Extension de la jurisprudence Czabaj aux contentieux des autorisations d’urbanisme

Par cette décision, le Conseil d’Etat étend de nouveau la portée de la jurisprudence Czabaj (CE, 13 Juillet 2016, n°387763) aux recours formés à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme.

En effet, après avoir étendu le principe selon lequel une décision administrative individuelle créatrice de droit ne peut plus être contestée « indéfiniment » mais uniquement dans le délai d’un an après notification de cette dernière, au contentieux indemnitaire, la Haute juridiction vient appliquer cette décision au contentieux de l’urbanisme.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat considère qu’au nom du principe de sécurité juridique, « qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps », il doit être « fait obstacle à ce que puissent être contestés indéfiniment par les tiers un permis de construire, une décision de non-opposition à une déclaration préalable, un permis d’aménager ou un permis de démolir ».

Par cet arrêt, il est précisé que dans le cas où l’affichage de l’autorisation d’urbanisme, bien que conforme aux prescriptions de l’articles R. 424-15 du Code de l’urbanisme, n’aurait pas fait courir le délai de recours de deux mois faute d’avoir porté mention dudit délai sur le panneau, le recours doit être impérativement présenté dans un délai raisonnable qui court à compter du premier jour de la période continue de deux mois d’affichage sur le terrain. Ce délai raisonnable ne peut, désormais, au sens de la jurisprudence Czabaj excéder un an.

Annulation de trois marchés de conception-réalisation portant sur la construction de collèges

CAA Nantes, 9 novembre 2018, Conseil régional de l’ordre des architectes des Pays-de-la-Loire, req. n° 17NT01602 
CAA Nantes, 9 novembre 2018, Conseil régional de l’ordre des architectes des Pays-de-la-Loire, req. n° 17NT01606

 

Par trois arrêts en date du 9 novembre 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé trois marchés de conception-réalisation, portant chacun sur la construction d’un collège, conclus par le département de Loire Atlantique sous l’empire du Code des marchés publics.

La Cour a tout d’abord souligné que « la passation d’un marché de conception-réalisation, qui modifie les conditions d’exercice de la mission de maître d’œuvre, en principe distincte de celle d’entrepreneur, ne peut avoir lieu que dans des circonstances particulières d’interprétation stricte » ; circonstances listées à l’article 37 du Code des marchés publics, et aujourd’hui à l’article 34 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, et qui tiennent à des motifs d’ordre technique ou à un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique qui rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage.

Et, dans les affaires dont elle était saisie, la Cour a considéré que ces circonstances particulières n’étaient pas satisfaites, et que le département ne pouvait pas légalement solliciter des marchés de conception-réalisation.

Plus précisément, la Cour a considéré que le choix du département d’un procédé de construction reposant sur la préfabrication des éléments à agencer pour permettre le caractère  » modulaire  » du projet, destiné notamment à favoriser le transfert éventuel de tout ou partie des bâtiments du collège vers d’autres sites, ou l’ajout de modules provenant d’autres collèges réalisés sur le même principe, n’exigeait pas « au regard tant des dimensions des modules ou des matériaux utilisés que des exigences acoustiques et thermiques posées par le maître d’ouvrage et des contraintes susceptibles d’en résulter, un mode de construction spécifique présentant des difficultés techniques particulières telles qu’elles auraient nécessité d’associer l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ».

Sur ce point, les décisions ne surprennent guère, tant la jurisprudence rendue en la matière témoigne de ce que le recours aux marchés de conception-réalisation est strictement encadré pour les pouvoirs adjudicateurs soumis aux dispositions de la loi MOP.

La Cour a par ailleurs jugé que l’objectif de performance énergétique supérieure de 10 % à la norme thermique RT 2012 invoqué par le département n’était pas, « au regard de la nature de la construction envisagée comme du procédé constructif retenu et des matériaux dont l’emploi était prévu », « une contrainte ou une complexité telle qu’elle exigeait d’associer nécessairement les opérateurs de maîtrise d’œuvre et les entreprises de construction dès le stade de l’établissement des études ».

Les décisions sont sans doute plus surprenantes de ce point de vue, puisqu’elles laissent à penser que la dérogation à la loi MOP qui tient à un « engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique » pourrait dans l’absolu être satisfaite pour des constructions neuves, alors que ce cas de recours au marché de conception-réalisation ne concerne en principe que les opérations de travaux sur bâtiments existants (Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics du 26 septembre 2014 ; voir également en ce sens Fiche de la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie Allotissement et contrats globaux, 27 octobre 2017 ; Réponse ministérielle n° 18837, 2 avril 2013, p. 3582 ; Rapport annuel 2011 de la Commission Consultative des Marchés Publics, p. 17).

Le sujet appartiendra toutefois prochainement au passé, puisque la loi ELAN a introduit dans la loi MOP un nouveau motif permettant à un maître d’ouvrage de déroger à la règle suivant laquelle la mission de maître d’œuvre est distincte de celle d’entrepreneur : lorsque « la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage » (article 69 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Le texte de l’ordonnance relative aux marchés publics n’a pas été adapté en conséquence, mais l’article L. 2171-2 du Code de la commande publique, qui entrera en vigueur le 1er avril prochain prend bien en compte cette évolution : « les acheteurs soumis aux dispositions du livre IV ne peuvent conclure un marché de conception-réalisation, quel qu’en soit le montant, que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ». Il demeure toutefois que, même dans cette hypothèse, il appartiendra toujours au pouvoir adjudicateur d’être en mesure de prouver que l’association de l’entrepreneur aux études est nécessaire. Et si, à ce jour, le niveau d’exigence que pourrait avoir un juge à cet égard n’est pas connu, il nous semble toutefois que, par analogie avec la jurisprudence rendue en matière de « motifs d’ordre technique », cette exigence sera entendue strictement.

Contestation de la validité du « barème MACRON »

Conseil de prud’hommes Troyes, 13 décembre 2018, RG 18/00989 
Conseil de prud’hommes Amiens, 19 décembre 2018, RG 18/00040,
Conseil de prud’hommes Lyon, 21 décembre 2018, RG 18/01238, 7 janvier 2019, n° 15/01398
Conseil de prud’hommes Grenoble, 18 janvier 2019, RG 18/00989 

 

Le « barème Macron » a-t-il encore de beaux jours devant lui ?

Ce questionnement peut se poser au regard de l’offensive menée par plusieurs Conseil de prud’hommes.

En effet, ces derniers mois, un mouvement de contestation est né reprochant au barème Macron d’être un obstacle à la réparation intégrale du préjudice du salarié.

C’est dans ce contexte que plusieurs Conseils de prud’hommes ont prononcé la non-conformité du « barème Macron » en s’appuyant sur les dispositions de :

  • l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail qui dispose que « si les organismes […] arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée».
  • l’article 24 de la Charte sociale européenne qui énonce pour sa part « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître […] le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée».

Le dernier jugement rendu en la matière par le CPH de Grenoble le 19 janvier 2019 fait, en outre, référence à une décision rendu par le Comité européen des droits sociaux (CEDS, 8 septembre 2016, n°106/2014, « Finish Society Social Rights c/Finlande) qui a censuré le barème d’indemnisation mis en place par la Finlande dans le cadre duquel le montant de l’indemnisation pouvant être octroyée en cas de licenciement abusif était plafonnée.

En résumé, la vigilance des employeurs doit être de mise car les Conseillers ne vont pas hésiter à écarter le barème Macron en rappelant qu’il n’est pas conforme aux textes et à la jurisprudence européens.

Un recours a été formé devant le Comité européen des droits sociaux pour se prononcer sur la validité du barème prud’homal applicable en France. Ce recours est actuellement en cours d’examen.

Affaire à suivre…

L’examen approfondi des motifs d’un arrêté de couvre-feu des mineurs opéré par le juge administratif

Annulation par le Conseil d’Etat de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait jugé légal l’arrêté municipal interdisant la circulation des mineurs de moins de 13 ans la nuit à Béziers. 

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Le maire de Béziers avait, par arrêté du 25 avril 2014, instauré un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans non accompagnés, entre 23h et 6h, les vendredi, samedi, dimanche et pendant les fêtes, entre 15 juin et le 15 septembre 2014, sur le territoire du centre-ville et des zones spéciales de sécurité. Il avait, par un arrêté du 7 juillet 2014, renforcé les sanctions à l’endroit des parents dont les enfants ne respectent pas les dispositions de l’arrêté du 25 avril.

Le Tribunal administratif de Montpellier avait prononcé un non-lieu sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du 25 avril et rejeté celles tendant à l’annulation de celui du 7 juillet. La Cour administrative de Marseille, saisie en appel, avait rejeté les conclusions du requérant, tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 juillet.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat, dans un arrêt en date du 6 juin 2018, a fait application de sa jurisprudence classique, en vertu de laquelle ce type d’arrêtés sont légaux, pris sur le fondement des pouvoirs de police administrative générale du maire et malgré l’existence de pouvoirs concurrents.

Les arrêtés doivent cependant remplir les conditions suivantes : ils visent à contribuer à la protection des mineurs et à prévenir les troubles à l’ordre public qu’ils seraient susceptibles de provoquer ; l’arrêté est justifié par des circonstances locales particulières ; la mesure est adaptée à l’objectif (protection des mineurs et prévention des troubles à l’ordre public) et proportionnée.

Cependant, la ville de Béziers avait précisé, dans l’exposé des motifs de l’arrêté contesté, que l’interdiction poursuivait à la fois l’objectif de protection des mineurs de moins de 13 ans contre les violences dont ils pourraient être victimes et l’objectif de préservation de l’ordre public en raison des délits que ces mêmes mineurs pourraient commettre.

