Rejet du recours formé contre la délibération par laquelle la Région Ile de France a décidé de recourir à deux marchés de partenariat pour la réalisation de lycées

Par un jugement en date du 30 avril 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours formé contre la délibération par laquelle la Région Ile de France a approuvé le principe du recours à deux marchés de partenariat pour la conception, la construction et l’entretien-maintenance de trois lycées.

Le Tribunal a rappelé que « dans le cadre des nouvelles dispositions introduites par l’ordonnance du 23 juillet 2015, le recours à un marché de partenariat est décidé en fonction d’un critère unique du bilan plus favorable, notamment financier, par rapport aux autres modes envisageables de réalisation du projet,  et que ce bilan est réalisé en tenant compte des capacités de l’acheteur à conduire le projet, des caractéristiques, du coût et de la complexité de celui-ci, des objectifs poursuivis ainsi que, le cas échéant, des exigences du service public ou de la mission d’intérêt général dont l’acheteur est chargé ». Il a en conséquence jugé que les requérants ne pouvaient utilement faire valoir l’absence d’urgence ou de contraintes techniques particulières, et relevé que les évaluations préalables effectuées par la Région « ont été jugées suffisamment détaillées et cohérentes avec les standards de marché ».

Le Tribunal a par ailleurs jugé que le moyen tiré de l’irrégularité de l’attribution du marché était inopérant, dès lors que la délibération en cause n’a pas pour objet d’attribuer un marché de partenariat mais d’approuver le principe du recours à celui-ci.

Prétentions dans les conclusions d’appel : les premières seront les dernières (art. 910-4 CPC)

La notion de conclusions récapitulatives, introduite il y a plus vingt ans par le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, et dont il résulte que « les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées», fut un progrès indéniable : pour connaître les prétentions et moyens des parties, il suffisait d’examiner un seul document et il n’était pas nécessaire de se reporter aux conclusions antérieures, si ce n’est pour rechercher la trace d’un éventuel aveu judiciaire ou repérer la date à laquelle une demande avait été faite pour la première fois afin d’examiner son éventuelle prescription.

Confortable pour les juges, la notion de conclusions récapitulatives l’était également pour les parties et leurs conseils, pour qui le dépôt des dernières conclusions était la grande échéance, dont il convenait de prendre un soin tout particulier, et qui préservait, jusqu’à sa survenance, la possibilité d’ajuster utilement la stratégie argumentative, aussi bien à l’égard des demandes formulées qu’à celui des moyens propres à fonder celles-ci.
Ce confort n’est plus.

Qu’on se rassure, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 n’a pas fait disparaître la notion de conclusions récapitulatives, le libellé du texte (alinéa 3 devenu alinéa 4 de l’article 954 du Code de procédure civile) reste même inchangé.

Toutefois, la fin du paragraphe « et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées » n’est plus tout à fait vraie ou, du moins, a pris un sens différent.

Auparavant, si cette proposition signifiait que la Cour d’appel ne statuait que sur les dernières prétentions des parties, elle impliquait également que les juges du second degré statuent sur toutes les prétentions formulées dans ces dernières conclusions, de sorte que le texte imposait seulement de ne pas tenir compte des prétentions figurant dans des conclusions antérieures et non reprises dans les dernières. Tout ce qui n’était pas repris était réputé avoir été abandonné.

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017 (intervenue le 1er septembre 2017), il faut compter avec le nouvel article 910-4 du Code de procédure civile, aux termes duquel
« A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait».

Désormais, les prétentions sur le fond doivent impérativement, et à peine d’irrecevabilité, être formulées dans les premières conclusions, émanant de l’appelant ou de l’intimé.

Ces premières conclusions deviennent, du point de vue de l’énoncé des prétentions sur le fond, la grande échéance, au-delà de laquelle – sous réserve cependant des exceptions mentionnées à l’alinéa 2, des prétentions qui ne porteraient pas sur le fond, et sans préjudice de l’invocation de nouveaux moyens qui demeure autorisée – il ne sera plus possible d’élargir le périmètre de ces prétentions. On a parlé, à juste titre, de l’introduction d’un principe de concentration des prétentions.

Néanmoins, il sera toujours possible de réduire ce périmètre en abandonnant certaines prétentions au stade des conclusions récapitulatives. De ce point de vue (seulement), la cour ne statuera effectivement que sur les dernières conclusions déposées.

Pour connaître l’état des prétentions sur lesquelles le juge d’appel doit se prononcer, il convient, à présent, d’avoir devant soi, non plus seulement les dernières conclusions mais également les premières. Est-ce un progrès ? Le lecteur en jugera.

Reste à savoir si la Cour d’appel a l’obligation de soulever d’office l’irrecevabilité fulminée par l’article 910-4. Le texte ne le dit pas, mais la mention « à peine d’irrecevabilité relevée d’office » a déjà été interprétée dans un autre contexte, en l’occurrence celui de l’article 954 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 9 décembre 2009, comme « ne conf(érant) au juge que la simple faculté de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté d’une demande en appel, qui n’est pas d’ordre public » (2ème Civ., 10 janvier 2013, n° 12-11667, au Bulletin).
 
Fabrice Sebagh et Denis Garreau
Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

Recours contre une ordonnance de référé-suspension rendue à la demande du préfet : une exception peut en cacher une autre

On peut admettre que l’effectivité du droit au recours s’accommode mal de l’opacité et de l’insécurité des procédures qu’elle génère. Le Code de justice administrative (CJA) en offre une illustration intéressante quoique périlleuse pour les praticiens.

Les ordonnances de référé-suspension prises sur le fondement de l’article L. 521-1 du CJA, comme les ordonnances de référé-mesures utiles (L. 521-3), sont rendues en premier et dernier ressort. C’est ce que précise l’article L. 523-1 ; elles sont donc susceptibles uniquement d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

Mais il existe d’autres procédures de référé-suspension, notamment celle prévue par l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) auquel renvoie l’article L. 554-1 du CJA.

Cette procédure vise la demande de suspension présentée à l’occasion du déféré préfectoral d’une décision d’une commune (il existe des dispositions analogues pour les départements et les régions). Cette procédure n’est pas un référé-suspension au sens de l’article L. 521-1. Par exception à ce référé « de droit commun », la suspension demandée par le préfet n’est pas soumise à la condition d’urgence et surtout est susceptible d’appel (CE, 8 février 2017, n° 402417, au Recueil qui a précisé, non sans une certaine torsion des textes, que cette demande pouvait être présentée en appel).

Toutefois, et si l’on accepte de considérer que cette procédure de suspension est une exception aux règles de droit commun de la suspension, il faut prêter attention à l’exception à l’exception.
En effet, par un arrêt du 6 avril 2007 (n° 297812, mentionné aux tables), le Conseil d’Etat a considéré qu’il fallait aussi tenir compte des compétences de premier et dernier ressort reconnues aux Tribunaux administratifs par l’article R. 811-1 du CJA et, partant, que, dans les matières visées par cette disposition, l’ordonnance rendue sur la demande du préfet en suspension d’un acte, redevenait susceptible de pourvoi car rendue également en premier et dernier ressort. On remarquera néanmoins que cette exception à l’exception est le produit de la prévalence d’une disposition réglementaire sur le dernier alinéa de l’article L. 2131-6 du CGCT, disposition législative.

Quoi qu’il en soit, il faut retenir que les suspensions ordonnées à la demande du préfet en application de l’article L. 2131-6 du CGCT sont susceptibles d’appel et non de pourvoi en cassation, sauf l’application de R. 811-1 et aussi de R. 811-1-1 du CJA à qui la jurisprudence de 2007 doit, mêmes motifs mêmes sanctions, être étendue.
 
Fabrice Sebagh et Denis Garreau
Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

Commande publique et restauration collective : précisions sur les futures modalités d’achat de denrées alimentaires (décret n° 2019-351 du 23 avril 2019)

La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire a créé, au sein du Code rural et de la pêche maritime, un article L. 230-5-1 imposant aux personnes morales de droit public d’inclure dans les repas servis dans leurs restaurants collectifs une part au moins égale à 50 % en valeur de produits répondant à au moins l’un des critères de qualité énoncés dans ledit article et une part au moins égale à 20 % en valeur de produits issus de l’agriculture biologique et ce à compter du 1er janvier 2022 au plus tard.

En application de cette disposition législative, un décret n° 2019-351 du 23 avril 2019, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, vient notamment préciser les modalités de mise en œuvre de ces objectifs d’approvisionnement en denrées alimentaires de qualité et durables.

S’agissant des aspects liés à la commande publique, l’article R. 230-30-2 du Code rural et de la pêche maritime créé par le décret n° 2019-351 dispose que la prise en compte des coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit alimentaire pendant son cycle de vie devra être réalisée selon les modalités prévues au 2° de l’article R. 2152-9 du Code de la commande publique. Ainsi, devra notamment être pris en compte le coût des émissions de gaz à effet de serre et d’autres émissions polluantes engendrées au cours du cycle de vie de ce produit, ainsi que d’autres coûts d’atténuation du changement climatique.

