Action sociale et médico-sociale : le Conseil d’Etat met fin à l’ambigüité sur la valeur juridique du contrat de séjour

 

Par un arrêt du 5 juillet 2017, le Conseil d’Etat a mis fin au débat relatif à la portée juridique du contrat de séjour en affirmant que les usagers des services et des établissements gérés par des établissements publics étaient placés dans une situation réglementaire, en dépit de la conclusion obligatoire d’un contrat de séjour.

En l’espèce, le litige opposait une personne âgée à  un centre communal d’action sociale gestionnaire d’un service d’aide à domicile. La personne âgée, victime d’une chute dans le cadre d’une prestation d’aide à domicile, a sollicité la réparation de son préjudice. Cette demande a été rejetée par les juges du fond au motif que l’établissement n’avait manqué à aucune de ses obligations contractuelles. Une telle conclusion revenait à considérer que les relations du service et de l’usager étaient régies par le contrat de séjour et que, partant, ce dernier présentait une valeur contractuelle.

Plusieurs cours administratives d’appels ont déjà conclue à la portée contractuelle du contrat de séjour, l’absence de signature d’un tel contrat justifiant la décharge intégrale des titres de perception (CAA Nantes, 18 mai 2007, CCAS de Saint-Malo, n° 06NT00419 ; CAA Bordeaux, 9 mars 2010, CCAS de Mimizan, n° 09BX01402). Or, la Cour administrative d’appel de Nancy avait opéré un premier revirement opère donc un revirement de jurisprudence en prenant en compte le principe selon lequel l’usager d’un service public administratif se trouve nécessairement placé, à l’égard de l’administration, dans une relation « légale et règlementaire » ou encore « statutaire », sans jouir d’aucun droit acquis au maintien des règles d’organisation et de fonctionnement du service (Cour administrative d’appel de Nancy, 30 mai 2011, Centre hospitalier de Gérardmer, n° 10NC01016). La Cour a en effet précisé que même si elles impliquent l’élaboration d’un contrat de séjour ou d’un document individuel de prise en charge, les dispositions de l’article L. 311-4, qui imposent la conclusion d’un contrat de séjour aux services et établissements sociaux et médico-sociaux, n’ont pas pour objet ni pour effet de placer la personne hébergée dans un établissement médico-social dans une situation contractuelle vis-à-vis de cet établissement. C’est en ce sens que, de façon inédite, le Conseil d’Etat a tranché cette controverse jurisprudentielle en considérant que la prise en charge d’une prestation d’aide à domicile par un centre communal d’action sociale, établissement public administratif, a le caractère d’un service public administratif. Les usagers de ce service public ne sauraient être regardés comme placés dans une situation contractuelle vis-à-vis de l’établissement concerné, alors même qu’ils concluent avec celui-ci un contrat de séjour ou qu’il et élaboré à leur bénéfice un document individuel de prise en charge. Par conséquent, il ne s’agit donc pas du régime de la responsabilité contractuelle qui s’applique en l’espèce, mais bien le régime de la responsabilité délictuelle.

Ainsi, il ressort de ce qui précède que les usagers des services et les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des établissements publics ou d’autres catégories de personnes publiques sont dans une situation réglementaire et non contractuelle, en dépit du fait que ces structures ont l’obligation de conclure un contrat de séjour avec les personnes qu’elles prennent en charge.

En revanche, tel n’est pas le cas des personnes privées gestionnaires des services et des établissements sociaux et médico-sociaux, qui sont en très grande partie des organismes à but non lucratif dont les associations. Pour ces dernières, le juge civil admet que les relations entre la personne accueillie ou bénéficiant des prestations d’aide sociale et le service ou l’établissement relèvent effectivement du contrat de séjour.

 

 

Publication d’une note technique permettant de mieux cerner la réforme de l’autorisation environnementale unique, pour les services comme pour les pétitionnaires

Durant la période estivale, les services de l’Etat ont publié une note technique permettant aux services et aux pétitionnaires de mieux comprendre et mettre en œuvre la réforme de l’autorisation environnementale.
Plus précisément, cette directive du 27 juillet 2017 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’autorisation environnementale a pour objet « d’appeler l’attention des services sur les conséquences de la mise en place de cette nouvelle autorisation ».
A ce titre, elle fixe des recommandations dans l’organisation du travail des services et notamment de leur coordination, dans le prolongement du « kit de mise en œuvre de l’autorisation environnementale » diffusé le 21 avril dernier.
Aussi, les recommandations émises par le ministère en charge des questions environnementales portent premièrement, sur l’organisation du travail en phase amont, de manière à éclairer le mieux possible le porteur du projet.
Comme rappelé par cette note technique, cette étape ne doit pas être entendue comme une pré-instruction. Elle a pour objet de permettre un rapprochement – plus ou moins formel – du porteur de projet et des différents services concernés, de manière à faciliter le travail des instructeurs lors de la phase ultérieure, dite « d’instruction ».
Ce rapprochement pourra se traduire de deux manières différentes : celle d’échanges informels (réunions, courriels, etc.) ou celle du certificat de projet, établi à la demande du porteur de projet.
Comme indiqué dans la directive, le certificat de projet sera un véritable fil -conducteur pour le porteur de projet. Il lui indiquera :
–          les régimes/procédures/décisions auxquels il risque d’être soumis ;
–          les étapes de l’instruction ;
–          la liste des pièces requises ;
–          les éléments (juridiques ou techniques) susceptibles de constituer un obstacle à son projet.
Surtout, ce certificat pourra permettre à l’administration et au pétitionnaire de s’accorder sur un calendrier d’instruction dérogatoire, tenant compte des particularités de son projet.
Deuxièmement, la note technique précise l’organisation du travail « en mode projet », pendant l’instruction de la demande, en indiquant le service en charge de la coordination de l’instruction.
Elle met en avant le rôle actif des services coordinateurs qui auront une double mission. D’une part, ils devront servir d’interface entre l’ensemble des services et le porteur de projet. D’autre part, ils instruiront la partie du dossier relevant de leur domaine de compétence.
Cette note indique clairement le besoin de décloisonner les domaines de compétences des services intéressés. Les services coordinateurs devront être capables de synthétiser les contributions des différents services consultés. A ce titre, ils disposeront de formations dans des matières autres que leur spécialité.
Il est également indiqué qu’ils devront mieux se coordonner, et ce à plus grande échelle. Il est fait état en effet, de la volonté de mutualiser à un échelon interdépartemental, voire régional, la gestion des dossiers, de manière à mieux répartir le flux des dossiers.
A la lecture de cette directive, on comprend que les services coordinateurs devront être à même d’identifier les services compétents mais également d’anticiper les plans de charge de ces derniers, de manière à respecter les délais. Il est d’ailleurs rappelé à ce titre que la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée, en cas de dépassement de délai lors de la phase d’examen du dossier.
Troisièmement, la directive précise – de manière concrète – les outils collaboratifs devant être utilisés par les services compétents. Des outils communs de pilotage sont mis en place afin de faciliter les échanges interservices.
Cette note d’instruction illustre donc concrètement la complexité de cette réforme et le temps nécessaire à sa mise en œuvre, afin de permettre la coordination des services concernés.

Annulation de la procédure de passation du contrat de mobilier urbain de la ville de Paris

Le Conseil d’Etat confirmant la décision en première instance, a considéré que la ville avait méconnu les dispositions de son règlement local prohibant toute publicité numérique sur son mobilier urbain.

Par un avis d’appel public à la concurrence qu’il convient désormais d’appeler « avis de concession », publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et dans le Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) les 22 et 24 mai 2016, la Ville de Paris avait engagé une procédure en vue de la passation d’une concession de services relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité.

A la date limite de remise des offres fixée le 3 octobre 2016, seule la proposition de la Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (Somupi) a pu être analysée, la Société Clear Channel France et la Société Extérion Media France, dont les candidatures avaient pourtant été admises, ayant renoncé à déposer une offre.

C’est in fine la Somupi, filiale de la Société J.C. Decaux, qui a été désignée le 28 mars 2017 comme concessionnaire du mobilier urbain d’information municipale et publicitaire de Paris, pour une durée de cinq ans.

En leur qualité de candidat évincé, laquelle est reconnue, pour mémoire, à « tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable » (cf. CE, 11 avril 2012, Société Gouelle, req. n° 355446), les Sociétés Clear Channel France et Extérion Media France ont introduit une requête en référé précontractuel sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative aux fins de voir la procédure annulée.

Les deux Sociétés contestaient notamment la légalité des documents de la consultation qui autorisaient une partie des mobiliers urbains à supporter de l’affichage et de la publicité numérique.

Par deux ordonnances n° 1705054 et n° 1704976 en date du 21 avril 2017, le Juge des référés du Tribunal administratif de Paris a annulé la procédure de passation de la concession de service litigieuse.

En cassation, le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation de la procédure au motif que la publicité numérique sur ce mobilier est interdite par le règlement local de publicité de la Ville de Paris.

