Le Ministère de l’Intérieur s’y reprend à deux fois sur l’établissement de la grille des nuances politiques aux prochaines élections municipales

Le projet de circulaire du Ministre de l’intérieur du 10 décembre 2019, relative à l’attribution des nuances politiques aux candidats aux élections municipales et communautaires des 15 et 22 mars 2020, a été suspendu par le Conseil d’Etat.

Fortement critiquée en tant, notamment, qu’elle fixait le seuil d’attribution des nuances politiques aux communes de 9.000 habitants et plus, ce projet de circulaire avait en effet été soumis à la censure de la Haute juridiction par le biais de recours en référé-suspension et référé-liberté.

Au total, le Conseil d’Etat a prononcé la suspension de cette circulaire pour trois motifs, dont ledit seuil de 9.000 habitants.

A ce propos, la juridiction relève que ce seuil :

  • conduit à ne pas attribuer de nuance politique dans plus de 95% des communes ;
  • a pour effet de ne pas prendre en compte l’expression politique de près de la moitié des électeurs.

Il faut rappeler que la nuance politique est attribuée de manière discrétionnaire par les services préfectoraux, sur la base des grilles fixées au niveau national, à la suite de l’enregistrement des candidats et listes candidates aux élections, afin de permettre la mise en œuvre de l’application Elections et du Répertoire national des élus.

La nuance politique se distingue de l’étiquette politique du candidat, qu’il choisit librement en fonction de sa sensibilité politique.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat censure l’exception prévue par la circulaire, aux termes de laquelle les résultats d’une liste simplement soutenue par les partis LREM, le MODEM, l’UDI ou par la « majorité présidentielle » auraient été comptabilisés dans la nuance « divers centre », alors, que, pour les autres listes, il aurait fallu strictement une investiture accordée par un parti politique.

Enfin, était critiquée la classification de la nuance « Liste Debout la France » dans le bloc « extrême droite ». Pour considérer qu’un autre doute sérieux quant à la légalité de la circulaire était caractérisé, le Conseil d’Etat note que n’ont pas été pris en compte le programme du parti et la circonstance qu’aucun accord électoral n’a été conclu avec le Rassemblement national pour les élections législatives de 2017 et depuis lors, mais qu’ont essentiellement été prises en compte les déclarations publiques du Président du parti à l’occasion du premier tour des élections présidentielles de 2017.

Prenant acte de cette décision, une nouvelle circulaire  a été édictée par le Ministre de l’Intérieur le 3 février 2020.

Elle fixe un seuil d’attribution des nuances politiques à 3.500 habitants (comme pour les élections municipales de 2008, c’est un seuil de 1.000 habitants qui avait été retenu en 2014), prévoit un traitement égalitaire des partis politiques en prévoyant que le seul soutien par un parti de gauche, du centre et de droite permet de bénéficier de la nuance « divers » afférente, et, enfin, classe la nuance « Liste Debout la France » dans le bloc des listes de droite.

 

Modification des conditions d’instruction des dérogations à l’interdiction de détruire des espèces protégées

Arrêté du 6 janvier 2020 modifiant les conditions d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement

 

Aux termes du 4° de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement le Préfet peut, sous conditions, accorder des dérogations à l’interdiction de détruire des espèces protégées. Un arrêté du 6 janvier 2020 a modifié l’arrêté du 19 février 2007, lequel fixe la procédure d’instruction de ces demandes de dérogation, déterminant notamment les instances devant être consultées.

A ce titre, la demande de dérogation est soumise à l’avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) dans certaines situations définies à l’article 3 de l’arrêté du 19 février 2007. En dehors de ces hypothèses, le Préfet prend sa décision après avis du conseil scientifique régional du patrimoine naturel.

Ainsi, les modifications apportées par l’arrêté du 6 janvier 2020 prévoient que l’avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) n’est plus nécessaire pour les demandes de dérogation constituées en vue de la réalisation de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements soumis à étude d’impact ou à autorisation environnementale.

Toutefois, l’arrêté du 6 janvier introduit un nouveau cas au titre duquel le Préfet devra solliciter l’avis du CNPN ; lorsque, parmi les espèces concernées par la demande, figurent une ou plusieurs espèces mentionnées à l’article R. 411-13-1 du Code de l’environnement. Ces espèces sont celles désignées par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature ; cet arrêté, également en date du 6 janvier 2020, a été publié le 29 janvier 2020 au Journal officiel (arrêté du 6 janvier 2020 fixant la liste des espèces animales et végétales à la protection desquelles il ne peut être dérogé qu’après avis du Conseil national de la protection de la nature).

Par ailleurs, dans les hypothèses où la décision de dérogation est prise après avis du conseil scientifique régional du patrimoine naturel, le Préfet peut désormais solliciter à la place l’avis du CNPN « lorsqu’il estime, à titre exceptionnel, que la complexité et l’importance des enjeux du dossier le justifient ». Cette faculté était auparavant offerte au Préfet lorsqu’il était nécessaire, en raison de l’impact de l’activité sur l’une des espèces concernées, d’examiner la demande dans un contexte plus large que celui de la région considérée. En outre, si le Préfet pouvait antérieurement solliciter l’avis du CNPN en lieu et place de celui du conseil scientifique régional du patrimoine naturel lorsque le tiers des membres de ce conseil scientifique le demandait, cette possibilité a été supprimée par l’arrêté du 6 janvier 2020 modifiant la procédure d’instruction.

Responsabilité de l’Etat pour carence fautive en matière de lutte contre la pollution atmosphérique

La jurisprudence en matière de pollution atmosphérique continue de se développer. Ainsi, par un jugement n° 1709919 du 9 janvier 2020, le Tribunal administratif de Lille a reconnu la carence fautive de l’Etat en matière de pollution atmosphérique, sans toutefois reconnaitre l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et les préjudices invoqués par la requérante liés à une aggravation de sa sinusite chronique. Le Tribunal a ainsi considéré que la requérante était fondée à rechercher la responsabilité de l’Etat dès lors qu’il n’a pas pris, « pour l’agglomération lilloise, un plan de protection de l’atmosphère susceptible de réduire […] le dépassement des valeurs limites de particules fines – PM10 – et de dioxyde d’azote » (§21).

En effet, aux termes de l’article 13 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe : « Les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI. / En ce qui concerne le dioxyde d’azote et le benzène, les valeurs limites indiquées à l’annexe XI ne peuvent pas être dépassées à partir des dates indiquées à ladite annexe […] ». En cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu pour leur application, les Etats-membres doivent adopter des plans relatifs à la qualité de l’air qui doivent prévoir des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible (article 23 de la directive). La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré qu’il s’agissait d’une obligation de résultat (CJUE, 19 novembre 2014, ClientEarth c. The Secretary of State for the Environment, Food and Rural Affairs, n° C-404/13).

C’est donc pour cette absence d’adoption de plan que la faute de l’Etat est reconnue, les moyens invoqués portant sur les manquements aux objectifs de qualité et des objectifs à long terme définis par la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008, les manquements aux obligations découlant des articles 2 et 8 de la convention européenne des droits de l’Homme (tenant respectivement au droit à la vie et au droit à la vie privée et familiale), la carence à mettre en œuvre le droit reconnu à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé (article L. 220-1 du Code de l’environnement) et la carence fautive de ses organes déconcentrés dans la gestion des épisodes de pollution de l’air dans l’agglomération lilloise de la fin de l’année 2016 et du début d’année 2017 n’étant pas retenus par la juridiction.

La décision du Tribunal administratif de Lille s’inscrit dans la lignée des jugements rendus par le Tribunal administratif de Paris le 4 juillet 2019, par le Tribunal administratif de Montreuil le 25 juin 2019 et par le Tribunal administratif de Lyon le 26 septembre 2019 en matière de carence fautive de l’Etat pour pollution atmosphérique. Ces jugements avaient également reconnu la carence fautive de l’Etat sans considérer qu’un lien de causalité existait avec les préjudices invoqués par les requérants.