Et, conformément au deuxième alinéa de l’article R. 2152-10 du même Code, la méthode utilisée pour évaluer les coûts imputés aux externalités du produit devra se fonder sur des critères non-discriminatoires et vérifiables de façon objective, être accessible à toutes les parties intéressées et ne devra exiger des opérateurs économiques normalement diligents qu’un effort raisonnable pour fournir les données requises.

Par ailleurs, les personnes morales de droit public en charge de restaurants collectifs devront, lors de la passation de leurs marchés de fourniture de denrées alimentaires, pondérer ce critère lié aux externalités environnementales à hauteur de 10 % à 30 % de la note totale, un arrêté ministériel ultérieur devant préciser le pourcentage exact.

Par ailleurs, l’offre reconnue comme étant la plus économiquement avantageuse devra avoir obtenu sur ce critère environnemental, au minimum, quatre dixièmes de la note maximale. Cette disposition pourrait devenir une source de difficultés pour les acheteurs dans les cas où l’offre ayant obtenu la meilleure note globale aurait obtenu, sur le critère environnemental, une note inférieure à 4/10.

Enfin, un bilan statistique de la mise en œuvre de ces obligations devra être établi annuellement, au plus tard le 31 mars de l’année suivant celle de l’exercice considéré, dans des conditions fixées par arrêté du Ministre chargé de l’agriculture (article R. 230-30-4 du Code rural et de la pêche maritime).

 

Une nouvelle affirmation du principe de concentration des moyens

Dans cette affaire, des locataires ont fait assigner devant le Tribunal d’instance de Beauvais les héritiers de leur bailleresse en nullité du congé délivré par cette dernière sur le fondement de l’insanité d’esprit.

Dans un jugement du 12 décembre 2011, le Tribunal d’instance de Beauvais a jugé cette demande irrecevable et s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Beauvais quant aux autres demandes.

A la suite de l’arrêt rendu par le Tribunal de grande instance, le Tribunal d’instance, dans un jugement du 7 décembre 2015, a déclaré les locataires demandeurs irrecevables à contester la validité du congé.

La Cour d’appel d’Amiens a infirmé cette décision, déclarant recevable l’action des demandeurs, au motif que ceux-ci se seraient fondés sur une autre cause d’irrecevabilité que celle avancée dans la première instance, de sorte que l’autorité de la chose jugée ne saurait leur être opposée.

La Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs :

« Qu’en statuant ainsi, alors que le tribunal d’instance de Beauvais avait, dans le dispositif de son jugement du 12 décembre 2011, déclaré M. et Mme I… irrecevables en leur demande tendant à voir déclarer nul et de nul effet le congé donné par S… D…, ce dont il résultait qu’ils n’étaient pas recevables à faire juger à nouveau cette prétention par la présentation d’un nouveau moyen, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

La Cour de cassation vient ainsi affirmer une nouvelle fois le principe dégagé par son arrêt « Cesareo » désormais célèbre, selon lequel « incombe au demandeur de présenter, dès l’instance relative à la première demande, l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci », dit également « principe de concentration des moyens ».

La perte de confiance constitue un préjudice moral

Un patient hospitalisé aux urgences cardiaques, a subi une grave erreur de lecture d’un des examens qui lui avait été pratiqué de la part de deux cardiologues.

Le compte rendu d’hospitalisation mentionnait en effet que l’électrophorèse ne montrait pas de dysglobulinémie, élément caractéristique d’une pathologie de type myélome, alors qu’il en existait une.

Lors d’une consultation ultérieure, un autre médecin a diagnostiqué un myélome de stade I, ce qui a entrainé la prise en charge du patient par l’institut de cancérologie de Villejuif.

Si la Cour d’appel a considéré qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre le retard de diagnostic résultant des fautes des cardiologues et la date de prise en charge du patient, elle a, en revanche, jugé que :

« il est incontestable que la faite du Dr T., qui a écrit dans son compte rendu que l’électrophorèse ne montrait pas de dysglobulinémie, alors même qu’il ne l’a pas lue et qu’elle en montrait une, et la faute du Dr C., qui n’a pas vérifié l’affirmation erronée de son confrère, sont nécessairement de nature à faire naitre un préjudice moral pour le patient consistant en une perte de confiance ».

La Cour d’appel considère ainsi la perte de confiance comme constitutive d’un préjudice moral indemnisable.

Reste à savoir si le préjudice moral résultant de la perte de confiance pourrait s’appliquer à d’autres hypothèses, ou si la jurisprudence entend le cantonner au domaine médical.

La Commission consultative nationale des droits de l’homme (CNCDH) vient de rendre son rapport annuel 2019

La CNCDH estime que la France ne garantit pas encore l’accès à l’école pour toutes et tous, sans distinctions d’origine.

80% des enfants vivant en bidonvilles ou en squats, souvent de réfugiés, ne sont pas scolarisés.

La CNCDH recommande que soit engagée une action coordonnée permettant à tous les enfants d’être scolarisés, quelle

que soit leur origine réelle ou supposée, conformément aux lois en vigueur et aux engagements pris par la France lors de la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant en1990.

La Commission appelle le ministère de l’Éducation nationale à prendre appui sur les recommandations précises et complémentaires formulées par la CNCDH dans son rapport racisme 2018.

Dans une tribune publiée sur le site Internet de Libération en septembre 2018, la CNCDH, Unicef France, le CNDH Romeurope et une cinquantaine d’organisations ont interpelé le Gouvernement afin que des mesures soient prises pour garantir l’accès à l’école pour tous les enfants.

La CNCDH relève, certes, que certaines des mesures préconisées, notamment pour éviter les refus abusifs d’inscription scolaire en simplifiant les formalités administratives, ont été adoptées par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi « pour une école de la confiance ».

Mais elle souligne que garantir l’accès à l’éducation à tous les enfants, indépendamment de leur situation sociale, géographique, familiale ou de leur origine est une obligation inscrite dans le code de l’éducation comme dans plusieurs conventions internationales que la France a choisi de signer, suppose de plus ample efforts.

La CNCDH appelle les pouvoirs publics à soutenir deux autres dispositions :

  • la création d’un observatoire national de la non-scolarisation ;
  • la reconnaissance de la médiation éducative, pour réduire la distance entre les familles, l’institution scolaire et l’ensemble des acteurs concernés.

Loi ELAN : publication du décret n° 2019-305 du 11 avril 2019 modifiant les dispositions du Code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité des bâtiments d’habitation et au contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture du plan

Le décret n° 2019-305 du 11 avril 2019 modifiant les dispositions du Code de la construction et de l’habitation (CCH) relatives à l’accessibilité des bâtiments d’habitation et au contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture du plan a été publié au Journal officiel de la République française le 12 avril 2019.

Il est pris pour l’application de l’article 64 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

Il porte sur l’accessibilité des bâtiments d’habitation collectifs neufs, l’adaptation des logements existants aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie réalisés aux frais du locataire et enfin sur la modification de l’échéancier de paiement relatif aux contrats de construction d’une maison individuelle avec fourniture du plan et modifie les  dispositions réglementaires pertinentes du CCH et du décret n° 2016-1282 du 29 septembre 2016.

En application de l’article 5 du décret, les nouvelles dispositions des articles R. 111-5 et R. 111-18-2 du CCH s’appliquent à toutes les demandes de permis de construire déposées à compter du 1er octobre 2019.

Les articles 3 et 4 du décret qui modifient respectivement le décret du 29 septembre 2016 relatif aux travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie et l’article R. 231-7 du CCH sont, quant à eux, entrés en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel, soit le 13 avril 2019.

L’article 1er du décret du 11 avril 2019 modifie l’article R. 111-5 du CCH qui porte sur l’obligation faite au constructeur d’installer un ascenseur pour la construction de logements neufs dans les bâtiments d’habitation collectifs.

En premier lieu, le décret étend le champ des immeubles collectifs pour lesquels l’installation d’un ascenseur est obligatoire puisque désormais, l’installation d’un ascenseur est obligatoire dans les parties de bâtiments d’habitation collectifs comportant plus de deux étages accueillant des logements en étage ou en sous-sols.

En second lieu, l’article 1er du décret supprime le dernier alinéa de l’article R. 111-5, qui prévoyait que lorsque l’ascenseur n’est pas obligatoire, les parties de bâtiment comprenant plus de quinze logements doivent être conçues de manière à permettre l’installation ultérieure d’un ascenseur sans modification des structures et des circulations existantes.

L’article 2 du décret du 11 avril 2019 modifie le I de l’article R. 111-18-2 du CCH qui porte sur l’accessibilité aux personnes handicapées des logements collectifs.

Le décret du 11 avril 2019 modifie le 1er alinéa de l’article R. 111-18-2 I 2 relatif aux bâtiments d’habitation collectifs soumis au respect des obligations liées aux caractéristiques minimales d’accessibilité aux personnes handicapées définies tout au long de l’article R. 111-18-2.

