GeMAPI : des projets de décrets susceptibles de modifier le décret-digues en consultation

Alors que des premières modifications du décret-digues du 12 mai 2015 ont été apportées par le décret n° 2019-119 du 21 février 2019 portant diverses dispositions d’adaptation des règles relatives aux ouvrages hydrauliques, deux nouveaux projets de décrets ont été soumis à consultation du public du 18 mars 2019 au 10 avril 2019. Selon les propos du Ministère de la Transition écologique et solidaire « des clarifications, adaptations et simplifications pouvaient utilement être apportées à cette réglementation, pour faciliter sa mise en œuvre par les collectivités ».

Le premier projet de décret prévoit de modifier l’article D. 181-15-1 du Code de l’environnement qui détaille les informations supplémentaires devant être contenues dans les dossiers d’autorisation environnementale pour des ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et les submersions, tandis que le second projet porte sur diverses dispositions d’adaptation des règles relatives aux ouvrages de prévention des inondations.

Sans être exhaustif à ce stade sur ce second décret qui propose de nombreuses modifications des règles aujourd’hui applicables aux ouvrages de prévention des inondations, certains points méritent d’être plus particulièrement soulignés.

En premier lieu, d’importantes modifications toucheraient les règles applicables aux aménagements hydrauliques. Parmi les changements envisagés, on notera en particulier que la définition même de l’aménagement hydraulique serait modifiée pour remplacer la notion de « protection de zone » par celle de « diminution de l’exposition d’un territoire » (article 18). La soumission de l’aménagement hydraulique à autorisation serait en outre seulement envisagée lorsque cet aménagement comporte au moins un barrage de classe A, B ou C au sens de l’article R. 214-112 ou, à défaut, quand il stocke un volume d’eau supérieur ou égal à50000 mètres cubes. En conséquence, le texte distinguerait entre deux types d’ouvrages : les aménagements soumis à autorisations au titre de la nomenclature IOTA serait seulement les « aménagements hydrauliques au sens de l’article R. 562-18 comportant au moins un barrage de retenue ou un ouvrage assimilé relevant des critères de classement prévus par l’article R. 214-122 ou à défaut stockant un volume d’eau supérieur ou égal à 50 000 mètres cubes » tandis que les autres seraient soumis à simple déclaration (article 2). Des adaptations des règles relatives au niveau de protection applicables aux aménagements hydrauliques ainsi qu’à l’étude de danger de ces derniers sont également prévues.

Concernant les systèmes d’endiguement, on relèvera surtout que le texte serait modifié de manière à créer une nouvelle catégorie de système d’endiguement protégeant moins de 30 personnes si celui-ci « comporte essentiellement une digue ou plusieurs digues qui étaient établies avant l’entrée en vigueur du décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûretés des ouvrages hydrauliques » (art. R. 214-113, I, alinéa 2). Dans le cas contraire, le critère de 30 personnes minimum resterait applicable. L’exception de classement pour les digues inférieures à 1,5 mètre serait également supprimée (article 3 modifiant l’art. R. 214-113 C. env.).

Enfin, à titre dérogatoire, le délai pour le dépôt du dossier pourrait être reporté d’un an par le préfet lorsque les circonstances le justifieraient et à la demande de la partie intéressée, par une décision motivée (article 17 modifiant l’art. R. 562-14 du C. env.).

Les avis émis à ce jour apprécient la possibilité de reporter ce délai mais sont critiques sur l’obligation de classement des digues destinées à protéger les populations inférieures à 30 personnes.

D’autres modifications sont encore notables : la prise en compte des spécificités des cours d’eau torrentiels, la reconnaissance pour les ASA d’être gestionnaire des ouvrages, le toilettage des dispositions applicables aux barrages…

La consultation du public a pris fin le 10 avril. Une vingtaine de commentaires a été déposée sur les textes proposés afin de faire part des incohérences et des difficultés rencontrées par les territoires et que les textes en cause ne permettraient pas de clarifier. Des évolutions doivent encore être à prévoir avant l’adoption des textes définitifs.

Pollution des sols : le degré d’obligation de remise en état de l’ancien exploitant

Par un arrêt en date du 7 mars 2019, la Cour de cassation a précisé la portée de l’étude environnementale d’un terrain pollué à la suite de la cession de celui-ci. Elle a par ailleurs apporté des précisions sur le degré de l’obligation de remise en état incombant à l’ancien exploitant de l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) qui avait occupé le terrain en cause.

Dans cette affaire, la société requérante avait conclu un contrat de bail à construction avec la Commune de Nice par lequel elle s’était engagée à édifier un centre commercial sur des parcelles de terrain achetées par la Commune. Les anciens exploitants, les sociétés Esso, Total marketing France et la SNCF, avaient stocké des hydrocarbures pétroliers sur les terrains concernés.

Ayant connaissance de l’ancienne affectation des terrains pris à bail, la société bailleresse a confié une étude de reconnaissance des sols à un premier bureau d’études. Par la suite, alors que la société avait mis en œuvre les premiers travaux de terrassements, elle a mis à jour des émanations d’hydrocarbures pétroliers sur le terrain et a dû faire procéder à un diagnostic complémentaire de pollution des sols par un second bureau d’études qualifié. La société bailleresse a alors saisi le Tribunal de grande instance à raison du préjudice engendré par le surcoût dû aux travaux de dépollution. Elle a été déboutée de cette demande en premier instance puis en appel.

Le litige se concentrait sur les trois points suivants.

D’abord, la requérante reprochait au premier bureau d’études qui avait effectué les études de sols (la société Sol essais) de ne pas avoir mis en lumière l’importance de la pollution et ainsi manqué à son obligation d’information et de conseil. Or la Cour de cassation relève que la mission confiée à la société Sol essais était une mission de reconnaissance des sols en vue de la faisabilité géotechnique du projet et non une mission spécifique de diagnostic du degré de pollution de la nappe phréatique et du sol. La Cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, a donc considéré que malgré l’imprudence de la société Sols essais qui s’est prononcée dans une matière ne relevant pas de sa spécialité et sur la base de recherches insuffisantes, la société bailleresse avait, en exigeant uniquement une étude de sols, commis une faute l’empêchant de se prévaloir à l’égard de la Société Sol essais, d’un préjudice subi à raison des travaux de dépollution.

De plus, la société bailleresse souhaitait engager la responsabilité des sociétés venderesses, Esso, Total et la SNCF, sur deux fondements. Elle invoquait, d’une part, la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code civil. Or les juges ont considéré que la société bailleresse avait eu connaissance de l’ancienne affectation des terrains et avait donc conscience des contraintes inhérentes à une telle affectation. Dès lors, ces éléments suffisent, selon la Cour de cassation, à caractériser l’absence de vice caché.  

La requérante recherchait, d’autre part, la responsabilité délictuelle des sociétés Esso, Total et SNCF, sur le fondement du principe de pollueur-payeur issu de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement et de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Les juges relèvent sur ce point que le préfet, informé de la situation, n’avait émis aucune observation, ni demandé la réalisation de travaux supplémentaires aux anciens exploitants. Le site avait donc été remis en état conformément à la réglementation applicable sans qu’une faute ne puisse être établie à l’encontre des sociétés venderesses. Cette décision insiste dès lors sur le fait que si une pollution persiste après la remise en état d’un terrain au titre de la législation ICPE, cela n’implique pas forcément que la remise en état est irrégulière et fautive.

Concessions de distribution de gaz naturel : validation par la CJUE de la réglementation nationale italienne sur l’indemnisation des concessionnaires sortants

La CJUE avait été saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat Italien (Consiglio di Stato) portant sur l’interprétation du droit de l’Union en matière de concessions de service public et du principe de sécurité juridique.

Cette question intervenait dabs le cadre d’un litige opposant la société Unareti SpA qui assure la service public de distribution de gaz naturel dans 213 communes d’Italie et plusieurs autorités publiques italiennes dont notamment le Ministère de développement économique, la « Commission de régulation de l’énergie » italienne (l’Autorità Garante per l’Energia Elettrica il Gas e il Sistema Idrico – autorité de l’électricité, du gaz et du réseau hydrique) au sujet d’un recours en annulation formé par cette société à l’encontre de deux décrets datant de 2014[1] et 2015[2]. L’un deux portant approbation d’un document fixant des « Lignes directrices sur les critères et modalités d’application pour l’évaluation de la valeur du remboursement des installations de distribution du gaz naturel ».

Depuis mai 2000, à la suite de la transposition en Italie de la directive 98/30/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, l’activité de distribution de gaz naturel est en principe une activité de service public concédée par les communes à des concessionnaires choisis exclusivement au moyen d’appels d’offres, pour une durée qui ne peut excéder douze ans. La directive 2009/73/CE ne prévoyait toutefois pas de remise en cause des concessions de distribution du gaz existantes.

Dans ce contexte, le droit italien prévoyait que les concessions en cours qui ne prévoient pas d’échéance, ou dont l’échéance doit intervenir après la période transitoire prévue, sont maintenues jusqu’à la fin de cette période transitoire. Dans ce dernier cas, les titulaires des concessions en cours se voient reconnaître le bénéfice d’un remboursement, pris en charge par le nouveau gestionnaire, calculé conformément aux modalités stipulées dans les conventions ou contrats et, dans la mesure où ces modalités ne peuvent pas être déduites de la volonté des parties, à des critères fixés dans un décret qui datait de 1925[3]. Toutefois, il était prévu que des lignes directrices sur ces critères et sur les modalités d’application pour l’évaluation de la valeur du remboursement pouvaient être fixées par le Gouvernement italien.

C’est ainsi que les décrets attaqués ont fixé des normes de référence pour le calcul du remboursement prévu par le droit national italien, au profit du titulaire d’une concession en cours attribuée sans mise en concurrence préalable et résiliée de façon anticipée en vue de sa réattribution au terme d’une procédure d’appel d’offres en vertu du droit national.

La société Unareti avait, notamment, soutenu que les décrets attaqués étaient contraires au principe de sécurité juridique en ce qu’elle pourrait se trouver rétroactivement privée de la possibilité de se référer, pour le calcul du remboursement auquel elle a droit en tant que concessionnaire sortant, aux clauses contractuelles ou au décret royal du 15 octobre 1925 précité, et serait contrainte de se référer aux « lignes directrices sur les critères et modalités d’application pour l’évaluation de la valeur du remboursement des installations de distribution du gaz naturel » approuvées par le décret attaqué ce qui lui serait défavorable.

C’est dans ces conditions que le Conseil d’Etat italien avait décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Ces principes et normes [sécurité juridique notamment] font-ils obstacle à une réglementation nationale […] qui prévoit une application rétroactive des critères de détermination du montant des remboursements dus aux concessionnaires sortants, ce qui a une incidence sur les rapports commerciaux existants, ou une telle application est-elle justifiée, y compris au regard du principe de proportionnalité, par l’exigence de protéger d’autres intérêts publics d’importance européenne relatifs à la nécessité de mieux protéger la structure concurrentielle du marché concerné tout en assurant davantage de protection aux utilisateurs du service, qui sont susceptibles de subir, indirectement, les effets d’une éventuelle majoration des montants dus aux concessionnaires sortants ? ».

LA CJUE a rappelé qu’ « en matière de concessions de service public, le droit dérivé de l’Union applicable au principal, à savoir l’article 24 de la directive 2009/73, se borne à prévoir que les États membres désignent un ou plusieurs gestionnaires de réseau de distribution pour une certaine durée qu’ils déterminent en fonction de considérations d’efficacité et d’équilibre économique ». Elle a également rappelé que le droit primaire de l’Union impose que les autorités publiques sont tenues, lorsqu’elles envisagent d’attribuer une concession de service public n’entrant pas dans le champ d’application des directives, de respecter les règles fondamentales du traité TFUE.

Puis la CJUE a estimé en l’espèce que la remise en cause des concessions existantes, dont les conséquences sont pour partie déterminées par les décrets attaqués au principal, ne découle pas du droit de l’Union en matière de concessions de service public de distribution de gaz.

De plus, si le principe de sécurité juridique s’impose, en vertu du droit de l’Union, à toute autorité nationale, ce n’est qu’en tant que celle-ci est chargée d’appliquer le droit de l’Union.

Or, les autorités italiennes n’ont pas, en mettant fin de façon anticipée aux concessions existantes et en adoptant les décrets attaqués au principal, agi au titre de leur obligation d’application du droit de l’Union.

En définitive, la CJUE a considéré que « le droit de l’Union en matière de concessions de service public, lu à la lumière du principe de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui modifie les normes de référence pour le calcul du remboursement auquel ont droit les titulaires de concessions de distribution de gaz naturel attribuées sans mise en concurrence du fait de la cessation anticipée desdites concessions en vue de les réattribuer après mise en concurrence ».

Il s’ensuit que la réglementation adoptée par le Gouvernement italien qui vise à limiter dans certaines hypothèses la possibilité pour un concessionnaire sortant, bénéficiaire du remboursement des installations de distribution de gaz naturel, de se référer aux clauses du contrat de concession, n’est pas contraire au principe de sécurité juridique. On observera qu’une telle réglementation a pour effet de faciliter le déroulement des appels d’offres pour l’attribution des concessions de distribution de gaz naturel entrées dans le champ concurrentiel en Italie.

[1] Le décret ministériel n°  74951, du 22 mai 2014

[2] Le décret interministériel n° 106 du 20 mai 2015

[3] Décret royal n° 2578 du 15 octobre 1925

Raccordement des installations de production d’électricité d’origine renouvelable : la réfaction tarifaire étendue

Depuis, la loi n° 2017-227 du 24 février 2017[1], l’article L. 341-2 du Code de l’énergie prévoit une réfaction tarifaire pour le raccordement aux réseaux publics des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable.

Peuvent ainsi bénéficier d’une prise en charge par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) les producteurs d’électricité à partir de sources d’EnR dont les installations sont raccordées aux réseaux publics de distribution, quel que soit le maître d’ouvrage de ces travaux. 

L’article L. 341-2 du Code de l’énergie précise également que « le niveau de la prise en charge […] ne peut excéder 40 % du coût du raccordement et peut être différencié par niveau de puissance et par source d’énergie. Il est arrêté par l’autorité administrative après avis de la Commission de régulation de l’énergie ».

Jusqu’alors les taux de réfaction avaient été fixés dans l’arrêté du 30 novembre 2017[2]. Le nouvel arrêté du 19 mars 2019, publié au Journal officiel le 28 mars, a pour objet d’une part de corriger et clarifier les dispositions de cet arrêté (renumérotation d’articles, précisions apportées à la formule de l’interpolation linéaire des taux de réfaction pour les installations EnR de puissance supérieure à 100 kVA) et d’autre part d’apporter des modifications aux taux de réfaction pour le raccordement aux réseaux publics des installations d’EnR.

On soulignera que la CRE avait rendu son avis sur ce projet d’arrêté en novembre 2018 et avait à cette occasion rappelé maintenir un « […] avis défavorable sur le principe de la réfaction pour le raccordement d’installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable […] »[3].

