Présidence du CSE : elle peut être déléguée à des salariés mis à disposition

Les faits :

Dans cette affaire, le comité d’entreprise d’une association d’accompagnement de personnes âgées avait saisi en référé le président du Tribunal de grande instance, devenu aujourd’hui le Tribunal Judiciaire, afin  de voir constater le trouble manifestement illicite, résultant de délégations de la présidence de ce comité consenties à des salariés mis à disposition de l’association.

Débouté de sa demande par les juges du fond, le comité d’entreprise forme un pourvoi devant la Cour de cassation et soutien que les dispositions due l’article L. 2325-1 du Code du travail Code du travail, dans sa version applicable prévoyait que « le comité d’entreprise est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Il est présidé par l’employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultative ».

 

L’arrêt :

Si le comité d’entreprise en déduisait que son président ne pouvait pas valablement consentir une délégation de pouvoir pour présider le comité d’entreprise à des salariés mis à disposition de l’association, cette interprétation stricte de l’article L. 2325-1 du Code du travail n’est pas retenue par la Cour de cassation qui dans un arrêt du 25 novembre 2020 décide que  « l’employeur peut déléguer cette attribution qui lui incombe légalement, à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l’employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l’information et à la consultation de l’institution représentative du personnel, de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l’employeur par une autre entreprise ».

En l’espèce, la Cour de cassation relève que :

  • le président de l’association avait expressément délégué successivement pour le représenter à la présidence du comité d’entreprise des salariés mis à disposition de l’association par des entreprises extérieures pour exercer respectivement les fonctions de chargé de mission du président pour la direction opérationnelle et stratégique et chargé de la gestion des ressources humaines
  • ces deux salariés mis à disposition étaient investis au sein de l’association de toute l’autorité nécessaire pour l’exercice de leur mission et qu’ils disposaient de la compétence et des moyens pour leur permettre d’apporter des réponses utiles et nécessaires à l’instance et d’engager l’association dans ses déclarations ou ses engagements.

 

Apport :

Pour la première fois, la Cour de cassation juge donc pour que l’employeur peut  désigner un représentant chargé de présider le comité d’entreprise en déléguant ses pouvoirs pour la présidence du Comité d’entreprise à une personne qui n’est pas directement salarié de l’entreprise mais mis à sa disposition dans le cadre d’une opération de prêt de main d’œuvre.

Cette solution rendue à l’égard du comité d’entreprise devrait être applicable au comité social et économique dans la mesure où les dispositions de l’article L. 2315-23 Code du travail sont similaires aux dispositions applicables au comité d’entreprise : « le comité social et économique est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Il est présidé par l’employeur ou son représentant, assisté éventuellement de trois collaborateurs qui ont voix consultative […] ». 

Par Clara Bellest

Entretiens professionnels : le report au 30 juin 2021 est autorisé

Le contexte juridique :

Compte tenu de la difficulté pendant le confinement pour l’employeur d’organiser l’entretien professionnel bisannuel et de l’entretien professionnel devant se tenir tous les 6 ans, il avait été décidé par ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle de reporter la date limite à laquelle devait avoir lieu ces entretiens au 31 décembre 2020.

Pour rappel :

  • Tous les 2 ans : l’entretien professionnel est un rendez-vous obligatoire entre le salarié et l’employeur destiné à envisager les perspectives d’évolution professionnelle du salarié et les formations qui peuvent y contribuer.
  • Tous les six ans : l’entretien professionnel permet de faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié et permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des 6 dernières années entretiens professionnels et d’au moins une formation non obligatoire.

 

Nouveau report :  

Par ordonnance en date du 2 décembre 2020, le délai accordé a été reportée une nouvelle fois  (Ordonnance n° 2020-1501 du 2 décembre 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle et la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel).

L’employeur a jusqu’au 30 juin 2021 pour formaliser la tenue des entretiens professionnels intervenant entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021.

Cette mesure concerne tant les entretiens professionnels biennaux que les entretiens professionnels procédant à l’état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié devant se tenir tous les 6 ans.

Jusqu’au 30 juin 2021, la sanction du non-respect des règles par les entreprises d’au moins 50 salariés en matière d’entretien professionnel (abondement sanction sur le compte personnel de formation de 3 000€) est donc suspendue.

Il semblerait également, sous réserve de l’appréciation des juges du fond que l’absence d’entretien professionnel ne puisse être constitutive d’une faute pour l’employeur dans le cadre de l’exécution d’un contrat de travail.

Par Clara Bellest

Le secret des affaires combattu par les associations prônant le droit à l’information

Dans un jugement rendu le 15 octobre 2020, n° 1822236/5-2, le Tribunal administratif de Paris a tenté de faire une subtile distinction entre les documents administratifs pouvant être valablement divulgués au nom de la liberté d’expression et d’information des journalistes et ceux qui ne peuvent pas l’être au nom de secret des affaires consacré par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018.

En l’espèce, un journaliste du quotidien « Le Monde » et sa société éditrice ont sollicité devant le Tribunal administratif de Paris l’annulation des décisions prises par le Directeur du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) et de sa filiale chargée de l’évaluation des dispositifs médicaux en France, la société G-Med refusant de leur communiquer dans le cadre de l’enquête du consortium international des journalistes d’investigation sur les dispositifs médicaux implantables (dite « implant files »), la liste des dispositifs médicaux ayant ou n’ayant pas obtenu un certificat de conformité CE.

A noter que deux syndicats de journalistes, un syndicat d’avocats et pas moins de  44 associations pour la plupart des sociétés de journalistes sont  valablement intervenues volontairement à cette instance.

Le Tribunal administratif de Paris, rappelle dans un premier temps les textes et principes en balance dans le présent litige à savoir :

L’article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration posant pour principe que les administrations sont tenues « de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande ».

L’article L. 311-6 dudit Code précise cependant que « ne sont communicables qu’à l’intéressé », et non pas à toute personne, qu’elle soit journaliste ou autre, qui en ferait la demande, « les documents administratifs : 1° dont la communication porterait atteinte […] au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles ».

Le Tribunal rappelle ensuite les dispositions de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme posant le principe de la liberté d’expression et d’information.

Au regard de ces textes, le Tribunal se livre à une appréciation du champ d’application du secret et il a estimé que la protection du secret des affaires, visée par le deuxième alinéa de l’article L. 311-6 du Code des relations entre le public et l’administration, ne justifie pas d’opposer un refus dans le cas des dispositifs certifiés déjà mis sur le marché.

Ainsi, le Tribunal a partiellement réformé la position adoptée par la CADA, qui dans son avis du 25 octobre 2018 n° 20182659 s’était déclarée défavorable à la divulgation de l’ensemble de la liste des dispositifs médicaux sans distinction.

Pour autant, pour la juridiction administrative parisienne, la communication de la liste des dispositifs médicaux auxquels un marquage CE a été refusé et des dispositifs auxquels un certificat a été accordé mais qui ne sont pas encore commercialisés, doit être regardée comme la divulgation d’une information confidentielle relative à la stratégie commerciale et industrielle des fabricants concernés, relevant de la protection du secret des affaires.

Ainsi le Tribunal admet que l’ensemble des informations qu’il fait entrer dans la catégorie du secret peuvent faire l’objet d’un refus de communication. Le Tribunal a en effet estimé que ce refus constitue une « ingérence nécessaire et proportionnée à la protection des informations confidentielles en cause » et dans l’exercice du droit à la liberté d’expression.

Si une partie de la décision ne peut qu’être favorablement accueilli, il n’en reste pas moins que la non-communication de la liste des dispositifs médicaux ayant fait l’objet d’un refus de certification pose question.

En effet, un refus de certification en France n’empêche pas une certification dans un autre État membre de l’UE puisque chaque organisme national est autonome. Or une fois obtenu, ce marquage CE permet aux fabricants de commercialiser leurs dispositifs médicaux sur l’ensemble du territoire européen et donc en France.

Par Manon Boinet

Présentation de l’ordonnance du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie de Covid-19

Face aux enjeux de la crise sanitaire, le législateur n’a pas cessé d’adapter le droit des entreprises en difficulté. L’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 d’abord, et l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 ensuite, ont aménagé les procédures amiables et judiciaires pour traiter les difficultés des entreprises.

Plusieurs dispositions de l’ordonnance étaient applicables pendant une période transitoire courant tantôt jusqu’au 23 juin 2020, tantôt jusqu’au 23 août 2020. Une deuxième ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 est venue consolider certaines dispositions de la première ordonnance, et a poursuivi l’effort d’adaptation des règles du droit des entreprises en difficulté afin de renforcer l’efficacité des procédures. Les dispositions de cette ordonnance sont applicables selon le cas, jusqu’au 31 décembre 2020 ou jusqu’au 17 juillet 2021

L’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 vient compléter les mesures adaptant le droit des entreprises en difficulté à la situation sanitaire et économique. Elle reprend et modifie certaines mesures introduites par l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 adaptant les règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles.