Or, le Conseil d’Etat a relevé qu’aucune des pièces remises par la ville ne venaient étayer le fait que les actes de délinquances commis par ces mêmes mineurs auraient augmenté, sur les zones concernées, dans les 18 mois précédant la mise en œuvre de la mesure contestée. 

Par conséquent, le Conseil d’Etat a considéré que « dans ces conditions, en jugeant, sans que des éléments précis et circonstanciés de nature à étayer l’existence de risques particuliers relatifs aux mineurs de moins de 13 ans dans le centre ville de Béziers et dans le quartier de la Devèze ne soient soumis à son appréciation, que la mesure d’interdiction de circulation des mineurs de 13 ans contestée était justifiée par l’existence de risques particuliers et adaptée aux objectifs visés, la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’inexacte qualification juridique des faits ».

Ainsi, si le Conseil d’Etat a laissé la possibilité aux maires d’adopter de tels couvre-feux, il s’est décidé à opérer à une appréciation plus rigoureuse que par le passé des justifications fournies.

Ecarts de rémunération entre les femmes et les hommes : parution du décret d’application de la loi « avenir »

Pour les entreprises d’au moins 50 salariés, le dispositif légal en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes a été renforcé par la loi dite « Avenir » du 5 septembre 2018. Aux obligations déjà existantes s’ajoute l’obligation de publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions de mise en œuvre pour les supprimer au sein d’un index d’égalité salariale et de publier les résultats obtenus.

Le décret permettant l’application de ces dispositions a été publié le 8 janvier dernier. La méthodologie de calcul des indicateurs, les modalités et délais de publication, les conditions de fixation de la pénalité financière d’une entreprise défaillante et le seuil de mise en œuvre des mesures correctives sont publiés.

Concernant les indicateurs, ils sont au nombre de quatre ou de cinq selon la taille de l’entreprise et le premier est, à titre d’exemple, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents. A ces indicateurs sont attachés des résultats exprimés en pourcentages traduits selon un système de points. Pour le premier indicateur par exemple, un maximum de 40 points pourra être obtenu si l’écart de rémunération est égal à 0%.

Quel que soit la taille de l’entreprise, un minimum de 75 points devra être atteint pour ne pas être considérée comme défaillante. Selon le décret, un délai de 3 ans courant à compter de la publication des résultats est laissé aux entreprises pour se mettre en conformité et mettre en place des mesures correctives. A défaut et à l’issu des 3 ans, l’employeur pourra se voir appliquer une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale.

Concernant les modalités de publication, les résultats obtenus doivent être publiés annuellement, au plus tard le 1er mars de l’année en cours, au titre de l’année précédente. Un calendrier transitoire est prévu pour l’année 2019 : 1er mars 2019 pour les entreprises de 1.000 salariés et plus ; 1er septembre 2019 pour celles de 251 à 999 salariés ; 1er mars 2020 pour celles de 50 à 250 salariés.

Obligation de rémunérer les heures supplémentaires exigées par la charge de travail malgré l’opposition de l’employeur

En principe, seules les heures supplémentaires demandées par l’employeur, ou effectuées avec son accord même s’il est implicite, donnent lieu à majoration (Voir par exemple : Cass. soc., 23 janv. 2008, n° 06-43.919).

Ainsi, pour refuser de payer les heures supplémentaires, l’employeur doit prouver que le salarié a effectué des heures supplémentaires contre son avis (Cass. soc., 31 mars 1998, n° 96-41.878).

Cependant, la Cour de cassation avait nuancé ce principe en retenant que devaient être majorées les heures supplémentaires « imposées par la nature ou la quantité du travail demandé au salarié », ce dont il résultait un accord implicite de l’employeur à l’accomplissement de ces heures de travail (Cass. soc., 19 avr. 2000, n°98-41.071).

Dans deux affaires portant sur des prises d’actes de rupture de contrats de travail en raison notamment du non-paiement d’heures supplémentaires, cette solution a été réaffirmée par deux arrêts du 14 novembre 2018 publiés au bulletin de la Cour de cassation (n° 17-16.959 ; n° 17-20.659).

Dans la première espèce, le salarié avait signé un avenant à son contrat de travail aux termes duquel il s’engageait à demander l’aval préalable de l’employeur avant d’effectuer des heures supplémentaires.

Soutenant que l’intéressé n’avait pas respecté son obligation contractuelle en s’abstenant de solliciter une telle autorisation en amont, puis qu’il avait expressément refusé leur réalisation en mettant le salarié en demeure puis en le sanctionnant par un avertissement, l’employeur a refusé le paiement des heures supplémentaires litigieuses.

Toutefois, la Cour d’appel d’Orléans qui avait eu à connaître de ce litige, avait constaté que la charge de travail, qui avait donné lieu à la réalisation et au paiement d’heures supplémentaires pendant la période précédant la signature de l’avenant, s’était maintenue puis accrue après celle-ci.

Dans ces conditions, la Cour de cassation a retenu que « le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ».

Dans la seconde espèce, les juges du fond avaient refusé de condamner l’employeur au paiement des heures supplémentaires en relevant que celui-ci avait « indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés au salarié qu’il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l’objet d’un accord préalable avec le supérieur hiérarchique […] ».

Dans la lignée de sa jurisprudence, la Cour de cassation a censuré cette solution en jugeant « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, ainsi qu’il le lui était demandé, les heures de travail accomplies avaient été rendues nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Ainsi, il résulte de la jurisprudence que l’employeur, même en cas d’opposition à leur réalisation, est tenu de payer les heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

L’employeur qui ne souhaite pas que le salarié effectue des heures supplémentaires doit donc non seulement lui faire part de son refus exprès sur ce point, mais également être en mesure de démontrer en cas de contentieux, qu’il a effectivement contrôlé la charge de travail de l’intéressé et a procédé régulièrement à des adaptations ne rendant pas nécessaire l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Achats de prestations innovantes dont la valeur est inférieure à 100.000 € HT

Arrêté du 26 décembre 2018 relatif à la déclaration des achats innovants prévue par l’article 2 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique

 

Il est rare qu’un texte relatif à la commande publique donne lieu à des commentaires dans la presse satirique (Le Canard Enchainé, 16 janvier 2019). Pris sur le fondement du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018, portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique, l’arrêté du 26 décembre 2018, relatif à la déclaration des achats innovants prévue par l’article 2 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique, permet aux acheteurs publics, « à titre expérimental, pour une période de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du présent décret » de « passer un marché public, y compris un marché public de défense ou de sécurité, négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants », et ce pour tout « besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100.000 euros hors taxes ».

Bien que d’application immédiate, la possibilité de passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants est encadrée et, surtout, devra donner lieu à des mesures d’information, conduisant à relativiser les doutes de certains quant à une « opacité ».

En effet, d’une part, la notion de travaux, fournitures ou services innovants, qui n’est pas nouvelle, est définie de manière restrictive dans les différents textes :

  • L’article 25-2 du décret « marchés publics » (décret n° 2016-360 du 25 mars 2016) les définit comme « les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés. Le caractère innovant peut consister dans la mise en œuvre de nouveaux procédés de production ou de construction, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise » ;
  • La notion de service amélioré se comprend à la lecture de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 dont le considération 49 indique « Lorsque le besoin de développer un produit, un service ou des travaux innovants et d’acquérir ultérieurement des fournitures, services ou travaux qui en résultent, ne peut être satisfait par des solutions déjà disponibles sur le marché, les pouvoirs adjudicateurs devraient avoir accès à une procédure spécifique de passation de marché pour les marchés relevant du champ d’application de la présente directive. »
  • D’ailleurs, l’article 1er du décret précise : « Lorsqu’ils font usage de cette faculté, les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin » (on peut penser que, la possibilité de conclure de tels marchés publics étant limitée à trois ans à compter du 26 décembre 2018, il est peu probable qu’un acheteur public puisse de conclure de manière successive de nombreux marchés publics avec le même opérateur économique).

D’autre part, l’acheteur public qui souhaitera conclure un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables sur le fondement du décret et de l’arrêté précités devra respecter les obligations d’information et de transparence suivantes :

  • L’article 2 du décret prévoit que « Les acheteurs qui concluent un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables sur le fondement de l’article 1er en font la déclaration auprès de l’Observatoire économique de la commande publique selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie » ;
  • L’article 1er de l’arrêté précise : « l’acheteur appose la mention « procédure expérimentale innovation » dans la rubrique « Commentaires » du modèle annexé à l’arrêté du 21 juillet 2011 relatif au recensement économique de l’achat public ».

Au total, les conditions de forme et de fond de recours aux marchés publics négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants n’ouvrent pas de manière très large le recours à ce type de marché public sous le seuil de 100.000 € HT, les acheteurs publics devant démontrer le caractère « amélioré » des prestations concernées sa plateforme par rapport par des solutions déjà disponibles sur le marché et respecter les obligations d’information et de transparence.

Les associations syndicales libres (ASL) sont tenues de respecter les dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 2004 afin de retrouver leur droit d’agir en justice, lorsqu’elles mettent leurs statuts en conformité

La Cour de cassation devait se prononcer le 13 septembre 2018, sur le point de savoir si lors de la mise en conformité des statuts d’une ASL au regard de l’ordonnance du 1er juillet 2004, le non-respect d’une disposition (article 9) de cette ordonnance constitue un obstacle à son droit d’agir en justice.