L’article 2 de l’arrêté du 19 mars 2019 modifie ainsi les taux de réfaction applicables aux coûts de raccordement des installations d’une puissance installée supérieure à 100 kVa et inférieure à 5 MW, s’inscrivant dans le cadre d’un schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3ReNR).

Le taux de réfaction de 40 % est maintenu pour les ouvrages propres de l’installation d’une puissance comprise entre 100 kVa et 1 MW et l’absence de réfaction est également maintenu pour les installations d’une puissance égale ou supérieure à 5 MW.

L’article 3 de cet arrêté modificatif prévoit ensuite l’application d’une réfaction tarifaire « dans les régions et territoires où aucun schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables […] n’a été approuvé ».

En effet, la rédaction de l’arrêté du 30 novembre 2017 ne permettait pas l’application d’une réfaction pour les producteurs EnR dans les zones ne disposant pas encore de S3REnR (notamment la Corse, les départements et collectivités d’Outre-mer).

L’article 3 du nouvel arrêté permet d’appliquer la réfaction tarifaire de 40% aux coûts de branchement et d’extension des installations d’EnR de puissance installée égale ou inférieure à 5 MW. Ce taux de réfaction correspond à la réfaction appliquée aux ouvrages propres dans les situations où les S3REnR existent. Cette disposition permet d‘éviter une différence de traitement entre les régions ayant élaboré un S3REnR et celles n’en ayant pas.

Ainsi désormais, dans les régions où aucun S3REnR n’a été approuvé, les producteurs d’électricité renouvelable bénéficieront également d’une prise en charge d’une partie des coûts de raccordement par le TURPE.

L’arrêté ici commenté précise encore que le (nouveau) calcul de la prise en charge des coûts de raccordement s’appliquera « aux opérations de raccordement pour lesquelles la convention de raccordement mentionnée aux articles L. 342-4 et L. 342-9 du même code n’a pas été signée à la date d’entrée en vigueur du présent arrêté » (cf. article 4 de l’arrêté).

 

[1]Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

[2] Arrêté du 30 novembre 2017 relatif à la prise en charge des coûts de raccordements aux réseaux publics d’électricité, en application de l’article L. 341-2 du code de l’énergie – commenté dans notre LAJEE n° 34 – déc. 2017.

[3] Délibération de la Commission de régulation de l’énergie n° 2018-246 du 28 novembre 2018 portant avis sur le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 30 novembre 2017 relatif à la prise en charge des coûts de raccordements aux réseaux publics d’électricité, en application de l’article L. 341-2 du code de l’énergie.

Exposition à l’amiante : Extension du droit d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété à tous les salariés

Par un arrêt en date du 5 avril 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence majeur en matière d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété des salariés démontrant avoir été exposés aux poussières d’amiante.

En effet, la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 a institué en faveur des travailleurs qui ont été exposés à l’amiante, sans être atteints d’une maladie professionnelle consécutive à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite (ACAATA).

Sur le fondement de ce texte, la Chambre sociale affirmait de manière constante et sans ambiguïté depuis le 11 janvier 2017, que :

  • seuls les salariés qui avaient travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 pouvaient prétendre à la réparation d’un préjudice d’anxiété résultant d’une exposition à l’amiante ;
  • à défaut, ils ne pouvaient obtenir une réparation de ce préjudice sur un autre fondement tel que celui d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat (Cass. Soc., 11 janvier 2017, n°15-17.164, n°15-50.080 et n°15-50.091 ; Cass. Soc., 26 avril 2017, n° 15-19.037 ; Cass. Soc., 21 septembre 2017, n° 16-15.130 ; Cass. Soc., 7 mars 2018, n° 14-12.574, 14-12.575, 14-12.577, 14-12.578, 14-12.580 ; Cass. Soc., 5 avril 2018, n° 16-19.002, 16-19.007, 16-19.015, 16-19.018, 16-19.020).

Par conséquent, la Chambre sociale de la Cour de cassation refusait de déconnecter la réparation du préjudice d’anxiété lié à une exposition à l’amiante du dispositif de l’ACAATA.

Cependant, le contentieux croissant concernant des salariés exposés à l’amiante mais n’ayant pas travaillé dans l’un des établissements visés par le dispositif « ACAATA » a conduit le premier président de la Haute juridiction, en accord avec la Chambre sociale, à soumettre la question de la réparation de leur préjudice d’anxiété à l’examen de l’Assemblée plénière.

Il en résulte qu’en premier lieu, les juges retiennent que « le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave peut être admis à agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de ce dernier, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ».

En conséquence, tout salarié justifiant d’une exposition à l’amiante dans le cadre de son activité professionnelle peut désormais solliciter la réparation de son préjudice d’anxiété sur le fondement d’un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.

A ce titre, l’Assemblée plénière reprend dans un deuxième temps, la solution retenue dans l’arrêt Air France du 25 novembre 2015 qui a assoupli la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur (Cass. Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24.444, publié au Rapport annuel de la Cour de cassation).

En effet, alors qu’auparavant, l’employeur voyait sa responsabilité systématiquement engagée en cas de manquement à son obligation de sécurité de résultat, il peut depuis cette décision, bénéficier d’une exonération dès lors qu’il est en mesure de démontrer par des éléments soumis à l’appréciation souveraine des juges, qu’il a mis en œuvre les mesures et moyens de prévention, d’information, de formation et/ou d’organisation adaptés « au regard du risque connu ou qu’il aurait dû connaître » visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Dans ces conditions, l’Assemblée plénière censure la décision de la Cour d’appel qui faisant application de l’ancienne jurisprudence, avait condamné l’employeur à réparer le préjudice d’anxiété des salariés dès lors que l’exposition à l’amiante était établie, sans même avoir examiné les éléments de preuve des mesures que celui-ci affirmait avoir mis en œuvre.

Enfin, l’Assemblée plénière censure la Cour d’appel qui avait alloué une réparation du préjudice d’anxiété en « se détermin[ant] par des motifs généraux ». A ce titre, la Cour de cassation fait une application des règles du droit commun de la responsabilité contractuelle en rappelant qu’elle ne peut être engagée qu’à condition que soit caractérisée l’existence d’un préjudice personnellement subi par le salarié, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.

En conséquence, l’exposition à l’amiante ne suffit pas à elle-seule à prouver l’existence d’un préjudice d’anxiété qui doit être démontré par le salarié.

Compte tenu de cette jurisprudence, les employeurs dont les établissements contiennent de l’amiante, doivent en amont :

  • effectuer une évaluation des risques liée à une exposition à l’amiante retranscrite dans le document unique d’évaluation des risques de l’entreprise (C. trav., art. R. 4412-99) ;
  • faire procéder à des opérations permettant de réduire au niveau le plus bas techniquement possible la durée et le niveau d’exposition des travailleurs et pour garantir l’absence de pollution des bâtiments et installations (C. trav., art. R. 4412-108) ;
  • pour les salariés réalisant des opérations de « désamiantage », mettre à leur disposition des équipements de protection individuelle adaptés aux opérations à réaliser dont ils assurent le maintien en état et le renouvellement (C. trav., art. R. 4412-111) ;
  • et d’une manière générale, veiller à prendre toutes mesures et moyens de prévention, d’information, de formation et/ou permettant préserver les salariés d’une exposition à cette substance (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

A défaut, en cas de contentieux, leur responsabilité pourra être engagée au titre d’un manquement à leur obligation de sécurité.

Dans cette hypothèse, trois points pourront faire l’objet de discussions :

  • le cas échéant, la prescription de l’action du salarié dont la durée initiale de 30 ans a connu des réductions successives par les Lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013, dont les conditions d’application aux prescriptions en cours font l’objet de mesures transitoires ;
  • la preuve de l’existence d’un préjudice personnellement subi par le salarié résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ;
  • le quantum de l’indemnisation du préjudice dès lors que le juge considèrerait celui-ci comme étant démontré.

 

Par Marjorie Fredin

Loi ELAN et fusions d’organismes de logement social

Le législateur, en imposant le regroupement des organismes, a souhaité faciliter les fusions d’organismes en venant préciser notamment les dispositions de l’article L. 411-2-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Cette nouvelle rédaction vient préciser les modalités des fusions d’organismes mais procède également à la création d’une nouvelle opération : l’absorption d’un OPH par une société d’habitations à loyer modéré (ESH ou SCIC HLM) ou par une société d’économie mixte agréée.

Ces opérations nouvelles posent de nombreuses questions.

Nous aborderons donc ici certains points de vigilance juridiques qu’il nous parait pertinent de souligner :

 

I – Les nouvelles fusions ELAN 
par Anne-Christine Farçat, Avocat Associé

La nouvelle fusion ELAN, introduite à l’article L. 411-2-1 du CCH permet :

– d’organiser la transmission universelle du patrimoine d’un OPH à une société absorbante, celle-ci reprenant l’ensemble des droits et obligations de l’OPH absorbé ;

– d’éviter la gestion d’une période de liquidation de l’OPH nécessitant la mobilisation de moyens importants ;

– de flécher le patrimoine concerné directement vers la société absorbante, celle-ci devenant, du fait de la fusion ou de la scission, l’ayant-droit à titre universel de l’OPH ;

– de sécuriser juridiquement les conditions de réalisation de ces opérations, afin d’en permettre la réalisation dans les meilleures conditions au plan opérationnel.

Le texte précise que l’actif net apporté par l’OPH au titre de la fusion devra donner lieu à l’émission par la société bénéficiaire d’actions nouvelles, au bénéfice de sa collectivité de rattachement.

La comptabilisation de l’actif net apporté serait réalisée sur la base des valeurs nettes comptables comme pour l’ensemble des opérations de restructuration entre organismes d’habitations à loyer modéré. La parité d’échange selon laquelle sera calculée le nombre d’actions à émettre par la société en rémunération de l’apport de l’actif net de l’OPH, devra être établie sur la base des capitaux propres des organismes concernés par l’opération.

Opération mixte par nature compte-tenu de la double implication d’une personne morale de droit public et d’une personne morale de droit privé, cette nouvelle fusion ELAN ne manquera pas d’attirer l’attention des commentateurs, en ce qu’elle nécessitera le respect tant des règles de droit public présidant à la naissance et à la dissolution des offices publics de l’habitat que des règles de droit privé concernant les fusions de sociétés commerciales.

Il conviendra également de s’assurer que la quote-part de capital détenue in fine par la collectivité de rattachement et, le cas échéant, par les autres collectivités publiques présentes au capital de la société absorbante ne dépassent pas les seuils fixés par le CCH pour les sociétés d’habitations à loyer modéré et le Code général des collectivités territoriales pour les sociétés d’économie mixte.

 

II – Fusions et personnels de droit privé
par Corinne METZGER, Avocat directeur 

Le rapprochement d’organismes dans le cadre de fusions, de scission ou de « dissolutions- confusion » entraîne un transfert des personnels salariés en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail.

Ce transfert de personnel nécessitera d’être largement anticipé particulièrement lorsque le rapprochement se fera entre entreprises issues d’«écosystèmes » distincts.

Il sera ainsi nécessaire de comparer au préalable l’ensemble du statut collectif applicable dans chaque entité (conventions collectives, accords de branche, accords d’entreprise qui sont désormais publiés).

Ce bilan sera essentiel pour anticiper l’impact du projet sur la masse salariale, les salariés de l’entreprise cédée ayant droit, à défaut de conclusion d’un accord de substitution pendant le délai de survie (12 mois augmenté du délai de préavis), au maintien de leurs avantages salariaux et bénéficiant pendant ce délai de survie des clauses les plus favorables de chaque statut.

Il est donc de la plus extrême importance d’identifier en amont du projet les thèmes de négociation qui devront être abordés aux fins d’harmoniser le statut collectif du personnel.

Pour rappel, ces thématiques peuvent être ouvertes à la négociation avant même que le projet soit mis en œuvre dans le cadre d’accords de transition applicables pour une durée de trois ans maximum aux salariés de l’entreprise absorbée ou d’adaptation, applicables au personnel tant du cédant que du cessionnaire.

L’analyse comparée des statuts collectifs devra a minima porter sur la classification des emplois aux fins de faciliter l’intégration des salariés transférés, l’organisation de la durée du travail, les systèmes d’astreinte et les accords de prévoyance existants.

Le comité social et économique (CSE) devra être informé et consulté sur les motifs et les conditions de réalisation du projet de fusion ainsi que sur ses conséquences sociales et organisationnelles et ce, en amont de toute décision d’engagement de la procédure de fusion. Les calendriers d’opération doivent donc tenir compte de ces délais de préparation et de consultation du CSE.

 

III –Fusions ELAN et personnel de droit public
par Marjorie Abbal, Avocat directeur

La possibilité désormais précisée au II de l’article L. 411-2-1 du CCH qu’un OPH transmette son patrimoine à un ou plusieurs organismes de logement social – mentionnés aux deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 411-2 et à l’article L. 481-1 – a été consacrée par la loi ELAN et constitue un nouvel outil de regroupement intéressant.

Pour autant, il n’a pas été prévu de dispositif spécifique s’agissant du sort du personnel fonctionnaire employé par l’OPH.

Ainsi – alors que le texte de l’article L. 1224-1 du Code du travail permet de gérer le sort du personnel salarié au travers d’un transfert automatique des contrats de travail résultant de la reprise d’une activité d’une entité économique autonome – aucune disposition législative déjà existante ou issue de la loi ELAN ne permet d’envisager concrètement celui des fonctionnaires.

Ce vide juridique actuel implique qu’il ne pourra pas nécessairement être imposé à l’organisme bénéficiaire d’une fusion d’accepter des demandes des fonctionnaires de le rejoindre et d’opter pour un contrat de travail, ainsi que la loi a pu le prévoir par le passé à l’occasion de la transformation des OPHLM et des OPAC en OPH (cf. dernier aliéna du IV de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale.)

En l’état du droit en vigueur, il ne sera pas non plus possible que le bénéficiaire de la fusion, société de droit privé, recrute directement des fonctionnaires en cette qualité et gère leur carrière comme la loi a bien dû déjà l’organiser dans des hypothèses spécifiques, notamment pour les fonctionnaires de France Télécom.

Dès lors, des solutions spécifiques devront donc être trouvées afin de faciliter la réalisation de ces opérations.

 

IV – Fusions d’organismes et conflits d’intérêts
par Elise Humbert, Avocat Senior référent

L’obligation de prudence qui s’impose vis-à-vis de la réglementation afférente à la prévention des conflits d’intérêts ne doit pas être négligée dans le cadre des opérations de fusion des organismes d’habitations à loyer modéré.

Plus précisément, cette obligation requiert certaines précautions au stade de la prise de décision de la fusion (1), puis ultérieurement, dès lors que les nouveaux dirigeants de la structure fusionnée auront été désignés (2). 

1- Des précautions à observer dans la prise d’acte de la fusion

Au-delà de la décision prise au sein des organes délibérants des bailleurs sociaux, l’acte de fusion doit généralement être validé via une ou plusieurs délibérations de la ou des collectivités de rattachement de ces organismes.