En effet, selon la Haute juridiction, il ressort des dispositions du règlement local de publicité, arrêté par le maire de Paris le 7 juillet 2011, que toute publicité lumineuse autre que la publicité éclairée par projection ou par transparence, qui est assimilée à de la publicité non lumineuse, est interdite sur le mobilier urbain à Paris. Dès lors que la publicité numérique n’est pas une forme de publicité éclairée par projection ou par transparence, elle ne pouvait, en toute rigueur, être autorisée.

En outre, est indifférente la circonstance que les dispositions réglementaires du Code de l’environnement aient changé et autorisent désormais la publicité numérique sur le mobilier urbain dans les agglomérations d’au moins 10 000 habitants (cf. art. R. 581-42 de ce Code), dans la mesure où le contenu d’un règlement local de publicité ne peut, par principe, qu’être plus restrictif que les prescriptions nationales applicables.

Le Conseil d’Etat en a déduit que le Juge des référés n’avait entaché son ordonnance ni d’erreur de droit ni de dénaturation en jugeant que la publicité numérique sur le mobilier urbain est interdite par le règlement local de publicité de la Ville de Paris

Réforme du Code du travail : ce que les ordonnances vont changer…

Le contenu des cinq projets d’ordonnances prises en application de la loi d’habilitation du 2 août dernier a été dévoilé par le Premier ministre et la ministre du Travail le 31 août 2017.

Ces textes portent respectivement sur :

‒   le renforcement de la négociation collective (projet d’ordonnance n° 1) ;

‒    la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales (projet d’ordonnance n° 2 ) ;

‒    la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (projet d’ordonnance n° 3) ;

‒    diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective (projet d’ordonnance n° 4) ;

‒    le compte personnel de prévention de la pénibilité (projet d’ordonnance n° 5).

Nous vous proposons de revoir, ci-après, les principaux points de réforme.

Nous attirons néanmoins l’attention de nos lecteurs sur le fait qu’il s’agit d’une étude des projets d’ordonnance susceptibles d’être modifiés avant leur publication au Journal officiel. Ces ordonnances devront en tout état de cause faire l’objet d’un nouveau projet de loi, dit de « ratification », soumis à l’examen des parlementaires en octobre. L’adoption de ce texte est indispensable pour conférer aux ordonnances force de loi.

1 – Vers un renforcement de la négociation collective

Projet d’ordonnance n° 1 relatif « au renforcement de la négociation collective »

Projet d’ordonnance n° 4 « portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective ».

A travers les projets d’ordonnances n° 1 et 4, le gouvernement a souhaité un renforcement de la négociation collective. Nous vous indiquons, ci-après, les principales mesures qui ont retenues notre attention

A – L’articulation entre accords de branche, d’entreprise et d’établissement

Selon le projet d’ordonnance n° 1, trois types de matières de négociations seront désormais délimitées :

–       En premier lieu, les matières dans lesquelles la convention de branche primera impérativement sur la convention d’entreprise conclue avant ou après, sauf si celle-ci assure des garanties au moins équivalentes. Ces matières concernent :

o   les salaires minima hiérarchiques (pas les primes);

o   les classifications;

o   la mutualisation des fonds paritaires;

o   les garanties collectives complémentaires (protection sociale complémentaire);

o   certaines dispositions relatives au temps de travail (par exemple équivalences, travail de nuit, temps partiel…), aux CDD et au travail temporaire ainsi qu’au recours aux contrats à durée indéterminée « de chantier »;

o   l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes;

o   les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai;

o   le transfert conventionnel des contrats de travail quand l’article L.1224-1 du Code du travail ne s’applique pas.

–       En second lieu, les matières pour lesquelles la branche pourra prévoir de faire primer son accord sur la convention d’entreprise conclue postérieurement. Si l’accord de branche prévoit une telle primauté, l’accord d’entreprise ne pourra pas comporter de stipulations différentes, sauf si elle assure des garanties au moins équivalentes. Ces matières portent sur :

o   la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels;

o   l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés;

o   l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux pourraient être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical;

o   les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

–       Enfin, dans toutes les autres matières, les conventions d’entreprise ou d’établissement, antérieures ou postérieures, prévaudront sur les conventions de branche, étant précisé que, en l’absence d’accord d’entreprise ou d’établissement, la convention de branche s’appliquera. Ce serait le « domaine réservé » de l’accord d’entreprise ou d’établissement

B – Sécurisation des accords collectifs

Présomption de validité

Les conventions ou accords répondant aux conditions de validité applicables à la date de leur conclusion seront désormais présumés négociés et conclus conformément à la loi et il appartiendra à celui qui conteste leur validité de prouver le contraire.

Délai de prescription de l’action en nullité

En outre, l’action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord devrait être engagée, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de 2 mois.

Pour les accords d’entreprise, l’action devra être engagée à compter soit de la procédure de notification à destination des organisations disposant d’une section syndicale, soit de la date de publicité de l’accord.

Pour les accords de branche, l’action devra être engagée à compter de leur date de publication.

Modulation des effets dans le temps des décisions d’annulation judiciaire

Enfin, en cas d’annulation judiciaire de tout ou partie d’une convention ou d’un accord, le juge pourrait décider, s’il apparaissait que l’effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, que celle-ci ne produirait ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sans préjudice des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision

C – Favoriser la négociation dans les entreprises sans délégué syndical

Les dispositions relatives à la négociation collective dans les entreprises sans délégué syndical (ci-après dénommé DS) sont entièrement réécrites.

Plus précisément, dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur pourra proposer un projet d’accord aux salariés, portant sur tous des thèmes ouverts à la négociation collective.

Pour qu’un tel accord soit valide, il devra être ratifié à la majorité des deux tiers du personnel. En revanche, faute d’approbation l’accord sera réputé non écrit.

Ces dispositions seraient également applicables aux entreprises entre 11 et 20 salariés sans élu au comité social et économique (nouvelle institution représentative du personnel issue du projet d’ordonnance n° 2, cf. infra).

Dans les entreprises ayant entre 11 et moins de 50 salariés dépourvus de DS, des accords pourront être négociés, conclus et révisés :

  • par un ou plusieurs salariés mandatés par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans la branche ou à défaut au niveau national et interprofessionnel ;
  • ou par un ou des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

Ces accords pourront porter sur tous les thèmes pouvant être négociés par accord d’entreprise ou d’établissement.

Pour être valides, les accords ou avenants conclus avec un ou des membres du comité social et économique devront être signés par celui ou ceux représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

La validité des textes conclus avec des salariés non élus mandatés serait subordonnée à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés dépourvues DS, selon les mêmes modalités qu’aujourd’hui, un représentant du personnel mandaté ou, à défaut, un représentant du personnel non mandaté ou, à défaut, un ou plusieurs salariés mandatés pourront négocier un accord collectif

D – Caractère majoritaire des accords

A compter du 1er septembre 2018, tous les accords d’entreprise et d’établissement devront être majoritaires pour être valides.

En cas d’accord non majoritaire, mais signé par des syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au 1er tour des élections professionnelles, si les syndicats signataires ayant recueilli plus de 30 % des suffrages ne demandent pas une consultation des salariés visant à valider l’accord dans le délai d’un mois, l’employeur pourra lui-même organiser la consultation. Il convient de souligner que cette consultation ne pourra avoir lieu qu’à la condition qu’aucune organisation syndicales représentatives ne s’y oppose

2 – Vers une fusion des instances représentatives du personnel et un renforcement de l’association des représentant du personnel aux décisions de l’employeur

Projet d’ordonnance n° 2 relatif « à la nouvelle organisation du dialogue sociale et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales »

Création du comité social et économique (CSE)

Le projet d’ordonnance n°2 opère l’un des changements les plus marquant de la réforme du Code du travail avec la création d’une instance représentative du personnel unique dénommée le « comité social économique » (CSE).

Cette nouvelle institution se substituera aux délégués du personnel dans les entreprises d’au moins 11 salariés et aux 3 instances d’information et de consultation (DP, CE et CHSCT) dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Dans les entreprises composées d’au moins deux établissements, un CSE centrale d’entreprise et des CSE d’établissement devraient également être créés.

Commission santé, sécurité et conditions de travail

Pour pallier à la disparition du CHSCT, la mise en place d’une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail pourra être prévue par accord collectif ou par accord entre l’employeur et le CSE.

La mise en place de cette commission serait obligatoire dans les entreprises ou établissements distincts d’au moins 300 salariés et pourrait être imposée par l’inspecteur du travail dans les entreprises et établissements distincts de moins de 300 salariés lorsque cette mesure se révèle nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipement des locaux.

Le Conseil d’entreprise

Par accord d’entreprise majoritaire ou de branche étendu, il sera possible d’instituer un Conseil d’entreprise au lieu et place du CSE.

Cette instance unique exercerait l’ensemble des attributions du CSE et serait également compétente pour négocier, conclure et réviser les accords d’entreprise ou d’établissement, à l’exception des accords soumis à des règles spécifiques de validité tels que les accords portant sur un PSE ou les accords portant sur les élections professionnelles.

Entrée en vigueur

Les dispositions relatives au Comité social et économique, au Conseil d’entreprise devraient entrer en vigueur à la date de publication des décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

Des mesures transitoires seraient cependant introduites en faveur des entreprises pourvues de représentants du personnel à la date de publication de l’ordonnance au Journal officiel (JO).