 En l’espèce, une société a fait édifier un ensemble immobilier et pour en administrer les parties communes, une association syndicale libre (ASL) est constituée. Se plaignant de désordres affectant les travaux réalisés, la société et l’ASL assignent les constructeurs en indemnisation de leurs préjudices.

La cour d’appel annule tous les actes de procédure faits à la requête de l’ASL à compter de l’assignation, au motif qu’à défaut d’adoption de statuts conformes à la nouvelle réglementation, l’ASL n’avait pas recouvré son droit d’agir en justice.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société et l’ASL.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’il appartient bien au juge judiciaire de vérifier la mise en conformité effective des statuts de l’ASL avec l’’ordonnance du 1er juillet 2004 conditionnant le recouvrement de son droit d’agir en justice.

 Le simple récépissé de dépôt en préfecture de statuts modificatifs ne peut pas être considéré, comme il était soutenu dans cette affaire, comme un gage de mise en conformité dès lors que les statuts sont déposés sans aucune vérification de leur régularité.

La Cour de cassation confirme dans un second temps, que l’adoption de statuts non conformes à l’ordonnance du 1er juillet 2004 en ce qu’ils confient à un directeur, et non au syndicat composé de membres élus parmi les copropriétaires, le pouvoir d’administration de l’ASL, ne lui permet pas de retrouver son droit d’agir en justice.

En conséquence, les statuts d’une ASL qui confient le pouvoir d’administration à un « directeur » et non au syndicat composé de membres élus parmi les propriétaires ne sont pas conformes à l’ordonnance du 1er juillet 2004 (article 9) et ne lui permettent pas de retrouver son droit d’agir en justice.

Attention plus que quelques jours pour procéder à l’immatriculation des copropriétés de moins de 50 lots au registre national des copropriétés

En raison de dysfonctionnements survenus sur le site internet du registre des copropriétés, la date limite d’enregistrement des copropriétés de moins de 50 lots au registre national, initialement fixée au 31 décembre 2018, a été reportée au 31 janvier 2019.

La loi ALUR du 24 mars 2014 a instauré un registre national d’immatriculation des copropriétés pour faciliter la connaissance sur l’état des copropriétés et la mise en œuvre des mesures destinées à prévenir les dysfonctionnements.

A ce titre les nouvelles copropriétés, depuis le 1er janvier 2017, comme celles créées après la vente sur plan de logements ou la vente par un propriétaire unique d’au moins un logement, doivent être immatriculées au fur et à mesure de la publication de leur règlement de copropriété et de leur état descriptif de division au fichier immobilier (ou au livre foncier).

Cette immatriculation qui a pour objectif de faciliter la connaissance de l’état des copropriétés et de mieux prévenir d’éventuels dysfonctionnements s’effectue en ligne auprès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Elle est en général réalisée par le syndic (professionnel ou bénévole) assurant la gestion de la copropriété.

Néanmoins, les notaires peuvent aussi procéder à cette immatriculation pour les copropriétés nouvellement créées ou encore en cas de vente d’un lot.

Les informations à fournir lors de cette immatriculation portent sur :

  • l’identité de la copropriété (adresse, nombre de lots, nom et statut du syndic…) ;
  • ses finances (montant du budget prévisionnel, provisions pour travaux…) ;
  • son bâti (période de construction, nombre d’ascenseurs, type de chauffage…) ;
  • d’éventuelles difficultés au sein de la copropriété (procédures administratives ou judiciaires).

Une fois l’immatriculation initiale réalisée, chaque année, les informations financières du registre doivent être actualisées, au plus tard deux mois après l’assemblée générale qui approuve les comptes de l’année précédente.

Il est également nécessaire de mettre à jour d’autres informations, comme par exemple l’étiquette énergétique du ou des immeubles de la copropriété à la suite d’un audit énergétique.

A défaut d’immatriculation ou d’actualisation annuelle des données :

  • Le syndic peut être mis en demeure par l’Anah, un copropriétaire ou toute personne intéressée. Passé un délai d’un mois suivant l’envoi d’une mise en demeure restée sans effet, le syndic s’expose également à une sanction financière plafonnée à 20 euros par lot et par semaine.
  • La copropriété ne pourra pas bénéficier de subventions de l’État, de ses établissements publics ou de collectivités territoriales.

La demande de désignation d’un administrateur provisoire en cas de copropriété dépourvue de syndic, sur le fondement de l’article 47 du décret du 17 mars 1967 peut-être présentée par anticipation si à la date de sa prise de fonction le mandat de syndic a expiré

Le 20 décembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si un administrateur provisoire pouvait être désigné, par anticipation, sur le fondement de l’article 47 du décret du 17 mars 1967, avant l’expiration du mandat de syndic.

En l’espèce, une SCI, propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, avait sollicité la rétractation de l’ordonnance rendue sur requête du syndicat des copropriétaires et d’un copropriétaire, désignant une société en qualité d’administrateur provisoire.

La SCI faisait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande.

Elle n’obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême qui énonce qu’un administrateur provisoire ne peut être désigné sur le fondement de l’article 47 du décret du 17 mars 1967 que si aucun mandat de syndic n’est plus en cours.

Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la Haute juridiction approuve alors la décision des juges d’appel qui avaient relevé que, le 24 mars 2016, le syndicat des copropriétaires, ainsi qu’un copropriétaire, avaient, en raison du risque d’absence de syndic après le 31 mars 2016, sollicité la désignation d’une société en qualité d’administrateur provisoire à compter de l’expiration du mandat en cours et que, le 31 mars 2016, le président du Tribunal de grande instance avait accueilli la demande ;

Selon la Cour suprême, il en résultait que le mandat du syndic avait expiré lors de la prise de fonction de l’administrateur provisoire.

C’est ainsi qu’une requête en désignation d’un administrateur provisoire peut être déposée avant l’expiration du mandat de syndic dès lors qu’à la date de prise de fonction de l’administrateur provisoire le mandat de syndic a expiré.

Les loyers binaires et le recours au juge de la fixation des loyers lors du renouvellement du bail commercial

Dans le cadre de son arrêt du 29 novembre 2018, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a de nouveau confirmé sa position sur la problématique des loyers binaires pratiqués dans les centres commerciaux, s’inscrivant ainsi dans le même raisonnement juridique que sa précédente décision du 3 novembre 2016.

Les loyers binaires pratiqués dans les centres commerciaux impliquent une dualité de critères basé à la fois sur un loyer minimum garanti et un loyer complémentaire calculé sur le chiffre d’affaires réalisé par le preneur qui s’applique lorsque son montant dépasse le loyer contractuellement prévu.

Ce système permet à la fois une forme d’intéressement du bailleur à la réalisation du chiffre d’affaires de son locataire tout en lui garantissant la perception d’un loyer minimum fixé contractuellement.

En pratique et dans la grande majorité des cas, ce loyer minimum garanti est si élevé que le seuil de déclenchement du loyer complémentaire n’est jamais ou très rarement atteint. 

Face à ce constat, les bailleurs ont pris l’habitude d’intégrer une clause attribuant au juge des loyers le pouvoir de fixer le montant du loyer minimum à la valeur locative du local, si les conditions imposées par le statut sont réunies.

Il s’opère ainsi une revalorisation du loyer minimum sur les mêmes bases que le loyer pratiqué et issu du statut des baux commerciaux alors que, par nature, les loyers statutaires ne contiennent aucun loyer complémentaire calculé sur base du chiffre d’affaires réalisé.

Plusieurs décisions ont été rendues à ce sujet et un débat judiciaire s’est alors mis en place entre les juridictions du fond et la Haute Juridiction.

A ce sujet, la première décision rendue fut celle du « Théâtre Saint-Georges » du 10 mars 1993, par laquelle la Cour de cassation a permis aux bailleurs la pratique de ces clauses au détriment du régime statutaire des baux commerciaux.

Il a été décidé à ce moment-là que la fixation du loyer renouvelé d’un bail à loyer variable doit échapper aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 pour n’être régie que par la convention des parties (Cass. Civ., 3ème, 10 mars 1993, n° 91-13.418, D. 1994).

Une nouvelle position jurisprudentielle a amené certains bailleurs à prévoir des clauses expresses permettant l’intervention du juge pour la partie fixe mais certaines cours d’appel ont refusé l’application de ces clauses considérant que l’article L. 145-33 du Code de commerce ne pouvait s’appliquer à une partie du loyer seulement.

La Cour de cassation est donc intervenue le 3 novembre 2016 pour trancher, et par là même préciser, que le recours au loyer binaire n’interdit pas, quand cela est prévu par le contrat, le recours au juge des loyers commerciaux.

Il est précisé que, dans ce cas, le juge statue selon les critères de l’article L. 145-33 du Code de commerce, sans omettre cependant de prendre en considération l’obligation contractuelle du preneur de verser, outre le loyer minimum garanti, la part variable, dont il découle nécessairement un abattement sur le montant dû.

Cependant, la Cour d’appel de Versailles a récemment décidé, dans une décision du 19 septembre 2017, qu’en présence d’un loyer binaire, la clause qui prévoit le recours au juge des loyers doit être déclarée nulle et de nul effet (CA Versailles, 19 septembre 2017, n° 16/03805).

Dans son arrêt du 29 novembre 2018, la Cour de Cassation a censuré cette interprétation et a réaffirmé sa jurisprudence du 3 novembre 2016 considérant ainsi que le recours au loyer binaire n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, la valeur locative déterminant le minimum de loyer garanti.

