Est-il encore possible d’accorder de gré à gré des titres d’occupation du domaine privé pour l’exercice d’une activité économique ?

Par une réponse ministérielle en date du 29 janvier dernier, le Ministre de l’action et des comptes publics[1] a indiqué que « les autorités gestionnaires du domaine privé doivent […] mettre en œuvre des procédures similaires à celles qui prévalent pour le domaine public et qui sont précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques », c’est-à-dire, pour le présenter plus clairement, qu’elles doivent par principe mettre en œuvre une procédure de sélection préalable. Cette obligation, dont on sait qu’elle ne figure pas dans des textes nationaux, résulterait du droit européen, tel qu’interprété par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans sa décision Promoimpresa du 14 juillet 2016 (affaires n° C-458/14 et C-67/15).

Cette position catégorique suscite la réflexion : faut-il effectivement considérer que le principe est désormais celui de la mise en concurrence systématique des autorisations d’occupation du domaine privé lorsqu’elles sont conclues en vue de l’exercice par le preneur d’une activité économique ?

La question appelle selon nous une réponse négative. En effet, s’il semble clair que la jurisprudence Promoimpresa s’applique pleinement à la délivrance de titres sur le domaine privé (I.), elle est sans doute loin d’impliquer la mise en place systématique de procédures de sélection (II.), et n’implique en aucun cas de suivre à la lettre les procédures décrites par le Code général de la propriété des personnes publiques (III.). La réponse ministérielle du 29 janvier dernier aurait donc gagné à être plus précise et plus nuancée.

 

I- La jurisprudence Promoimpresa s’applique pleinement à la délivrance de titres d’occupation du domaine privé

Il faut rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne a récemment jugé que lorsqu’une autorisation d’occupation d’une dépendance domaniale ne constitue pas un contrat de concession de service, elle doit malgré tout, dans certains cas, être précédée de la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence sur le fondement de la directive services (2006/123/CE), dès lors que l’autorisation est nécessaire à l’exercice d’une activité économique.

L’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative  à la propriété des personnes publiques est venue tirer les conséquences de cette décision pour ce qui concerne le domaine public, en posant le principe de l’organisation d’une procédure de sélection préalable à l’octroi d’autorisations d’occupation du domaine public, lorsqu’elles ont pour effet de permettre l’exercice d’une activité économique sur le domaine. Mais il est clair que cette obligation de publicité et de mise en concurrence introduite dans le droit positif par l’ordonnance du 19 avril 2017 ne concerne que les autorisations d’occupation du domaine public, et il n’aurait d’ailleurs pas pu en aller autrement dans la mesure où la loi Sapin n’habilitait le gouvernement à définir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable que pour l’occupation du domaine public.

Pour autant, dans la mesure où le droit européen ne fait pas la distinction entre domaine public et domaine privé, la solution consacrée par l’arrêt Promoimpresa s’applique également pleinement aux biens relevant du domaine privé.

 

II- La jurisprudence Promoimpresa est sans doute loin d’impliquer la mise en place systématique de procédures de sélection

La décision Promoimpresa n’indique toutefois pas que toutes les conventions d’occupation du domaine doivent donner lieu à une procédure de sélection, loin de là.

Déjà, il faut souligner que seules sont concernés les titres d’occupation qui peuvent être qualifiés d’ « autorisation » au sens de la directive services, c’est-à-dire qui constituent des actes formels « devant être obtenus par les prestataires, auprès des autorités nationales, afin de pouvoir exercer leur activité économique ». Or, il n’est sans doute pas acquis qu’un titre d’occupation réponde à cette définition lorsque l’activité en cause n’est pas immédiatement liée à la dépendance en question et pourrait être exercée dans des conditions similaires ailleurs. Un auteur émet ainsi l’hypothèse suivant laquelle la reconnaissance de l’existence d’un régime d’autorisation découlerait de ce que l’opérateur ne peut exercer son activité qu’au moyen de la dépendance en cause car elle présente certaines particularités : il faudrait que le bien du domaine privé conditionne l’exploitation de l’activité projetée (Sudres N., « Occupation du domaine privé, ordonnance du 19 avril 2017 et mise en concurrence », AJDA 2017, p. 2110). Si cette interprétation était confirmée, bon nombre de dépendances « classiques », qui certes appartiennent à des personnes publiques, mais qui présentent des caractéristiques similaires à d’autres biens présents sur le marché (des locaux commerciaux par exemple), échapperaient à l’obligation de mise en concurrence, à raison de ce qu’ils ne sont pas nécessaires à l’exercice de l’activité projetée, car aisément substituables.

Au-delà, la jurisprudence Promoimpresa n’impose de mettre en œuvre une procédure de mise en concurrence que lorsque « le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables ».

A cet égard, s’il est vrai que, comme toute ressource matérielle, les parcelles et locaux disponibles ne sont jamais illimitées, cette circonstance n’implique évidemment pas qu’elles soient regardées comme rares. Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques est éclairant sur ce point, puisque là où l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques vise, au titre des exceptions à une mise en concurrence « classique », le cas dans lequel « le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité », il précise que sont concernés les cas dans lesquels « il existe une offre foncière disponible suffisante pour l’exercice de l’activité projetée, c’est-à-dire lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice d’une activité donnée est suffisant par rapport à la demande. Autrement dit, sont visées par là des situations n’ayant pas pour effet de restreindre ou de limiter la libre concurrence ». La doctrine en conclut qu’une « offre foncière « non limitée » est en réalité une offre « suffisante » » (Lenoir N., « La domanialité publique à l’épreuve du droit de l’Union. A propos de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 », JCP G, n° 39, 25 septembre 2017) ; une offre « permettant objectivement » « d’accueillir l’ensemble des personnes intéressées par un titre d’occupation » (Didriche O., « Le droit de l’Union impose une procédure préalable à la délivrance des titres d’occupation du domaine public », AJCT 2017, p. 109).

La « rareté » doit donc s’apprécier au regard de l’existence ou non d’un risque que certains opérateurs intéressés par une autorisation d’occupation de nature à permettre l’exercice de leur activité ne puissent être servis, et ne puissent en conséquence pas exercer leur activité. L’avis du Conseil d’Etat n° 393422 du 17 octobre 2017 (rapport public 2018 du Conseil d’Etat, p. 358) conforte cette analyse.

Or, il nous semble que dans bien des cas les biens immobiliers relevant du domaine privé des personnes publiques ne présentent pas cette caractéristique.

En définitive, le critère de la rareté rejoint sans doute celui de la nécessité de la dépendance évoqué plus haut, au point que certains auteurs fusionnent les deux conditions (Sudres N., « Occupation du domaine privé, ordonnance du 19 avril 2017 et mise en concurrence », AJDA 2017, p. 2110).

Et, au global, le sujet sera de notre point de vue toujours affaire d’espèce, et notamment fonction des caractéristiques de la zone concernée. On peut toutefois sans doute s’accorder sans peine sur la nécessité d’organiser une sélection avant d’autoriser un opérateur à installer un hôtel de luxe dans une dépendance atypique ou exceptionnelle (un hôtel particulier, une ancienne prison,…) ou avant d’autoriser un commerçant à s’installer dans un local d’une surface hors du commun situé dans une zone très tendue. En revanche, il devrait toujours être possible de signer de gré à gré des baux portant sur des dépendances plus classiques (locaux commerciaux ou bureaux sans spécificité particulière,…), sans même avoir à organiser une publicité. De ce point de vue, il n’y aurait en effet selon nous pas matière à appliquer l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit une obligation de publicité pour l’octroi d’autorisations portant sur le domaine public même lorsque « le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité ».

 

III- La jurisprudence Promoimpresa n’implique assurément pas d’appliquer les procédures précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du ode général de la propriété des personnes publiques

Il faut souligner qu’il n’y a à notre sens aucune obligation de se conformer aux procédures fixées par le code général de la propriété des personnes publiques pour l’attribution d’autorisations d’occuper des « ressources rares » relevant du domaine privé. Il sera naturellement possible de s’en inspirer, dans la mesure où elles sont censées être en conformité avec la jurisprudence Promoimpresa, mais il sera également possible de s’en écarter sans heurter pour autant le droit européen, seul applicable ici, on le disait.

Le code va, en effet, au-delà de ce qu’impose la directive Services sur certains points. On le disait, le code pose par exemple une obligation de publicité préalable à la délivrance du titre lorsque le nombre d’autorisations disponibles n’est pas limité ; et il fixe, pour le reste, des règles qui auraient pu être différentes, l’article 12 de la directive laissant le soin aux Etats membres de mettre en place d’une « procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d’impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l’ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture ».

Il aurait donc été préférable que la réponse ministérielle du 29 janvier 2019 invite à suivre des procédures conformes aux principes posés par la directive Services, plutôt que des procédures similaires à celles fixées par le Code général de la propriété des personnes publiques.