Toutefois, à la différence de la région parisienne et de Lyon, Lille n’avait pas été mentionnée parmi les zones désignées par la CJUE comme dépassant de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le NO2 (arrêt CJUE, 24 octobre 2019, Commission c/ France, n° C-636/18). Dans cette espèce, la CJUE avait condamné la France pour manquement à ses obligations en matière de lutte contre la pollution de l’air, découlant de l’article 13 de la directive 2008/50/CE, dans certaines zones de la France qui connaissaient de tels dépassements. A cet égard, le jugement du Tribunal administratif de Lille mentionne que la circonstance que « l’agglomération lilloise ne figure pas parmi les seize zones administratives de surveillance de la qualité de l’air pour lesquelles le Conseil d’Etat avait relevé dans sa décision n°394254 du 12 juillet 2017 que les valeurs limites en dioxydes d’azote avaient été dépassées de 2012 à 2014 ni au nombre des trois zones pour lesquelles les valeurs limites en particules fines PM 10 avaient également été dépassées pour ces même années, ni au nombre des douze zones administratives de surveillances de la qualité de l’air pour lesquelles les valeurs limites en dioxyde d’azote avaient été dépassées en 2015 » (§10) ne constitue pas un élément suffisant pour exonérer l’Etat de sa responsabilité, dès lors que la mise en œuvre du plan de protection de l’atmosphère n’a pas permis d’éviter les dépassements de seuils pour la période la plus courte possible.

Office français de la Biodiversité : publication de l’arrêté organisant la contribution financière aux établissements publics des parcs nationaux pour l’année 2020

L’Office français de la Biodiversité (OBF), créé par la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019, est né le 1er janvier 2020 de la fusion de l’Agence française pour la Biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Cette création a été codifiée à l’article L. 131-8 du Code de l’environnement.

La loi de finances pour 2020 (n° 2019-1479) prévoit qu’il doit être institué à compter de cette date une contribution annuelle de l’OFB au profit des établissements publics chargés des parcs nationaux, à hauteur d’un montant compris entre 63 millions d’euros et 68,5 millions d’euros, dans la continuité de la contribution versée jusqu’alors par l’AFB.

Ce montant pour 2020 a été fixé par arrêté du 9 janvier 2020 à 66.5000.000 euros. L’arrêté répartit cette somme entre les onze établissements publics de parcs nationaux, soit des contributions allant de 1.500.000 euros à 7.664.423 euros suivant les parcs. Ces contributions feront l’objet de six versements répartis au long de l’année, de janvier à novembre.

Conditions achat de l’électricité par EDF : pas de dérogation possible aux tarifs fixés par voie réglementaire

Par un arrêt du 22 janvier 2020 qui sera mentionné aux Tables du Recueil, le Conseil d’Etat a précisé que les parties à un contrat d’achat d’électricité produite par une installation bénéficiant de l’obligation d’achat ne peuvent pas déroger contractuellement aux tarifs d’achat fixés par voie réglementaire en retenant un tarif qui serait plus favorable au producteur.

La société Corsica Sole 3, qui exploitait une installation de production d’électricité d’origine photovoltaïque, avait signé un contrat d’achat d’électricité dans le cadre du dispositif d’obligation d’achat prévu par l’article L. 314-1 du Code de l’énergie. Ce contrat prévoyait l’application d’un tarif d’achat dit  » S06  » fixé par l’arrêté interministériel du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité d’origine photovoltaïque. Postérieurement à la conclusion de ce contrat, la société EDF avait informé la société Corsica Sole, société holding de la société Corsica Sole 3, que le tarif applicable à l’installation était en réalité le tarif dit  » S10 « , fixé par un arrêté interministériel du 12 janvier 2010, le tarif initial « S06 », plus favorable à la société Corsica Sole, ayant été intégré au contrat par erreur. EDF précisait également, d’une part, que ce nouveau tarif serait appliqué à l’avenir et, d’autre part, que le trop-perçu résultant de l’application du tarif S06 serait déduit du montant de l’échéance suivante.

Les sociétés Corsica Sole et Corsica Sole 3 avaient alors saisi le Tribunal administratif de Bastia d’une demande tendant à ce que la société EDF soit condamnée à leur verser une somme correspondant au solde non réglé de la facture sur laquelle la société EDF avait appliqué une compensation, ainsi qu’une somme correspondant au préjudice financier que la société Corsica Sole 3 estimait avoir subi du fait de la modification tarifaire.

Le Tribunal avait débouté les sociétés requérantes, mais la Cour administrative d’appel avait accueilli leur demande et condamné EDF à leur verser les sommes en cause.

Faisant application des règles qui s’impose au juge administratif lorsqu’il est saisi par l’une des parties d’un différend ayant trait à l’exécution du contrat, la Cour avait considéré qu’il n’y avait pas lieu d’écarter l’application des stipulations contractuelles (ce que réclamait EDF), dès lors qu’elles n’étaient pas illicites et que l’erreur commise par EDF ne pouvait être regardée comme ayant vicié son consentement. Pour conclure à l’absence d’illicéité de la clause contractuelle retenant un prix d’achat plus élevé que le prix auquel la société Corsica Sole pouvait réglementairement prétendre, la Cour avait considéré que les dispositions réglementaires fixant les tarifs d’achat « ont pour objet de fixer, au seul bénéfice des producteurs d’électricité, les conditions minimales auxquelles EDF est tenue d’acheter l’électricité » et «  que ces dispositions n’ont pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, d’interdire à EDF d’acheter de l’électricité à des conditions tarifaires plus favorables pour les producteurs ».

Au final, la Cour avait estimé qu’EDF ne pouvait se prévaloir de l’illicéité de la clause relative au tarif d’achat, et ce, même si elle résultait d’une erreur de sa part.

Saisi par la société EDF, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel et juge, au contraire, que le tarif d’achat prévu dans le contrat d’achat doit être strictement conforme aux dispositions réglementaires qui en fixent le niveau, lesquelles dispositions ne peuvent être regardées comme fixant un minimum d’achat.

Les rattrapages de facturation et l’interprétation erronée d’Enedis des dispositions de la loi ELAN sur les colonnes montantes épinglés par le nouveau médiateur national de l’énergie dans son « Rapport d’étonnement »

Recommandation du médiateur national de l’énergie D2019-10895 du 5 août 2019

Nommé médiateur national de l’énergie le 25 novembre 2019, M. Olivier Challan Belval a publié sa première « Lettre » et s’est prêté au jeu du « rapport d’étonnement ». Deux sujets principaux ont retenu son attention : la question des rattrapages de facturation des fournisseurs d’énergie et l’interprétation erronée d’ENEDIS des dispositions de la loi ELAN sur les colonnes montantes.

S’agissant des rattrapages de facturation portant sur des périodes assez longues, le médiateur national de l’énergie rappelle que le cadre législatif applicable prévoit l’interdiction de facturer toute consommation d’électricité ou de gaz naturel antérieure de plus de quatorze mois au dernier relevé ou auto relevé, sauf dans trois hypothèses : en cas de défaut d’accès au compteur, d’absence de transmission par le consommateur d’un index relatif à sa consommation réelle, après un courrier adressé au client par le gestionnaire de réseau par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou en cas de fraude (cf. article L. 224-11 du Code de la consommation).

Le médiateur national de l’énergie déplore la perte de temps pour les consommateurs que sa saisine implique alors même que ses recommandations sont fondées sur l’application pure et simple de la loi.

