le 18/10/2018

Parution du Rapport 2018 sur les finances publiques locales : la Cour des comptes analyse le dispositif de contractualisation financière Etat-collectivités.

Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics

322 collectivités territoriales et EPCI entrant dans le champ du dispositif prévu par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018 à 2022 avaient jusqu’au 30 juin 2018 pour signer un contrat de maîtrise de la dépense locale avec l’Etat. A défaut, la loi a prévu la notification d’un arrêté préfectoral fixant le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) de la collectivité. 92 collectivités, dont une part significative de départements, ont refusé de signer un contrat et se sont ainsi vus notifier leur trajectoire financière d’évolution des DRF pour la période 2018-2020 de manière unilatérale.

Dans son nouveau et sixième rapport annuel sur les finances publiques locales, paru le 25 septembre dernier, la Cour des comptes s’est attachée à analyser le dispositif de contractualisation entre l’Etat et ces collectivités locales de grande envergure.

  • Un dispositif novateur

La Cour des comptes relève tout d’abord le caractère novateur du dispositif mis en place en vue de la maîtrise de la dépense locale, puisqu’il ne consiste plus en une « action indirecte sur les recettes » (réduction des concours financiers de l’Etat) mais en une action directe sur la dépense, via la fixation d’un plafond de dépenses pour les exercices 2018 à 2020.

  • Une prise en compte apparente des particularités locales

S’agissant de la philosophie de ce dispositif, si la Cour relève qu’il répond « dans son principe » aux recommandations qu’elle a émises dans ses précédents rapports – une meilleure prise en compte des diversités locales et l’individualisation des efforts demandés aux collectivités -, elle constate qu’en pratique, la marge de manœuvre des préfets, chargés de conduire les négociations contractuelles, a été « relativement étroite » et, qu’en tout état de cause le dispositif, dans sa conception même, ne permet qu’une faible adaptation aux situations locales.

De fait, 103 des 322 collectivités concernées par le dispositif de contractualisation n’étaient éligibles à aucun critère de modulation (à la hausse ou à la baisse) de leurs dépenses par rapport à l’objectif national, fixé à 1.2%, et les dépenses ont été définies de sorte que le respect de cet objectif national ne soit pas compromis à l’échelle de ce panel de collectivités.

Sur ce point, la Cour insiste sur la situation particulière des départements, lesquels connaissent une grande diversité de situations au regard du poids et de la croissance de leurs dépenses sociales par rapport à leurs recettes fiscales. Elle déplore, d’une part, l’existence d’un écrêtement législatif prévu seulement pour les allocations individuelles de solidarité (c’est-à-dire le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap), alors que les départements supportent bien d’autres dépenses sociales, et, d’autre part, l’absence d’explications quant au choix du taux de 2%. Elle souligne par ailleurs que la progression de ces dépenses est vive.

Afin de respecter leurs objectifs, les départements connaissant une augmentation de leurs AIS supérieure à 1.2% (après écrêtement) devront ainsi sensiblement limiter l’évolution de leurs autres DRF. De fait, la Cour constate que les départements subissent une « contrainte de gestion (…) plus forte que pour les autres catégories de collectivités ».

  • De faibles récompenses pour les collectivités signataires

La Cour des comptes souligne la faiblesse de la « récompense » pour les collectivités signataires et respectueuses de leurs objectifs contractuels, limitée à une possible bonification de la dotation de soutien à l’investissement local, laquelle ne concerne que les communes et EPCI.

  • Un champ trop restreint du périmètre budgétaire de la contractualisation

La Cour souligne qu’une part significative de la dépense publique locale reste en dehors du dispositif de contractualisation, notamment parce que les budgets annexes n’entrent pas dans son champ. Or, ils représentent 15% des charges de fonctionnement des communes et EPCI concernés par la contractualisation et, par ailleurs, s’ils avaient été pris en compte, le nombre d’EPCI entrant dans le champ de la contractualisation aurait été porté à 90 (au lieu de 65).

Elle relève également une anomalie francilienne, puisque les établissements publics territoriaux ne sont pas soumis à la contractualisation, alors que huit d’entre eux y auraient été soumis en principe.

En outre, selon la Cour, le dispositif devrait prendre davantage en compte le développement des EPCI, afin de prévenir le risque de transferts de compétences opportunistes. Elle préconise que le pacte financier de l’intercommunalité prenne ainsi en compte le plafond de dépenses fixé par l’arrêté ou le contrat de maîtrise de la dépense locale de la ville-centre de l’EPCI ou de l’EPCI lui-même.

Au total, les dépenses concernées par la contractualisation représentent moins de deux tiers des dépenses des collectivités territoriales et de leurs groupements et moins de la moitié des dépenses totales des administrations publiques locales.

  • Un mécanisme de reprise financière source de difficultés d’application

La discussion qui aura lieu entre les collectivités et les préfectures à l’occasion de l’examen du respect des objectifs contractualisés promet d’être difficile, notamment en raison du défaut de définition précise et exhaustive des données susceptibles d’affecter significativement le résultat de la collectivité.

Au total, au moment de l’examen en N+1, une nouvelle négociation, probablement difficile et source de disparités d’appréciations d’un territoire à un autre, s’annonce entre l’Etat et les collectivités.

  • Un objectif ambitieux mais atteignable à court terme

L’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement à 1.2% par an et en valeur est comparable au taux de croissance annuel moyen constaté entre 2013 et 2017, mais est très inférieur à celui constaté lors la période antérieure 2010-2013 (3%). Le respect de l’objectif apparaît néanmoins atteignable au début de la période de référence, notamment parce que l’impact des nouvelles normes imposées par l’Etat sur la section de fonctionnement des budgets locaux va considérablement diminuer en 2018.

Pour autant, la Cour juge cet objectif ambitieux au regard de la reprise qu’a connu l’inflation depuis 2017. Mais il semble qu’il ait été effectivement pris en compte dans les budgets primitifs des collectivités pour 2018, et cette tendance a été confirmée par les données d’exécution au 31 août 2018 transmises par la Direction générale des finances publiques.

Au total, la Cour considère que si la trajectoire d’évolution des DRF des collectivités est conforme à l’objectif national de 1.2% (combinée à une progression de leurs ressources, notamment grâce à la fin de la baisse de la dotation globale de fonctionnement et à la poursuite du dynamisme de la fiscalité locale), elles  devraient connaître une forte augmentation de leur épargne, dont une large part serait disponible, et dont il est peu probable, d’après la Cour, qu’elle soit employée à la réduction de leur endettement ou de la fiscalité locale. Au total, les collectivités pourraient alors opter pour une relance de la dépense locale, ce qui devrait conduire l’Etat à s’interroger sur une baisse des dotations, à titre complémentaire au moins.