Dans ces entreprises, le comité social et économique serait mis en place au terme du mandat en cours de ces élus et au plus tard le 31 décembre 2019. Corrélativement, les mandats des membres du comité d’entreprise, du CHSCT, de la DUP et des DP cesseraient au plus tard à cette date.

Pendant la durée des mandats en cours et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2019, les dispositions du Code du travail relatives au comité d’entreprise, aux délégués du personnel et au CHSCT demeureraient applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de l’ordonnance au JO.

Les mandats des membres du CE, du CHSCT, de la DUP et des DP arrivant à échéance entre la date de publication de l’ordonnance au JO et le 31 décembre 2018 pourraient être prorogés pour une durée maximale d’un an par décision de l’employeur, après consultation de ces instances.

A noter :

Les dispositions relatives à la protection des salariés détenant ou ayant détenu un mandat de représentation du personnel ainsi qu’aux salariés s’étant portés candidats à de tels mandats resteraient applicables en cas de mise en place des institutions représentatives correspondantes au plus tard le 31 décembre 2017.

3 – Vers une sécurisation des ruptures du contrat de travail

Projet d’ordonnance n° 3 relatif « à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail »

A travers son troisième projet d’ordonnance, le gouvernement a souhaité mettre en œuvre des règles destinées à sécuriser les ruptures du contrat de travail afin notamment de rassurer les employeurs dans le but de les inciter à embaucher.

Les mesures suivantes méritent d’être particulièrement soulignées :

A – Encadrement de la réparation du licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse 

Respect d’un barème d’indemnisation obligatoire

Actuellement, lorsqu’un licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge prud’homal applique une sanction qui diffère selon l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise :

‒      si le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté et travaille pour une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge peut proposer sa réintégration dans l’entreprise ou, à défaut, lui accorder une indemnité d’au moins 6 mois de salaire brut : au-delà de ce minimum légal, le juge apprécie souverainement le montant des dommages et intérêts, qu’il fixe en fonction du préjudice subi par le salarié ;

‒      si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté ou qu’il travaille dans une entreprise de moins de 11 salariés, il a droit à des dommages et intérêts dont le juge apprécie souverainement le montant en fonction du préjudice subi.

A l’avenir, le projet d’ordonnance prévoit que la sanction encourue par l’employeur sera déterminée en fonction d’un barème obligatoire imposant un plancher et un plafond, modulé en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise.

Plus précisément, le juge prud’homal sera tenu de respecter tout à la fois :

–       un montant minimum (plancher), compris entre 0,5 et 3 mois de salaire brut (à partir d’une année complète d’ancienneté). Ainsi, il convient de noter que ce plancher serait de 3 mois de salaire brut pour les salariés comptant au moins 2 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés, contre 6 mois actuellement.

–       un montant maximal (plafond), compris entre 1 et 20 mois de salaire brut, variant en fonction de l’ancienneté.

A noter : 

Le barème s’appliquerait également en cas de prise d’acte de la rupture du contrat ou de résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur.

Cas d’exclusion du barème obligatoire

Ce barème impératif ne pourra pas s’appliquer lorsque le juge constatera que « le licenciement est nul en application d’une disposition législative en vigueur ou qu’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale ».

Seraient plus précisément concernées les nullités afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel, à un licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou en matière de dénonciation de crimes et délits, ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé, ainsi que des protections dont bénéficient certains salariés (maternité, accidents du travail/maladie professionnelles).

Dans ce cas, l’indemnité accordée sera uniquement soumise à un plancher minimal de six mois de salaire.

La revalorisation de l’indemnité légale de licenciement 

En contrepartie du plafonnement de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le gouvernement a annoncé que l’indemnité légale de licenciement (quel qu’en soit le motif) serait revalorisée de 25 % en application d’un décret dont la publication doit intervenir prochainement.

Cette revalorisation ne serait cependant que partielle, puisqu’applicable uniquement aux 10 premières années d’ancienneté.

Le projet de décret prévoit en effet que, pour les années au-delà de 10 ans d’ancienneté, la méthode de calcul retenue est celle du dispositif existant.

Enfin, comme indiqué dans l’ordonnance rendue publique le 31 août 2017 et relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, cette indemnité sera accordée à partir de 8 mois d’ancienneté ininterrompue et non plus un an.

Entrée en vigueur :

Les nouvelles modalités de réparation des licenciements abusifs ou nuls s’appliqueraient aux ruptures notifiées après publication de l’ordonnance.

En cas de litiges, les instances introduites avant cette date se verraient appliquer les règles antérieures, y compris en appel et en cassation.

B – Assouplissement des règles de procédure et de motivation du licenciement

L’ordonnance n° 3 opère une petite transformation en matière de notification du licenciement.

Tout d’abord, selon cette ordonnance, l’employeur pourrait désormais recourir à un modèle-type de lettre de notification du licenciement en cas de licenciement pour motif personnel ou économique. Ce modèle, qui devrait se présenter sous la forme d’un modèle CERFA, devra aussi rappeler les droits et obligations de chacune des parties, précise le projet d’ordonnance.

Ensuite, il est prévu que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement pourront être précisés ou complétés, après notification de celle-ci, soit par l’employeur, soit à la demande du salarié. Un décret devrait fixer les conditions d’application de cette procédure. 

Cette nouveauté a une réelle importance dans la mesure où dorénavant les limites du litige seront fixées non seulement par la lettre de licenciement mais également par les compléments apportés par l’employeur aux motifs énoncés pour démontrer l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

En outre, il ressort du projet d’ordonnance que si le salarié n’a pas formé auprès de l’employeur une demande de précision, et qu’il conteste par la suite la légitimité de son licenciement, ce dernier ne pourrait pas être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d’une insuffisance de motivation. L’intéressé ne pourrait prétendre, à ce titre, qu’à une indemnité pour irrégularité de procédure égale à un mois de salaire maximum.

A contrario, il est légitime de penser que si le salarié a formulé une demande de précision qui n’a pas abouti (soit l’employeur n’y fait pas droit, soit les précisions demeurent insuffisantes), le juge pourra décider que cette absence ou insuffisance de motivation entraîne un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Or, en l’absence de cause réelle et sérieuse, les juges seraient tenus de respecter le barème des indemnités de licenciement sans cause réelle.

Entrée en vigueur :

Selon le projet d’ordonnance, les mesures prévues ci-dessus devraient s’appliquer aux licenciements notifiés après la publication de l’ordonnance. En cas de litige, les instances introduites avant cette date se verraient appliquer les règles antérieures, y compris en appel et en cassation.

C – Unification des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail

Jusqu’à présent, les salariés licenciés avaient un an en cas de licenciement économique pour saisir les juridictions prud’homales et deux ans pour les autres licenciements.

Désormais, le délai imparti au salarié pour contester la rupture de son contrat de travail serait unifié et ramené à 12 mois (sauf contentieux spécifiques – notamment en cas de licenciement avec plan de sauvegarde de l’emploi – ou délais plus courts).

Entrée en vigueur :

Ces dispositions s’appliqueraient aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de l’ordonnance.

D – Simplification des règles spécifiques aux licenciements économiques

Avec un périmètre d’appréciation de la cause économique plus restreint…

Jusqu’à présent, pour les entreprises appartenant à un groupe international, la réalité de la cause économique à l’origine du licenciement était appréciée au niveau du groupe ou du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou aux entreprises situées sur le territoire national.

Désormais, le périmètre d’appréciation de la cause économique de licenciement serait restreint au territoire national lorsque l’entreprise appartient à un groupe international, sauf cas de fraude.

Ainsi, selon le gouvernement, une entreprise appartenant à un groupe international qui souhaite investir en France pourrait le faire sereinement puisqu’elle aura, en cas de difficultés, la possibilité de licencier au sein de sa filiale française, quand bien même la situation financière du groupe ne serait pas en danger.

…et un assouplissement du formalisme des offres de reclassement.

Les modalités d’application de l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique seraient également simplifiées. En pratique, les employeurs devraient toujours faire connaître les offres de reclassement aux salariés concernés mais ne seraient notamment plus tenus d’adresser à chacun les offres pertinentes par écrit. Il pourrait aussi communiquer au salarié l’ensemble des emplois disponibles par tout moyen via une liste (exemple intranet). Les modalités d’application de cette obligation seront précisées par décret

4Modification des règles de recours à certaines formes particulières de travail

Projet d’ordonnance n° 3 relatif « à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail »

A- Simplification du recours au télétravail

Le projet d’ordonnance n° 3 consacre un article entier au télétravail. Le but du gouvernement est de simplifier le recours à cette organisation du travail en instaurant notamment une sorte de « droit au télétravail » afin de mieux répondre à l’évolution de notre société.

Désormais, le télétravail pourra être mis en place dans l’entreprise par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (cf. supra), s’il existe.

L’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur devra préciser :

  • les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail, 
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail,
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail,
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.

D’autre part, le télétravail occasionnel sera possible par simple accord entre l’employeur et le salarié, sans formalisme particulier (exemple par un échange de mail).

