le 20/02/2019

Reconnaissance par le juge administratif de l’imputabilité au service d’un « syndrôme d’intolérance aux champs éléctromagnétiques »

TA Cergy-Pontoise, 17 janvier 2019, Monsieur F., n° 1608265

Une pathologie dont la science en réfute l’existence même peut-elle être reconnue imputable au service ? C’est la question qu’a eu à trancher le Tribunal administratif de Cergy Pontoise dans une affaire récente.

Un technicien de la recherche employé par l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) avait demandé le 17 mai 2011 la reconnaissance de l’imputabilité au service de son syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques, après avoir travaillé à compter du 1er octobre 2006 a proximité d’un spectromètre de masse isotopique, un appareil émettant des champs électromagnétiques.

Sa demande avait été rejetée suivant un avis défavorable de la commission de réforme le 18 septembre 2012, mais cette décision avait été annulée par le Tribunal administratif de Cergy Pontoise pour un vice de procédure tenant à l’avis de la commission de réforme.

Saisi d’une nouvelle demande d’imputabilité, la commission de réforme a cette fois ci émis un avis favorable à la reconnaissance de l’imputabilité au service de ce syndrome, le 15 mars 2016. L’IRSTEA a néanmoins rejeté la demande de l’agent par un arrêté du 1ier juillet 2016, qui constitue la décision attaquée par le requérant

En premier lieu, et après avoir constaté qu’à la date de la décision attaquée, l’agent ne pouvait bénéficier de la présomption légale d’imputabilité des maladies désignées et contractées dans les conditions prévues par l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, le Tribunal rappelle dans sa décision qu’il incombe à l’intéressé d’apporter la preuve de l’imputabilité au service de sa maladie par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges.

Le Tribunal rappelle ainsi une solution dégagée par le Conseil d’Etat (CE, 29 avril 2013, Mme L, veuve P et Mme P, req n°344749, au recueil) applicable spécifiquement aux militaires atteints d’une affection lente : il revient aux juges du fond, pour le cas où la demande d’imputabilité porte sur une maladie liée à une exposition à un environnement, ou à des substances toxiques, de prendre en considération la nature de cette exposition, les tâches confiées à l’agent, et surtout, les pathologies que cette exposition est susceptible de provoquer. Ainsi, le tribunal précise qu’il lui revient de déterminer « si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle ».

Et le Tribunal précise qu’alors, lorsque cette probabilité suffisante est démontrée, l’administration doit démontrer que la pathologie pourrait avoir été favorisée par des facteurs extérieurs et que ce ou ces facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie.

C’est dans ce cadre que le tribunal a d’abord qualifié la symptomatologie du requérant comme une « infection » à évolution lente qui « ne fait pas l’objet d’un consensus médial », « aucune preuve expérimentale solide permettant d’établir un lien de causalité » entre l’exposition aux champs électromagnétiques et des effets à long terme sur la santé.

Toutefois, de façon surprenante, il juge ensuite qu’il « existe une probabilité suffisante que l’hypersensibilité électromagnétique contractée par le requérant soit en rapport avec son activité professionnelle », et ce « en dépit de l’absence de consensus médical, en l’état des connaissances scientifiques, sur un lien de causalité entre les effets à long terme sur la santé et l’exposition aux champs électromagnétiques ».

On ne peut qu’être surpris face à une telle solution, bien que le Tribunal signale qu’elle est fondée sur « les circonstances particulières de l’espèce », qui sont ici une exposition relativement longue à des champs électromagnétiques variés.

Surtout, il n’est pas à exclure qu’elle puisse arguée dans des situations plus courantes, telles que l’utilisation d’un casque de standard sans fil ou la proximité de systèmes de radio ou de télédiffusion, de sorte qu’il deviendrait particulièrement délicat pour les employeurs de démontrer une absence d’imputabilité au service d’une pathologie sur laquelle la science semble encore pourtant très sceptique.