique peut être créée pour l’exploitation des eaux usées et de la gestion des eaux pluviales urbaines ;

– en outre, l’exploitation des services publics de l’eau et de l’assainissement des eaux usées ou de la gestion des eaux pluviales urbaines, lorsqu’elle est assurée à l’échelle intercommunale par un même établissement public de coopération intercommunale ou un même syndicat mixte, peut donner lieu à la création d’une régie unique, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, sous réserve que les budgets correspondants à chacun de ces services publics demeurent strictement distincts (second alinéa de l’article 2 de la loi, qui est le troisième et dernier alinéa de l’article L. 1412-1 du Code précité).

En outre, l’article 3 de la loi modifie les articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du CGCT relatifs respectivement aux compétences des communautés de communes et des communautés d’agglomération afin de décorréler la compétence assainissement de la gestion des eaux pluviales. En effet, la compétence est désormais définie comme « Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8 [du CGCT] », article qui ne prévoit pas la gestion des eaux pluviales, cette compétence étant intégrée distinctement dans les compétences des communautés d’agglomération. Les communautés urbaines et les métropoles de droit commun voient aussi le libellé de leur compétence modifié (celui des établissements publics territoriaux de la Métropole du grand Paris en revanche ne l’est pas), afin qu’apparaissent expressément les eaux pluviales urbaines : la compétence assainissement devenant « assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8, gestion des eaux pluviales urbaines au sens de l’article L. 2226-1 ». Cet apport législatif paraît non négligeable, puisqu’il permet de trancher le débat sur l’intégration des « eaux pluviales » dans la compétence « assainissement ».

Enfin, l’article 4 modifie les dispositions relatives au mécanisme spécifique de représentation-substitution des communes au sein des syndicats de communes ou des syndicats mixtes spécifiques à l’exercice des compétences « eau » et « assainissement », qui avait pour conséquence la dissolution des syndicats ne regroupant des communes adhérant qu’à deux EPCI. Désormais, la représentation-substitution devient la règle, y compris lorsque le Syndicat n’intervient sur le territoire que de deux EPCI à fiscalité propre, avec, néanmoins, le maintien d’une possibilité pour une Communauté d’agglomération de solliciter un retrait dérogatoire (article L. 5216-7 du CGCT).

Copropriété : la nullité du mandat de syndic pour défaut d’ouverture d’un compte bancaire doit résulter d’une procédure contradictoire

Le 17 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si un copropriétaire pouvait solliciter sur requête la désignation d’un administrateur provisoire (sur le fondement de l’article 47 du décret du 17 mars 1967) au motif que la copropriété serait dépourvue de syndic faute d’ouverture d’un compte bancaire séparé au nom du syndicat.

En l’espèce, un copropriétaire, se prévalant de la nullité du mandat du syndic de copropriété pour défaut d’ouverture d’un compte bancaire séparé, introduit une requête en désignation d’un administrateur provisoire sur le fondement de l’article 47 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 47 de ce décret prévoit en effet que lorsqu’un syndicat des copropriétaires est « dépourvu de syndic », le président du Tribunal de grande instance, statuant par ordonnance sur requête, désigne un administrateur provisoire chargé d’administrer la copropriété et de convoquer les copropriétaires en assemblée afin de permettre l’élection d’un nouveau syndic.

Pour motiver sa requête, le copropriétaire faisait ainsi valoir que, dans la mesure où le mandat du syndic était nul de plein droit, le syndicat des copropriétaires était dépourvu de syndic au sens de l’article 47 du décret.

La demande du copropriétaire est rejetée en appel,

C’est ainsi que la Cour de cassation considère lorsque la désignation d’un administrateur provisoire est sollicitée sur le fondement de l’article 47 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, motif pris de la nullité de plein droit du mandat du syndic, faute d’ouverture d’un compte bancaire séparé au nom du syndicat à l’expiration du délai de trois mois suivant sa désignation, cette nullité doit avoir été constatée préalablement à l’issue d’une procédure contradictoire ; la Cour d’appel ayant relevé qu’une procédure contradictoire n’avait pas été mise en œuvre, il en résulte que la requête en désignation d’un administrateur provisoire devait être rejetée.

 

Obligation d’obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail en cas de transfert d’un salarié protégé d’une structure privée vers une personne publique

En cas de reprise par une personne publique gestionnaire d’un service public administratif d’une activité exercée jusqu’à présent par une personne privée, l’article L. 1224-3 du Code du travail, prévoit un dispositif spécifique obligeant le repreneur à proposer aux salariés concernés, un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur contrat. En cas de refus de cette proposition par des salariés dit « ordinaires », leur contrat prend fin de plein droit selon la jurisprudence désormais constante.

En effet, dans ce cas, il en résulte un licenciement « sui generis », c’est-à-dire que la rupture du contrat de travail survient automatiquement sans qu’il s’agisse d’un licenciement pour motif personnel, ni pour motif économique (Cass., Soc., 30 sept. 2009, n° 08-40.846).

Dans un arrêt du 6 juin 2018, le Conseil d’Etat s’est prononcé pour la première fois sur la question de la procédure applicable dans une telle hypothèse, aux salariés protégés (CE, 6 juin 2018, n° 391860).

Dans cette affaire, l’activité d’une association avait été transférée à une université qui, en application des dispositions de l’article L.1224-3, avait alors proposé un contrat de droit public à une salariée enseignante exerçant un mandat de délégué du personnel.

Estimant que ce contrat apportait des modifications substantielles à son contrat de travail antérieur, l’intéressée a refusé de le signer.

L’université a à ce titre, sollicité l’autorisation de la licencier à l’inspecteur du travail qui a fait droit à cette demande. Toutefois, le Tribunal administratif a annulé cette décision au motif que le licenciement devait selon les juges, intervenir de plein droit conformément à l’article L. 1224-3, et que l’inspecteur du travail n’était donc pas compétent pour connaître d’une telle demande.

La Cour administrative d’appel a annulé le jugement du Tribunal administratif en retenant que la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé en vertu de cet article L. 1224-3, relevait bien de la compétence de l’inspecteur du travail.

Le Conseil d’état a approuvé cette solution en soulignant que la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé « résultant de son refus d’accepter le contrat qu’une personne publique lui propose en application de l’article L. 1224-3, […] doit être regardée comme intervenant du fait de l’employeur»  et en rappelant qu’en conséquence, au regard de la protection légale dont bénéficient les salariés investis de fonctions représentatives, l’autorisation préalable de licenciement de l’inspecteur du travail est requise.

Ainsi, lorsqu’un salarié protégé refuse son transfert d’une entité du privé vers une structure publique, l’autorité administrative doit être saisie aux fins d’obtenir l’autorisation de procéder au licenciement « sui generis ».

L’obligation  de demander l’autorisation administrative de licenciement dans ce cadre, incombe à la personne publique dans la mesure où comme pour les salariés « ordinaires », c’est elle qui prononce la rupture du contrat suite au refus du salarié.

Dans sa décision, le Conseil d’État apporte en outre, des précisions sur l’étendue du contrôle que doit opérer l’administration. Ainsi, lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de rupture du contrat de travail d’un salarié résultant d’une application de L.1224-3 du Code du travail, l’Inspecteur du travail doit vérifier : 

–          d’une part, « que les conditions légales de la rupture du contrat sont remplies, notamment le respect par le nouvel employeur public de son obligation de proposer au salarié une offre reprenant les clauses substantielles de son contrat antérieur sauf si les dispositions régissant l’emploi des agents public ou les conditions générales de leur rémunération y font obstacle »,  étant rappelé qu’une rupture d’égalité manifestement disproportionnée par rapport à la rémunération des agents publics ne doit pas apparaître, les agents non titulaires ne pouvant pas être rémunérés au-delà de ce qui serait versé pour des fonctions et qualification équivalentes ;

–          d’autre part, « que la mesure envisagée n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndical », et qu’elle n’est donc pas discriminatoire ;

–          et enfin « qu’aucun motif d’intérêt général ne s’oppose à ce que l’autorisation soit accordée ».

Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que le caractère sui generis du licenciement d’un salarié protégé ayant refusé le contrat de droit public qui lui était proposé dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de l’article L.1224-3 du Code du travail, n’exonère pas du respect des protections liées au statut de salarié protégé : l’inspection du travail doit être saisie. Elle vérifiera que l’offre formée par la collectivité reprend les clauses substantielles du contrat antérieur sauf si les dispositions régissant l’emploi des agents public ou les conditions générales de leur rémunération y font obstacle.