Or, il convient de rappeler que ne devront pas participer indirectement ou directement à l’adoption de ces délibérations les élus de ces collectivités occupant des fonctions exécutives au sein des bailleurs concernés par l’opération de fusion.

Conformément à la définition du conflit d’intérêts, issue de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et à la doctrine actuelle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (voir en ce sens : Délibération de la HATVP, n° 2016-141 du 14 décembre 2016), un élu détenant, par ailleurs, une fonction exécutive au sein d’un bailleur social, pourrait se rendre coupable d’un délit de prise illégale d’intérêts s’il participait à l’adoption d’une délibération intéressant directement ledit organisme.

C’est la raison pour laquelle, il est recommandé aux élus concernés, dans le cadre de l’adoption d’une délibération validant ou s’opposant à un projet de fusion, de quitter la salle au moment des délibérations précédant le vote, ne prendre part à aucune réunion préparatoire portant sur ces décisions et ne pas être désigné en tant que rapporteur de ces décisions.

2 – Des précautions à observer pour les nouveaux dirigeants de la structure fusionnée

Il sera rappelé, en outre, que des obligations déclaratives s’appliquent à certains dirigeants de bailleurs sociaux.

Pour rappel, en effet, il résulte du III de l’article 11 de la loi précitée du 11 octobre 2013 que les obligations de déclaration de patrimoine et d’intérêts auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique s’appliquent aux présidents et directeurs généraux de tous les offices publics de l’habitat gérant un parc comprenant plus de 2.000 logements au 31 décembre de l’année précédant celle de la nomination des intéressés mais également, sous certaines conditions, aux présidents et directeurs généraux des sociétés réalisant un certain chiffre d’affaires au sein du capital desquelles sont présentes des personnes publiques.

Il conviendra, par suite, aux dirigeants, des structures fusionnées, de déterminer s’ils entrent dans le champ de ces obligations et, dans la positive, de s’y soumettre, dans les deux mois suivants leur entrée en fonction.

 

 

 

 

Loi ELAN et obligations de regroupement des bailleurs sociaux

Les bailleurs sociaux ont été fortement impactés par le dispositif de la réduction de loyer de solidarité (RLS), issu de la loi de finances pour 2018, qui ampute en moyenne les recettes des bailleurs sociaux de 10 % et leur impose de retrouver de nouvelles possibilités financières. S’y ajoute un mouvement de concentration ou de regroupements, initié par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« ELAN »), dont nous décrirons ci-après les principales obligations (I), pour ensuite présenter la nouvelle société de coordination (II).

I – L’OBLIGATION DE REGROUPEMENT

1.1 Le principe

Un des dispositifs majeurs de la loi ELAN porte sur la restructuration des organismes de logement social consistant à instaurer l’ «obligation, pour un organisme de logement locatif social n’atteignant pas une taille qui lui permette d’assurer l’ensemble des fonctions stratégiques de manière autonome, de rejoindre un groupe » (projet de loi n° 846).

Ainsi, les axes principaux de la réforme sont :

  • la détermination de la taille d’autonomie d’un bailleur isolé à 12.000 logements ;
  • la détermination d’une taille minimale de groupe à 12.000 logements ;
  • la consécration des groupes de bailleurs sociaux et de leurs fonctions prééminentes.

Les organismes de logement social concernés par l’obligation de regroupement sont d’une part, les organismes d’habitations à loyer modéré (organismes d’HLM), à savoir les offices publics de l’habitat (OPH), les entreprises sociales de l’habitat (ESH), les coopératives d’habitations à loyer modéré (coops HLM) et les fondations d’habitations à loyer modéré (article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation) et, d’autre part, les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux (SEM agréées logement social), au sens de l’article L. 481-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Les organismes de logement social de moins de 12.000 logements ont jusqu’au 1er janvier 2021 pour atteindre ledit seuil ou se regrouper.

Il convient de préciser que les OPH de moins de 12.000 logements rattachés à une même collectivité sont également soumis à une obligation de fusion. Ainsi, la loi ELAN a prévu un calendrier en deux temps selon les modalités suivantes : si les OPH de moins de 12.000 logements rattachés à une même collectivité décident de fusionner dès le 1er janvier 2021, l’obligation de regroupement est reportée au 1er janvier 2023. Inversement, ces mêmes OPH peuvent reporter leur obligation de fusion au 1er janvier 2023 s’ils sont regroupés dans un groupe d’organismes de logement social dès le 1er janvier 2021.

Faute d’atteindre le seuil de 12.000 logements ou d’appartenir à un groupe de logement social à compter du 1er janvier 2021, l’organisme de logement social pourra être mis en demeure par le ministre en charge du logement de céder tout ou partie de son patrimoine locatif social (ou logements locatifs conventionnés pour les SEM agréées) ou tout ou partie de son capital à un ou plusieurs organismes de logement social nommément désignés, ou de souscrire au moins une part sociale d’une société de coordination.

Par ailleurs, le ministre en charge du logement pourra également, après avis de la commission de péréquation de la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social, mettre en demeure soit un organisme de logement social d’acquérir tout ou partie des logements (ou logements locatifs conventionnés pour les SEM agréées) ou tout ou partie du capital d’un organisme qui ne respecte pas l’obligation soit une société de coordination et ses actionnaires de permettre à cet organisme de souscrire au moins une part sociale de la société de coordination.

1.2 Les exceptions

L’obligation de détenir au moins 12.000 logements ne s’applique pas aux :

  • organismes de logement social dont l’activité principale au cours des 3 dernières années est une activité d’accession sociale à la propriété et qui n’ont pas construit ou acquis plus de 600 logements locatifs sociaux au cours des 6 dernières années ;
  • organismes de logement social ayant leur siège dans un département dans lequel aucun groupe, ni aucun autre organisme d’HLM ou SEM agréée n’appartenant pas à un groupe, n’a son siège ;
  • SEM agréées dont le chiffre d’affaires moyen sur 3 ans de l’ensemble de ses activités, y compris celles ne relevant pas de son agrément est supérieur à 40 millions d’euros ;
  • organismes de logement social dont le siège social est situé en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et en Corse.

1.3 Le cas des petits organismes

Les organismes d’HLM et désormais les SEM agréées risquent la dissolution pour les premiers et le retrait d’agrément pour les secondes s’ils détiennent moins de 1.500 logements, n’ont pas construit au moins 500 logements pendant une période de dix ans et ne contribuent pas suffisamment aux missions et objectifs d’intérêt général mentionnés aux articles L. 411 et L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation, sauf si ils appartiennent à un groupe d’organismes de logement social.

II – LE GROUPE D’ORGANISMES DE LOGEMENT SOCIAL

Un groupe d’organismes de logement social au sens de l’article L. 423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation est un groupe qui gère au moins 12.000 logements ou un groupe qui constitue l’unique groupe ayant son siège dans un département.

Enfin, pour les SEM agréées, la loi ELAN a introduit une définition supplémentaire : un groupe d’organisme peut également être un groupe de moins de 12.000 logements et, quand il compte au moins deux SEM agréées, qui réalise un chiffre d’affaires consolidé moyen sur trois ans au moins supérieur à 40 millions d’euros pour l’ensemble des activités des sociétés qui le composent ou dans lesquelles le groupe ou les sociétés qui le composent détiennent des participations majoritaires, y compris les activités des SEM non agréées.

Deux modalités de regroupement sont proposées par la loi ELAN : le groupe capitalistique et celui formé autour d’une société de coordination, lesquels sont dotés de compétences communes.

Un groupe capitalistique doit comporter majoritairement des organismes de logement social, étant précisé que l’un d’entre eux ou une autre société contrôle directement ou indirectement les autres, au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce. Le contrôle conjoint est également pris en compte dans cette définition.

Des groupes HLM de ce type existent déjà. La loi ELAN leur impose dorénavant des obligations spécifiques, telles que l’élaboration d’un cadre stratégique de patrimoine commun et d’un cadre stratégique d’utilité sociale de groupe en cohérence avec ceux de ses membres.

III – LA SOCIETE DE COORDINATION

La société anonyme de coordination d’habitations à loyer modéré avait été créée par la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 et codifiée aux articles L. 423-1-1 et R. 423-86 du Code de la construction et de l’habitation.

Cet outil devait permettre aux organismes d’habitations à loyer modéré de se regrouper sous une structure commune aux fins de coordonner leurs actions sur un territoire donné et d’optimiser la gestion de leur patrimoine « en vue de favoriser leur coopération dans un ou des périmètres donnés ».

Toutefois, cette forme sociale n’a connu qu’un succès limité, n’ayant été employée qu’à quelques reprises. Fort de cet échec, le législateur de la loi ELAN a « recyclé » cette société et l’a dotée d’un nouveau régime juridique. Les dispositions applicables aux sociétés de coordination de « première génération » demeurent applicables à ces dernières (art. 81 de la loi ELAN).

Pour répondre à l’obligation issue de la loi ELAN d’avoir à atteindre, au 1er janvier 2021, le seuil de 12.000 logements, les organismes peuvent désormais décider de constituer entre eux une société de coordination.

Les clauses-types permettant d’arrêter les statuts de la société de coordination devraient paraître au deuxième trimestre 2019, étant rappelé en outre que l’obligation de regroupement entre en vigueur le 1er janvier 2021.

2.1 La gouvernance d’une société de coordination

Le Code de la construction et de l’habitation fixe de manière limitative les personnes morales pouvant être associées ou actionnaires d’une société de coordination (art. L. 423-1-2 du CCH). Il s’agit des organismes d’habitations à loyer modéré définis à l’article L. 411-2 du Code la construction et de l’habitation (offices publics de l’habitat, sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré, sociétés coopératives d’habitations à loyer modéré), des organismes agréés en matière de maitrise d’ouvrage d’insertion définis à l’article L. 365.2 du Code la construction et de l’habitation, des sociétés d’économie mixte agrées pour construire et gérer des logements locatifs sociaux visées à l’article L. 481-1 du Code la construction et de l’habitation et enfin, dans une limite de 50% du capital social de ladite société, des sociétés d’économie mixte, des sociétés publiques locales (SPL) et des sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP).

La société de coordination peut prendre la forme d’une société anonyme, dans laquelle les voix en assemblée générale des actionnaires restent proportionnelles à la détention du capital social de la société (« une action vaut une voix »), ou d’une société anonyme coopérative, dans laquelle les voix sont comptabilisées par tête de chaque associé sans corrélation avec la fraction du capital apporté (« un actionnaire vaut une voix »).

Les associés ou actionnaires pourront également prévoir de rédiger, en sus des statuts, un pacte d’actionnaires.

Comme toute société d’habitations à loyer modéré, la société de coordination devra être agréée par l’Etat après avis du Conseil National de l’Habitat, en application de l’article L. 422-5 du Code la construction et de l’habitation.

Quel que soit le choix de la forme juridique de la société de coordination, la gouvernance de cette-dernière peut se structurer autour soit d’un conseil d’administration et d’un directeur général, soit d’un directoire et d’un conseil de surveillance.

La loi ELAN déroge au Code de commerce en ce qu’elle permet au sein des sociétés de coordination un conseil d’administration ou le conseil de surveillance comprenant jusqu’à 22 membres et en ce que lesdits organes comprendre non seulement des représentants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des collectivités territoriales sur le territoire desquels les associés ou actionnaires de la société de coordination possèdent des logements (dans la limite de 3 représentants, avec voix délibérative ou consultative), mais également des représentants élus des locataires (avec vois délibérative).

S’agissant de l’assemblée générale, ses compétences et pouvoirs sont soumis aux dispositions du droit commun des sociétés, à l’exception de la règle introduite dans la loi ELAN permettant aux EPCI et collectivités territoriales d’être représentés à ladite assemblée générale, sans pour autant qu’elles disposent d’une voix délibérative.

Enfin, un représentant de la société de coordination pourra siéger, sans voix délibérative, dans les conseils d’administration ou de surveillance des organismes actionnaires de ladite société.

2.2 Le rôle et les prérogatives de la société de coordination dans le groupe d’organismes de logement social

La société de coordination sera chargée d’un projet collectif de groupe HLM et exercera en premier lieu un rôle de pilotage stratégique du groupe. 

Ainsi, elle sera chargée de l’élaboration pour l’ensemble des associés membres du cadre stratégique patrimonial (les orientations générales et les grands objectifs chiffrés en s’appuyant sur le Plan Stratégique de Patrimoine de chaque membre), du cadre stratégique d’utilité sociale (les engagements sur la qualité du service rendu aux locataires, la gestion sociale, la concertation locative, etc…). Elle exercera également un contrôle de gestion des organismes (transmission des documents comptables à la société, combinaison des comptes annuels de chaque associé).

En second lieu, elle exercera un rôle de coordination et de mutualisation : elle sera chargée de construire l’efficacité opérationnelle et économique du groupe et la définition de la politique technique, de la politique d’achat des biens et services et d’une unité identitaire. Elle pourra notamment assurer la mise en commun de moyens humains et matériels au profit de ses membres, en les assistant, comme prestataire de services, dans toutes les interventions sur des immeubles qui leur appartiennent ou qu’ils gèrent.

La société de coordination est dotée de prérogatives de maintien de sa soutenabilité financière et de celle d’un ou de plusieurs de ses membres. Dans ce cadre, elle peut appeler ses actionnaires à apporter ou à prêter des fonds propres pour garantir ladite soutenabilité.

Il est à noter que le dispositif mis en place par le législateur a prévu, pour garantir cette soutenabilité financière, de permettre à la société de coordination de s’immiscer directement dans la gestion de ses membres.

Ainsi, si la situation financière d’un organisme membre de la société de coordination le justifie, cette dernière pourra mettre en demeure ledit organisme de lui présenter les mesures qu’il s’engage à prendre en vue de remédier à sa situation dans un délai raisonnable. Mieux encore, la société de coordination pourra décider d’interdire ou de limiter la distribution du résultat ou la réalisation d’un investissement d’un de ses membres.

Enfin, et à défaut de rétablissement de la situation, et nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, la société de coordination pourra décider de la cession totale ou partielle du patrimoine locatif conventionné de cet organisme ou sa fusion avec un autre organisme du groupe après consultation préalable des organes dirigeants des organismes concernés.

Par Eglantine Enjalbert,
Directrice du pôle Logement social, Seban & Associés

 

Loi ELAN et lutte contre l’habitat indigne

La loi ELAN contient d’importantes dispositions ayant pour objectif de lutter contre l’habitat indigne et contre les propriétaires qui ne respectent pas les obligations de décence qu’il est courant d’appeler « les marchands de sommeil ».

1- Mise en place de sanctions fiscales

Cette lutte passe notamment par le renforcement des sanctions fiscales et financières susceptibles d’être appliquées. En effet, l’article 186 de la loi ELAN (art 1649 quater -0 Bis du Code général des impôts) instaure, comme en matière notamment de trafic de stupéfiants, une présomption de revenus tirés de la location de logements indignes. Le propriétaire « marchand de sommeil » pourra être taxé sur un revenu imposable égal à la valeur vénale du bien dans lequel les personnes sont hébergées ou égal au montant des sommes provenant de l’infraction, à savoir les loyers.