Les bâtiments d’habitation soumis au respect des dispositions de l’article R. 111-18-2 du CCH sont définis par référence à l’article R. 115-5. Le décret prévoit que 20% de ces logements, et au moins un logement, doivent être conformes à l’article R. 111-18-2.2

L’article 3 modifie le décret du 29 septembre 2016 relatif aux travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie réalisés aux frais du locataire afin d’abaisser à 2 mois, et non plus 4 mois, le délai d’autorisation tacite du bailleur lorsque son locataire l’informe qu’il souhaite réaliser des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

L’article 4 du décret du 11 avril 2019 modifie l’article R. 231-7 du CCH qui porte sur l’échéancier de paiement des contrats de construction de maisons individuelles avec fourniture de plans.

Enfin le décret du 11 avril 2019 ajoute aux cas à partir desquels le vendeur peut exiger le paiement de 95% du prix de vente de la maison individuelle sur plan, la réalisation des enduits extérieurs à la liste des travaux relevant de la fin du chantier de construction.

La responsabilité contractuelle du maître d’œuvre dans les marchés publics de travaux – panorama de jurisprudence

Le maître d’œuvre dispose d’un rôle singulier dans l’opération de travaux et les conditions d’engagement de sa responsabilité contractuelle ne sont pas toujours facile à appréhender.

Par une série de décisions rendues au cours de l’année 2018, ces conditions ont été sensiblement clarifiées par le juge administratif (I) qui a également entendu rappeler les limites de la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre (II).

 

I. Sur la clarification des conditions d’engagement de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre

La clarification des conditions d’engagement de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre a été opérée par le juge administratif en matière d’exécution du marché (A), de réception des travaux (B) mais également en matière de responsabilité recherchée postérieurement à la réception (C).

A. Sur la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre lors de l’exécution du marché

• En cours d’exécution du marché, une règlementation nouvelle peut imposer des modifications du projet initial.

Aux termes d’un arrêt du 4 octobre 2018, la Cour administrative d’appel de Douai a ainsi jugé que le maître d’œuvre est tenu d’informer, par écrit, le maître de l’ouvrage dès lors qu’une nouvelle règlementation est applicable au projet en cours de réalisation en lui indiquant notamment les modifications techniques indispensables pour assurer la conformité de l’ouvrage à ladite règlementation (CAA Douai, 4 octobre 2018, n° 17DA00437).

Par cet arrêt, la Cour a entendu rappeler les obligations qui pèsent sur le maître d’oeuvre d’alerter et de conseiller le maître d’ouvrage lorsqu’une nouvelle règlementation est applicable à son projet ce qui implique, en amont, une obligation de se tenir informé de l’évolution de la règlementation.

Plus généralement, la Cour rappelle ainsi la nécessité pour les intervenants à l’acte de construire de procéder à une veille règlementaire.

Dès lors qu’une nouvelle réglementation est applicable au projet en cours de réalisation, il est donc important d’informer par écrit le maître d’ouvrage en lui indiquant notamment les modifications techniques qui en résultent.

Par sécurité, ces obligations peuvent être contractualisées au sein du cahier des charges.

• Par un arrêt rendu le 8 octobre 2018, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que la conclusion d’un avenant par le maître d’ouvrage avec les entreprises chargées des travaux n’exclut pas la possibilité de rechercher la responsabilité du maitre d’œuvre (CAA Marseille, 8 octobre 2018, n° 17MA01100).

Dans cette espèce, la conclusion des avenants et du marché complémentaire avait été rendue nécessaire afin d’assurer la régularité de la commande des travaux supplémentaires exigés par les entrepreneurs en cours de chantier.

La Cour a précisé que, si le caractère définitif du décompte général du marché s’oppose aux demandes indemnitaires formulées postérieurement par les cocontractants à ce marché sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, il n’a ni pour objet ni pour effet d’interdire au maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité contractuelle des autres constructeurs qui ne sont pas parties audit marché.

Autrement dit, le caractère définitif du décompte général du marché ne prive pas le maitre d’ouvrage de sa possibilité de rechercher la responsabilité du maître d’œuvre en raison du préjudice subi du fait de l’éventuel surcoût des prestations mentionnées dans ce décompte.

 

B. Sur la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre lors de la réception

• La responsabilité contractuelle du maître d’œuvre peut être retenue en cas de manquement à son obligation de conseil lors de la rédaction du procès-verbal de réception.

La Cour administrative d’appel de Versailles a ainsi jugé que :

« La responsabilité des maîtres d’œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu’ils se sont abstenus d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur les désordres affectant l’ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves » (CAA Versailles, 15 mars 2018, n° 16VE00740). 

Par ailleurs, si la réception des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage, elle ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre soit recherchée à raison des fautes de conception qu’il aurait éventuelle commises.

Par un arrêt du 2 juillet 2018, la Cour administrative d’appel de Marseille a ainsi jugé que la réception des travaux n’exclut pas la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre (CAA Marseille, 6ème chambre, 2 juillet 2018, n° 12MA02540).

Plus généralement, à l’instar de l’achèvement des travaux qui évoque la fin de la mission confiée au constructeur, la réception marque, quant à elle, le point de départ des garanties légales.

 

C. Sur la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre postérieurement à la réception

La responsabilité contractuelle du maître d’œuvre est plus délicate à déterminer postérieurement à la réception des travaux.

Toutefois, par un arrêt rendu le 19 novembre 2018, le Conseil d’Etat a précisé qu’une faute simple suffit pour engager la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre (CE, 19 novembre 2018, Commune d’Hyères, n° 413017)

En effet, aux termes de cet arrêt, ce dernier a considéré que :

« en subordonnant ainsi l’engagement de la responsabilité du maître d’œuvre dans le cadre de sa mission de surveillance de l’exécution du marché à l’existence d’une faute caractérisée d’une gravité suffisante, alors qu’il lui appartenait seulement de rechercher si le comportement du maître d’œuvre présentait un caractère fautif eu égard à la portée de son intervention compte tenu des propres obligations des autres constructeurs, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ».

Le principe selon lequel la réception met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et les constructeurs, en ce compris le maître d’œuvre, est d’une portée limitée.

 

II. Sur les limites de la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre

A l’instar des conditions d’engagement de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre, le juge administratif poursuit ses efforts de délimitation des contours de cette responsabilité notamment en matière de réception tacite d’un ouvrage (A), d’établissement du décompte général définitif (B) ou encore en cas d’imprudence fautive de la part du maître d’ouvrage (C).

A. En matière de réception tacite d’un ouvrage

Très récemment, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé que la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre ne peut plus être recherchée à raison de fautes qui lui seraient reprochées dans la conception d’un ouvrage qui doit être regardé comme ayant été implicitement réceptionné (CAA Douai, 3ème chambre, 7 mars 2019, n° 16DA00132)

Dans cette espèce, le groupement de maîtrise d’œuvre avait proposé la réception des travaux, avec quelques réserves sans rapport avec l’isolation acoustique. Le maitre d’ouvrage n’a pas pris position, à l’égard des entrepreneurs concernés, dans le délai de quarante-cinq jours du CCAG travaux suivant la réception de cette proposition de réception.

Ce n’est que postérieurement à l’expiration de ce délai qu’il a estimé « incomplètes » les propositions transmises par le groupement de maîtrise d’œuvre et a exigé de celui-ci qu’il lui adresse de nouvelles propositions intégrant la question des nuisances acoustiques, afin qu’une réception avec réserves sur ce point puisse être prononcée.

Cette manifestation d’intention postérieure à l’expiration du délai de quarante-cinq jours n’a pas été de nature à faire obstacle à la réception tacite des travaux.

La Cour a alors considéré que, au regard de cette réception tacite de l’ouvrage, le maître d’ouvrage ne pouvait plus rechercher la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre à raison d’erreurs éventuelles commises dans la conception du dispositif d’isolation acoustique de l’immeuble ou le suivi de l’exécution des travaux.

B. En matière d’établissement du décompte général définitif

Par un arrêt rendu le 19 novembre 2018, le Conseil d’Etat a, à nouveau, rappelé que le caractère définitif du décompte général fait obstacle à toute demande d’indemnisation ultérieure sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre (CE, 19 novembre 2018, n° 408203).

En d’autres termes, dès lors qu’il a été notifié sans réserve et accepté, le décompte général devient définitif et, par la même, intangible et irrévocable.

C. En cas d’imprudence du maitre d’ouvrage

Le maître d’œuvre peut voir sa responsabilité partiellement écartée si le maître d’ouvrage a fait preuve d’imprudence, ce dernier devant supporter une part de responsabilité dans l’apparition des désordres (CAA Nantes, 27 avril 2018, Commune de Saint-Dié-Des-Vosges n° 16NT01213)

L’imprudence du maître d’ouvrage peut même totalement exonérer le maître d’œuvre de toute responsabilité, lorsqu’elle peut être qualifiée de « particulièrement grave ». Tel est le cas lorsque le maître d’ouvrage avait une parfaite connaissance des désordres et de leur étendue mais a néanmoins prononcé une réception sans réserve (CAA Nancy, 30 janvier 2018, Commune de Saint-Dié-des-Vosges, n° 16NC02728)

En conclusion, si le périmètre de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre tend à s’élargir au fil du temps, le juge administratif n’en délimite pas moins les contours.