 

[1] Réponse ministérielle n° 12868, JOAN 29 janvier 2019, p. 861 (http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-12868QE.htm)

 Par Maëva Guillerm, Avocate Directrice

 

Prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité : une nouvelle délibération adoptée par la CRE

Comme nous vous l’avions indiqué dans une précédente brève, la CRE envisageait de délibérer sur les évolutions des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité destinées à s’appliquer à partir du 1er août 2019 (voir notre LAJEE n°20 publiée en mai dernier).

Pour ce faire, la CRE avait organisé une consultation publique qui s’est déroulée du 18 avril au 17 mai 2019. Elle a reçu 25 contributions. L’ensemble des réponses non confidentielles à la consultation publique menée par la CRE a été publié simultanément à la décision de la CRE.

Comme suite à cette consultation, la CRE vient donc d’adopter une nouvelle délibération qui vient abroger la délibération du 16 novembre 2016 (modifiée ensuite) portant décision sur la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité.

Cette délibération a été publiée au Journal Officiel du 30 juin 2019 et l’ensemble de ses dispositions doivent entrer en vigueur le 1er août 2019.

Elles visent notamment à :

  • faire évoluer le tarif des prestations annexes à destination des particuliers, des entreprises, des professionnels et des collectivités réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ainsi que le tarif de la prestation de mise en service sur raccordement existant, par l’application de formules d’indexation ;
  • modifier le prix de la prestation de transmission récurrente de la courbe de charge pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA ;
  • introduire une prestation de transmission en J+1 des index et autres données du compteur pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36kVA et équipés d’un boitier IP ; introduire une prestation de transmission ponctuelle en infrajournalier de données mesurées pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA et équipés d’un boitier IP ;
  • introduire une prestation de modification de puissance de raccordement en injection pour les producteurs raccordés dans le domaine de tension BT ≤ 36 kVA, avec différentes options et tarifs associés.

 

De cette énumération, on commentera plus particulièrement le fait que la CRE vient modifier la prestation de collecte et transmission récurrente de la courbe de charge pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA.

Cette prestation comportait deux options, l’une payante, l’autre non :

  • option 1 : « Transmission récurrente de la courbe de charge » : la prestation consistait à transmettre au demandeur, à fréquence quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, la courbe de charge au pas 10 minutes d’un point de connexion actif. La courbe de charge est constituée des données de puissance active brutes issues du compteur ou corrigées par le SI Enedis, au choix du demandeur. Cette option était non facturée dans le cas d’une transmission mensuelle ou hebdomadaire et facturée à hauteur de 5,06 € HT par an dans le cas d’une transmission quotidienne.
  • option 2 : « Collecte de la courbe de charge » : la prestation consistait à activer la collecte de la courbe de charge au pas 10 minutes pour un point de connexion actif. Cette option n’était pas facturée.

 

La délibération indique qu’Enedis avait proposé que l’option 1 décrite ci-dessus ne soit plus facturée pour une transmission quotidienne au regard des difficultés de facturation et du volume de souscription de la prestation. La majorité des contributeurs à la consultation publique s’était ensuite exprimée en faveur de cette demande, mettant notamment en avant son importance pour le bon fonctionnement du marché.

 

C’est la raison pour laquelle la CRE a confirmé dans sa délibération commentée qu’elle partageait ce point et considérait dès lors que l’accès à la courbe de charge quotidienne devait être encouragé. En conséquence, compte-tenu des faibles coûts liés à la réalisation individuelle de cette prestation et afin de favoriser sa souscription, la présente délibération modifie cette prestation en la rendant non facturable quelque soit son rythme de transmission.

Fonds de péréquation de l’électricité (FPE) : nouveaux arrêtés publiés

Arrêté du 13 juin 2019 relatif aux coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2016 pris par le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire publié au Journal Officiel du 21 juin 2019.

Arrêté du 13 juin 2019 relatif aux coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2017 pris par le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire publié au Journal Officiel du 21 juin 2019.

 

Trois arrêtés relatifs au fonds de péréquation de l’électricité ont été récemment publiés. Ces arrêtés fixent, d’une part les coefficients de la formule du fonds de péréquation de l’électricité et, d’autre part les montants associés que doivent verser ou recevoir les gestionnaires de réseaux. 

Le service public de la distribution d’électricité est exploité en métropole par des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité que sont la société Enedis et les entreprises locales de distribution (environ 150). La zone de desserte exclusive de ces dernières couvre 5% du territoire tandis que celle de la société Enedis couvre 95 % du territoire métropolitain.

On rappellera par ailleurs que pour bénéficier de ce service public, l’ensemble des usagers acquitte le même tarif (le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité dit « TURPE ») alors que les coûts exposés par les gestionnaires de ces réseaux sont différents.

Le TURPE est par ailleurs calculé de manière à couvrir l’ensemble des charges d’exploitation et d’investissement des gestionnaires de réseaux de distribution dans l’exercice de leurs missions, sur la base toutefois des comptes présentés par le gestionnaire de réseau de distribution le plus important, à savoir Enedis.

C’est pour corriger ce déséquilibre, et permettre aux entreprises locales de distribution de voir les charges qu’elles supportent au titre de leurs obligations de service public couvertes au vu de ce contexte particulier, que la loi a instauré un Fonds de péréquation de l’électricité (FPE).

Le FPE est régi par les articles L. 121-29 et L. 121-30 et aux articles R. 121-44 à R. 121-64 du Code de l’énergie, ces dispositions étant issues des modifications apportées par le décret n° 2017-847 du 9 mai 2017 relatif à la péréquation des charges de distribution d’électricité (et commenté dans notre LAJEE n°29 publiée en Juin 2017).

Les articles R.121-53 et R.121-57 du Code de l’énergie définissent les modalités de calcul des contributions et des dotations versées au titre du FPE selon que l’exploitation du service public de la distribution assurée par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité est bénéficiaire ou déficitaire.

L’article R.121-58 du Code de l’énergie prévoit quant à lui que la valeur des coefficients servant au calcul de la péréquation forfaitaire, ainsi que les montants des dotations et des contributions correspondants, est fixée chaque année par arrêté. 

En 2018, le Conseil d’État avait annulé les arrêtés du 15 juillet 2016 relatifs aux coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation, respectivement, pour les années 2012, 2013 et 2014 et pour l’année 2015 (CE, 9 mars 2018, n° 403411 : voir sur ce point notre LAJEE n°38 publiée en avril 2018).

Tirant les conséquences de cette décision, le Ministre de la transition écologie et solidaire a édicté de nouveaux arrêtés en date du 13 juin 2019 qui fixent :

  • les valeurs des coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour les années 2012 à 2015 ;
  • les valeurs des coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2016 ;
  • les valeurs des coefficients à appliquer par le fonds de péréquation de l’électricité à la formule de péréquation pour l’année 2017.

Ces trois arrêtés fixent également les contributions et les dotations de chacun des gestionnaires des réseaux publics de distribution qui en résultent.

D’autres arrêtés qui devraient être publiés ultérieurement fixeront les valeurs des coefficients pour les années 2018 et 2019.

Nouveaux tarifs réglementés de vente du gaz naturel au 1er juillet 2019

De nouveaux arrêtés ministériels du 27 juin 2019 relatifs aux tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz naturel ont été publiés au JORF du 30 juin 2019.

Pour rappel, conformément à l’article L. 445-2 du Code de l’énergie, les décisions sur les TRV de gaz naturel sont prises conjointement par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Les arrêtés publiés récemment portent sur les TRV proposés par la société ENGIE et les 22 entreprises locales de distribution de gaz (ELD) fournissant du gaz naturel aux TRV pour la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 1er juillet 2020.

Ces arrêtés ont été pris à la suite des avis de la CRE du 25 juin 2019 correspondant au fournisseur ENGIE, d’une part, et aux 22 autres ELD prises individuellement, d’autre part.

Les TRV de gaz naturel doivent couvrir la totalité des coûts de fourniture du fournisseur concerné (art. L. 445-2 du Code de l’énergie). Les coûts pris en compte pour chaque fournisseur sont les coûts d’approvisionnement et d’autres charges liées à la fourniture de gaz, à savoir les coûts d’utilisation des infrastructures gazières de transport et de distribution, les coûts d‘utilisation du stockage du gaz naturel et les coûts commerciaux de la fourniture (art. R. 445-2 du Code de l’énergie).

Les arrêtés sur les TRV de gaz naturel fixent notamment une formule permettant à chaque fournisseur de modifier leurs tarifs de manière mensuelle ou trimestrielle pour répercuter la variation de leurs coûts d’approvisionnement.