Une nouveauté du projet d’ordonnance mérite d’être soulignée : l’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à son salarié doit motiver sa réponse.

En revanche, côté salarié, le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

Autre sujet important, le projet d’ordonnance précise le statut du télétravailleur qui aurait les mêmes droits (notamment, droits collectifs, accès à la formation) que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise.

Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail :

  • d’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions
  • de lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature
  • d’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail. 

Enfin, le projet d’ordonnance clarifie la prise en charge des accidents subis sur le lieu où s’exerce le télétravail. L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant les plages horaires du télétravail est présumé être un accident de travail au sens des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité social ». La prise en charge des accidents du travail se fera dans les mêmes conditions que s’ils étaient dans les locaux de leur employeur.

B- CDD ou intérim

Une convention ou un accord de branche pourrait fixer la durée totale du CDD ou du contrat de mission, le nombre maximal de renouvellements possibles, le délai de carence applicable en cas de succession de contrats sur un même poste et les cas dans lesquels ce délai de carence n’est pas applicable. A défaut de stipulations conventionnelles sur ces points, les dispositions légales s’appliqueraient.

Le recours aux CDD est ainsi simplifié.

C – CDI de chantier ou d’opération

Le recours au CDI de chantier serait possible, outre dans les secteurs où son usage est habituel au 1er janvier 2017, dans les entreprises couvertes par un accord de branche définissant les raisons d’y recourir. Cet accord devrait fixer un certain nombre de critères tels que la taille des entreprises et les activités éligibles ainsi que les contreparties pour les salariés en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement.

Cette disposition est particulièrement intéressante pour les établissements publics d’aménagement.

D – Prêt de main-d’œuvre à but non lucratif

Il serait précisé que les prêts de main-d’œuvre réalisés entre un groupe ou une entreprise d’au moins 5 000 salariés et une jeune entreprise de moins de 8 ans ou une entreprise d’au plus 250 salariés n’ont pas de but lucratif même si le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels afférents à l’emploi du salarié mis à disposition. Ce prêt de main-d’œuvre ne pourrait pas excéder 2 ans.

Corinne METZGER – Avocat Directeur et Meriem KHELIF – Avocat 

La Cour Européenne des Droits de L’Homme : la liberté d’expression des conseillers municipaux

Dans cette affaire, le requérant, maître de conférences en géologie, exerçait les fonctions de conseiller municipal. En qualité de membre des commissions des finances et des appels d’offre de la Commune, il était chargé du suivi d’une opération de sécurisation et d’aménagement du domaine public d’une route située sur le territoire de cette collectivité. Au cours de l’année 2009, il dénonçait au Préfet des Alpes-Maritimes et à la Chambre régionale des comptes ce qu’il considérait comme des irrégularités affectant deux marchés publics relatifs à cette opération de sécurisation et d’aménagement.

Une enquête préliminaire était ouverte concernant le marché de travaux publics critiqué par le requérant.

Dans le prolongement de ces dénonciations, et à l’occasion d’une séance du conseil municipal au cours de laquelle était discuté un avenant au contrat conclu avec la société choisie pour réaliser les travaux en cause, le requérant adressait au Maire ainsi qu’à sa première adjointe les propos suivants : « J’accuse le maire et la première adjointe d’escroquerie […]sur le marché public de la route de la Clave […] et je demande leur démission » ; ces propos étaient rapportés dans le quotidien NICE MATIN. Après dépôt d’une plainte du chef de diffamation, le Tribunal correctionnel saisit déclarait le requérant coupable du délit de diffamation publique, au motif qu’il n’avait pas établi la réalité des faits dénoncés. Alors que la Cour d’appel confirmait ce jugement, la Cour de cassation déclarait le pourvoi formé par le requérant non-admis.

C’est dans ces conditions qu’il saisissait la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme estimant que sa condamnation pénale pour diffamation entraînait une violation de son droit à la liberté d’expression.

Dans son arrêt rendu le 7 septembre 2017, la CEDH considère que la condamnation pénale du requérant pour diffamation publique envers un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public constitue une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression. Elle souligne en outre que cette liberté « précieuse pour chacun, […] l’est tout particulièrement pour un élu du peuple ; il représente ses électeurs, signale leurs préoccupations et défend leurs intérêts » (§ 40). Elle relève enfin qu’une enquête ayant été ouverte par le Procureur de la République, cela signifiait que les informations transmises étaient suffisamment précises (§ 47) et ajoute que « si les propos ont été tenus sur le ton de l’invective, ils étaient fondés sur une base factuelle suffisante » (§ 49).

Enfin et revenant sur la nature de la sanction infligée au requérant – amende de 1.000 euros assortie d’un euro à titre de dommages-intérêts – afin d’évaluer la proportionnalité de l’ingérence, la CEDH rappelle conformément à sa jurisprudence, qu’elle a d’ores et déjà incité les autorités internes à faire preuve de retenue dans l’usage de la voie pénale (Morice c. France, [GC], n° 29369/10, § 176, 23 avril 2015) estimant que « le prononcé même d’une condamnation pénale est l’une des formes les plus graves d’ingérence dans le droit à la liberté d’expression, eu égard à l’existence d’autres moyens d’intervention et de réfutation, notamment par les voies de droit civile » (§ 50).

Un contrat de mobilier urbain qualifié de concession de services

Par une ordonnance en date du 10 août 2017 (TA Toulouse, ordonnance du 10 août 2017, Société Exterion Media, n° 1703247), le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Toulouse qualifie un contrat de mobilier urbain d’information municipale de concession de services.

La commune de Saint-Orens-de-Gameville avait engagé une procédure de consultation en vue de l’attribution d’une concession de service portant sur la mise à disposition, l’installation, la maintenance, l’entretien et l’exploitation commerciale de mobiliers urbains sur son domaine public.

Au terme de la procédure, la société JC Decaux France a été désignée comme attributaire du contrat. La société Exterion Media SA, informée du rejet de son offre, a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant en application de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative (référé précontractuel), afin qu’il annule cette procédure – sur le fondement de l’article L. 551-2 du même code – en faisant valoir que la consultation portait en réalité sur l’attribution d’un marché public soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et non sur l’attribution d’une concession de services – relevant quant à elle de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, rendant ainsi la procédure suivie était irrégulière.

En effet, tout en admettant que ce contrat répondait « à des besoins de la commune », le juge des référés a considéré que le concessionnaire assumait l’ensemble des risques d’exploitation et, partant, que le contrat devait être qualifié de contrat de concession au sens de l’article 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 précitée.

La clarification apportée par l’ordonnance commentée apparaît bienvenue. Par le passé, les contrats de mobilier urbain avaient pu, selon les cas, être qualifiés : (i) de marchés publics de services, dans le cadre desquels la rémunération du cocontractant était constituée par la renonciation de l’administration à percevoir les recettes liées à l’occupation de son domaine public (CE, 4 novembre 2005, Société Jean-Claude Decaux, n° 247298) ; (ii) ou encore de conventions d’occupation du domaine public, notamment car les contrats en cause n’étaient pas considérés comme répondant aux besoins de la personne publique (CE, 15 mai 2013, Ville de Paris, n° 364593 ; cf. également CE, 3 décembre 2014, Etablissement public Tisséo, n° 384170). En cela, l’ordonnance rendue le 10 août 2017 confirme, une nouvelle fois, et conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 précitée, que le critère dit du « transfert du risque d’exploitation » constitue bel et bien la clef de voûte de l’organisation des contrats de la commande publique. Pour autant, elle n’efface pas non plus totalement les incertitudes liées à la qualification des contrats de ce type, dès lors, notamment, que si la part du risque transféré  n’apparaît pas suffisante, la qualification de contrat de concession de services pourrait ne pas être retenue.

Par ailleurs, il est à noter que l’ordonnance semble valider une acception potentiellement large des concessions de services « simples » (c’est-à-dire sans service public). En conséquence, certains contrats jusque-là qualifiés de marchés publics de services, tels que les contrats de bulletins municipaux ou de délégation de service public, comme la réalisation et l’exploitation d’un casino pourraient être, à l’avenir, qualifiés par le juge de concessions de services « simples ».

Décision de l’ARCEP sur les modalités et les conditions d’attribution du statut de « zone fibrée » ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut

L’article L. 33-11 du code des postes et communications électroniques (ci-après « CPCE »), dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, institue un statut de « zone fibrée » et dispose que « [l]e ministre chargé des communications électroniques fixe, sur proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les modalités et les conditions d’attribution du statut de “zone fibrée” ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut ». 

La décision de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après, « ARCEP ») n° 2017-0972 du 27 juillet 2017 proposant au ministre chargé des communications électroniques les modalités et les conditions d’attribution du statut de « zone fibrée » ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut, publié au Journal officiel de la République Française le 19 septembre 2017, constitue la proposition de l’ARCEP en la matière.

A titre de rappel, le statut de « zone fibrée » participe des « mesures facilitant la transition vers le très haut débit » et l’objectif de la décision de l’ARCEP est de mettre en œuvre un statut de « zone fibrée » clair et compréhensible aux yeux des utilisateurs finals (entreprises et particuliers) pour favoriser son appropriation.