L’appréciation se fait, en réalité, au cas par cas après une analyse in concreto par le juge des faits de l’espèce.

En tout état de cause, le maître d’ouvrage doit rester vigilant car l’élargissement du périmètre de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre n’écarte par le risque pour lui de voir sa responsabilité également engagée.

Par Justine L’Huissier

 

 

 

Projet de Plan national de gestion des déchets

Dans le cadre de la transition vers un économie circulaire, un projet de Plan national de gestion des déchets a été élaboré par le Ministère de la Transition écologique et solidaire.

En effet, l’article 28 de la directive-cadre 2008/98/CE relative aux déchets impose aux Etats membres de veiller à ce que les autorités compétentes établissent un ou plusieurs plans de gestion des déchets couvrant l’ensemble du territoire géographique de l’Etat membre concerné.

En combinaison avec les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (mais sans s’y substituer), la France a donc décider d’élaborer un Plan national de gestion des déchets.

Ce plan doit fournir une vision d’ensemble, au niveau national, du système de gestion des déchets et de la politique nationale déjà amorcée avec la loi LTECV et la FREC.

Le plan, qui prend en compte les évolutions récentes du cadre communautaire, permet notamment d’identifier :

  • Le type, la qualité et la source des déchets produits sur le territoire ;
  • Une évaluation des investissements et autres moyens financiers nécessaires pour satisfaire ces besoins ;
  • Une évaluation des systèmes existants de collecte des déchets ;
  • Les mesures visant à empêcher et prévenir toute forme de dépôt sauvage de déchets et faire disparaître tous les types de déchets sauvages ;
  •  

Ce plan est actuellement soumis à la consultation du public du 23 avril au 31 mai 2019.

Bande des 100 mètres : l’interprétation du Conseil d’Etat sur la notion d’espace urbanisé

Par un arrêt du 25 mars 2019, le Conseil d’Etat a précisé la notion « d’espace urbanisé » permettant de déroger à l’interdiction de construction dans la bande des 100 mètres.

Un permis de construire en vue de l’édification d’une maison d’habitation, accordé dans cette zone, était contesté devant les juridictions administratives.

Conformément à l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme, aujourd’hui repris à l’article L. 121-16 « les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux ». Une exception existe toutefois à cette interdiction pour les espaces urbanisés.

La Cour administrative d’appel avait jugé que le projet litigieux devait être regardé comme situé dans un espace déjà urbanisé puisqu’il était bordé à l’ouest et au sud par deux maisons d’habitation, que l’une d’entre elles était elle-même bordée par des constructions sur chacun de ses côtés. Les juges administratifs avaient également relevé que le projet était situé dans l’enveloppe bâtie que constitue le centre-bourg de la commune, et était voisin, sur son côté est, du cimetière entourant l’église du centre-bourg, situé à une trentaine de mètres.

Dès lors, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel sur ce point ainsi que sur l’appréciation souveraine des juges portée sur le classement par l’administration de la parcelle sur laquelle le projet est situé en zone UB.

Précisions relatives à la participation du public et à l’autonomie de l’autorité environnementale

Un recours pour excès de pouvoir avait été formé par l’association France nature environnement (FNE) contre le décret du 25 avril 2017 relatif aux procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et modifiant diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale de certains projets, plans et programmes. Ce recours portait également sur l’annulation du rejet implicite du ministre de la transition écologique et solidaire né du silence gardé sur la demande de l’Association en date du 20 juin 2017 tendant à obtenir l’abrogation de l’article R.121-2 du Code de l’environnement en ce qu’il fait dépendre de seuils économiques ou financiers l’obligation de mettre en œuvre une procédure de concertation préalable.

Dans la décision examinée, le Conseil d’Etat considère tout d’abord que les dispositions du décret attaqué ne pouvaient être examinées au regard des objectifs définis par les directives du 27 juin 2001 et du 13 décembre 2011 qui soumet certains projets à évaluation des incidences environnementales. Pour fonder son argumentation, le juge précise que les dispositions prévues par le chapitre Ier du titre II du livre Ier du Code de l’environnement (article L. 121-1-A et suivants du Code) n’ont pas vocation à répondre aux exigences des directives précitées aux motifs que ces dispositions légales portent sur une concertation organisée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’un plan ou programme et que celui-ci n’est pas suffisamment précis pour faire l’objet d’une évaluation environnementale ou un rapport sur les incidences environnementales comme l’exigences les directives précités.

La Haute juridiction juge ensuite irrecevable le moyen tiré de ce que l’article 4 du décret attaqué, en n’excluant pas la possibilité pour le garant d’être nommé en qualité de commissaire enquêteur, méconnaîtrait le principe de l’indépendance du commissaire enquêteur. Le Conseil d’Etat se fonde alors sur le fait qu’une telle possibilité est offerte par la loi et qu’il ne lui appartient pas de juger de la conformité de la loi à la Constitution en dehors de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Enfin, le Conseil d’Etat rappelle que si une même autorité peut être à la fois compétente pour autoriser un projet et être en même temps chargée de la consultation environnementale, ce n’est que si la séparation fonctionnelle au sein de l’autorité est garantie afin que celle-ci rende un avis objectif sur le projet. Or malgré la modification de l’article R.122-6 du Code de l’environnement opéré par le décret litigieux, aucun dispositif n’a été prévu pour garantir l’autonomie réelle du préfet de région en tant qu’autorité environnementale. Les dispositions du 4° de l’article 3 du décret attaqué ont ainsi méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive européenne du 13 décembre 2011. Le Conseil d’Etat annulent donc ces dispositions en tant que l’article R.122-6 du code de l’environnement, qu’elles modifient, conserve au préfet de région la compétence pour procéder à l’évaluation environnementale de certains projets.

Prestation de gestion de clientèle en contrat unique : le Conseil constitutionnel déclare les dispositions conformes

Le Conseil constitutionnel avait été interrogé par la société Engie dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionalité (QPC) sur la conformité du premier alinéa du paragraphe II de l’article L. 452-3-1 du Code de l’énergie[1] issu de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement[2].

Il faut en effet rappeler que cette dernière loi avait hérité d’un contentieux antérieur portant sur la détermination de la rémunération des prestations de gestion de clientèle effectuées par les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution. Il s’agissait en l’espèce des clients en contrat unique c’est-à-dire dont le contrat couvre à la fois la fourniture d’énergie et sa distribution et dans lequel le fournisseur prend en charge la relation contractuelle avec le gestionnaire du réseau de distribution et agit ainsi comme intermédiaire entre le gestionnaire de réseau et le client final.

Des recours avaient été déposés en la matière dès 2017 sur les délibérations alors en vigueur de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

L’article 13 de la loi était finalement venu clarifier le cadre juridique applicable en introduisant notamment dans le Code de l’énergie un article L. 341-4-3 qui prévoit que ces prestations « peuvent donner lieu à une rémunération, dont les éléments et le montant sont fixés par la Commission de régulation de l’énergie ».

L’objectif de la loi était ainsi de sécuriser le cadre juridique du contrat unique afin que cette rémunération soit fixée de manière transparente pour tous les fournisseurs, et n’induise pas de surcoût pour les consommateurs. En validant les conventions relatives à l’accès aux réseaux prévue par l’article L. 452-3-1 du Code de l’énergie, la loi avait alors mis un terme aux contentieux relatifs aux coûts supportés par les fournisseurs d’électricité pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution.

C’est cette dernière validation législative que la société Engie avait contesté au motif que cela ne lui permettait plus d’agir pour recouvrer sa créance au titre de la gestion de clientèle qu’elle disait avoir effectuée pour le compte de la société Enedis[3].

Elle soutenait qu’en validant les conventions relatives à l’accès aux réseaux d’électricité conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs, les dispositions de la loi méconnaissaient le principe de séparation des pouvoirs, la garantie des droits et le droit à un recours juridictionnel effectif. Elle dénonçait également la violation du principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre qui en résulterait.

En jugeant que la validation législative était justifiée par un motif impérieux d’intérêt général et en déclarant ces dispositions conformes à la Constitution, la décision vient clore définitivement le débat qui oppose devant les juridictions depuis une dizaine d’années, les fournisseurs d’électricité aux distributeurs sur la question de la charge des coûts des prestations de gestion de clientèle.