 

Bail commercial : clause d’adhésion obligatoire et liberté d’association

La clause qui entrave la liberté du preneur de ne pas adhérer à une association ou de s’en retirer en tout temps, est entachée de nullité absolue.

La nullité des clauses par lesquelles un bailleur commercial oblige son preneur à adhérer à une association ne fait désormais plus débat. Cette solution est établie depuis un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 12 juin 2003 (Cass. Civ., 3ème, 12 juin 2003). Dans cette décision, la Cour de Cassation avait souligné la nullité absolue d’une telle clause sur le terrain des droits fondamentaux.

La jurisprudence a depuis confirmé sa position à maintes reprises (Cass. Civ., 3ème, 20 mai 2010, n° 09-65.045) ainsi que les conséquences de cette nullité aboutissant nécessairement à des restitutions réciproques (Cass. Civ., 3ème, 23 novembre 2002,  n° 10-23.928).

L’association est ainsi tenue de restituer le montant des cotisations perçues. Le preneur, quant à lui, doit rembourser la valeur des services dont il a bénéficié. Sur ce point, les juges du fonds disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour évaluer la valeur à restituer au titre des prestations exécutées par l’association. Cette liberté les conduit parfois à ne pas évaluer le montant réel de ces prestations mais à retenir celui des cotisations versées (Cass. Civ., 1ère , 12 juillet 2012, n°11-17.587).

Si une telle solution s’entend parfaitement sur un plan strictement juridique, elle soulève toutefois une difficulté sur le plan pratique car elle aboutit à considérer que le contrat annulé est en réalité exécuté puisque la compensation entre ces sommes n’appelle finalement aucune restitution.

En l’espèce, un preneur à bail commercial a adhéré à une association en application d’une clause de son contrat lui en faisant obligation. Le local, objet du bail, dépendait d’un centre commercial. Le bailleur entendait donc faire supporter les frais de promotion et d’animation du centre à l’association des commerçants constituée à cette fin et à laquelle le preneur était tenu d’adhérer. Le preneur avait finalement cessé de régler ses cotisations. L’association l’a alors assigné en paiement. En réponse, le preneur a opposé la nullité de la clause d’adhésion. Les juges du fond ont fait droit à sa demande. L’association a donc formé un pourvoi en arguant du fait que la clause n’était pas une clause d’adhésion forcée mais un engagement à participer aux dépenses engagées pour l’animation du centre, y compris en cas de retrait de l’association.

La Cour n’a pas suivi une telle analyse et a ainsi rejeté le pourvoi en énonçant que les juges du fond avaient souverainement interprété la clause comme une entrave à la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s’en retirer en tout temps.

La recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile d’une personne morale à but lucratif

Aux termes des dispositions de l’article 85 du Code de procédure pénale, il ressort que « lorsque la plainte avec constitution de partie civile est formée par une personne morale à but lucratif, elle n’est recevable qu’à condition que la personne morale justifie de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat ».

Au cas d’espèce, une personne morale à but lucratif s’était constituée partie civile en portant plainte devant le juge d’instruction, et avait omis, à cette occasion, de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat. En réponse, le magistrat instructeur l’ordonnance avait rendu une ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile, sanctionnant de fait cette carence.

Saisie d’un appel à l’encontre de cette décision, la Chambre de l’instruction confirmait l’ordonnance entreprise et énonçait que la loi impose pour tout formalisme à la présentation, par une personne morale à but lucratif, d’une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction, la justification de ses ressources par la production de son bilan et de son compte de résultat, ces éléments étant indispensables pour permettre au magistrat de fixer le montant de la consignation ; elle ajoutait que la société ne pouvait s’exonérer de la jonction des documents comptables exigés expressément à peine d’irrecevabilité de sa plainte avec constitution de partie civile et qu’elle n’était plus recevable à le faire dans le cadre de son recours.

Au visa de l’article 85 précité, la Cour de cassation énonce que « la personne morale à but lucratif qui, s’étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d’instruction, a omis de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l’instruction au soutien de son appel de l’ordonnance du magistrat instructeur ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable ».

La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance : d’une administration qui contrôle à une administration qui accompagne ?

La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 Pour un Etat au service d’une société de confiance (dite « loi ESSOC ») comporte de nombreuses mesures telles que la généralisation du droit à l’erreur pour les administrés, l’introduction du principe « dites-le nous une fois » ou d’un référent unique par administration.

Prises individuellement, elles semblent comme autant de mesures visant à faciliter les relations entre les administrations et leurs usagers. Prises ensembles, elles semblent amorcer un déplacement du rôle de l’administration, privilégiant une logique d’accompagnement à la mise en conformité au lieu d’une logique de contrôle et de sanction. 

L’inflation normative est perçue, souvent à juste titre, comme un frein à l’activité économique, à l’efficacité des politiques publiques, ou une source d’insécurité juridique. Il est en tous cas indéniable qu’elle complexifie considérablement les relations entre l’administration et les entreprises ou particuliers.

La présente loi ne vise pas à déblayer ce maquis administratif comme le faisaient jadis les imposantes loi de simplification, mais à recentrer le rôle de l’administration autour d’une mission d’accompagnement à la mise en conformité. Revue des principales mesures de la loi.

Le droit à l’erreur et au contrôle.

La consécration du droit à l’erreur constitue en ce sens l’une des réponses de l’administration à l’inflation normative. Si l’on s’en réfère à l’étude d’impact du projet de loi, « la confiance qu’accordent les usagers à leurs services publics passe désormais par une transformation du rapport à l’usager, qui doit être davantage conseillé et accompagné dans ses démarches et moins systématiquement sanctionné lorsqu’il commet des erreurs réparables » (Etude d’impact, Projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance, 27 novembre 2017, NOR : CPAX1730519L/Bleue-2, p. 20). S’il existait déjà, de façon éparse, un certain nombre de dispositifs facilitant les relations entre public et administration, notamment dans le domaine fiscal ou en matière de sécurité sociale, la présente loi généralise le droit à l’erreur des usagers dans leurs relations avec les administrations.

Elle introduit un nouveau chapitre au sein du Code des relations entre le public et l’administration (ci-après « CRPA »), intitulé « droit à la régularisation en cas d’erreur » et comprenant deux nouveaux articles, L. 123-1 et L. 123-2. Dans les faits, la personne ne pourra pas être sanctionnée si elle a méconnu une règle applicable à sa situation ou si elle a commis une erreur matérielle à l’occasion du renseignement de sa situation dès lors que l’erreur est commise pour la première fois, que la personne est de bonne foi, qu’elle  régularise la situation d’elle-même ou à la demande de l’administration dans le délai demandé. Précisons enfin, signe supplémentaire de bonne volonté du législateur, que la charge de la preuve de la mauvaise foi de la personne est supportée par l’administration en cas de contestation.

Seule ombre à ce beau tableau, le droit à l’erreur ne s’applique pas à quatre types de sanctions : celles requises pour la mise en œuvre du droit de l’UE ; celles prononcées en cas de manquement à une règle visant à préserver la santé publique, la sécurité et l’environnement ; celles prévues par un contrat ; celles prononcées par les autorités de contrôle.

Ce dispositif est complété par l’introduction d’un nouveau droit au contrôle aux articles L. 124-1 et L. 124-2 du CRPA. L’objectif est de transformer le contrôle en un outil d’accompagnement à la mise en conformité : l’usager pourra, à sa demande, faire valider ses pratiques ou être accompagné dans leur correction. Les préconisations soulevées par l’administration à cette occasion lui seront opposables mais les manquements soulevés à cette occasion ne donneront plus lieu à sanction. Pris ensemble, le droit à l’erreur et le droit au contrôle doivent, selon le gouvernement, « réorienter la vocation du contrôle vers le conseil et l’accompagnement des administrés ».

« Dites-le nous une fois » : un principe enfin effectif ?  

L’idée est simple, mais elle n’est pas neuve : il s’agit de ne plus avoir à fournir à l’administration un document qui lui a déjà été communiqué si la situation de l’administré n’a pas évolué. Le principe du « dites-le nous une fois » avait déjà été intégré aux articles L. 113-12 et L.. 113-13 du CRPA par la loi du 12 avril 2000, puis étendu aux particuliers par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

La présente loi a apporté plusieurs modifications au principe, en supprimant l’obligation qui pesait sur la personne demandant les informations d’indiquer à l’administration le lieu et la période de production du document, et en limitant les possibilités laissées à l’administration de se soustraire au régime. Désormais, elles devront pour cela justifier d’une impossibilité technique ou d’une raison liée à la nature des données transmises.

Ce type de disposition est cependant susceptible d’entrer en contradiction avec la logique du Règlement général sur la protection des données (« RGPD ») qui vise, notamment, à restreindre au maximum le nombre de destinataires d’une donnée personnelle.

Le rescrit administratif.

Le rescrit est défini par le Conseil d’Etat comme une « prise de position formelle de l’administration sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement » (Conseil d’Etat, étude Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets, 14 novembre 2013). Il vise à renforcer la sécurité juridique des usagers dans certains domaines (certaines procédures fiscales, domaine de la sécurité sociale, code des douanes, plus récemment dans l’occupation du domaine public, certains aspect du droit du travail, etc.).

L’outil ne cessant de se développer, le législateur a profité de cette loi pour en généraliser l’application et en harmoniser la mise en œuvre. D’une part, il l’étend à de nouvelles procédures, du Code de l’urbanisme, du Code de l’environnement, du Code du patrimoine, du Code du travail, du Code de commerce, du Code de la consommation. D’autre part, il prévoit que, dans les cas où le demandeur peut joindre à sa demande un projet de prise de position, l’administration est tenue de lui apporter une réponse dans les trois mois, faute de quoi le projet de l’administré est réputé approuvé. 