En conséquence, l’ARCEP estime que l’attribution de ce statut doit répondre à quatre objectifs.

En premier lieu, les conditions d’attribution de ce statut doivent correspondre à la disponibilité effective de services de communications électroniques basés sur un réseau très haut débit en fibre optique jusqu’à l’abonné pour l’ensemble des logements et des locaux professionnels d’une zone donnée.

En deuxième lieu, ce statut doit être facilement qualifiable et identifiable. En effet, l’article R. 111-14 du Code de la construction et de l’habitation dispose désormais que tous « les bâtiments d’habitation doivent être pourvus des lignes téléphoniques nécessaires à la desserte de chacun des logements, à l’exception des bâtiments situés en “zone fibrée” ». Dès lors, il semble également important de pouvoir identifier très facilement si un logement ou un immeuble se situe en « zone fibrée ».

En troisième lieu, le statut de « zone fibrée » doit pouvoir constituer, pour les collectivités territoriales, un outil de valorisation de leur territoire et également servir aux opérateurs présents sur le territoire pour promouvoir leurs services sous certaines conditions.

En quatrième lieu, la simplicité et l’efficacité doivent présider l’octroi de ce statut dès lors que l’ARCEP entend privilégier la mise en place de démarches d’attribution qui soient aussi simples que possible pour les demandeurs.

La décision de l’ARCEP présente donc, au regard de ces objectifs, les conditions d’attribution du statut, les modalités pratiques de sa demande et les obligations qui sont attachées à ce statut.

S’agissant des conditions d’attribution, La demande du statut de « zone fibrée » devra porter sur une maille géographique correspondant à une ou plusieurs communes, ou arrondissements municipaux dans le cas de Paris, Lyon et Marseille. L’ARCEP considère que l’élection à ce statut ne doit être possible que si les utilisateurs finals dans la zone concernée sont éligibles à un service FttH. En conséquence, l’attribution du statut devrait être liée, d’une part, à la complétude des déploiements réalisés dans la zone et, d’autre part, à la présence effective sur toute la zone d’un ou plusieurs opérateurs commerciaux proposant leurs services FttH sur le marché de détail.

Le demande de statut devra être formulée par l’opérateur chargé de ce réseau et, le cas échéant, par la collectivité l’ayant établi au titre de l’article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales et adressée à l’ARCEP.

L’attribution fait peser sur le demandeur une série d’obligations dont notamment l’obligation de rendre raccordable tout local de la « zone fibrée ».

Droit des Contrats – Rupture de pourparlers

Dans le but de reprendre la totalité de ses actifs, la société X a adressé à la société Y, successivement, deux lettres d’intention confirmant l’intérêt de sa société pour cette reprise à un certain prix.

Après plusieurs modifications du projet d’acte de cession, la société Y a donné son accord.

Toutefois, le jour prévu pour la signature du protocole de cession, les parties ont formulé des interprétations divergentes des termes de la clause concernant le prix de la cession. Celle-ci n’a donc pas été conclue.  Et la société Y a assigné la société X en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers.

La Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel avait justement considéré que la société X, acheteuse, était responsable de la rupture abusive des pourparlers, dans la mesure où elle avait apporté, sur un élément essentiel tel que la détermination du prix, des modifications unilatérales et tardives au projet d’acte de cession et ce, alors que la cession était « négociée avec sérieux depuis plusieurs semaines (…) ».

En conséquence, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir condamné la société X en réparation « des préjudices résultant des dépenses inutiles causées par la négociation et les mesures qu’elle a nécessitées ».

Cet arrêt apporte une très bonne illustration du préjudice que cette responsabilité peut avoir pour objet de réparer, ainsi que de l’ampleur du montant du préjudice, puisqu’en l’espèce le montant du préjudice a été estimé par les juges du fond à une somme de 107.160 euros.

La fraude ne résulte pas de la seule connaissance de l’illégalité d’un acte

Ainsi qu’on le sait maintenant, le régime du retrait des actes administratifs est fixé depuis la jurisprudence Ternon (aujourd’hui repris par l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration) selon lequel sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision (CE, Ass., 26 octobre 2001, req. 97018).

La seule hypothèse permettant le retrait rétroactif d’une décision créatrice de droit est celle de la fraude, le Conseil d’Etat ayant jugé qu’un « acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l’autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré » (CE 29 nov. 2002, req. 223027).

Toutefois, il revient alors à l’administration de rapporter la preuve de la fraude, « tant s’agissant de l’existence des faits matériels l’ayant déterminée à délivrer l’acte que de l’intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait ».

L’intérêt de l’arrêt rendu le 21 février 2017 par la Cour administrative de Marseille est qu’il opère une analyse extrêmement pragmatique et équilibrée de la situation afin d’en déduire qu’on ne pouvait reprocher à l’agent d’avoir commis une fraude.

Les faits sont simples : la commune de Narbonne a concédé à son Directeur général adjoint, qui n’y avait alors pas droit, un logement sans jamais lui notifier la décision pourtant existante qui fixait la contrepartie à 164 euros mensuels, et sans jamais en réclamer le versement.

Ce dernier devait rester dans les lieux alors même qu’il avait muté auprès de la communauté d’agglomération (2008) puis qu’il ait été détaché auprès d’un Office public de l’Habitat (2010).

Le nouveau Maire devait cependant émettre un titre exécutoire d’un montant de 30 000 euros correspondant à 500 euros mensuels, plus de trois ans après que l’agent avait quitté ce logement. Ce faisant, il retirait rétroactivement la décision créatrice de droit née implicitement de son comportement, la somme de 164 euros n’ayant jamais été recouvrée.

La commune, pour contourner le délai de quatre mois alors imposé par la jurisprudence Ternon, a considéré que l’agent, alors directeur général adjoint en charge des affaires juridiques, avait nécessairement de ce seul fait connaissance du caractère manifestement illégal de l’avantage maintenu à son profit après même qu’il avait quitté ses fonctions, caractérisant ainsi la fraude.

Mais la Cour a relevé que la commune n’avait jamais ni rendu l’arrêté d’octroi du logement exécutoire, ni recouvré la somme mensuelle de 164 euros, ni mis fin à l’occupation dudit logement au moment où l’agent avait quitté ses fonctions.

Et donc « dans ces conditions », la seule circonstance que l’agent aurait été chargé des affaires juridiques n’était pas de nature à établir en soit qu’il aurait commis une manoeuvre frauduleuse pour bénéficier de la gratuité du logement qu’il occupait. 

En filigrane, la Cour a considéré que la Commune a été négligente, et qu’elle ne pouvait déduire de la seule qualité de juriste de son agent sa connaissance de l’irrégularité de sa situation pour recouvrer les sommes qu’elle n’avait pas alors réclamées.

Obligation de reclassement de l’administration en cas d’interdiction d’exercer les fonctions prononcée dans le cadre d’un contrôle judiciaire

Pour l’administration, la gestion d’un agent condamné pénalement ou faisant l’objet d’une procédure pénale peut être source d’une grande complexité. Après la question des conséquences à donner aux condamnations inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire incompatibles avec les fonctions de l’agent, une nouvelle question était posée au Tribunal administratif de Caen : que l’administration doit-elle faire d’un agent, placé sous contrôle judiciaire, avec l’interdiction d’exercer son activité professionnelle ?

En l’espèce, l’ordonnance prononçant le placement sous contrôle judiciaire du gardien de la paix lui faisait interdiction de « se livre aux activités professionnelles ou sociales de fonctionnaire de police ».

Après avoir maintenu le versement du traitement de l’agent pendant plus de dix mois alors qu’il n’exerçait plus ses fonctions, le Préfet a décidé de procéder à la répétition des traitements versés, selon lui indûment en l’absence de service fait, ce que l’agent avait donc entrepris de contester devant le Tribunal administratif.

La juridiction a fait droit à la demande de l’agent et a annulé la décision ordonnant la répétition des traitements versés. Elle s’est appuyée pour cela sur le principe posé par l’arrêt Centre hospitalier Henri-Guérin (Conseil d’Etat, 20 avril 2011, n° 334245), selon lequel, si l’absence de service fait implique en principe la privation du traitement, il en va autrement si cette absence est imputable à l’administration.

Cette absence de service fait était-elle imputable à l’administration, alors même que l’agent s’était vu interdire l’exercice de ses fonctions par le juge pénal ?

Le Tribunal donne à cette question une réponse positive, dès lors qu’il considère, d’une part, que l’interdiction de se livrer à toute activité de fonctionnaire de police ne lui interdisait pas l’exercice de toutes fonctions dans l’administration, et que, d’autre part il appartenait à l’administration à ce titre de tenter de reclasser l’intéressée par la voie du détachement ou de la mise à disposition.

L’administration n’ayant pas reclassé son agent, le Tribunal considère que son inactivité était imputable à cette dernière, et qu’elle ne pouvait donc procéder à la répétition de l’indu.