 

Quand la Cour de cassation assouplit les modalités de communication du motif économique du licenciement en cas d’acceptation de la CSP

Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) entraîne, en cas d’adhésion du salarié, la rupture du contrat de travail.

Il s’agit, pour Cour de cassation, d’une modalité du licenciement pour motif économique (Cass., Soc., 17 mars 2015, n° 13-26.941).

Le salarié garde ainsi la possibilité de contester le motif économique de la rupture, bien qu’aucun licenciement pour un tel motif n’ait réellement été prononcé.

Dès lors, les juges du fond dans la droite ligne de la jurisprudence afférente au CRP exigent que l’employeur communique au salarié les motifs économiques de la rupture, et ce au plus tard au moment de son adhésion au CSP.

A défaut d’une telle information, la sanction est particulièrement lourde puisque le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass., Soc. 22 septembre 2015, n° 14-16.218).

Dans l’affaire ci commentée l’employeur avait adressé le jour de l’acceptation par le salarié de la CSP, un courrier relatif au motif économique de la rupture, courrier qui était reçu quelques jours plus tard par le salarié.

Le salarié, suivi par les juges du fond avait soutenu qu’il existait une absence d’information sur le motif économique du licenciement, préalablement à la décision du salarié d’accepter la CSP : le licenciement était dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que l’énonciation de la cause économique de la rupture par l’employeur devait figurer :

–       soit dans le document écrit d’information sur le CSP obligatoirement remis au salarié concerné par le projet de licenciement ;

–       soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du Code du travail ;

–       soit dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation (Cass., Soc. 22 sept. 2015 n° 14-16.218).

  • – Dans une précédente décision, les juges avaient déjà validé, au regard des obligations précitées, l’information relative au motif économique de la rupture communiquée au salarié dans une lettre lui proposant un poste au titre du reclassement. Cette lettre, qui lui avait été transmise un mois et demi avant la convocation à l’entretien préalable, précisait au salarié que la suppression de son poste était fondée sur une réorganisation de la société liée à des motifs économiques tenant à la fermeture de deux établissements (Cass., Soc. 16 nov. 2016, n° 15-12.293). 

La chambre sociale fait une nouvelle fois preuve de souplesse en considérant qu’un courrier électronique adressé au salarié un mois et demi avant la convocation à l’entretien préalable, comportant le compte-rendu de la réunion avec le délégué du personnel relative au licenciement pour motif économique est suffisant dès lors que ce compte rendu énonce bien les difficultés économiques invoquées ainsi que les postes supprimés.

L’employeur a ainsi satisfait en temps utile à son obligation d’information quant au motif économique de la rupture.

Le fonctionnaire en campagne électorale : nouvelles jurisprudences (protection fonctionnelle, obligation de réserve)

Face aux échéances électorales approchant (européennes, municipales), il n’est pas inutile de revenir sur certains aspects encadrant l’exercice des fonctions des agents publics amenés à participer, individuellement, à des campagnes électorales.

La jurisprudence administrative est venue, en avril 2018, à la fois rappeler la protection potentiellement accordée aux agents en cette période et durcir, en parallèle, les obligations qui sont les leur.

La Cour administrative d’appel de Marseille a ainsi rappelé les contours de la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, lesquels s’appliquent même en cas de participation par l’agent à une campagne électorale.

En plein cœur de la campagne des municipales, un des colistiers du président du Covaldem avait, au cours d’une conférence, émis des propos à la nature potentiellement diffamatoire à l’encontre d’un agent du Covaldem, par ailleurs candidat sur une liste opposée, propos relatifs à son emploi au sein de la structure.

L’agent avait sollicité de son employeur le remboursement des frais supportés pour engager une action en diffamation contre l’auteur des propos, demande refusée par l’établissement au motif du contexte de campagne électorale à laquelle participait l’agent.

La Cour administrative d’appel de Marseille a rejeté ce motif qui ne peut être retenu comme « un motif d’intérêt général permettant à l’administration de déroger à l’obligation de protection à laquelle elle est tenue envers son agent », et estimé que le seul envoi d’une lettre à l’auteur des propos lui intimant l’ordre de ne pas réitérer ceux-ci ne pouvait être regardé comme « une mesure appropriée de nature à assurer à l’intéressée la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983. »

Parallèlement, la Cour administrative d’appel de Paris a rappelé, en les durcissant, les contours de l’obligation de réserve des agents publics en période électorale.

Les juges d’appel parisiens précisaient à nouveau que « si les agents publics ont, comme tout citoyen, le droit de participer aux élections et à la campagne qui les précède, sauf en ce qui concerne les employés municipaux, qui sont inéligibles au conseil municipal, ils sont tenus de le faire dans des conditions qui ne constituent pas une méconnaissance de leur part de l’obligation de réserve à laquelle ils restent tenus envers leur administration en-dehors de leur service. »

Si l’obligation de réserve est ainsi plus dure à l’égard des agents en période électorale, la Cour administrative d’appel de Paris a validé l’exclusion temporaire de fonctions de l’agent qui distribuait des tracts émanant de la liste d’opposition, mettant en cause en termes irrespectueux l’autorité territoriale, alors même, et c’est à notre sens nouveau, qu’il ne s’était pas prévalu de sa qualité d’agent public lors de cette distribution et que l’agent disposait d’un faible niveau de responsabilité au sein des services de la commune.

En somme, l’agent public en campagne électorale reste un agent à protéger dans tous les éléments relatifs à l’exercice de ses fonctions, mais doit veiller à redoubler de vigilance quant à ses obligations déontologiques.

CAA Paris, 10 avril 2018, M. E c/ Commune de Saint-Pathus, n° 17PA01586 

Droit à réparation du manque à gagner du fait de l’exclusion illégale du service d’astreinte

Pour les agents publics, l’accomplissement de service d’astreinte est bien souvent une source non négligeable de revenus complémentaire. Par conséquent, lorsque, pour des raisons de service, ils se trouvent exclus par leur hiérarchie de ce service d’astreinte, il n’est pas rare de les voir contester une telle décision, soit individuellement, soit dans le cadre de contentieux plus global, notamment en matière de harcèlement moral (v. par exemple, CAA Lyon, 12 avril 2010, Jebors, n° 08LY02601).

De telles contestations sont toutefois, la plupart du temps, vouées à l’échec, dès lors que, conformément à la règle applicable à tout élément du régime indemnitaire, l’agent n’a aucun droit à son maintien (CE, 27 mai 1992, Costes, n° 99702). Plusieurs juridictions du fond avaient notamment jugé, concernant des agents bénéficiant systématiquement d’indemnités rémunérant des heures supplémentaires effectuées chaque mois, qu’ils ne disposaient d’aucun droit au maintien d’une telle situation et de la rémunération qu’elle leur octroyait (CAA Bordeaux, 3 juillet 2017, M. A c/ Communauté d’agglomération du Grand Tarbes, n° 15BX03747 ; CAA Paris, 17 novembre 2015, M. C c/ ministre de la défense, n° 13PA04700 ; CAA Marseille, 3 novembre 2015, Mme A. c/ Lycée Rouvière, n° 14MA03411).

Il faut également préciser que la chambre sociale de la Cour de cassation a elle-même posé un principe similaire concernant les astreintes, rappelant que les salariés ne disposent d’aucun droit acquis à en effectuer (Cass. Soc., 10 octobre 2012, n° 11-10.454, n° 2132 FS-P+B).

Comme toujours dans de telles hypothèses où l’administration dispose d’un pouvoir quasiment discrétionnaire en l’absence de droit acquis de l’agent, il lui appartient de démontrer, devant le juge, que la décision a, à tout le moins, été motivée par l’intérêt du service (il en va ainsi, très classiquement, des mutations dans l’intérêt du service : CE, 5 avril 1991, Imbert-Quaretta, n° 96513, ou encore de la décision de ne pas renouveler un agent contractuel : CE, 4 juillet 1994, M. Arthur X., n° 118298).

C’est conformément à ces principes, en l’espèce, que le Tribunal administratif de Dijon avait annulé la décision par laquelle le requérant avait été exclu du service des astreintes, en l’absence de toute justification tirée de l’intérêt du service. 