 

[1] Le paragraphe II de l’article L. 452-3-1 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2017 prévoit :« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les conventions relatives à l’accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l’article L. 111-52 du code de l’énergie et les fournisseurs d’électricité, en tant qu’elles seraient contestées par le moyen tiré de ce qu’elles imposent aux fournisseurs la gestion de clientèle pour le compte des gestionnaires de réseaux ou laissent à la charge des fournisseurs tout ou partie des coûts supportés par eux pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi.« Cette validation n’est pas susceptible de donner lieu à réparation ».

[2] Cf. notre brève publiée dans la LAJEE de janvier 2018 : https://www.seban-associes.avocat.fr/clients-contrat-unique-composante-dacces-tarifs-dutilisation-reseaux-de-distribution-delectricite-cadre-juridique-definitivement-fixe/

[3] Arrêt n° 242 du 7 février 2019 (18-40.044) – Cour de cassation – Chambre commerciale, économique et financière

 

Prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité : consultation publique

Les tarifs et le contenu des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité actuellement en vigueur résultent de la délibération de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) du 16 novembre 2016 portant décision sur la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité. Cette délibération est entrée en vigueur le 1er août 2017.

Les tarifs de ces prestations ont depuis évolué annuellement par l’application des formules d’indexation.

En application des dispositions de l’article L. 341-3 du Code de l’énergie la Commission de régulation de l’énergie est chargée de fixer les méthodes utilisées pour établir les tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif » par les gestionnaires de réseaux.

C’est dans ce cadre que la CRE envisage de délibérer sur les évolutions des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD d’électricité destinées à s’appliquer à partir du 1er août 2019.

Les principales évolutions envisagées à ce stade par la CRE consistent à introduire les prestations suivantes :

  • une prestation de transmission des index et autres données du compteur pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36kVA ;
  • une prestation de transmission ponctuelle en infrajournalier de données mesurées pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA ;
  • une prestation de modification de puissance de raccordement en injection pour les producteurs raccordés dans le domaine de tension BT ≤ 36 kVA.

La CRE envisage par ailleurs d’apporter des modifications concernant la prestation de transmission récurrente de la courbe de charge pour les sites raccordés dans les domaines de tension HTA et BT > 36 kVA.

La consultation publique qui vient d’être lancée a donc pour objet de recueillir l’avis des acteurs du marché sur les évolutions envisagées des prestations à destination des consommateurs particuliers, des entreprises, des professionnels et des collectivités. La date limite de dépôt des réponses est fixée au vendredi 17 mai 2019.

L’injection « portée » de biogaz dans le réseau : un dispositif de soutien dédié

Arrêté du 30 avril 2019 modifiant l’arrêté du 23 novembre 2011 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel

Délibération de la CRE du 4 octobre 2018 portant avis sur les projets de décret et d’arrêté adaptant le dispositif d’obligation d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel pour les installations de production de biométhane livrant à un point d’injection mutualisé après un transport routier

 

L’injection du biométhane dans le réseau de gaz naturel est permise en France depuis 2011[1].

Ce gaz vert est un gaz 100% renouvelable produit localement à partir de résidus agricoles, d’effluents d’élevage et de déchets des territoires. Après épuration, il atteint le même niveau de qualité que le gaz naturel et peut donc être injecté dans les réseaux. On l’appelle alors biométhane. Utilisé comme carburant (BioGNV), il offre une solution économique et écologique pour le transport de marchandises et de personnes.

Si depuis 2011, le nombre d’installations a augmenté progressivement, plusieurs freins techniques au développement de l’injection demeurent (absence de réseau de distribution de gaz dans certaines zones rurales, saisonnalité des besoins en gaz).

L’injection dite « portée » de biométhane peut être une solution pour développer l’injection de biométhane.

Cette solution consiste à acheminer par transport routier le méthane produit et préalablement comprimé ou liquéfié vers un point d’injection sur le réseau de gaz naturel (on parle également de point d’injection « mutualisé »).

L’injection portée permet ainsi à une ou plusieurs unité(s) de méthanisation, en cas d’absence de capacité d’injection sur le réseau de distribution de gaz naturel, de transporter par la route son biométhane vers un poste d’injection.

On parle d’injection portée individuelle quand une unité de méthanisation transporte par la route son biométhane vers un poste d’injection, et d’injection portée mutualisée quand plusieurs unités de méthanisation transportent par la route leur biométhane vers un même poste d’injection.

L’injection portée mutualisée était toutefois peu rentable dans le cadre réglementaire actuel (pertes de recettes dues à la dégressivité du tarif conditionné au point d’injection).

Afin de soutenir la filière de biométhane porté, le Gouvernement s’était alors engagé à étudier la possibilité de donner à une installation de production de biométhane un tarif d’achat déterminé à partir de la production de chaque site de production, mesurée à un autre endroit que le poste d’injection.

Le Gouvernement a donc adapté le dispositif d’obligation d’achat du biométhane injecté dans les réseaux pour les installations de production de biométhane livrant à un point d’injection mutualisé après transport routier (injection « portée »).

Le décret du 30 avril 2019 définit les conditions auxquelles les installations de production de biométhane livrant à un point d’injection mutualisé après un transport routier peuvent bénéficier d’un tarif d’achat dont le caractère dégressif est calculé sur la base de la production du site de production. Ce tarif d’achat est associé à un dispositif de comptage du biométhane produit sur le site de production.

L’arrêté publié le même jour vient quant à lui modifier l’arrêté du 23 novembre 2011 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel.

On rappellera enfin que, le 4 octobre 2018, la CRE avait rendu un avis sur ces deux textes (délibération n° 2018-208) aux termes duquel elle avait estimé que la généralisation du dispositif de soutien au biométhane porté devrait s’accompagner de la définition de conditions garantissant qu’il ne se déploie que dans des situations où son intérêt pour la collectivité est avéré.

 

[1] Décret n° 2011-15971 du 21 novembre 2011 relatif aux conditions de contractualisation entre producteurs de biométhane et fournisseurs de gaz naturel, décret n° 2011-15942 du 21 novembre 2011 relatif aux conditions de vente du biométhane aux fournisseurs de gaz naturel pris en application de l’article L. 446-2 du code de l’énergie, arrêté du 23 novembre 2011 modifié fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel.

 

Nouveau projet de loi relatif à l’énergie et au climat du Gouvernement

Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat a été définitivement adopté par le Gouvernement lors du Conseil des ministres du 30 avril 2019.

Ce texte fait suite à une première version du texte dévoilée par le Gouvernement lors de sa saisine pour avis du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), et du Conseil National de la Transition Ecologique (CNTE), en février dernier (voir notre Brève du 10 janvier 2019).

Le projet de loi définitif est composé de six chapitres.

Le chapitre Ier a pour objet de réviser les objectifs de la politique énergétique et climatique fixés par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il ajoute, par rapport au premier texte, que l’objectif de « neutralité carbone » devra être atteint en « divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 ».

Le chapitre II vise la création d’un Haut Conseil pour le Climat dont la mission essentielle est de prendre en charge les missions du comité d’experts visé à l’article L. 222-1 D du Code de l’environnement et à l’article L. 145-1 du Code de l’énergie.

Les chapitres III à V sont quasi identiques au premier projet de loi.

Pour mémoire donc, le chapitre III prévoit de nouvelles mesures de simplification relatives à l’autorisation environnementale visée à l’article L. 122-1 et suivants du Code de l’environnement.

Le chapitre IV porte sur le renforcement la lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergies, notamment par le contrôle des demandeurs de CEE par un organisme tiers.

Le chapitre V prévoit l’habilitation du Gouvernement pour la mise en œuvre du Paquet intitulé « Une énergie propre pour tous les européens », soit en vue de la transposition et de l’adaptation du droit national aux nouvelles et futures directives et règlements européens relevant dudit Paquet (voir notre Brève du 10 janvier 2019).

On signalera, à cet égard, que le Parlement européen a adopté, le 26 mars dernier, les quatre propositions législatives restant à adopter dans le cadre du Paquet susvisé. Le Conseil européen devra se prononcer, à son tour, sur lesdites propositions lors d’un vote qui se tiendra courant du mois de mai en cours.

Enfin, le chapitre VI du projet de loi sur la « régulation de l’énergie » est la principale nouveauté de la version définitive du projet de loi.

Ce chapitre prévoit deux habilitations du Gouvernement lui autorisant à modifier, par voie d’ordonnance, la procédure du Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDIS) de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), d’ouvrir la possibilité pour la CRE d’agir devant les juridictions, ainsi que celle de transiger sur les demandes de restitution de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) aux titres des années 2009 à 2015[1].

Ce chapitre VI prévoit également des modalités d’adaptation du complément de prix applicable au dispositif d’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (ARENH) lorsque son plafond fixé à 100 térawattheures (TWh) par an est atteint.

On précisera que le projet de loi a été déposé devant l’Assemblée nationale, et ce dès son adoption par le Conseil des ministres, pour une première lecture du texte.

L’adoption de ce projet de loi suivra une procédure accélérée dans les conditions de l’article 45 de la Constitution de la République française.