Pour la société ENGIE, le barème tarifaire applicable depuis le 1er juillet dernier est en baisse de 6,8 % en moyenne par rapport au barème en vigueur au mois de juin 2019.

Publication des derniers textes du Paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » au Journal Officiel de l’Union européenne

Les textes restant à adopter issus du Paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » ont été publié au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE) le 14 juin dernier :

 

Le Conseil européen avait adopté ces derniers textes le 22 mai dernier, ce qui constituait la dernière étape de la procédure législative de l’Union européenne.

Outre le règlement portant sur rôle et le fonctionnement de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), dont le renforcement de sa fonction de surveillance des régulateurs nationaux, les mesures de la directive et du règlement sur le marché intérieur de l’électricité ont pour objectif de rendre ce « marché compétitif, axé sur les consommateurs et flexible » (voir le communiqué de presse du Conseil européen du 22 mai dernier). Ces mesures portent notamment sur les enjeux liés à l’adaptation de la production d’électricité aux énergies renouvelables et réforment le cadre applicable aux mécanismes de capacité.

Le règlement sur la préparation aux risques vise à renforcer la sécurité énergétique de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne par une meilleure gestion des crises électriques, en posant notamment l’obligation pour ces derniers d’établir des plans de préparation au risque sur la base de scénarios nationaux et régionaux et un cadre de coopération entre les Etats membres en cas de crise ou pénurie électrique.

Leur entrée en vigueur interviendra le 4 juillet 2019, date de publication de la présente Lettre d’actualités, à l’exception de certaines dispositions particulières.

Les règlements pourront exiger des adaptations en droit national, et la directive sur les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité devra être transposée en droit national le 31 décembre 2020 (sauf pour certaines dispositions dont la transposition doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2019 ou le 25 octobre 2020).

Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, en cours d’examen par le Parlement, a prévu une habilitation du Gouvernement pour transposer et adapter le droit national à ces derniers textes du Paquet européen par voie d’ordonnance (voir le Focus de la présente Lettre d’actualités).

Rapport d’activité 2018 du médiateur national de l’énergie

Le médiateur national de l’énergie a publié son rapport d’activité de l’année 2018. Il y dresse notamment un état des lieux de sa fonction première, à savoir la médiation des litiges dans le secteur de l’énergie. Son activité est en forte hausse puisque le nombre de litiges qui lui ont été soumis a augmenté de plus de 16% par rapport à l’année 2017, ce qui ne manque pas d’inquiéter le médiateur national de l’énergie, Jean Gaubert, dont le mandat se termine en novembre 2019. Certaines catégories de litiges augmentent significativement : ainsi les médiations relatives à des problèmes de facturation (blocage de factures, erreur sur le prix, règlement non pris en compte…) ont ainsi connu un accroissement de 60 % par rapport à l’année 2017.

En dépit de ses inquiétudes, le médiateur national de l’énergie a su répondre à cet accroissement des litiges un peu plus de 5.000 recommandations de solutions et accords amiables ont été émis en 2018 par le médiateur national de l’énergie (soit une augmentation des recommandations de 37% par rapport à l’année 2017).

Par ailleurs, les solutions recommandées en médiation ont été exécutées en totalité par les opérateurs dans 86% des cas, ce qui démontre leur efficience des médiations. Néanmoins, Le médiateur national de l’énergie déplore toutefois que certaines entreprises du secteur de l’énergie ne respectent pas le principe de la médiation et s’affranchissent purement et simplement des délais réglementaires ou ne mettent pas en œuvre dans un délai raisonnable les accords amiables qu’elles ont pourtant acceptés.

Le médiateur national de l’énergie souligne par ailleurs l’importance de l’information dans un marché en pleine mutation et où « les consommateurs ont plus que jamais besoin d’être protégés, en particulier les plus précaires ». De manière générale, le médiateur national de l’énergie se révèle satisfait en la matière puisqu’il a relevé que les Français ont été plus nombreux à connaître leur droit au changement de fournisseur (il en est ainsi des deux tiers des personnes interrogées dans le cadre du baromètre Energie-Info).

Néanmoins, il constate que le fonctionnement du secteur de l’énergie demeure confus pour bon nombre de consommateurs et déplore que certains fournisseurs jouent sur cette méconnaissance pour conquérir des parts de marché, au risque de détériorer la confiance des consommateurs. A cet égard, il indique que si le développement de la concurrence dans le secteur de l’énergie est une bonne chose et doit être encouragé, cela ne doit pas être au prix d’une recrudescence de mauvaises pratiques telles que les « méthodes commerciales douteuses », les multiplications de « trophées clients » ou encore des promotions trompeuses autour des tarifs règlementés. Le médiateur a ainsi constaté que l’offre d’un fournisseur se prévalant d’être 10% moins cher que le tarif règlementé s’accompagnait en réalité de multiples contraintes (paiement par virement mensuel automatique, une absence de service client par téléphone) et que le rabais annoncé se limitait en réalité à 6.6%. Le médiateur met donc en garde les fournisseurs contre ces pratiques qui sont autant de facteurs susceptibles de faire perdre confiance aux consommateurs.

Enfin, ce rapport a également été l’occasion pour le médiateur national de l’énergie de rappeler à l’ordre les opérateurs, plusieurs d’entre eux n’hésitant pas à s’affranchir de contraintes légales. Ainsi, le médiateur a été confronté à des cas où des opérateurs ne respectaient pas l’interdiction légale de facturer des rattrapages de consommations de plus de 14 mois ou à celui où un fournisseur continuait, année après année, à facturer de manière erratique. Par ailleurs, le médiateur a fustigé plusieurs fournisseurs d’énergie aux motifs qu’ils ne savent toujours pas gérer correctement les erreurs de références des compteurs, de plus en plus fréquentes, alors que ces erreurs entraînent d’importantes complications et problèmes pour les consommateurs qui en sont victimes.

Recommandation du médiateur national de l’énergie sur un litige de facturation de consommations enregistrées par le compteur Linky

Un consommateur a saisi le médiateur national de l’énergie d’un litige l’opposant à son fournisseur et son distributeur d’électricité concernant la facturation de ses consommations d’électricité. La requérante estimait que sa consommation enregistrée par le compteur Linky était anormalement élevée par rapport à la consommation enregistrée par son ancien compteur et suspectait un dysfonctionnement du compteur Linky. Elle reprochait également à son fournisseur d’électricité de ne pas lui permettre de passer d’une facturation annuelle à une facturation mensuelle.

Le médiateur national de l’énergie a tout d’abord analysé la consommation de la requérante et constaté que la consommation enregistrée par le compteur Linky se situait dans la moyenne des consommations des autres. Le médiateur national de l’énergie relevait une augmentation de la consommation à partir de la pose du compteur Linky mais soulignait que cette dernière pouvait s’expliquer par la période concernée. En effet, le compteur Linky ayant été installé en début décembre et la majorité de la consommation étant enregistrée durant cette période, il n’était donc pas anormal que la consommation soit plus importante entre décembre et février (période la plus froide de l’année durant laquelle les convecteurs électriques fonctionnent d’avantage) qu’entre octobre et décembre (période antérieure à l’installation du compteur Linky).

Au regard de ces éléments, le médiateur national de l’énergie concluait qu’il n’était pas en mesure, au regard des éléments à sa disposition, de remettre en cause la consommation enregistrée par le compteur Linky.

Dans le cadre de sa demande à son fournisseur d’électricité pour obtenir une mensualisation de sa facturation, ce dernier avait répondu à la requérante qu’il n’était pas en mesure de lui proposer une facturation mensuelle au motif qu’il ne détenait pas de « relevés journaliers et chaque 30 minutes ». Le médiateur national de l’énergie a pris acte de cette réponse et a fait part de son étonnement à la requérante dans la mesure où un « relevé par mois dont la date peut éventuellement être choisie par [le] fournisseur devrait suffire à établir une facturation mensuelle ».

Compte tenu de la circonstance que le changement de mode de facturation aurait permis à la requérante de constater les fluctuations de sa consommation et « qu’un suivi plus fin de [sa] consommation aurait vraisemblablement pu permettre d’éviter ce litige », le médiateur national de l’énergie recommande au fournisseur d’électricité de faire droit à la demande de mensualisation et d’accorder à la requérante un dédommagement de 75 euros TTC pour l’absence de mise en place d’une facturation mensuelle pour des raisons confuses.