Mais, saisis cette fois sur le plan indemnitaire, le même Tribunal, puis la Cour administrative d’appel de Lyon, avaient rejeté les demandes indemnitaires du requérant au motif que, si cette illégalité constituait bien une faute engageant la responsabilité de la collectivité employeur, le requérant ne pouvait prétendre à la réparation des pertes qu’il a subi du fait de l’exclusion du service d’astreinte, qui ne sont versées qu’en compensation d’un service effectivement accompli.

Le Conseil d’Etat censure cette motivation. Selon lui, si « l’exercice d’astreintes ne saurait constituer un droit, la cour n’a pu, sans erreur de droit, eu égard à la nature de l’illégalité constatée par le tribunal administratif et à l’autorité qui s’attachait à son jugement, exclure toute possibilité pour l’intéressé d’une indemnisation au titre du préjudice financier subi du fait des décisions fautives ». 

Le Conseil d’Etat reconnait ainsi l’exclusion illégale, car non motivée par l’intérêt du service, comme une faute susceptible d’obtenir à l’intéressé une indemnisation en réparation de la perte subie du fait de cette exclusion.

La question de l’importance d’une telle rémunération, et notamment du montant des indemnités d’astreinte non versées, reste en suspens, le Conseil d’Etat ayant renvoyé le jugement de cette question à la Cour administrative d’appel après censure du dispositif y afférent.

 

 

Un médecin du travail peut-il prendre parti dans un certificat sur l’existence d’un lien entre l’état de santé du salarié et ses conditions de travail ?

Le Conseil d’Etat aurait-il décidé, par cette décision publiée aux tables du recueil Lebon, de rappeler certaines de leurs obligations aux médecins du travail ?

Il a ainsi jugé, par cet arrêt du 6 juin 2018, que la sanction de l’avertissement pouvait être infligée au praticien qui, dans son certificat délivré à un salarié, avait pris parti sur le bien-fondé d’un « droit de retrait » exercé plus de huit mois plus tôt, laissé entendre que la société employeur ne respectait pas ses obligations en termes de protection de la santé des salariés, et enfin, reprochait notamment à cette société des « pratiques maltraitantes ».

Est-ce à dire qu’un médecin du travail, dont le rôle est essentiel notamment dans les litiges concernant les cas de harcèlement moral (cf. par exemple CAA Marseille, 4 avril 2014, M. et Mme A. c/ Commune de Béziers, req. 11MA01254), ne pourrait se prononcer sur les conditions de travail des salariés et ainsi déterminer un lien entre ces dernières et l’état de santé des salariés ?

La réponse est naturellement beaucoup plus nuancée, et résulte de l’application simple des textes du code de la santé publique.

Il résulte en effet des dispositions de l’article L. 4622-3 du Code du travail que le rôle du médecin du travail « consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé […] » et qu’à cette fin, l’article R. 4624-3 du même Code lui confère le droit d’accéder librement aux lieux de travail et d’y réaliser toute visite à son initiative.

Le juge en tire comme conséquence que la circonstance qu’un certificat établi par un médecin du travail prenne parti sur un lien entre l’état de santé de ce salarié et ses conditions de vie et de travail dans l’entreprise, n’est pas, par elle-même, de nature à méconnaître les obligations déontologiques résultant des articles R. 4127-28 et R. 4127-76 du Code du travail.

Mais en revanche, il précise que le médecin du travail ne peut établir un tel certificat qu’en considération de constats personnellement opérés par lui, tant sur la personne du salarié que sur son milieu de travail.

Il ne peut donc se fonder sur les seuls propos du salarié, voire sur des attestations qu’il aurait recueillies : il doit se déplacer personnellement afin de constater les conditions de travail.

En l’espèce, le droit de retrait avait été exercé sur un site que le médecin du travail ne connaissait pas, il n’avait pas précisé les éléments qui l’avaient amené à considérer que la société ne respectait pas ses obligations en matière de protection de la santé ni exposé s’il avait pu les constater personnellement et, enfin, n’avait pas fait état des éléments qui justifiaient son affirmation selon laquelle elle aurait adopté des pratiques maltraitantes.

Dans ces conditions, le médecin du travail avait manqué à ses obligations déontologiques et c’est la raison pour laquelle la sanction de l’avertissement lui a été infligée par la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins, saisi par la société employeur.

L’importance pratique de cette décision n’est pas neutre pour les employeurs publics auxquels les agents peuvent parfois opposer des certificats médicaux mentionnant la situation de harcèlement moral dans laquelle ils se trouveraient, sans pour autant que le médecin ne se soit déplacé afin de vérifier les allégations formulées lors de la visite.

Cette obligation est pour autant à mettre en relation avec la baisse dramatique du nombre de médecins spécialisés en médecine du travail, les difficultés rencontrées notamment par les collectivités territoriales pour en recruter, ce qui peut expliquer – mais non justifier, naturellement – que certains ne respectent pas cette précaution pourtant élémentaire de constater personnellement les faits sur lesquels ils s’appuient dans leurs certificats.

Diffamation contre un Maire face à la liberté d’expression politique

Rendu en plein milieu de l’été, l’arrêt du 8 août 2018 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient rappeler les fondamentaux du droit de la presse comme le réveil d’un devoir de vacances !

L’affaire opposait un Maire et son adjoint, aux directeur et co-directeur de la publication d’un quotidien national, pour des imputations de « fraude et de détournement d’argent public » au titre du financement d’une campagne électorale.

Les premiers juges et la Cour d’appel, après avoir retenu le caractère diffamatoire des propos, avaient toutefois renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, en leur reconnaissant le bénéfice de la bonne foi.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, en considérant que « en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que les propos incriminés s’inscrivaient dans une controverse politique relative au financement d’une campagne électorale menée par un parti adverse ainsi qu’aux modalités de rémunération de certains de ses membres, sujets par nature d’intérêt général, et que les imputations litigieuses, présentées comme déjà publiées dans d’autres organes de la presse nationale, reposaient sur une base factuelle suffisante, et dès lors qu’en pareil cas, il appartient aux juges d’apprécier moins strictement les critères ordinaires de la bonne foi, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ».

Sans être novateur, cet arrêt a pour essentielle utilité de rappeler le double raisonnement que les juges de presse se doivent de tenir pour de pareilles imputations, y compris dans un contexte de polémique politique :
– Rechercher la constitution de l’infraction de presse poursuivie, en l’espèce la caractérisation d’une diffamation et d’un élément de publicité (Crim., 19 juin 2018, n° 16-82602) ;
– Dans l’affirmative, rechercher si l’infraction ne devrait pas pour autant être écartée au titre des éléments habituels de défense, à savoir la bonne foi et/ou le droit à la liberté d’expression tel que garanti par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – moyens de défense distincts de la vérité des faits (Crim., 23 janvier 2018, n° 17-81373).

S’agissant de la bonne foi, elle se définit par référence aux quatre critères cumulatifs traditionnels, tirés du sérieux de l’enquête préalable, la prudence dans l’expression, la légitimité du but informationnel et l’absence d’animosité personnelle (Civ 1ère, 17 mars 2011 n° 10-11784). Et la Cour de cassation de rappeler que, dans le contexte d’une controverse ou polémique politique, le juge « apprécie moins strictement les critères ordinaires » précités.

S’agissant de l’article 10, il est constant qu’en présence d’un débat d’intérêt général, les prévenus peuvent opposer, au visa de ce texte conventionnel, des éléments de base factuelle suffisante ; mais encore faut-il, pour le prévenu, apporter une telle base à défaut de laquelle la condamnation sera prononcée (Crim., 11 juillet 2017, n° 16-84671 ; Crim., 23 janvier 2018, n° 16-85316) ; on notera que la polémique politique relative au financement d’une campagne électorale menée par un parti adverse, ainsi que les modalités de rémunération de certains de ses membres, sont considérés par la Cour de cassation comme des « sujets par nature d’intérêt général », au même titre que « les méthodes de gestion » d’une Commune (Crim., 7 juin 2016, n° 15-83746), l’état des finances des Collectivités locales (Crim., 23 janvier 2018, n° 17-81874), l’emploi de leurs fonds par les élus (Crim., 25 avril 2017, n° 15-86344), le comportement ou la probité d’un élu (Crim., 11 juillet 2017, n°  16-84671) ou encore le traitement d’une affaire judiciaire ayant eu un retentissement national (Crim., 26 mai 2010, n°09-87083).