2- Renforcement des pouvoirs de police du maire

L’article 186 de la loi ELAN (article L. 111-6-1-4 du Code de la construction et de l’habitation) renforce les pouvoirs du maire. En effet, si l’article L. 111-6-1-3 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH) permet à une commune ou à une intercommunalité d’instaurer un « permis de diviser » dans les zones présentant une proportion importante d’habitats dégradés ou dans lesquelles l’habitat dégradé est susceptible de se développer, il s’avère que ce « permis de diviser » n’est en pratique quasiment jamais sollicité, ce qui permet aux « marchands de sommeil » de diviser tous types d’immeuble et de les louer dans des conditions indignes. Désormais, le maire informé de ces divisions peut, sur le fondement des pouvoirs de police spéciale dont il dispose au titre des articles L. 129-1 à L. 129-7 du CCH, enjoindre le propriétaire d’avoir à effectuer, sous astreinte, des travaux dans un délai fixe et, à défaut, les faire exécuter d’office, les frais avancés par la commune étant susceptibles d’être recouvrés directement auprès du propriétaire.

3- Devoir d’information au profit du maire

L’article L. 551-1 du CCH oblige le notaire chargé de régulariser un acte authentique de vente à vérifier que l’acquéreur n’a pas fait l’objet d’une condamnation à une peine d’interdiction d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation ou un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement prévue au 5° bis de l’article 225-19 du Code pénal, au 3° du IV de l’article L. 1337-4 du Code de la santé publique, au 3° du VII de l’article L. 123-3 et au 3° du III de l’article L. 511-6 du CCH.

L’article 189 de la loi ELAN vient compléter cet article et oblige désormais le notaire à informer le maire de cette tentative d’acquisition d’un bien sur le territoire de sa commune malgré la peine d’interdiction d’acquérir prononcée.

4- Peines complémentaires

L’article 190 (article 225-19 et 225-26 du Code pénal ; L. 1337-4 du Code de la santé publique ; L. 123-3, L. 521-4 et L. 551-1 du CCH) crée des peines complémentaires au délit d’hébergement contraire à la dignité humaine. Ces peines sont la confiscation de tout ou partie des biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis ainsi que l’interdiction d’acheter un bien immobilier pendant dix ans ou plus. Par ailleurs, le montant de l’amende pénale est désormais égal au montant de l’indemnité d’expropriation pour cause d’utilité publique que le propriétaire aurait perçu.

L’article 191 (article 322-7 du Code des procédures civiles d’exécution) interdit à toutes personnes condamnées à ces peines complémentaires d’exercer une activité immobilière pendant toute la durée de leur peine, y compris l’acquisition de biens aux enchères, sauf s’il s’agit d’une acquisition « pour une occupation à titre personnel ».

5- Obligation renforcée pesant sur les syndics de copropriétés

L’article 193 (article 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965) oblige désormais les syndics professionnels à signaler au procureur les suspicions d’activité de « marchand de sommeil » au sein des copropriétés dont ils ont la gestion.

 

Par Cyril Croix,
Avocat directeur du pôle Construction et Assurances, Seban & Associés

Commande publique et maîtrise d’ouvrage

La loi dite ELAN poursuit en la matière l’objectif de faciliter la réalisation d’ouvrages par les acheteurs soumis aux règles relatives à la maîtrise d’ouvrage et à la commande publique, s’agissant tout particulièrement des organismes HLM et des SEM immobilières.

Pour ce faire, la loi, principalement, clarifie le régime des CAO des OPH, réduit le champ d’application de la loi dite MOP du 12 juillet 1985 et, enfin, complète dans le même temps certaines dispositions en matière de commande publique.

En premier lieu en effet, et après beaucoup d’incertitudes au plan législatif au cours des dernières années, la loi ELAN pose le principe que les CAO des OPH sont régies par les dispositions du Code de la construction et de l’habitation, en alignant ainsi leur régime sur celui des organismes privés HLM. De fait, la composition des CAO des OPH est désormais également librement fixée.

En deuxième lieu, la loi ELAN exclut l’application des règles de la maîtrise d’œuvre privée de la loi MOP – titre 2 de la loi – aux organismes HLM et SEM immobilières. Cela a pour effet concrète que ces organismes n’ont plus l’obligation de confier une mission globale à un maître d’œuvre.

De manière complémentaire à cette mesure, le concours, régi quant à lui par la loi du 2 janvier 1977, n’est plus rendu obligatoire pour ces mêmes organismes – tout comme d’ailleurs les CROUS.

On notera enfin avec intérêt que les OPH qui, en tant qu’établissements publics, étaient pleinement soumis aux règles de la loi MOP, ne s’y voient désormais soumis que pour la réalisation de programmes de logements locatifs aidés sociaux à l’instar des autres organismes HLM – privés.

En dernier lieu, la loi ELAN étend fortement à l’inverse les cas de recours possibles aux contrats publics globaux, de manière dérogatoire au principe inscrit dans la loi MOP de dissociation entre conception et réalisation, avec :

  • La pérennisation de la possibilité pour les organismes HLM et les SEM immobilières de recourir sans motif à la conception-réalisation pour la réalisation de logements locatifs aidés ; dérogation en outre étendue au profit des programmes de logements locatifs aidés des CROUS mais de manière limitée au 31 décembre 2021 ; tout comme pour l’établissement et l’exploitation des infrastructures et réseaux de communications électroniques et ce, jusqu’au 31 décembre 2022 ; ou encore pour la réalisation des ouvrages nécessaires à l’organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024 ;
  • La création d’un nouveau cas de recours à la conception-réalisation, complémentaire à ceux déjà existants de motif technique ou d’amélioration de l’efficacité énergétique, en vue de la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur ;
  • Enfin, la création d’un nouveau cas de recours aux marchés publics globaux sectoriels : celui portant sur la conception, la construction, la maintenance et l’exploitation d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques d’initiative publique.

 

Par Thomas Rouveyran,
Avocat associé, Seban & Associés

Loi Elan et gestion locative

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique dite « ELAN » comporte naturellement de nombreux apports en matière de gestion locative, en ce qu’elle modifie la règlementation existante (2) et surtout en ce qu’elle introduit 2 nouveaux contrats de location (1).

1- Deux nouveaux contrats de location

  • Le bail mobilité (article 107 loi ELAN)

Il s’agit d’un contrat de location meublée, dont la durée peut être de 1 à 10 mois, non renouvelable et non reconductible, destiné aux personnes en formation professionnelles, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire, en mutation ou en mission professionnelle. 

  • Le contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire (article 117 loi ELAN)

Il s’agit pour une personne âgée de 60 ans et plus de louer, si elle est propriétaire, ou de sous-louer si elle est elle-même locataire, une partie de son logement à une personne de moins de 30 ans, en contrepartie d’une contribution financière modeste et, si les parties le prévoient, de menus services accomplis.

Dans l’hypothèse où le « senior » est locataire, il devra simplement en informer le bailleur, sans que ce dernier puisse s’opposer à la cohabitation, et ce alors même que la sous-location serait prohibée par le bail principal.

 

2- La modification de la règlementation existante

  • L’assouplissement de l’acte de cautionnement (article 134 loi ELAN)

La personne physique qui se porte caution n’est plus soumise à l’obligation de reproduire de manière manuscrite les mentions obligatoires de l’engagement de caution.

  • Le renforcement des critères de décence du logement (article 142 loi ELAN)

L’obligation de délivrance par le bailleur d’un logement décent est renforcée puisque la décence s’entend désormais également d’un local « exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites ».

  • La fin de la solidarité pour le paiement des loyers en cas de violences conjugales (article 136 loi ELAN)

Le concubin notoire, partenaire de pacs ou conjoint qui quitte le logement en raison de violences conjugales ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui n’est plus solidairement tenu, ni la personne qui s’est portée caution pour lui, des dettes du locataire auteur des violences.

  • La meilleure articulation des procédures d’expulsion pour impayés de loyers avec celles de traitement du surendettement (article 118 loi ELAN)

Le juge saisi d’une demande de résiliation de bail pour impayés de loyers invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à la procédure de traitement du surendettement et peut, en fonction des cas, accorder des délais de paiement ou suspendre les effets de la clause résolutoire au profit du locataire.

  • La suppression des délais d’expulsion pour les occupants illicites (article 201 loi ELAN)

L’occupant sans droit ni titre qui s’est introduit par voie de fait dans un logement ne bénéficie plus du délai de 2 mois suivant le commandement de quitter les lieux ni du bénéfice de la trêve hivernale lorsque le logement constitue le domicile d’autrui.

  • Le renforcement de la lutte contre les meublés de tourisme (article 145 loi ELAN)

Le contrôle du respect de la règlementation en matière de meublés de tourisme est renforcé, du même que les sanctions puisque les contrevenants sont passibles d’une amende civile pouvant aller jusqu’à 50.000 €.

 

Par Emilie Bacqueyrisses,
Avocat Senior référent, Seban & Associés

 

Quels sont les apports de la Loi Elan en matière d’aménagement commercial ?

La loi n° 2018-1091 du 23 novembre 2018 dite « ELAN » modifie la législation sur l’urbanisme commercial par une diversité de mesures visant à redynamiser et préserver les centres-villes par l’instauration des Opérations de Revitalisations de Territoire (ORT)[1].

Elle vise également à réintroduire une approche économique de l’impact des projets tant notamment dans l’obligation de produire pour chaque demande d’autorisation d’exploitation commerciale une étude d’impact que dans la modification de la composition des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC).

Elle renforce enfin les outils de contrôle en matière d’aménagement commercial en instaurant, d’une part, un contrôle a posteriori du respect de l’autorisation délivrée et, d’autre part, en accroissant les prérogatives du préfet dans les obligations de démantèlement des exploitations désaffectées.

1-Les spécificités des Opérations de Revitalisation du Territoire (ORT) en matière d’aménagement commercial (article 157 de la loi)

Les Opérations de Revitalisation du Territoire (ORT) constituent un nouvel outil d’intervention en matière de politique urbaine, ayant pour objet, aux termes de l’article L. 303-2-I du Code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH) :

« la mise en œuvre d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des locaux commerciaux et artisanaux ainsi que contre l’habitat indigne, réhabiliter l’immobilier de loisir, valoriser le patrimoine bâti et réhabiliter les friches urbaines, dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable. » 

Elles donnent lieu à la conclusion d’une convention entre l’Etat, ses établissements publics intéressés, obligatoirement un EPCI à fiscalité propre et tout ou partie des communes membres ainsi que toute personne publique ou privée susceptible d’apporter son soutien ou de prendre part à la réalisation des opérations prévues par la convention, qui en délimite notamment les secteurs d’intervention.

Une seule restriction est posée à la faculté d’être signataire de la convention : « la condition que cette adhésion ne soit pas susceptible de la mettre ultérieurement en situation de conflit d’intérêts ». 

Aucun formalisme n’est imposé.

La convention comporte :

  • la définition du projet urbain, économique et social de revitalisation du territoire favorisant la mixité sociale, le développement durable, la valorisation du patrimoine et l’innovation,
  • la délimitation du périmètre des secteurs d’intervention (étant précisé que ces derniers, comprennent obligatoirement le centre-ville de la ville principale du territoire de l’EPCI signataire et éventuellement ceux d’autres communes membres de cet EPCI.),
  • la durée de la convention,
  • Ses modalités (le calendrier, le plan de financement, la répartition des actions prévues dans les secteurs d’intervention limités, les conditions dans lesquels ces actions peuvent être délégués à des opérateurs)

Elle comprend également une ou plusieurs actions d’amélioration de l’habitat prévues à l’article L. 303-1 du CCH et, à titre facultatif, tout ou partie des 10 actions énoncées à l’article L. 303-2 III du CCH.

Ce dispositif, ainsi que cela ressort de la circulaire du 21 décembre 2018 relative à la présentation des dispositions d’application immédiate de la loi ELAN, est entré en vigueur immédiatement.

Il emporte plusieurs conséquences en matière d’aménagement commercial.

– Une dispense d’autorisation d’exploitation commerciale dans les centres-villes identifiés par la convention « ORT » :

Les projets, situés dans un secteur d’intervention identifié par une convention ORT, seront dispensés de l’autorisation d’exploitation commerciale, prévue par les 1° à 6° de l’article L. 752-1 du Code de commerce, à l’exception :

  • des « drive »
  • et des projets que la convention aura elle-même décidé de soumettre à autorisation s’ils dépassent un certain seuil fixé par elle, mais qui ne saurait être inférieur à 2.500 m² pour les commerces à prédominance alimentaire, et 5.000 m² pour les autres (nouvel article L. 752-1-1 du Code de commerce).

La loi prévoit que les conditions de publicité des projets non soumis à autorisation d’exploitation commerciale seront fixées par décret en Conseil d’Etat.

– L’instauration d’un moratoire des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale en périphérie des ORT : 

Le nouvel article L. 752-1-2 du Code de commerce instaure un moratoire : toute demande d’autorisation d’exploitation commerciale déposée devant une CDAC pourra être suspendue par arrêté préfectoral, pour une durée de trois ans, renouvelable un an, lorsque celle-ci porte sur un projet situé sur le territoire :

  • d’une ou plusieurs communes signataires d’une convention ORT, mais en dehors des périmètres d’intervention définis par la convention ;
  • Sur une commune non signataire d’une convention ORT mais membre d’un EPCI signataire d’une telle convention ou d’un EPCI limitrophe de celui-ci, lorsque ce projet est de nature à compromettre gravement les objectifs de l’opération (nouvel article L. 752-1-1 du code de commerce).

La décision du Préfet est prise à la demande, ou après avis, de l’EPCI ou des communes concernées, et compte tenu des caractéristiques des projets et de l’analyse des données de la zone de chalandise concernée, au regard, notamment, des taux de logements vacants, de chômage et de vacance commerciale.

Le mécanisme de suspension s’appliquera, au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet.

Les conditions de ce dispositif de suspension doivent être précisées par un décret en Conseil d’Etat devant intervenir au cours du deuxième trimestre 2019.

– Les autres dérogations pour les projets mixtes en centre-ville et concernant la faculté d’auto-saisine :

L’article L. 752-2 du code de commerce, modifié par l’article 165 de la loi ELAN, prévoit une exonération d’autorisation d’exploitation commerciale, pour les projets mixtes, réunissant à la fois des commerces et des logements, situés dans un secteur d’intervention identifié par une convention ORT, « dès lors que la surface de vente du commerce est inférieure au quart de la surface de plancher à destination d’habitation. »

Cette disposition est d’ores et déjà applicable.

L’article 173 de la loi précise encore que la possibilité pour les communes et EPCI compétents, de soumettre volontairement à autorisation d’exploitation commerciale les projets d’une surface de vente comprise entre 300 et 1.000 m² dans les communes de moins de 20.000 habitants, ne sera plus possible dans les secteurs d’intervention identifiés par les conventions ORT (article L. 752-4 modifié).

