AIRBNB et liberté d’établissement des services


Principe
 : L’article 631-7 du Code de la construction et de l’habitation soumet à autorisation du maire le changement d’usage qui est constitué par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.


Problématique :
Un tel régime, qui repose sur une autorisation préalable du maire pour proposer à la location de type Airbnb son logement, contreviendrait selon un bailleur à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur visant à faciliter l’exercice de la liberté d’établissement pour les prestataires de services.

La Cour de cassation, saisie par un bailleur, a ainsi renvoyé cette question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) laquelle rendra sa décision en fin d’année 2019.


Enjeux :
La CJUE aura à trancher sur l’encadrement législatif de la location touristique qui constitue certes une activité économique de prestation de services, mais également un « fléau urbain » contre lequel luttent pouvoirs publics et législateur.

 

Par Emilie Bacqueyrisses, Avocate senior référent

Notre expertise en Droit Privé des Affaires

Seban & Associés, connu pour être le premier cabinet d’avocats s’adressant à l’ensemble des acteurs publics et de l’économie sociale et solidaire, a également développé depuis 15 ans une expertise incontestable en droit privé des affaires.

En effet, le droit privé des affaires est au cœur des sujets transversaux qu’il traite quotidiennement à travers le droit des entreprises (montages, ressources humaines, propriété intellectuelle et industrielle, contrats), mais aussi le droit de l’immobilier d’entreprise (achat, vente, location, valorisation foncière).

Constitué d’une équipe pluridisciplinaire en ces matières, il est à même d’accompagner les entreprises tout au long de leur vie sociale.

C’est cette expérience, qu’il a souhaité tout naturellement partager à travers cette Lettre de Droit Privé des Affaires (LDPA).

La LDPA a l’ambition de traiter trimestriellement tous les sujets d’actualité juridique touchant au droit des affaires grâce à des brèves et articles, offrant une vision complète et argumentée d’avocats expérimentés dans ce domaine.

Toute l’équipe de la LDPA vous souhaite une bonne lecture.

My-Kim Yang-Paya, Claire-Marie Dubois-Spaenlé, Corinne Metzger, Alexane Raynaldy, Hakim Ziane, Romain Desaix, Marjorie Fredin, Meriem Khelif, Aliénor De Roux, Emilie Bacqueyrisses, Johann Petitfils-Lamuria, Charlotte Duvernois, Samira Nina, Manon Boinet, Clara Bellest

 

 

 

Un pas de plus vers l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise

Pris en application de l’article 104 de la loi nº 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel relatif aux obligations en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, le décret n° 2019-382 du 29 avril 2019 vient préciser la procédure de sanction à l’encontre d’un employeur n’ayant pas publié l’index femmes/hommes ou défini de mesures de correction en cas de résultat insuffisant.

La réforme issue de la loi dite « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 a, en effet, étendu le champ d’application de la pénalité financière prévue à l’article L.2242-8 du Code du travail.

Ce décret tire ainsi les conséquences nécessaires des modifications opérées par la loi « Avenir professionnel » notamment en matière de négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle et la pénalité applicable en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations.

La pénalité prévue en absence d’accord ou de plan d’action sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes l’est désormais aussi en cas d’absence de publication des indicateurs de l’index de l’égalité femmes/hommes ou de définition des mesures de corrections lorsque le résultat obtenu à l’index n’atteint pas 75 points sur 100.

Pour mémoire, le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail et notamment aux modalités d’application et de calcul de l’index égalité femmes/hommes a rendu obligatoire la publication de la note de l’index  dès le 1er mars 2019 pour les entreprises d’au moins 1000 salariés, à compter du 1er septembre pour celles d’au moins 250 salariés et au 1er mars 2020 pour celle d’au moins 50 salariés.

L’agent de contrôle de l’inspection du travail qui constate un manquement de l’employeur à ses obligations en la matière le met en demeure de remédier à la situation dans un délai d’exécution qu’il lui appartient de fixer en fonction de la nature du manquement et de la situation relevée dans l’entreprise.

L’employeur devra alors communiquer dans le délai qui lui est imparti les éléments prouvant qu’il respecte les prescriptions en matière d’égalité professionnelle femmes/hommes. A cet égard l’employeur devra communiquer soit l’accord ou le plan d’action, soit la preuve de la publication de l’index, ou encore la décision qu’il aura prise afin de fixer les mesures correctrices.

Cette pénalité peut être doublée et ne doit pas être confondue avec celle prévue à l’article L. 1142-10 du Code du travail qui peut être appliquée lorsque dans les entreprises d’au moins cinquante salariés les résultats obtenus au regard des indicateurs mentionnés se situent en deçà de 75 sur 100 pendant plus de trois années consécutives.

L’article 1 du décret précise que, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, les objectifs de progression, les actions et les indicateurs chiffrés fixés dans ce domaine tiennent compte des indicateurs de l’index de l’égalité et des mesures de corrections définies en cas de résultats insuffisant.

A noter que la loi « Avenir Professionnel » a supprimé l’obligation pour l’employeur de produire une synthèse du plan d’action sur l’égalité professionnelle.

Lé décret précise que le montant de la pénalité prévues à l’article L. 2242-8 du Code du Travail peut atteindre 1 % des revenus d’activité de l’entreprise. L’article R. 2242-7 précise désormais que les revenus d’activité constituant la base du calcul de cette pénalité sont ceux du mois entier qui suit le terme de la mise en demeure faite par l’agent de contrôle de l’inspection du travail. Cette pénalité est due pour chaque mois entier et jusqu’à la réception par l’inspection du travail d’un des documents prouvant le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière d’égalité professionnelle.

L’article 2 du décret du 29 avril 2019 impose désormais que les indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer soit directement intégrée dans la base de données économiques et sociales en vue de les fournir aux représentants du personnel aux fins des trois consultations récurrentes du CSE.

Précisions sur les conséquences de la requalification d’un contrat à durée déterminée conclu avec un salarié protégé

Par arrêt en date du 5 juin 2019, la Cour de cassation a :

  • rappelé que l’employeur est tenu de saisir l’inspection du travail lorsqu’arrive le terme normal du contrat à durée déterminée d’un salarié protégé ;
  • mais qu’aucune indemnité de requalification n’était due lorsque, du fait de l’absence de saisine de l’inspecteur du travail avant le terme du contrat à durée déterminée conclu avec un salarié investi d’un mandat représentatif, le contrat devient à durée indéterminée.

Cette solution s’explique par le fait que l’employeur ne pourra pas mettre fin au contrat de travail du salarié protégé sans solliciter d’autorisation administrative.

Les employeurs de salariés en contrat à durée déterminée devenus salariés protégés doivent être particulièrement attentifs et saisir avant l’issue du contrat à durée déterminée l’inspection du travail en application de l’article L. 2421-8 du Code du travail.

A défaut le contrat devient à durée indéterminée et il ne pourra être rompu qu’avec l’autorisation de l’inspection du travail et pour un cause réelle et sérieuse.

Le classement illégal dans la voirie communale résultant d’une erreur de l’administration n’est pas constitutif d’une voie de fait

Le juge judiciaire est gardien de la propriété privée, compétence consacrée comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République par la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989 (décision n° 89-256 DC).