L’AODE est propriétaire du réseau de distribution d’électricité y compris des compteurs Linky

Dans un arrêt, qui sera mentionné aux Tables, le Conseil d’Etat a confirmé, à l’occasion d’un différend relatif au déploiement des compteurs communicants dits « Linky » :

  • d’une part, que l’Autorité Organisatrice de la Distribution d’Electricité (ci-après, AODE), c’est-à-dire la personne publique exerçant la compétence visée à l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT), est propriétaire du réseau public de distribution d’électricité y compris s’agissant des ouvrages transmis pas ses membres lors de leur adhésion ;
  • d’autre part, et par voie de conséquence, que les communes ayant transféré leur compétence d’AODE à une intercommunalité ne sont pas compétentes, faute d’en être propriétaire, pour s’opposer, à tout le moins sur le terrain de la propriété, au déploiement des compteurs Linky qui font partie intégrante du réseau public de distribution d’électricité.

On sait en effet qu’en droit de l’intercommunalité, le principe qui prévaut habituellement en cas de transfert d’une compétence à une structure de coopération intercommunale est celui de « la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence » (art. L. 1321-1 du CGCT). Le membre qui transfère sa compétence demeure donc, en principe, propriétaire des ouvrages qu’il met à disposition de l’entité bénéficiaire du transfert.

Or, ce mécanisme classique ne s’applique pas en matière de distribution d’électricité dès lors que l’article L. 322-4 du Code de l’énergie dispose que « les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l’objet d’un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales ». C’est bien la personne publique exerçant la compétence d’AODE qui est désignée comme étant propriétaire du réseau, sans distinction, parmi les éléments du réseau, entre ceux établis avant le transfert de la compétence et ceux établis après.

Mais le Conseil d’Etat n’avait pas encore eu l’occasion, avant cette décision du 28 juin 2019, de confirmer cette particularité du régime des biens nécessaires à l’exercice de la compétence relative à la distribution publique d’électricité.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée, une commune avait, pour s’opposer au déploiement des compteurs communicants Linky sur son territoire, pris une délibération refusant l’élimination sur son territoire des compteurs électriques existants et leur remplacement par les compteurs Linky. La commune avait ensuite pris une seconde délibération maintenant la position exprimée dans la première et refusant de faire droit au recours gracieux introduit par le Préfet à l’encontre de sa délibération.

Mais, le Tribunal administratif, saisi par le Préfet, avait annulé les deux délibérations, ce que la Cour administrative d’appel de Nantes avait également confirmé en relevant, notamment, que la commune n’était pas compétente pour s’opposer au déploiement des compteurs (voir notre commentaire dans la Lettre d’actualité juridique énergie et environnement de novembre 2018).

Le Conseil d’Etat confirme cette analyse en jugeant qu’ « Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est attachée à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l’article D. 342-1 du code de l’énergie ».

Concessions hydro-électriques soumises aux « délais glissants » : des compléments apportés aux dispositions relatives à la redevance proportionnelle due par le concessionnaire

De nombreuses concessions hydroélectriques sont actuellement en cours d’exécution alors même qu’elles sont parvenues à expiration sans qu’une procédure de renouvellement n’ait encore été engagée par l’Etat. Ces concessions sont donc, sur la base d’une interprétation très extensive, et contestable à notre sens, de l’article L. 521-16 du Code de l’énergie, prorogées sans qu’un terme à cette prorogation n’ait été fixé. Il s’agit du mécanisme dit des « délais glissants ».

Or, ces concessions arrivées à leur terme mais implicitement prolongées dans l’attente de l’organisation d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, ne permettent pas aux collectivités et groupements de collectivités sur le territoire desquels les cours d’eau sont situés de percevoir les redevances proportionnelles au chiffre d’affaires dues par les concessionnaires lorsque de nouvelles concessions sont conclues (en application de l’article L. 523-2 du Code de l’énergie).

Pour pallier le préjudice financier subi par les collectivités et leur groupements du fait de l’application du dispositif des délais glissants, le législateur a fini par introduire dans le Code de l’énergie un article L. 523-3 (issu de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019), instituant à compter du 1er janvier 2019 le versement, par le concessionnaire titulaire d’un contrat de concession soumis au régime des délais glissants, d’une redevance proportionnelle aux recettes ou aux bénéfices de la concession. Si la redevance est versée à l’Etat, une partie doit revenir aux départements, aux communes et aux groupements de communes sur le territoire desquels coulent les cours d’eau utilisés.

Un décret en Conseil d’Etat était néanmoins attendu pour préciser le taux de la redevance ainsi créée.

C’est chose faite par le décret du 28 juin 2019 qui crée au sein du Code de l’énergie un article R. 523-5 disposant :

« L’assiette de la redevance mentionnée à l’article L. 523-3 est le résultat normatif de la concession diminué de l’impôt sur les sociétés calculé sur ce résultat. Le résultat normatif est défini comme le total des recettes de la concession déterminées conformément au premier alinéa de l’article L. 523-2, diminuées de l’ensemble des charges et amortissements correspondant à l’exploitation de la concession.

Le taux de cette redevance est fixé à 40 %.

Si la prorogation de la concession en application du troisième alinéa de l’article L. 521-16 prend fin en cours d’une année civile incomplète, la redevance au titre de cette année est exigible au prorata temporis pour la fraction d’année écoulée ».

Tant l’assiette que le taux de la redevance étant désormais connus, il incombe aux concessionnaires titulaires de concessions hydro-électriques soumises aux délais glissants de verser cette nouvelle redevance, et à l’Etat de reverser aux collectivités et aux groupements de collectivités les sommes qui leur sont dues.

Le mécanisme étant applicable le 1er janvier 2019 (cf. art. L. 523-3 du Code de l’énergie), les premiers montants devraient être versés en 2020 au titre de l’exercice 2019. Il n’est en revanche pas évoqué dans la loi ou le décret, la situation antérieure au 1er janvier 2019.

Les unités touristiques nouvelles doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale

Par sa décision du 26 juin 2019 (CE, n° 414931, Association France Nature Environnement) le Conseil d’Etat annule partiellement le décret du 10 mai 2017 relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles (UTN).

Pour ce faire, il rappelle que l’article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement exige qu’une évaluation environnementale soit effectuée pour certains plans et programmes, notamment en ce qui concerne les secteurs du tourisme et de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

 

Le Conseil d’Etat dispose ensuite que :

« 4. Si la création d’unités touristiques nouvelles structurantes ou locales par leur inscription dans le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d’urbanisme est prise en compte par l’évaluation environnementale réalisée dans le cadre de l’élaboration de ces documents d’urbanisme, imposée respectivement par le 47° et le 54° du I de l’article R. 122-17 du code de l’environnement, tel n’est pas le cas pour celles qui sont autorisées par l’autorité administrative dans les communes non couvertes par ces documents. Eu égard à sa nature et à sa portée, la décision préfectorale créant une telle unité touristique nouvelle doit être regardée, non comme statuant sur une demande relative à un projet, mais comme constituant un plan ou programme au sens de la directive du 27 juin 2001 citée au point précédent »

Le Conseil d’Etat affirme donc que la décision de création d’une UTN par le préfet constitue en elle-même un plan ou programme au sens de l’article 3 de la directive 2011/42 en raison de la nature et de la portée de cette décision. Dès lors, la décision de création d’une UTN doit obligatoirement faire l’objet d’une évaluation environnementale, si elle est susceptible d’emporter une incidence notable sur l’environnement.

Or en l’espèce, le décret du 10 mai 2017 permet que les UTN soient créées par inscription dans un schéma de cohérence territoriale (Scot) ou un plan local d’urbanisme (PLU). L’impact environnemental de la création de l’unité est alors étudié au sein de l’évaluation environnementale du Scot ou du PLU.

Cependant, lorsque la décision de création d’une UTN concerne également des communes qui ne sont pas couvertes par ces documents d’urbanisme, le décret, par modification de l’article R. 122-14 du Code de l’environnement, prévoit uniquement que le dossier de demande d’autorisation comporte des éléments relatifs à l’état du milieu naturel, aux conséquences prévisibles du projet sur le milieu, et aux mesures pour éviter, réduire et compenser les incidences négatives notables sur l’environnement. Il ne requière pas une véritable consultation de l’autorité environnementale comme l’exige la procédure d’évaluation environnementale.

C’est pourquoi le Conseil d’Etat annule partiellement le décret qui aurait dû imposer une évaluation environnementale aux décisions de création d’UTN dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale ou un plan local d’urbanisme.

Permis de construire éolien, la possibilité de régularisation d’un permis entaché de la méconnaissance de l’autonomie de l’autorité environnementale

Par sa décision rendue le 27 mai 2019 (CE n° 420554, Association « L’Eolien s’en naît trop »), le Conseil d’Etat affirme la possibilité de régulariser un permis de construire éolien déclaré illégal en raison de l’absence d’autonomie de l’autorité ayant émis l’avis sur l’évaluation environnementale du projet.

Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de ses décisions du 6 et du 28 décembre 2017 par lesquelles le Conseil d’Etat exige que l’Etat garantisse une séparation fonctionnelle entre l’autorité chargée d’instruire la demande d’autorisation et l’autorité qui émet un avis sur l’évaluation environnementale du projet, sous peine d’irrégularité de l’avis (cf. CE, 6 décembre 2017, n° 400559 ; et CE, 28 décembre 2017, n° 407601). Il fait également suite à l’avis du Conseil d’Etat n° 420119 du 7 septembre 2018 qui affirmait le caractère régularisable d’une autorisation environnementale rendue illégale par cette circonstance, en vertu de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Dans l’espèce examinée, le Conseil d’Etat confirme d’abord sa position selon laquelle le préfet qui délivre le permis de construire d’un parc éolien ne peut pas être l’autorité qui se prononce sur l’évaluation environnementale.

Puis il met en œuvre l’avis du 27 septembre 2018 précité et étend cette possibilité au permis de construire éolien :

«  Le vice de procédure qui résulte de ce que l’avis prévu par le III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement a été rendu par le préfet de région en qualité d’autorité environnementale dans un cas où il était par ailleurs compétent pour autoriser le projet, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d’une autorité présentant les garanties d’objectivité requises ».

Le Conseil d’Etat précise ensuite les modalités de régularisation du vice entachant l’avis de l’autorité environnementale. Il indique alors qu’un nouvel avis peut être rendu par la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Puis, la soumission de cet avis au public dépend de sa teneur :

  • s’il diffère substantiellement du précédent avis, une enquête publique complémentaire doit être organisée, sur la base du nouvel avis et de tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par celui-ci, notamment une insuffisance de l’étude d’impact ;
  • S’il ne diffère pas substantiellement, l’information du public consiste en une simple publication internet du nouvel avis.

Le Conseil d’Etat sursoit alors à statuer pour que soit régularisé le vice de procédure tenant à l’incompétence du préfet de région.

Validation par le Conseil d’Etat du mécanisme de dérogation aux normes environnementales par les préfets

Par son arrêt rendu le 17 juin 2019 (CE, n° 421871,  Les Amis de la Terre), le Conseil d’Etat rejette le recours en annulation dirigé contre le décret du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet.

 Le décret du 29 décembre 2017 est pris en application de l’article 37-1 de la Constitution, qui autorise des dispositifs normatifs expérimentaux. En l’occurrence, ce décret permet à certains préfets, pendant une durée de deux ans, de déroger ponctuellement à des normes règlementaires, dans des matières et conditions qu’il fixe, pour adopter des normes individuelles. Entre autre, il ouvre les dérogations à la matière environnementale.

Le juge, pour répondre aux différents arguments soulevés par les requérants, indique que le décret attaqué ne méconnait pas l’article 37-1 de la Constitution, ni la loi. Il se fonde, à cette fin sur le fait que le champ d’application des dérogations envisagées (qui peuvent porter sur les règles qui régissent l’octroi des aides publiques ainsi que les règles de forme et de procédure applicables dans les matières énumérées) ainsi que leur durée (deux ans) sont limités.

De plus, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y a pas de violation du principe de non régression définit au II de l’article L. 110-1 du Code de l’environnement comme suit :

 » 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. […] « .

En effet, le Conseil d’Etat relève qu’il résulte des termes mêmes du décret attaqué, et notamment de son article 1er, qu’il ne permet pas aux préfets de déroger à des normes réglementaires ayant pour objet de garantir le respect de principes consacrés par la loi, tel le principe de non régression.

Cette solution du Conseil d’Etat est d’ailleurs confortée par le Rapport du Sénat Réduire le poids des normes en aval : interprétation facilitatrice et pouvoir de dérogation aux normes (n° 560), rendu public le 26 juin 2019. Ce rapport déplore la faiblesse du recours aux dérogations par les préfets et encourage à la diminution des limites encadrant ce droit. Notamment, il promeut l’extension du droit de dérogation aux actes des collectivités locales, et l’extension des domaines concernés par les dérogations. Il prône également la possibilité de déroger à des normes législatives sous réserve d’un accord au cas par cas du Sénat.

Annulation partielle de l’arrêté réglementant l’utilisation des pesticides

Par son arrêt rendu le 26 juin 2019 (CE, 26 juin 2019, nos 415426 et 415431, Association générations futures et Association eau et rivières de Bretagne), le Conseil d’Etat a annulé partiellement l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM).

Cet article L. 253-1 du CRPM pose les règles spécifiques relatives à la mise sur le marché, la distribution et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Par ailleurs, l’article L. 253-7 du même code précise que « l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière ».

Il faut rappeler que l’article L. 253-7 transpose l’article 12 de la directive européenne 2009/128/CE du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable qui exige des Etats membres qu’ils veillent à limiter ou interdire l’utilisation des pesticides dans certaines zones spécifiques, en « tenant dûment compte des impératifs d’hygiène, de santé publique et de respect de la biodiversité ou des résultats des évaluations des risques appropriées ».

L’arrêté du 4 mai 2017, qui succède à un arrêté déjà critiqué du 12 septembre 2006, a été pris en application de cet article L. 253-7 du CRPM pour préciser les conditions d’utilisation des pesticides.

Le Conseil d’Etat, saisi de la légalité de l’arrêté du 4 mai 2017, se fonde donc sur les articles L. 253-1 et L. 253-7 du CRPM ainsi que sur l’article 12 de la directive 2009/128 pour affirmer le principe suivant :

« 7. Il appartient à l’autorité administrative […] de prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière, s’agissant de la mise sur le marché, de la délivrance, de l’utilisation et de la détention de produits phytopharmaceutiques, qui s’avère nécessaire à la protection de la santé publique et de l’environnement ».

Ce faisant, le Conseil semble établir une obligation à la charge de l’administration de fixer les règles d’utilisation des pesticides qui sont nécessaires à la protection de la santé et de l’environnement, quand l’article L. 253-7 du CRPM, précité, ne parle que d’une possibilité.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a partiellement annulé l’arrêté du 4 mai 2017 en raison de ses nombreuses insuffisances en la matière, et, en particulier, en raison de l’absence de mesure de protection des riverains des zones traitées (considérant 9).

Le Conseil d’Etat retient également que l’arrêté attaqué aurait dû prévoir un délai pour le retour des travailleurs ou de toute autre personne sur une zone où des pesticides ont été utilisés, dans l’hypothèse où ces produits ont été utilisés sur des sols vierges de végétation (considérant 9).

Par ailleurs, il souligne que l’arrêté, qui ne régit que les techniques de pulvérisation et de poudrage, aurait également dû encadrer d’autres méthodes de dispersion des produits phytosanitaires, telles l’épandage de granulés ou l’injection de produits dans les sols car ces méthodes présentent aussi un risque de contamination des eaux de surface en dehors du site traité par ruissellement (considérant 17).

Enfin, le Conseil d’Etat dispose que l’arrêté attaqué aurait dû prévoir des mesures précises d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de pesticides afin d’éviter ou de réduire le risque de pollution par ruissellement en cas de forte pluie (considérant 18).

Au terme de la décision ici examinée, l’Etat dispose d’un délai de six mois pour adopter les mesures réglementaires qui s’imposent à la suite de l’annulation partielle de l’arrêté du 4 mai 2017.

 

La possibilité pour les préfets de déroger aux PPRT pour l’implantation des installations d’énergie renouvelable

Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat a été adopté en première lecture le 28 juin 2019 par l’Assemblée Nationale.

Pour promouvoir le développement des énergies renouvelables, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale s’est prononcée le 20 juin dernier en faveur d’un amendement portant modification de l’article L. 515-16-1 du Code de l’environnement relatif aux interdictions d’urbanisation futures dans les zones concernées par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Celui-ci serait alors complété par l’alinéa libellé de la façon suivante :

« Le préfet peut accorder des dérogations aux interdictions et prescriptions fixées par les plans de prévention des risques technologiques et mentionnées au premier alinéa du présent article pour permettre la réalisation d’un projet d’implantation d’installations produisant de l’énergie renouvelable. Ces dérogations fixent les conditions particulières auxquelles est subordonnée la réalisation du projet. »

Il ressort des discussions de la commission (Rapport fait au nom de la Commission des affaires économiques, sur le projet de loi, relatif à l’énergie et au climat, nos 1908 et 2032, pp. 63-64) que cette dérogation est motivée par le fait qu’une modification d’un PPRT, qui est aujourd’hui nécessaire pour permettre la réalisation de ces opérations, est une procédure lourde, qui peut nécessiter plusieurs années. Or le projet de loi relatif à l’énergie et au climat vise à faciliter et accélérer la transition écologique pour remplir les engagements climatiques européens et internationaux de la France.

C’est pourquoi il permet que des installations de production d’énergie renouvelable puissent être implantées par simple dérogation au PPRT, procédure beaucoup plus simple et rapide que la modification du PPRT. En l’occurrence, il ressort clairement des débats de la commission que cet article vise à favoriser l’implantation de panneaux photovoltaïques.