En cohérence, la loi inscrit au CRPA le principe d’opposabilité des instructions ministérielles et des circulaires, prévoyant que « toute personne peut se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée »(article L. 312-3 du CRPA). Seules exceptions à ce principe : s’agissant des domaines de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement, il ne peut être fait obstacle à des dispositions d’ordre réglementaire ou législatif.

Des référents uniques au sein des services publics.

Dès lors qu’il doit entrer en relation avec des personnes publiques, l’usager ou administré rencontre une multitude d’interlocuteurs différents, nuisant parfois à l’efficacité des dispositifs et source de perte de temps. 

Le référent unique créé par l’article 29 de la présente loi vise, dès lors, à constituer une seule interface par administration à destination de l’usager dans sa relation à l’administration et aux services publics. Compte tenu des modifications qu’implique la mise en œuvre de cette mesure, le législateur a préféré en faire une expérimentation, pour une durée de quatre ans.

La délivrance de certificats d’information.

Considérant que le grand nombre de normes de toutes natures peut être « source de complexité et d’insécurité juridique », le gouvernement a entendu créer un « droit nouveau », consistant pour l’administration « à indiquer l’ensemble des normes régissant spécifiquement une activité à un instant donné ».

Ce dispositif est intégré à l’article L. 114-11 du CRPA et s’applique à tous les usagers, qui peuvent obtenir, « préalablement à l’exercice de certaines activités, une information sur l’existence et le contenu des règles régissant cette activité ». Concrètement, l’administration doit alors, sous peine d’engager sa responsabilité, délivrer le certificat d’information portant sur les règles qu’elle applique.

En revanche, le destinataire du certificat ne pourra l’opposer à l’administration pour justifier de l’inapplication d’une règle. Le dispositif présente ainsi l’équilibre suivant : l’administration répond aux demandes avec sérieux car sa responsabilité peut être engagée ; mais l’applicabilité des normes en question ne dépend pas de la célérité des administrations à les mentionner dans le certificat.

Une définition amendée de la notion de représentant d’intérêt.

Cette mesure n’est pas dans le cœur du sujet présentement développé (l’opposition avait dénoncé un cavalier législatif), pour autant, elle est ici présentée car elle est intégrée à la loi et concerne directement les élus locaux.

Jusqu’à présent, les associations cultuelles étaient exclues de la liste des représentants d’intérêts uniquement « dans le cadre de leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes »(article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique). La loi ici commentée supprime cette dernière mention, excluant de ce fait l’ensemble des associations cultuelles de la liste des représentants d’intérêts.

Les représentants des associations cultuelles ne seront ainsi plus tenus au respect des obligations de déontologie et de transparence les obligeant, par exemple, à rendre public un certain nombre d’informations relatives à leurs activités de représentation d’intérêts. Cette mesure, qui peut sembler regrettable, avait suscité d’importants débats lors de son examen au parlement.

Par Thomas Chevandier

Principes fondamentaux du droit des données à caractère personnel

Le cadre législatif relatif au droit des données à caractère personnel trouve son origine dans la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978 (loi n° 78-17). Cette loi a posé les règles fondamentales en matière d’utilisation des données à caractère personnel et a été réformée à plusieurs reprises.

Cette législation a connu une profonde transformation avec l’arrivée du règlement général sur la protection des données (ci-après « RGPD ») adopté le 27 avril 2016 et entré en vigueur le 25 mai 2018.

Le droit des données à caractère personnel repose sur deux concepts (I) qu’il faut nécessairement appréhender pour comprendre les cinq principes issus de la loi informatique et libertés (II) alors que le règlement européen a apporté plusieurs modifications substantielles (III).

1 – Un cadre législatif reposant sur deux concepts

Le droit des données à caractère personnel repose sur deux concepts centraux :

  • la donnée à caractère personnel (ci-après « DCP ») ;
  • le traitement de données à caractère personnel.

La loi ne trouvera à s’appliquer que lorsque ces deux concepts seront réunis.

D’un côté, la donnée à caractère personnel correspond à toute information relative à une personne physique susceptible d’être identifiée, directement ou indirectement. Dans ce cadre, n’importe quel nom, prénom, photographie, empreinte, courriel, adresse postale, numéro de téléphone, matricule interne, numéro de sécurité sociale, adresse IP, identifiant de connexion informatique, enregistrement vocal sont des données à caractère personnel.

Par ailleurs, le droit des données à caractère personnel n’est pas concerné par la dichotomie entre informations confidentielles ou publiques ; une donnée à caractère personnel ne perdra jamais ses caractéristiques du seul fait qu’elle soit utilisée dans le cadre d’un traitement dissimulé ou occulte.

De l’autre côté, le traitement correspond à toute utilisation qui pourrait être faite de ces données à caractère personnel. En effet, toute opération ou ensemble d’opérations portant sur de telles données seront un traitement.

Ici, tous les procédés sont pris en compte. Il peut s’agir d’une action de collecte, d’enregistrement, d’organisation, de conservation, d’adaptation, de modification, d’extraction, de consultation, d’utilisation, de communication par transmission ou toute autre forme de mise à disposition, de rapprochement ou d’interconnexion, de verrouillage, d’effacement ou de destruction de données à caractère personnel.

2 – Les cinq principes cardinaux du cadre législatif

Le rappel des cinq principes cardinaux du droit des données à caractère personnel

 

Tous ces principes doivent être pris en compte au moment du traitement de données à caractère personnel.

 

A – La finalité du traitement

Le concept de finalité correspond au but précis que le traitement doit atteindre.

Par exemple, dans le cadre d’un traitement dédié à la gestion des contentieux au sein des organismes publics, la finalité de ce traitement serait : la préparation, l’exercice et le suivi d’une action disciplinaire ou d’un recours en justice et, le cas échéant, exécution de la décision rendue.

Définition et conséquences de la finalité

 

La finalité est le principe fondamental du droit des données à caractère personnel.

 

B – La proportionnalité du traitement

Le principe de la proportionnalité du traitement suppose que les données à caractère personnel qui ont été collectées sont bien en adéquation avec la finalité du traitement.

La proportionnalité est le lien permanent entre collecte et finalité. Une collecte sans finalité ou une finalité sans collecte sont strictement interdits.

Le cycle complet de questionnement pour déterminer si le traitement envisagé sera bien proportionnel

 

 C – La durée de conservation des données collectées

L’un des principes les plus importants du cadre législatif en matière de données à caractère personnel, et ce dès 1978, est la prohibition générale de conservation illimitées de données à caractère personnel. La durée de la collecte de données dépend des finalités et de son caractère attentatoire ou non à la vie privée des personnes.

Par exemple, les données bancaires nécessaires à un paiement ne pourront pas être gardées au-delà de la transaction qui a été effectuée. A l’inverse, les données relatives à la gestion de la paie pourront être conservées durant cinq ans et celles figurant dans un dossier médical jusqu’à dix ans après la fin du dommage.

Une fois l’objectif du traitement atteint et la durée échue, ces données doivent :

  • être archivées (archives intermédiaires puis définitives) ;
  • ou supprimées ;
  • ou anonymisées (aux seules fins de produire des statistiques ultérieurement).

 

D – La sécurité des données personnelles

La sécurité des données à caractère personnel a été pensée dès l’origine comme un élément fondamental permettant de protéger la vie privée des personnes dont les données sont collectées. Celle-ci s’entend comme l’ensemble les pratiques personnelles et des procédés techniques permettant la non divulgation des informations contenues dans les données.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après « CNIL ») a toujours accordé une très grande importance à la protection des données à caractère personnel et le manquement à ce principe est la principale source de sanctions CNIL.

Le cheminement permettant d’assurer la sécurité d’après le guide CNIL de 2018

 

E – Le droit des usagers

Lors de la mise en œuvre d’une collecte de données à caractère personnel, il est fait obligation à l’organisme collectant des données d’informer les individus concernés par cette collecte. Ces mentions d’information permettent aux individus de comprendre la raison et les finalités de la collecte tout en leur permettant d’exercer leurs droits.

Les six différents droits des personnes dont les données sont traitées

 

Il existe six droits en matière de données à caractère personnel qui sont les suivants :

  • droit d’accès : permet à la personne dont les données sont collectées d’avoir accès aux données détenues sur lui ;
  • droit de rectification : permet à la personne dont les données sont collectées de faire corriger des données inexactes ou incomplètes ;
  • droit d’opposition : permet à la personne dont les données sont collectées de s’opposer à la poursuite du traitement le concernant ;
  • droit à l’effacement : permet à la personne dont les données sont collectées de demander l’effacement de celles-ci sous conditions (données utilisées à des fins commerciales, non nécessaires au traitement, consentement retiré, traitement illicite par exemple) ;
  • droit à la portabilité de leurs données (ajouté par le RGPD) : ce droit offre aux personnes la possibilité de récupérer une partie de leurs données dans un format ouvert et lisible par machine pour pouvoir les stocker ou les transmettre facilement d’un système d’information à un autre, en vue de leur réutilisation à des fins personnelles ;
  • droit à la limitation du traitement (ajouté par le RGPD) : ce droit offre à l’usager la possibilité de demander à un organisme de geler temporairement l’utilisation de ses données pendant qu’un autre droit (rectification, effacement par exemple) est étudié.

 

3 – Les modifications issues du RGPD

Le RGPD a été une réforme européenne pour harmoniser les différentes législations nationales en matière de données à caractère personnel. La multiplication des traitements et les usages commerciaux toujours plus attentatoires à la vie privée des citoyens ont conduit la Commission européenne à repenser le cadre législatif s’appliquant aux données et aux traitements de données.