S’agissant de la prise en charge des travaux sur les colonnes montantes, le médiateur national de l’énergie rappelle qu’en application des articles L. 346-1 et s. du Code de l’énergie, issus de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« loi ELAN »), sauf opposition des propriétaires ou copropriétaires, toutes les colonnes montantes d’électricité (mises en service avant la publication de la loi) des immeubles seront intégrées au réseau public de distribution d’électricité, dans un délai de 2 ans à compter de la promulgation de la loi. Ce transfert peut prendre effet immédiatement par simple notification au gestionnaire de réseau de l’acceptation du transfert définitif au réseau public de distribution d’électricité des ouvrages concernés. Il est précisé par ailleurs que le gestionnaire de réseau ne peut s’opposer au transfert ni exiger une contrepartie financière.

Pour autant, regrette le médiateur national de l’énergie, « malgré la loi, Enedis considère que sont seulement à sa charge les travaux de sécurité, mais pas les travaux de renforcement lorsqu’ils s’avèrent nécessaires, notamment pour permettre une augmentation de la puissance délivrée à un consommateur », en violation du texte de la loi ELAN.

Le médiateur national de l’énergie s’était déjà montré soucieux, sur cette question, de prévenir les litiges, et avait pu recommander au gestionnaire de réseau de distribution, « chaque fois qu’une demande d’augmentation de puissance nécessite un renforcement de la colonne montante, de prendre immédiatement et intégralement en charge ce renforcement dont le coût est couvert par le TURPE » (Cf. Recommandation du médiateur national de l’énergie D2019-10895 du 5 août 2019).

Il est à noter qu’en l’espèce le gestionnaire du réseau avait répondu qu’il ne mettrait pas en œuvre cette recommandation.

Ce bras de fer entre gestionnaire du réseau et médiateur national de l’énergie va engendrer de nouveaux contentieux devant le Comité de Règlement des Différends et Sanctions (CoRDIS), compétent pour régler les litiges liés à la non-réalisation de travaux de renforcement dans la mesure où cela constitue un problème d’accès au réseau.

Prime de transition énergétique

Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020

Arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique

Arrêté du 24 mai 2013 relatif aux plafonds de ressources applicables à certains bénéficiaires des subventions de l’Agence nationale de l’habitat

 

Le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique (ci-après le « Décret du 14 janvier 2020 »), ainsi que l’arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique sont venus préciser les conditions et modalités d’attribution de la prime de transition énergétique pour les ménages sous plafonds de ressources, créée par l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 afin de soutenir la rénovation des logements occupés à titre de résidence principale par leur(s) propriétaire(s).

Sont notamment éligibles à la prime de transition énergétique les dépenses portant sur les chaudières à très haute performance énergétique (sauf celles utilisant le fioul comme source d’énergie), les équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude sanitaire fonctionnant au bois ou autres biomasses, ou encore les équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude sanitaire fonctionnant à l’énergie solaire thermique ou avec des capteurs solaires hybrides thermiques et électriques à circulation de liquide.

Distribué pour le compte de l’Etat par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), ce mécanisme de prime finance la réalisation des travaux de rénovation à la triple condition que :

 

Le décret du 14 janvier 2020 prévoit notamment que « pour un même logement sur une période de cinq années consécutives à compter de la date de la première décision d’attribution de prime, le montant cumulé de primes de transition énergétique dont peut bénéficier le ménage ne peut excéder 20 000 euros ».

Le décret interdit qu’un même bénéficiaire puisse cumuler le bénéfice de la prime de transition énergétique, pour une ou des dépenses relatives à des travaux ou prestations identiques réalisés au titre d’un même logement, avec les dispositifs suivants :

  • une aide de l’ANAH délivrée dans les conditions prévues aux articles R. 321-12 et suivants du Code de la construction et de l’habitation ;
  • une aide à l’amélioration de l’habitat délivrée pour l’application de l’article L. 301-1 du même Code, lorsque les logements sont situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion ou à Mayotte.

 

Afin de veiller au respect des dispositions relatives à la prime de transition énergétique, l’ANAH a la possibilité de réaliser ou faire réaliser des contrôles. Ceux-ci peuvent avoir lieu « à tout moment, en particulier afin de vérifier l’achèvement des travaux et prestations financés et leur conformité aux éléments du dossier ayant donné lieu à décision d’octroi de la prime ».

Le bénéfice de la prime de transition énergétique requiert l’acceptation par son bénéficiaire de se soumettre à tout contrôle que pourrait réaliser ou faire réaliser l’ANAH. Le refus de se soumettre à de tels contrôles a pour conséquences :

  • Le retrait de la prime ;
  • Le cas échéant, son reversement ;
  • L’application d’éventuelles sanctions.

Investissements sur le réseau public de distribution d’électricité : conférences départementales et comité (CDSPE)

Depuis la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi NOME), le dialogue entre les autorités concédantes et les concessionnaires, a été renforcé au service d’une meilleure coordination des investissements.

C’est ainsi que chaque année les autorités concédantes et leur gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sont associés dans le cadre de conférences départementales, réunies sous l’égide du préfet, afin d’élaborer conjointement le programme prévisionnel des investissements envisagés sur le réseau. Ces programmes précisent notamment le montant et la localisation des travaux à venir.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a renforcé la coordination de ces investissements en créant le comité du système de distribution publique d’électricité (CSDPE) institué par l’article L. 111-56-1 du Code de l’énergie. Sa création répondait à un objectif d’harmonisation des politiques d’investissement du gestionnaire de réseau et des autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE) au niveau national, en complément des conférences départementales instituées par l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales. 

Dans le cadre de ses travaux, ce comité est destinataire d’un certain nombre de documents visés par l’article R .111-19-10 du Code de l’énergie et en particulier les programmes prévisionnels de tous les investissements envisagés sur le réseau de distribution, établis par les conférences départementales.

L’arrêté du 5 janvier 2020 vient préciser le format des informations (avec le niveau de précisions) que l’autorité administrative doit communiquer au ministre et à Enedis à l’issue des conférences départementales. Il s’agit de diverses données tenant aux :

  • caractéristiques de la consommation et de la production sur le réseau (nombre de points de livraison, nombre de points d’injection, nombre d’installations d’autoconsommation, production raccordée) ;
  • caractéristiques du réseau (longueur des lignes, nombre de postes source et poste de distribution, clients mal alimentés, âge moyen du réseau, critère B) ;
  • investissements sur le réseau (les informations étant apportées par chaque maître d’ouvrage pour : les investissements réalisés à l’année précédant la tenue de la conférence départementale, les investissements prévus de l’année en cours et les investissements prévisionnels de l’année suivante).

Différend portant sur l’accès au réseau et contribution aux travaux d’extension

Une collectivité avait sollicité le raccordement d’une zone d’aménagement concerté sur son territoire auprès de la société Enedis (ex-ERDF), concessionnaire de la distribution publique d’électricité sur ce territoire et gestionnaire du réseau.

Dans ce cadre, le gestionnaire du réseau avait adressé à la collectivité sa proposition de raccordement (PDR) ou devis, chiffrant les coûts des travaux de raccordement rendus nécessaires pour procéder au raccordement demandé (desserte extérieure de la ZAC) et le montant de la contribution due par la collectivité en application de l’article L. 342-6 du Code de l’énergie[1].

La proposition, d’un montant très élevé, comportait en particulier l’adaptation d’un ouvrage existant, à savoir un poste source. De ce fait, la collectivité estimait que la proposition de raccordement comportait dans son périmètre de facturation, des travaux de renforcement du réseau au sens de l’article L. 342-11 du Code de l’énergie, qui ne pouvaient lui être facturés. En effet, les travaux de renforcement du réseau sont couverts par les tarifs d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE) en vertu des dispositions de l’article L. 342-11 du Code de l’énergie et ne peuvent ainsi donner lieu à facturation[2].