Aussi, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge judiciaire dispose ainsi de la compétence pour constater la commission d’une voie de fait, enjoindre à l’administration de la faire cesser et ordonner la réparation des préjudices subis,

Selon le dernier état de la jurisprudence, la voie de fait est constituée lorsque « l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. » (Tribunal des conflits, 17 juin 2013, n° C3911).

Par le présent arrêt, la Cour de cassation vient préciser que le classement illégal d’un chemin dans la voirie communale résultant d’une erreur de la commune n’est pas constitutif d’une voie de fait dans la mesure où il ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à l’un des pouvoirs de l’administration.

Par conséquent, la Cour d’appel ne pouvait à bon droit condamner, sous astreinte, la commune à procéder au déclassement dudit chemin.

Ce nouvel arrêt, publié au bulletin, s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle de la Cour de cassation visant à circonscrire la notion de voie de fait. (voir en ce sens : 3ème Civ., 13 mai 2014, n° 12-28248 ; 3ème Civ., 15 octobre 2014, n° 13-27484 ; 3ème Civ., 11 mars 2015, n° 13-24133)

Date de référence : les expropriés ne peuvent bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d’urbanisme prévues par l’autorité expropriante

En matière d’expropriation, trois dates sont à prendre en considération pour l’évaluation des biens :

  • l’estimation des bien expropriés correspondant à la date de la décision de première instance, aux termes des dispositions du premier aliéna de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation ;
  • la consistance matérielle et juridique des biens appréciée à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété et, à défaut, à la date de la décision de première instance selon les mêmes dispositions ;
  • et enfin, l’usage effectif du bien, apprécié, quant à lui, à une date dite « de référence », selon deuxième alinéa de l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.


S’agissant de cette dernière date, celle-ci est, en principe, fixée à un avant l’ouverture de l’enquête publique relative à la déclaration d’utilité publique du projet sauf, notamment, lorsque le bien est soumis au droit de préemption urbain, auquel cas il y a lieu de faire application des dispositions des articles L. 213-6 et L. 213-4 du Code de l’expropriation.


La date de référence à retenir est ainsi celle à laquelle a été publié l’acte approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols ou le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.


Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation valide le raisonnement tenu par une Cour d’appel n’ayant pas retenu comme date de référence la date de publication de l’acte déclarant d’utilité publique une opération et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme, date qui ne fait pas partie de celles limitativement prévues par l’article L. 213-4 du Code de l’urbanisme.


L’intérêt de cet arrêt réside dans les motifs justifiant cette exclusion tirés de ce que les expropriés ne peuvent bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d’urbanisme prévues par l’autorité expropriante.

Nouvelle illustration de l’utilisation du référé mesures-utiles en matière contractuelle

Par une décision en date du 29 mai 2019, le Conseil d’Etat a rappelé les conditions dans lesquelles une personne publique peut contraindre son cocontractant défaillant à exécuter ses obligations contractuelles, lorsqu’elle ne dispose pas des moyens de le faire elle-même.

En l’occurrence, l’Université de Rennes 1 avait conclu avec la société Complétel, un marché ayant pour objet la fourniture de services d’adduction à un réseau en très haut débit entre plusieurs sites répartis en Bretagne. A la suite à une rupture du faisceau hertzien sur l’un des sites, la société titulaire a proposé de mettre en œuvre une solution alternative consistant au déploiement de la 4G sur le site concerné. Malgré le recours à cette technologie de substitution, l’Université a constaté une faiblesse du débit de connexion par rapport à celui qui était prévu par les stipulations contractuelles.

Face à ce manquement contractuel, l’Université Rennes 1 a saisi le Tribunal administratif de Rennes dans le cadre d’un référé mesures-utiles, aux fins d’enjoindre la société Complétel de respecter ses obligations contractuelles en rétablissant le débit de connexion du site par tous moyen.

Par une ordonnance en date du 18 février 2019, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de l’Université, et a ordonné à la société Complétel de « rétablir le réseau hertzien ou de mettre en œuvre toute autre technologie permettant de rétablir une connexion d’un débit de 80 Mbits/s sur le site concerné » jusqu’au terme du marché, injonction qui a également été assortie d’une astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter du neuvième jour suivant la notification de l’ordonnance.

A la suite de cette ordonnance, la société Complétel s’est pourvue en cassation pour demander l’annulation de celle-ci et le rejet de la demande de l’Université de Rennes 1.

Pour rejeter le pourvoi, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé le principe, bien établi au sein de la jurisprudence[1], selon lequel « s’il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans l’exécution d’un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle ».

Puis la Haute juridiction administrative a précisé que dans le cas où les pouvoirs exorbitants de l’administration apparaitraient insuffisants pour assurer l’exécution d’un contrat administratif par le cocontractant, le juge du contrat peut prononcer une condamnation du cocontractant à une obligation de faire assortie éventuellement d’une astreinte.

Si cette défaillance du cocontractant se manifeste dans une situation d’urgence, le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de Justice Administrative, peut « ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l’urgence, ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Les obligations du cocontractant doivent être appréciées en tenant compte, le cas échéant, de l’exercice par l’autorité administrative du pouvoir de modification unilatérale dont elle dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs ».

Partant, cette solution s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence administrative qui admet que l’administration puisse, notamment lorsque la continuité du service public est en jeu, recourir à la procédure du référé mesures-utiles pour faire cesser l’inertie du cocontractant défaillant et le contraindre à respecter ses engagements contractuels [2].

 

[1] V. en ce sens: CE, Sect., 13 juillet 1956, OPHLM du département de la Seine, req. n° 37656, p. 343.

[2] V. en ce sens: CE, 29 juillet 2002, Centre hospitalier d’Armentières, req. n° 243500 ; CE, 1er mars 2012, Société Assistance conseil informatique, req. n° 354628 ; CE, 3 juillet 2013, société Véolia Transport Valenciennes Transvilles, req. n° 367760, CE, 25 juin 2018, ADEME, req. n° 418493.

Expérimentation de la nouvelle tarification des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD)

Malgré l’opposition du secteur et l’avis défavorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), un décret du 15 mai dernier relatif à la réforme de la tarification des SAAD a été publié au Journal officiel le 17 mai. Ainsi, un nouveau modèle de financement des SAAD est expérimenté, ce dernier portant sur la modulation des tarifs des SAAD par les départements qui se porteront volontaires dans le cadre d’un appel à candidatures et qui devrait avoir vocation à devenir le nouveau modèle de la tarification des services d’aide à domicile.

Les objectifs annoncés de ce nouveau modèle de financement des SAAD sont de permettre une plus grande équité de traitement, d’assurer l’accessibilité financière et géographique des services pour les bénéficiaires et de rendre l’offre comme les restes à charge pour les usagers plus lisibles. C’est ainsi que le nouveau modèle prévoit un tarif de référence national qui est applicable à tous les SAAD et un complément de financement appelé « modulation positive ».

Le décret précise ainsi la répartition et l’utilisation de l’enveloppe de 50 millions d’euros gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 pour expérimenter ce nouveau modèle de financement. L’enveloppe sera répartie entre les départements en fonction du nombre d’heures d’aide humaine réalisées en 2017 sur leur territoire par les SAAD. Les départements disposaient ainsi de 30 jours – seulement – après la publication du décret pour communiquer à la CNSA ce nombre d’heures. Les crédits devraient ensuite être versés aux départements ayant transmis cette information dans les 45 jours suivant la publication du décret, à qui il revient ensuite de répartir ces crédits entre les SAAD retenus dans le cadre d’un appel à candidatures.

