Droit électoral
le 19/06/2019

La communication institutionnelle en période pré-électorale

Dans moins d’un an, les conseillers municipaux et les conseillers communautaires seront renouvelés. En effet, bien que la date des deux tours de scrutin n’ait pas encore été fixée par le Conseil des ministres, cette élection devrait intervenir en mars 2020. Or, le législateur a pris le soin d’encadrer les règles de communication institutionnelle en période préélectorale. A cet égard, les candidats, qu’ils soient ou non d’ores et déjà officiellement déclarés, qui disposent d’un mandat local, devront être particulièrement vigilants quant au respect de ces règles.

 

I. Les grands principes encadrant la communication institutionnelle en période préélectorale

Le Code électoral a institué deux limites à la communication institutionnelle en période préélectorale.

L’alinéa 2 de l’article L. 52-8 du Code électoral interdit aux personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, de financer la campagne électorale d’un candidat, en lui consentant des dons ou en lui fournissant des biens, services ou avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués. Le 2ème alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral interdit aux collectivités de réaliser des campagnes de promotion publicitaire de leur gestion et de leurs réalisations.

Ces deux interdictions s’appliqueront dans les six mois précédant le scrutin. Par conséquent, pour les prochaines échéances électorales qui devraient se dérouler en mars 2020, les interdictions s’appliqueront à compter du 1er septembre 2019.

Sur ce point, il doit être noté qu’il ne s’agit pas d’une innovation s’agissant de l’interdiction de campagne de promotion publicitaire. En revanche, s’agissant des dons prohibés, le délai applicable lors du scrutin de 2014 était d’un an, de sorte que c’était à compter du 1er mars 2013 qu’il convenait d’être particulièrement vigilant quant aux modalités d’utilisation des moyens de la collectivité territoriale.

Cependant, la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections, qui a modifié l’article L. 52-4 du Code électoral relatif à la mission du mandataire financier de recueillir les fonds destinés au financement, a ramené le délai d’application à six mois.

Notons encore que si les candidats des communes de moins de 9.000 habitants n’ont pas l’obligation de tenir un compte de campagne et de désigner un mandataire financier, ils s’exposent néanmoins au risque de voir l’utilisation de moyens matériels ou humains de la collectivité qualifiée de dons prohibés.

A cet égard, un don, au sens de l’article L. 52-8 du Code électoral, bien qu’il ne soit pas défini par le législateur, est très largement apprécié. Ainsi, des actions de communication institutionnelle en faveur d’un candidat peuvent constituer des dons. De la même manière, une campagne de promotion publicitaire n’est pas légalement définie. Pour autant, on peut considérer qu’il y a campagne de promotion dès lors que l’initiative de communication dépasse l’information classique pour devenir un instrument de promotion des réalisations d’une municipalité et de ses élus. Toutefois, dès lors qu’il s’agit d’utiliser les outils traditionnels de communication de la collectivité ou de mettre en place de nouveaux supports de communication durant la période préélectorale, la frontière entre la communication purement institutionnelle et la communication du candidat valorisant son action d’élu sortant est parfois bien difficile à tracer.

Outre ces principes légaux, le juge électoral a dégagé un faisceau d’indices jurisprudentiel permettant de déterminer si une action peut être qualifiée de don prohibé et/ou de campagne de promotion publicitaire.

Le juge de l’élection apprécie le support de communication au regard de :

  • Son antériorité : La caractérisation d’une campagne de promotion ou d’un don prohibé sera d’autant plus hypothétique que l’action de communication aura un caractère habituel et traditionnel, telle que l’envoi d’un bulletin municipal périodique ou l’organisation de réunions de présentation du budget annuelles (CE, 6 février 2002, Elections municipales de Pont-de-Cheruy, n°234903).
  • Sa continuité : La collectivité peut continuer les actions de communication régulièrement organisées mais elle ne peut en modifier la forme et la fréquence.
  • Sa neutralité : L’information délivrée dans les campagnes de communication ne doit comporter que des messages politiquement neutres, à caractère purement informatif (CE, 30 décembre 2010, Elections régionales de Midi-Pyrénées, n°338189).