Estimant ne pas devoir prendre en charge le coût de travaux d’adaptation du poste source qu’elle regardait comme indûment qualifiés d’extension du réseau, la collectivité avait alors saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (CoRDIS) afin de trancher ce différend.

Par la décision rendue, le CoRDIS a estimé que la société Enedis pouvait mettre à la charge de la collectivité les travaux de renforcement du poste source dans la mesure où ces coûts de renforcement était rendus nécessaires par un raccordement en haute tension (en moyenne tension exactement – HTA) et non en basse tension. A contrario, si le renforcement avait uniquement concerné le réseau basse tension (BT), l’article L. 342-11 du Code de l’énergie aurait été applicable à la demande.

Cette solution – nouvelle à notre connaissance – est tout à fait défavorable aux demandeurs puisque si le périmètre d’une extension peut englober des travaux sur le réseau BT comme sur le réseau HTA, en revanche le renforcement du réseau pris en charge par le TURPE, ne s’entend que d’un renforcement du réseau BT.

En définitive donc le CoRDIS considère que le périmètre d’une opération d’extension du réseau à la charge d’un demandeur puisse comprendre du renforcement d’un réseau HTA.

[1] Article L.342-6 du Code de l’énergie : « La part des coûts de branchement et d’extension des réseaux non couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux publics peut faire l’objet de la contribution due par le redevable défini à l’article L. 342-7 ou par les redevables définis à l’article L. 342-11. La contribution est versée au maître d’ouvrage des travaux, qu’il s’agisse d’un gestionnaire de réseau, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte ».

[2] Voir sur ce point d’ailleurs la Décision du CORDIS de la CRE en date du 8 octobre 2019 sur le différend qui oppose la SCI L’ATELIER à la société ENEDIS et au syndicat départemental d’énergie du Rhône relatif aux conditions de raccordement d’un ensemble immobilier au réseau public de distribution d’électricité.

 

Nouvelle hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité depuis le 1er février 2020

Décision du 29 janvier 2020 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale

Décision du 29 janvier 2020 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental

Décision du 29 janvier 2020 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale

Décision du 29 janvier 2020 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité Jaunes et Verts applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale

 

 

En vertu de l’article 337-7 du Code de l’énergie modifié par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, les tarifs réglementés de vente d’électricité (ci-après les « TRVE ») bénéficient, depuis le 1er janvier 2020, aux consommateurs disposant d’une installation d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères et appartenant à l’une des deux catégories suivantes :

  • consommateurs résidentiels (y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d’un immeuble unique à usage d’habitation) ;
  • consommateurs professionnels qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros.

Les consommateurs d’électricité ne répondant pas à ces critères doivent souscrire à des offres de marché proposées par tous les fournisseurs d’énergie.

Par une délibération du 16 janvier dernier, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a proposé une hausse moyenne des TRVE de 3,1 % hors taxes pour un montant de 3,6 euros par mégawattheure (MWh) consommée (soit 2,4 % TTC).

Pour les consommateurs résidentiels en France métropolitaine, cette hausse représenterait une augmentation de 21 euros sur la facture annuelle. Parmi ses justifications de la hausse, il y a notamment le rattrapage de la hausse insuffisante des TRVE sur l’année 2019.

En effet, la CRE avait proposé en février 2019 une hausse moyenne de 5,9 % TTC pour les tarifs résidentiels, mais le gouvernement avait préféré s’y opposer temporairement, en utilisant le délai de trois mois pour prendre sa décision, afin de reporter une hausse inopportune des tarifs pendant un hiver agité par le mouvement des « gilets jaunes ».

C’est pourquoi la CRE a proposé, au moins de janvier dernier, de rattraper cette absence de hausse des tarifs sur le premier semestre de 2019 en augmentant les TRVE pendant deux ans à un rythme de 2,25 euros par MWh (avec une possible réévaluation à la baisse ou à la hausse lors du prochain mouvement tarifaire).

Dans ce cadre, le ministre de l’économie et des finances et le ministre de la transition écologique et solidaire ont pris, le 29 janvier 2020, quatre nouvelles décisions distinguant quatre catégories de tarifs existants (consommateurs résidentiels, consommateurs non résidentiels, tarifs applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental et tarifs Jaunes et Verts).

Ces décisions ont été publiées au Journal Officiel du 31 janvier 2020 et sont applicables depuis le 1er février 2020.

Marché de l’électricité : lancement d’un appel à contributions pour une « nouvelle régulation économique du nucléaire existant »

Le 17 janvier 2020, le Gouvernement a lancé un appel à contributions sur son projet de réforme de l’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (ci-après l’« ARENH ») par la mise en ligne d’un document portant « Nouvelle régulation économique du nucléaire existant ».

Introduit par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, le dispositif transitoire (jusqu’en 2025) de l’ARENH permet aux fournisseurs alternatifs d’électricité d’acheter l’électricité d’origine nucléaire produite par la société EDF à un prix régulé (art. L. 336-1 et suivants du Code de l’énergie).

La quantité d’électricité à céder par EDF dans ce cadre ne peut excéder un plafond fixé par arrêté dans la limite annuelle de 100 térawattheures (TWh), soit environ un quart de sa production nucléaire. Depuis un arrêté du 28 avril 2011, ce plafond est fixé à son maximum légal et, depuis le 1er janvier 2012, son prix est de 42 euros par mégawattheure (MWh). Le dispositif a fait l’objet d’une validation par la Commission européenne en 2002.

Face à des prix élevés sur les marchés de gros de l’électricité, les demandes des fournisseurs pour bénéficier de l’ARENH ont atteint un volume total de 133 TWh pour l’année 2019 et de 147 TWh pour l’année 2020, dépassant le plafond l’ARENH fixé à 100 TWh pour les premières fois depuis sa création.

Pour répondre à cette situation inédite, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (art. 62) a modifié les articles L. 336-2 et L. 337-16 du Code de l’énergie pour permettre au Gouvernement de (i) relever le plafond de l’ARENH à 150 TWh et/ou (ii) de faire évoluer son prix. Ces modifications dépassent néanmoins le cadre validé par la Commission européenne en 2002.

Et c’est le principal point de blocage au relèvement du plafond ou du prix de l’ARENH pour l’année en cours : obtenir la validation de la Commission européenne demanderait trop de temps, agir sans cette validation serait trop risqué.

Pour l’année 2020 donc, la société EDF cédera à ses concurrents sa production électronucléaire dans la limite d’un volume de 100 TWh et au prix de 42 euros par MWh. Pour les demandes dépassant le plafond de 100 TWh, la méthode d’écrêtement de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) sera également reconduite pour 2020 (voir notre précédente brève à ce sujet).

Mais le statu quo n’est que temporaire car l’ambition gouvernementale, fixée dans le cadre de la prochaine Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE – dans sa version projet du 20 janvier 2020), est de mettre fin au système de l’ARENH (qui n’est que transitoire puisque prévu jusqu’en 2025) et de préparer une « nouvelle régulation du nucléaire existant » dont l’objectif est double :

  • permettre de « garantir la protection des consommateurs contre les hausses de prix de marché au-delà de 2025 en les faisant bénéficier de l’avantage compétitif lié à l’investissement consenti dans le parc nucléaire historique » ;
  • donner « la capacité financière à EDF d’assurer la pérennité économique de l’outil de production pour répondre aux besoins de la PPE […] ».

Dans cette perspective, le Gouvernement a dévoilé, dans le document de consultation commenté, les grandes lignes de la future régulation économique du nucléaire destinée à se substituer au dispositif de l’ARENH après 2025 et a formulé six questions à l’attention des acteurs de marché et de toutes parties intéressées (voir au lien ici).

Leurs réponses sont attendues jusqu’au 17 mars 2020 sur une adresse électronique dédiée du ministère de la transition écologique et solidaire (consultation-regulation-nucleaire-existant@developpement-durable.gouv.fr).

