le 23/01/2020

Loi engagement et proximité : un EPCI à fiscalité propre peut désormais passer des marchés publics pour le compte de ses communes membres réunies en groupement de commande

Article 65 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique

L’article 65 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a introduit dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) un nouvel article L. 5211-4-4 qui prévoit qu’un EPCI à fiscalité propre peut désormais passer et exécuter des marchés publics pour le compte de ses communes membres réunies en groupement de commande :

« I. – Lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes membres d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou entre ces communes et cet établissement public, les communes peuvent confier à titre gratuit à cet établissement public, par convention, si les statuts de l’établissement public le prévoient expressément, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des membres du groupement.

II. – Lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon ou entre ces communes et cette métropole, les communes peuvent confier à cette dernière, à titre gratuit, par convention, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences dont la métropole dispose, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des communes membres du groupement. »

Ce dispositif constitue une nouvelle hypothèse de mutualisation de ressources permettant aux EPCI à fiscalité propre d’apporter leur appui à leurs communes membres pour la passation et l’exécution de marchés publics, en particulier lorsque celles-ci ne disposent pas elles-mêmes de l’ingénierie nécessaire.

Il vient s’ajouter aux mécanismes déjà ouverts à cette fin aux EPCI et à leurs communes membres, leur permettant soit se doter de services communs (article L. 5211-4-2 du CGCT), soit de prévoir la mise en commun de matériels (article L. 5211-4-3 du CGCT).

Les conditions de recours à cette possibilité nouvelle sont toutefois encadrées par le texte :

  • L’article L. 5211-4-4 n’est applicable qu’aux seuls EPCI à fiscalité propre, à l’exclusion donc des syndicats ;
  • Un groupement de commande doit être constitué entre des communes membres ou entre celles-ci et l’EPCI, la formulation du texte emportant deux conséquences : d’une part, est exclue la possibilité pour un EPCI de passer ou d’exécuter des marchés publics pour une seule commune membre ou pour des communes non membres ; d’autre part, dès lors que l’EPCI n’est pas tenu de participer au groupement de commande, il peut donc assurer la passation et l’exécution de marchés ne correspondant pas à ses besoins propres ce qui déroge aux règles prévues par les articles L. 2113-6 et suivants du code de la commande publique (CCP) ;
  • L’intervention de l’EPCI ne peut se faire, d’une part, que par convention et, d’autre part et surtout, qu’à titre gratuit, ce qui permet de faire échapper cette convention au champ de la commande publique, un contrat de la commande publique se définissant, notamment, par son caractère onéreux (article L. 2 du CCP) ;
  • Les statuts de l’EPCI doivent prévoir expressément cette possibilité – des modifications statutaires seront donc à envisager pour les EPCI souhaitant se saisir de ce nouvel instrument ;
  • L’EPCI considéré pourra passer et exécuter des marchés, pour le compte de communes membres dès lors qu’elles sont constituées en groupements de commande, indépendamment des compétences qui lui sont transférées, par dérogation donc au principe de spécialité.

Ceci étant, l’article L. 5211-4-4 du CGCT soulève plusieurs interrogations.

Tout d’abord, l’article prévoyant qu’un EPCI peut se voir confier « la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l’exécution d’un ou de plusieurs marchés publics », celui-ci exclut nécessairement le cas des contrats de concession. Cette exclusion paraît surprenante puisque les autorités concédantes sont autorisées par l’article L. 3112-1 du CCP à constituer des groupements « afin de passer conjointement un ou plusieurs contrats de concession ».

Ensuite, si l’article subordonne l’intervention de l’EPCI à la conclusion d’une convention, la question reste entière de savoir si cette convention devra être signée entre l’EPCI et l’ensemble des communes membres ayant constitué un groupement de commandes – celui-ci n’ayant pas de personnalité morale – ou si elle pourra être signée entre l’EPCI et le coordonnateur du groupement de commandes.

Par ailleurs, il sera nécessaire de définir les limites de ce que l’EPCI peut prendre en charge au titre de l’exécution des marchés publics qui seront conclus par les communes membres ayant constitué un groupement de commandes et, notamment, de préciser s’il peut s’agir de l’exécution financière dès lors qu’un débat doctrinal persiste sur la possibilité pour le coordonnateur d’un groupement de commandes d’assurer une telle fonction.

Enfin, la question reste entière de la responsabilité que l’EPCI engagera dans le cadre des fonctions qui lui seront confiées en application de l’article L. 5221-4-4 du CGCT, cet article ne précisant rien sur ce point, à la différence de l’article L. 2113-7 du CCP selon lequel « les acheteurs membres du groupement de commandes sont solidairement responsables des seules opérations de passation ou d’exécution du marché qui sont menées conjointement en leur nom et pour leur compte selon les stipulations de la convention constitutive ».