Vers un rétablissement des critères alternatifs pour définir les zones humides

Le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations de chasseurs et renforçant la police de l’environnement a été adopté par la commission mixte paritaire le 15 juin 2019.

Il porte principalement sur la création de l’Office français de la biodiversité (OFB), par la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui devrait voir le jour au 1er janvier 2020.

Mais il renforce aussi la protection des zones humides en proposant une modification de la définition de ces zones, telle que posée au 1° du I de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement. Celui-ci est en effet, à ce jour, libellé de la façon suivante :

« on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ; »

Deux critères sont dont dégagés par cet article :

  • Un critère pédologique,
  • Un critère botanique.

Et l’arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l’environnement affirme le caractère alternatif des critères deux critères précités.

Cependant, par son arrêt du 22 février 2017 (n° 386325), le Conseil d’Etat a considéré que l’article L. 211-1 précité devrait être lu comme caractérisant une zone humide, lorsque de la végétation y existe, « que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles ».

Le Conseil d’Etat exige donc le cumul des deux critères susmentionnés, relatifs à l’inondation de la zone et à la présence de végétation. Et, ce faisant, il restreint d’autant la possibilité de classement en zone humide et la protection de ces espaces par le régime de protection associé.

Les difficultés liées à l’application de cette décision ont conduit les services de l’Etat à publier une circulaire sur le sujet (Note technique du 26 juin 2017 relative à la caractérisation des zones humides, NOR : TREL1711655N).

Revenant sur cette décision, la commission paritaire mixte chargée de l’étude du projet de loi relatif à l’OFB a adopté un amendement proposé par le sénateur Jérôme Bignon visant à rétablir le caractère alternatif des critères. Le 1° du I de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement serait alors rédigé en ces termes :

« on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».

Quelles sont les ambitions du projet de loi relatif à l’énergie et au climat ?

Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 juin dernier, le projet de loi relatif à l’énergie et au climat concentrera l’attention de l’ensemble des acteurs du secteur de l’énergie jusqu’à la fin de l’été.

Si le secteur a été concerné par plusieurs lois adoptées lors du quinquennat en cours, il n’a pas fait l’objet d’une réforme d’envergure. Ce nouveau projet de loi fait donc office de « grande loi sur l’énergie » pour le Gouvernement actuel même si son intention, à la lecture de la première mouture du texte, semblait moins ambitieuse (notre brève à ce sujet).

Mais plusieurs circonstances, notamment la hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité depuis le 1er juin dernier (voir notre brève), ont conduit le Gouvernement à densifier les propositions portées par ce projet, le texte étant désormais composé de 13 articles insérés au sein de sept chapitres.

Le fil conducteur de ce projet de loi est de renforcer le lien, dans la politique énergétique nationale, entre enjeux climatiques et énergétiques (I). Ce qui se matérialise aussi par des mesures plus concrètes, apparues principalement dans les débats devant l’Assemblée nationale (II), et concernant aussi le cadre régulatoire de l’énergie (III).

 

I – Rendre la politique énergétique nationale plus ambitieuse en matière de lutte contre le réchauffement climatique

Le projet de loi a pour objet principal de réviser les objectifs de la politique énergétique nationale énumérés à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie.

Il prévoit d’ajouter de nouveaux objectifs : celui visant à « (…) atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six »[1], l’augmentation de la production d’énergie hydroélectrique ou encore le développement de l’hydrogène bas carbone et renouvelable[2] (art. 1er).

Il rend les objectifs déjà existants de la politique énergétique plus ambitieux : nouvel objectif intermédiaire de réduction de la consommation énergétique finale « d’environ 7% en 2023 », nouvel objectif de part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie fixé à « au moins 33 % » d’ici à 2030 au lieu de 32%, ou encore objectif de réduction de la consommation primaire d’énergies fossiles porté de 30 % à 40% en 2030 (qui correspond au cadre d’action de la Commission européenne approuvé les 23 et 24 octobre 2014).

Dans la perspective d’atteindre ces objectifs, le projet de loi prévoit également des mesures en matière de planification énergétique. Par exemple, le contenu de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) est complété et fera l’objet d’une loi d’ici à 2023 puis tous les cinq ans – la PPE faisant à ce jour l’objet d’un décret simple (art. 1er bis A).

Entre autres mesures de planification, on citera l’introduction d’objectifs de réduction de l’empreinte carbone dans la stratégie nationale bas-carbone (art. 1er sexies), la fixation d’un plafond des émissions de gaz à effet de serre pouvant être émises par les centrales de production d’électricité existantes à combustibles fossiles (à fixer d’ici 2022 – art. 3) ou encore la remise d’un rapport annuel du Gouvernement sur les incidences positives et négatives du projet de loi de finances sur le réchauffement climatique (art. 1er octies).

Outre les mesures en faveur du climat, comme le cadre légal instauré pour le Haut Conseil pour le Climat[3] (art. 2) ou des mesures de simplification s’agissant de l’évaluation environnementale (Chapitre III), le projet de loi prévoit également des mesures concernant plus particulièrement le secteur de l’énergie, et ce dans l’objectif d’atteindre les objectifs ambitieux de la politique énergétique nationale.

 

II – Des mesures concrètes pour le secteur de l’énergie

L’examen du texte à l’Assemblée nationale a enrichi le projet de loi initial de plusieurs mesures spécifiques que l’on peut regrouper en deux séries de mesures.

 

II.1 D’une part, le projet de loi présente de nombreuses mesures en faveur du développement des énergies renouvelables.

Parmi les nouveautés, le projet de loi prévoit la mise en place par l’Etat d’appels à projets pour le développement d’installations de production d’électricité utilisant des énergies renouvelables innovantes (appelé le « contrat expérimental », v. art. 4 bis A), la dérogation possible aux interdictions et prescriptions fixées par le plan de prévention des risques technologiques pour la réalisation d’un projet d’énergie renouvelable (art. 4 ter), la création des communautés d’énergies renouvelables (art. 6 bis A), une réforme des garanties d’origine du biogaz ou de l’investissement participatif dans cette même filière (art. 6 septies) ou encore l’habilitation du Gouvernement pour définir le cadre juridique de l’hydrogène par voie d’ordonnance (art. 6 octies).

Le projet de loi prévoit également de nouvelles modalités permettant d’augmenter la puissance des installations hydroélectriques concédées dans le cadre d’un contrat de concession en cours d’exécution (art. 6 bis B).

Les mesures en faveur des énergies renouvelables dans le projet de loi concernent également des aspects plus techniques comme par exemple la compétence en premier et dernier ressort des litiges relatifs à l’éolien en mer que le texte prévoit de transférer de la Cour administrative d’appel de Nantes au Conseil d’État (art. 4 quater) ou la clarification la catégorie des redevables de la quote-part due au titre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3ReNR) (art. 6 octies).

 

II.2 D’autre part, les mesures prévues par le projet de loi portent également sur la promotion des économies d’énergie et de la performance énergétique.

Ces mesures portent en particulier sur la lutte contre la fraude et la spéculation des certifications d’économie d’énergie (CEE). Elles prévoient de renforcer le contrôle a posteriori des CEE délivrés par le pôle national des certificats d’économie d’énergie (notamment en matière de mise en demeure sur les obligations déclaratives) et la qualité des échanges d’information entre les administrations (Chapitre III).

De même, pour lutter contre la spéculation des CEE et éviter que leurs détenteurs ne conservent leurs CEE sans d’autres raisons que l’espoir de les revendre plus cher, le projet de loi plafonne la durée de vie des CEE à six ans. Il instaure également l’impossibilité de délivrance de CEE pour les opérations d’économie d’énergie qui ont aussi pour conséquence d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre (Chapitre III).

Concernant la performance énergétique, les mesures portent sur le régime juridique du diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements. Puis, le texte instaure une obligation de travaux pour tous les propriétaires de logement dont la consommation énergétique relève des classes F et G du DPE, et de réaliser des travaux d’amélioration de la performance énergétique permettant d’atteindre la classe E au moins d’ici au 1er janvier 2028 (art. 3 septies).

Grandes trajectoires de politique énergétique et mesures plus concrètes, le projet de loi porte aussi et enfin sur plusieurs aspects de régulation du secteur de l’énergie.

 

III – Enjeux de la régulation du secteur de l’énergie

Parmi les quatre sujets de régulation visés dans le projet de loi, tous sont en réalité des réactions à vif sur l’actualité européenne et nationale du secteur de l’énergie.

En premier lieu, les mesures du projet de loi visent notamment les attributions de la Commission de Régulation de l’Energie (« CRE ») dans le cadre de sa mission de régulation du secteur de l’électricité et du gaz en France.