Le cahier des charges de l’appel à candidatures est annexé au décret et prévoit les critères d’éligibilité et de sélection des SAAD candidats. A ce titre sont retenus le profil des personnes prises en charge, l’amplitude horaire d’intervention et les caractéristiques du territoire d’intervention. Les crédits attribués seront versés aux SAAD en contrepartie de la signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens prévu à l’article L. 313-11-1 du code de l’action sociale et des familles entre le conseil départemental et le SAAD ou à celle d’un avenant à ce contrat pluriannuel d’ici le 31 mars 2020. Les tarifs versés conformément aux dispositions du code de l’action sociale et des familles devraient être complétés d’une dotation du département comprenant notamment les crédits attribués par la CNSA dans le cadre de l’expérimentation.

Le CNCPH qui a pu contester la fixation d’un tarif de référence par département ainsi que la contractualisation obligatoire avec les départements, a indiqué que ce texte règlementaire n’a « aucun effet correctif sur les dysfonctionnements du secteur ».

Exclusion du champ de la commande publique des services de représentation légale et de conseil dans la préparation ou de l’éventualité d’un contentieux

La Cour de justice de l’Union européenne vient de préciser, par un arrêt du 6 juin 2019 (C-264/18) rendu sur question préjudicielle, la compatibilité de l’article 10 de la directive 2014/24 (qui concerne les exclusions spécifiques pour les marchés de services) avec le principe général d’égalité de traitement en ce qui concerne les services d’arbitrage et de conciliation, d’une part, et les services fournis par les avocats, d’autre part.

A cette fin, la CJUE rappelle tout d’abord que, conformément à une jurisprudence constante, le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

Sur cette base, le juge considère, en premier lieu, que les services d’arbitrage et de conciliation ne sont pas comparables aux autres services inclus dans le champ d’application de la directive 2014/24. Il estime en effet que « les arbitres et conciliateurs doivent toujours être acceptés par toutes les parties au litige et sont désignés d’un commun accord par celles-ci. Un organisme public qui lancerait une procédure de passation de marchés publics pour un service d’arbitrage ou de conciliation ne saurait, dès lors, imposer à l’autre partie l’adjudicataire de ce marché en tant qu’arbitre ou conciliateur commun ».

En deuxième lieu, en ce qui concerne l’exclusion de certains services fournis par des avocats, le juge précise que l’article 10 « n’exclut pas tous les services susceptibles d’être fournis par un avocat au bénéfice d’un pouvoir adjudicateur du champ d’application de la directive, mais uniquement la représentation légale de son client dans le cadre d’une procédure devant une instance internationale d’arbitrage ou de conciliation, devant les juridictions ou les autorités publiques d’un État membre ou d’un pays tiers ainsi que devant les juridictions ou institutions internationales, mais également le conseil juridique fourni dans le cadre de la préparation ou de l’éventualité d’une telle procédure ».

De telles prestations de services fournies par un avocat ne se conçoivent selon la CJUE que dans le cadre d’une relation intuitu personae entre l’avocat et son client, marquée par la confidentialité la plus stricte.

Or, toujours selon la CJUE :

  • « une telle relation intuitu personae entre l’avocat et son client, caractérisée par le libre choix de son défenseur et le rapport de confiance qui unit le client à son avocat, rend difficile la description objective de la qualité attendue des services à fournir» ;
  • « la confidentialité de la relation entre l’avocat et son client, dont l’objet consiste, (…) tant à sauvegarder le plein exercice des droits de la défense des justiciables qu’à protéger l’exigence selon laquelle tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, pourrait être menacée par l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur, de préciser les conditions d’attribution d’un tel marché ainsi que la publicité qui doit être donnée à de telles conditions.».

Ainsi, eu égard à leurs caractéristiques objectives, les services visés à l’article 10 et fournis par un avocat ne sont pas comparables aux autres services inclus dans le champ d’application de cette directive et peuvent en être écartés.

De quoi relancer le débat sur la fin de la sur-transposition de la directive 2014/24 en droit français, qui avait amené à la rédaction d’un projet de loi en ce sens à l’automne 2018  dont l’adoption était fortement attendue mais a été reportée.

Inconstitutionnalité de la visite du domicile dans le cadre du contrôle de l’usage des locaux destinés à l’habitation

La Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 651-6 du Code de la construction et de l’habitation, et plus précisément ses alinéas 3 et 6 qui disposent respectivement que :

« [Les agents assermentés du service municipal du logement] sont habilités à visiter les locaux à usage d’habitation situés dans le territoire relevant du service municipal du logement ».

et qui :

« En cas de carence de la part de l’occupant ou du gardien du local, l’agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police. Les portes doivent être refermées dans les mêmes conditions ».

La visite du local destiné à l’habitation vise à vérifier si ce dernier est loué meublé de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, une telle pratique constituant un changement d’usage nécessitant une autorisation préalable du maire. Le changement d’usage non autorisé est sanctionné dans les conditions prévues par l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation.

Selon les requérants à l’origine de la QPC, la visite du logement par un agent assermenté sans l’accord de l’occupant ou du gardien du local, et sans autorisation judiciaire pour surmonter ce défaut d’accord préalable, méconnaissait la liberté individuelle et le principe d’inviolabilité du domicile.

Suivant le raisonnement des requérants, le Conseil constitutionnel considère qu’ « en prévoyant ainsi que les agents du service municipal du logement peuvent, pour les motifs exposés ci-dessus, procéder à une telle visite, sans l’accord de l’occupant du local ou de son gardien, et sans y avoir été préalablement autorisés par le juge, le législateur a méconnu le principe d’inviolabilité du domicile ».

Ainsi, le Conseil constitutionnel déclare l’article L. 651-6 alinéa 6 du Code de la construction et de l’habitation contraire à la Constitution, et ce à compter du 5 avril 2019, date de publication de la décision laquelle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Les requérants critiquaient par ailleurs les dispositions de l’article L. 651-7 du même Code permettant aux agents de recueillir tout document sur les conditions d’occupation au motif qu’il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du droit à une procédure juste et équitable, raisonnement que le conseil constitutionnel n’a pas suivi, considérant que de telles dispositions étaient conformes à la constitution.

Cette décision met à mal la lutte des communes contre la location meublée touristique sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction sanctionnant le changement d’usage non autorisé des locaux destinés à l’habitation.

Un dossier de candidature est incomplet faute de joindre une copie électronique à son format papier comme l’exigeait le règlement de consultation !

Par une décision en date du 22 mai 2019, le Conseil d’Etat a jugé qu’une autorité concédante peut rejeter le dossier de candidature manquant à l’obligation de remise des candidatures et des offres sous format papier et électronique de son règlement de consultation.

Dans cette affaire, la collectivité de Corse a rejeté la candidature de la société Corsica Ferries en raison de son incomplétude conformément à l’article 6-1 de son règlement de consultation pour l’attribution de la délégation de service public de transport maritime de passagers et de marchandises entre la Corse et le continent pour la période 2019-2020.