À titre d’illustration, peuvent être contributifs d’une telle base factuelle suffisante :

–          Des publications antérieures, notamment de la presse nationale, sur le même sujet (arrêt commenté) ; mais ne constituent pas une telle base de précédents articles de la même publication (Crim., 2 novembre 2016, n°15-83864) ;
–  Le compte-rendu d’une séance du conseil municipal (Crim., 23 janvier 2018, n°17-81874) ;
–  De préalables témoignages recueillis par le diffamateur (Crim., 28 juin 2017, n°16-82163) ;
–  Les passages d’un rapport de la Chambre régionale des comptes (Crim., 25 avril 2017, n°15-86344) ;
–  De précédents interviews (Crim., 7 juin 2016, n°15-83746) ;
–  Un courrier en lien direct avec les imputations attentatoires à l’honneur (Crim., 18 octobre 2016, n°15-85966).

Dans ce cadre, seule la dénaturation par le prévenu des éléments par lui recueillis permet alors de démontrer à l’inverse l’absence de base factuelle suffisante ; la Cour d’appel, dans l’arrêt commenté, a cherché à en donner une juste définition : « si M. B… s’est basé, en les citant, sur des extraits qu’il a sélectionnés d’articles qui mettent en cause l’association (…) pour un montage frauduleux (…) et l’utilisation d’assistants parlementaires (…), il ne les a pas pour autant dénaturés, leur sens n’en ayant en rien été déformé, seul leur contenu ayant été réduit, en raison de la taille du communiqué ».

Pour les plus férus de droit de la presse, on constatera que la Chambre criminelle semble opérer une réelle dissociation entre ces deux moyens de défense, ce qui n’a pas toujours été le cas (Pour un exemple : Crim., 19 janvier 2010 n°09-84.408).

La marque de cette dissociation procède, avant tout, de l’effet palliatif qui serait accordé à l’article 10 de la CEDH : l’exception conventionnelle tirée de l’article 10 permet de couvrir l’absence de réunion de tous les critères cumulatifs de la bonne foi (Crim., 28 mars 2017, n° 15-84761 ; Crim., 27 avril 2011, n° 10-83771) ; à noter que, dans l’arrêt du 27 avril 2011, la Cour de Cassation ne paraît pas avoir sanctionné le raisonnement qui était tenu par la Cour d’appel au titre des éléments internes de la bonne foi, l’estimant ainsi fondé dans la constatation de la mauvaise foi, mais semble avoir corrigé les constations finales de condamnation de la Cour d’appel, laquelle aurait commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte la notion de débat d’intérêt général issue de l’article 10 de la Convention européenne.

La seconde marque de cette dissociation procède ensuite de ce qu’une Cour d’appel, ayant pourtant accordé au prévenu le bénéfice de la bonne foi, n’en a pas moins trouvé son arrêt cassé pour ne s’être pas suffisamment expliquée sur les éléments de base factuelle suffisante (Crim., 14 mars 2017, n° 16-80353).

Mais l’ambigüité persiste, car l’on retrouve toujours dans la sémantique de la Haute Cour un rapport de complémentarité entre ces deux moyens de défense, la notion de débat d’intérêt général permettant en même temps de moduler les critères de la bonne foi : reposent « sur la base factuelle suffisante des témoignages recueillis par leur auteur et matérialisés dans plusieurs attestations, de sorte que le prévenu qui, n’étant pas un professionnel de l’information, n’avait pas à effectuer d’autres investigations, ne pouvait, compte tenu de ce contexte et de cette base factuelle, se voir reprocher d’avoir manqué de prudence dans l’expression dans des conditions de nature à le priver du bénéfice de la bonne foi » (Crim., 28 juin 2017, n° 16-82163).

La question reste en suspens : réelle dissociation des deux moyens de défense, ou double verrou interactif pour protéger la critique, même dans des termes virulents, de nos institutions et de l’action de leurs représentants ? C’est là que réside toute la subtilité d’un droit de source essentiellement prétorienne.

Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) : focus sur deux dispositions relatives aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Le 25 juillet dernier, le Sénat a apporté des modifications au projet de loi ELAN adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. La présente contribution se propose, à ce stade du projet de loi, de présenter brièvement deux dispositions intéressant directement les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (JOP 2024).

  1. En premier lieu, l’article 5 sexies du projet de loi apporte des précisions sur les conditions et les modalités de la substitution de la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) au maître d’ouvrage défaillant, prévue à l’article 53-II-3° alinéa 2 de la loi n° 2017‑257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.

On rappellera que la SOLIDEO, établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC), est chargée de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des JOP 2024. Un décret n° 2017-1764 du 27 décembre 2017 est venu fixer ses modalités d’organisation et de fonctionnement.

Parmi ses missions, l’article 53-II de la loi précitée liste : (i) le financement total ou partiel des ouvrages et des opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des JOP 2024 ; (ii) la coordination et le contrôle des différents maîtres d’ouvrage et maîtres d’ouvrage délégués concernés (via des conventions fixant le financement et le calendrier) ; (iii) la maîtrise d’ouvrage ou maîtrise d’ouvrage déléguée de certains des ouvrages ou de certaines opérations d’aménagement. Ce même article prévoit également que « La société peut se substituer au maître d’ouvrage, en cas de défaillance grave de celui-ci, de nature à conduire à un retard ou à l’interruption de la conception, de la réalisation ou de la construction de tout ou partie d’ouvrages ou d’aménagements nécessaires aux Jeux olympiques et paralympiques. ». Ce faisant, il n’énonce pas clairement ce qui est entendu par « défaillance grave ».

C’est l’objet principal de l’article 5 sexies du projet de loi ELAN. Celui-ci propose en effet une réécriture du second alinéa du 3 du II de l’article 53 de la loi précitée qui disposerait ainsi que : « La société peut se substituer au maître d’ouvrage, en cas de défaillance de celui-ci caractérisée par au moins l’un des manquements suivants : 1° La méconnaissance du calendrier de livraison ou de réalisation des ouvrages ; 2° Le dépassement des budgets prévisionnels ; 3° Le non-respect du programme ; 4° Tout autre élément conduisant à un retard ou à l’interruption de la conception, de la réalisation ou de la construction de tout ou partie des ouvrages ou des aménagements nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. ». Cette rédaction reprend, tout en la précisant, la définition de « défaillance grave » formulée par l’article 15-4° du décret n° 2017-1764 du 27 décembre 2017 relatif à l’établissement public Société de livraison des ouvrages olympiques.

Au-delà de certaines indications concernant la procédure de substitution, l’article du projet de loi précise surtout que celle-ci emporte : (i) à la demande de la SOLIDEO, transfert en pleine propriété et à titre gratuit des biens immeubles appartenant au maître d’ouvrage défaillant et nécessaires à la réalisation des ouvrages et opérations, ceci sans aucune contrepartie ; et, (ii) substitution de la SOLIDEO au maître d’ouvrage défaillant dans l’ensemble des droits, notamment financiers, et obligations nécessaires à la réalisation de ces ouvrages ou liés aux biens transférés. Le maître d’ouvrage substitué devra de plus transmettre à la société les pièces nécessaires à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage et l’ensemble des contrats et des études réalisées. Par ailleurs, l’article prévoit que, sous un délai maximal de dix-huit mois après l’achèvement des JOP 2024, l’ouvrage achevé sera remis à la société substituée, ainsi que tous les droits et obligations afférents.

  1. En second lieu, l’article 5 septies du projet de loi vise à faciliter le recours aux marchés publics de conception-réalisation pour les opérations de construction ou de réhabilitation portant sur les ouvrages nécessaires à l’organisation des JOP 2024.

Pour mémoire, le recours aux marchés publics de conception-réalisation – qui sont des marchés publics de travaux permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux – est conditionné, pour les seuls acheteurs soumis à la loi MOP, par l’existence de l’une des deux circonstances suivantes, qui doit rendre nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage : (i) des motifs d’ordre technique ou (ii) un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique.

Or, l’article 5 septies du projet de loi introduit un nouvel article 17-1 au sein de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 qui permettrait ainsi aux acheteurs soumis à la loi MOP de recourir aux marchés publics de conception-réalisation sans condition pour les opérations de construction ou de réhabilitation portant sur les ouvrages nécessaires à l’organisation des JOP 2024 : « Les conditions mentionnées au second alinéa du I de l’article 33 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ne sont pas applicables aux marchés publics de conception-réalisation conclus par les acheteurs soumis à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et qui sont relatifs aux opérations de construction ou de réhabilitation portant sur les ouvrages nécessaires à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. ».