L’on notera enfin que le Tribunal a, comme l’y invitait son rapporteur public, écarté l’application des principes exprimés par la jurisprudence Guisset (CE, Sect., 6 novembre 2002, n° 227147, publié au recueil Lebon), selon lesquels il appartient au fonctionnaire privé d’affectation d’entreprendre des démarches auprès de son administration afin d’en recevoir une.  En l’espèce, la juridiction a en effet considéré qu’il était indifférent que l’agent n’ait pas sollicité d’affectation.

Cette jurisprudence invite donc l’administration qui emploie un agent ayant fait l’objet d’une interdiction d’exercice de ses fonctions dans le cadre d’un contrôle judiciaire, et dans l’hypothèse où, pour une raison ou une autre, elle ne pourrait ou ne souhaiterait pas suspendre l’agent, à rechercher les possibilités de reclassement, y compris si l’agent n’en formule pas le vœu.

Bien que le jugement n’en fasse pas mention, il semble en effet qu’en cas de refus de tout reclassement par l’agent, la jurisprudence Centre hospitalier Henri-Guérin précitée puisse à nouveau trouver application, l’absence de service fait étant alors imputable à l’agent.

Reste néanmoins à s’assurer que cette décision ne sera pas infirmée en appel.

L’annulation d’une décision de placement d’un agent en congé maladie impose de reprendre une décision rétroactive afin de régulariser sa situation administrative

Le Tribunal administratif de Montreuil a annulé, le 6 juin dernier, pour défaut de motivation l’arrêté du 19 juin 2015 par lequel le Maire d’une Commune avait décidé de ne plus accepter les arrêts de travail d’un de ses agents au titre de son accident de service et l’avait placé en congé de maladie. TA Montreuil, 6 juin 2017, n° 1507772

Les premiers juges ont considéré que cette décision n’indiquait pas les raisons, notamment médicales (expertises médicales, avis d’instances médicales…), pour lesquelles un congé pour accident de service avait été refusé à l’agent concerné.

L’annulation d’une décision pour excès de pouvoir a pour conséquence que l’acte annulé est réputé n’être jamais intervenu. Par l’arrêt Rodière (CE, 26 décembre 1925, Rec. Lebon p 1065), le Conseil d’Etat a tiré toutes les conséquences du caractère rétroactif de l’annulation contentieuse en jugeant de la nécessité, pour l’administration, de prendre les actes rétroactifs qu’exige l’annulation pour régulariser la situation administrative d’un agent. Il s’agit d’une dérogation au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, mais avec la nécessité de purger la décision du vice reproché.

En l’espèce, la Commune devait donc statuer à nouveau sur la situation administrative de cet agent à la suite de l’annulation contentieuse du refus de le placer en congé pour accident de service. Cependant, le jugement n’a pas annulé son placement en congé de maladie ordinaire sur le fond en raison par exemple d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une erreur de droit du Maire.

Or, aucun élément médical ne permettait de laisser présumer une rechute de son accident de service et par voie de conséquence que le Maire décide, dans sa nouvelle décision, de lui octroyer un congé pour accident de service.

En exécution de ce jugement, la Commune devait donc reprendre la décision de la placer en congé de maladie ordinaire avec effet rétroactif, afin de régulariser la carrière de cette dernière, mais tout en motivant sa décision en fait et en droit.

En conclusion, une annulation contentieuse d’une décision concernant un agent, pour défaut de motivation, implique que la Collectivité reprenne une décision purgée du vice. Cependant, cette nouvelle décision ne suppose pas que la Collectivité change son appréciation sur le fond si aucun élément du jugement ne lui impose, ni de nouveaux éléments de faits. 

Conditions de recevabilité d’une requête en ouverture d’une mesure de protection judiciaire

Le 20 avril, la Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la recevabilité d’une requête en ouverture de mesure de protection judiciaire.

En l’espèce, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nantes avait saisi le Juge des tutelles aux fins d’ouverture d’une mesure de protection juridique sans produire à l’appui de sa demande un certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le Procureur de la République, comme l’exige pourtant l’article 341 du Code civil.

Néanmoins, il avait produit un certificat du médecin constatant que l’intéressée ne s’était pas présentée aux convocations que ce dernier lui avait adressées.

Le Juge des tutelles a rejeté la demande du Procureur de la République, lequel a alors interjeté appel.

La Cour d’appel de Rennes a infirmé la décision rendue en première instance, considérant que les signalements au parquet, dénonçant l’état du logement de la personne visée par la requête, ses difficultés récurrentes de paiement du loyer, son état de surendettement chronique et ses propos, étaient en faveur d’un diagnostic de pathologie psychotique décompensée et d’une perte de contact avec la réalité, ce dont il résultait qu’elle présentait une altération de ses facultés mentales l’empêchant de pourvoir seule à ses intérêts.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

La 1ère chambre civile a en effet considéré que la requête en ouverture d’une mesure de protection judiciaire ne pouvait être recevable dès lors qu’elle n’était pas accompagnée d’un certificat médical circonstancié du médecin inscrit, fût-il établi sur pièces médicales.

La Cour de cassation précise ainsi le régime de l’article 431 du Code civil, énonçant dans un arrêt dépourvu de toute ambiguïté que, si le recours au certificat de carence lorsque l’intéressé refuse de se soumettre à un examen médical est admissible, ce certificat doit nécessairement être complété par des pièces médicales.

La Haute Juridiction rompt ainsi avec la jurisprudence ancienne qui acceptait que la preuve de l’altération des facultés mentales puisse être rapportée par tous moyens. 

Une proposition de loi pour doter le Fonds d’aménagement numérique territorial

La loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique (ci-après, la « Loi du 17 décembre 2009 ») avait été adopté pour lutter contre la fracture numérique existant entre les agglomérations et les métropoles urbaines connectées au très haut débit, dotées de la fibre et de la 4G, et de l’autre des zones rurales et de montagne, où l’accès au bas débit constitue la norme à laquelle s’ajoute des problèmes de connexion au réseau.

La loi du 17 décembre 2009 a donc créé le Fonds d’aménagement numérique territorial (ci-après, le « FANT ») pour lutter contre cette fracture. Le FANT était inspiré de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (ci-après, « FNCCR ») et du Fonds d’amortissement des charges d’électrification (ci-après, « FACE ») qui avaient été créés, respectivement en 1934 et 1936, pour développer le service public de l’électricité. Le FACE avait pour principal objet d’apporter une aide financière majeure à la construction des réseaux électriques des communes rurales (extensions, renforcements, etc.).

Cependant, en raison de la difficulté que connaissent actuellement les finances publiques, le FANT n’est toujours pas, huit ans après sa création, doté d’un fonds lui permettant d’assurer sa mission. Plusieurs députés, ont donc déposé à la présidence de l’Assemblée nationale, le 8 août 2017, une propose de loi visant à créer une contribution de solidarité numérique pour financer le Fonds d’aménagement numérique territorial.

La proposition de loi comporte un article unique qui a pour objet de créer un article 302 bis KI dans le Code général des impôts. Ce nouvel article instaurerait une contribution de solidarité numérique due par les usagers des services de communications électroniques qui s’élèverait à soixante-quinze (75) centimes par mois et par abonnement. Cette contribution serait recouvrée par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l’article L. 32 du Code des postes et des communications électroniques, qui fournit un service en France et qui fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en vertu de l’article L. 33-1 du Code précité. Cette contribution permettrait ainsi de doter le FANT pour lui permettre de remplir sa mission sans pour autant grever les finances publiques.

Cette proposition de loi a été renvoyée à la commission des affaires économiques et sera donc examinée prochainement par cette dernière.

Rapport d’information sur la couverture numérique du territoire

L’accès au numérique dans des conditions satisfaisantes est une question prioritaire. Les pouvoirs publics ont donc mis en place des programmes dédiés pour assurer un déploiement des infrastructures de communications électroniques. L’objectif étant de garantir une couverture du territoire français en très haut débit de cent pour cent (100%) dont a minima quatre-vingts pour cent (80%) de fibre optique d’ici 2022.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (ci-après, la « Commission ») a donc rendu, le 7 septembre 2017, un rapport d’information sur la couverture numérique du territoire pour but d’établir un état des lieux de la situation et de proposer des directives pour atteindre cet objectif en temps voulu.

En premier lieu, la Commission relève qu’en dépit du fait que l’objectif intermédiaire d’une couverture de cinquante pour cent de la population en très haut débit en 2017 ait été atteint, la répartition des déploiements entre initiatives privée et publiques présente de réelles fragilités qui ne permettent pas de garantir la contribution des opérateurs privées aux objectifs d’aménagement du territoire. En conséquence, la Commission appelle de ses vœux un renforcement du plan France très haut débit pour finaliser le processus de conventionnement avec ces opérateurs mis en place depuis 2013.

En deuxième lieu, la Commission relève également deux insuffisances de précisions susceptibles de compromettre le déploiement du très haut débit dans les zones moins denses. Il existe, d’une part, une imprécision des termes puisque le gouvernement évoqué une couverture de la population en « très bon débit » alors que l’objectif initial était un accès au « haut débit de qualité ». Ce glissement terminologique ne saurait traduire un abaissement de la qualité et il convient de maintenir des ambitions élevées sur la fibre optique pour éviter que la France, d’ores et déjà en retard sur ces homologues européens, ne pâtissent d’un retard numérique. D’autre part, les annonces des opérateurs privées de déployer des infrastructures dans l’intégralité des zones moins denses, y compris dans celles où des collectivités publiques développent leur réseau d’initiative publique (ci-après, « RIP ») posent question. Il convient effectivement de ne pas entraver une dynamique de déploiement qui repose notamment sur les principes de mutualisation et d’ouverture des réseaux entre opérateurs conformément aux objectifs de l’ordonnance n° 2016-526 du 28 avril 2016 portant transposition de la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit.