Cette mesure, aussi, est d’application immédiate

2.Les mesures visant à renforcer la prise en compte de l’impact des projets

– L’instauration de trois nouveaux critères d’examen des projets :

Trois nouveaux critères sont ajoutés, sous l’article L752-6 du Code de commerce, pour les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2019 :

  • En matière d’aménagement du territoire :

– La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes, et de l’EPCI dont la commune est membre,

– les coûts indirects supportés par la collectivité en matière d’infrastructures et de transports,

  • En matière de développement durable : le bilan des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu au 1° et 2° du I de l’article L229-25 du Code de l’environnement (lequel concerne les entreprises de plus de 500 salariés)

– La complétude du dossier de la demande par la production d’une étude d’impact :

La loi impose la production par le demandeur d’une analyse d’impact du projet :

  • réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l’Etat dans le département.
  • devant évaluer « les effets du projet sur l’animation et le développement économique du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’EPCI dont la commune d’implantation est membre, ainsi que sur l’emploi, en s’appuyant notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. »
  • et démontrant que le projet ne peut s’implanter sur une friche existante en centre-ville ou en périphérie .

La circulaire du 21 décembre 2018 indique que le décret permettant l’application de ces dispositions doit intervenir « au cours du 2ème trimestre 2019 ».

– L’instauration d’un nouveau seuil pour la réouverture des surfaces de vente :

Dans un souci de faciliter la résorption des friches commerciales, la loi relève le seuil prévu à l’article L. 752-1 du Code de commerce, de 1000 m² à 2500 m², pour les projets portants sur la réouverture au public, sur le même emplacement, des magasins qui ont cessé d’être exploités depuis plus de trois années.

Cette disposition est d’application immédiate.

– La modification de la composition de la CDAC :

Les CDAC seront désormais composées, outre des 7 élus et 4 personnalités qualifiées en aménagement du territoire et développement durable, de trois nouvelles personnalités qualifiées représentant le tissu économique, à savoir : une désignée par la chambre de commerce et d’industrie, une désignée par la chambre de métiers et de l’artisanat et une désignée par la chambre d’agriculture. (la CDAC de Paris n’accueillera que les deux membres représentant les chambres consulaires).

Ces trois personnalités ne prennent toutefois pas part au vote et présentent la situation du tissu économique dans la zone de chalandise pertinente et l’impact du projet sur ce tissu économique. La personnalité désignée par la chambre d’agriculture présentera l’avis de la chambre lorsque le projet d’implantation commerciale consomme des terres agricoles.

Un décret permettant l’application de ces dispositions doit intervenir « au cours du 2ème trimestre 2019 ».

– La modification de la procédure devant la CDAC :

Le nouvel article L. 751-2 du Code de commerce prévoit l’élargissement des personnes susceptibles d’être auditionnées, à savoir :

  • la personne chargée d’animer le commerce de centre-ville au nom de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre
  • l’agence du commerce et les associations de commerçants de la commune d’implantation et des communes limitrophes lorsqu’elles existent.

Dans une volonté de transparence, la CDAC devra également informer les maires des communes limitrophes de la commune d’implantation, dès l’enregistrement des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale dont elle est saisie. Ils pourront ainsi demander à être auditionnés.

Est également prévue la possibilité pour le préfet de solliciter, des chambres consulaires et de la chambre d’agriculture, des études spécifiques « d’organisation du tissu économique, commercial et artisanal ou de consommation des terres agricoles préalablement à l’analyse du dossier de demande d’autorisation d’exploitation commerciale ».

Cette demande doit être formulée au plus tard dans le délai d’un mois avant l’examen du dossier par la CDAC.

Ces dispositions sont d’application immédiate.

– La modification de la procédure devant la CNAC :

Un nouvel alinéa est ajouté à l’article L. 752-19 du Code de commerce permettant à l’un des membres de la CDAC d’être auditionné en CNAC, sur demande de la CDAC et dans le cas d’un projet faisant l’objet d’un recours.

– La clause dite « de revoyure » :

L’article 171 de la loi instaure une clause dite de « revoyure » permettant aux demandeurs ayant vu leur projet refusé en CNAC de la ressaisir directement dès lors que la demande a pour objet de tenir compte des motifs de refus de la CNAC et que les modifications apportées au projet ne présentent pas un caractère substantiel.

Un décret est nécessaire pour la mise en œuvre de cette disposition.

– La validité de la modification substantielle :

L’article 170 de la loi modifie le troisième alinéa de l’article L. 752-15 du Code de commerce en précisant qu ‘ « une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d’instruction ou lors de sa réalisation, subit, du fait du pétitionnaire, des modifications substantielles au regard des critères énoncés à l’article L. 752-6. Lorsqu’elle devient définitive, l’autorisation de modifier substantiellement le projet se substitue à la précédente autorisation d’exploitation commerciale accordée pour le projet. »

– Le renforcement de la place du commerce dans le SCOT :

L’article L141-17 du code de l’urbanisme, modifié par l’article 169 de la loi, rend le Document d’Aménagement artisanal et commercial (DAAC) obligatoire dans les SCOT.

Le DAAC « localise les secteurs d’implantations périphériques ainsi que les centralités urbaines » et précise les conditions d’implantation (type d’activité, surface de vente maximale…). Il peut également définir les conditions d’implantation (maintien du commerce de proximité, développement et maintien de la logistique commerciale dans les centralités en fonction de leur surface, des flux générés…)

En l’absence de SCOT, les orientations relatives à l’aménagement commercial contenant des conditions d’implantation, seront dans le PLUi.

La loi s’applique aux prochaines élaborations ou révisions de SCOT et PLUi à l’exclusion des procédures en cours au moment de sa publication.

3- Le renforcement des outils de contrôle

– Un contrôle a posteriori du respect de l’autorisation d’exploitation commerciale :

L’article L. 753-23 du Code de commerce instaure désormais un contrôle a posteriori :

  • Les bénéficiaires ont l’obligation de communiquer au préfet, un mois avant l’ouverture au public, un certificat attestant du respect des conditions de l’autorisation d’exploitation commerciale, établi à leurs frais, par un organisme indépendant habilité par le préfet.
  • En l’absence de ce certificat, l’exploitation est réputée illicite.

– Les sanctions en cas de non-conformité :

L’article L. 752-23 du Code de commerce prévoit désormais l’obligation pour le préfet de mettre en demeure l’exploitant concerné de fermer les surfaces illicites ou de ramener la surface de vente conformément à l’autorisation d’exploitation commercial obtenue, dans un délai de 3 mois à compter de la transmission au pétitionnaire du constat d’infraction.

Sans respect de la mise en demeure, le préfet prend un arrêté ordonnant, dans un délai de quinze jours, la fermeture au public des surfaces de vente exploitées illicitement, jusqu’à régularisation effective, ce sous astreinte maximale de 150€ par m² par jour de retard.

Est puni d’une amende de 15 000 € le fait de ne pas exécuter les mesures prises par le préfet.

Les modalités d’application du présent article seront déterminées par décret en Conseil d’Etat.

– Le renforcement de l’obligation de démantèlement :

La loi dite « ALUR » du 24 mars 2014 a introduit une obligation de démantèlement et de remise en état des terrains d’assiette sur lesquels toute exploitation commerciale a cessé depuis au moins trois ans (L.752-1).

La loi ELAN renforce les prérogatives du préfet.

A l’expiration du délai de trois ans, le préfet s’assure des dispositions prévues par le propriétaire du site pour mettre en œuvre, dans les délais prescrits, les opérations de démantèlement et de remise en état des terrains ou de transformation en vue d’une autre activité.

Il doit mettre en demeure le ou les propriétaires de les lui présenter. A défaut, il peut obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle est restituée au propriétaire au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites.

Il peut également « faire procéder d’office, aux frais du ou des propriétaires, au démantèlement et à la remise en état du site. »

Un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités d’application du présent article.

 

*

Ces nouvelles dispositions, lesquelles s’inscrivent dans une succession de réformes intervenues depuis 2008 (loi LME[2], loi ALUR[3], loi PINEL[4]), produiront-elles les effets escomptés ?

Surtout, la publication des décrets d’application est attendue….

[1] ceci dans le prolongement notamment du rapport conjoint du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) et de l’Inspection Générale des Finances (IGF) sur la « revitalisation commerciale des centres-villes », publié en juillet 2016, du Plan Action Cœur de ville annoncé le 15 décembre 2017 par le Ministre de la Cohésion sociale et la publication le 26 mars 2018 des 222 villes sélectionnées en vue de la conclusion des conventions dites « Actions Cœur de Ville ».

[2] Loi n° 2008-776 du 4 aout 2008 de Modernisation de l’Economie dite « LME »

[3] Loi n° 2014-336 du 24 mars 2014 pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové dite « ALUR »

[4] Loi n° 201-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises

 

 

Par Céline Camus
Avocate, Seban Atlantique

Les apports de la loi ELAN en contentieux de l’urbanisme

Le chapitre VI de la loi ELAN prévoit diverses mesures relatives au contentieux de l’urbanisme dans le prolongement du rapport Maugüé de janvier 2018 intitulé « propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace ».

Ces nouvelles dispositions interviennent à la suite du décret du 17 juillet 2018 qui emportait déjà modification de plusieurs dispositions règlementaires applicables au contentieux de l’urbanisme (précédemment analysées dans la LAJ du 18 octobre 2018).

L’objectif clairement affiché dans le cadre de la loi ELAN est l’amélioration du traitement du contentieux de l’urbanisme, en vue de satisfaire les ambitions de construire plus de logements dans des délais raccourcis. Les dispositions relatives au contentieux, toutes issues de l’article 80 de la loi, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019.

Elles concernent :

– les effets des annulations et des déclarations d’illégalité des documents d’urbanisme ;

– l’intérêt à agir des associations et des voisins à l’encontre des autorisations d’urbanisme ;

– les recours abusifs ;

– le déroulé de l’instance ;

– l’action en démolition du préfet.

 

1- La limitation des effets des annulations et des déclarations d’illégalité des documents d’urbanisme

Le nouvel article L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme prévoit que lorsqu’un document d’urbanisme a été annulé ou déclaré illégal pour des raisons étrangères au droit des sols de la zone où est situé un permis de construire délivré avant l’annulation précitée, ce seront toujours les règles de ce document d’urbanisme qui s’appliqueront, sans qu’il soit nécessaire de faire application des règles généralement obsolètes du document d’urbanisme antérieur.

Par ailleurs et s’agissant en particulier des règles applicables au sein des lotissements (article L. 442-14 du Code de l’urbanisme), il est prévu de maintenir la cristallisation des règles d’urbanisme applicables sous réserve que le motif d’annulation soit étranger aux règles d’urbanisme applicables au sein du lotissement.

 

2- Les restrictions à l’intérêt à agir des associations et des voisins à l’encontre des autorisations d’urbanisme

Selon l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme, une association n’est désormais recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

S’agissant des tiers, la nouvelle rédaction de l’article L. 600-1-2 exclut désormais que les troubles de jouissance résultant de la phase travaux puissent permettre de justifier d’un intérêt à agir.

 

3- Les recours abusifs

La procédure pour recours abusif prévue par l’article L. 600-7 – jusque-là peu utilisée ou admise – est également amendée. Il est ainsi proposé de substituer « lorsque le droit au recours […] est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant » par « lorsque le droit au recours […] est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant ». La condition du caractère « excessif » du préjudice serait également supprimée.

Les transactions financières avec les associations sont également encadrées – voire très limitées – puisqu’en application de l’article L. 600-8, elles ne peuvent y recourir que pour la sauvegarde de leur biens matériels. Par ailleurs, les mêmes dispositions prévoient, qu’à l’instar des transactions intervenues en cours d’instance, les transactions « précontentieuses » sont également soumises à enregistrement.

 

4- Le déroulé de l’instance à l’encontre des autorisations d’urbanisme

Sur ce point, il est désormais imposé aux juridictions administratives, lorsque l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme (article L. 600-5) ou un sursis à statuer aux fins de régularisation (article L. 600-5-1) est envisageable, de motiver leur refus de faire application de ces dispositions.

L’article L. 600-5-2 précise, pour sa part, que toute décision d’urbanisme modificative ou de régularisation délivrée en cours d’instance et communiquée aux parties pourra seulement être contestée par ces dernières dans le cadre de cette instance.

S’agissant du déroulé de l’instance, il convient de noter également qu’une demande de référé suspension contre une autorisation d’urbanisme ne sera plus recevable après l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens (article L. 600-3).

 

5- L’action en démolition du préfet

À noter enfin, le rétablissement de la possibilité pour le préfet de solliciter, par une action civile, la démolition d’une construction dont l’autorisation a été définitivement annulée sans avoir à respecter les conditions posées par les dispositions de l’article L. 480-13 1° du Code de l’urbanisme. Le permis de construire devra néanmoins avoir été au préalable annulé sur déféré préfectoral.

 

Par Arthur Gayet,
Avocat Senior référent, Seban & Associés

 

Les nouveaux outils pour l’aménagement : le projet partenarial d’aménagement et la grande opération d’urbanisme

La loi n°2018-1021 portant évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN) comporte au sein de son titre 1er « construire plus, mieux, et moins cher » un certain nombre de dispositions relatives au droit de l’aménagement avec l’objectif affiché de le « dynamiser » dans l’objectif de « produire plus de foncier constructible » (Chapitre Ier, Titre 1).

Pour ce faire et à côté des modifications apportées aux outils existants (en particulier les zones d’aménagement concerté et les opérations d’intérêt national), la loi ELAN a créé deux nouveaux outils, le projet partenarial d’aménagement et la grande opération d’urbanisme.

1 – Afin de dynamiser les opérations d’aménagement, il est créé un nouvel outil contractuel, le Projet Partenarial d’aménagement (PPA). Le choix de la forme contractuelle de cet outil n’est pas anodin, la dimension partenariale étant mise en avant afin de laisser une certaine souplesse aux signataires. L’objectif est d’inciter les acteurs publics et privés à s’engager autour d’une convention sur les questions opérationnelles et financières liées à l’opération d’aménagement. Toujours dans cet objectif de souplesse, les clauses devant figurer dans ce contrat ne sont pas définies.

Le PPA est signé entre, d’une part, l’Etat et, d’autre part, les établissements publics ou collectivités territoriales. Deux remarques s’imposent :

Tout d’abord, si l’intercommunalité est affichée comme le partenaire de l’Etat, les communes n’en sont pas moins oubliées, puisqu’elles sont associées à l’élaboration du contrat.

Remarquons ensuite que ce contrat se conçoit dans l’esprit du législateur comme une solution intermédiaire entre l’intervention seule d’une collectivité territoriale et l’Opération d’Intérêt National (OIN), dispositif permettant à l’Etat de reprendre des compétences en matière d’urbanisme.

Par ailleurs, les SPL, SEM ou tout autre acteur public / privé prenant part aux opérations peuvent également être signataires du contrat.