Outre la correction d’une scorie à l’article L. 132-2 du Code de l’énergie sur le renouvellement des membres du collège de la CRE, le projet de loi donne habilitation au Gouvernement pour réformer la procédure applicable devant le Comité de règlements des différends et des sanctions (CoRDIS) par voie d’ordonnance, et confie à la CRE la compétence de transiger les litiges liés au paiement de la contribution au service public de l’électricité au titre des années 2012 à 2015[4] (art. 7).

En outre, il est prévu que le ministre en charge de l’énergie ou la CRE puisse, chacun dans son domaine de compétence, accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental (de quatre ans maximum, renouvelable une fois) des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents (art. 7 quater).

En deuxième lieu, le projet de loi contient également des mesures visant à adapter le dispositif de l’Accès Régulé au Nucléaire Historique (ci-après « ARENH ») en cas d’atteinte de son plafond légal.

Ces mesures s’inscrivent dans la continuité des réflexions sur la place du nucléaire dans le parc de production d’électricité, le projet de loi repoussant à dix ans, 2035 au lieu de 2025, l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50% du parc de production d’électricité (cf. art. L. 100-4 du Code de l’énergie).

Les mesures visent aussi à répondre à la situation inédite de dépassement du plafond légal de l’ARENH début 2019 et à ses conséquences sur la répartition et la fixation de l’ARENH.

Elles portent à ce stade sur les compléments de prix et leurs modalités de reversement, sur la compétence pour fixer le prix de l’ARENH (accordée provisoirement au Gouvernement – par arrêté ministériel et sur avis de la CRE) et sur le niveau du plafond de l’ARENH, passant à 150 TWh à partir de 2020 au lieu de 100 TWh aujourd’hui (art. 8).

En troisième lieu, même si le sujet n’était pas prévu dans le projet de loi initial[5], la hausse des prix au 1er juin a conduit le Gouvernement à inclure au sein du projet de loi les mesures visant à mettre progressivement un terme aux tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz (chapitre VII) après la censure des dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) à cet égard par le Conseil constitutionnel[6].

En l’état, le projet de loi réserve le bénéfice des TRV d’électricité uniquement aux consommateurs domestiques et petits consommateurs professionnels à compter du 1er janvier 2020, et les contrats en cours des autres usagers prendront fin au 30 décembre 2020. Pour les TRV de gaz, les nouveaux contrats ne pourront plus être souscrits après le premier jour du treizième mois suivant la publication de la loi, et les contrats en cours prendront fin au 1er juillet 2023. Il est également mis fin à l’éligibilité (en gaz et en électricité) réservée à certains consommateurs n’ayant pas souscrit à une offre de marché depuis le 1er janvier 2016 (que l’on appelle aussi les clients « dormants »).

Cette extinction est accompagnée de plusieurs mesures d’information, à la charge notamment des fournisseurs aux TRV, et de la mise en place de dispositifs plus spécifiques, tels que la fourniture de secours ou de dernier recours.

En quatrième et dernier lieu, le projet de loi habilite le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance pour transposer ou adapter le droit national aux derniers textes issus du paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » (art. 6 ; voir notre brève). Sont visées quatre directives (énergies renouvelables[7], efficacité énergétique[8], performance énergétique des bâtiments[9], règles communes pour le marché intérieur de l’électricité[10]) et trois règlements (préparation aux risques dans le secteur de l’électricité[11], marché intérieur de l’électricité[12] et gouvernance de l’union de l’énergie[13]).

En synthèse, l’ambition première du projet de loi, à savoir réviser les objectifs de politique énergétique fixés en 2015, semble avoir été rattrapée par la nécessité de réagir à des enjeux urgents. Le risque est d’obtenir une loi composée de fragments, avec des mesures d’ordre général sans lien évident avec les plus concrètes, au lieu d’une réforme d’ensemble. Conserver une ligne directrice aurait été préférable afin d’éviter que le législateur intervienne dans le désordre.

Désormais au Sénat, après la première lecture de l’Assemblée nationale, la discussion du projet de loi en séance publique par les sénateurs est prévue pour les 16, 17 et 18 juillet prochain. Un projet à suivre.

 

 

[1] La « neutralité carbone » étant définie comme étant « (…) un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques de gaz à effet de serre sur le territoire national. Le périmètre des émissions et absorptions comptabilisées correspond à celui des inventaires nationaux de gaz à effet de serre. La neutralité carbone s’entend sans utilisation de crédits internationaux de compensation carbone ».

[2] Avec un objectif de 20 à 40 % de la consommation totale d’hydrogène industriel à l’horizon 2030.

[3] Voir le décret n° 2019-439 du 14 mai 2019 relatif au haut conseil pour le climat qui a « install[é] le haut conseil pour le climat » et précisé sa composition et ses modalités de son fonctionnement.

[4] Application de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 juillet 2018, SAS Messer France (affaire c-103/17), repris par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 3 décembre 2018, SAS Messer France (n° 399115).

[5] voir la lettre rectificative au projet de loi relatif à l’énergie et au climat – conseil des ministres du 12 juin 2019

[6] Décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019 ; Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

[7] Directive 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

[8] Directive 2018/2002 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.

[9] Directive 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.

[10] Directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

[11] Règlement 2019/941 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE.

[12] Règlement 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité.

[13]glement 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) no 663/2009 et (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/ UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/ce et (UE) 2015/652 du conseil et abrogeant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil.

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre, avocate associée, et Maxime Gardellin, avocat à la cour.

Contrôle URSSAF : l’annulation d’un précédent redressement par la commission de recours amiable ne vaut pas accord tacite

→    Le contexte juridique :

En application de l’article L. 243-12-4 du Code de la sécurité sociale, l’Urssaf ne peut pas procéder une nouvelle fois à un contrôle portant, pour une même période, sur les points de la législation applicable ayant déjà fait l’objet d’une vérification, sauf dans des cas exceptionnels : réponses incomplètes ou inexactes, fraude, travail dissimulé ou demande de l’autorité judiciaire.

A cet égard, l’article R. 243-59-7 du même Code précise que le redressement établi en application des dispositions de l’article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n’ont pas donné lieu à observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l’article R. 243-59 dès lors que l’organisme a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments et que les circonstances de droit et de faits sont inchangées.

Ainsi, il résulte de ces articles que constitue une décision implicite d’acceptation des pratiques suivies dans l’entreprise le silence observé par l’Urssaf à l’occasion d’un contrôle au cours duquel les éléments révélant ces pratiques ont été mis à sa disposition.

 

→     L’arrêt :

En l’espèce, une société a obtenu l’annulation par la commission de recours amiable du chef de redressement afférent à la réintégration dans l’assiette des cotisations de la prise en charge par l’employeur des frais de repas de certains salariés.

Cette société a fait l’objet d’un contrôle ultérieur par l’URSSAF suivi d’un redressement portant sur le même point. Pour s’y opposer, l’entreprise fait valoir que la situation est la même que celle ayant abouti précédemment à l’annulation du redressement par la commission de recours amiable.

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a eu à se demander si l’annulation du redressement par la commission de recours amiable peut valoir approbation tacite de la pratique de l’employeur.

La Haute juridiction répond par la négative et rappelle que dès lors que les agents de contrôle ont conclu, à l’issue des opérations de contrôle, à un redressement, le cotisant ne peut pas se prévaloir d’un accord tacite de l’organisme du fait de l’annulation de ce redressement par la commission de recours amiable.

 

→     L’analyse :

La solution est en réalité assez logique puisque la Cour de cassation ne fait qu’appliquer à la lettre l’article R. 243-59-7 du Code de sécurité sociale au terme duquel il résulte qu’une décision implicite naît du silence des agents de l’Urssaf lors du contrôle. Or, en décidant de procéder à un redressement, ces derniers ont font connaître leur position en jugeant la pratique de l’employeur contraire à la législation en matière de cotisations de sécurité sociale.

 

Par Meriem Khelif, Avocate senior référent

RGPD et protection des données RH

La nouvelle obligation : L’entrée en vigueur du décret du 29 mai 2019 achève au niveau réglementaire le travail d’adaptation du droit français au droit de l’UE du règlement général sur la protection des données (RGPD). Entré en vigueur depuis le 25 mai 2018, c’est aujourd’hui l’occasion de revenir sur quelques mesures concrètes devant être mise en place dans l’entreprise et plus particulièrement au sein des services RH concernant la gestion des données personnelles des salariés.

L’entrée en vigueur du RGPD a renforcé le traitement des données personnelles des salariés et est devenu un challenge quotidien pour le service RH. En effet, du recrutement au départ des salariés, mais aussi tout au long de la carrière du salarié de nombreuses données personnelles sont collectées et ont vocation à être exploitées.