En troisième lieu, la Commission a relevé une couverture trop partielle du territoire par les réseaux mobiles. Or, cette couverture ne bénéficie pas d’un pilotage comparable à celui du plan France très haut débit alors que la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile se révèle être un enjeu encore plus pressant que le très haut débit. La Commission préconise donc l’adoption d’un plan global d’amélioration et d’extension de la couverture mobile ainsi qu’une révision des programmes de partenariat existants. Elle précise cependant qu’elle se révèlera particulièrement vigilante aux concessions accordées aux opérateurs et que ces dernières doivent s’accompagner de leur part « d’engagements précis, contrôlables, et assortis de sanctions en cas de carence » afin d’éviter un « jeu de dupes » pour les pouvoirs publics.

Loi d’aptation de la société au vieillissement (ASV) : réforme des modalités de compensation de la revalorisation de l’APA à domicile par la CNSA

Le décret n° 2017-1337 du 13 septembre 2017 modifie les règles de calcul du montant de la seconde part du concours attribué aux conseils départementaux par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les deux premières années de montée en charge de la réforme de l’allocation opérée par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV).

L’article L. 14-10-6 du Code de l’action sociale et des familles prévoit en effet que le concours de la CNSA destiné à couvrir une partie du coût de l’allocation personnalisée d’autonomie, ce concours étant divisé en deux parts. La loi prévoit que le montant de la seconde part est réparti annuellement entre les départements en fonction de l’estimation de leurs charges nouvelles résultant de la prise en charge de l’APA à domicile, conformément au décret n° 2016-212 du 26 février 2016 relatif à certains concours versés aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour 2016 et 2017.

Le montant de la seconde part du concours de la CNSA est calculé sur la base de la différence entre l’ensemble des dépenses d’APA à domicile des départements au titre de l’année concernée et le montant des dépenses d’APA à domicile au titre de l’année de référence 2015, majoré de 26,26 millions d’euros.

Le total est ensuite affecté d’un coefficient représentant la part de chaque département au sein des charges nouvelles résultant de la revalorisation de la prise en charge de l’APA à domicile par la loi ASV.

Le décret du 13 septembre 2017 ne modifie pas ce dispositif. En revanche, il garantit aux départements de percevoir les dépenses effectivement engagée pour la revalorisation du l’APA à domicile pour l’exercice concerné. L’article 5 bis nouvellement créé par le décret précité prévoit en effet que si le montant de la seconde part du concours est inférieur à la somme de l’évolution de la dépense d’APA à domicile entre 2015 et l’année au titre de laquelle le concours est attribué, le montant de la seconde part du concours est égal à cette somme.

Les conditions de la surveillance par l’employeur des communications électroniques de ses salariés

Dans un arrêt du 5 septembre 2017 (n°61496/08), la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) est venue préciser le cadre du contrôle par l’employeur des communications électroniques de ses salariés.

En l’espèce, un salarié avait utilisé son compte de messagerie professionnelle à des fins personnelles et ce, alors que le règlement intérieur de l’entreprise le lui interdisait.

Dans ces circonstances, l’employeur a procédé à son licenciement.

Considérant qu’il avait subi une atteinte à son droit à la correspondance, le salarié saisissait le Tribunal de Bucarest puis la Cour d’appel qui jugeaient alors que la surveillance des échanges par l’employeur était l’unique moyen de constater l’infraction au règlement intérieur.

Le requérant saisissait par la suite la CEDH, qui dans un premier temps considérait également que la justice roumaine avait fait preuve d’un équilibre entre le droit à la vie privé du salarié protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et les intérêts de l’employeur.

Néanmoins, la grande chambre de la CEDH, après appel de cette décision, considérait au contraire que la vie privée du salarié n’avait pas été protégée.

Par ailleurs, elle établissait une liste de critères devant être pris en compte : information préalable des salariés, étendue de la surveillance, motifs légitimes […],  afin d’assurer un équilibre entre les droits du salariés et les intérêts de l’employeur.

Cette décision de la Cour ne remet pas en cause le droit français dans la mesure où l’exigence d’information préalable et l’exigence de justification et de proportionnalité existent bien.

Néanmoins, cette décision devrait permettre aux juridictions nationales de s’appuyer sur les critères établis par la CEDH afin de respecter l’équilibre dans la mesure où l’exercice de la vie privée du salarié sur son lieu de travail ne peut être évincée.

Protection des données personnelles : la mise en conformité avec le Règlement européen de protection des données (RGPD)

La mise en conformité avec le Règlement européen de protection des données (RGPD)

1 – Le principe de la responsabilisation des acteurs publics avec une extension et une aggravation des sanctions.Après la loi pour une République numérique d’octobre 2016, le Règlement général sur la protection des données (RGDP) n° 2016/679/UE du 17 avril 2016, entré en vigueur le 18 mai 2016, sera applicable le 25 mai 2018, soit dans huit mois.

Les acteurs publics sont directement concernés, d’autant que la protection des données à caractère personnel prendra une importance accrue avec la mise à disposition des données dans l’OPEN DATA.

La mise en place du chantier du service public numérique s’accompagne d’un renforcement de la protection des données à  caractère personne collectées par les acteurs publics.

Or, avec le Règlement européen, on passe à une logique de responsabilisation, puisque la déclaration préalable à la CNIL est supprimée ; il appartient à la structure de prendre toutes mesures afin de garantir la conformité des traitements de données personnelles et de pouvoir en justifier à tout moment par la tenue d’un registre comportant la description de l’ensemble des traitements et des processus mis en place.

Dans ce contexte la mise en conformité ne pourra se contenter d’un traitement purement technique se rajoutant à l’existant. Il faut établir un ensemble cohérent et fiable, sécurisé, de nature à ne prendre aucun risque de perte de contrôle. Les enjeux sont évidemment financiers, au regard du coût d’un système qui perdrait en fiabilité par défaut d’une structure cohérente, mais aussi au regard des sanctions prévues par le RGDP, plus sévères que celles de la loi pour une République numérique (L. n° 2016-1321, 7 oct. 2016 : JO 8 oct. 2016 : JCP A 2016, 2307).

Les actions doivent donc être engagées dès aujourd’hui pour recenser les applications contenant des données à caractère personnel, mettre en place les mécanismes de sécurité et de protection et procéder à la vérification de la conformité.

Constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur ces données, quel que soit le procédé utilisé.

Rappelons que les informations contenues dans les fichiers informatiques sont considérées comme des données personnelles si elles permettent d’identifier la personne par son nom, son numéro de sécurité sociale, son numéro de téléphone, un identifiant informatique ; la collecte d’adresses IP est considérée comme constituant un traitement de données à caractère personnel (Cass. 1re civ., 3 nov. 2016, n° 15-22.595 : JurisData n° 2016-022669 ; JCP G 2016, 1310, note R. Perray ; JCP E 2016, act. 888).

Ce changement de logique s’accompagne d’un durcissement des amendes encoures, pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros.

Très récemment, en juillet 2017, la CNIL a rendu deux délibérations, sanctionnant les sociétés OUICAR et HERTZ pour manquements à l’obligation de sécurité et de confidentialité des données personnelles. OUICAR a été sanctionnée par le prononcé d’un avertissement public, tandis que la société HERTZ a été condamnée à une amende de 40 000 euros. Ces différences de sanctions résultent de ce que les faits reprochés à OUICAR ont été commis avant l’entrée en vigueur de la Loi pour une République numérique alors que, concernant HERTZ, les faits ont été constatés après l’entrée en vigueur de cette loi qui a élargi le champ d’application des sanctions pécuniaires.

Ces deux décisions montrent l’aggravation des risques encourus en cas de manquement aux obligations définies par la Loi. Ces risques seront d’autant plus importants après l’entrée en vigueur du RGPD que les sanctions prévues seront considérablement alourdies.

2 – Mettre en place une méthodologie et un processus de gestion de la preuve de la conformité

Passant  d’un système actuel de contrôle a priori par la CNIL à un système de contrôle a posteriori dans lequel la collectivité doit pouvoir démontrer les mesures prises et leur efficacité, il va falloir renforcer la sécurisation des données à caractère personnel, s’armer contre les cyberattaques, veiller à leur stockage, à leur destruction, à leur accessibilité aux usagers concernés et empêcher les accès non autorisés de tiers.

Le principe de responsabilité instauré par le Règlement européen implique une gestion proactive, qui intègre les règles de protection en amont, dès la conception (privacy by design) et la collecte des données et tout au cours de leur traitement.