2 – Précisons que le PPA est un préalable nécessaire à l’instauration d’une Grande Opération d’Urbanisme (GOU), second outil prévu ; lorsque le contrat prévoit une opération susceptible d’être qualifiée de GOU, il en précise les dimensions et les caractéristiques.

La GOU est une opération d’aménagement, dont la réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’État et de la collectivité ou l’établissement public cocontractant du PPA, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques. La qualification d’une portion de territoire en GOU est décidée par l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’Etablissement public cocontractant du PPA, après avis conforme des communes et accord du représentant de l’Etat. Il ne peut donc être passé outre l’avis défavorable de la commune.

La GOU ne concerne que les opérations d’aménagement d’une certaine ampleur ; son intérêt réside dans l’instauration d’un régime dérogatoire au droit commun afin de faciliter la réalisation de l’opération.

Ce régime spécifique concerne notamment la faculté pour les communes de confier la réalisation et la gestion d’équipements publics relevant de leur compétence à la personne publique à l’initiative de la GOU (EPCI, EPT, ville de Paris, métropole de Lyon). Il s’agit également de transférer à l’exécutif de cette personne la délivrance des autorisations d’urbanisme et de pouvoir créer une ZAD au sein du périmètre de la GOU.

 

Par Arthur Gayet,
Avocat Senior référent, Seban & Associés

 

Colonnes montantes électriques : ce que la loi ELAN change

Il est apparu depuis plusieurs années un débat d’ampleur nationale, entre, d’une part, les Gestionnaires du Réseau de Distribution d’électricité (GRD), à savoir la société Enedis et les Entreprises Locales de Distribution (ELD), et, d’autre part, les propriétaires et copropriétaires d’immeubles s’agissant de la question de la propriété des colonnes montantes d’électricité présentes dans les immeubles desservant plusieurs niveaux et de l’identification du débiteur de l’obligation d’entretenir et de renouveler ces colonnes montantes électriques. La jurisprudence, si elle semble désormais unanime pour considérer qu’il existe une présomption d’incorporation des colonnes montantes au réseau public de distribution d’électricité, était initialement caractérisée par des divergences entre le juge administratif et le juge judiciaire.

C’est dans ce contexte, qui avait déjà donné lieu à de nombreux contentieux dont certains étaient encore pendants, que le législateur a, à l’occasion de la loi ELAN, clarifié le régime applicable aux colonnes montantes électriques. Ainsi, l’article 176 de la loi ELAN a créé, au sein du Code de l’énergie, de nouveaux articles L. 346-1 à L. 346-5 dont il résulte les principes suivants :

Tout d’abord, une définition des colonnes montantes est introduite à l’article L. 346-1 du Code de l’énergie, qui dispose que : « La colonne montante électrique désigne l’ensemble des ouvrages électriques situés en aval du coupe-circuit principal nécessaires au raccordement au réseau public de distribution d’électricité des différents consommateurs ou producteurs situés au sein d’un même immeuble ou de bâtiments séparés construits sur une même parcelle cadastrale, à l’exception des dispositifs de comptage » (art. L. 346-1 du Code de l’énergie). De nombreux débats s’étaient effectivement élevés entre GRD et propriétaires d’immeubles au sujet de la détermination de la consistance des colonnes montantes électriques.

Ensuite, en ce qui concerne la question de la propriété des colonnes montantes, les nouvelles dispositions des articles L. 346-2 à L. 346-4 du Code de l’énergie prévoient que :

  • les colonnes montantes mises en service à compter de la publication de la loi (publication intervenue le 24 novembre 2018) appartiennent au réseau public de distribution d’électricité ; cela implique donc qu’elles appartiennent aux Autorités Organisatrices de la Distribution d’Electricité (AODE) et sont gérées et entretenues par les concessionnaires de la distribution publique d’électricité ;
  • concernant les colonnes montantes électriques mises en service avant la publication de la loi, le principe posé est également celui de leur appartenance au réseau public de distribution et ce, à l’expiration d’un délai de deux ans commençant à courir à compter de la promulgation de la loi, donc à partir du 24 novembre 2020. Cette incorporation intervient sans condition de remise en état préalable et sans aucun flux financier au bénéfice des GRD.

En outre, dans le délai de deux ans courant à compter de la promulgation de la loi ELAN, et donc jusqu’au 24 novembre 2020, les propriétaires ou copropriétaires d’immeubles ont la possibilité :

  • soit de notifier au gestionnaire du réseau leur acceptation du transfert définitif au réseau public de distribution d’électricité desdits ouvrages ; dans ce cas, les colonnes montantes électriques sont incorporées de manière anticipée dans le réseau (sans attendre le 24 novembre 2020), et ce, toujours sans condition, tenant notamment à leur état d’entretien.
  • soit de se manifester pour revendiquer la propriété de ces ouvrages, et faire ainsi échec à leur incorporation future dans le réseau public de distribution d’électricité. Toutefois, dans ce cas, si les propriétaires d’immeubles décident, après avoir revendiqué la propriété des colonnes montantes électriques, de les transférer dans le réseau public de distribution d’électricité, alors, ce transfert sera conditionné à leur bon état de fonctionnement. Ainsi, les propriétaires devront remettre à niveau (à leurs frais donc) les colonnes montantes avant de les transférer (art. L. 346-4 du Code de l’énergie).

Le nouvel article L. 346-5 du Code de l’énergie précise que les colonnes montantes électriques présentes au sein des réseaux fermés de distribution, visés à l’article L. 344-1 du Code de l’énergie, et au sein des réseaux intérieurs, visés à l’article L. 345-2 du Code de l’énergie, ne sont en revanche pas soumises aux nouvelles dispositions issues de la loi ELAN.

Enfin, l’article 176 II de la loi ELAN, non codifié au sein du Code de l’énergie, apporte une précision qui concerne, non pas les propriétaires ou copropriétaires d’immeubles, mais plutôt les AODE puisqu’il prévoit que les entreprises concessionnaires de la distribution publique d’électricité ne seront plus tenues par leurs éventuelles obligations financières liées aux provisions pour renouvellement des colonnes montantes électriques, et ce, y compris en cas de stipulation contractuelle contraire dans les contrats de concession dont elles sont titulaires.

 

Par Marianne Hauton,
Avocat Senior référent, Seban & Associés

 

 

La simplification du déploiement des réseaux de communications électroniques à très haute capacité par la loi ELAN

Depuis 2009, les gouvernements successifs et le législateur proposent de manière régulière d’adapter le cadre législatif et règlementaire relatif au déploiement des réseaux de communications électroniques. En initiant le Programme Très Haut Débit en 2010, puis le Plan France Très Haut Débit au printemps 2013, les gouvernements ont fixé l’objectif ambitieux de parvenir à une couverture complète du territoire national d’ici 2022. Plus récemment, le gouvernement actuel avait fait part de son souhait d’accélérer encore davantage le déploiement afin d’assurer une couverture complète du territoire en bon débit d’ici 2020.

La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ci-après, la « Loi ELAN ») est à nouveau l’occasion pour les députés et les sénateurs d’adopter des dispositions simplifiant le déploiement des réseaux de communications électroniques et de permettre la réalisation des objectifs précités.

La Loi ELAN a été adoptée le 3 octobre 2018, elle a fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel par soixante sénateurs et députés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution en date du 23 octobre 2018. Par une décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la constitution plusieurs articles de la Loi ELAN. Les articles de la Loi ELAN relatifs au déploiement du très haut débit (articles 219 à 233) n’ont toutefois pas été visés par cette non-conformité partielle.

Ainsi, seront successivement analysées les dispositions de la Loi ELAN relatives à l’allégement des formalités administratives pour le déploiement des réseaux de communications électroniques (I) et celles relatives aux opérations de déploiement et d’exploitation des réseaux de communications électroniques (II).

 

I – Sur l’allègement des formalités administratives pour le déploiement des réseaux de communications électroniques

Le gouvernement et le législateur ont entendu réduire les formalités administratives à effectuer pour déployer tant les stations radioélectriques (1) que les réseaux de communications électroniques en général (2).

1. Sur la simplification du déploiement des stations radioélectriques

La loi n° 2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information, à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, dites « Loi Abeille », avait fixé un objectif législatif de modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques.

La mise en œuvre de cet objectif porte, en particulier, sur les conditions d’installation et de modification des installations radioélectriques (les antennes relais) et c’est l’article L. 34-9-1 du Code des postes et des communications électroniques qui définit les conditions précitées.

Ainsi, au titre du B du II de cet article, « toute personne souhaitant exploiter, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à accord ou à avis de l’Agence nationale des fréquences » doit présenter un dossier d’information auprès du maire ou du président de l’intercommunalité où se localise le projet dans un délai de deux mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme.

Un dossier similaire doit également être adressé au maire ou au président de l’intercommunalité, dans un délai de deux mois avant le début des travaux, par l’exploitant d’une installation radioélectrique existante pour toute modification substantielle nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis auprès de l’Agence nationale des fréquences.

Le I de l’article 219 de la Loi ELAN modifie ces dispositions et abaisse à un mois le délai entre la transmission du dossier d’information à l’autorité et la demande d’autorisation d’urbanisme ou le début des travaux s’agissant des modifications substantielles des installations existantes.

En outre, s’agissant des demandes d’exploitation initiale, l’exploitant peut demander au maire ou au président de l’intercommunalité de réduire encore davantage ce délai d’un mois.

Enfin, le II de l’article 219 précité prévoit que cette réduction des délais est applicable aux dossiers d’informations transmis à compter de la publication de la Loi ELAN.

Le législateur a plus particulièrement entendu favoriser le déploiement des réseaux de quatrième génération en prévoyant une dérogation au régime précité.

En effet, aux termes de l’article 220 de la Loi ELAN, jusqu’au 31 décembre 2022, les travaux ayant pour objectif l’installation de la quatrième génération du réseau de téléphonie mobile sur un équipement existant font l’objet d’une simple information préalable du maire, par dérogation au régime précité, dès lors que le support ne fait pas l’objet d’une extension ou d’une rehausse substantielle.

Enfin, les parlementaires ont décidé de limiter les pouvoirs du maire s’agissant du retrait des décisions d’autorisation d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile. Pour rappel, l’article L. 424–5 du Code de l’urbanisme, modifié par l’article 134 de la loi nᵒ 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR de 2014, dispose que le maire peut retirer la décision d’autorisation d’urbanisme qu’en cas d’illégalle et dans les trois mois suivant sa délivrance.

Or, il a été constaté qu’en pratique, les opérateurs de communications électroniques attendent l’expiration de ce délai de trois mois pour entreprendre les travaux de déploiement car ils craignent que la procédure ne puisse être détournée pour retirer une décision, quand bien même celle-ci serait illégale.

Afin de faciliter le déploiement des antennes de radiotéléphonie mobile, les parlementaires ont donc adopté un régime expérimental, applicable jusqu’au 31 décembre 2022, au terme duquel les décisions d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d’accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées.

2. Sur la simplification du déploiement des réseaux de communications électroniques

Afin de faciliter le déploiement des réseaux de communications électroniques, les parlementaires ont procédé à des amendements du code de l’urbanisme (a) mais également faciliter l’obtention de titre d’occupation du domaine public et l’établissement de servitudes (b).

Enfin, la Loi ELAN aborde la question de l’intervention des opérateurs de communications électroniques au sein des immeubles et copropriétés (c)

a. Sur les amendements du Code de l’urbanisme

L’article L. 122-3 du Code de l’urbanisme dispose que certaines installations ne sont pas soumises au principe édicté à l’article L. 122-5, selon lequel « l’urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants ». Sont ainsi concernés par cette exception « les installations et ouvrages nécessaires aux établissements scientifiques, à la défense nationale, aux recherches et à l’exploitation de ressources minérales d’intérêt national, à la protection contre les risques naturels et aux services publics autres que les remontées mécaniques ». Une seconde condition est imposée pour pouvoir bénéficier de cette exception : la localisation de ces installations dans ces espaces doit « correspondre à une nécessité technique impérative ».

Les opérateurs de communications électroniques estimaient que cette dérogation n’était pas applicable aux déploiements des infrastructures de téléphonie mobile, dans la mesure où elles ne sont pas mentionnées par l’article L. 35 du Code des postes et des communications électroniques, relatif aux obligations de service public dans le domaine des communications électroniques. Par ailleurs, la jurisprudence disponible sur le sujet semble montrer une approche relativement restrictive de la notion de « nécessité technique impérative », sans que la question de la qualification de service public n’ait véritablement été discutée.

L’article 223 de la Loi ELAN modifie l’article L. 122-3 du Code de l’urbanisme afin, d’une part, de préciser que les installations et ouvrages nécessaires à l’établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public entrent bien dans le champ d’application de l’exception et, d’autre part, que dans le cas des communications électroniques, il ne s’agira plus de démontrer une nécessité technique impérative mais la nécessité de l’installation pour améliorer la couverture du territoire. Ce faisant, les installations de communications électroniques ne seront pas systématiquement soumises à ce principe d’urbanisation en continuité.

Les parlementaires ont également modifié l’article L. 121-17 du Code de l’urbanisme afin de déroger, dans des conditions encadrées, au principe d’interdiction des constructions et installations dans la bande littorale des cent mètres pour l’atterrage des canalisations de communications électroniques.

L’article L. 121-25 du Code de l’urbanisme établit un principe d’inconstructibilité des « espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral ». De même, l’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme interdit les constructions ou installations sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs.

L’article L. 121-17 du Code de l’urbanisme dispose que, par exception, ces prohibitions ne s’appliquent pas « aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques engageant la proximité immédiate de l’eau ». Il précise que cette dérogation est notamment applicable « à l’atterrage des canalisations et à leurs jonctions, lorsque ces canalisations et jonctions sont nécessaires à l’exercice des missions de service public définies à l’article L. 124-4 du code de l’énergie », lequel définit la mission de développement et d’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité.

L’article 224 de la Loi ELAN modifie l’article L. 121-17 du Code de l’urbanisme afin de faire bénéficier les réseaux de communications électroniques de la dérogation qu’il prévoit aux principes posés par les articles L. 121-15 et L. 121-16 du Code de l’urbanisme.

b. Sur la simplification des modalités d’obtention des titres d’occupation du domaine public et de l’implantation des servitudes

La Loi ELAN clarifie l’exemption de mise en concurrence des titres d’occupation du domaine public lorsque ces derniers sont délivrés en vue de l’installation et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques ouvert au public. Elle modifie également le régime des servitudes sur les propriétés privées en matière de réseaux de communications électroniques.

L’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a transposé les exigences communautaires en matière de mise en concurrence des titres d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique en créant un article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui impose aux autorités compétentes de respecter une procédure de publicité et mise en concurrence avant la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public en vue d’une exploitation économique par leur titulaire.