Alors que l’article 6-1 du règlement de consultation prévoyait que « les candidatures et les offres devront être remises en un (1) exemplaire papier, ainsi que sous format électronique (cinq (5) clés USB) », la société évincée avait déposé un dossier de candidature au format papier et au moyen d’un lecteur de CD-Rom, qui s’est révélé être vide.

Après avoir vu ses demandes rejetées par le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Bastia par une ordonnance du 18 décembre 2018, la société requérante s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Après avoir rappelé l’article 23 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession sur les pièces et informations obligatoires des candidatures, le Conseil d’Etat a précisé qu’« une candidature doit être regardée comme incomplète […] dès lors qu’elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au mode de transmission de ces documents, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles ».

Ne relevant donc pas des dispositions de l’article 23 du décret précité, les conditions de présentation des candidatures et des offres constituent des exigences « purement formelles » et uniquement soumise au principe d’égalité de traitement des candidats. Elles doivent donc être non-discriminatoires et justifiées par les caractéristiques spécifiques du contrat[1].

De telles exigences peuvent être fixées par le règlement de consultation qui est, comme le rappelle le Conseil d’Etat dans la décision commentée, « obligatoire dans toutes ses mentions » pour les candidats (cf. CE, 23 novembre 2005, SARL Axialogic, n° 267494).

En l’espèce, la condition fixée à l’article 6-1 du règlement de consultation par la collectivité de Corse n’était pas, selon le Conseil d’Etat, dépourvue de toute utilité dès lors qu’« elle avait pour objet de permettre l’analyse des candidatures déposées dans des délais contraints ». Pour le Conseil d’Etat, c’est donc à bon droit que le juge des référés précontractuels a considéré que la candidature de la société requérante était incomplète en l’absence d’une présentation sous format électronique.

Ecartant deux autres moyens d’annulation tenant à la compétence et à la composition de la commission de délégation de service public, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi en cassation de la société Corsica Ferries.

 

[1] Voir sur ce point les conclusions du rapporteur public, Monsieur Gilles Pellissier, sur la décision commentée publiées sur le site du Conseil d’Etat – ArianeWeb.

Pas de recours « Tarn-et-Garonne » pour les bénéficiaires de subventions contre la décision d’octroi de la subvention publique et sa convention

Par un avis en date du 29 mai dernier, le Conseil d’Etat a précisé que sa jurisprudence du 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne (n°358994), sur le recours en contestation de la validité d’un contrat administratif, ne s’applique pas aux décisions d’octroi d’une subvention publique d’une commune, ni à la convention conclue avec son bénéficiaire en fixant les modalités.

En application de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, cet avis a répondu à la demande de la Cour administrative d’appel de Bordeaux portant sur la question de savoir si le recours « Tarn-et-Garonne » est recevable contre une convention de subvention publique dont les conditions d’attribution et de versement ont été préalablement fixées par la délibération du conseil municipal d’une commune.

La demande de la Cour s’inscrivait dans le cadre d’un litige en appel sur la légalité de la délibération du conseil municipal de Mont-de-Marsan du 19 décembre 2014 attribuant une subvention de 1.500.000 euros à la société Le Club, et de la convention signée le 6 janvier 2015 entre le maire de la commune et la société à cet effet.

Après avoir repris les articles 9-1 et 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relations avec les administrations[1], le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que la « décision qui a pour objet l’attribution d’une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire […] dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi ».

Ces conditions peuvent découler, soit des normes régissant la subvention en cause, soit de la décision d’octroi elle-même, soit de la convention signée avec le bénéficiaire, soit « implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention ».

Puis, en réponse à la question de la Cour, le Conseil d’Etat a considéré que « les recours relatifs à une subvention […] ne peuvent être portés que devant le juge de l’excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d’un intérêt leur donnant qualité à agir », de tels recours pouvant être assortis d’une demande de suspension dans les conditions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Ces litiges peuvent concerner tant la décision d’octroi de la subvention, « quelle qu’en soit la forme », que les conditions d’octroi fixées par cette même décision ou par la convention à signer avec le bénéficiaire, et tous autres décisions administratives portant sur le montant ou les conditions d’octroi de la subvention, ou encore sur l’arrêt du versement ou le remboursement de sommes déjà versées.

En définitive, c’est en toute logique que le Conseil d’Etat écarte la possibilité d’introduire un recours de plein contentieux « Tarn-et-Garonne », réservé uniquement aux contrats

 

[1] Notamment l’obligation de conclure une convention pour les subventions attribuées par une autorité administrative ou un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial dont le montant annuel dépasse la somme de 23 000 euros (cf. art. 10 de la loi du 12 avril 2000 précitée et art. 1er du décret du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques).

La communication institutionnelle en période pré-électorale

Dans moins d’un an, les conseillers municipaux et les conseillers communautaires seront renouvelés. En effet, bien que la date des deux tours de scrutin n’ait pas encore été fixée par le Conseil des ministres, cette élection devrait intervenir en mars 2020. Or, le législateur a pris le soin d’encadrer les règles de communication institutionnelle en période préélectorale. A cet égard, les candidats, qu’ils soient ou non d’ores et déjà officiellement déclarés, qui disposent d’un mandat local, devront être particulièrement vigilants quant au respect de ces règles.

 

I. Les grands principes encadrant la communication institutionnelle en période préélectorale

Le Code électoral a institué deux limites à la communication institutionnelle en période préélectorale.

L’alinéa 2 de l’article L. 52-8 du Code électoral interdit aux personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, de financer la campagne électorale d’un candidat, en lui consentant des dons ou en lui fournissant des biens, services ou avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués. Le 2ème alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral interdit aux collectivités de réaliser des campagnes de promotion publicitaire de leur gestion et de leurs réalisations.

Ces deux interdictions s’appliqueront dans les six mois précédant le scrutin. Par conséquent, pour les prochaines échéances électorales qui devraient se dérouler en mars 2020, les interdictions s’appliqueront à compter du 1er septembre 2019.

Sur ce point, il doit être noté qu’il ne s’agit pas d’une innovation s’agissant de l’interdiction de campagne de promotion publicitaire. En revanche, s’agissant des dons prohibés, le délai applicable lors du scrutin de 2014 était d’un an, de sorte que c’était à compter du 1er mars 2013 qu’il convenait d’être particulièrement vigilant quant aux modalités d’utilisation des moyens de la collectivité territoriale.

Cependant, la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections, qui a modifié l’article L. 52-4 du Code électoral relatif à la mission du mandataire financier de recueillir les fonds destinés au financement, a ramené le délai d’application à six mois.

Notons encore que si les candidats des communes de moins de 9.000 habitants n’ont pas l’obligation de tenir un compte de campagne et de désigner un mandataire financier, ils s’exposent néanmoins au risque de voir l’utilisation de moyens matériels ou humains de la collectivité qualifiée de dons prohibés.