Les différentes modifications induites par le RGPD

 

Premièrement, le principe de responsabilisation des acteurs gérant des données à caractère personnel a été un bouleversement du paradigme existant. Jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement européen, tout responsable de traitement devait informer préalablement la CNIL avant la mise en place d’un traitement de données à caractère personnel. Certains traitements devaient faire l’objet d’une simple déclaration, tandis que d’autres, de nature plus sensible, devaient être autorisés préalablement par la CNIL. Aujourd’hui, il est simplement fait obligation aux organismes gérant des données de tenir leurs registres de traitements personnellement.

Dès lors, il appartient au responsable de traitement de s’assurer de la conformité de son traitement en le documentant. La documentation doit se faire à tout moment au travers du registre de traitement. La CNIL n’effectuera qu’un contrôle a posteriori de ce registre et du respect des droits des administrés/usagers/clients/agents/salariés d’où la notion de responsabilisation des acteurs du traitement de données.

Deuxièmement, il a été fait obligation, dès lors que le traitement est effectué par une autorité publique ou un organisme public, de nommer un délégué à la protection des données (ci-après « DPD »). Le DPD a pour mission d’accompagner les opérationnels mettant en œuvre les traitements, tout en gérant le registre des traitements et d’être un interlocuteur privilégié avec la CNIL en cas de questionnement ou de contrôle.

L’obligation de nommer un DPD peut aussi concerner les personnes privées dès lors que leurs activités de base exigent un suivi régulier et systématique à grande échelle des personnes concernées ou que leurs activités de base consistent en un traitement à grande échelle de catégories de données sensibles visées à l’article 9 du RGPD (opinion politique, religieuse, syndicale, orientation sexuelle par exemple) ou relatives à des condamnations pénales et à des infractions visées à l’article 10 du RGPD.

Il convient de souligner la difficulté qu’ont les organismes à trouver un DPD en interne puisque celui-ci doit être indépendant, c’est-à-dire qu’il ne peut pas déterminer les finalités et moyens du traitement, tout ayant des compétences juridiques et informatiques pointues et une légitimité importante pour assurer le respect de la règlementation au sein des organismes. Dans une collectivité territoriale, il s’agit d’un métier en développement alors qu’il existe la possibilité d’externaliser la prestation et de mutualiser le DPD pour les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale.

Troisièmement, le RGPD a promu des principes de tempérances et de minimalisation de la collecte des données. Il n’est plus possible aujourd’hui de collecter des données qui ne seraient plus utiles au regard de la finalité qui a été définie au moment du traitement.

Au-delà, le RGPD a promu les deux concepts de privacy by design qui impose à chaque nouvelle technologie traitant des données personnelles de garantir dès sa conception le plus haut niveau possible de protection des donnée et privacy by default qui signifie qu’une fois qu’un produit ou un service a été rendu public, les paramètres de confidentialité les plus stricts devraient s’appliquer par défaut, sans aucune saisie manuelle par l’utilisateur final.

Quatrièmement, les sanctions ont été graduées en fonction de la violation des principes du RGPD tout en étant considérablement renforcées. Cette gradation s’organise aujourd’hui comme suit :

  • avertissement ou une mise en demeure de l’entreprise fautive avec rappel du devoir de mise en conformité des traitements de données sensibles au RGPD ;
  • injonction de cesser la violation ;
  • limitation ou suspension temporaire des traitements de données (non obligatoire) ;
  • sanctions administratives en cas de non-respect aux règles du RGPD après injonction vaine de l’autorité de contrôle.

Les sanctions ont été portées à hauteur de 20 millions d’euros maximum pour les méconnaissances les plus graves ou, pour les entreprises, jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial ; le plus élevé de ces deux montants étant retenu.

A titre de conclusion, quelques chiffres six mois après l’entrée en vigueur du RGPD :

  • 15000 DPD en France ;
  • 32000 organismes ont un DPD ;
  • le site internet de la CNIL a reçu 7 millions de visites (4,4 millions en 2017) ;
  • 1 000 notifications de violations de données ont été reçues, soit environ 7 par jour depuis le RGPD ;
  • la CNIL a reçu 9 700 plaintes, soit 34% de plus qu’en 2017 sur la même période.

 

Par David Conerardy 

Le marché global de performance : un outil au service des actions en matière d’efficacité énergétique

Encore trop méconnu, le marché global de performance constitue un outil souple et sécurisé à la disposition des acheteurs pour satisfaire notamment à leurs obligations en matière de préoccupations environnementales.

Définition du marché global de performance

Prévu à l’article 34 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (ci-après « l’Ordonnance »), le marché global de performance succède aux marchés de CREM et de REM de l’ancien article 73 du Code des marchés publics. Il permet à l’acheteur d’associer l’exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations (de travaux, de fournitures ou de services), dans le but de remplir des objectifs chiffrés de performance.

Avec le marché de conception-réalisation et les marchés globaux sectoriels, il appartient à la catégorie des marchés globaux (art. 33 à 35 bis de l’Ordonnance). Ces contrats, par lesquels le titulaire assure une mission globale comportant des prestations de nature différente moyennant le versement d’un prix, dérogent de plein droit au principe de l’allotissement posé par l’article 32 de l’Ordonnance et offrent aux acheteurs qui sont soumis à la loi MOP la possibilité de s’affranchir de l’obligation prévue en son article 7 alinéa 2, à savoir dissocier la mission de maîtrise d’œuvre et d’entrepreneur (une équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception de l’ouvrage et du suivi de sa réalisation doit néanmoins être identifiée, art. 35 bis de l’Ordonnance).

A noter qu’à partir du 1er avril 2019, les dispositions applicables seront celles des articles L. 2171-3, R. 2171-2 et R. 2171-3 du Code de la commande publique, qui ne modifient en rien le droit en vigueur.

Conditions de recours

Elles sont liées à la substance même de ce contrat.

La seule vraie exigence imposée à l’acheteur réside dans la nécessité de fixer, au sein du contrat, des engagements de performance mesurables pouvant « notamment » porter sur le niveau d’activité, la qualité de service, l’efficacité énergétique ou l’incidence écologique. Ces objectifs peuvent se cumuler et doivent être chiffrés.

Sans oublier que ce contrat comporte a minima un volet maintenance – qui doit rester crédible afin de pouvoir effectivement vérifier que les objectifs de performance inscrits dans le marché sont atteints.

Le marché global de performance constitue donc une solution qui ouvre fortement les possibilités offertes aux acheteurs d’avoir recours à une commande globale pour leurs projets.

Mécanisme incitatif

L’atteinte, ou non, des objectifs de performance fixés par le marché global de performance pour toute sa durée doit impérativement être prise en compte pour la détermination de la rémunération du titulaire au titre de la maintenance ou de l’exploitation des prestations réalisées (art. 92-I al. 1 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics (ci-après « le Décret »)). Autrement dit, la rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance de l’opérateur est modulée en cas de sous-performance ou de surperformance, ce qui constitue une incitation forte pour l’opérateur à réaliser des travaux (ou autres prestations) de qualité.

C’est donc un contrat particulièrement incitatif, basé sur le postulat que le caractère global du marché met l’opérateur en position de remplir ses objectifs de performance et justifie dès lors l’obligation de résultat qui lui est assignée.

Principales différences avec le marché de partenariat

Le marché de partenariat (successeur du « contrat de partenariat ») est, à l’instar du marché global de performance, un contrat global caractérisé par l’étendue de la mission confiée au titulaire.  Mais il comprend des différences notables avec celui-ci.

D’abord, le recours au marché de partenariat s’avère désormais très encadré (impossibilité de recourir à ce contrat en-deçà de certains seuils, étude de soutenabilité budgétaire, évaluation préalable et nécessité de démontrer que le recours à un tel contrat présente un bilan plus favorable que celui des autres modes de réalisation du projet, avis préalables obligatoires ; v. art. 74 et 75 de l’Ordonnance).

Ensuite, l’interdiction du paiement différé perdure en marché global de performance – pour les personnes publiques qui y sont soumises (l’Etat, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements). Par conséquent, contrairement au marché de partenariat, le titulaire ne pourra pas – en règle générale donc – préfinancer, même partiellement, les investissements (v. art. 60-I de l’Ordonnance).

Enfin, à l’inverse du marché de partenariat, l’acheteur conserve, en marché global de performance, la maîtrise d’ouvrage opérationnelle des travaux à réaliser et supporte en contrepartie les risques inhérents à cette qualité.

Procédures de passation envisageables

Les règles classiques s’appliquent ici : l’acheteur a donc le choix entre les différents modes de passation prévus par l’Ordonnance, y compris la procédure adaptée lorsque la valeur estimée hors taxe du besoin est inférieure aux seuils européens (art. 42 de l’Ordonnance).

Toutefois, des dispositions spécifiques pour les marchés au-dessus des seuils et qui comprennent la réalisation de travaux relevant de la loi MOP sont prévus à l’article 92-III du Décret – qui renvoie aux modalités fixées à l’article 91-II pour les marchés de conception-réalisation.

Et, comme pour ces derniers, on notera surtout que le choix entre l’une des trois procédures énumérées à l’article 25-I du Décret (à savoir la procédure d’appel d’offres, la procédure concurrentielle avec négociation et le dialogue compétitif) est libre pour autant que le marché global de performance inclue des prestations de conception (art. 25-II-3° du Décret, applicable par renvoi de l’art. 91-II de ce texte). La procédure concurrentielle avec négociation et le dialogue compétitif sont, dans la quasi-totalité des cas, à privilégier.