 

Société Anonyme de Coordination (SAC) : des clauses types prévues attendues

Le projet de loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ci-après « ELAN ») adopté par le Sénat le 25 juillet dernier sera examiné en commission mixte paritaire le 12 septembre 2018.

L’article 25 du projet de loi prévoit que le futur alinéa 1er de l’article L. 423-1-2 du Code de la Construction et de l’Habitation (ci-après « CCH »), serait rédigé ainsi :

« La société de coordination est une société anonyme agréée en application de l’article L. 422-5 du présent code, […] ».

Or, l’article L. 422-5 du CCH prévoit que :

« Les sociétés d’habitations à loyer modéré doivent être agréées par décisions administratives.

Leurs statuts contiennent des clauses conformes aux clauses types approuvées par décret en Conseil d’Etat ».

Ainsi, la rédaction de l’article L. 423-1-2 du CCH soumet les futurs statuts de la SAC à la présence de clauses obligatoires qui devront être édictées par décret.

Si on se réfère au décret relatif aux clauses types des statuts des actuelles sociétés anonymes de coordination d’organismes d’habitations à loyer modéré, pourraient donc porter notamment sur les points suivants :

  • La forme de la société (SA ou SA coopérative) ;
  • La dénomination sociale ;
  • Son objet social reprenant les prescriptions de l’article L. 423-1-2 du CCH ;
  • La composition du capital social ;
  • Les modalités de cession d’actions ;
  • La gouvernance (Conseil d’administration ou Conseil de surveillance avec un directoire) ;
  • L’année sociale ;
  • L’attribution de l’actif ;
  • L’obligation de transmission des statuts au préfet.

Pourraient également être précisées les modalités de la représentation à l’assemblée générale et au conseil d’administration ou au conseil de surveillance de la SAC des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, les départements, les régions et les communes, sur le territoire desquels les organismes actionnaires possèdent des logements.

Dématérialisation et open data dans la commande publique : les mesures à prévoir pour le 1er octobre 2018

La dématérialisation de la passation des contrats de la commande publique, jusqu’à présent mise en œuvre sur la base d’une simple faculté prévue par la règlementation de la commande publique, constituera une obligation pesant sur tous les acheteurs à compter du 1er octobre 2018 (I). Cette date fixe également l’entrée en vigueur des obligations en matière d’ouverture des données essentielles, ou d’open data, des contrats de la commande publique (II).

I – Les mesures de dématérialisation des contrats de la commande publique

La dématérialisation, qui est un des enjeux majeurs de la réforme européenne de la commande publique transposée par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics et par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatifs aux contrats de concession, s’impose essentiellement au stade de la passation, avec la mise à disposition électronique des documents de la consultation (1) et des communications et échanges d’informations (2) qui reposent sur l’utilisation d’un profil d’acheteur (3), mais aussi au stade de la signature électronique (4) et de l’exécution, par la mise en place de la facturation électronique (5).

  1. La mise à disposition dématérialisée des documents de la consultation

A compter du 1er octobre 2018, un accès dématérialisé aux documents de la consultation devra être offert aux opérateurs économiques pour les consultations relatives aux marchés publics, dans les conditions prévues par les articles 38 et 39 du décret précité du 25 mars 2016.

En effet, pour les consultations qui seront engagées à compter du 1er octobre 2018, ces documents devront, par principe, être mis à disposition des opérateurs économiques de manière dématérialisée et gratuite – ce qui existe déjà pour les contrats de concession (article 5 du décret du 1er février 2016) –, l’article 39 du décret du 25 mars 2016 imposant leur publication sur un profil d’acheteur (cf infra). A cet égard, les acheteurs devront se référer à l’arrêté du 27 juillet 2018 fixant les modalités de mise à disposition des documents de la consultation et de la copie de sauvegarde.

Les acheteurs pourront cependant déroger à cette mise à disposition dématérialisée pour certains documents, notamment dans les hypothèses prévues par le II de l’article 41 du décret relatif aux marchés publics (cf infra) mais aussi lorsque, par exemple, des exigences auront été prévues visant à protéger la confidentialité de certaines informations qui, de ce fait, ne pourront pas être publiées sur le profil d’acheteur (article 39 du décret du 25 mars 2016 et article 5 du décret du 1er février 2016). En pareil cas, l’acheteur devra indiquer, notamment dans l’appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation, les mesures qu’il impose en vue de protéger la confidentialité des informations ainsi que les modalités d’accès aux documents concernés.

  1. La dématérialisation des communications et des échanges d’informations

Les acheteurs et les opérateurs économiques devront également communiquer et échanger leurs informations par voie électronique. En effet, si l’article 40 du décret du 25 mars 2016 – reprenant l’article 56 du Code des marchés publics – prévoit aujourd’hui non pas une obligation mais une simple faculté d’effectuer par voie électronique les communications et les échanges d’informations nécessaires à la passation d’un marché public, cet article ne sera plus applicable à compter du 1er octobre 2018.

A cette date, « toutes les communications et tous les échanges d’informations sont effectués par des moyens de communication électronique », lesquels sont définis par l’article 41 comme « un équipement électronique de traitement, y compris la compression numérique, et de stockage de données diffusées, acheminées et reçues par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ».

S’ils devront donc transmettre leur offre par voie électronique en vertu de ce texte, les candidats et soumissionnaires auront tout de même le droit d’adresser à l’acheteur une copie de sauvegarde des documents de leur offre sur support papier ou sur support physique électronique dans les conditions définies par un arrêté du 27 juillet 2018 (NOR: ECOM1817537A). 

Précisons que, pour répondre à une consultation, les opérateurs économiques pourront recourir au document unique de marché européen, autrement dénommé DUME. Ce formulaire (au format XML) permet aux opérateurs économiques, d’une part, de prouver de manière simple qu’ils remplissent les critères de sélection d’une offre et n’entrent pas dans un cas prévu par les interdictions de soumissionner et, d’autre part, de ne plus avoir à fournir un document lorsque celui-ci aura déjà été transmis à une administration conformément au programme « Dites-le nous une fois ».

Et, à compter du 1er octobre 2018, mais uniquement pour les procédures formalisées et même si cela n’aura pas été expressément prévu par l’acheteur dans les documents de la consultation, les candidats auront le droit, en vertu de l’article 53 du même décret, de ne pas fournir les documents justificatifs et moyens de preuve qu’ils auront déjà transmis au service acheteur lors d’une précédente consultation à condition que ces documents demeurent valables.

Toutefois, les acheteurs pourront déroger à cette obligation de dématérialisation des communications et échanges mais aussi de mise à disposition des documents de la consultation dans les cas visés au II de l’article 41. A titre d’exemples, cette dérogation pourra être mise en œuvre:
–   pour les marchés publics mentionnés à l’article 30 soit les marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée ainsi que pour les marchés publics de services sociaux et autres services spécifiques mentionnés à l’article 28 du même décret
  lorsque, « en raison de la nature particulière du marché public », l’utilisation de moyens de communication électroniques nécessiterait des outils, des dispositifs ou des formats de fichiers particuliers qui ne sont pas communément disponibles ou pris en charge par des applications communément disponibles ;
–  
ou encore « lorsque les documents de la consultation exigent la présentation de maquettes, de modèles réduits, de prototypes ou d’échantillons qui ne peuvent être transmis par voie électronique ».

En revanche, la dématérialisation des communications et des échanges est une simple faculté pour les contrats de concession pour lesquels l’article 17 du décret du 1er février 2016 dispose que « les moyens de communication utilisés ne peuvent avoir pour effet de restreindre l’accès des opérateurs économiques à la procédure de passation du contrat de concession » et que « les transmissions, les échanges et le stockage d’informations sont effectués de manière à assurer l’intégrité des données et la confidentialité des candidatures et des offres ». Cet article précisant ainsi que « dans l’hypothèse où l’autorité concédante utilise des moyens électroniques, elle assure la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon non discriminatoire, selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie ».

  1. Le profil d’acheteur support de la dématérialisation

Afin d’assurer la dématérialisation de la passation de leurs contrats de la commande publique, les acheteurs et les autorités concédantes devront utiliser un profil d’acheteur.

