le 04/10/2018

Précisions jurisprudentielles sur les dispositions relatives à l’autorisation environnementale

CE, 26 juillet 2018, Association « Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt en Cambrésis » et autres, n° 416831

Le Conseil d’Etat a, dans un avis en date du 26 juillet 2018 sollicité par le Tribunal administratif de Lille, apporté de nouvelles précisions sur l’autorisation environnementale.

  1. Il s’est ainsi d’abord prononcé sur les modalités d’application dans le temps des dispositions de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale.

En effet, l’article 15 de cette ordonnance comporte une ambiguïté dans la mesure où, s’il indique que ces dernières entraient en vigueur le 1er mars 2017, il précise que les autorisations IOTA et ICPE ainsi que les autorisations uniques délivrées antérieurement à cette date « sont considérées comme des autorisations environnementales », et que les dispositions relatives à ces autorisations leur sont applicables, « notamment » lorsqu’elles sont contestées.

Le Conseil d’Etat a néanmoins considéré que les dispositions de l’ordonnance du 26 janvier 2017 n’ont « ni eu pour objet ni pour effet » de modifier rétroactivement les règles de procédure de délivrance des autorisations uniques, en cause dans l’affaire soumise au Tribunal administratif de Lille.

De sorte qu’il revient au juge d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation (en revanche, s’agissant d’un recours de plein contentieux, les règles de fond applicables sont celles en vigueur à la date à laquelle le juge se prononce).

Le Conseil d’Etat a, en revanche, précisé que, lorsque le juge administratif estime qu’une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, et si aucune régularisation n’est intervenue à la date à laquelle celui-ci statue, les dispositions de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement, créé par l’ordonnance du 26 janvier 2017, sont applicables. En application de cet article, le juge peut surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre à l’administration de régulariser l’illégalité par une autorisation modificative.

Cette solution s’appliquera logiquement aux autorisations IOTA et ICPE.

  1. Le Conseil d’Etat s’est ensuite prononcé sur l’office du juge administratif saisi d’un recours dirigé contre une autorisation unique valant également permis de construire des éoliennes terrestres, prise antérieurement à l’entrée en vigueur des dispositions sur l’autorisation environnementale, mais statuant postérieurement à celle-ci.

En effet, depuis l’entrée en vigueur de l’autorisation environnementale, la délivrance d’un permis de construire n’est plus requise pour les projets d’installation d’éoliennes terrestres (article R. 425-29-2 du Code de l’environnement). De sorte que, si dans l’état antérieur du droit, l’autorisation unique valait également permis de construire, l’autorisation environnementale ne comprend pas de volet « permis de construire », dès lors que ce dernier n’est désormais plus requis. Dans ces conditions, la question était de savoir si les moyens soulevés à l’encontre d’une autorisation unique, en tant qu’elle vaut permis de construire, étaient devenus inopérants postérieurement au 1er mars 2017, et ce dans la mesure où, en application de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017, les autorisations uniques « sont considérées comme des autorisations environnementales ».

La Haute juridiction a jugé que « l’autorisation unique, alors même qu’elle doit être regardée comme une autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017, continue également de produire ses effets en tant qu’elle vaut permis de construire ».

Dans ces conditions, le juge, saisi de moyens dirigés contre l’autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire, statue comme juge de l’excès de pouvoir sur cette partie de l’autorisation. La suppression de l’exigence de délivrance d’un permis de construire pour les projets d’installation d’éoliennes terrestres est sans influence sur la légalité des autorisations uniques délivrées antérieurement à son entrée en vigueur.

  1. Le Conseil d’Etat s’est enfin prononcé sur les modalités du contrôle – juridictionnel et administratif – des capacités techniques et financières du pétitionnaire dans le cadre d’une demande d’autorisation environnementale.

Plus précisément, depuis la réforme de l’autorisation environnementale, le pétitionnaire peut justifier de la suffisance de ses capacités financières jusqu’à la mise en service à condition d’en exposer les modalités prévues de constitution au sein de son dossier de demande (articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du Code de l’environnement). De sorte que la question était de savoir quelles devaient être les modalités du contrôle des capacités financières dans le cadre du nouveau régime.

Le Conseil d’Etat distingue deux hypothèses :

  • Si le juge se prononce avant la mise en service de l’installation, il lui appartient seulement de vérifier la pertinence des modalités de constitution des capacités ;
  • En revanche, si le juge se prononce après la mise en service, il lui revient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire.

La Haute juridiction a encore précisé que le préfet dispose de la possibilité de s’assurer tout au long de la vie de l’installation de la suffisance des capacités financières de l’exploitant, en prescrivant, sur le fondement de l’article R. 181-45 du Code de l’environnement, « la fourniture de précisions ou la mise à jour » de ces informations.

Enfin, si le préfet ne fait pas application de cette possibilité, alors les tiers peuvent le saisir à cette fin, en formant la réclamation préalable prévue par l’article R. 181-52 du Code de l’environnement. Si le préfet ne s’exécute pas, les tiers peuvent contester ce refus devant le juge.