Le régime de la prime de transition énergétique

Arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique

Le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique, accompagné d’un arrêté du même jour, précise les conditions et le régime de ce dispositif destiné à remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique. Le décret expose les conditions d’accès à la prime, puis son régime.

La prime de transition énergétique est destinée aux propriétaires qui disposent de revenus inférieurs à un plafond déterminé par l’arrêté. Sur le plan matériel, la prime de transition énergétique concerne certains logements et certains travaux seulement. En effet, elle est accordée aux logements occupés à titre de résidence principale et achevés depuis plus de deux ans à la date du début des travaux, de surcroît uniquement pour les travaux qualifiés de « dépenses éligibles » figurant à l’annexe 1 du décret (article 2).

Le régime de la prime est également encadré par le décret. L’article 6 prévoit que la prime de transition énergétique est gérée pour le compte de l’Etat par l’Agence nationale de l’habitat (Anah). La demande de prime peut être établie par la personne à qui elle bénéficiera ou un mandataire (article 5).

S’agissant de la réalisation des travaux, l’article 3 énonce qu’ils ne peuvent pas être engagés avant délivrance de l’accusé de réception de l’Anah de la demande de prime. Cependant, le directeur de l’agence peut accorder une dérogation en cas de risque pour la santé ou la sécurité. Les travaux doivent être achevés dans un délai d’un an à compter de la notification de la décision attribuant la prime, de 6 mois en cas de versement d’une avance ou de trois ans pour les parties communes (article 2, III-IV).

Le montant de la prime est fixé forfaitairement par type de dépense éligible en fonction de différents critères : les ressources du demandeur, la partie de l’immeuble ou l’équipement concerné, ainsi que des travaux pouvant être qualifiés de « dépense éligible », suivant la liste figurant en annexe du décret (article 3, I).

L’article 3 du décret prévoit des limites à la prime de transition énergétique. En premier lieu, le montant total de la prime et les aides énoncées par l’article comme celles perçues au titre des certificats d’économie d’énergie, ne peuvent laisser moins de 25% de la dépense éligible à la charge du bénéficiaire, ou pas moins de 10% pour les ménages dont les revenus sont inférieurs ou égaux à un certain plafond. En deuxième lieu, le montant cumulé des primes pour un même logement ne peut excéder 20.000 euros sur cinq années consécutives à compter de la date de la première attribution de prime. En troisième lieu, non seulement le montant total des aides publiques et privées ne peut être supérieur au montant total d’une même dépense éligible (article 3, VI), mais, en outre, la prime de transition énergétique n’est pas cumulable avec les autres primes de l’Anah (article 3).

L’Anah peut réaliser ou faire réaliser tout contrôle nécessaires au respect, par le demandeur, des dispositions relatives à la prime de transition énergétique (article 10). En cas de non-respect des dispositions, l’Agence peut retirer partiellement ou en totalité la décision attribuant la prime, entraînant un éventuel reversement de tout ou partie des sommes perçues.

Consultation publique sur le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

Un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux est ouvert à la consultation depuis le 20 janvier 2020, jusqu’au 9 février 2020. Cette consultation a pour objet d’intégrer les évolutions posées par le troisième cycle de gestion de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000, sur la période 2022-2027. Outre des ajustement rédactionnels, la consultation propose donc deux modifications de fond.

D’une part, elle vise à amender les règles de participation du public applicables aux SDAGE et aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), en intégrant les modifications prévues par le décret n° 2018-847 du 4 octobre 2018. Ce décret fait lui-même suite à l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public. A titre d’illustration, les modifications envisagées de l’article 1, II de l’arrêté du 17 mars 2006 visent à ce que les SDAGE soient accompagnés, en annexe, d’un résumé des dispositions prises pour recueillir les observations du public et l’avis des assemblées et organismes consultés. Ce résumé s’ajoute aux autres documents d’accompagnement comme la synthèse sur la tarification et la récupération des coûts. De plus, le futur article 2 de l’arrêté introduirait l’obligation pour les projets de SDAGE mis à la disposition du public d’être accompagnés de l’avis de l’autorité environnementale. En outre, le projet prévoit de modifier l’article 12, VI du décret pour ajouter un 3° selon lequel le résumé des dispositions concernant le recueil des observations du public et des avis comprendrait la déclaration prévue à l’article L. 122-9 du Code de l’environnement.

D’autre part, la consultation envisage d’inclure des précisions sur le contenu des SDAGE pour la période 2022-2027. Premièrement, le projet d’arrêté modifie l’article 6 et fixe les dates d’échéance des objectifs pour chacune des masses d’eau mentionnées dans les tableaux de synthèse mentionnés à l’article 8 de l’arrêté du 17 mars 2006. Deuxièmement, il modifie l’échéance de réalisation des objectifs d’état chimique en fonction des évolutions de la directive 2013/39/CE relative aux substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau. L’échéance est portée à 2033 pour les substances dont les normes de qualité environnementales ont été modifiées par la directive, et 2039 pour les substances introduites par la directive. Troisièmement, il prévoit la réécriture de l’article 10 de l’arrêté du 17 mars 2006 relatif aux objectifs spécifiques aux zones de protection des prélèvements d’eau destinée à la consommation humaine. L’arrêté aujourd’hui en vigueur énonce que les objectifs spécifiques aux zones de protection des prélèvements d’eau destinés à la consommation humaine sont présentés sous la forme d’une carte des zones où des objectifs plus stricts sont fixés, et d’une carte des zones à préserver en vue de leur utilisation future pour les captages destinés à la consommation humaine. D’une part, le nouvel article 10 préciserait qu’une liste, présentant « a minima » le ou les captages soumis à des objectifs plus stricts en application de l’article R. 212-14 du Code de l’environnement, s’ajoute au registre des zones protégées prévu à l’article R. 212-4 du Code de l’environnement. En effet, l’arrêté aujourd’hui en vigueur prévoit qu’une version abrégée du registre doit figurer dans les documents accompagnant le SDAGE. Le nouvel article ajouterait également que ces captages sont soumis aux normes de qualités fixées pour les eaux brutes de l’arrêté du 11 janvier 2007, « notamment pour les nitrates et les pesticides ». D’autre part, le nouvel article 10 modifierait les dispositions relatives aux zones à préserver en vue de leur utilisation future : il ajouterait que la cartographie de ces zones doit mentionner leurs limites, ou à défaut des masses d’eaux concernées par ces zones.

Le projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée

Mercredi 29 janvier 2020 en Conseil des ministres, le gouvernement a présenté le projet de loi relatif au parquet européen et à la juridiction pénale spécialisée. En particulier, ce projet de loi prévoit une nouvelle convention judiciaire pour les délits prévus par le Code de l’environnement d’une part, ainsi que des dispositions relatives à l’organisation de la justice en matière environnementale d’autre part.

S’agissant de la convention judiciaire d’intérêt public, l’article 8 du projet de loi envisage l’insertion d’un nouvel article 41-1-2 dans le Code de procédure pénale indiquant que la convention judiciaire peut être conclue entre le procureur de la République et une personne morale mise en cause au titre des délits prévus au Code de l’environnement ainsi que des infractions connexes, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement.

La convention judiciaire peut contenir jusqu’à trois obligations différentes. D’abord, elle peut obliger à payer une amende, dont le montant est fixé au regard des avantages tirés des manquements, dans la limite de 30% du chiffre d’affaires. Les versements peuvent être échelonnés dans une période qui ne peut dépasser 1 an. Ensuite, elle peut obliger la personne morale à régulariser sa situation. La mise en conformité sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement. Enfin, elle peut obliger à réparer un éventuel préjudice écologique dans un délai maximum de 3 ans.