Ainsi, l’ordonnance du 25 novembre 2020 est prise en application de l’article 10 de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

Elle adapte temporairement les règles relatives aux difficultés des entreprises pour prendre en compte les conséquences de l’évolution de la crise sanitaire. Elle complète l’ordonnance du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19, toujours en vigueur.

Le recours aux procédures préventives est favorisé. La durée maximale des procédures de conciliation est portée de cinq à dix mois.

Le texte permet aussi une prise en charge plus rapide des créances salariales par l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). En outre, les modalités de communication entre les principaux acteurs des procédures préventives et collectives et le greffe du tribunal ou les organes juridictionnels de la procédure sont assouplies.

Plus précisément :

Prorogation de la durée de conciliation par décision du Tribunal (article 1)

L’ordonnance du 27 mars 2020 prévoyait une prolongation de plein droit de la durée d’une conciliation (qui en principe ne peut excéder cinq mois), et ce jusqu’au 23 août 2020 inclus.

L’ordonnance du 25 novembre prévoit qu’à la demande du conciliateur, la durée de la conciliation peut être prorogée, une ou plusieurs fois, par décision du Président du tribunal, sans que cette durée puisse excéder 10 mois. Il est à souligner que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux procédures en cours qui ont été ouvertes à compter du 24 août 2020, ainsi qu’à celles qui sont ouvertes à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 25 novembre 2020. En effet, le législateur a voulu éviter le cumul avec les prolongations résultant de l’ordonnance n° 2020-341 (qui s’appliquaient aux procédures ouvertes au plus tard le 23 août 2020).

Le rapport au Président de la République souligne que cette prorogation tend à ne pas compromettre les efforts de recherche d’une solution préventive dans un contexte de persistance de la crise sanitaire rendant difficile les prévisions.

Accélération de la prise en charge des créances salariales (article 2)

 L’ordonnance n° 2020-341 prévoyait la possibilité de déroger aux règles d’établissement des relevés des créances salariales, prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-2 du Code de commerce.

L’ordonnance du 25 novembre permet une prise en charge plus rapide par l’AGS des créances des salariés.

Ainsi, les relevés des créances salariales sont transmis sans délai par le mandataire judiciaire et, sans que les modalités n’aient besoin d’être respectées. En principe les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés, puis visés par le juge-commissaire avant d’être remis à l’AGS pour permettre le paiement avant l’expiration des délais de garantis. Or, l’article 2 de l’ordonnance prévoit que ces relevés sont transmis à l’AGS dès qu’ils sont établis, sous la seule signature du mandataire judiciaire.

Toutefois, lorsque le relevé de créances n’est pas conforme au relevé sur lequel est apposé, par la suite, le visa du juge-commissaire, le mandataire devra transmettre également sans délai ce dernier relevé à l’AGS.

Assouplissement des formalités (article 3)

L’ordonnance n° 2020-341 souhaitait faciliter les communications entre les différents intervenants d’une procédure amiable ou collective, en tenant compte des conditions qu’imposait le confinement. En effet, certains contentieux demeurent prioritaires, comme ceux touchant aux entreprises en difficulté, notamment quant à la prise en charge des salariés impayés et, la survie des entreprises.

Ainsi, certaines formalités avaient été assouplies. L’article 3 de l’ordonnance du 25 novembre réintroduit cet assouplissement procédural, en autorisant certains acteurs des procédures amiables ou collectives à communiquer par tout moyen avec le greffe du tribunal ainsi qu’avec les organes juridictionnels de celles-ci.

Le rapport au Président de la République souligne que cet article « répond à une attente des praticiens dans un contexte d’incertitude ».

Toutefois, l’article dispose que cet assouplissement ne s’applique pas « aux documents pour lesquels le livre VI du code de commerce prévoit la faculté d’en prendre connaissance au greffe du tribunal ». Tel sera le cas pour le dépôt, par l’administrateur ou le mandataire judiciaire du compte-rendu de fin de mission dont tout intéressé peut prendre connaissance.

Durée

Les dispositions des articles 1er à 3 s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2021 inclus.

Les dispositions de l’article 2 s’appliquent aux procédures en cours et les dispositions de l’article 3 s’appliquent aux communications effectuées à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

En définitive, les dispositions d’adaptation issues de cette ordonnance sont peu nombreuses et n’offrent pas de solutions nouvelles.

Les derniers chiffres sur les difficultés des entreprises indiquent que depuis le mois de janvier 2020, le nombre de défaillances d’entreprises est au niveau le plus bas depuis plus de trente ans (Altares, Défaillances et sauvegardes d’entreprises en France, 3e trimestre 2020).

Des chiffres qui font donc craindre à de nombreux acteurs un rebond des ouvertures de procédures dans les mois et semaines à venir.

Par Hakim Ziane

Les mesures de prévention des difficultés financières des sociétés en temps de crise sanitaire (ordonnances des 27 mars, 20 mai et 25 novembre 2020 et loi ASAP du 7 décembre 2020)

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19

Ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie de covid-19

 

Au-delà des mesures qui ont été annoncées par le Gouvernement et celles prises par voie d’ordonnances pour soutenir les Entreprises durant cette crise sanitaire, il est patent, et ce depuis plusieurs années, que les entreprises sont mal informées quant aux dispositifs qui s’offrent à elles pour prévenir de futures difficultés.

En effet, aujourd’hui un panel de mesures  existe déjà pour soulager les entreprises lors de l’apparition des premières tensions des flux de trésorerie (mandat ad hoc, conciliation)

Une entreprise est en difficulté si elle  « connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son activité ».

Le critère d’ouverture d’une procédure collective est l’existence d’un état de cessation des paiements, lequel se définit comme étant l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (article L. 631-1 du Code de commerce)

Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.

Le fait de prévenir les difficultés de l’entreprise en amont relève donc un intérêt particulier majeur.

Prévenir les difficultés de son entreprise consiste pour le dirigeant à les anticiper dès lors que des indicateurs laissent à penser que l’entreprise se dirige vers des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Mais qui dit négociation des modalités de règlements de ses créances dit de s’entourer de professionnels pour lister les contrats nécessaires à la survie de son entreprise afin d’engager des négociations avec ses cocontractants pour retrouver un juste équilibre financier.

Une cartographie et une analyse financière s’imposent donc avant toute chose

Un fois ce préalable réalisé il convient de mettre par écrit les accords transactionnels trouvés. Mais il n’est pas toujours aisé en dehors d’un cadre juridique prédéterminé de gagner la confiance de ses parties prenantes et il est conseillé d’avoir recours aux procédures dites de prévention des difficultés des entreprises, savoir : Le mandat ad hoc ou la procédure de conciliation qui sont deux processus qui ne font l’objet d’aucune publicité au registre du commerce. Leur confidentialité ne nuit donc pas à la continuité des relations commerciales de l’entreprise concernée.

Afin d’élargir le champs d’application de la procédure de conciliation aux entreprises touchées par la crise sanitaire, l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 et celle du 25 novembre 2020 ont adapté les dispositions du Code de commerce relatives aux procédures de traitement des entreprises en difficultés des entreprises.

 

 

Le mandat ad hoc

Son but est de rétablir la situation de l’entreprise avant la cessation des paiements.

Le mandat ad hoc permet au dirigeant d’entreprise de négocier ses dettes sous l’égide d’un mandataire ad hoc désigné par le président du Tribunal de commerce.

Les mandataires ad hoc sont souvent des administrateurs judiciaires qui justifient d’une expérience reconnue en matière de redressement d’entreprises et de négociations avec les créanciers (banques, organismes fiscaux et sociaux, principaux fournisseurs).

Lors de la désignation du mandataire, le coût de son intervention est déterminé en accord avec le chef d’entreprise.

Toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale), mais aussi les associations, les auto-entrepreneurs, les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) peuvent solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc.

Précision importante, le débiteur ne doit pas se trouver en état de cessation des paiements.

S’agissant des difficultés, il peut s’agir de difficultés financières (non-respect des échéances normales de paiement des fournisseurs, multiplication des inscriptions de privilèges) ou encore de situations de blocage (litiges entre associés pouvant entraîner la paralysie de l’entreprise).

Hormis le fait que l’entreprise ne doit pas être en cessation de paiement pour avoir recours au mandat ad hoc, la procédure doit suivre un cheminement particulier.

En effet, le débiteur, ou le représentant légal de ce dernier, doit déposer une demande au greffe du tribunal de commerce s’il exerce une activité commerciale ou artisanale. Dans les autres cas, c’est le greffe du tribunal de grande instance qui se charge d’accéder à la requête.

Celle-ci doit être effectuée par écrit, et doit impérativement faire mention des raisons de la demande.