De plus, une fois l’irrégularité caractérisée, le juge électoral apprécie si elle a été de nature à altérer la sincérité et s’il y a un écart faible entre les voix obtenues par les candidats (CE, 5 juin, 1996, Elections municipales de Morhange, n°173642). Si tel est le cas, le scrutin peut être annulé.

C’est au regard de ces principes et de ces indices que l’élection du candidat peut être remise en cause.

 

II. L’utilisation des supports de communication de la collectivité

Les risques d’enfreindre les limites légales fixées par le législateur, dans le but d’assurer l’égalité entre les candidats qu’ils disposent ou non d’un mandat, sont d’autant plus grands que les collectivités disposent généralement d’un large panel d’outils de communication.

En premier lieu, une vigilance accrue doit être portée sur le bulletin d’information générale. En effet, si la publication du bulletin d’information générale, bénéficiant d’une antériorité évidente, n’a pas à être interrompue durant la période préélectorale, certaines précautions doivent être prises. La neutralité des propos et la continuité du formalisme doivent être assurées.

A titre d’exemple, le Conseil d’Etat a considéré que la diffusion d’un bulletin municipal présentant, de manière avantageuse, les réalisations de la commune, quand bien même le ton favorable de la présentation ne diffère pas de celui des précédents bulletins, et comportant un éditorial du maire prenant ouvertement parti en faveur des candidats de la majorité présente le caractère d’une campagne prohibée de promotion publicitaire (CE, 3 décembre 2014, n°382217).

L’édito susceptible de figurer en première page de ce bulletin d’information générale sera nécessairement contrôlé par le juge électoral s’il est saisi d’une contestation électorale en ce sens. En effet, cet éditorial constitue souvent une tribune privilégiée pour le Maire sortant. Il en va de même des tribunes de la majorité, qui ne relèvent pas d’une obligation légale, alors que les tribunes de l’opposition sont imposées en application de l’article L. 2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). A cet égard, le Conseil d’Etat considère d’ailleurs que le directeur de la publication ne saurait contrôler le contenu des articles publiés sous la responsabilité de leurs auteurs sauf s’ils sont de nature à engager sa responsabilité pénale (CE, 20 mai 2016, n°387144).

Par ailleurs, en fin de mandature, la tentation peut être forte de faire éditer un bilan de mandat. A cet égard, le 2ème alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral réserve une place particulière au bilan de mandat. Cette disposition précise que l’interdiction de la campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité « ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus ».

Cependant, la prudence s’impose lorsque le candidat est un élu sortant et que le bilan sera réalisé avec les outils de la collectivité.

C’est bien chaque support de communication qui doit être analysé au regard du faisceau d’indices jurisprudentiel sus-rappelé, il en va ainsi des tracts, des brochures, des affiches ou encore des plaquettes qui ont vocation à informer les administrés sur un projet local.

Ces précautions sont largement transposables aux supports électroniques tels que le site internet. En effet, le site internet institutionnel n’a pas à cesser de fonctionner durant la période préélectorale, cependant, c’est au regard du contenu du site internet que le juge déterminera s’il a un rôle électoraliste.

Enfin, les réseaux sociaux tiendront une place active dans la campagne électorale de mars 2020. A cet égard, si le juge électoral n’a eu que trop peu l’occasion d’apprécier la gestion d’un compte ou d’une page facebook au regard des dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-8 du Code électoral, il a pu, en revanche, récemment se prononcer sur les caractéristiques techniques prises en compte au regard des principes encadrant la communication du candidat la veille et l’avant-veille du scrutin.

Partant, des précautions peuvent être édictées au regard de cette jurisprudence (CE, 25 Février 2015, n°385686 ; Cons. Const. 18 décembre 2017, n°2017-5092).

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Ainsi, la vigilance sera de mise à compter du 1er septembre prochain. Chaque support de communication devra être minutieusement travaillé et analysé au regard des principes légaux et du faisceau d’indice jurisprudentiel encadrant la communication institutionnelle en période préélectorale. La gestion et le contrôle des réseaux sociaux par les collectivités territoriales revêtira un enjeu fort de ce scrutin.

 

Par Alexandra Aderno