En effet, le recours à un profil d’acheteur, qui était obligatoire pour les achats de fournitures, de services et de travaux d’un montant supérieur à 90 000 euros HT sous l’empire de l’article 41 du Code des marchés publics, est désormais imposé de manière générale par l’article 39 du décret du 25 mars 2016 pour procéder à la mise à disposition des documents de la consultation. Ajoutons que les autorités concédantes doivent elles aussi utiliser un profil d’acheteur pour la passation de leurs contrats de concession en vertu de l’article 5 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016.

Le profil d’acheteur est désormais défini par l’article 31 du décret du 25 mars 2016 comme étant : « Une plateforme de dématérialisation permettant notamment aux acheteurs de mettre les documents de la consultation à disposition des opérateurs économiques par voie électronique et de réceptionner par voie électronique les documents transmis par les candidats et les soumissionnaires ».

Et, précisons que les fonctionnalités et les exigences minimales des profils d’acheteurs sont définis par un arrêté du 1er avril 2017 (NOR: ECFM1637253A) mais aussi par une fiche pratique élaborée et publiée par la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie. 

A ce titre, l’article 1 liste les fonctionnalités que cette plateforme doit offrir à l’acheteur. Et l’article 2 de l’arrêté précise quant à lui les exigences techniques, de sécurité et d’accessibilité auxquelles doivent répondre les fonctionnalités du profil d’acheteur (accepter les fichiers communément disponibles et notamment les fichiers aux formats.XML et.JSON, assurer un horodatage conformément aux dispositions du règlement n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 etc.).

  1. La signature électronique

La dématérialisation de la passation des marchés se retrouve également au stade de la signature du marché, qui demeure pour l’instant une simple faculté puisque l’article 102 du décret du 25 mars 2016 dispose que « le marché public peut être signé électroniquement ».

Nous rappellerons que les conditions de la signature électronique ne sont plus définies par l’arrêté du 15 juin 2012 mais par l’arrêté du 12 avril 2018 relatif à la signature électronique dans la commande publique (NOR: ECOM1800780A).

  1. La facturation électronique

Applicable à l’Etat depuis le 1er janvier 2012, l’obligation d’accepter les factures électroniques a été élargie aux collectivités territoriales et à tous les établissements publics depuis le 1er janvier 2017.

A ce titre, la dématérialisation de la facturation devrait permettre des gains mutuels pour les entreprises et les administrations grâce notamment à une réduction des coûts (papier, impression, envoi postal, …), une diminution de l’empreinte carbone ainsi qu’une  suppression des manipulations de documents « papier », diminution des temps de traitement, garantie de remise des documents, fluidité des échanges. Et, pour la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie, « la démarche de dématérialisation des factures peut aussi  constituer un avantage concurrentiel (clause de dématérialisation de plus en plus présente dans les marchés publics), ainsi qu’un élément de communication à ne pas négliger (exemplarité, image et notoriété) ».

Précisons tout de même que la facturation dématérialisée doit devenir obligatoire de manière progressive puisque l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 a prévu à son article 3 le calendrier suivant :

–          depuis le 1er janvier 2017 : obligation pour les grandes entreprises (plus de 5 000 salariés) et les personnes publiques et depuis le 1er janvier 2018 : obligation pour les entreprises de taille intermédiaire (250 à 5 000 salariés) ;

–          à compter du 1er janvier 2019 : obligation pour les petites et moyennes entreprises (10 à 250 salariés) ;

–          et à compter du 1er janvier 2020 : obligation pour les très petites entreprises (moins de 10 salariés).

Ajoutons brièvement que la facturation électronique est encadrée dans sa mise en œuvre notamment par le décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016 qui est complété par un arrêté du 9 décembre 2016 (NOR: ECFM1627978A) et par un arrêté du 22 mars 2017 (NOR: ECFE1705189A) fixant les modalités de numérisation des factures papier en application de l’article L. 102 B du livre des procédures fiscales.

II – L’open data : ouverture des données essentielles des contrats de la commande publique

Si elle n’est pas nouvelle puisque certains marchés publics et certains contrats de concession pouvaient faire l’objet d’un avis d’attribution sous l’empire des anciens textes et que les acheteurs devaient publier une liste des marchés conclus, l’ouverture des données essentielles des marchés est nettement renforcée par la nouvelle règlementation applicable aux marchés publics et aux contrats de concession qui en a fait une obligation dont l’entrée en vigueur est également fixée au 1er octobre 2018.

  1. L’intérêt de l’open data

L’ouverture des données peut certes apparaître comme une charge supplémentaire pesant sur les acheteurs et les autorités concédantes. Mais cette nouvelle obligation répond à des enjeux majeurs :

–          renforcer le droit à l’information dont bénéficient les citoyens mais aussi les opérateurs économiques qui n’auront donc plus nécessairement à recourir à la procédure de demande de documents administratifs pour obtenir des informations relatives aux contrats de la commande publique ;

–          renforcer la transparence des procédures – principe essentiel de la commande publique –, la publication des données étant de nature à contribuer à une meilleure gestion des deniers publics en ce que les acheteurs seront soumis à un droit de regard de leurs administrés et des opérateurs économiques ;

–          permettre aux opérateurs économiques de se saisir de ces données pour développer des nouveaux services, pour mieux répondre aux besoins des acheteurs et des autorités concédantes voire même pour découvrir de nouvelles opportunités.

  1. Les contrats concernés par l’open data

L’ouverture des données essentielle est applicable :

–          aux marchés publics d’un montant supérieur à 25.000 euros en vertu de l’article 56 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, qui dispose que « les acheteurs rendent public le choix de l’offre retenue et, sauf pour les marchés de défense ou de sécurité, rendent accessibles sous un format ouvert et librement réutilisable les données essentielles du marché public », et qui est complété par les articles 107 et 108 du décret du 25 mars 2016 ainsi que par l’article 94 du décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ;

–          et aux contrats de concession en application de l’article 53 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 – équivalent de l’article 56 précité –, lequel est complété par l’article 34 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016.

  1. Les données concernées par l’open data

Si l’ouverture des données essentielles – qui doit être faite sur le profil d’acheteur en vertu de l’arrêté du 17 avril 2017 – est légitimement limitée pour les marchés publics de défense pour lesquels seuls doivent être communiqués le numéro d’identification unique attribué au marché, l’identification de l’acheteur, la nature et l’objet du marché et la procédure de passation, celle-ci est plus large pour les marchés publics et les contrats de concessions pour lesquels les acheteurs doivent communiquer, en plus des données précitées :

–    le lieu principal d’exécution des prestations objet du marché/contrat ;
–    la durée, le montant et les principales conditions financières du marché/contrat 
–    ainsi que l’identification du co-contractant et la date de signature du contrat et celle de notification du marché.

Les acheteurs et les autorités concédantes devront également publier sur leur profil d’acheteur les données relatives à chaque modification apportée au marché/contrat – au plus tard deux mois à compter de la date de notification pour les marchés publics (article 107-2° du décret du 25 mars 2016 –, ces données correspondant à :

–     l’objet de la modification ;
–     les incidences de la modification sur la durée ou le montant du marché public – sur la valeur du contrat concession ainsi que sur les tarifs à la charge des usagers ;
–     la date de la modification du contrat de concession et celle de la notification par l’acheteur de la modification pour les marchés publics.

Et, de manière spécifique aux contrats de concession, les autorités concédantes devront publier, chaque année, les données relatives à l’exécution du contrat de concession soit, d’une part, les dépenses d’investissement réalisées par le concessionnaire et, d’autre part, les principaux tarifs à la charge des usagers et leur évolution par rapport à l’année précédente.

Enfin, précisons qu’en vertu de l’article 7 de l’arrêté du 17 avril 2017 – lequel arrêté précise d’ailleurs les conditions de publication des données essentielles –, ces données devront être conservées sur le profil d’acheteur pendant une durée minimale de 5 ans après la fin de l’exécution du marché public ou du contrat de concession.