La durée de la procédure de mandat ad hoc n’est pas encadrée par la loi dans un délai fixe. Le plus souvent, le président assigne une durée renouvelable de la mission du mandataire ad hoc.

Comme dans la conciliation, l’objectif de la procédure de mandat ad hoc est le suivant : trouver un accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers pour lui permettre de surmonter ses difficultés, tout en prenant en compte l’intérêt des créanciers. La solution se trouve donc dans une négociation dans le cadre d’un échelonnement des dettes.

En particulier, le mandat ad hoc permet de rechercher, avec l’aide du mandataire, les meilleures solutions de rétablissement de l’entreprise.

Le mandataire dresse un état de la situation de l’entreprise et traite directement avec les créanciers. Ces derniers ont le choix d’accepter de coopérer ou non. En cas d’échec des négociations, le mandataire doit le signifier auprès du tribunal l’ayant désigné. En revanche, en cas d’accord trouvé avec les créanciers, un accord officiel doit être signé par ces derniers.

Par ailleurs, il est important de souligner que durant le mandat, le dirigeant continue de gérer seul son entreprise. Aussi, il est possible de réclamer la fin de la mission du mandataire à tout moment : la demande se fait auprès du président du greffe du tribunal compétent.

Dans ce cas, une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte et met fin à l’accord négocié avec le mandataire.

La procédure du mandat ad hoc offre une certaine souplesse au dirigeant, qui peut notamment choisir de son plein gré de se faire assister par un mandataire, et qui peut mettre fin à cette procédure à tout moment, comme évoqué ci-dessus.

Aussi, la procédure se déroule en toute confidentialité. Mais, l’avantage majeur réside dans le fait que le mandat ad hoc est une solution accompagnée de grandes chances de réussite.

Ce type de procédure est confié à des experts économiques ou financiers. Ils apportent alors tout leur savoir-faire pour résoudre, le plus tôt possible, les difficultés financières auxquelles sont confrontées les entreprises qui y ont recours.

En revanche, le mandat ad hoc présente aussi des inconvénients car contrairement à la conciliation, cette procédure ne permet pas de suspendre les poursuites des créanciers n’ayant pas pris part à l’accord.

Par ailleurs, malgré l’intervention d’un expert, le juge n’a pas beaucoup de pouvoir et ne peut donc intervenir entre les créanciers et le débiteur. Il s’agit, concrètement, d’une procédure de règlement à l’amiable afin d’éviter l’aggravation d’une situation financière délicate.

 

 

La procédure de conciliation

C’est une procédure « préventive » prévue par le Code de commerce (articles L. 611-1 et suivants du Code de commerce) intervenant dans le cadre du règlement des litiges commerciaux.

La conciliation est avant tout une procédure amiable entre une entreprise et les partenaires à qui elle doit régler des créances.

Cependant, toutes les sociétés n’ont pas accès à la conciliation. Il faut justifier de difficultés financières suffisantes.

En temps normal, l’entreprise ne doit néanmoins pas être en situation de cessation des paiements. Si jamais c’est le cas, elle dispose de 45 jours après la déclaration de cessation de paiements pour entamer une procédure de conciliation.

Or l’ordonnance du 27 mars 2020 précisait que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit jusqu’au 10 octobre 2020). Ainsi, les entreprises pouvaient bénéficier de la procédure de conciliation, même si elles étaient en état de cessation des paiements après le 12 mars. L’un des intérêts majeurs de cette mesure était d’éviter au débiteur s’exposer à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements.

Le 25 novembre dernier une nouvelle ordonnance (n° 2020-1443) est venue ajouter que la procédure de conciliation peut être prolongée jusqu’à une durée de 10 mois pour toutes les procédures ouvertes depuis le 24 août 2020 et ce jusqu’au 31 décembre 2021.

Il convient donc d’être très vigilant et de profiter de ce délai de conciliation allongée (en période normale la conciliation ne peut pas dépasser 4 mois avec une possibilité de proroger au maximum 5 mois) et donc d’ouvrir avant la fin de l’année 2021 cette procédure qui permettra de négocier avec ses créanciers.

La conciliation doit être sollicitée par le débiteur. Une requête est à adresser pour l’ouverture de la procédure auprès du :

  • Tribunal de commerce pour les commerçants et les artisans ;
  • Tribunal judiciaire pour les autres types d’entreprises ou les associations.

 

Le détail des comptes de l’entreprise sur les 3 dernières années est alors demandé pour justifier la conciliation. Le dirigeant déclare cependant sur l’honneur ne pas avoir ouvert de procédure similaire durant les 3 derniers mois avant le dépôt de la demande auprès du tribunal. Afin de respecter les délais autorisés, il est également requis de préciser la date de début de cessation des paiements s’il y en a une.

Les conciliateurs sont souvent des administrateurs judiciaires qui justifient d’une expérience reconnue en matière de redressement d’entreprises et de négociations avec les créanciers (banques, organismes fiscaux et sociaux, principaux fournisseurs).

Dès lors que la procédure de conciliation est déclenchée, les créanciers ne pourront plus demander le redressement ou la liquidation de l’entreprise.

Comme dans le mandat ad hoc, l’objectif de la procédure de conciliation est le suivant : trouver un accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers pour lui permettre de surmonter ses difficultés, tout en prenant en compte l’intérêt des créanciers. La solution se trouve donc dans une négociation dans le cadre d’un échelonnement des dettes.

En particulier, la conciliation permet la mise en place d’un accord (moratoire, renégociation d’emprunt, etc.) lorsque l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements ou ne s’y trouve pas depuis plus de 45 jours.

Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers et partenaires, destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise et assurer sa pérennité.

Il peut présenter des propositions en vue de la sauvegarde de l’entreprise, de la poursuite de l’activité et du maintien de l’emploi.

Il peut se voir confier la préparation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourra être mise en œuvre dans le cadre d’une éventuelle procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Surtout la loi Asap du 7 décembre 2020 a prolongé les mesures prises par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 également jusqu’au 31 décembre 2021 qui permet notamment de demander au président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation de :

  • Interrompre ou interdire les actions en paiement des créanciers mais également la résolution des contrats pour motifs d’impayés ;
  • Imposer un report ou un échelonnement des créances.

Et ce, pendant toute la durée de la procédure de conciliation donc durant 10 mois.

Les parties à la conciliation peuvent demander au président du tribunal de constater leur accord, ce qui permettra d’obtenir une force exécutoire. L’accord est confidentiel et seuls les signataires y sont tenus.

Le débiteur peut également demander une homologation de l’accord de conciliation au tribunal à condition :

  • qu’il ne soit pas en cessation des paiements,
  • que l’accord assure la pérennité de l’entreprise,
  • et que l’accord ne lèse pas les intérêts des créanciers non signataires.

L’homologation de l’accord de conciliation empêche ou stoppe toute poursuite judiciaire de la part de ses signataires, et lève l’interdiction éventuelle d’émettre des chèques. Une publication au BODACC est effectuée.

Les créanciers qui apportent des fonds, des biens ou des services dans le cadre de la procédure de conciliation bénéficient d’un privilège de conciliation si l’entreprise est par la suite mise en redressement ou en liquidation judiciaire.

 

En conclusion, outre les mesures mises en place par le Gouvernement pour soutenir les entreprises durant l’actuelle crise sanitaire, celles-ci ne devront pas hésiter à employer les procédures préventives prévues par le Code de commerce.

Même si la procédure est plus lourde à mettre en œuvre, la procédure de conciliation présente de meilleurs avantages que le mandat ad hoc puisque l’accord permet de suspendre les poursuites individuelles, contrairement au mandat ad hoc.

Les entreprises qui emploieront ces dispositifs auront de meilleures chances de rebondir après cette crise sans précédent, laquelle laissera certainement une trace majeure dans notre manière de construire notre économie.

Après avoir engagé et bénéficié des mesures de soutien prises par le Gouvernement, il est donc impérieux que les chefs d’entreprise se rapprochent des greffes des tribunaux de commerce afin de pouvoir mettre en œuvre ces dispositifs.

 

Par My-Kim Yang-Paya, Avocate associée, spécialiste en droit des sociétés

 

 

Soutien aux entreprises : Mesures en réponse à la crise liée au coronavirus

Fonds de solidarité au titre de la crise sanitaire COVID 19 – Comment déposer une demande d’aide exceptionnelle ?

 

Le gouvernement a adopté les mesures suivantes pour venir en aide aux entreprises pendant le second confinement :

 

Exonération de cotisations

Elargissement du dispositif d’exonération et d’aide au paiement :

  • Au profit d’entreprises de moins de 250 salariés relevant des secteurs particulièrement affectés, quel que soit leur lieu d’installation ;
  • Au profit des entreprises de moins de 50 salariés dont l’activité est nouvellement empêchée du fait de l’impossibilité d’accueillir du public.