Il s’agit de mettre en place des mesures techniques et logistiques permettant de s’assurer du consentement des personnes à l’utilisation de leurs données selon une finalité définie, d’intégrer les processus de sécurisation des données, d’assurer que le traitement des informations est effectué selon la finalité déclarée et poursuivie et, enfin, de procéder à une anonymisation parfaite desdites données en cas de diffusion.

La procédure passe par un inventaire et une analyse de l’ensemble des traitements existants de données personnelles. Ceux-ci doivent être documentés afin de permettre la tenue du registre futur.

Pour cela, il faut déterminer quelles sont les données personnelles collectées, quelle est la finalité poursuivie, quelles sont les personnes qui y ont accès, quels sont les transferts effectués au sein de l’Union européenne ou à l’extérieur de l’Union européenne.

Il faut identifier les risques et mener une analyse d’impact pour chacun des traitements sur la protection des données.

Ensuite, il faut définir les règles qui doivent être appliquées selon une méthodologie aboutissant à la mise en conformité. Elles doivent prendre en compte les accès autorisés, la confidentialité, le stockage, l’exercice des droits conférés aux personnes dont les données sont traitées. Il faut inclure dans le dispositif tous les sous-traitants et les structures agissant en délégation. Pour cela, il faut vérifier et modifier, le cas échéant, les contrats et y insérer des clauses relatives à la responsabilité et à la confidentialité.

Enfin, il faut mettre en place la chaîne de responsabilité et la gouvernance. La conformité devra être documentée, c’est-à-dire qu’une documentation doit être regroupée dans un registre permettant de connaître et de vérifier les actions et les procédures mises en place pour assurer une protection en continu.

L’autorité de contrôle exercera une surveillance stricte du respect par le responsable de la mise en œuvre du principe de précaution et des exigences mise à sa charge en effectuant une analyse d’impact « lorsqu’un type de traitement est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques » (article 35 du RGPD).

Pour conduire ces opérations d’audit et de mise en conformité, il importe d’avoir recours à un consultant, un correspondant informatique et liberté (CIL), en attendant la désignation d’un délégué à la protection des données (DPO) obligatoire à compter de mai 2018.

Celui-ci sera chargé d’informer et de conseiller la structure, de dialoguer avec les autorités de contrôle afin de réduire les risques d’infraction et de contentieux.

Il faut rappeler que la désignation d’un DPO sera obligatoire dans les cas suivants :

– lorsque le traitement est effectué par une autorité publique ou un organisme public à l’exception des juridictions agissant dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle ;

– lorsque les activités de base du responsable du traitement ou du sous-traitant consistent en des opérations impliquant un suivi régulier et systématique à grande échelle des personnes concernées ;

– lorsque les activités du responsable du traitement ou du sous-traitant concernent des données dites sensibles, telles que les données de santé, les opinions religieuses, les opinions politiques, les appartenances syndicales, les infractions et les condamnations etc…

En clair, le DPO sera obligatoire dans toutes les administrations et organismes publics, au niveau national ou local. Peu importe que les personnes soient soumises au droit privé ou au droit public, dès lors qu’elles exercent une mission de service public.

Toutefois, le RGPD autorise le recours à un DPO mutualisé ou en sous-traitance (article 37) ; les communes pourront se regrouper pour désigner un DPO et mutualiser ses fonctions ce qui aura pour mérite de pouvoir se doter d’un meilleur outil de traitement et de sécurisation des données et d’une organisation plus performante.

Le changement implique également une modification dans la formation des agents, qui doivent être sensibilisés dès la conception de tout nouveau traitement.

Le nombre important de services procédant à la collecte et au traitement de données personnelles dans la « smart city » génère de multiples questions et des risques importants quant à l’usage qui peut être fait de ces données.

Ainsi en est-il en raison de la surveillance de masse assurée par les technologies créées, la captation croissante des données personnelles dans l’utilisation par l’usager des services à sa disposition, la géolocalisation, l’établissement de modèles prédictifs, l’insuffisante anonymisation qui permet d’identifier une personne, la perte de contrôle des données collectées ou leur réutilisation à des finalités non prévues ab initio.

Enfin, bien souvent, la captation de données souffre d’une insuffisance d’information de la personne concernée, voire d’une absence de consentement. Cela a pour effet de rendre impossible ou très compliqué pour une personne de contrôler l’usage qui est fait de ses données et de le contrôler.

Or, le principe fondamental est le respect du droit à l’information des personnes concernées et leur consentement au traitement desdites données.

En outre, ces données doivent être facilement accessibles et la personne concernée doit pouvoir les récupérer sous un format simple afin de les réutiliser à leur convenance (droit de portabilité).

Cela implique de veiller à l’organisation de la structure pour protéger les données et à leur réutilisation pour le développement des nouveaux services, en intégrant des clauses de responsabilité tout au long de la chaîne de traitement, y compris les sous-traitants.

L’utilisation des données doit être encadrée juridiquement, notamment par le biais des licences d’utilisation.

Pour une collectivité, il faudra avoir recours à un responsable de la sécurité des systèmes d’information qui aura le souci de veiller à la sécurité de l’utilisation des données mais aussi à leur hébergement et à leur traçabilité.

À l’heure de la globalisation, le transfert des données est de pratique courante.

Les dispositifs analysés et mis en place dans les territoires expérimentaux en 2017 vont permettre de donner des outils aux autres organismes publics, que ce soit au plan informatique, méthodologique ou règlementaire.

Le compte à rebours a largement commencé, à huit mois de l’application du RGPD.

La transformation induite par l’application du RGPD sera l’opportunité de voir apparaître de nouveaux modèles d’organisation intelligente et la création de nouveaux services.

Danielle Da Palma – Avocat 

Un accident du travail provoqué par un stress d’origine professionnelle peut engager la responsabilité de l’employeur

Dans un arrêt en date du 5 juillet 2017 (n°15-23572), la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que l’accident du travail du salarié avait pour origine un stress d’origine professionnelle et que l’employeur, conscient des nouvelles responsabilités confiées à la salariée, n’avait pas pris toutes les mesures de prévention et de sécurité nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de celle-ci, ce dont il résultait que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité.

Cet arrêt met en lumière l’obligation de sécurité et de résultat pesant sur l’employeur dans la mesure où un accident du travail provoqué par un stress d’origine professionnelle est susceptible d’engager la responsabilité de l’employeur s’il n’est pas apporté la preuve qu’il a pris toutes les mesures de protection nécessaires.

Des limites de l’usage des indemnités d’assurance Dommages-Ouvrage

Le Conseil d’Etat est venu rappeler qu’en dépit de l’objectif de préfinancement des travaux réparatoires d’une assurance Dommages-Ouvrage, la garantie de l’assureur ne peut être mobilisée lorsque le maître d’ouvrage a choisi de renoncer à son projet de construction.

En l’espèce, le maître d’ouvrage, office public de l’habitat (OPH), avait lancé une opération de construction d’un ensemble de logement et a fait face à la défaillance de son entreprise de gros œuvre.

L’office décide alors de démolir les ouvrages réalisés et renonce à construire les logements prévus.

L’assureur Dommages-Ouvrage refuse alors d’indemniser l’office des préjudices subis.

L’OPH saisi le Tribunal administratif de Toulouse qui condamne l’assureur pour un montant inférieur à la demande, condamnation de nouveau diminuée en appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Après pourvoi formé par l’office, le Conseil d’Etat juge, au visa des articles L. 121-17 et L. 242-1 du Code des assurances, « qu’il résulte de ces dispositions que l’assuré est tenu d’utiliser l’indemnité versée par l’assureur en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti pour procéder à la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d’assiette; que, par suite, l’assuré n’est pas fondé à demander à son assureur dommages-ouvrage le versement d’une indemnité excédant le montant total des dépenses de réparation qu’il a effectivement exposées et dont il doit justifier auprès de son assureur »

En conclusion, l’indemnité versée par l’assureur Dommages-Ouvrage ne peut être utilisée que pour la stricte réparation des désordres déclarés.

L’emplacement réservé peut être utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l’usage du terrain (article L. 151-41 du Code de l’urbanisme)

Par une décision en date du 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a apporté une précision sur le régime des emplacements réservés prévus par les dispositions de l’article L. 151-41 du Code de l’urbanisme.

Dans cette affaire, la commune d’Ansouis avait instauré un emplacement réservé destiné à recevoir une voie d’accès à une école ainsi que des places de stationnement alors que ces aménagements existaient à la date d’approbation de la modification du plan d’occupation des sols.

Saisie de la question, la Cour administrative de Marseille a considéré que les dispositions précitées ne pouvaient permettre de réserver un emplacement pour un aménagement d’ores et déjà existant et que la commune d’Ansouis avait, ainsi, commis un détournement de pouvoir.

Le Conseil d’Etat censure cette analyse en considérant :

« 3. Considérant que ces dispositions ont pour objet de permettre aux auteurs d’un document d’urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d’intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d’un droit de délaissement lui permettant d’exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu’elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables ; que s’il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu’il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l’usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l’utilisation de son terrain sous réserve qu’elle n’ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation ».

Le Conseil d’Etat considère ainsi qu’un emplacement réservé peut aussi bien être utilisé pour préserver la destination future d’un terrain que pour en conserver sa destination actuelle.