  1. Les précautions en matière d’open data

Une attention particulière devra néanmoins être portée à la gestion de l’open data des contrats de la commande publique afin de ne pas divulguer des informations qui auraient un caractère confidentiel, conformément aux dispositions de l’article 56 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et de l’article 53 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016. Ainsi, les acheteurs et les autorités concédantes devront veiller à s’assurer que la publication des données essentielles :

–     ne méconnaisse pas les exigences d’ordre public (ne pas divulguer d’informations couvertes par exemple par le secret de la défense nationale ou de documents administratifs dont la diffusion porterait atteinte aux secrets protégés par la loi, etc.) ;
–    ne conduise pas à divulguer des données présentant des risques pour la protection du potentiel scientifique et technique de la nation ;
–    ne cause pas une atteinte au secret industriel et commercial, qui comprend le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières (santé financière du co-contractant par exemple), ainsi que le secret des stratégies commerciales du co-contractant ;
–   n’emporte pas communication de données à caractère personnel dont la protection incombe aux acheteurs et aux autorités concédantes, en leur qualité de responsable de traitement, en vertu du Règlement (UE) 2016/679 général sur la protection des données la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Et, les acheteurs devront mettre en œuvre les moyens nécessaires leur permettant de s’assurer que les données publiées sur leur profil d’acheteur soient régulièrement mises à jour, d’autant que l’article 7 de l’arrêté du 17 avril 2017 dispose bien que les données essentielles sont publiées pendant « une durée minimale de cinq ans après la fin de l’exécution du marché public ou du contrat de concession à l’exception des données essentielles dont la divulgation serait devenue contraire aux intérêts en matière de défense ou de sécurité ou à l’ordre public ».

En conclusion, si la nouvelle règlementation applicable aux contrats de la commande publique a indiscutablement simplifié les conditions de passation des marchés (facilitation du recours à la négociation pour les marchés publics et  possibilité de régulariser des offres irrégulières voire inappropriées notamment), cette réforme a néanmoins mis en place de nouvelles obligations en matière de dématérialisation mais aussi d’ouverture des données essentielles qui imposent aux acheteurs de se doter de moyens techniques et informatiques adéquats, ce qui pourra pour certains acheteurs se faire par le biais de marchés publics de services informatiques nécessaires par exemple au développement du profil d’acheteur.

Yvonnick Le Fustec – Avocat

 

 

Le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques a été nommé le 3 août dernier

Par un décret du 3 août 2018, signé par le Président de la république, Monsieur Jean-Raphaël Alventosa a été nommé « Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques »pour une durée de 6 ans.
Cette fonction a été créée par la Loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, dont le décret du 27 mars 2018 a précisé les modalités d’application.
Le médiateur sera chargé de faciliter le dialogue entre les candidats ou partis politiques et les banques.
Le médiateur disposera, selon le décret du 27 mars 2018, « des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions ».
Si l’article 2 du décret du 27 mars 2018 précise à cet égard, que ces moyens lui sont fournis par le ministère de l’intérieur et qu’il peut faire appel aux services du ministère de l’économie et des finances, la loi ne lui octroie, cependant, aucun outil particulier pour contraindre les banques à prêter de l’argent.
La loi sur la confiance dans la vie publique avait également rendu possible, par ordonnances, la création d’une « banque de la démocratie » pour un financement public des campagnes électorales.
Le délai dans lequel le gouvernement était susceptible d’intervenir a, toutefois, expiré sans qu’aucune ordonnance relative à la création de cette banque ne soit adoptée. Le projet a été abandonné.
La tentative de le réintroduire, sous la forme d’un amendement, à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale, le 16 juillet 2018, du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, a échoué.

La nouvelle protection du secret des affaires

La loi n°  2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires prise dans le cadre de la transposition de la Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite, crée de nouveaux articles du Code commerce en vue définir et protéger les secrets des affaires qui sont entrés en vigueur le 31 juillet 2018.

L‘article L. 151-1 dispose désormais qu’est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux trois critères suivants : elle ne doit pas être généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ; elle doit revêtir une valeur commerciale du fait de son caractère secret ; elle doit faire l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables pour en protéger le secret.

L’obtention, l’utilisation ou la divulgation sans le consentement de son détenteur d’un de ces secrets des affaires qui résulte d’un accès non autorisé ou d’un comportement déloyal en matière commerciale est illicite. Il en est de même pour la personne qui ne pouvait ignorer que ce secret avait été obtenu par une autre personne de façon illicite (art. 151-2 à 151-6 nouveaux).

L’article L. 151-8 définit certaines des exceptions à la protection du secret des affaires. Il prévoit qu’à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, ce dernier n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour l’exercice de l’une des finalités mentionnées à ses 1° à 3°. Le 1° garantit l’exercice de la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, ainsi que l’exercice de la liberté d’information. Le 2° vise le fait de révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible. Le 3° porte sur la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national.

L’article L. 151-9 prévoit que, à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires mettant en cause des salariés ou leurs représentants, ce secret n’est pas opposable dans deux cas, définis aux 1° et 2° de cet article. Le premier est celui d’un secret obtenu dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants. Le second est celui d’un secret divulgué par des salariés à leurs représentants, dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice.

Une section est consacrée aux mesures prises pour prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires. Ainsi la juridiction peut, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts, prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée de nature à empêcher ou à faire cesser une telle atteinte. (Art. L. 152-3, L. 152-4 et L. 152-5 nouveaux). Le législateur a néanmoins prévu de sanctionner toute personne qui userait de ces nouvelles dispositions dans un but de procédure dilatoire ou abusive (art. L 152-8 nouveau).

Enfin, les L. 153-1  et L 153-2 traitent de certaines mesures de protection de la confidentialité des échanges relatifs au secret des affaires lorsqu’un contentieux est porté devant les juridictions civiles ou commerciales.  L’office du juge est élargi car il pourra s’il estime que  la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense : « 1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article ; « 2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ; « 3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ; « 4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de la publication de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires.

Et durant la procédure et à son issue toute personne ayant accès à une pièce ou au contenu d’une pièce considérée par le juge comme étant couverte ou susceptible d’être couverte par le secret des affaires est tenue à une obligation de confidentialité lui interdisant toute utilisation ou divulgation des informations qu’elle contient.

Les conditions d’application de ces textes seront fixées par décret en Conseil d’Etat.

Les règles de fixation du prix d’un bien faisant l’objet d’une préemption sont conformes à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Par un arrêt en date du 5 juillet 2018, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation énonce que les règles de fixation du prix du bien sur lequel s’exerce le droit de préemption traduisent le souci de la bonne utilisation des deniers publics et permettent la poursuite de l’objectif d’un intérêt public. Ainsi, le propriétaire du bien préempté ne peut valablement soutenir que ces règles porteraient une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, en violation des dispositions de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En effet, la Cour de cassation précise que ce propriétaire peut produire au débat judiciaire les termes de référence pertinents permettant de justifier le prix qu’il escompte et, qu’au demeurant, il reste libre, si la valeur fixée par le juge ne lui convient pas, de renoncer à la transaction envisagée et de conserver son bien.

Non prise en compte de l’indemnité au titre de l’emplacement publicitaire pour le calcul de l’indemnité de remploi

L’indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition d’un bien de même nature.

Au cas présent, les expropriés demandaient que l’indemnisation qui leur avait été allouée au titre des frais d’emplacement publicitaire soit comprise dans le calcul de l’indemnité de remploi.

Logiquement, la Cour de cassation considère que l’indemnité de remploi s’établit à partir de l’indemnité principale et exclut donc la prise en compte de l’indemnité au titre de l’emplacement publicitaire.

L’administration précise comment doit s’analyser la situation d’un syndicat intercommunal vis à vis de l’impôt sur les sociétés

D’une façon générale et en vertu du 1 de l’article 206 du code général des impôts (CGI) et de l’article 1654 du CGI, l’impôt sur les sociétés s’applique à l’ensemble des personnes morales de droit privé ou de droit public se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.

Cependant, le 6° du 1 de l’article 207 du CGI exonère d’impôt sur les sociétés les régions et les ententes interrégionales, les départements et les ententes interdépartementales, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales et les syndicats de communes ainsi que leurs régies de services publics.

Interrogé à plusieurs reprises par des parlementaires sur le point de savoir si un syndicat intercommunal était de plein droit exonéré de l’impôt sur les sociétés ou si l’administration pouvait remettre en cause cette exonération compte tenu des activités exercées par celui-ci, le ministre a récemment indiqué (Rép. Masson : Sén. 17-5-2018 n° 1592 BF 8-9/18 inf. 716) que le régime fiscal applicable en matière d’IS à un syndicat intercommunal résultait de l’examen de la nature des activités qu’il exerçait et de leur mode d’exploitation.

Le ministre a en effet rappelé que le régime fiscal applicable aux collectivités territoriales en matière d’IS ne résulte pas de leur statut juridique mais de la nature des activités qu’elles exercent.

