le 23/07/2020

Propriété des colonnes montantes et prise en charge de leur entretien

TJ Nanterre, 4 juin 2020, n° 18/03335

Le Tribunal judiciaire de Nanterre vient de rendre une décision importante concernant cette question épineuse de la propriété des colonnes montantes dans les immeubles à usage collectif et de la prise en charge de leur entretien.

Dans les faits, à la suite d’un important incendie dans l’immeuble appartenant à un office, l’expert judicaire désigné par le Tribunal a déterminé que l’incendie provenait d’une défaillance de l’installation électrique dans l’une des colonnes montantes.

L’assureur ayant été condamné à indemniser les conséquences du sinistre a exercé un recours subrogatoire à l’encontre de la société ENEDIS estimant que celle-ci était bien chargée de l’entretien et de la maintenance de la colonne litigieuse et qu’elle devait être condamnée à supporter définitivement les conséquences du sinistre.

Après avoir confirmé l’origine technique du sinistre telle que décrite par l’expert judiciaire, le Tribunal a donc été amené à déterminer la question de la propriété de cette colonne et de l’identification du débiteur de l’obligation d’entretien de celle-ci.

Dans une décision très argumentée le tribunal a rappelé que la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 et son décret d’application n° 46-2503 du 8 novembre 1946 ont édicté le principe de l’incorporation des colonnes montantes au réseau de distribution publique, une seule exception étant offerte au propriétaire souhaitant expressément en conserver la propriété. Autrement dit, les colonnes montantes électriques appartiennent aux personnes publiques organisatrices de la distribution d’électricité[1], et doivent être entretenues par ENEDIS, au titre de sa mission de gestionnaire dudit réseau.

Reprenant également les moyens soulevés en demande le Tribunal a également rappelé que même en cas d’existence de colonnes montantes à usage collectif, le décret du 29 mars 1955 oblige le concessionnaire à appliquer le même régime que celui en vigueur pour les ouvrages incorporés au réseau.

Le Tribunal a ainsi très justement déduit de ces dispositions que celles-ci ont fait naitre au bénéfice du propriétaire de l’immeuble dans lequel se situent les colonnes, une présomption d’incorporation de celles-ci au réseau public (et donc, par voie de conséquence, l’obligation pour ENEDIS d’en assurer l’entretien, en sa qualité de concessionnaire de la distribution d’électricité) sauf si le concessionnaire parvient à démontrer l’existence d’un refus express du propriétaire.

Dans la décision commentée le tribunal a, sur ce dernier point jugé qu’il appartenait à ENEDIS de combattre cette présomption en apportant la preuve de la volonté expresse du propriétaire de l’immeuble, qu’il avait entendu conserver la propriété des colonnes.

Le Tribunal, constatant l’absence de démonstration de cette volonté de la part du propriétaire a jugé « que la SA ENEDIS n’apporte aucun élément en ce sens. » et a donc jugé que « la colonne montante litigieuse est bien incorporée au réseau public de distribution et son entretien incombe exclusivement à la société ENEDIS qui en assure la concession ».

Enfin, le Tribunal a également rappelé dans cette décision que ce principe avait toujours était la position du Médiateur National de l’Energie et avait été intégré dans les dispositions de la loi ELAN du 23 novembre 2018 créant l’article L. 346-2 du Code de l’énergie.

Cette décision est donc dans la lignée des jurisprudences précédentes et de la loi ELAN mais rappelle avec force que, sauf à ce qu’ENEDIS démontre concrètement que le propriétaire de l’immeuble dans lequel se trouvent les colonnes, a voulu en conserver la propriété, ENEDIS est en charge de leur entretien et est tenue des conséquences d’un éventuel défaut d’entretien sur le fondement de la responsabilité civile issue des dispositions du Code civil en matière de dommages aux tiers.

[1] On relèvera que la décision commentée comporte une légère contradiction en indiquant à certains endroits que le réseau public de distribution d’électricité appartiendrait à ENEDIS, et par ailleurs qu’il appartient aux personnes publiques organisatrices de la distribution d’électricité. Ceci étant, conformément aux dispositions du Code de l’énergie et à la position constante de la jurisprudence administrative comme judiciaire, ce sont bien les personnes publiques qui sont propriétaires du réseau, ENEDIS en étant uniquement le gestionnaire.