 

[1] En application de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 juillet 2018, SAS Messer France (affaire C-103/17) et celui du Conseil d’Etat du 3 décembre 2018, SAS Messer France (n° 399115).

Emprise irrégulière par le réseau de distribution d’électricité : pas d’injonction de déplacer l’ouvrage en dehors de la propriété privée

Des particuliers sollicitaient, pour la réalisation d’un projet de construction d’aires de stationnement et de retournement avec système d’éclairage personnel sur leur parcelle privée, l’enlèvement d’une ligne surplombant la parcelle ainsi que du poteau implanté sur ladite parcelle. Ces deux ouvrages du réseau de distribution d’électricité faisaient selon eux obstacle à la réalisation de leur projet de construction.

La société Enedis avait donné son accord pour prendre en charge le coût du déplacement du support de quelques mètres à l’intérieur de leur propriété, afin de permettre la réalisation du projet de construction, et proposé la signature d’une convention de servitude. La société avait en revanche refusé de reconnaître le caractère irrégulier de l’emprise et rejeté la demande d’enlèvement des lignes et du support hors de la propriété

Les riverains avaient alors porté le litige devant le Tribunal administratif de Marseille, lequel a partiellement fait droit à leur demande par un jugement du 8 décembre 2016.

Le Tribunal a retenu le caractère irrégulier de l’emprise de la ligne électrique surplombant la propriété et celle du poteau en constituant le support, et annulé la décision de la société ERDF (devenue ensuite Enedis) en date du 28 avril 2014, en tant qu’elle refusait de reconnaître le caractère irrégulier de l’emprise. Le Tribunal a également enjoint à la société Enedis, afin de régulariser l’emprise, de proposer à nouveau aux riverains la signature d’une convention de servitude conclue sur le fondement de l’article 1er du décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, avec prise en compte du déplacement, dont le coût est à la charge de la société Enedis, du support et de la ligne sur la distance nécessaire, à l’intérieur de leur propriété, à la réalisation de leur projet, et ce dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement. Le Tribunal n’avait donc pas fait droit à leur demande initiale portant sur le déplacement des ouvrages en dehors de leur propriété.

Les riverains ont fait appel de cette décision.

Dans sa décision du 29 avril 2019, la Cour administrative d’appel de Marseille commence par relever que c’est à tort que le Tribunal a jugé possible la régularisation de l’emprise irrégulière par la conclusion d’une convention de servitude sur le fondement du décret du 6 octobre 1967 précité. La Cour relève en effet que ces dispositions ne peuvent trouver à s’appliquer « en présence, comme en l’espèce, d’une propriété bâtie et close de murs, sauf à engager, ce qui n’a pas été fait, une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique » (Voir également en ce sens : CAA Lyon, 22 décembre 2015, ERDF c/ M. et Mme A, req. n° 15LY03078).

La Cour rappelle ensuite qu’une régularisation par voie de convention amiable constitue la seule solution pour instituer une servitude sur un terrain bâti et clos de murs et qu’elle est en l’espèce impossible à mettre en œuvre du fait du refus réitéré des riverains de conclure une telle convention et du fait du désaccord persistant sur la partie en charge des travaux.

Conformément à l’office du juge administratif en la matière, la Cour rappelle donc que « lorsque le juge administratif constate qu’une régularisation appropriée est impossible, il lui revient de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général ».

La Cour constate alors que la présence de l’ouvrage du réseau de distribution d’électricité prive les requérants de jouir pleinement de l’ensemble immobilier dont ils sont propriétaires. La Cour rappelle cependant les inconvénients exposés par la société Enedis qui pourraient résulter du déplacement du pylône et de la ligne électrique. En particulier, la Cour rappelle que le coût de l’enfouissement de la ligne en dehors de leur propriété s’élèverait à 60 249 euros TTC, contre 8 201,56 euros HT pour un déplacement du poteau de quelques mètres dans la propriété. La Cour rappelle en outre que l’enfouissement des ouvrages en dehors de la propriété des requérants nécessitera l’accord du gestionnaire de la voirie, « et éventuellement celui des propriétaires des parcelles susceptibles de recevoir l’armoire de dérivation ». La Cour rappelle enfin « l’impact de la coupure de la ligne le temps des travaux, sur les cinquante-trois personnes desservies par ce réseau ».

Dès lors, la Cour considère que si c’est à tort que le Tribunal a estimé régularisable l’emprise irrégulière, en revanche, « eu égard à l’atteinte excessive que porterait cette solution à l’intérêt général », l’irrégularité de l’emprise n’implique pas pour autant le déplacement du poteau et de la ligne dans les conditions réclamées par les requérants.

La Cour annule donc le dispositif d’injonction prononcé par le Tribunal mais rejette le reste de la requête des requérants.

Confirmation de la possibilité d’intégrer des travaux liés à l’éclairage public dans la redevance « R2 » de concession de distribution d’électricité

CAA Lyon, 11 avril 2019, Syndicat intercommunal d’électricité et de gaz du Puy-de-Dôme (SIEG 63), req. n° 18LY02782

La Cour administrative d’appel de Lyon a, par deux décisions du 11 avril 2019, apporté d’intéressantes précisions sur le principe même de l’intégration de dépenses liées au réseau d’éclairage public dans le terme E de la redevance de concession de distribution publique d’électricité dite « R2 ».

Pour mémoire, cette redevance est due au concédant par la société Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, au titre des dépenses d’investissements engagées sur le réseau concédé par le concédant ou ses adhérents. Parmi les termes qui composent la formule de calcul de la redevance R2 (dans les contrats établis sur la base du modèle négocié par la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (FNCCR) et la société EDF en 1992) figure le terme E défini comme « le montant des travaux d’investissements sur installations d’éclairage public, mandaté au cours de l’année pénultième par les collectivités exerçant la maîtrise d’ouvrage de ces travaux ».

Les litiges à l’origine des deux arrêts concernent l’intégration par le Syndicat intercommunal d’électricité et de gaz du Puy-de-Dôme (ci-après, SIEG 63), dans le terme E de la redevance R2 due au titre des années 2014 et 2015, de sommes exposées par la commune de Clermont-Ferrand au titre de travaux d’installation d’un système de télégestion sur le réseau d’éclairage public communal. La société Enedis, concessionnaire sur le territoire de cette commune, a contesté auprès du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand les titres de recettes émis par le Syndicat en vue de percevoir la redevance R2 correspondant à ces travaux.

On précisera en liminaire que si la solution rendue par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est différente dans les deux litiges (annulation du titre dans un cas et rejet de la requête dans l’autre), on comprend de l’analyse des deux arrêts que cette divergence résulte du contenu respectif des deux requêtes introduites par la société Enedis qui différait vraisemblablement.

En effet, dans l’arrêt n° 16LY04349 statuant sur le jugement du Tribunal administratif de Clermont Ferrand du 20 octobre 2016, les premiers juges avaient rejeté la requête dirigée par la société Enedis à l’encontre d’un titre de recettes portant sur l’année 2014, en estimant notamment que la société Enedis ne pouvait être regardée, dans cette instance, comme se prévalant de l’illicéité (alléguée) du mécanisme contractuel prévoyant que la redevance R2 puisse porter sur des sommes étrangères au service public de la distribution d’électricité.

A l’inverse, dans l’instance n° 18LY02782 statuant sur le jugement du Tribunal administratif de Clermont Ferrand du 23 mai 2018 portant sur l’année 2015, les premiers juges avaient annulé le titre de recettes en estimant que les stipulations contractuelles intégrant, dans la redevance de concession R2, des sommes correspondant à des travaux réalisés sur le réseau d’éclairage public « étaient illicites dès lors que la charge résultant des travaux d’investissement relatifs au développement et au renouvellement des installations d’éclairage public constitue une dépense distincte de celle de la distribution de l’électricité ».

Il s’agissait là d’une remise en cause directe des dispositions contenues dans la totalité des contrats de concession de distribution d’électricité conclus sur la base du modèle négocié par EDF et la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (FNCCR) en 1992. Mais, dans les deux arrêts du 11 avril 2019 ici commentés, la Cour administrative de Lyon adopte une position contraire à celle du Tribunal.

Ainsi, dans chacun des deux arrêts, la Cour conclut à la licéité des clauses contractuelles en relevant qu’« à la date à laquelle les parties ont conclu la convention de concession, en 1993, les réseaux d’éclairage public étaient intégrés, au moins pour partie, au réseau de distribution publique de l’électricité. L’autorité concédante et le concessionnaire ont contractuellement admis, en affectant la valeur E d’un coefficient de 0,30, que cette part des réseaux communs d’éclairage public et de distribution d’énergie électrique devait être évaluée à 30 % ». La Cour en déduit que « les stipulations contractuelles qui intègrent dans la formule de calcul de la part R2 de la redevance de concession une part des dépenses d’investissement se rapportant au réseau d’éclairage public n’étaient pas illicites, à la date de la conclusion du contrat, dès lors qu’elles ne mettaient pas à la charge du concessionnaire des dépenses d’investissement étrangères au réseau concédé » (considérant n° 7 de l’arrêt n° 18LY02782 et considérant n° 10 de l’arrêt n° 16LY04349).