L’article 8 concerne également le régime de la convention judiciaire. Tous les frais engagés, notamment relatifs aux expertises techniques nécessaires pour accompagner la personne morale mise en cause, sont supportés par cette dernière et ne peuvent être restitués en cas d’interruption de l’exécution de la convention. De plus, si une victime est identifiée, la convention a vocation à prévoir également la réparation de son préjudice dans un délai maximal d’un an. Le montant de l’amende et la convention sont publiés sur les sites du ministère de la justice, du ministère chargé de l’environnement et de la commune ou de l’EPCI sur le territoire duquel a été commise l’infraction. Ce dispositif vise à permettre un traitement rapide des affaires dont l’enjeu financier est important.

S’agissant du volet institutionnel de la réforme en matière de délits environnementaux, le projet de loi envisage la création de pôles interrégionaux spécialisés en matière d’atteinte à l’environnement et à la santé publique. Ainsi, le nouvel article 706-2-3 du Code de procédure pénale permettrait l’extension de la compétence territoriale d’un tribunal judiciaire au périmètre du ressort de la cour d’appel dans lequel il se trouve pour connaître des délits prévus par le Code de l’environnement. Cette proposition s’accompagne d’une extension similaire de la compétence du procureur de la République et du juge d’instruction.

Lancement par le Ministère de la Transition écologique et solidaire d’une consultation du public sur le projet révisé de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) portant sur la période 2019-2028

Il y a un peu plus d’un an, le Ministre en charge de l’Energie publiait le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 (voir notre LAJEE n°47 de février 2019).

Après la publication de ce premier projet[1], celui-ci a été discuté durant toute l’année 2019 au sein de différentes assises ou conférences régionales, de réunions d’échanges ainsi qu’au sein de plusieurs instances. Ces derniers ont rendu des avis qui ont été rendus publics sur le site du Ministère en particulier le Conseil supérieur de l’énergie, le Conseil national de la transition écologique ou encore l’Autorité environnementale.

C’est dans ce contexte que, sur le fondement de l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement, le ministère de la Transition écologique et solidaire a lancé une nouvelle consultation du public sur le projet révisé de PPE.

Cette consultation, qui est ouverte depuis le 20 janvier dernier et s’achèvera le 19 février prochain, porte sur une version 2 de la PPE (son document principal, une synthèse et le projet de décret) qui est disponible sur le site de consultation publique du Ministère avec les documents associés.

Le Ministère a publié un document résumant les principales modifications apportées au projet de PPE par rapport à la version publiée en janvier 2019 et indiquant comment les avis recueillis ont été pris en compte.

Cette PPE a pour objectif de mettre en place un chemin d’une transition juste allant dans le sens du respect de l’environnement et du climat. Afin d’atteindre cet objectif, la PPE a fixé les priorités d’actions pour atteindre les objectifs fixés par la loi :

  • réduire de 40 % entre 1990 et 2030 les émissions de gaz à effet de serre ;
  • réduire de 20% la consommation finale d’énergie en 2030 ;
  • porter à 33% la part des énergies renouvelables de la consommation finale brute d’énergie en 2030 ;
  • réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2035.

 

S’agissant du dernier objectif relatif à la part du nucléaire dans la production d’électricité, l’Assemblée Nationale a créé le 29 Janvier 2020, une mission d’information sur le suivi de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, dont l’arrêt définitif du réacteur n°1 aura lieu le 22 Février 2020.

La mission sera composée de 20 députés et aura pour objet d’étudier l’implication de l’Etat dans la reconversion du site et le projet de territoire, mais également d’étudier l’indemnisation signée entre l’Etat et EDF et l’indemnisation des opérateurs.

Une fois adoptée, la PPE fixera un cadre réglementaire en définissant des objectifs d’appels d’offre pour les installations de production d’électricité en particulier à partir d’énergie renouvelable, fixera également des orientations en matière d’autorisation d’exploitation d’installations de production électriques d’énergie et les orientations avec lesquelles l’autorisation d’exploiter des nouvelles qui devront être compatibles avec le plan stratégique d’EDF, et enfin la PPE fixera le cadre réglementaire du niveau de sécurité d’approvisionnement du système énergétique français notamment via un critère de défaillance et un critère pour la sécurité d’approvisionnement.

[1] Le projet de PPE comportait plusieurs documents : un projet de décret, une version complète de la PPE , un document de synthèse et une étude d’évaluation environnementale stratégique.

 

Loi Energie-Climat : les apports en matière de participation des collectivités territoriales et de leurs groupements au sein de sociétés de production d’énergies renouvelables

La loi n° 2019-1147 relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019 (dite loi « Energie-Climat ») a pour objet la définition et la mise en œuvre de la politique en matière de transition énergétique en vue de répondre à l’« urgence écologique et climatique ». Elle prévoit notamment l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 et fait suite à la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite « loi TECV »).

La participation des collectivités territoriales et de leurs groupements dans les sociétés de production d’énergies renouvelables (« EnR »), qui visent à faciliter – et donc à encourager – les investissements dans les EnR, est, globalement, renforcée dans le cadre de cette loi.

Il est à préciser que pour l’étude d’autres aspects de cette loi, il est possible de se référer aux deux précédents focus des LAJEE n° 56 et 57, respectivement intitulés : « Loi Energie-Climat : Régulation et tarification des secteurs de l’électricité et du gaz » et « Loi Energie-Climat : Nouveautés relatives à la procédure d’évaluation environnementale et à l’encadrement des émissions de gaz à effet de serre »).

 

1 – Précisions sur la territorialité de l’intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements

Depuis la création du Code général des collectivités territoriales (« CGCT »), son article L.  2253-1 (désormais son premier alinéa) prohibe, sauf autorisation prévue par décret en Conseil d’Etat, toute participation des communes ou de leurs groupements dans le capital d’une société commerciale et de tout autre organisme à but lucratif n’ayant pas pour objet d’exploiter les services communaux ou des activités d’intérêt général dans les conditions prévues à l’article L. 2253-2 (article relatif aux sociétés d’économie mixte locales, « SEML »).

Il en va de même pour les départements (article L. 3231-6 du CGCT) et, jusqu’à récemment, ce principe s’appliquait également pour les régions (v. désormais le 8° bis de l’article L. 4211-1 du CGCT créé par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ou « loi NOTRe »).

La loi TECV du 17 août 2015 précitée avait toutefois introduit, au sein des différents articles précités, une dérogation à ce principe en matière de prise de participation des communes et de leurs groupements, des départements et des régions au capital de SA ou de SAS dont l’objet social est la production d’EnR « par des installations situées sur leur territoire » ou, excepté pour les régions, « sur des territoires situés à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire » (articles L.  2253-1 alinéa 2 pour les communes, L. 3231-6 pour les départements et L. 4211-1-14° du CGCT pour les régions).

C’est précisément cette dernière notion d’installations situées « à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire » qui générait, dans la pratique, des difficultés d’interprétation eu égard à son caractère approximatif.

La loi Energie-Climat (article 42) vient pallier cette incertitude et opte pour le choix du terme « limitrophe » (c’est-à-dire directement voisin), en supprimant par ailleurs le critère conditionnant la participation au capital des communes et de leurs groupements ainsi que des départements au fait que les installations en question devaient contribuer à l’approvisionnement énergétique de leur territoire.

En somme, seul désormais compte l’emplacement des installations de production d’EnR : « Par dérogation au premier alinéa, les communes et leurs groupements peuvent, par délibération de leurs organes délibérants, participer au capital d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou, pour une commune, sur le territoire d’une commune limitrophe ou, pour un groupement, sur le territoire d’un groupement limitrophe » (v. l’article L. 3231-6 pour les départements).

S’agissant des régions, les termes de l’article L. 4211-1-14° demeurent inchangés sur ce point, l’objet social de la société devant correspondre à la production d’EnR « par des installations situées sur leur territoire ».