Ainsi, conformément aux dispositions combinées de l’article 206, 1 et de l’article 1654 du CGI, ainsi que de l’article 165 de l’annexe IV au CGI, sont passibles de l’IS les organismes des collectivités territoriales jouissant de l’autonomie financière lorsqu’ils exercent des activités lucratives.

S’agissant de l’autonomie financière, en application de l’article L 1412-1 du Code général des collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les syndicats mixtes doivent constituer une régie soumise aux dispositions du chapitre 1er du titre II du livre II de la deuxième partie de ce même Code pour l’exploitation directe d’un service industriel et commercial relevant de leur compétence.

Le caractère lucratif d’une activité exercée par les collectivités territoriales s’apprécie, selon les critères de lucrativité dégagés par le Conseil d’État et repris par la doctrine administrative (sous réserve de la condition tenant au caractère désintéressé de leur gestion, qui est présumée remplie à leur égard), en analysant le produit proposé, le public visé, les prix pratiqués ainsi que la publicité réalisée (méthode dite des « 4P ») afin de déterminer si l’activité est exercée dans des conditions similaires à celles d’une entreprise du secteur lucratif.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 207, 1-6° du CGI prévoient que les régions et les ententes interrégionales, les départements et les ententes interdépartementales, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les syndicats de communes et les syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales ou de groupements de ces collectivités sont exonérés d’IS.

S’agissant des régies de services publics de ces entités, l’administration a rappelé la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle cette exonération d’IS ne s’applique qu’au titre de l’exécution d’un service public indispensable à la satisfaction des besoins collectifs de la population.

Rappelons à cet égard que les conditions permettant de définir si une régie d’une collectivité locale, qu’elle soit ou non dotée de la personnalité morale, exerce une activité lucrative passible de l’impôt sur les sociétés, dans les conditions prévues au 1 de l’article 206 et de l’article 1654 du CGI, ont été précisées par le Conseil d’Etat dans la décision Commune de La Ciotat (CE, 20 juin 2012, no 341410 : RJF 10/12 no 92, avec chronique E. Bokdam-Tognetti p. 795, concl. V. Daumas BDCF 10/12 no 110).

Selon la haute juridiction, une telle régie « n’est pas passible de l’impôt sur les sociétés si le service qu’elle gère ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d’une exploitation à caractère lucratif. La lucrativité de l’exploitation d’une régie s’apprécie eu égard à l’objet du service qu’elle gère et aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, et non pas eu égard à l’affectation des recettes ».

L’administration a ainsi consacré le fait que le régime fiscal applicable en matière d’IS à un syndicat intercommunal résultait de l’examen de la nature des activités qu’il exerçait ainsi que de leur mode d’exploitation.

 

 

 

Précisions sur l’appréciation des offres anormalement basse et la bonne information des candidats évincés

L’office public de l’habitat Partenord Habitat (ci-après, l’ « OPH ») avait engagé une procédure d’appel d’offres ouvert, portant sur plusieurs lots, pour la passation d’un accord cadre à bons de commande portant sur la réalisation de prestations de services relatives à l’entretien des réseaux et appareils d’eau, d’électricité et de chaleur. A l’issue de cette procédure de passation, l’OPH a notifié à la société Services Thermi Sanit (ci-après, la « Société STS »), candidate à l’attribution des lots 3 et 4 du marché, le rejet de son offre et l’a informée que ces lots avaient été attribués à la société Proxiserve. Par une ordonnance du 3 janvier 2018, le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Lille a, sur la demande de la Société STS, annulé la procédure de passation des lots 3 et 4 du marché litigieux au double motif, d’une part, que la notation du critère du prix par l’OPH n’avait pas pris en compte une partie des prestations et, d’autre part, que l’OPH aurait dû solliciter des explications à la société Proxiserve dont l’offre était susceptible d’être regardée comme anormalement basse. L’OPH a exercé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance et le Conseil d’État a statué le 18 juillet 2018 dans cette affaire.

En premier lieu, le Conseil d’État commence par relever que le premier motif de l’ordonnance attaquée, tiré de ce que le rapport d’analyse des offres de l’OPH révélait une absence de prise en compte, pour l’évaluation du sous-critère « remplacement », de prestations pourtant prévues par le règlement de consultation, avait été soulevé d’office par le juge des référés sans que les parties en aient été préalablement informées. L’OPH est donc fondé à soutenir que l’ordonnance est, dans cette mesure, entachée d’irrégularité.

En second lieu, le Conseil d’État rappelle que le juge administratif ne saurait uniquement se fonder sur le seul écart de prix existant entre les offres concurrentes à un marché pour juger que l’une d’entre elles est anormalement basse et qu’il lui appartient de rechercher si « le prix en cause [est] en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché ». En l’espèce, le Conseil d’État relève que le second motif de l’ordonnance attaquée, tiré de ce que les offres de la société Proxiserve étaient susceptibles d’être regardées comme anormalement basses, se fonde exclusivement sur l’écart de prix de certaines prestations avec le prix proposé par la Société STS. Il en conclut que l’OPH est fondé à soutenir que ce motif est entaché d’erreur de droit. 

Au regard de cette double irrégularité, le Conseil d’État annule l’ordonnance litigieuse et juge l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative.

Répondant au moyen de la Société STS selon lequel l’OPH aurait méconnu l’obligation de motiver le rejet des offres qui résulte de l’article 99 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, le Conseil d’État rappelle qu’il faut et qu’il suffit, pour satisfaire l’obligation de motiver le rejet des offres, que l’acheteur précise au candidat évincé les notes qui lui ont été attribuées pour chacun des critères de jugement de l’offre ainsi que son classement, et de lui indiquer les caractéristiques et les avantages de l’offre de la société attributaire. En l’espèce, le Conseil d’État relève que l’OPH a satisfait à ces exigences par trois courriers en date des 30 novembre et 15 décembre 2017. En conséquence il rejette le moyen soulevé.

Appréciant ensuite le moyen relatif au caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire, le Conseil d’État juge « qu’il ne résulte pas de l’instruction que le montant des offres de la société Proxiserve, au demeurant très proche de celui des offres de la société STS, ait été manifestement sous-évalué » et rejette donc également ce moyen.

Au regard de ce qui précède, le Conseil d’État conclut que la Société STS n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure engagée par l’OPH en vue de la passation du marché litigieux.

Contrôle du juge du référé précontractuel sur le caractère adapté du délai de remise des offres

Par un arrêt en date du 11 juillet 2017, le Conseil d’État a précisé qu’il incombe au juge des référés de vérifier si le délai de consultation, quand bien même il serait supérieur au délai minimal fixé par les textes applicables, n’est néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d’une offre au regard de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres.

Pour rappel, la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre (ci-après, « la Communauté ») a engagé un appel d’offres le 13 octobre 2017 pour l’attribution d’un marché public de transport scolaire. Saisi par la société Transports du Centre et par la Compagnie Guadeloupéenne de Transports Scolaires d’un référé précontractuel tendant à l’annulation de la procédure de plusieurs lots, le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de la Guadeloupe, par deux ordonnances du 25 janvier 2018, a annulé la procédure de passation de neuf lots et a enjoint à la Communauté, si elle entendait conclure un marché ayant le même objet, de reprendre la procédure de passation dès le stade de la publication de l’avis d’appel public à concurrence.

Pour ce faire, le juge du référé du Tribunal administratif de la Guadeloupe a retenu que, même s’il était supérieur au délai minimal prévu par l’article 67 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, le délai de la consultation de trente jours était insuffisant pour permettre aux candidats de passer une commande de véhicules avec une date de livraison ferme en Guadeloupe après avoir obtenu le financement de ces véhicules, et que « cette insuffisance était de nature à empêcher certains candidats d’obtenir la note maximale sur le critère de l’âge des véhicules dont ils disposaient ».

Or, saisi d’un pourvoi de la Communauté, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt car le juge des référés avait commis une erreur de droit en annulant la procédure pour le motif précédemment rappelé.

En effet, le Conseil d’Etat a considéré qu’il incombait uniquement au juge des référés « de vérifier si le délai de consultation, bien que supérieur au délai minimal fixé par les textes applicables, n’était néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d’une offre compte tenu de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres »

Il ressort donc de cette décision, qui a été mentionnée dans les tables du recueil Lebon sur ce point, que le juge des référés doit exercer un contrôle restreint sur le caractère adapté du délai de remise des offres lorsqu’il est supérieur au délai minimal fixé par les textes applicables à la procédure.