 

Sanctions figées pour les commerces obligatoirement fermés

Pour rappel :

  • Aucune exonération des loyers et charges commerciaux n’est mise en place ;
  • Les effets des clauses et astreintes avaient repris depuis le 10 juillet 2020.

De nouvelles mesures ont été mises en place par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 :

  • Les sanctions sont figées depuis le 17 octobre 2020 pour les commerces obligatoirement fermés ;

  • Jusqu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de fermeture administrative :
    • Les entreprises subissant une fermeture obligatoire de leur commerce ne peuvent pas être sanctionnées (intérêts de retard, pénalité ou autre mesure financière) ni poursuivies (action, sanction, voie d’exécution) pour un retard de paiement ou non-paiement de leurs loyers et charges relatifs aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée durant cette période ;
    • Les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires ;
    • Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.

Les critères d’éligibilité sont précisés par décret déterminant les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

NB : Les procédures d’exécution engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues durant cette période.

Le preneur ne peut pas échapper au paiement de ses loyers et charges :

  • La force majeure est souvent écartée s’agissant d’une obligation de paiement ;
  • Le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance, la jouissance étant empêchée par la crise sanitaire.

Mais il existe des aménagements :

  • Il est conseillé de se rapprocher du bailleur pour obtenir des délais de paiement ;
  • En cas d’action en acquisition de clause résolutoire, le juge pourra soulever une contestation sérieuse tenant au contexte sanitaire et à la nécessité de bonne foi (en ce sens : Ordonnance de référé TJ Paris, 26 octobre 2020, n°20/55901) ;
  • Le juge du fond saisi d’une problématique d’impayés de loyers tiendra compte de la bonne foi des parties.

 

Incitation fiscale des bailleurs

En contrepartie d’une remise de loyer du mois de novembre 2020, (ou au moins un terme de loyer d’octobre, novembre ou décembre 2020) pour tous les commerces fermés est mis en place au profit du bailleur un crédit d’impôt :

  • De 50% du loyer pour les entreprises de moins de 250 salariés ;
  • De 2/3 du loyer pour les entreprises de 250 à 5000 salariés.

 

Le fonds de solidarité

Le décret n° 2020-1328 du 2 novembre 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation prévoient une série d’aides.

 

Conditions d’obtention pour les pertes de chiffre d’affaires de septembre, octobre et novembre 2020 :

  • Suppression de la condition relative au chiffre d’affaires et au bénéfice ;
  • Seuil rehaussé à 50 salariés, y compris pour les sociétés contrôlées par une holding, à condition que l’effectif soit 50 salariés) ;
  • Activité ayant débuté avant le 31 août ou le 31 septembre ;
  • Extension des listes des secteurs d’activité bénéficiant d’un régime favorable (S 1 et S 1 bis) ;
  • Pour les entreprises faisant l’objet d’une interdiction d’accueil du public et pour le calcul de la perte de chiffre d’affaires, n’est pas pris en compte le chiffre d’affaires relatif aux activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison.

 

Conditions d’obtention d’aides au titre des pertes pour les entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public entre le 1er et le 31 octobre 2020 (hors discothèques, Guyane, Mayotte) :

  • Tous secteurs d’activité confondus ;
  • Aide calculée à hauteur de la perte de chiffre d’affaires réalisée pendant les jours d’interdiction d’accueil du public ;
  • Aide plafonnée à 333 € par jour d’interdiction d’accueil du public ;
  • Les indemnités journalières et les pensions ne sont pas déduites du montant de l’aide ;
  • Demande à déposer jusqu’au 31 décembre 2020.

 

Conditions d’obtention d’aides au titre des pertes de chiffre d’affaires au mois de novembre 2020 :

  • Tous secteurs d’activité ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public ;
  • Ou pour toutes entreprises ayant enregistré une perte de chiffre d’affaires supérieur à 50%.
  • Montant de l’aide :
    • Si interdiction d’accueil du public, aide plafonnée à 10 000 € ;
    • Si S1 ou S1 bis (15 mars et le 15 mai 2020 ou l’entreprise S1 bis a été créée après le 10 mars 2020), aide plafonnée à 10 000 € ;
    • Aide plafonnée à 1 500 € pour les autres entreprises
  • Les indemnités journalières et les pensions sont déduites du montant de l’aide ;
  • Demande à déposer avant le 31 janvier 2021.

 

Par Emilie Bacqueyrisses

La Lettre de Droit Privé des Affaires fête sa première année d’existence

Il y a un an personne n’aurait pu imaginer et prédire la crise sanitaire sans précédent que le monde entier subit. Nous avions consacré notre premier sujet du mois au thème de la consécration de l’intérêt social et de la raison d’être des entreprises par la loi PACTE.

Aujourd’hui l’environnement économique est tout autre, les entreprises vont devoir dans les mois prochains faire face aux échéances des aides et prêts contractés alors même qu’actuellement il est difficile pour elle de déterminer clairement si elles y sont éligibles. 

De même qu’en est-il des reports ou exonération des loyers qui sont l’un des postes les plus lourds au bilan des sociétés ?

Nous avons donc décidé de faire un focus de ces mesures dans ce numéro spécial de la LDPA et de consacre un article aux mesures de prévention des difficultés des sociétés qu’il convient de mettre en œuvre avant qu’il ne soit trop tard et qui leur permettra de passer le cap et rebondir après la crise.

Bonne lecture et bonnes fêtes de fin d’année !

Réduction du taux de TVA à 5,5% pour les travaux de pose, d’installation et d’entretien des bornes de recharge pour véhicules électriques dans les locaux d’habitation

Le 23 novembre 2020, le Sénat a adopté un amendement, ayant obtenu l’avis favorable du gouvernement, prévoyant l’application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux travaux de pose, d’installation et d’entretien des infrastructures de recharge pour véhicules électriques dans les locaux d’habitation.

Reste à voir si la baisse de ce taux (qui était donc jusqu’alors de 20%) aura un effet significatif sur la vente de véhicules électriques par les particuliers.

Révision des conditions d’achat de biométhane injecté dans le réseau de gaz naturel

Décret n° 2020-1428 du 23 novembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation de l’obligation d’achat à un tarif réglementé du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel

 

Un décret[1] arrêté tous deux parus au JO du 24 novembre 2020 et entrant en vigueur le 25 suivant, actent de nouveaux rebondissements tarifaires pour la filière biométhane.  

S’agissant des apports du décret :

Le décret susvisé, après avoir rappelé que les dispositions de l’arrêté ne s’appliquent qu’aux contrats signés à compter du 24 novembre 2020, conditionne la signature et les modifications des contrats d’achat de biométhane ainsi :

  • Il permet de modifier la capacité maximale de production de biométhane de l’installation (dite « Cmax ») des contrats d’achat selon une périodicité nouvelle ;

  • Il prévoit une suspension et un allongement de mise en service :
    • En indiquant, d’une part, que la suspension des délais de prise d’effet des contrats d’achat en cas de recours contentieux ne s’applique pas aux contrats signés avant le 24 novembre 2020 ;
    • En prévoyant, d’autre part, un allongement des délais de mise en service en raison des conditions sanitaires actuelles liées au Covid-19[2].

 

S’agissant des modifications prévues par l’arrêté tarifaire relatif au biométhane injecté :

Concernant leur champ d’application, ces modifications concernent :

  • D’une part, les contrats d’achats conclus à compter du 25 novembre 2020 (ceux conclus avant cette date demeurant donc toujours soumis à l’arrêté du 23 novembre 2011[3] auquel succède l’arrêté ici commenté) ;
  • D’autre part, toutes les installations de méthanisation ainsi que toutes les installations de récupération de biogaz des Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND) jusqu’à 300 Nm3/h (au-delà, les installations devront procéder à un appel d’offres).

 

Sur le fond, ces modifications sont principalement de trois ordres :

  • De nouvelles conditions de complétude de la demande de contrat : l’article 3 de l’arrêté prévoit en effet les conditions d’une demande complète en prévoyant notamment de nouvelles pièces nécessaires ;
  • Une baisse des tarifs d’achat et une dégressivité trimestrielle : ainsi que le prévoit l’annexe IV du décret, il est en effet prévu une dégressivité du tarif en fonction de la date de signature du contrat et de la réalisation des objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;

  • Un plafonnement mensuel : l’article 9 de l’arrêté prévoit que le tarif d’achat est applicable au biométhane livré au cocontractant jusqu’à une production mensuelle maximale (PMM). Ainsi, le biométhane éventuellement livré au cocontractant pendant un mois calendaire en dépassement de la production mensuelle maximale PMM peut être rémunéré sans ouvrir droit, ni aux tarifs, ni à la compensation propre au contrat d’achat mentionné à l’article D. 446-8 du Code de l’énergie.