La société Enedis soutenait néanmoins que, postérieurement à la conclusion du contrat, l’évolution des normes et de la pratique avait eu pour conséquence de dissocier les réseaux de distribution d’électricité et d’éclairage public qui ne partagent plus autant de dispositifs communs.

Mais la Cour administrative d’appel de Lyon écarte cet argumentaire en relevant (considérant n° 8 de l’arrêt n° 18LY02782 et considérant n° 11 de l’arrêt n° 16LY04349) :

  • que la société Enedis n’a jamais sollicité, en conséquence de cette dissociation progressive alléguée des réseaux d’éclairage public et de distribution d’électricité, de modification du coefficient de 0,30 prévu par le contrat ;
  • que, de surcroit, il ne serait pas établi, en l’espèce, que les deux réseaux seraient totalement dissociés sur le territoire de la commune de Clermont Ferrand à la date à laquelle les travaux d’installation du système de télégestion, dont le montant a été intégré à la redevance, ont été réalisés ;
  • qu’enfin, il n’est pas davantage établi par la société Enedis, que les travaux réalisés par la Commune de Clermont Ferrand sur son réseau d’éclairage public « dont l’objectif est de réaliser des économies d’énergie, n’auraient aucune incidence sur le réseau de distribution d’énergie électrique, même séparé du réseau d’éclairage public, dès lors qu’ils permettent en particulier d’éviter ou à tout le moins de différer le renforcement du réseau concédé ».

La Cour en déduit que les stipulations contractuelles n’étaient pas illicites à la date de conclusion du contrat, et ne le sont pas davantage devenues par la suite. La Cour censure le jugement du Tribunal du 23 mai 2018 en tant qu’il a annulé le titre de recettes pour ce motif.

Ce faisant, la Cour se prononce dans le même sens que le Tribunal administratif de Nantes qui, dans un jugement du 23 mai 2018 (Tribunal administratif de Nantes, 23 mai 2018, Sté Enedis c/ Nantes Métropole, req. n° 1601454 et 1605763 ; voir notre commentaire dans notre Lettre d’actualité Energie & Environnement du mois de septembre 2018), avait retenu un raisonnent analogue en jugeant « qu’il résulte de l’instruction que les parties ont entendu intégrer une part des dépenses d’investissement effectuées par le concédant et se rapportant au réseau d’éclairage public dans le formule de calcul de la redevance R2 en raison de l’existence d’ouvrages d’éclairage public indissociables des ouvrages de distribution électrique, lesquels peuvent partager un même support ou un fil conducteur commun ; qu’il résulte du point 3 que les parties ont contractuellement admis que le forfait de 30 % du total des dépenses d’investissement effectuées sur le réseau d’éclairage public est réputé ne concerner que des ouvrages indissociables du réseau de distribution électrique ; qu’il suit de là que la société Enedis ne peut utilement demander que soient exclus de l’assiette de la redevance les dépenses d’investissement relatives aux dispositifs de télécommande et de programmation du réseau d’éclairage public au seul motif qu’elles seraient par nature dissociables du réseau de distribution électrique concédé ».

 

Par ailleurs, la Cour écarte l’ensemble des autres moyens qui étaient soulevés par la société Enedis à l’encontre de chacun des deux titres de recettes, et juge:

  • s’agissant de l’année 2015 uniquement, que le titre de recettes satisfait aux dispositions de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 et de l’article L. 1617-5 du Code général des collectivités territoriales dès lors qu’il comporte le nom, prénom et qualité de son signataire, et de surcroit que le bordereau du titre de recettes comporte la signature de l’émetteur du titre (le moyen n’était pas soulevé dans le cadre du titre portant sur l’année 2014) ;
  • s’agissant de l’année 2015 uniquement, que l’identité du comptable public n’a pas à figurer sur le titre de recettes (le moyen n’était pas soulevé dans le cadre du titre portant sur l’année 2014) ;
  • que la société Enedis a été régulièrement informée des bases et des éléments de calcul de la dette dont il lui est demandé le règlement par chacun des deux titres ;
  • que les travaux réalisés par la commune de Clermont Ferrand ont été valablement intégrés dans le terme E de la redevance R2 dès lors qu’ils contribuent au développement et au renouvellement des installations d’éclairage ;
  • que les stipulations contractuelles organisant le processus d’établissement des termes de la redevance ont été respectées dès lors que des échanges ont eu lieu, que le SIEG 63 a transmis à la société Enedis des documents et que ladite société n’a, à aucun moment, sollicité d’éléments ou précisions complémentaires qui lui auraient été refusés ;
  • que le titre ne peut être regardé comme portant sur des travaux non éligibles au terme E dès lors que, si effectivement certains travaux sans lien avec le développement et le renouvellement des installations d’éclairage figurent dans le tableau récapitulatif des travaux éligibles au terme E établi par le SIEG 63, en définitive après concertation avec la société Enedis, le montant total des travaux éligibles a été ramené par le SIEG 63 à une somme de 623 690,28 euros, en lieu et place d’une somme globale de 963 085, 69 euros figurant dans le tableau initial ;
  • qu’il ne résulte pas de l’instruction que les aides versées par la Caisse des dépôts et consignations au titre des travaux de mise en place du système de télégestion n’auraient pas été déduites des sommes sollicitées par le SIEG 63.

Nouveau point d’étape sur l’opposition au déploiement des compteurs « Linky »

Au centre des débats ces dernières années, les compteurs communicants d’électricité, dits compteurs « Linky », doivent constituer l’une des principales innovations du réseau public de distribution d’électricité.

Contrairement aux anciens, les compteurs « Linky » peuvent collecter et transmettre le relevé de consommation d’électricité à distance, de limiter le relevé physique et de permettre une consultation facilitée pour l’usager. Ils sont en cours d’installation au sein des foyers français et leur nombre devrait atteindre 35 millions d’ici à 2021.

Pour y parvenir, les compteurs Linky, et leur déploiement, sont strictement encadrés par le Code de l’énergie (I). L’opposition de la population contre ce déploiement, qui s’est surtout manifestée par l’action de nombreuses collectivités, a nourri un contentieux abondant (II), et de nouveaux enseignements sont à tirer des récentes décisions rendues sur le sujet (III).

I. Rappel du cadre juridique du déploiement des compteurs « Linky »

La directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009[1] a fixé un objectif pour les Etats membres d’équiper les clients de « systèmes intelligents de mesure » de leur consommation d’électricité, à une échéance de dix ans, et selon les résultats d’une évaluation économique de leur mise en place.

En droit national, les missions du gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité visent notamment les activités de comptage de l’électricité consommée. Cette mission comprend la fourniture, la pose, le contrôle, l’entretien et le renouvellement des compteurs électriques, ainsi que la gestion des données issues de l’activité de comptage (cf. art. L. 322-8-7° du Code de l’énergie).

L’article L. 341-4 du Code de l’énergie impose également aux gestionnaires du réseau de prévoir des dispositifs permettant à la fois aux consommateurs de limiter leur consommation pendant les périodes où les prix sont les plus élevés, et aux fournisseurs de proposer des prix différents dans l’année ou la journée.

Cette volonté de permettre aux consommateurs d’électricité de maitriser leur propre consommation s’est renforcée avec la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Depuis cette loi, la réduction de la consommation d’énergie est un objectif de politique énergétique auquel la pose de compteurs intelligents doit contribuer.

Pour atteindre concrètement cet objectif, les conditions de mise en œuvre des compteurs « Linky », et notamment le calendrier de leur déploiement, ont été fixés par le décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d’électricité, dont les dispositions sont codifiées aux articles R. 341-4 et suivants du Code de l’énergie.   

Ainsi, pour la société Enedis d’une part, et les Entreprises Locales de Distribution d’Electricité (ELD) de plus de 100 000 clients d’autre part, 95 % des compteurs devaient être installés au 31 décembre 2016 et au 31 décembre 2020 pour les autres gestionnaires de réseaux.

Ce calendrier a été ajusté en 2015 avec l’objectif de 80 % des compteurs communicants installés au 31 décembre 2020, puis 100 % au 31 décembre 2024.

En novembre 2017, la société Enedis a annoncé que sept millions de ménages ont été équipés du compteur Linky[2]. Ce déploiement en cours se poursuivra jusqu’en 2021.

II. L’état des lieux de la jurisprudence relative aux compteurs « Linky »

L’annonce puis le déploiement progressif des compteurs Linky ont suscité des inquiétudes de la part de la population liées principalement à l’inviolabilité de leur propriété privée, à la protection de leur vie privée et à la santé humaine.

Ces inquiétudes se sont manifestées par une opposition farouche aux compteurs Linky de nombreux usagers au travers d’actions individuelles et collectives (refus de pose, saisine du juge judiciaire), ainsi que par la prise de délibérations ou d’arrêtés par des communes interdisant ou aménageant les conditions d’installation des compteurs Linky (voir notre Focus d’avril 2016).