 

2 – Possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de prises de participation « indirectes » au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables

Le deuxième apport de la loi Energie-Climat (article 42) réside dans la possibilité désormais offerte aux communes et leurs groupements, aux départements et aux régions de prendre des participations dans des SA ou SAS ayant pour seul objet de détenir des actions au capital de SA ou de SAS dont l’objet social est la production d’EnR par des installations situées sur leur territoire (pour les communes et leurs groupements, les départements et les régions) ou sur un territoire limitrophe (pour les communes et leurs groupements ainsi que pour les départements).

Cette nouveauté retient l’attention, bien que l’on puisse s’interroger sur la pertinence de restreindre a priori l’objet de ces sociétés à un seul rôle de structure intermédiaire. Elle devrait en tout cas permettre de fluidifier le financement de projets de production d’EnR via la constitution de sociétés locales d’investissement ayant pour objet de prendre des participations dans des sociétés dédiées quant à elle à la production d’EnR.

 

3 – Possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de consentir des avances en compte courant aux sociétés de production d’EnR

Troisième apport de la loi Energie-Climat (article 42), les communes et leurs groupements, les départements et les régions pourront désormais consentir aux sociétés de production d’EnR auxquelles ils participent directement des avances en compte courant (articles L. 2253-1 alinéa 2, L. 3231-6 et L. 4211-1 du CGCT).

C’est ici aussi une nouveauté importante ; avant la loi Energie-Climat, cette possibilité était incertaine dans son principe au regard notamment de l’encadrement spécifique qui était prévu en la matière à l’égard des SEML. Or, outre la participation au capital, le financement des projets dans le secteur de la production des EnR repose également – et souvent significativement – sur l’octroi d’avances en compte courant émanant des actionnaires.

On observera toutefois que ces avances devront obligatoirement être réalisées « au prix du marché » et dans les conditions, strictes, prévues à l’article L. 1522-5 du CGCT (renvoi au régime applicable aux SEML), ce qui impliquera notamment qu’elles ne pourront être consenties pour une durée supérieure à deux ans, éventuellement renouvelable une fois (au terme de cette période, l’apport est remboursé ou transformé en augmentation de capital) et excéder 5 % des recettes réelles de la section de fonctionnement du budget de la collectivité ou du groupement.

 

4 – Ouverture du financement participatif aux SPV de production de biogaz

La loi TECV (article 111) avait déjà donné la possibilité à des sociétés par actions, des SEML ou des sociétés coopératives constituées pour porter un projet de production d’électricité à partir d’EnR, de proposer, lors de leur constitution ou de l’évolution de leur capital, une part de ce dernier aux personnes physiques, notamment aux habitants dont la résidence est à proximité du lieu d’implantation du projet, ainsi qu’aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le territoire ou à proximité du territoire desquels il se situe. Aussi, ces mêmes personnes peuvent se voir proposer de participer au financement du projet de production d’EnR porté par ces sociétés (article L. 314-28 du Code de l’énergie).

L’un des objectifs poursuivis par ce texte était de favoriser toute forme de financement participatif, y compris de la part de collectivités territoriales et de leurs groupements, dans le but notamment de favoriser au plan local la bonne acceptation des projets de production d’EnR.

Quatrième apport de la loi Energie-Climat, son article 50-I-4° (futur article L. 446-23 du Code de l’énergie qui entrera en vigueur le 8 novembre 2020) étend, dans les mêmes termes, cette possibilité aux sociétés constituées pour porter un projet de production de biogaz.

Par Thomas Rouveyran et Christophe Farineau

Empiètement sur l’assiette d’une servitude et mesure de démolition : le juge doit rechercher si la mesure de démolition n’est pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile des propriétaires des parcelles cadastrées grevées d’une servitude de passage

Le 19 décembre 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si s’agissant d’une mesure de démolition, la Cour d’appel doit rechercher si cette mesure n’est pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile des propriétaires des parcelles cadastrées grevées d’une servitude de passage.

En l’espèce, Une servitude de passage avait été instituée au profit d’une parcelle cadastrée, par acte notarié. Par la suite, la propriétaire d’une des parcelles cadastrées grevées de la servitude de passage a fait construire une maison d’habitation sur sa parcelle, en exécution d’un permis de construire. Un des propriétaires de la parcelle cadastrée au profit desquels la servitude de passage avait été instaurée, a assigné en référé les propriétaires des parcelles cadastrées grevées de la servitude de passage en suppression des constructions, plantations et équipements empiétant sur l’assiette de la servitude.

Par un arrêt du 10 juillet 2018, la Cour d’appel de Dijon avait ordonné la démolition de la construction. Elle avait retenu que le passage était réduit de moitié à hauteur du garage en raison de l’empiètement et qu’un déplacement de l’assiette de la servitude ne pouvait être imposé au propriétaire du fonds dominant que dans les conditions prévues à l’alinéa 3 de l’article 701 du Code civil.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point. Elle estime que la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision car elle n’a pas recherché si la mesure de démolition n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile des propriétaires des parcelles cadastrées grevées de la servitude de passage. 

 

Précisions sur les règles valables devant le juge administratif en matière de contentieux sociaux

Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 4 décembre dernier – relatif à la récupération d’indu de revenu de solidarité active par un Département – est venu réaffirmer la manière dont le juge administratif doit être amené à procéder et statuer en matière de contentieux social.

Pour rappel, le contentieux dit « social » qui relève du juge administratif a trait aux recours relatifs aux prestations, allocations ou droit attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.

Cet arrêt a permis au Conseil d’Etat de rappeler la souplesse avec laquelle sont tenus de statuer les juges administratifs en matière de contentieux social et ses contours. Après avoir rappelé les dispositions du Code de justice administrative (CJA) qui prévoient des règles particulières applicables aux requêtes en matière de contentieux social[1], le Conseil d’Etat reprécise que cette procédure, plus souple que la procédure classique, vaut notamment lorsque le requérant n’est pas représenté par un avocat. Ainsi, une requête ne peut pas être rejetée pour défaut ou insuffisance de motivation sans avoir informé le requérant au préalable de la nécessité de lui soumettre lesdits éléments, comme le prévoit les articles R. 772-6 et R. 772-7 du CJA. De même, le Conseil d’Etat revient sur les dispositions du CJA qui prévoient des règles particulières applicables à l’instruction et au jugement des requêtes en matière de contentieux social[2]. C’est ainsi qu’il précise que le juge ne peut rejeter les conclusions dont il est saisi, pour un motif sur lequel son contenu peut avoir une incidence, s’il ne dispose pas des éléments pertinents de ce dossier, sauf à avoir invité le requérant à produire les pièces précises qui sont nécessaires à l’examen de ses droits. En faisant reposer sur le juge la charge relative à l’exigence de production de certaines pièces déterminantes, le Conseil d’Etat affirme le caractère souple pour l’administré voire exigeant pour le juge s’imposant dans le cadre de ce contentieux.

Il rappelle par ailleurs que la procédure contradictoire peut être poursuivie à l’audience sur les éléments de fait qui conditionnent l’attribution de la prestation ou de l’allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête, et que le juge peut décider de différer la clôture de l’instruction à une date postérieure à l’audience[3].

Cependant, cette réaffirmation par le Conseil d’Etat des dispositions plus souples du Code de justice administrative qui s’appliquent au contentieux social est suivie d’une mise en pratique aux faits de l’espèce. C’est ainsi qu’il a été considéré que rien n’oblige le juge à diligenter une mesure supplémentaire d’instruction ou d’inviter le demandeur à produire les pièces nécessaires pour établir le bien-fondé d’allégations insuffisamment étayées lorsque « le défendeur a communiqué au tribunal l’ensemble des éléments pertinents du dossier constitué pour l’instruction de la demande ou pour le calcul de l’indu que ces éléments ont été soumis au débat contradictoire ».