 

[1] Décret n°2020-1428 du 23 novembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation de l’obligation d’achat à un tarif réglementé du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel

[2] En effet, les contrats d’achats dont la date de signature est comprise entre le 12 mars 2017 et le 12 mars 2019 voient leur délai de mise en service prolongé de 7 mois (3 ans + 7 mois) et les contrats d’achats dont la date de signature est comprise entre le 13 mars 2019 et le 12 mars 2020 voient leur délai de mise en service prolongé de 3 mois (3 ans + 3 mois).

[3] Arrêté du 23 novembre 2011 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel

Publication du rapport de la CRE sur le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz et du bilan d’action du médiateur pour améliorer la protection des consommateurs d’énergie

Communiqué de presse du 24 novembre 2020, Premier bilan d’action du médiateur pour améliorer la protection des consommateurs d’énergie

 

Le 23 novembre dernier, la CRE a publié son rapport sur le marché de détail en France :

Comme l’explique le régulateur dans son dossier de presse relatif à ce cette publication, les consommateurs et leurs attentes sont au centre de ce rapport, à travers une démarche d’information et de pédagogie sur le mode de fonctionnement du marché de détail et des enjeux qu’il soulève.

Ce faisant, la CRE aborde trois sujets :

  • la diversification et le dynamisme du marché : à ce titre, la CRE distingue le segment professionnel, sur lequel la concurrence est déjà bien établie, et le segment résidentiel, sur lequel les offres de marché se développent fortement. Elle relève que ce dynamisme n’est pas présent dans les zones de desserte des ELD et indique qu’elle fera donc preuve d’une grande vigilance quant aux pratiques sur ces territoires ;

  • les offres vertes : la CRE recommande des améliorations du dispositif afin de renforcer la transparence pour les consommateurs. Sur ce point, la Commission indique ne pas être opposée à ce qu’une labélisation vienne compléter le cadre existant afin de mettre en avant des offres vertes permettant d’atteindre un ou plusieurs objectifs complémentaires à celui du système des garanties d’origine. Pour autant, la CRE considère que le label proposé par l’ADEME n’est pas une réponse complète aux enjeux soulevés par les offres vertes ;

  • enfin, les comparateurs d’offres : si la CRE accueille favorablement le développement des acteurs qui procèdent à une comparaison des offres, qui sont le signe du dynamisme du marché et apporte un véritable service aux consommateurs, elle estime que le fait qu’ils soient rémunérés par les fournisseurs crée une zone d’ombre qu’elle analyse dans son rapport. Aussi, la Commission s’engage à intégrer une veille systématique des pratiques des comparateurs dans le cadre de ses missions de surveillance.

 

La publication de ce rapport intervient en même temps que celle du premier bilan d’action du médiateur pour améliorer la protection des consommateurs d’énergie sur le site dédié du Gouvernement :

Pour rappel, le Médiateur national de l’énergie est une autorité publique indépendante créée par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie[1].

Dans ce cadre, le 25 novembre 2019, Olivier Challan Belval était nommé médiateur national de l’énergie par arrêté interministériel et avait alors formulé « 10 propositions pour améliorer l’avenir »[2].

Un après cette nomination, le Médiateur dresse un premier bilan de son action pour améliorer la protection des consommateurs.

A ce titre, il commence par constater que l’année 2020 est une année record en terme de litiges avec les entreprises du secteur de l’énergie (fournisseurs et gestionnaires de réseaux de distribution) avec plus de 23 000 litiges déjà comptabilisés.

Ensuite, il salue plusieurs avancées sur les propositions qu’il avait émises en ce qui concerne les modalités de calcul de la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) appliquée sur les factures de gaz naturel [3], la prise en charge des travaux de rénovation des colonnes montantes ainsi qu’enfin, l’intégration au réseau de distribution de gaz de l’ensemble de l’installation située en amont du compteur de gaz[4].

S’agissant ses propositions pour encadrer le démarchage à domicile pour la vente de contrat de fourniture d’énergie, le Médiateur se félicite des premières mesures prises par les fournisseurs mais attend qu’elles aboutissent à des résultats concrets.

Enfin, en complément de ses propositions formulées en 2019, susvisées, Olivier Challan Belval appelle les opérateurs, d’une part, à améliorer leur service commercial et notamment le traitement des réclamations clients afin d’y apporter une réponse dans le délai de 2 mois préalable à la saisine du médiateur et, d’autre part, à suivre systématiquement les recommandations qu’il émet pour les litiges instruits en médiation.

 

[1] Loi n°2006-1537 du 7 décembre 2006 relatif au secteur de l’énergie ;

[2] Dans un rapport disponible ici : https://www.energie-mediateur.fr/wp-content/uploads/2020/06/ra-mne-2019-10-propositions.pdf .

[3] Voir en ce sens le décret n° 2005-123 du 14 février 2005 relatif à la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel ;

[4] Voir en ce sens l’article 65 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) commenté dans notre précédente Lettre d’actualité http://www.seban-associes.avocat.fr/projet-de-loi-asap-le-gouvernement-veut-simplifier-le-droit-de-la-commande-publique-par-amendements/

Concessions hydrauliques : la nécessaire remise en concurrence périodique rappelée par le juge administratif

CAA Bordeaux, 16 novembre 2020, Société Fumel Energie, n° 19BX00005

 

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a récemment examiné la situation d’une concession hydroélectrique devant arriver à expiration au 31 décembre prochain et dont l’Etat avait refusé de prolonger la durée.

 

La société concessionnaire avait alors saisi le juge administratif aux fins de solliciter, d’une part, le rétablissement de « l’état antérieur » du contrat, considérant que la décision de refus constituait une modification unilatérale de la concession et, d’autre part, une indemnisation eu égard, selon elle, aux fautes commises par l’Etat en ne lui accordant pas l’ajustement de la durée de la concession qu’elle sollicitait. Tels sont les objets des deux recours déposés par le concessionnaire.

 

Sur le premier recours, la Cour administrative d’appel de Bordeaux considère que la décision de refus ne peut être regardée comme une résiliation de la concession ni comme une modification unilatérale assimilable à une résiliation, dès lors qu’elle ne fait pas obstacle à la poursuite de la concession jusqu’à son terme fixé au 31 décembre 2020 et se borne à refuser la prolongation de la convention.

 

Sur le second recours, la Cour administrative d’appel de Bordeaux considère que l’Etat a à bon droit refusé de prolonger la durée de la concession compte tenu des règles de mise en concurrence et de publicité auxquelles la concession est soumise, qui répondent à un impératif d’ordre public de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation. 

 

Il en résulte que selon la Cour, l’Etat n’a modifié unilatéralement la concession, ni dans sa durée, ni dans son objet, et qu’elle n’a pas davantage rompu l’équilibre économique du contrat :

 

« à supposer même que la convention puisse être interprétée comme permettant au concessionnaire de construire la seconde usine, y compris peu avant le terme de la concession fixé au 31 décembre 2020, en bénéficiant d’une prolongation de longue durée de 40 ans de la concession, elle serait contraire aux exigences fixées par la loi du 29 janvier 1993 laquelle répond à un impératif d’ordre public qui est de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation. Dans un tel cas, le contrat cesserait de pouvoir être régulièrement exécuté postérieurement au 31 décembre 2020. Par suite, la société Fumel Energie n’était pas en droit, comme elle le soutient, d’obtenir une prolongation de la durée de sa concession pour 40 ans ».

 

On retiendra ainsi que la nécessaire remise en concurrence périodique des concessions fait obstacle à ce que les sociétés concessionnaires d’installations hydraulique puissent de droit obtenir une prolongation de la durée de leur concession, quand bien même la concession pourrait être interprétée comme permettant au concessionnaire de construire et exploiter de nouveaux ouvrages peu avant son terme.

Compteurs Linky : pas d’obligation légale pour le consommateur d’accepter la pose ?

Dans cette affaire, plusieurs particuliers avaient fait assigner la société Enedis devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bordeaux pour s‘opposer à l’installation d’un compteur électrique Linky ou en demander le retrait.

 

Ils avaient obtenu partiellement gain de cause devant juge des référés, celui ayant considéré qu’ils justifiaient d’un trouble manifestement illicite par manquement au principe de précaution, en ce que l’installation d’un compteur Linky s’était faite à leur domicile ou y était envisagée sans la pose d’un filtre les protégeant des champs électromagnétiques alors que ces personnes justifiaient de leur électro-hypersensibilité. La société Enedis avait alors été condamnée à installer un tel filtre (commenté dans notre LAJEE).

 

La société Enedis a toutefois relevé appel de la décision, donnant ainsi l’occasion à la Cour d’appel de Bordeaux de se prononcer à son tour sur l’existence ou non d’un trouble manifestement illicite, du fait de la violation du principe de précaution et de la violation d’un défaut d’information, ainsi que sur l’existence de pratiques commerciales trompeuses, et enfin sur l’application des dispositions du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

 

Sur l’application du principe de précaution, le juge estime que le risque environnemental auquel serait exposé les usagers est insuffisant et incertain pour déclencher l’application de ce principe.