Le marché global de performance peut également être qualifié de contrat de performance énergétique

Rappelons que le contrat de performance énergétique (CPE) peut être défini comme un « contrat conclu entre le maître d’ouvrage d’un bâtiment ou d’un parc de bâtiments et un fournisseur de mesures destinées à améliorer l’efficacité énergétique visant à garantir, par rapport à une situation de référence contractuelle, une diminution des consommations énergétiques du bâtiment ou du parc de bâtiments, vérifiée et mesurée dans la durée, par un investissement dans des travaux, fournitures ou services. La rémunération du fournisseur de mesures est, au moins en partie, corrélée au niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique généré par cet investissement. » (définition retenue par l’Observatoire des contrats de performance énergétique).

Ce contrat ne constitue pas un nouveau type de contrat de la commande publique ou un outil contractuel sui generis et s’inscrit nécessairement, pour les acheteurs soumis au droit de la commande publique, dans le cadre d’un contrat de la commande publique existant. Il peut donc être passé sous la forme d’un marché de partenariat et, le plus souvent désormais, d’un marché global de performance énergétique.

Il n’en demeure pas moins que ce dernier a un objet spécifique : l’amélioration de la performance énergétique d’un ou de plusieurs ouvrages existants (les marchés globaux de performance avec garantie de résultats portant sur des constructions neuves ne sont donc pas stricto sensu des contrats de performance énergétique) par rapport à une situation de référence contractualisée. Il comporte pour ce faire un engagement de résultats en matière d’économies d’énergies (garantie de résultats énergétiques) dont le respect – ou non – fera varier, à la hausse ou à la baisse (sous-performance ou surperformance), la rémunération de l’opérateur chargé de mettre en œuvre les actions d’amélioration de la performance énergétique.

Le marché global de performance énergétique est donc une solution pertinente pour les acheteurs qui souhaitent procéder à la rénovation énergétique de leurs bâtiments (un bâtiment, un parc de bâtiments ou un patrimoine, avec d’ailleurs la possibilité de moduler les interventions du titulaire selon les bâtiments). Au-delà de la rénovation énergétique de bâtiments, il peut s’avérer également adapté en matière d’éclairage public.

D’autres utilisations possibles

On rappellera que le marché global de performance porte sur des « prestations », ce qui ne suppose pas nécessairement la réalisation de travaux. Et qu’en cas de travaux il peut s’appliquer : aussi bien à des constructions nouvelles qu’à la rénovation de bâtiments existants, à des opérations d’ampleur ou plus modestes.

Certes, ce véhicule juridique apparaît directement pertinent pour des projets de rénovation énergétique de bâtiments, d’éclairage public et d’énergies renouvelables. Mais le dispositif n’est aucunement limité à la seule performance énergétique. Il a notamment déjà été plébiscité en matière de transports, de traitement des déchets, de communications électroniques ou encore d’équipements sportifs et de loisirs…

Par Christophe Farineau

Eolien : un décret vise à accélérer les procédures contentieuses

Dans la perspective de favoriser le développement des énergies éoliennes, le décret du 1er décembre 2018, relatif aux éoliennes terrestres, à l’autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l’environnement, a introduit de nouvelles dispositions dans le Code de justice administrative (CJA) pour accélérer les contentieux dirigés contre les procédures de réalisation d’installations éoliennes.

Dans le cadre des actions contentieuses engagées à l’encontre de ces procédures, deux points de vigilance doivent désormais être identifiés :

– le premier concerne la compétence en premier et dernier ressort des cours administrative d’appel pour connaître des recours contre les décisions des autorités compétentes, y compris les refus, relatives aux installations éoliennes, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés.

L’article R. 311-4 du CJA liste ainsi les décisions concernées, parmi lesquelles on citera, par exemple, l’autorisation environnementale et toutes sortes d’autorisations adoptées au cours de la procédure de réalisation du projet (autorisation de défrichement, autorisations d’occupation du domaine public…), la déclaration d’utilité publique, la décision de dérogation à la protection des espèces protégées, l’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000, la décision d’approbation du projet de détail des tracés, le permis de construire de l’installation de production… ;

– le second porte sur les moyens invocables au cours du contentieux : l’article 611-7-1 du CJA prévoit ainsi l’interdiction pour les parties d’invoquer de nouveaux moyens à l’issu d’un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. On parle alors de « cristallisation » des moyens.

Dispositif des certificatifs d’économie d’énergie (CEE) – Obligation des fournisseurs d’énergie – Absence d’atteinte au principe d’égalité et absence de distorsion de concurrence entre les différents secteurs énergétiques

La société Vitogaz France, fournisseur de gaz de pétrole liquéfié, avait demandé au Premier ministre d’abroger les dispositions réglementaires du Code de l’énergie relatives aux certificats d’économies d’énergie, dans leur rédaction alors en vigueur, en tant qu’elles soumettent les fournisseurs de gaz de pétrole liquéfié à des obligations d’économies d’énergie, ou, à titre subsidiaire, de modifier le 6° de l’article R. 221-3 de ce code, qui fixe le volume des ventes à partir duquel les fournisseurs de gaz de pétrole liquéfié autres que les vendeurs de carburant pour automobiles sont soumis à ces obligations.

Dans son recours, la société Vitogaz France critiquait notamment l’article R. 221-3 du Code de l’énergie qui fixe le seuil des ventes à partir duquel les fournisseurs de gaz de pétrole liquéfié combustible sont soumis à des obligations d’économies d’énergie.

La requérante soutenait que cet article méconnaissait le principe d’égalité et crée une distorsion de concurrence portant atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie, en ce qu’il fixe à 100 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d’énergie finale le volume des ventes à partir duquel les fournisseurs de gaz de pétrole liquéfié combustible sont soumis à des obligations d’économies d’énergie, alors que ce seuil est de 400 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d’énergie finale pour les fournisseurs d’électricité, de gaz naturel, de chaleur et de froid. 

Le ministre défendeur faisait valoir de son côté que les seuils de ventes annuelles à partir desquels les fournisseurs sont soumis à des obligations ont été déterminés en tenant compte de la taille de chaque marché concerné ainsi que de sa structure, les seuils applicables aux secteurs composés majoritairement d’entreprises réalisant un faible volume de ventes annuelles étant fixés à un niveau plus bas que ceux des secteurs composés majoritairement d’entreprises réalisant un volume de vente plus important.

Le Conseil d’Etat rejette son recours et sur ce moyen énonce au point 12 de la décision qu’ « Il résulte de l’économie générale de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique qui a institué le dispositif des certificats d’économie d’énergie, éclairée par les travaux parlementaires, que les seuils de vente à partir desquels les fournisseurs sont soumis aux obligations d’économies d’énergie doivent être fixés type d’énergie par type d’énergie de façon que les principaux opérateurs de chacun des secteurs concernés contribuent à la réalisation de l’objectif national d’économies d’énergie. (…)  Il est constant que le gaz de pétrole liquéfié combustible ne représentait, au cours de la période en litige, qu’une faible partie du volume des ventes annuelles d’énergie en France. En fixant un seuil d’exonération plus faible pour le gaz de pétrole liquéfié combustible que pour l’électricité, le gaz naturel ou la chaleur et le froid, le pouvoir réglementaire a tenu compte de la petite taille de ce marché pour soumettre les principaux acteurs de celui-ci aux obligations d’économie d’énergie. La différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l’objet de la réglementation relative aux obligations d’économies d’énergie et ne peut être regardée comme contraire au principe d’égalité. Par ailleurs, dès lors que le gaz de pétrole liquéfié relève d’un marché distinct de celui des autres énergies, la société Vitogaz France n’est pas fondée à soutenir que la différence entre les seuils prévue par l’article R. 221-3 du code de l’énergie crée une distorsion de concurrence entre les différents secteurs énergétiques portant atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie ».

 

Chèque énergie, loi de finances et autres mesures d’aides dans le domaine de l’énergie

De nouvelles mesures ont été adoptées fin décembre 2018 et sont entrées en vigueur au 1er janvier 2019 dans le domaine de l’énergie.

1 – Loi de finances pour 2019 : crédit d’impôt transition énergétique (CITE) et chèque de conversion (gaz B / gaz H).

  • Le crédit d’impôt transition énergétique (CITE)

La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, publiée au Journal Officiel du 30 décembre 2018 prévoit plusieurs mesures dans le domaine de l’énergie. Outre les aides directes aux énergies renouvelables (solaire photovoltaïque, éolien, biogaz, etc.), on signalera que la loi a étendu le champ du CITE aux dépenses payées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 au titre notamment :

  • de la réalisation d’audits énergétiques, dès lors qu’il s’agit de dépenses engagées en dehors des cas où la réglementation les rend obligatoires,
  • de l’acquisition de chaudières à très haute performance énergétique, à l’exception de celles utilisant le fioul comme source d’énergie, dans la limite d’un plafond de dépenses fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie, du logement et du budget,
  • de l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, dans la limite d’un plafond de dépenses fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie, du logement et du budget, et à la condition que ces mêmes matériaux viennent en remplacement de parois en simple vitrage  ( CGI, art. 200 quater, 1, l. – Loi n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 182 )

Le CITE pourrait être converti en prime forfaitaire l’année prochaine.  A cet effet, avant le 1er septembre 2019, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la transformation du crédit d’impôt transition énergétique en prime forfaitaire par type d’équipement ou de prestation.