A cet égard, un don, au sens de l’article L. 52-8 du Code électoral, bien qu’il ne soit pas défini par le législateur, est très largement apprécié. Ainsi, des actions de communication institutionnelle en faveur d’un candidat peuvent constituer des dons. De la même manière, une campagne de promotion publicitaire n’est pas légalement définie. Pour autant, on peut considérer qu’il y a campagne de promotion dès lors que l’initiative de communication dépasse l’information classique pour devenir un instrument de promotion des réalisations d’une municipalité et de ses élus. Toutefois, dès lors qu’il s’agit d’utiliser les outils traditionnels de communication de la collectivité ou de mettre en place de nouveaux supports de communication durant la période préélectorale, la frontière entre la communication purement institutionnelle et la communication du candidat valorisant son action d’élu sortant est parfois bien difficile à tracer.

Outre ces principes légaux, le juge électoral a dégagé un faisceau d’indices jurisprudentiel permettant de déterminer si une action peut être qualifiée de don prohibé et/ou de campagne de promotion publicitaire.

Le juge de l’élection apprécie le support de communication au regard de :

  • Son antériorité : La caractérisation d’une campagne de promotion ou d’un don prohibé sera d’autant plus hypothétique que l’action de communication aura un caractère habituel et traditionnel, telle que l’envoi d’un bulletin municipal périodique ou l’organisation de réunions de présentation du budget annuelles (CE, 6 février 2002, Elections municipales de Pont-de-Cheruy, n°234903).
  • Sa continuité : La collectivité peut continuer les actions de communication régulièrement organisées mais elle ne peut en modifier la forme et la fréquence.
  • Sa neutralité : L’information délivrée dans les campagnes de communication ne doit comporter que des messages politiquement neutres, à caractère purement informatif (CE, 30 décembre 2010, Elections régionales de Midi-Pyrénées, n°338189).

De plus, une fois l’irrégularité caractérisée, le juge électoral apprécie si elle a été de nature à altérer la sincérité et s’il y a un écart faible entre les voix obtenues par les candidats (CE, 5 juin, 1996, Elections municipales de Morhange, n°173642). Si tel est le cas, le scrutin peut être annulé.

C’est au regard de ces principes et de ces indices que l’élection du candidat peut être remise en cause.

 

II. L’utilisation des supports de communication de la collectivité

Les risques d’enfreindre les limites légales fixées par le législateur, dans le but d’assurer l’égalité entre les candidats qu’ils disposent ou non d’un mandat, sont d’autant plus grands que les collectivités disposent généralement d’un large panel d’outils de communication.

En premier lieu, une vigilance accrue doit être portée sur le bulletin d’information générale. En effet, si la publication du bulletin d’information générale, bénéficiant d’une antériorité évidente, n’a pas à être interrompue durant la période préélectorale, certaines précautions doivent être prises. La neutralité des propos et la continuité du formalisme doivent être assurées.

A titre d’exemple, le Conseil d’Etat a considéré que la diffusion d’un bulletin municipal présentant, de manière avantageuse, les réalisations de la commune, quand bien même le ton favorable de la présentation ne diffère pas de celui des précédents bulletins, et comportant un éditorial du maire prenant ouvertement parti en faveur des candidats de la majorité présente le caractère d’une campagne prohibée de promotion publicitaire (CE, 3 décembre 2014, n°382217).

L’édito susceptible de figurer en première page de ce bulletin d’information générale sera nécessairement contrôlé par le juge électoral s’il est saisi d’une contestation électorale en ce sens. En effet, cet éditorial constitue souvent une tribune privilégiée pour le Maire sortant. Il en va de même des tribunes de la majorité, qui ne relèvent pas d’une obligation légale, alors que les tribunes de l’opposition sont imposées en application de l’article L. 2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). A cet égard, le Conseil d’Etat considère d’ailleurs que le directeur de la publication ne saurait contrôler le contenu des articles publiés sous la responsabilité de leurs auteurs sauf s’ils sont de nature à engager sa responsabilité pénale (CE, 20 mai 2016, n°387144).

Par ailleurs, en fin de mandature, la tentation peut être forte de faire éditer un bilan de mandat. A cet égard, le 2ème alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral réserve une place particulière au bilan de mandat. Cette disposition précise que l’interdiction de la campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité « ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus ».

Cependant, la prudence s’impose lorsque le candidat est un élu sortant et que le bilan sera réalisé avec les outils de la collectivité.

C’est bien chaque support de communication qui doit être analysé au regard du faisceau d’indices jurisprudentiel sus-rappelé, il en va ainsi des tracts, des brochures, des affiches ou encore des plaquettes qui ont vocation à informer les administrés sur un projet local.

Ces précautions sont largement transposables aux supports électroniques tels que le site internet. En effet, le site internet institutionnel n’a pas à cesser de fonctionner durant la période préélectorale, cependant, c’est au regard du contenu du site internet que le juge déterminera s’il a un rôle électoraliste.

Enfin, les réseaux sociaux tiendront une place active dans la campagne électorale de mars 2020. A cet égard, si le juge électoral n’a eu que trop peu l’occasion d’apprécier la gestion d’un compte ou d’une page facebook au regard des dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-8 du Code électoral, il a pu, en revanche, récemment se prononcer sur les caractéristiques techniques prises en compte au regard des principes encadrant la communication du candidat la veille et l’avant-veille du scrutin.

Partant, des précautions peuvent être édictées au regard de cette jurisprudence (CE, 25 Février 2015, n°385686 ; Cons. Const. 18 décembre 2017, n°2017-5092).

***

Ainsi, la vigilance sera de mise à compter du 1er septembre prochain. Chaque support de communication devra être minutieusement travaillé et analysé au regard des principes légaux et du faisceau d’indice jurisprudentiel encadrant la communication institutionnelle en période préélectorale. La gestion et le contrôle des réseaux sociaux par les collectivités territoriales revêtira un enjeu fort de ce scrutin.

 

Par Alexandra Aderno

Fin d’examen du projet de loi d’orientation des mobilités à l’Assemblée nationale

Le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur ce texte : dans la nuit du 14 juin, et après plus de 80 heures de débats en séance publique, les députés ont terminé l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités.

Le texte a été voté par 372 voix pour, 40 voix contre et 144 abstentions le 18 juin par l’Assemblée.

Parmi les éléments marquants, on peut noter que les présidents des conseils départementaux et maires pourront relever à 90 kilomètres par heure la vitesse sur les routes relevant respectivement de leurs compétence, vitesse récemment limitée à 80 kilomètres par heure et qui avait été en partie à l’origine de la crise des « gilets jaunes ».

L’encadrement du free-floating a été salué par les parlementaires. En revanche, un amendement visant à rendre le port du casque obligatoire pour toute circulation à bord d’une trottinette électrique ou d’un vélo à assistance électrique a été rejeté par les parlementaires.

A ce sujet, la Ministre Elizabeth Borne a déclaré qu’on ne pouvait « pas à la fois prétendre encourager l’usage du vélo et vouloir imposer le port du casque à vélo ».

Un amendement adopté par la Commission du développement durable a fixé un objectif de décarbonation complète des transports terrestres d’ici à 2050 et la fin de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles d’ici à 2040.

Le forfait mobilités durables, visant à encourager les salariés à se rendre au travail à vélo, en covoiturage, ou via d’autres modes de mobilité durable est « sanctuarisé » : en revanche, il reste facultatif, et, par ailleurs, cumulable avec la prise en charge des frais de transports en commun. Cette prise en charge pourra prendre la forme d’un « ticket mobilité », c’est-à-dire d’une solution de paiement spécifique, dématérialisée et prépayée, à l’image de ce qui est prévu pour les tickets-restaurants.