 

Sur l’obligation d ‘information, la Cour reconnait qu’Enedis est soumis aux dispositions de l’article L. 111-1 du Code de la consommation qui imposent d’informer le consommateur des caractéristiques essentielles d’un bien ou d’un service

 

En l’espèce, la Cour considère que la société a failli à cette obligation d‘information dans la mesure où certains documents produits par Enedis relatifs au fonctionnement du compter Linky comportaient de fausses informations. La Cour a en effet considéré qu’Enedis masquait, dans sa documentation commerciale, certaines fonctionnalités alors que le compteur Linky « à l’évidence, ne se définit pas comme un simple compteur électrique, successeur moderne des anciens compteurs électromécaniques et des compteurs plus récents à télé-relevé, comme tente de l’affirmer improprement Enedis dans sa notice d’information, se référant aux dispositifs utilisés dans les années 1950 ».

 

Et à cette occasion la Cour juge que « contrairement à ce qu’affirme la société Enedis, aucun texte légal ou réglementaire, européen ou national n’impose à Enedis, société commerciale privée, concessionnaire du service public, d’installer au domicile des particuliers des compteurs Linky, qui entrent certes dans la catégorie des compteurs intelligents ou communicants, c’est à dire pouvant être actionnés et interrogés à distance, mais n’en sont en réalité qu’un modèle utilisant la technologie CPL sur le réseau à basse tension comme premier niveau de communication, un deuxième niveau étant assuré par le réseau de téléphonie mobile GPRD ou Edge ».

 

Ce principe général énoncé par la Cour devrait en principe s’appliquer à tous les consommateurs, et non seulement les personnes sensibles aux champs électromagnétiques. Nous ne savons pas à cette heure si Enedis se pourvoira en cassation contre cette décision.

Accès régulé à l’électricité nucléaire : actualités juridiques

Communiqué de la CRE du 30 novembre 2020 relatif aux demandes ARENH pour 2021

Arrêté du 12 novembre 2020 modifiant l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité

 

I – Règles applicables aux fournisseurs d’électricité concernant les volumes d’ARENH

 

Dans l’attente d’une possible réforme du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), la CRE a précisé, par la délibération du 12 novembre 2020 ici commentée, les règles applicables quant à la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et les principes retenus pour le calcul et la répartition du complément de prix.

 

Ces règles ont vocation à s’appliquer pour le guichet de novembre 2020. Elles reprennent les règles qui avaient été déjà posées pour le guichet de novembre 2019 et que nous avions commentées dans notre brève parue dans la LAJEE n° 55 de novembre 2019.

 

Notamment, la CRE a prévu que dans l’hypothèse où le volume global d’ARENH demandé serait manifestement excessif par rapport au rythme prévisible de développement de la concurrence, la CRE pourra s’écarter de la règle de répartition du plafond au prorata des demandes pour un fournisseur dont les volumes demandés seraient manifestement disproportionnés par rapport à son besoin et qui ne serait pas en mesure de justifier ces volumes.

 

Dans ce cas, les quantités manifestement excessives demandées par ce fournisseur seront écrêtées intégralement. Le cas échéant, la CRE pourra n’attribuer aucun volume d’ARENH au fournisseur concerné.

 

A cet égard, le 30 novembre dernier, la CRE a indiqué avoir reçu pour l’année 2021 un total de demandes de 146,2 TWh d’électricité formulées par 81 fournisseurs (hors fourniture des pertes des gestionnaires de réseau et hors filiales d’EDF), alors que la quantité d’électricité allouée aux fournisseurs au prix de 42 € par MWh demeure plafonnée à 100 TWh.

 

Il apparait que la demande d’ARENH pour l’année 2021 est très légèrement inférieure à celle de l’année dernière (147,0 TWh), déposée par 73 fournisseurs. La CRE explique cette légère baisse par le ralentissement de la concurrence pendant la crise sanitaire et par les anticipations de baisse de la consommation en 2021 liées à cette crise.

 

La CRE a donc procédé à la répartition du volume ARENH de 100 TWh au prorata des demandes des fournisseurs, à l’exception des filiales d’EDF qui ont été intégralement écrêtées (article R336-18 du code de l’énergie et délibération n° 2020-277 de la CRE du 12 novembre 2020).

 

Dans le cadre de cette communication, la CRE a renouvelé sa recommandation aux autorités françaises et européennes d’augmenter le plafond des volumes de l’ARENH, qui n’est plus adapté à la situation actuelle sur le marché français de l’électricité. La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a ouvert cette faculté. La balle est dans le camp du Gouvernement, sous le regard toutefois peu favorable d’EDF qui revendique une augmentation du prix de l’ARENH de 42 € par Mwh.

 

 

II – Nouveau modèle d’accord-cadre ARENH

 

Les relations entre les fournisseurs d’électricité et EDF, producteur d’électricité nucléaire, sont régies par un accord-cadre conformément en  application des dispositions de l’article L. 336-5 du code de l’énergie[1].

 

Les stipulations de cet accord-cadre sont définies et peuvent être modifiées par arrêté du ministre chargé de l’énergie pris sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). 

 

Au cours de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, des conflits d’interprétation sont apparus dans l’application des stipulations de l’accord-cadre ARENH relatives à la force majeure (voir nos commentaires des décisions de justice rendues dans la LAJEE n° 61 de mai 2020).

 

C’est la raison pour laquelle la CRE avait recueilli les positions des acteurs sur les modifications de l’accord-cadre ARENH afin de clarifier les stipulations applicables, notamment en cas de survenance d’un événement de force majeure telle que l’actuelle crise sanitaire. 

 

A l’issue de cette consultation, la CRE a proposé une modification de l’accord-cadre ARENH objet d’une brève dans la LAJEE n° 64 parue en septembre 2020.

 

Ces modifications devaient être arrêtées par le ministre chargé de l’énergie. C’est l’objet de l’arrêté du 12 novembre 2020 qui vient modifier le modèle d’accord cadre.

 

Ce modèle comporte une nouvelle la définition de l’événement de force majeure figurant à l’article 10 de l’accord-cadre. Elle simplifie la définition de l’événement de force majeure et de la rapprocher de la définition de la force majeure figurant à l’article 1218 du Code civil en supprimant de cette clause la référence aux « conditions économiques raisonnables ».

L’accord-cadre précise ensuite les modalités opérationnelles applicables lorsqu’une partie à l’accord-cadre invoque le bénéfice de la force majeure (clarification des délais et des modalités de notification, échanges entre les parties et avec la CRE,…).

L’accord-cadre modifie également les conditions de mise en œuvre de la résiliation anticipée à l’initiative de l’acheteur. Ainsi il est prévu une faculté de résiliation en cas de persistance de l’événement de force majeure : « Si la suspension de l’exécution des obligations des Parties perdure au-delà de deux (2) mois, la Partie non défaillante aura la faculté de résilier l’accord-cadre […] ».

 

Des sujets qui étaient précisément au cœur des débats contentieux pendant la crise sanitaire et qui avaient été tranchés, en référé, en faveur des fournisseurs.

[1] Article L. 336-5 du Code de l’énergie : « un accord-cadre conclu avec Électricité de France garantit, dans les conditions définies par le présent chapitre, les modalités selon lesquelles ce fournisseur peut, à sa demande, exercer son droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique pendant la période transitoire par la voie de cessions d’une durée d’un an ».

 

Projet de loi de finances 2021 : le gouvernement poursuit sa volonté de soutenir la rénovation énergétique des bâtiments publics

La rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État et des collectivités territoriales apparaît comme l’un des enjeux majeurs du plan de relance du Gouvernement, présenté le 3 septembre 2020. Dans cette dynamique, par deux amendements au projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement propose d’assouplir d’une part, le seuil de cofinancement des collectivités territoriales s’agissant de certaines opérations de rénovation énergétique des bâtiments et d’autre part, les conditions de recours au marché de conception-réalisation.

 

Le premier amendement déposé par le Gouvernement[1] constitue une dérogation au seuil minimal de cofinancement par les collectivités territoriales, actuellement fixé à 20 %, pour certaines opérations de rénovation énergétique.

 

En effet, l’article L. 1111‑10 du Code général des collectivités territoriales prévoit que la collectivité territoriale, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, assure une participation minimale à hauteur de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques au projet.

 

Cet amendement permettrait au représentant de l’État de déroger à ce seuil de participation minimale pour le financement d’opérations d’investissement en matière de rénovation énergétique, ayant déjà reçu, sous forme de subventions, des crédits versés à partir de la mission « Plan de relance » à la condition que la collectivité territoriale ou l’établissement de coopération intercommunale bénéficiaire ait observé une baisse de son épargne brute supérieure à 10 % entre le montant de l’exécution 2019 constaté au 31 octobre 2019 et celui de 2020 constaté au 31 octobre 2020.