  • Le chèque conversion – gaz B/ gaz H

Ensuite l’article 180 de la loi de finances met en place un « chèque conversion », sur le modèle du chèque énergie, pour financer les équipements des consommateurs de gaz naturel situés dans la région des Hauts de France, concernés par l’opération de conversion de leur réseau de gaz naturel qui va démarrer prochainement.

En effet, le réseau de distribution de gaz naturel situé dans cette région va désormais distribuer un gaz à haut pouvoir calorifique, dit « gaz H » en lieu et place du gaz à bas pouvoir calorifique, dit « gaz B »[1].

Certains appareils raccordés au réseau de distribution et actuellement alimentés en gaz B peuvent directement être alimentés en gaz H tandis que d’autres ont besoin d’être réglés ou adaptés et pour ces derniers une compensation des consommateurs avait été prévue[2].

En revanche aucun financement n’avait été prévu pour aider les propriétaires dont le matériel ne pouvait être réglée ou adapté pour fonctionner avec du gaz H et devait ainsi être remplacé.

Ce chèque viendra donc aider les consommateurs qui doivent remplacer leurs équipements, comme les chaudières, qui ne seront pas adaptables au nouveau gaz H. Ce chèque sera financé par le biais du tarif d‘utilisation du réseau de distribution du gaz naturel (ATRD) et attribué par l’Agence de services et de paiement.

Cet article fait suite à un amendement déposé par le gouvernement le 10 décembre dernier et ce à la suite de la mobilisation de plusieurs parties prenantes (syndicats d’énergies en particuliers) qui avaient interrogé le gouvernement à plusieurs reprises sur l’accompagnement envisagé par l’État et GRDF pour financer les changements obligatoires de ces équipements.

Ce dispositif doit permettre d’éviter un reste à charge pour le consommateur, ainsi que l’avance des frais et laisser le choix de remplacer les appareils à gaz par des appareils utilisant des énergies renouvelables.

Ce chèque comportera, lors de son émission, une valeur faciale modulée en fonction de l’appareil ou de l’équipement gazier dont le remplacement est nécessaire.  Et le dispositif laisse le choix de remplacer les appareils à gaz par des appareils utilisant des énergies renouvelables.

Un dispositif transitoire a été prévu durant le délai de mise en œuvre du chèque de conversion (cf. art. 183- II) et que des textes réglementaires vont être pris pour préciser les modalités d‘application du dispositif dans son ensemble (cf. art.183-IV).

Le dispositif a toutefois été limité aux appareils de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire non industriels (les appareils de cuisson semblent ainsi avoir été exclus).

Durant le délai de mise en œuvre du chèque conversion, en cohérence avec la logique d’expérimentation de la phase pilote, un dispositif d’aide transitoire doit être mis en place par le gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel.

  • Rapport sur le financement de la transition écologique

On précisera en outre que la loi de finances a prévu que le Gouvernement devra présenter au Parlement, en annexe au projet de loi de finances de l’année, un rapport intitulé « Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de l’environnement et du climat » qui présentera :

1° Un état de l’ensemble des financements publics en faveur de l’écologie, de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique inscrits dans la loi de finances de l’année en cours et dans le projet de loi de finances ;

2° Un état évaluatif des moyens financiers publics et privés mis en œuvre pour financer la transition écologique et énergétique ainsi que leur adéquation avec les volumes financiers nécessaires au respect des engagements européens, de l’accord de Paris et de l’agenda 2030 du développement durable ;


3° Un état détaillant la stratégie en matière de fiscalité écologique et énergétique, permettant d’évaluer la part de cette fiscalité dans les prélèvements obligatoires, le produit des recettes perçues, les acteurs économiques concernés, les mesures d’accompagnement mises en œuvre et l’efficacité des dépenses fiscales en faveur de l’environnement.

Ce rapport dressera également, notamment, le bilan des actions de maîtrise de la demande d’énergie, des mesures de promotion des énergies renouvelables et de l’évolution de l’impact sur l’environnement de la consommation d’énergie, notamment de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre.

2 – Chèque énergie : modalités de mise en œuvre modifiées.

Enfin, deux textes réglementaires ont été publiés dernièrement concernant le chèque énergie généralisé en 2018.

Pour mémoire, le chèque énergie aide les ménages en situation de précarité énergétique à payer leurs factures d’énergie. Il peut également être utilisé pour financer une partie des travaux d’économies d’énergie. Il s’est substitué aux tarifs sociaux de l’énergie (tarif de première nécessité pour l’électricité et tarif spécial de solidarité pour le gaz naturel) qui ont pris fin au 31 décembre 2017. Jusqu’ici son montant était en moyenne de 150 euros. 

Pour 2019, la valeur du chèque énergie variera entre 48 € et 277 € selon la situation fiscale du ménage bénéficiaire (le montant moyen par ménage sera ainsi de 200 € cette année).

Un nouveau décret est venu modifier certaines dispositions du décret n° 2016-555 du 6 mai 2016 relatif au chèque énergie afin de prendre en compte le bilan de l’expérimentation conduite en 2018[3].

Ainsi, ce décret a ouvert le bénéfice du chèque énergie « y compris à ceux dont le contrat de fourniture d’électricité ou de gaz naturel couvre simultanément des usages professionnels et non professionnels ».

Ensuite, les montants du revenu fiscal maximum et du chèque ont été modifiés par un arrêté. paru au Journal officiel du 28 décembre[4].  Ainsi, à compter du 1er janvier 2019, le bénéfice du chèque énergie est ouvert aux ménages dont le revenu fiscal de référence annuel par unité de consommation est inférieur à 10 700 €.

 

[1] Une phase pilote est prévue entre 2018 et 2020 sur un nombre limité de communes. Sur la base du retour d’expérience de la phase pilote, un étalement de l’opération de conversion est prévu de 2021 à 2028.

[2] Délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) n° 2018-237 du 15 novembre 2018 portant décision sur la compensation des consommateurs faisant appel à leur prestataire habituel pour adapter leurs appareils et équipements gaziers dans le cadre de l’opération de conversion du réseau de gaz B 

[3] Décret n° 2018-1216 du 24 décembre 2018 modifiant les modalités de mise en œuvre du chèque énergie 

[4] Arrêté du 26 décembre 2018 modifiant le plafond et la valeur faciale du chèque énergie 

Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) – appréciation du taux éventuellement disproportionné par le juge

CE, 21 novembre 2018, SA Leroy Merlin,  n° 416203

Dans ces deux arrêts rendus en fin d’année 2018, le Conseil d’Etat a eu à nouveau l’occasion de se prononcer sur la question du caractère disproportionné ou non du taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) fixé par des collectivités. 

Pour mémoire, dans son arrêt, du 26 juillet 2018, « L’immobilière Groupe Casino» (req. n° 413897), le Conseil d’Etat avait admis le principe suivant : que la collectivité ait ou non institué la redevance spéciale prévue par l’article L. 2333-78 du Code général des collectivités territoriales et quel qu’en soit le produit (aujourd’hui l’instauration de cette redevance n’est plus obligatoire), le juge doit rechercher si le produit de la TEOM n’est pas manifestement disproportionné par rapport au coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, non couvert par les recettes non fiscales affectées à ces opérations, c’est-à-dire n’incluant pas le produit de la redevance spéciale lorsque celle-ci a été instituée.

Pour ce faire, le juge doit alors rechercher, au besoin, au moyen d’un supplément d’instruction s’il estime non probants les éléments produits par le requérant, quelle était la part des coûts du service relatifs aux déchets non ménagers, pour procéder à la comparaison entre le produit de la taxe et le coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, après déduction des recettes non fiscales affectées à ces opérations.

En outre, dans un autre arrêt de principe du 19 mars 2018, Société Cora (req. n° 402946), le Conseil d’Etat a dégagé le principe suivant : seules les dépenses réelles du service peuvent être prises en compte pour l’évaluation du calcul des dépenses de service public de la collecte et de traitement des déchets ménagers, c’est-à-dire les dépenses réelles de fonctionnement augmentées des dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service public de gestion des déchets (CE, 19 mars 2018, Sté Cora, req. n° 402946).  

C’est dans cette veine jurisprudentielle que s’inscrivent les deux arrêts ici examinés. 

→ Dans l’arrêt du 17 octobre 2018, SA Leroy Merlin, (req. n° 420580), le Conseil d’Etat a censuré le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg s’agissant des cotisations dues au titre de l’année 2013, dès lors que le juge n’a pas recherché si les éléments produits par la Société étaient probants, ni recherché quelle était la part des coûts du service relatifs aux déchets non ménagers.

En revanche, s’agissant des cotisations dues au titre de l’année 2014, le Conseil d’Etat a considéré que la production par le requérant  en annexe du mémoire, du rapport annuel de la collectivité pour 2014 sur le prix et la qualité du service public d’élimination des déchets, contenant notamment des données financières pour l’année en litige, suffisait à apporter des éléments pertinents de nature à établir les faits allégués (CE, 17 octobre 2018, prec.).

Dans l’arrêt du 21 novembre 2018, SA Leroy Merlin (req. n° 416203), le Conseil d’Etat a fait une application de l’arrêt du CE précité du 19 mars 2018, Société Cora, portant sur les modalités d’évaluation du calcul des dépenses de service public de la collecte et de traitement des déchets ménagers.

Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat a annulé le jugement du Tribunal administratif d’Orléans dès lors que le juge administratif n’avait pas pris en compte les dotations d’amortissement des immobilisations de la Commune qui perçoit ladite recette dans l’estimation des dépenses consacrées à ce service public.