Depuis lors, nombreuses sont donc les décisions de justice qui ont été rendues à la suite de ou contre ces actions.

Concernant tout d’abord la violation de la propriété privée, le Tribunal administratif de Toulouse a admis, de manière indirecte, que le respect du droit de propriété exigeait le consentement des usagers pour l’installation des compteurs au sein de leur domicile (cf. TA Toulouse, ord., 10 septembre 2018, Commune de Blagnac, n°1803737 – voir notre Brève d’octobre 2018).

Et le ministre de la transition écologique et solidaire a précisé, dans une réponse du 13 mars 2018, que « le gestionnaire de réseau doit procéder au remplacement du compteur en respectant notamment le droit de la propriété lorsque le compteur n’est pas situé sur l’espace public ou dans un endroit accessible », même si « dans le cadre de son contrat […], le client s’engage à permettre l’accès au compteur pour le gestionnaire de réseau »[3].

S’agissant ensuite de la protection de la vie privée, la jurisprudence a régulièrement considéré que les compteurs Linky ne portent pas atteinte à la vie privée[4], à l’appui notamment des recommandations de la Commission Nationale des Libertés Informatiques (CNIL)[5]. En effet, l’accès aux données à caractère personnel issues des compteurs communicants est soumis à l’accord des consommateurs et à des règles de confidentialité spécifiques (cf. art. R. 341-4 et suivants du Code de l’énergie).

Récemment, le Conseil d’Etat a estimé que trois communes, agissant au nom de leurs administrés, n’avaient pas intérêt à agir pour demander l’annulation d’une décision de clôture de la CNIL relative à la plainte desdites communes sur les risques d’atteinte à la vie privée des compteurs Linky (cf. CE, 11 juillet 2018, Communes de Troyon, de Fontenay-sous-Bois et de Tarnos, n° 413782).

S’agissant spécifiquement des délibérations arrêtés municipaux relatifs aux compteurs Linky, on rappellera que l’installation des compteurs Linky s’inscrit dans le cadre des contrats de concession pour le service public de la distribution d’énergie électrique conclues entre les communes, le gestionnaire de réseau et le fournisseur d’électricité aux tarifs réglementés.

A ce titre, les compteurs Linky relèvent des ouvrages basse tension des réseaux publics de distribution d’électricité et sont la propriété des collectivités territoriales concédantes[6].

Toutefois, lorsque la commune a transféré sa compétence d’autorité organisatrice de distribution d’électricité (AODE) sur son territoire à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un syndicat mixte d’électricité, la commune n’est pas partie au contrat de concession et c’est l’AODE qui est l’autorité concédante de la distribution publique d’électricité.

Dans ces conditions, le juge administratif a estimé que la commune est incompétente pour prendre un arrêté interdisant ou encadrant les conditions d’installation des compteurs Linky (voir notre Brève de novembre 2018)[7]. Il suspend également de tels arrêtés municipaux au motif d’un doute sérieux de légalité tiré de l’incompétence du maire (voir notre Brève de juillet 2016[8]).

Reste néanmoins que l’arrêté municipal (et il en irait de même d’une délibération du conseil municipal), se bornant à un simple rappel au droit de propriété et au respect de la vie privée des usagers à destination du gestionnaire de réseaux lors de l’installation des compteurs Linky, n’est pas susceptible de recours en annulation (cf. TA Toulouse, ord., 10 septembre 2018, préc.).

Pour ce qui est enfin du principe de précaution et des risques pour la santé, estimant que les ondes des compteurs n’excèdent pas les seuils réglementaires, ni ceux l’Organisation mondiale de la santé, le Conseil d’Etat a jugé que « le Gouvernement n’avait pas (…) à procéder à une évaluation des risques des effets de ces rayonnements ou à adopter des mesures provisoires et proportionnées » (cf. CE, 20 mars 2013, Association Robin des Toits, n°354321).

Cette jurisprudence a été suivie depuis, mais une exception demeure : l’exposition des personnes hyper-électrosensibles aux ondes émises par les compteurs (ou syndrome de l’hyper-sensibilité électromagnétique).

III. Les enseignements à tirer de la jurisprudence récente

Comme le remarque la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2018, les oppositions aux compteurs Linky ont eu « un impact limité, puisqu’elles n’ont conduit à ne pas poser moins de 0,6 % des 6,1 millions de compteurs dont l’installation était prévue entre décembre 2015 et septembre 2017 » (cf. notre Brève de mars 2018).

Dans le rapport critique précité, la Cour des comptes a toutefois conclu que le financement des compteurs Linky présente un surcoût excessif à supporter par les consommateurs, que le pilotage du projet n’a pas été suffisamment efficace et que les gains espérés des compteurs sont insuffisants.

De son côté, l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) a également émis un avis critique en date du 28 septembre 2018 sur les fonctionnalités des compteurs (voir notre Brève d’octobre 2018).

Toutefois, les enseignements à tirer de l’état actuel de la jurisprudence ne portent pas sur les conséquences des compteurs Linky sur la collectivité publique au sens large, mais sur l’impact à titre individuel de leur déploiement au sein des foyers français.

Une vigilance doit donc être portée, à la fois sur le consentement personnel des usagers à l’installation des compteurs au sein de leurs domiciles, mais aussi à l’égard des personnes en situation de fragilité particulière telles que les personnes électro-hypersensibles.

A cet égard, le Tribunal de grande instance (TGI) de Bordeaux a récemment jugé, dans une ordonnance du 23 avril 2019, que « le déploiement du compteur Linky ne devrait s’effectuer qu’accompagné du montage de filtres, dont la société ENEDIS ne conteste pas l’existence technique », et ce lorsqu’il concerne des personnes électro-hypersensibles. Cette ordonnance confirmerait une décision rendue, dans le même sens, le 12 mars dernier, par le TGI de Toulouse.

C’est également dans ce cadre de protection de l’individu que l’arrêté du maire d’une commune peut rappeler aux gestionnaires de réseaux le droit des usagers de refuser l’accès à leur logement ou propriété pour l’installation des compteurs et que les données collectées par le compteur soient transmises à des tiers partenaires commerciaux de l’opérateur (cf. TA Toulouse, ord., 10 septembre 2018, préc.).

 

[1] Cf. directive 2009/72/CE du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE.

[2] Voir : https://www.enedis.fr/linky-un-projet-industriel

[3] Rep. min. du 13 mars 2018, JO A.N., page 2158, sur question n° 2243 du 24 octobre 2017, JO A.N., page 5113.

[4] cf. TA Toulouse du 8 mars 2017, Préfet de l’Aveyron, n°s 1603808 ; TGI Bordeaux, ord., 23 avril 2019, rôle 19/75.

[5] Position de la CNIL du 30 novembre 2015 sur les compteurs communicants Linky et délibération n° 2012-404 du 15 novembre 2012 portant recommandation relative aux traitements des données de consommation détaillées collectées par les compteurs communicants.

[6] Cf. CAA Nancy, 12 mai 2014, M. M. et autres, n° 13NC01303.

[7]Cf. CAA Nantes, 5 octobre 2018, Commune de Cast, n° 17NT01495 ; CAA Nancy, 2 août 2018, Commune de Steinbrunn-Le-Bas, n° 18NC02046 ; CAA Nantes, 5 octobre 2018, Commune de Bovel, n° 17NT01495.

[8] cf. CAA Marseille, 8 mars 2019, Commune de Barjols, n° 19MA00537 ; CAA Bordeaux, 18 mars 2019, Commune de Montesquieu-Guittaut, n°s 18BX03980, 18BX04018.

 

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre et Maxime Gardellin

La nécessité d’une mise en concurrence préalable à la délivrance des titres d’occupation du domaine privé ?

Par une réponse ministérielle en date du 29 janvier 2019, le Ministre de l’action et des comptes publics a indiqué que, quand bien même les règles de droit interne régissant l’attribution des titres d’occupation sur le domaine privé des personnes publiques n’ont pas été modifiées par l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, il résulte de la décision Promoimpresa de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 juillet 2016 (affaires n° C-458/14 et C67/15) que « les autorités gestionnaires du domaine privé doivent [ ] mettre en œuvre des procédures similaires à celles qui prévalent pour le domaine public et qui sont précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques ».

Cette position est surprenante, et sans doute discutable, en ce qu’elle donne une portée générale à l’obligation de mettre en œuvre une procédure préalable à la délivrance de titres d’occupation du domaine privé, alors que la jurisprudence européenne Promoimpresa n’impose de mettre en œuvre une procédure de mise en concurrence que lorsque « le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables », c’est-à-dire lorsque schématiquement le nombre d’autorisations disponibles n’est pas suffisant par rapport à la demande.

Un « sujet du mois » de la Lettre d’actualités juridiques sera, d’ici l’été, consacré aux règles régissant l’attribution des titres d’occupation du domaine privé des personnes publiques.