 

Ainsi, si des crédits ont déjà été alloués pour soutenir les autorités décentralisées (950 millions d’euros de dotation d’investissements pour la rénovation énergétique de bâtiments des collectivités locales prévus par le plan de relance), cette dérogation a également pour objectif de pallier aux difficultés financières des collectivités qui, faute de capacités d’investissement suffisantes, pourraient induire une réduction de leur soutien dans des projets de rénovation énergétique. Aussi, cet amendement permettrait au représentant de l’État d’autoriser que cette participation minimale de la collectivité, maître d’ouvrage, soit comprise entre 0 et 20 %[2].

 

Le second amendement déposé par le Gouvernement[3] concerne les conditions de recours au marché de conception-réalisation.

 

Pour rappel, l’article L. 2171-2 du Code de la commande publique conditionne le recours au marché de conception-réalisation à la démonstration par l’acheteur de l’existence de « motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur » rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage.

 

Cet amendement vise alors à supprimer, jusqu’au 31 décembre 2022, la condition ci-dessus énoncée relative à la démonstration de la nécessité de l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage pour les marchés de conception-réalisation financés par les crédits ouverts par la présente loi au titre de la mission « Plan de relance » et ce, « dans le cadre des opérations de réhabilitation d’un ouvrage ou d’un ensemble d’ouvrages et comprenant des travaux visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments ».

 

L’État et les collectivités territoriales seraient autorisés, dans le cadre de la mise en œuvre des crédits ouverts sur la mission « Plan de relance », à conclure des marchés de conception-réalisation en vue de la rénovation énergétique des bâtiments sans avoir à justifier du recours à ce type de marché, l’objectif poursuivi étant d’accélérer la mise en œuvre de la rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État ou des collectivités, tout en permettant la relance de l’économie et de l’emploi.

 

Si ces deux amendements ont été adoptés, par l’Assemblée nationale, le 27 octobre dernier, lors du vote en première lecture du projet de loi de finances pour 2021, le Sénat a toutefois proposé une modification de cet amendement. En effet, les sénateurs ont considéré que l’amendement proposé par le Gouvernement aurait des conséquences importantes sur l’accès direct des très petites entreprises du bâtiment à la commande publique dans la mesure où elles ne pourraient prétendre décrocher ces marchés puisque cela nécessiterait de disposer d’un bureau d’étude intégré et d’une surface financière adaptée pour porter ce type de projets globaux. Aussi, le Sénat propose de limiter cette généralisation des marchés de conception-réalisation aux marchés d’un montant supérieur ou égal à un million d’euros.

 

 

[1] Amendement n°II-1393, consultable sur http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3360C/AN/1393.

[2] L’exposé des motifs de cet amendement précise que « La part des soutiens financiers apportés aux collectivités au titre des projets de rénovation énergétique pourra être portée au-delà de 80 % du montant total du projet pour celles d’entre elles ayant observé une baisse de leur épargne brute supérieure à 10 % en 2020 ».

[3] Amendement n°II-1394, consultable sur http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3360C/AN/1394.

Pollution de l’air – Irrecevabilité des constitutions de parties civiles d’associations de défense de l’environnement du chef de mise en danger de la vie d’autrui

Cass. Crim., 8 septembre 2020, n° 19-85.004

 

Le 11 mars 2014, l’association Ecologie sans frontière a déposé une plainte simple entre les mains du Parquet de la République de Paris, du chef de mise en danger de la vie d’autrui à raison de faits d’exposition de la population à des polluants atmosphériques, qu’elle estimait résulter de la carence des pouvoirs publics ; cette procédure a fait l’objet d’un classement sans suite le 4 mai 2015.

 

Le 8 juillet 2015, les associations Ecologie sans frontière et Générations futures ont entendu contraindre les poursuites par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instruction.

 

Par ordonnance du 5 juillet 2018 – confirmée par un arrêt de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de PARIS du 3 juillet 2019 -, le magistrat instructeur les a déclarées irrecevables :

  • l’association Générations futures pour manquement au formalisme de l’article 85 du Code de procédure pénale qui exige le dépôt préalable d’une plainte simple auprès du Ministère public, qui ne saurait bénéficier « par ricochet» à une personne autre que le plaignant ;
  • l’association Ecologie sans frontières pour absence de préjudice direct et personnel lié aux faits de pollution dénoncés.

 

La Chambre de l’instruction – dont le raisonnement a été validé par la Chambre criminelle – a considéré que le délit de mise en danger de la vie d’autrui défini comme « le fait d’exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement », ne pouvait porter préjudice à une association personne morale qui, par essence, ne peut exciper d’une exposition au risque d’atteinte à l’intégrité physique.

 

La Cour de cassation entend, par ces deux décisions, réaffirmer les contours de l’action civile portée devant les juridictions répressives en rappelant que le droit qu’elle qualifie, aux termes de ces arrêts, d’« exceptionnel » de se constituer partie civile « appartient uniquement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l’infraction ».

Le Conseil constitutionnel amené à se prononcer sur la constitutionnalité de la réparation du préjudice écologique tel que prévu par le Code civil

Plusieurs associations opposées au nucléaire ont, dans le cadre de pourvois en cassation formés contre l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 10 février 2020 qui a refusé de reconnaître le préjudice desdites associations et, partant, la responsabilité d’EDF lors du dépassement du seuil d’émission de radioactivité de la centrale nucléaire de Golfech en 2016, demandé à la Cour de cassation de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

 

Cette QPC porte sur le fait de savoir si l’article 1247 du Code civil, qui limite la définition du préjudice écologique à une « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » est ou non contraire aux articles 3 et 4 de la Charte de l’environnement, respectivement relatifs à la prévention par toute personne des atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement (ou, à défaut, d’en limiter les conséquences) et à la contribution par toute personne à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement. Les associations soutiennent que ces dispositions, contrairement à l’article 1247 en cause, ne posent pas de limite s’agissant de la gravité du préjudice pour la réparation de ce dernier.

 

La Cour de cassation, dans sa décision du 10 novembre 2020, accepte de renvoyer cette QPC au Conseil constitutionnel, en estimant qu’elle revêt un caractère nouveau « compte tenu de la place croissante qu’occupent les questions relatives aux atteintes portées à l’environnement dans le débat public ».

 

Le Conseil constitutionnel sera donc amené à se prononcer sur cette question dans les trois mois suivant sa saisine.

Le Conseil d’Etat demande au Gouvernement de justifier sa politique de réduction des gaz à effet de serre

Par une décision rendue le 19 novembre 2020, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la requête de la commune de Grande-Synthe et de son Maire, qui sollicitaient l’annulation des décisions implicites de rejet du Président de la République, du Premier ministre et de la Ministre de la transition écologique des demandes formulés auprès de ces derniers de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national de manière à respecter les engagements de la France, de mettre en œuvre des mesures immédiates d’adaptation au changement climatique de la France et, enfin, de prendre toute disposition d’initiative législative et réglementaire afin de « rendre obligatoire la priorité climatique » et interdire toute mesure susceptible d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre.

 

L’un des apports de cette décision est en premier lieu la reconnaissance par le Conseil d’Etat de l’intérêt à agir de la commune de Grande-Synthe, demandeur (mais non de son Maire), et de l’intérêt à intervenir au soutien de cette demande des communes de Paris et Grenoble, du fait de la très forte exposition de ces trois communes aux risques climatiques qui se manifesteront par des inondations accrues et pics de chaleur. La Haute juridiction reconnaît également, de manière plus habituelle, l’intérêt à intervenir de quatre associations au regard de leurs objets, qui visent à lutter contre les atteintes anthropiques à l’environnement.

 

Mais l’apport essentiel de cette décision réside dans la position adoptée par le Conseil d’Etat sur le fond. Si la Haute juridiction rejette certaines des demandes de la Commune, elle examine précisément les engagements de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique, tant au niveau international qu’européen ou interne, en relevant notamment que la France s’est engagée, pour mettre en œuvre l’Accord de Paris, à adopter une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre permettant de parvenir, en 2030, à une baisse de 40% par rapport à leur niveau de 1990.

 

Le Conseil d’Etat relève en outre que, malgré les engagements de la France à réduire, par étapes successives, le niveau de ses émissions de gaz à effet de serre, le Haut conseil pour le climat a relevé les insuffisances politiques menées pour atteindre les objectifs fixés. En effet, il constate que les décrets pris pour mettre en œuvre cette réduction d’émissions ont revu à la baisse ces objectifs pour la période 2019-2023 et prévoient un décalage de la trajectoire de réduction des émissions « qui conduit à reporter l’essentiel de l’effort après 2020, selon une trajectoire qui n’a jamais été atteinte jusqu’ici » et relève en outre que les données scientifiques les plus récentes, publiées notamment par le GIEC, soulignent la nécessité de prendre des mesures le plus rapidement possible.