S’agissant des services numériques multimodaux, les entreprises privées n’auront pas l’obligation de proposer l’intégralité de l’offre de transports publics d’un territoire, ce qui aurait réservé le marché aux seules très grandes entreprises du secteur.

Enfin, la taxation du transport aérien, souhaitée par de nombreux députés, n’a pas été retenue par l’Assemblée, le Gouvernement considérant qu’il s’agit d’un sujet qui doit être traité à l’échelle européenne.

Désormais, une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs va être en charge de se prononcer sur les dispositions du texte restant en discussion. A défaut d’accord et après une ultime navette, l’Assemblée nationale statuera définitivement. Le projet de loi devrait être définitivement adopté avant la fin de l’été.

Le droit d’agir du liquidateur désigné dans la nouvelle procédure collective ouverte après résolution du plan de redressement

Dans la présente affaire, se posait la question de savoir si le liquidateur judiciaire nommé après résolution du plan de continuation avait qualité à agir contre une décision rendue sur le report de la date de cessation des paiements dans le cadre d’une précédente procédure collective.

Une société avait été mise en redressement judiciaire avec date de cessation des paiements fixée provisoirement au 17 juillet 2014. Le mandataire judiciaire désigné dans le cadre de la procédure avait demandé le report de la date de cessation des paiements au 20 septembre 2013.

La demande de report avait été accepté par le tribunal de commerce mais le jugement avait été infirmé par la suite par la cour d’appel dans un arrêt du 2 février 2016. La Cour d’appel retient que le mandataire judicaire n’apportait pas la preuve du fait que la société débitrice était dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec l’actif disponible au 20 septembre 2017.

Parallèlement, à cette procédure de report, le plan de continuation de la société débitrice a été résolue et la société a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 12 avril 2016. Le mandataire judiciaire désigné lors de la procédure de redressement a été désignée liquidateur judiciaire.

Le liquidateur judiciaire désigné s’est ainsi pourvu en cassation contre la décision d’appel qui infirmait le jugement de report de la date de cessation des paiements.

la Haute juridiction déclare le pourvoi irrecevable au visa de l’article L. 626-27, I-3 du Code de commerce qui prévoit que « Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours ».

La cour de cassation fait une distinction entre la fonction de mandataire judiciaire et celle de liquidateur judiciaire. Ainsi, Le liquidateur désigné dans la nouvelle procédure collective ouverte après résolution du plan de redressement n’a pas qualité pour se pourvoir en cassation contre un arrêt rendu sur une demande de report de la date de cessation des paiements formée dans le cadre d’une précédente procédure collective, dont les opérations ont pris fin et qui a été clôturée.

Le droit aux dividendes de l’associé exclu

Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait à se prononcer sur la question de savoir si le droit aux dividendes de l’associé d’une SA disparaissait avec la perte de la qualité d’actionnaire ou si ce droit existait jusqu’au paiement du prix de cession des actions.

L’associé d’une SA a été mis à la retraite le 1er janvier 2007 et s’est vu notifier le rachat forcé de ses actions en application des stipulations statutaires. L’associé avait obtenu une ordonnance de mise sous séquestre des actions dans l’attente d’un accord sur le prix de rachat des titres et leur valeur. La cession des titres est intervenue entre le 29 janvier et le 2 février 2007 au profit d’une société tierce. L’ancien associé contestant le prix de rachat des titre a sollicité la nomination d’un expert.

L’expert désigné à la suite de la contestation a conclu dans son rapport intervenu le 28 novembre 2014, que les actions litigieuses avaient été rachetées à un prix moindre que leur valeur réelle. En application du rapport de l’expert, la société cessionnaire a versé le 11 septembre 2015, la somme correspondant à la valeur réelle des titres à l’ancien associé.

Cependant, ce dernier estimant qu’il aurait dû percevoir les dividendes liés à ses droits sociaux jusqu’à la date du paiement effectif des actions à savoir le 11 septembre 2015, a assigné en paiement la société dans laquelle il était actionnaire et la société cessionnaire des titres.

La Cour d’appel a débouté l’ancien associé de sa demande en retenant que la cession des actions à une société tierce avait eu lieu le 2 février 2007 et que dès cette date ce dernier avait perdu la qualité d’associé et donc son droit aux dividendes.

L’ancien associé s’étant pourvu en cassation, la Haute juridiction conforme la décision rendue par la cour d’appel.

Selon la Cour de cassation, les dispositions de l’article 1583 du Code civil qui prévoient que la vente est parfaite « dès qu’on est convenu de la chose et du prix […] » sont supplétives et que les parties peuvent y déroger dans les statuts. Or, la cour a constaté que les statuts de la société prévoyaient que la perte de la qualité d’un associé du fait de sa mise à la retraite lui faisait perdre la qualité d’actionnaire. Ainsi, la perte de la qualité d’associé avait pour conséquence la perte du droit aux dividendes attachés au titre de la société.

Non bis in idem et admission du cumul de qualifications par la Cour de cassation

Cass. Crim., 17 avril 2019, FS-P+B+I, n° 18-83.025

Clef de voûte de la procédure pénale et garant de la sécurité juridique, le principe non bis in idem s’oppose, conformément aux textes nationaux et internationaux protecteurs des droits fondamentaux, à ce qu’un individu soit poursuivi et puni deux fois pour les mêmes faits.

Ce principe ne constitue toutefois pas un obstacle à la poursuite d’une personne sur le fondement de deux qualifications fondées sur des faits dissociables ou, lorsque fondées sur les mêmes faits, la seconde incrimination retenue tend à la protection d’un intérêt spécifique expressément exclu du champ d’application de la première.

La Chambre criminelle a récemment rendu deux arrêts qui constituent des illustrations de ce principe, non dépourvus d’intérêt : la première décision a trait au droit pénal de l’environnement tandis que la seconde trouve application dans le domaine du droit public des affaires.

Par arrêt en date du 16 avril 2019, la Chambre criminelle a approuvé le cumul de deux délits environnementaux dans le cadre d’une affaire où il était reproché à une Commune d’avoir pollué un cours d’eau en aval d’une station d’épuration par le rejet de substances toxiques dans une rivière ; ce comportement est réprimé en droit pénal sous la qualification de déversement de substances nuisibles à la santé, à la faune et à la flore dans les eaux (article L. 216-6 du Code de l’environnement). Concomitamment, la Collectivité se voyait également reprocher l’infraction de rejet en eau douce de substances nuisibles au poisson ou à sa valeur alimentaire (article L. 432-2 du même Code). Au regard des deux infractions réprimées et de leurs éléments constitutifs, la Cour de cassation a considéré que « la seconde incrimination tend à la protection spécifique du poisson que l’article L. 216-6 exclut expressément de son propre champ d’application, de sorte que seul le cumul de ces deux chefs de poursuite permet d’appréhender l’action délictueuse dans toutes ses dimensions ».

Dans un second arrêt rendu le 17 avril 2019, la Chambre criminelle a approuvé le cumul des délits de favoritisme (article 432-14 du Code pénal) et de prise illégale d’intérêts (article 432-12 du même Code), estimant que ces deux infractions sont fondées « sur des faits dissociables », considérant que le favoritisme repose sur les irrégularités constatées dans l’attribution du marché et la prise illégale d’intérêts, sur la décision d’attribuer le marché à la société en question.