L’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques précise que cette procédure ne s’applique en cas de « disposition législative contraire ». Selon l’avis du Conseil d’État relatif au présent projet de loi, les articles de la section du Code des postes et des communications électroniques relative à l’occupation du domaine public et aux servitudes sur les propriétés privées doivent être regardés comme des dispositions législatives contraires si bien qu’« aucune nouvelle disposition législative n’est nécessaire pour écarter l’application de cet article lorsque l’autorisation d’occupation du domaine public concerne l’installation d’équipements permettant aux opérateurs de communications électroniques d’exercer leur activité ». Il pouvait néanmoins exister un doute sur le domaine public non routier des personnes publiques.

Le législateur a préféré écarter tout ambiguïté en la matière et l’article 221 de la Loi ELAN crée un nouvel article L. 2122-1-3-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui exonère l’autorité compétente de toute procédure de publicité et de mise en concurrence pour délivrer des titres d’occupation du domaine public lorsque ces derniers ont pour objet l’installation et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques ouvert au public.

S’agissant des servitudes dont bénéficie les opérateurs de communications électroniques sur les propriétés privées, elles sont définies et encadrées par les articles L. 45-9, L.48 et L. 51 du Code des postes et des communications électroniques. Or, cette législation présentait trois contraintes importantes relatives :

  • au délai nécessaire pour établir les servitudes,
  • à la nécessité de s’insérer dans le cadre d’une servitude préexistante pour établir une servitude sur les bâtiments d’habitation et, enfin
  • à l’absence de servitudes d’élagage pour assurer le déploiement des réseaux de communications électroniques.

L’article L. 48 du Code des postes et des communications électroniques subordonne la mise en œuvre de la servitude à une autorisation délivrée au nom de l’Etat par le maire. Or, préalablement à la délivrance de cette autorisation le maire doit informer les propriétaires, copropriétaires ou syndics des motifs de la demande de servitude et leur laisser un délai minimum de trois mois pour formuler des observations sur le projet. L’article 225 de la Loi ELAN ramène ce délai à deux mois pour accélérer la constitution des servitudes et le déploiement des réseaux de communications électroniques.

Une autre problématique à laquelle était confrontée les exploitants de réseau de communications électroniques quant à l’établissement de servitudes est que leur mise en œuvre « sur et au-dessus des propriétés privées, y compris à l’extérieur des murs ou des façades donnant sur la voie publique » était conditionnée à l’existence d’une installation d’un tiers ayant déjà bénéficié d’une servitude ou d’une convention de droit de passage antérieure. Or, l’étude d’impact de la loi a révélé que cette condition relative rendait en pratique le dispositif inapplicable. En conséquence, l’article 225 de la Loi ELAN a supprimé cette condition.

Enfin, la servitude d’élagage prévue par l’article L. 51 du Code des postes et des communications électroniques au bénéfice des réseaux d’initiative publique ne concernait que l’entretien des réseaux existants, et non leur déploiement. En outre, il n’était pas certain que la servitude d’élagage soit valide lorsque les installations de communications électroniques n’étaient pas établies directement sur le fond comportant les arbres empêchant le déploiement. L’article 225 de la Loi ELAN modifie donc l’article L. 51 du Code des postes et des communications électroniques pour clarifier ces deux problématiques. Désormais, la servitude d’élagage est établie tant pour prévenir l’endommagement des équipements du réseau existant et l’interruption du service que pour permettre le déploiement des réseaux de communications électroniques. En outre, cette servitude concerne les propriétés entravant le déploiement ou l’entretien du réseau, que celui-ci soit implanté ou non sur les propriétés en cause.

c. Sur les dispositions relatives à l’intervention des opérateurs de communications électroniques dans les immeubles et copropriétés

L’article L. 33-6 du Code des postes et des communications électroniques encadre les relations entre le(s) propriétaire(s) de l’immeuble ou du lotissement et l’opérateur d’immeuble y installant la fibre par une convention. Le contenu de cette convention est défini par l’article précité mais certains opérateurs commerciaux étaient parfois confrontés à des difficultés d’accès, ralentissant les raccordements ou la maintenance de la fibre dans les immeubles et lotissements.

L’article 226 de la Loi Elan modifie donc l’article L. 33-6 de manière à demander aux propriétaire(s) de garantir l’accessibilité des parties communes aux opérateurs commerciaux pour l’exploitation des lignes et pour le raccordement du point d’accès lorsque celui-ci est situé à l’intérieur des limites de la propriété privée ainsi que pour la construction et la maintenance du raccordement des utilisateurs finals.

L’article 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit depuis plusieurs années l’inscription de droit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, pour tout immeuble non équipé en fibre, de toute proposition émanant d’un opérateur de communications électroniques d’installer des lignes à très haut débit en fibre optique permettant la desserte de tous les occupants de l’immeuble par un réseau à très haut débit ouvert au public.

Aucun délai n’encadrait l’obligation pour l’assemblée générale de se prononcer sur cette proposition. Aussi l’article 238 de la Loi ELAN prévoit que l’obligation de tenir une assemblée générale ordinaire pour évoquer la proposition de déploiement de la fibre optique par un opérateur s’effectue, au plus tard, dans un délai de douze mois après la présentation de cette proposition de convention par l’opérateur de communications électroniques.

 

II – Sur les dispositions relatives aux opérations de déploiement et d’exploitation des réseaux de communications électroniques

Le gouvernement et le législateur ont entendu renforcer les sanctions applicables en cas de non-respect par les opérateurs de communications électroniques de leurs engagements de déploiement de réseaux de communications électroniques (1).

La Loi ELAN facilite également le recours aux marchés de conception-réalisation pour l’établissement d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques (2).

Enfin, elle retranscrit en droit français l’exigence des lignes directrices de la Commission européenne pour le financement public des réseaux, en imposant aux opérateurs exploitants de réseaux d’initiative publique FTTH subventionnés de répondre aux demandes raisonnables d’accès activé qui leur sont faites (II.3).

1. Sur le renforcement des sanctions applicables en cas de non-respect des engagements pris par les opérateurs de communications électroniques

L’article 229 de la Loi Elan modifie les articles L. 33-13 et L. 36-11 du Code des postes et des communications électroniques en vue de renforcer les sanctions applicables en matière de déploiement des infrastructures de réseau de communications électroniques.

D’une part, l’article L. 33-13 du Code des postes et des communications avait été introduit par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui met en place une procédure permettant aux opérateurs de communications électroniques à prendre des engagements de couverture en zone peu dense.

Aux termes de cet article, le ministre peut accepter ces engagements, après avis de l’ARCEP.

Ce mécanisme visait plutôt la téléphonie mobile.

En outre, les collectivités territoriales et leur groupement étaient exclus des modalités de mise en œuvre de cette procédure, dès lors que l’accord était conclu entre les opérateurs et le ministre chargé des communications électroniques.

La Loi ELAN a modifié l’article L.33-13 du Code des postes et des communications électroniques afin :

  • d’une part, de rendre opérationnel le mécanisme des appels à manifestation d’intentions d’engagements locaux (AMEL), annoncé par le Premier Ministre dans son discours du 14 décembre 2017 à Cahors[1], pour inviter les opérateurs à déployer des réseaux FTTH dans les territoires qui n’ont pas fait l’objet d’une intention d’investir (zone AMII) ou d’un réseau d’initiative publique financé au titre du « France Très Haut Débit – RIP » ;
  • d’associer plus étroitement les collectivités territoriales à cette procédure en prévoyant que cette dernière « peut également concerner les déploiements prévus dans le cadre d’une convention locale qui est transmise conjointement par l’opérateur qui souscrit les engagements et par la collectivité ou le groupement de collectivités concerné au ministre chargé des communications électroniques».

D’autre part, l’article L. 36-11 du Code des postes et des communications électroniques octroie à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes le pouvoir de sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des exploitants de réseau, des fournisseurs de services de communications électroniques, des fournisseurs de services de communication au public en ligne ou des gestionnaires d’infrastructures d’accueil.

La Loi ELAN vient préciser les sanctions que peut adopter l’ARCEP à l’encontre de l’opérateur de communications électroniques qui ne s’est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations de déploiement FTTH résultant d’engagements pris en application de l’article L. 33-13 du Code des postes et des communications électroniques.

2. Sur un recours facilité aux marchés de conception-réalisation et aux marchés publics globaux en vue de l’établissement d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques

L’article 33 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, relatif aux marchés publics, soumet le recours aux marchés de conception-réalisation à des conditions spécifiques qui ne peuvent être systématiquement réunies dans le cadre du déploiement des réseaux d’initiative publique.

Or, il peut être particulièrement utile pour les collectivités territoriales ou leurs groupements de recourir à ce type de marchés qui permettent de confier la conception, la réalisation, voire la maintenance et l’exploitation d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques.

En conséquence, l’article 230 de la Loi ELAN dispose que les conditions relatives à la passation d’un marché de conception-réalisation ne sont pas applicables lorsque le marché est conclu en vue de l’établissement d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques en application de l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales.

En outre, l’article précité de la Loi ELAN insère un cas supplémentaire de marché public global sectoriel applicable à la conception, la construction, la maintenance et l’exploitation d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques en application de l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales, dans le cadre d’un contrat global conclu entre la publication de la Loi ELAN et au plus tard le 31 décembre 2022.

3. Sur l’obligation des opérateurs exploitants de réseau d’initiative publique de répondre aux demandes raisonnables d’offre FTTH activée

Selon la législation française, les opérateurs de réseaux d’initiative publique n’avaient pas d’obligation de proposer des offres FTTH activées.

Dans sa décision Aide d’État N 330/2010 – France du 19 octobre 2011, la Commission européenne a constaté cette lacune et a estimé qu’elle ne présentait pas de difficulté sous réserve que les opérateurs de réseaux d’initiative publique bénéficiant d’aide d’Etat fassent droit aux demandes raisonnables d’offres activées qui leur sont proposées par des opérateurs tiers souhaitant proposer leurs services à des utilisateurs finals.

Les parlementaires ont entendu insérer cette exigence directement dans la loi et l’article 231 de la Loi ELAN crée un VII à l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales qui prévoit que, lorsqu’aucun opérateur ne commercialise d’accès FTTH activé dans le cadre d’un réseau d’initiative publique, l’opérateur exploitant cette ligne doit faire droit aux demandes raisonnables d’accès activé à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d’opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final.

Cet accès fait l’objet d’une convention entre les opérateurs et les différends litiges relatifs à sa conclusion ou son exécution sont soumis à l’Autorité de régulation des communications électroniques conformément à l’article L. 36-8 du Code des postes et des communications électroniques. L’insertion de cette obligation communautaire en droit français n’est donc pas neutre sur le plan procédural.

 

[1] Présentation du plan du gouvernement en matière d’aménagement numérique des territoires, www.gouvernement.fr/partage/9835-presentation-du-plan-du-gouvernement-en-matiere-d-amenagement-numerique-des-territoires-a-cahors

 

Par Philippe Guellier et Laurent Bonnard,
Avocat directeur et Avocat Senior

 

 

Exemple d’un contrôle poussé de la légalité d’une dérogation préfectorale à la législation sur les espèces protégées

CAA Nantes, 5 mars 2019, SAS les Moulins du Lohan, n° 17NT02791.

Le juge administratif continue de préciser les conditions dans lesquelles une dérogation à la législation sur les espèces protégées peut intervenir pour permettre la réalisation d’un projet de construction ou d’aménagement dans les conditions prévues aux articles L. 411-1 et suivants du Code de l’environnement.

Dans un arrêt rendu le 25 mai 2018, le Conseil d’Etat avait posé le principe, tiré de l’interprétation des articles L. 411-1 et L. 411-2 du Code de l’environnement, selon lequel :

« […] un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » (CE, 25 mai 2018, SAS PCE et la SNC Foncière Toulouse Ouest,  n° 413267).

Par un arrêt en date du 5 mars 2019, la Cour administrative d’appel de Nantes a fait une application très détaillée de ce principe dégagé par le Conseil d’Etat (CAA Nantes, 5 mars 2019, SAS les Moulins du Lohan, n° 17NT02791).

Etait en cause un projet de parc éolien, composée d’une quinzaine d’éoliennes, pour lequel une dérogation à la législation sur les espèces protégées avait été accordée par le Préfet du Morbihan. Or, le Tribunal administratif de Rennes avait annulé l’arrêté préfectoral.

Saisi à nouveau au fond du dossier, la Cour administrative d’appel de Nantes considère dans un premier temps que le projet de parc éolien répond à une « raison impérative d’intérêt public majeur » :

« D’une part, le projet litigieux (…) permet (…) d’accroître la production d’une énergie renouvelable, conformément aux objectifs affichés, notamment, par l’article 19 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 qui a prévu que,  » Afin de diversifier les sources d’énergie, de réduire le recours aux énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre et de porter à au moins 23 % en 2020 la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale, soit un doublement par rapport à 2005, l’Etat favorisera le développement de l’ensemble des filières d’énergies renouvelables dans des conditions économiquement et écologiquement soutenables « . (…) Le projet contribue également à la réduction de l’émission des gaz à effet de serre et à la lutte contre le réchauffement climatique. Par ailleurs, il n’est pas sérieusement contesté que la Bretagne connaît une situation fragile en matière d’approvisionnement électrique, sa faible production en électricité locale ne couvrant que 8 % de ses besoins alors que ceux-ci connaissent une nette augmentation en raison d’une forte croissance démographique. Le pacte électrique signé le 14 décembre 2010 entre l’Etat, le conseil régional de Bretagne, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le réseau de transport de l’électricité (RTE) et l’agence nationale de l’habitat (ANAH) fixe ainsi comme objectifs de développer les énergies renouvelables et de sécuriser l’approvisionnement électrique de la Bretagne, par un engagement de porter à 3 600 MW la puissance de la production d’électricité renouvelable d’ici 2020, dont 1 400 MW en 2015. Le parc éolien litigieux, d’une puissance de plus de 51 MW, contribue à la réalisation de cet objectif, en permettant l’approvisionnement en électricité de quelques 50 000 personnes, alors même qu’il émane d’une entreprise privée. Compte tenu de ces éléments, les dérogations litigieuses doivent être regardées comme répondant à des motifs impératifs d’intérêt public majeur ».

Poursuivant son raisonnement, la Cour administrative d’appel expose de manière très détaillée que le porteur du projet a bien cherché des solutions alternatives au projet retenu, en vain :

« D’autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de demande de dérogation, qui renvoie également à la réponse faite à l’autorité environnementale et des précisions fournies par la société en appel, que la société les moulins du Lohan a envisagé d’abord plusieurs types d’énergies renouvelables. La société Ressources Forestières a ensuite étudié plusieurs massifs forestiers en France durant la période 2006-2010, tous d’une surface supérieure à 1 000 ha. La forêt de Lanouée présente comme avantages d’être de taille importante et d’un seul bloc, de ne comporter aucune zone Natura 2000, ni espace boisé classé, ni zones humides à l’endroit du site retenu, de présenter un réseau important de voies forestières (130 km au total), de permettre l’implantation d’un parc éolien à plus d’1 km des habitations et d’avoir des capacités de raccordement. (…) De même, aucune des pièces du dossier de demande ne met en évidence l’existence d’une solution alternative satisfaisante qui aurait été ignorée. Le préfet du Morbihan n’a dès lors pas commis d’erreur d’appréciation en estimant qu’il n’existait pas de solution satisfaisante autre que l’implantation du projet en cause dans la zone sud-est du massif de Lanouée ».