En l’espèce, il a considéré que le Département en question avait fourni des éléments pertinents et que l’exigence incombant au juge de demander la production d’autres documents susceptibles de corroborer les allégations de la requérante ne s’appliquait pas.

[1] Articles R. 772-5 à R. 772-10 du Code de justice administrative

[2] Articles R. 772-5 à R. 772-10 du Code de justice administrative

[3] Article R. 772-8 du Code de justice administrative

Loi engagement et proximité : un EPCI à fiscalité propre peut désormais passer des marchés publics pour le compte de ses communes membres réunies en groupement de commande

L’article 65 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a introduit dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) un nouvel article L. 5211-4-4 qui prévoit qu’un EPCI à fiscalité propre peut désormais passer et exécuter des marchés publics pour le compte de ses communes membres réunies en groupement de commande :

« I. – Lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes membres d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou entre ces communes et cet établissement public, les communes peuvent confier à titre gratuit à cet établissement public, par convention, si les statuts de l’établissement public le prévoient expressément, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des membres du groupement.

II. – Lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon ou entre ces communes et cette métropole, les communes peuvent confier à cette dernière, à titre gratuit, par convention, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences dont la métropole dispose, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des communes membres du groupement. »

Ce dispositif constitue une nouvelle hypothèse de mutualisation de ressources permettant aux EPCI à fiscalité propre d’apporter leur appui à leurs communes membres pour la passation et l’exécution de marchés publics, en particulier lorsque celles-ci ne disposent pas elles-mêmes de l’ingénierie nécessaire.

Il vient s’ajouter aux mécanismes déjà ouverts à cette fin aux EPCI et à leurs communes membres, leur permettant soit se doter de services communs (article L. 5211-4-2 du CGCT), soit de prévoir la mise en commun de matériels (article L. 5211-4-3 du CGCT).

Les conditions de recours à cette possibilité nouvelle sont toutefois encadrées par le texte :

  • L’article L. 5211-4-4 n’est applicable qu’aux seuls EPCI à fiscalité propre, à l’exclusion donc des syndicats ;
  • Un groupement de commande doit être constitué entre des communes membres ou entre celles-ci et l’EPCI, la formulation du texte emportant deux conséquences : d’une part, est exclue la possibilité pour un EPCI de passer ou d’exécuter des marchés publics pour une seule commune membre ou pour des communes non membres ; d’autre part, dès lors que l’EPCI n’est pas tenu de participer au groupement de commande, il peut donc assurer la passation et l’exécution de marchés ne correspondant pas à ses besoins propres ce qui déroge aux règles prévues par les articles L. 2113-6 et suivants du code de la commande publique (CCP) ;
  • L’intervention de l’EPCI ne peut se faire, d’une part, que par convention et, d’autre part et surtout, qu’à titre gratuit, ce qui permet de faire échapper cette convention au champ de la commande publique, un contrat de la commande publique se définissant, notamment, par son caractère onéreux (article L. 2 du CCP) ;
  • Les statuts de l’EPCI doivent prévoir expressément cette possibilité – des modifications statutaires seront donc à envisager pour les EPCI souhaitant se saisir de ce nouvel instrument ;
  • L’EPCI considéré pourra passer et exécuter des marchés, pour le compte de communes membres dès lors qu’elles sont constituées en groupements de commande, indépendamment des compétences qui lui sont transférées, par dérogation donc au principe de spécialité.

Ceci étant, l’article L. 5211-4-4 du CGCT soulève plusieurs interrogations.

Tout d’abord, l’article prévoyant qu’un EPCI peut se voir confier « la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics », celui-ci exclut nécessairement le cas des contrats de concession. Cette exclusion paraît surprenante puisque les autorités concédantes sont autorisées par l’article L. 3112-1 du CCP à constituer des groupements « afin de passer conjointement un ou plusieurs contrats de concession ».

Ensuite, si l’article subordonne l’intervention de l’EPCI à la conclusion d’une convention, la question reste entière de savoir si cette convention devra être signée entre l’EPCI et l’ensemble des communes membres ayant constitué un groupement de commandes – celui-ci n’ayant pas de personnalité morale – ou si elle pourra être signée entre l’EPCI et le coordonnateur du groupement de commandes.

Par ailleurs, il sera nécessaire de définir les limites de ce que l’EPCI peut prendre en charge au titre de l’exécution des marchés publics qui seront conclus par les communes membres ayant constitué un groupement de commandes et, notamment, de préciser s’il peut s’agir de l’exécution financière dès lors qu’un débat doctrinal persiste sur la possibilité pour le coordonnateur d’un groupement de commandes d’assurer une telle fonction.

Enfin, la question reste entière de la responsabilité que l’EPCI engagera dans le cadre des fonctions qui lui seront confiées en application de l’article L. 5221-4-4 du CGCT, cet article ne précisant rien sur ce point, à la différence de l’article L. 2113-7 du CCP selon lequel « les acheteurs membres du groupement de commandes sont solidairement responsables des seules opérations de passation ou d’exécution du marché qui sont menées conjointement en leur nom et pour leur compte selon les stipulations de la convention constitutive ».

Départ à la retraite : attention à la pratique du « coup de chapeau » !

Certains employeurs, et en particulier lorsque les pensions de retraite sont calculés sur les six derniers mois précédents le départ, procèdent à une augmentation du salaire de leurs salariés afin qu’ils bénéficient d’une retraite plus élevée.

Cet usage, appelé « coup de chapeau », exonère-t-il l’employeur de verser l’indemnité de départ à la retraite ? Telle était la question posée à la Cour de cassation dans cette affaire.

En effet, en l’espèce, deux salariés d’un EPIC avaient, dans le cadre d’une action en réparation du préjudice d’anxiété, réclamé devant le Conseil de prud’hommes le versement le versement de l’indemnité de départ à la retraite due au titre de l’article L. 1237-9 du Code du travail. A la date de leur départ en retraite, ils n’en avaient pas bénéficié puisqu’ils avaient vu augmenter leurs salaires les 6 mois précédents la retraite afin que leurs pensions, calculées sur la rémunération des six derniers mois, soient plus élevée. Telle était l’argumentation de l’employeur devant les juridictions du fond et devant la Cour de cassation.

Pour l’employeur, l’avantage dit du « coup de chapeau » ne se cumule pas avec l’indemnité légale de départ à la retraite, ces deux avantages ayant le même objet à savoir constituer pour le salarié un complément de salaire lié à son départ à la retraite.

L’indemnité de départ à la retraite prévue par l’article L. 1237-9 du Code du travail ne compense donc pas un préjudice mais constitue un complément de rémunération attribué au salarié à l’occasion de son départ en retraite de la même manière que le « coup de chapeau ».

Au fond mais aussi devant la Cour de cassation, cette argumentation est rejetée. La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel selon les termes suivants : « l’usage dit du « coup de chapeau » pratiqué par l’employeur en faveur de salariés n’ayant pas atteint le dernier échelon indiciaire et leur permettant de bénéficier, six mois avant leur départ à la retraite, à la fois d’une augmentation de salaire et d’une majoration consécutive du montant de leur retraite, et l’indemnité de départ à la retraite de l’article L. 1237-9 du Code du travail versée par l’employeur à tout salarié quittant volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse n’ont pas le même objet ; que c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que ces deux dispositifs pouvaient se cumuler ».

Ainsi, une nouvelle fois, la Cour de cassation, applique la jurisprudence relative aux avantages en concours  et complète la jurisprudence rendue relativement à l’indemnité de départ à la retraite.

En effet, cette décision fait écho à une décision rendue 20 ans plus tôt selon laquelle l’indemnité de départ de retraite versée une fois pour toute n’a pas le même objet que le dispositif maison de retraite complémentaire (Cass. Soc., 30 novembre 1999, n° 97-41.977 ).