Si le second arrêt s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle de la Cour de cassation qui a rappelé, à plusieurs reprises depuis 2016, que « les faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes » (Voir par exemples : Cass. Crim., 26 octobre 2016, n° 15-84.552 s’agissant du non-cumul entre le recel et le blanchiment – Cass. Crim., 25 octobre 2017, n° 16-84.133 pour l’escroquerie et le faux ayant constitué la manœuvre frauduleuse de l’escroquerie ) mais qu’il en va autrement lorsque les faits sont dissociables (Cass. Crim., 16 janvier 2019, n° 18-81.566 qui a pu admettre un cumul entre les infractions d’escroquerie et de faux, lorsque le faux a, en plus d’avoir été utilisé pour commettre l’escroquerie, également été utilisé à une autre occasion), l’arrêt rendu le 16 avril 2019 semble rompre avec cette constance de la Cour de cassation dans l’appréhension du principe.

En effet, dans cette décision, la Chambre criminelle semble admettre qu’un fait unique – pollution d’un cours d’eau par une station d’épuration – peut donner lieu à un cumul de qualifications alors même que ces faits procèdent d’une action unique et d’une seule intention coupable et que les infractions retenues protègent une même valeur sociale.

Dans une décision du 9 avril 2019, la Cour de cassation avait également validé, de manière particulièrement contestable, un arrêt de Cour d’appel qui avait retenu un cumul du délit d’homicide involontaire par violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement et l’infraction sanctionnant la violation de cette obligation (Cass. Crim., 9 avr. 2019, n° 17-86.267).

Ces décisions apparaissent toutefois isolées et ne devraient pas remettre en cause la jurisprudence qu’a dégagée la Chambre criminelle sur le fondement du principe non bis in idem.

Contrats publics : le montant des pénalités proposé par les candidats ne peut être un critère d’analyse des offres

L’arrêt rendu le 29 mai dernier par la Cour administrative d’appel de Versailles constitue le dernier épisode d’un contentieux initié en 2009 entre la Communauté de communes de l’Arpajonnais et la Société SAVOIE.

Candidate évincée à la suite d’une procédure adaptée pour l’attribution du lot n° 1 d’un marché de travaux pour la construction d’un gymnase, la Société SAVOIE a obtenu, par un jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 5 mai 2015, que la Communauté de communes soit condamnée à lui verser 125.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière. Mais, la Cour administrative d’appel de Versailles a, par un arrêt du 22 juin 2017, annulé ce jugement et rejeté ses demandes indemnitaires, considérant notamment que le sous-critère relatif aux pénalités à infliger en cas de retard dans l’exécution des prestations n’était pas, contrairement à ce que soutenait la requérante, sans lien avec la valeur technique de l’offre à apprécier.

Mais, saisi d’un pourvoi par la Société SAVOIE, le Conseil d’Etat a, dans une décision du 9 novembre 2018 (req. n° 413533), considéré « […] qu’un sous-critère relatif au montant des pénalités à infliger en cas de retard dans l’exécution des prestations, qui n’a ni pour objet ni pour effet de différencier les offres au regard du délai d’exécution des travaux, ne permet pas de mesurer la capacité technique des entreprises candidates à respecter des délais d’exécution du marché ni d’évaluer la qualité technique de leur offre » et est, par conséquent, contraire aux dispositions de l’article 53 du Code des marchés publics en vigueur. En outre, la Haute Juridiction a rappelé que la personne publique n’est pas tenue de faire application des pénalités de retard et que le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut, à titre exceptionnel, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté (en ce sens : CE, 19 juillet 2017, Société GBR Ile-de-France, req. n° 392707). Par suite, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt du 22 juin 2017 et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Versailles. Par voie d’appel incident, la Société SAVOIE a demandé à la Cour de porter le montant de l’indemnité qui lui a été allouée à la somme de 247.894 euros.

Par l’arrêt du 29 mai 2019, la Cour fait application du principe dégagé par le Conseil d’Etat et juge, à son tour, que le sous-critère relatif au montant des pénalités à infliger est sans lien avec la valeur technique de l’offre à apprécier. Par suite, elle conclue que la Société SAVOIE est fondée, d’une part, à soutenir qu’elle a été irrégulièrement évincée de la procédure d’attribution du marché litigieux par la mise en œuvre d’un tel sous-critère dans le règlement de la consultation et, d’autre part, à demander réparation du préjudice causé par son éviction irrégulière.

Et, dans la mesure où la Société SAVOIE avait des chances sérieuses de se voir attribuer le marché litigieux – son offre aurait été classée première si le sous-critère irrégulier relatif au montant des pénalités de retard n’avait pas été mis en œuvre – et où l’irrégularité ayant affecté la procédure de passation a été la cause directe de son éviction, elle a droit à être indemnisée à hauteur de son manque à gagner, celui-ci devant être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu’aurait procuré ce marché à l’entreprise, ce qui inclut nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas, en l’absence de stipulation contraire du contrat, à faire l’objet d’une indemnisation spécifique. La Société SAVOIE demandait à ce que ce préjudice soit évalué à hauteur de 8,5 % du montant de son offre, ce pourcentage correspondant au ratio de son résultat d’exploitation corrigé des dotations aux amortissements et provisions et de son chiffre d’affaires global au titre de ses exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009. Mais, après avoir relevé, d’une part, que la Société requérante n’avait pas produit d’élément tiré de marchés comparables réalisés à l’époque, de nature à établir le bénéfice net que lui aurait procuré les travaux en litige et, d’autre part, que la rentabilité du secteur du BTP avait fortement décru à partir de 2008, la Cour limite le préjudice direct subi à hauteur de 3 % du montant de son offre s’élevant à 2.765.000 euros, soit 82.950 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable.

Publication du rapport d’activité de la HAVTP pour 2018

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique a publié, fin mai, son rapport d’activité pour 2018.

De façon désormais « traditionnelle », on y trouve un certain nombre de statistiques et graphiques intéressants relatifs, notamment, aux obligations déclaratives de patrimoine et d’intérêts des dirigeants publics et au dispositif de la représentation d’intérêts.

S’agissant des obligations déclaratives, il est à noter un reflux du nombre de déclarations déposées auprès de la HATVP en 2018, du fait de l’absence de scrutins électoraux. Au total, depuis 2014, le taux de conformité aux obligations déclaratives est exceptionnel, puisqu’il s’élève à 99,82 %.

En matière de prévention des conflits d’intérêts des membres du Gouvernement, il est à noter que des décrets de déport ont été pris par trois ministres : ils mentionnent les domaines dans lesquels les ministres s’abstiennent de prendre des décisions en raison de liens d’intérêts identifiés et désignent la personne chargée d’exercer leurs attributions à leur place dans ces domaines.

S’agissant des parlementaires, la HATVP relève un usage abusif de l’indemnité de frais de mandat : les contrôles opérés par l’Autorité ont fait apparaître un certain nombre de dépenses manifestement sans lien avec le mandat. Elle rappelle que ces agissements peuvent recevoir la qualification pénale de détournement de fonds publics : quinze dossiers ont été transmis à l’autorité judiciaire en 2018. Elle préconise par ailleurs que les déclarations des représentants au Parlement européen et des parlementaires nationaux ne soient plus seulement consultables en Préfecture mais soient publiées sur le site internet de la Haute autorité et que le délai de publication des déclarations de fin de mandat soit allongé à un an.