 

Les Apports : Le RGPD oblige notamment l’employeur à garantir la sécurité et la confidentialité des données personnelles collectées, informer et dans certains cas obtenir le consentement préalable des salariés (et candidats), collecter les données personnelles nécessaires, établir un registre des activités de traitement et désigner un délégué à la protection des données.

A titre d’exemple, on peut observer, après un an de mise en œuvre, que le registre de traitement des données, prend le plus souvent la forme d’un tableau, le RGPD n’exigeant aucune forme spécifique. Il doit, selon le modèle mis en ligne par la CNIL, recenser notamment le nom de l’entreprise et les coordonnées des responsables du traitement, les personnes concernées par les données traités, le type de données traitées (identité, situation de famille, données bancaires, données de connexion…), les catégories de destinataires auxquels les données vont être communiquées, les délais prévues pour l’effacement, une description générale des mesure de sécurité techniques et organisationnelles mises en œuvre dans l’entreprise. Afin de pouvoir mettre en place cet outil, il est préalablement nécessaire de faire l’inventaire de l’ensemble des données personnelles détenues par l’entreprise et en, conséquence de faire le point avec l’ensemble des équipes ayant vocation à traiter de ces données (par exemple service recrutement, paye, formation…).

Aussi, pour rappel, un délégué à la protection des données doit être mis en place dans un certain nombre d’entreprise et est lorsqu’il n’est pas obligatoire un véritable atout au regard de la complexité technique du traitement des données et de l’étendue des obligations. La simplicité de la désignation de ce dernier, celle-ci s’effectuant en ligne, incite d’ailleurs les entreprises à en désigner un ! Les entreprises souhaitant mettre en place cet acteur en leur sein sont invitées à informer les salariés de cette création. Cette désignation devra faire l’objet d’une communication dans l’entreprise et afin de garantir son efficacité un dialogue régulier avec la Direction devra être instauré.

 

Premier bilan : Globalement, le constat est le suivant : les entreprises et leurs services RH s’approprient le dispositif RGPD et les particuliers sont plus sensibles à la protection des données. Depuis l’entrée en vigueur du RGPD, les contrôles de la CNIL se sont multipliés mais étaient effectuée avec « bienveillance ». Le 15 avril, la présidente de la CNIL a annoncé « la fin d’une forme de tolérance » s’agissant du contrôle de la mise en œuvre du RGPD. Désormais, les contrôles seront effectués pleinement et en cas de manquement des mesures de mise en demeure ou de sanctions seront prises. Les entreprises ont donc tout intérêt à s’assurer de leur mise en conformité !

 

Par Clara Bellest, Avocate à la cour

A qui appartient une œuvre de street-art ?

 

Principe : Des graffiti semés par Jean-Michel Basquiat dans les rues new-yorkaise aux pochoirs londoniens de Bansky, le Street Art est une forme d’art développée dans les espaces publics, dans les rues et qui connait un engouement depuis plusieurs années.

L’expression fait généralement référence à l’art non-autorisé par la loi et qui s’exprime sur les locaux, bâtiments, abris de bus, transport en commun appartenant soit à l’Etat soit aux particuliers.

John Fekner, artiste new-yorkais et aussi l’une des figures centrales de l’art urbain a défini le Street Art comme étant : « tout art dans la rue qui n’est pas du graffiti ».

Parmi les différentes méthodes développées et issues du Street Art figurent les tags ou graffiti, les fresques, le collage, les mosaïques, le « L.A.S.E.R Tags », l’art du pochoir, le sticker art, la projection vidéo, les installations de rue et le yarn bombing ou encore le « drones paintings ».

 

 

Problématique : Lorsqu’aucune commande n’a été passée,  le propriétaire immobilier servant de support à ces œuvres de Street Art, non-autorisées, peut-il en disposer librement ? En devient-il propriétaire ? Peut-il l’exploiter ou encore l’effacer ou la détruire ?

En droit, il est admis que tous les artistes indistinctement jouissent d’une protection et des droits d’auteur sur leurs compositions. Cela est repris à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Or, la doctrine considère que le Street Art est par définition un art éphémère qui est attentatoire à des biens privatifs.

Si le street-artist a des droits d’auteur sur son œuvre, rien n’interdit le propriétaire du support de repeindre l’œuvre du street-artist, qui sait que son œuvre a vocation à disparaitre un jour.

Le droit français distingue, tout d’abord, le droit sur l’œuvre et le droit sur le support, au terme duquel le propriétaire aurait le droit de disposer librement de la chose.

A ce sujet, la jurisprudence n’est pas encore fixée sur le sujet mais il semble que la solution dépende de l’autorisation préalable donnée à l’artiste au propriétaire du support.

Ainsi, en l’absence d’autorisation, l’artiste n’aura pas la possibilité de se prévaloir des dispositions de l’article L.121-1, alinéa 1, du Code de la propriété intellectuelle, et notamment du droit moral de l’auteur qui est perpétuel, imprescriptible et inaliénable.

Également, sur le plan du droit pénal, l’article 322-1 du Code pénal sanctionne :

« Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisations préalables, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain ».

 

 

Jurisprudence : Dans un arrêt du 28 septembre 1999, la Cour de cassation a considéré que la protection du droit d’auteur disparait lorsque l’illicéité de l’œuvre est prouvée. Or, dans le cadre du Street Art, cette illicéité peut résulter aussi bien de l’absence d’accord du propriétaire du support de l’œuvre, que de l’application des dispositions de l’article 322-1 du Code pénal, dès lors que l’œuvre a été réalisée sur une façade, un véhicule, la voie publique, ou bien du mobilier urbain.

Plus récemment encore, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 11 juillet 2017 fait primer le droit pénal sur les droits d’auteurs pour condamner l’artiste Azyle du chef de délit de dégradation sur le métro parisien.

Mise en pratique : En conclusion et en l’état actuel des choses, dès lors que le propriétaire immobilier n’a pas donné son accord préalablement, ce dernier aura la possibilité de recouvrir l’œuvre ou de la détruire sans risque d’être condamné pour avoir intenté aux droits attachés à une œuvre de Street Art.

 

Par Johann Petitfils-Lamuria, Avocat senior

Amiante et réparation du préjudice d’anxiété des salariés

 

Principe antérieur : Seuls les salariés qui avaient travaillé dans l’un des établissements dont les locaux contenaient des poussières d’amiante et mentionnés à ce titre, à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et sur une liste dressée par arrêté ministériel, c’est-à-dire ceux pouvant bénéficier d’un dispositif de pré-retraite amiante, pouvaient solliciter la réparation de le préjudice d’anxiété.

Revirement de jurisprudence : Par arrêt en date du 5 avril 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a retenu que désormais, même s’il n’a pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, tout salarié exposé à l’amiante et présentant, de ce fait, un risque élevé de développer une maladie grave peut agir contre son employeur sur le fondement d’un manquement à l’obligation de sécurité en vue d’obtenir la réparation du préjudice d’anxiété, tenant à l’inquiétude permanente de déclarer une maladie liée à l’amiante.

 

Portée de l’arrêt : L’assemblée plénière ouvre droit à une réparation d’un préjudice d’anxiété à tous les salariés exposés à l’amiante.

Cependant, conformément aux règles de responsabilité de droit commun, le salarié devra établir la réalité de son préjudice d’anxiété, l’exposition à l’amiante ne suffisant pas à elle-seule à en prouver l’existence.

L’employeur pourra s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir mis en œuvre les mesures et moyens de prévention, d’information, de formation et/ou d’organisation adaptés « au regard du risque connu ou qu’il aurait dû connaître » visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail (Soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444).

Reste que certaines interrogations demeurent sur les modalités d’appréciation :

  • du préjudice d’anxiété par hypothèse, subjectif, qui doit nécessairement être individualisé ;
  • de son lien avec l’activité professionnelle, problématique mieux connues des juridictions de sécurité sociale dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles, que des Conseils de prud’hommes ;
  • ou encore du point de départ du délai de prescription de l’action du salarié qui auparavant courait à compter de l’inscription de l’établissement au sein duquel il travaillait sur la liste réglementaire.

 

En pratique : Ainsi, en cas de contentieux, dès lors que la responsabilité de l’employeur serait engagée au titre d’un manquement à son obligation de sécurité, trois points pourront utilement être débattus :

  • le cas échéant, le point de départ et la durée de prescription de l’action du salarié, étant précisé qu’initialement fixée à 30 ans, cette dernière a connu des réductions successives par les lois n°2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013, dont les conditions d’application aux prescriptions en cours font l’objet de mesures transitoires ;
  • la preuve de l’existence d’un préjudice personnellement subi par le salarié résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • le quantum de l’indemnisation du préjudice dès lors que le juge considèrerait celui-ci comme étant démontré.

 

Par Marjorie Fredin, Avocate senior référent