 

Après avoir exposé ces éléments, le Conseil d’Etat retient qu’il ne dispose pas, en l’état du dossier, de suffisamment d’éléments lui permettant d’apprécier la compatibilité du refus opposé par les défendeurs avec la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre au regard des objectifs de réduction auxquels s’est engagée la France. Le Conseil d’Etat décide dès lors de procéder à un supplément d’instruction afin de déterminer si le refus du Gouvernement de prendre de mesures plus strictes est effectivement compatible avec le respect de l’objectif de réduction des émissions à l’horizon 2030.

 

Le Conseil d’Etat, s’il ne condamne pas à ce stade le Gouvernement à prendre des mesures suffisantes pour respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, lui demande de justifier ses choix à cet égard. Cette décision ouvre donc la porte à une telle condamnation, dans la mesure où le complément d’instruction ne permettrait pas au Gouvernement de justifier de son.

 

Par cette décision, le Conseil d’Etat tend alors à s’inscrire dans la lignée des décisions favorables aux défenseurs du climat dans les nombreux procès dits « climatiques », initiés par l’affaire Urgenda aux Pays-Bas mais il convient d’attendre la fin de cette affaire pour déterminer si cette tendance aura des conséquences juridiques et pratiques.

Des dispositions temporaires dérogatoires pour le transport de gels hydroalcooliques et déchets médicaux

La Ministre de la transition écologique a publié au Journal officiel du 5 novembre 2020 un arrêté permettant de déroger à certaines dispositions de l’arrêté du 29 mai 2009 relatif aux transports de marchandises dangereuses par voies terrestres (dit arrêté TDM) et de l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (dit accord ADR) du 30 septembre 1957, concernant les transports de gels et solutions hydroalcooliques et de déchets médicaux.

 

Les dispositions de cet arrêté, entrées en vigueur le 6 novembre 2020, seront valables jusqu’au 31 janvier 2021 et constituent une adaptation du droit aux conséquences de la crise sanitaire actuelle.

 

L’arrêté prévoit ainsi des règles propres au transport des produits susmentionnés. Ainsi, s’agissant des gels et solutions hydroalcooliques, ces derniers devront être affectés au n° ONU 1170, 1219, 1987 ou 1993 (c’est-à-dire devant correspondre à un numéro permettant d’identifier les matières dangereuses dans le cadre de leur transport, tel que défini par le comité d’experts des Nations Unies pour le transport des matières dangereuses) et être transportés en récipients de 5 litres maximum et en quantité totale de 240 litres maximum par unité de transport lorsque le transport concerne la collecte de ces produits auprès des fabricants et leur livraison auprès des pharmaciens d’officines ou des utilisateurs finaux ; lorsque ces dispositions sont respectées, celles figurant dans l’accord ADR et dans l’arrêté TDM ne sont plus applicables.

 

S’agissant des déchets médicaux, seuls sont concernés les déchets relevant du n° ONU 3291, c’est-à-dire les déchets d’hôpital, non spécifié, n.s.a[1] ou les déchets (bio)médicaux réglementés, n.s.a. L’arrêté prévoit à leur égard une procédure de conditionnement (types d’emballage, suremballage) particulière, qui nécessite un accord écrit entre l’établissement de soins producteur et le collecteur ou le transporteur, en vue de s’assurer de la compatibilité de ces conditionnements avec les chaînes de traitement, notamment des incinérateurs. L’arrêté prévoit également les types de véhicules et les conducteurs pouvant réaliser ces transports. Contrairement aux gels hydroalcooliques, l’arrêté prévoit que les dispositions de l’accord ADR et de l’arrêté TDM autres que celles spécifiées restent applicables.

[1] Non spécifié par ailleurs

Protection des espèces : le projet du Charles de Gaulle (CDG) Express ne répond pas à des raisons impératives d’intérêt public majeur

Par une décision du 9 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil s’est prononcé sur le projet de liaison ferroviaire directe Charles de Gaulle (CDG) Express, devant relier la Gare de l’Est de Paris à l’aéroport Paris Charles de Gaulle, notamment sur les raisons impératives d’intérêt public majeur fondant l’octroi d’une dérogation à la protection des espèces protégées pour ce projet.

Le trajet du projet de CDG Express traversant la commune de Mitry-Mory, celle-ci a sollicité l’annulation de l’arrêté inter-préfectoral portant autorisation environnementale unique du CDG Express, en date du 11 février 2019. Cet arrêté portait notamment, au titre de l’article L. 411-2 4° du Code de l’environnement, dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux sites, aux espèces protégées ou à leur habitat.

Pour rappel, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement interdit en effet de porter atteinte aux sites d’intérêt géologique, aux espèces animales ou végétales protégées ainsi qu’à leur habitat. Des dérogations peuvent néanmoins être accordées selon des conditions cumulatives strictement définies à l’article L. 411-2 4° du Code de l’environnement. Il est ainsi nécessaire :

  • qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ;
  • que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  • que la dérogation vise la protection d’un intérêt, l’octroi d’une dérogation étant notamment prévu dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.

Dans sa décision commentée du 9 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a examiné si le CDG Express répondait à une raison impérative d’intérêt public majeur. Il est intéressant de relever que le juge s’appuie notamment sur le contexte économique et sanitaire actuel, lequel a entrainé une forte diminution de la fréquentation des aéroports, pour considérer que le CDG Express n’est pas justifié par une telle raison. Le juge énonce à cet égard que, « en l’absence de tout élément permettant, à la date du présent jugement, de regarder cette situation comme purement transitoire et conjoncturelle, il ne résulte pas de l’instruction qu’une reprise de la croissance du trafic aérien puisse être anticipée à la date prévisible de mise en service de l’infrastructure litigieuse ».

Le Tribunal administratif de Montreuil considère également qu’il n’est pas établi que la mise en place de la ligne du CDG Express apporterait une contribution significative au maintien de l’attractivité de Paris et de sa région, ni participerait à la réduction de la saturation du RER B, desservant actuellement l’aéroport Paris Charles de Gaulle, ou du trafic routier. Il est néanmoins indiqué qu’ « il ne peut être sérieusement contesté que le transfert modal de la route vers le rail constitue un intérêt public majeur ».

Le juge en conclut que le projet du CDG Express ne peut donc, au regard du changement de circonstances de faits lié à la crise sanitaire actuelle, être regardé comme « constituant une infrastructure indispensable, répondant, par conséquent, à des raisons impératives d’intérêt public majeur ».

Par conséquent, le juge prononce l’annulation partielle de l’autorisation environnementale, en tant qu’elle vaut dérogation à la protection des espèces protégées. Ainsi, l’arrêté préfectoral, en ce qu’il autorise les travaux menés au titre de la police de l’eau et vaut absence d’opposition à des travaux susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, n’est ni annulé ni suspendu dans le cadre de cette décision.

Simplification administrative : création de la Commission de l’économie du développement durable

Le décret n° 2020-1369 du 10 novembre 2020, publié au Journal officiel du 13 novembre 2020, a créé la Commission de l’économie du développement durable.

 

Cette commission a pour mission d’apporter un éclairage économique lors de l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques dans les domaines de l’environnement, de l’énergie, du climat, des transports et du logement, notamment par l’analyse des données statistiques et la confrontation des analyses économiques. Elle est en outre compétente pour conduire des études sur les perspectives et enjeux de ces politiques, à la demande des ministres chargés de l’environnement, de l’énergie, du climat, des transports et du logement. Elle remplace à cet égard quatre organismes ; le conseil économique pour le développement durable, la commission des comptes et de l’économie de l’environnement, la commission des comptes du logement et la commission des comptes des transports de la Nation. La commission de l’économie du développement durable a en effet été créée dans un objectif de simplification administrative, le gouvernement souhaitant réduire le nombre de commissions consultatives.

 

Des formations permanentes assistent la Commission. Au nombre de quatre, leur mission est « d’examiner les comptes et les indicateurs économiques dans les domaines du transport, du logement, de l’environnement, de l’énergie et du climat » (article 3 du décret commenté). En plus de ces commissions permanentes, la Commission de l’économie du développement durable peut également constituer des groupes d’experts afin de répondre à des questions particulières.

 

La Commission se compose de trente-quatre membres ; neuf membres de droit, parmi lesquels le commissaire général au développement durable, le directeur général du Trésor ou encore le président du Haut conseil pour le climat, quinze membres nommés par les ministres de l’environnement, de l’énergie, du climat, des transports et du logement et dix personnalités qualifiées nommées par ces ministres pour leur compétence dans les domaines d’expertise de la Commission.

 

Cette Commission et ses formations permanentes se réuniront au moins une fois par an.