En matière de représentation d’intérêts, il s’agissait de la première année d’exercice complet de la part de la Haute autorité. Pour 2018, plus de 6.300 actions de représentations d’intérêts ont été déclarées, soit une moyenne de 5,15 actions par représentant.

La HATVP tire quelques enseignements de cette année d’application. Elle remarque qu’il existe une grande hétérogénéité des pratiques de déclaration, ce qui a pu rendre difficile l’exercice de comparaison entre organismes. Surtout, elle relève que l’objet de l’action de représentation d’intérêts n’est pas toujours bien renseigné, de sorte que le contexte dans lequel elle intervient et le but recherché ne sont pas aisément identifiables par l’Autorité.

Au plan technique, le téléservice AGORA a évolué et les lignes directrices publiées par la Haute autorité ont été mises à jour.

Les contrôles des représentants d’intérêts ont porté sur :

  • L’inscription au Répertoire des représentants d’intérêts lui-même : la HATVP a écrit à 103 organisations à ce propos. Elle rappelle néanmoins que la définition du représentant d’intérêts peut rendre complexe leur identification ;
  • Le contrôle des représentants d’intérêts inscrits mais n’ayant pas déclaré correctement leurs activités, soit parce que la date limite de déclaration n’a pas été respectée soit parce que le contenu de la déclaration n’est pas satisfaisant. Elle rappelle que, si elle n’a pas appliqué de sanctions pour 2017, afin de laisser aux représentants d’intérêts le temps de se familiariser avec le dispositif, des sanctions pourront être appliquées pour 2018. A cet égard, la HATVP considère que le dispositif de sanction pénale n’est ni adapté ni dissuasif, et propose qu’il soit remplacé par un dispositif de sanction administrative (ce qui avait déjà été envisagé lors des débats parlementaires de la loi Sapin II s’agissant des manquements aux obligations déclaratives et/ou déontologiques et en cas de non-respect d’une mise en demeure). Cela impliquerait un remaniement institutionnel au sein de la Haute autorité, par la création d’une Commission des sanctions.

 

En annexe du rapport, on trouve un tableau récapitulatif très intéressant des obligations déclaratives au regard des fonctions exercées par les dirigeants publics, ainsi qu’un suivi des propositions émises par la HATVP en 2017 et la formulation des propositions pour 2018.

Parmi les nouvelles propositions, la HATVP préconise une harmonisation du régime de sanction en cas de non-dépôt des déclarations auprès d’elle : alors que les dirigeants du secteur public encourent la nullité de leur nomination (dix-huit nominations ont été annulées en 2018) et, les parlementaires, le prononcé d’une démission d’office et d’une inéligibilité pour un an, elle préconise que ces sanctions soient abandonnées et qu’il soit procédé à un alignement sur l’infraction pénale applicable aux autres déclarants. Par ailleurs, elle préconise la création d’un programme de formation pour les référents déontologues. En outre, elle rappelle la nécessité de préciser par décret la liste des établissements et entreprises publics et, en leur sein, la liste des fonctions concernées par les obligations déclaratives.

Validité du protocole transactionnel conclu avec un ex-fonctionnaire à la suite de l’introduction d’un recours pour excès de pouvoir

L’administration peut, dans le cadre des dispositions de l’article 2044 du Code civil, conclure un protocole transactionnel afin de mettre fin à un litige ou en prévenir la formation. Cette possibilité est d’ailleurs aujourd’hui reconnue explicitement par l’article L. 423-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Cette transaction est toutefois soumise à des règles de fond particulières, appliquées par le juge administratif.

En reprenant – et complétant – la formule de l’arrêt Dame Lamotte (CE, ass., req. n°86949), la Cour administrative d’appel de Paris avait ainsi jugé que le recours pour excès de pouvoir n’ayant « pas pour objet la défense de droits subjectifs, mais d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité », il était impossible de renoncer à son exercice par voie transactionnelle (CAA de Paris, 30 décembre 1996, Boyer, req. n° 94PA02185).

Cette décision avait été reprise par d’autres juridictions, et c’est en toute logique que la majorité de la doctrine concluait à une « incompatibilité entre contentieux de l’excès de pouvoir et transaction » (R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, coll. « Domat droit public », 13e éd., 2008, n° 1075, p. 956.), cette dernière ne pouvant pas « exclure l’exercice de recours juridictionnels qui ont pour objet la sauvegarde de la légalité administrative, au premier rang desquels le recours pour excès de pouvoir ». Une partie de la doctrine doutait toutefois de cette interprétation, avançant notamment qu’elle n’était en réalité confirmée par aucun arrêt du Conseil d’Etat (cf. Frédéric Alhama, Transaction et renonciation à l’exercice du recours pour excès de pouvoir », RFDA 2017, p. 503).

Dans un arrêt en date du 5 juin dernier, la Haute juridiction est enfin venue mettre fin à ce débat dans une décision opposant un agent à la retraite à son ancien employeur.

Monsieur B., agent titulaire d’un centre hospitalier, avait pour mémoire été victime de deux accidents, dont un seul avait été reconnu imputable au service. Par un recours pour excès de pouvoir, le requérant avait notamment demandé l’annulation d’une décision par laquelle il avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service. Lors de cette première instance, Monsieur B. avait cependant conclu un protocole transactionnel avec le centre hospitalier, lequel prévoyait que « les parties […] s’engagent à se désister […] et à renoncer expressément à toutes instances et actions passées, présentes ou à venir […]. Il est définitivement mis un terme à tous les litiges ayant opposé les parties ». Faisant fi du protocole, le Tribunal avait annulé la décision objet du litige et le centre hospitalier fait valoir sans succès auprès de la Cour administrative d’appel qu’il n’y avait pas lieu de statuer pour le Tribunal, eu égard aux termes de ce protocole. La Cour de Nancy, dans un arrêt remarqué (23 mai 2017, req. n°15NC01590) avait rejeté cette requête, jugeant qu’aucune transaction ne saurait fait obstacle au jugement pour excès de pouvoir.

Faisant droit au pourvoi de l’administration, le Conseil d’Etat juge cependant qu’« aucune disposition législative ou règlementaire applicable aux agents de la fonction publique hospitalière, ni aucun principe général du droit, ne fait obstacle à ce que l’administration conclue avec un fonctionnaire régi par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique hospitalière, ayant fait l’objet d’une décision l’admettant à la retraite pour invalidité non imputable au service, une transaction par laquelle […] les parties conviennent de mettre fin à l’ensemble des litiges nés de l’édiction de cette décision ou de prévenir ceux qu’elle pourrait faire naître, incluant la demande d’annulation pour excès de pouvoir de cette décision ».

Cet arrêt rend ainsi clairement possible un protocole transactionnel excluant la contestation d’une décision au titre de l’excès de pourvoir.

Simplement, conformément à sa jurisprudence habituelle Mergui (19 mars 1971, req. n° 79962, la Haute juridictions s’assure de ce que la somme allouée par l’administration à titre de contrepartie ne s’entend pas d’une libéralité.