Enfin, la Cour administrative d’appel de Nantes expose son raisonnement la conduisant à considérer que la dérogation ne peut être regardée comme nuisant au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :

«  10. Afin de compenser les impacts résiduels défavorables pour les espèces protégées, la SAS les Moulins du Lohan a prévu dans son dossier une série de mesures compensatoires (…). Le coût total des mesures de réduction, de compensation et d’accompagnement, a été évalué à 948 500 euros. Il est vrai que le conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Bretagne a donné un avis défavorable à l’implantation de parcs éoliens  » dans les secteurs qui jouent un rôle important pour la biodiversité et, à ce titre, dans les landes et les espaces boisés à forte naturalité « , mais il ne s’est pas prononcé sur la demande de dérogation en cause. Le conseil national de la protection de la nature a rendu un avis défavorable à la demande. Toutefois, (…) la DREAL, qui a donné un avis favorable, a examiné les mesures compensatoires prévues, et proposé que celles-ci soient mises en œuvre à l’échelle de la forêt de Lanouée et qu’elles complètent le plan simple de gestion, préconisations reprises par l’arrêté préfectoral. Le commissaire enquêteur a estimé pour sa part, dans ses conclusions sur l’enquête publique relative à l’autorisation d’exploiter, que les mesures d’évitement, de réduction et de compensation ont été particulièrement bien étudiées ».

On remarquera l’effort de motivation fourni par la Cour administrative d’appel de Nantes, et l’on peut s’apercevoir que le contrôle par le juge administratif de la présence d’une raison impérative d’intérêt public majeur ainsi que celui de la recherche d’une solution alternative satisfaisante tend à se rapprocher du contrôle étendu (bilan coût-avantage) qu’il exerce en matière de déclaration d’utilité publique ou de projet d’intérêt général (PIG).

Producteurs d’électricité : l’accord de rattachement à un périmètre d’équilibre est un contrat de droit privé

Le litige portait sur le refus de la société Électricité de France (EDF) de conclure avec un producteur d’énergie photovoltaïque, la société T2S, un « accord de rattachement au périmètre d’équilibre ».

En effet, au-delà du choix de son responsable d’équilibre dans le cadre d’un contrat d’acheminement de type CARD ou CART, un producteur est amené à conclure un accord de rattachement au périmètre d’équilibre (ARPE) qui ouvre le droit à injecter sur le réseau.

Ce sont les acheteurs obligés, tel qu’EDF, qui sont responsables d’équilibre pour les producteurs sous obligation d’achat.  Chaque responsable d’équilibre déclare ainsi un « périmètre contractuel » (il s’agit d’un ensemble de clients d’un ou de plusieurs fournisseurs). A l’intérieur de chacun de ces périmètres, l’énergie injectée doit être égale à l’énergie soutirée.

La société T2S avait demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Nancy d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution des décisions des 14 et 20 novembre 2017 par lesquelles la société Electricité de France (EDF) avait refusé le rattachement de son installation photovoltaïque au périmètre d’équilibre d’EDF en vue de bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat de l’électricité produite et d’enjoindre à la société EDF d’y procéder dans un délai de trois jours. 

Le Tribunal administratif de Nancy ayant rejeté sa demande, la société T2S s’était alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat avait alors rendu sa décision le 12 octobre 2018 et estimé que le litige né de l’action de la société T2S tendant à la contestation du refus de la société Electricité de France de conclure avec un producteur d’électricité un contrat de rattachement à un périmètre d’équilibre soulevait une difficulté sérieuse de compétence.

Il avait alors décidé de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l’action introduite par la société requérante devant le juge des référés relève ou non de compétence de la juridiction administrative et avait ainsi sursis à statuer sur le pourvoi de la société T2S.

On rappellera en effet que dans le domaine de la production d’électricité, le contrat d’achat de l’électricité est un contrat administratif par détermination de la loi (article L314-7 du code de l’énergie). La question de la qualification de l’accord de rattachement qui lui est lié se posait donc.

Et que, le contrat de raccordement d’une installation de production d’électricité d’origine photovoltaïque au réseau de transport et de distribution d’électricité ne constitue pas l’accessoire du contrat d’achat de l’électricité et ce, bien que le raccordement soit un préalable technique à la délivrance de l’électricité à la société Électricité de France et donc à l’achat de l’électricité (T. confl., 8 juill. 2013, Société d’exploitation des énergies photovoltaïques (SEEP) c/ EDF et ERDF, n° 3906, Lebon, p. 371). De sorte que ce contrat de raccordement est un contrat de droit privé et que le litige opposant la SEEP à ERDF relativement au raccordement au réseau de transport et de distribution d’électricité d’une installation de production d’électricité d’origine photovoltaïque relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire

Statuant  sur cette question de compétence dans l’affaire commentée, le Tribunal des conflits a rappelé que les contrats conclus entre deux personnes privées sont des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte d’une personne publique ou celui dans lequel les contrats en cause constituent l’accessoire d’un contrat de droit public.

En l’espèce, en concluant avec un producteur ou un consommateur un contrat de rattachement au périmètre d’équilibre dont il a la charge, le responsable d’équilibre n’exerce aucune mission pour le compte d’une personne publique.

De plus, le contrat de rattachement à un périmètre d’équilibre, destiné à permettre au producteur de remplir l’obligation mise à sa charge ne constitué par l’accessoire du contrat d’achat de l’électricité produite de sorte que la qualification de contrat administratif conférée à ce dernier ne peut être retenue.

Le Tribunal des conflits a ainsi estimé que le contrat liant un producteur autonome d’électricité et un responsable d’équilibre, personnes privées, est un contrat de droit privé et qu’ainsi, le litige né du refus de conclure un tel contrat relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

Indépendance des gestionnaires des réseaux en 2017 et 2018 : rapport de la Commission de Régulation de l’Energie

Le 26 février dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a publié son onzième rapport de suivi sur le « Respect des codes de bonne conduite et indépendance des gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz naturel sur la période 2017-2018 ».

Dans ce rapport la CRE a analysé la situation des neuf gestionnaires de réseaux de distribution desservant plus de 100.000 clients (Enedis, STRASBOURG ELECTRICITE RESEAUX, URM, GREENALP, SRD, Gérédis Deux-Sèvres, GRDF, Régaz-Bordeaux, R-GDS) et des trois gestionnaires de réseaux de transport (RTE pour l’électricité, GRTgaz et Teréga pour le gaz naturel).

Pour chaque gestionnaire concerné, la CRE a évalué leur indépendance en termes d’organisation, de gouvernance, de communication, de séparation des systèmes d’information puis le respect par eux de leur code de bonne conduite.

S’agissant de GRDF, la CRE a contrôlé si ses recommandations émises en vue de renforcer son indépendance vis-à-vis d’Engie avaient été respectées. Elle a ainsi relevé notamment qu’il avait été mis fin aux contrats de mise à disposition de la majorité des cadres concernés, dont certains membres du comité exécutif de GRDF.  Toutefois, certains cadres dirigeants de GRDF sont encore employés par le groupe Engie.

S’agissant d’Enedis, la CRE relève que l’ensemble des actions entreprises sur la période 2017-2018 ont permis de renforcer l’indépendance d’Enedis vis-à-vis de sa maison mère. Par ailleurs, La CRE considère que le déroulement du projet de déploiement de la nouvelle marque Enedis s’est correctement déroulé. Elle demande à Enedis de poursuivre son travail d’identification d’éventuelles situation de confusion qui pourraient subsister avec EDF

On notera, parmi les ELD examinées par la CRE, la situation de GreenAlp, filiale de GEG qui exerce l’activité de distribution d’électricité depuis le 1er janvier 2019. La CRE observe dans son rapport qu’elle considérait que l’identité visuelle de GreenAlp (son logo) n’entraîne pas de risque de confusion manifeste entre le fournisseur historique (GEG) et le GRD.

La CRE a également publié quatre dossiers thématiques : un dossier sur les processus de décision et de pilotage des investissements d’Enedis et de GRDF, un dossier sur le processus de facturation, et les pratiques commerciales des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution, un dossier sur la diversification des activités des gestionnaires des réseaux et enfin un dossier sur l’organisation et la structure juridique des entreprises locales de distribution.

Sur la question de la facturation, la CRE a noté que des progrès étaient nécessaires en termes de transparence de la facturation des opérations de raccordement de GRDF. Pour Enedis, la CRE a rappelé que les devis devaient être suffisamment détaillés en ce qu’ils doivent permettre au demandeur du raccordement d’apprécier les propositions de prix et notamment le détail des quantités et prix unitaires de l’opération de raccordement. Si la CRE constate que les factures et offres de raccordement envoyées par Enedis sont compréhensibles et détaillent les différents éléments facturés, la CRE demande à Enedis de préciser dans son offre de raccordement, et le cas échéant dans la convention de raccordement, si le montant facturé résulte de l’application de formules de coûts simplifiées, de canevas techniques ou d’appels offres.

Sur la diversification des activités des gestionnaires de réseaux, la CRE a précisé dans son rapport les modalités de participation des gestionnaires de réseaux au développement des filières biométhane, GNV et IRVE. Et cette diversification des activités des gestionnaires de réseaux dans ces filières, qui relèvent du domaine concurrentiel, doit respecter plusieurs principes, à savoir : demeurer strictement accessoire à l’activité de gestionnaire de réseaux, prévenir tout risque de subventionnement croisé, ne pas être financée par les tarifs d’utilisation des réseaux, garantir une absence de confusion d’image entre les activités régulées et les activités concurrentielles. Enfin, seules des prises de participation sans aucun droit associé dans une société de fourniture ou de production sont compatibles avec les obligations d’indépendance découlant du code de l’énergie et des Directives européennes électricité et gaz.

GeMAPI : un décret complète les prescriptions édictées par le décret-digues

Le 21 février dernier, le décret n° 2019-119 portant diverses dispositions d’adaptation des règles relatives aux ouvrages hydrauliques a été adopté, modifiant certaines dispositions issues du décret-digues du 12 mai 2015.

En particulier, le décret prévoit de compléter l’article R. 562-12 du Code de l’environnement, relatif aux modalités de mise en conformité des ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations ainsi qu’à la réalisation de tels ouvrages qui s’imposent à la suite de l’adoption du décret-digues précité. Ces règles, qui ont pour objectif d’assurer l’efficacité, la sûreté et la sécurité de ces ouvrages, portent notamment sur l’obligation de définir des systèmes d’endiguement et des aménagements hydrauliques dans les conditions énoncées par le Code de l’environnement.

Les compléments apportés à l’article R. 562-12 précité ont vocation à permettre aux départements et aux régions de mettre en œuvre les règles issues du décret-digues dans le cadre de la convention qui doit être conclue avec les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à compter du 1er janvier 2020.  Les dispositions sont également modifiées pour permettre de façon plus claire à l’Etat de mettre en œuvre les mêmes règles d’ici le 28 janvier 2024, c’est à dire au cours la période pendant laquelle il doit intervenir pour la gestion des digues qui lui appartiennent.

Jusqu’à l’adoption du décret ici examiné, l’EPCI était seul identifié comme pouvant être gestionnaire des ouvrages hydrauliques ainsi que le seul à qui s’appliquaient les règles relatives à la gestion de ces ouvrages. De sorte qu’une clarification était nécessaire pour permettre aux départements et aux régions de mettre en œuvre ces règles, et ce d’autant plus depuis la loi Fesneau du 31 décembre 2017 qui permet à ces collectivités d’intervenir en matière de GeMAPI au delà du 31 décembre 2019, dans le cadre d’une convention conclue avec les EPCI compétent. C’est dans le cadre de cette convention que la mise en œuvre des règles du décret-digues devra être prévue.

Le décret du 21 février 2019 donne, par ailleurs d’autres précisions dans l’application des règles relatives à la gestion des ouvrages hydrauliques.

D’une part, il définit plus précisément la période pendant laquelle la responsabilité de la personne gestionnaire sera limitée aux défauts d’entretien qui lui sont directement imputables en vertu de l’article L. 562-8-1 Code de l’environnement au regard des modalités de mise à disposition des ouvrages. Cette période prend fin :

  • à la date à laquelle le système d’endiguement est autorisé, et au plus tard le 1er janvier 2021 pour les digues relevant de la classe A ou de la classe B et le 1er janvier 2023 pour les autres digues, quand ces digues sont mises à disposition de ce gestionnaire en vertu du I de l’article L. 566-12-1 du présent Code ou des articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du Code général des collectivités territoriales ;
  • Pour les autres ouvrages ou infrastructures qui font objet d’une convention de mise à disposition conclue conformément au II de l’article L. 566-12-1, elle prend fin à la date à laquelle le système d’endiguement qui comprend cet ouvrage ou cette infrastructure est autorisé et au plus tard le 1er janvier 2023.

D’autre part, le décret précise la procédure de demande d’autorisation d’un système d’endiguement ou d’un aménagement hydraulique en procédant à de nouveaux renvois aux articles applicables à l’autorisation environnementale. Il soumet notamment la demande d’autorisation du système d’endiguement à une nouvelle autorisation environnementale lorsque cette demande comprend des travaux de construction d’ouvrages neufs ou des modifications substantielles d’ouvrages existants au sens du I de l’article R. 181-46 du Code de l’environnement.

Eolien : le degré du contrôle du juge sur l’autorisation de construire

Par un arrêt du 13 février 2019, le Conseil d’Etat a annulé un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux rejetant les appels formés contre le jugement du Tribunal administratif de Toulouse qui avait annulé un permis de construire délivré par le préfet de l’Aveyron pour l’implantation de six éoliennes.

La Haute juridiction considère en premier lieu que la Cour a dénaturé les pièces du dossier en estimant que l’insuffisance et les omissions de l’étude d’impact avaient nui à l’information complète de l’information. En particulier, le Conseil d’Etat si certaines omissions ou insuffisances avaient été constatée (notamment la présence de deux couples d’aigles royaux dont l’omission avait été qualifiée de mineure par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)) elles n’ont pas pour autant nui à la qualité de l’information portée au public et ne peuvent donc entraîner l’illégalité du permis de construire.

Le Conseil d’Etat précise surtout le degré de contrôle que le juge administratif exerce sur l’autorisation de construire. En effet, il retient que, conformément à l’article R.111-15 du Code de l’urbanisme, l’autorité administrative doit apprécier les conséquences dommageables pour l’environnement du projet lorsqu’elle autorise une construction. Et, compte tenu de la marge d’appréciation laissée à l’administration, le juge de l’excès de pouvoir doit se contenter d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation et non exercer un contrôle entier comme l’avaient fait les juges d’appel.

L’arrêt est annulé et l’affaire est renvoyée devant la Cour administrative de Bordeaux.