Certificats d’Economie Energie (CEE) : concertation publique sur la 5ème période

Une concertation publique est ouverte par la Ministre de la Transition Ecologique jusqu’au 10 septembre 2020 afin de définir l’objectif et les modalités de la 5ème période du dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE), laquelle débutera le 1er janvier 2022.

Le dispositif des CEE constitue aujourd’hui l’un des outils de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Il repose sur une obligation quantitative pluriannuelle faite aux fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique et carburants automobiles) de disposer d’un nombre suffisant de certificats en proportion de leurs ventes.

Ces certificats sont obtenus en finançant des opérations d’efficacité énergétique.

La concertation publique ouverte le 3 juillet dernier repose sur un document d’une dizaine de pages comportant des premières propositions et soulevant quelques questions.

Il est proposé que cette 5ème période s’étende du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025.

Parmi les différents sujets abordés, le document interroge notamment les contributeurs sur l’opportunité de la proposition de la convention citoyenne pour le climat de multiplier par 3 ou 4 le niveau de l’obligation. Cette obligation s’élève pour la 4ème période actuellement en cours, à 533 TWhc (térawattheures cumulés actualisés) économisés par an, dont un quart (133 TWhc) d’obligation au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. L’obligation quadriennale 2018-2021 est de 2133 TWhc.

Sont également évoqués les différents dispositifs de bonification des CEE qui existent actuellement. Ces dispositifs concernent la nature des bénéficiaires, la nature des actions d’économies d’énergie, les émissions de gaz à effet de serres évitées, et/ou la situation énergétique de la zone géographique des économies d’énergie. La concertation interroge les contributeurs sur l’opportunité de reconduire tout ou partie de ces mécanismes et propose en particulier d’en maintenir certains (ciblés sur les opérations qui permettent de réduire le plus les émissions de gaz à effet de serre).

Le document soulève encore la question d’un éventuel élargissement de l’assiette de l’obligation qui ne vise, à ce jour, que les personnes morales vendant les énergies suivantes : carburants automobiles, fioul domestique, électricité, gaz, chaleur, froid. Est notamment interrogée l’inclusion du bioéthanol ED95 mis à la consommation et du kérosène dans le dispositif.

Les réponses, contributions et propositions sont attendues jusqu’au 10 septembre prochain.

Précisions relatives aux acheteurs de dernier recours de biogaz

Le cadre juridique applicable à la production de biogaz vient d’être complété par un nouveau texte réglementaire apportant des précisions sur les acheteurs de dernier recours de biogaz.

La loi dite « Energie climat » (loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat) a en effet introduit dans le Code de l’énergie un nouvel article L. 446-2 imposant aux fournisseurs de gaz naturel approvisionnant plus de 10 % du marché national une obligation de conclure un contrat d’achat de biogaz avec tout producteur de biogaz qui en fait la demande.

L’objectif poursuivi par ce mécanisme consiste à garantir à tout producteur de biogaz un débouché pour le gaz produit par son installation.

Un décret était néanmoins attendu pour préciser en particulier les obligations s’imposant à ces acteurs, ainsi que les modalités d’information des porteurs de projets d’installation de production de biogaz.

C’est l’objet du décret du 25 juin 2020 ici commenté, dont l’article 1er introduit un nouvel article D. 446-14 au sein du Code de l’énergie, lequel :

  • apporte des précisions sur les fournisseurs de gaz naturel tenus à l’obligation d’achat (autrement dit les acheteurs de dernier recours visés par le décret et la loi énergie climat), en indiquant qu’il s’agit de ceux :
    • « dont les ventes de gaz naturel à des clients finals au cours de la période comprise entre le 1er avril de l’avant-dernière année et le 31 mars de l’année précédente ont été supérieures à 10 % de la consommation nationale de gaz naturel sur cette période » et
    • « dont les ventes de gaz naturel à des clients finals au cours de la période comprise entre le 1er avril de l’avant-dernière année et le 31 mars de l’année précédente cumulées avec celles des autres fournisseurs avec lesquels ils sont liés ont été supérieures à 10 % de la consommation nationale de gaz naturel sur cette période » ; le texte définit également la notion de fournisseurs de gaz naturel liés ;

       

  • prévoit que la liste des acheteurs de dernier recours de biogaz pourra être consultée sur le site internet du ministère chargé de l’énergie ;

     

  • précise le délai maximal dont dispose l’acheteur de dernier recours pour conclure le contrat d’achat sollicité par le demandeur de biogaz, à savoir :
    • trois mois lorsque la demande porte sur une nouvelle installation de production ;
    • six semaines lorsque la demande porte sur la substitution au cocontractant défaillant.

Contrat d’achat d’électricité : la Cour administrative d’appel de Marseille condamne la société EDF

Les faits de cette affaire sont les suivants. La société de production d’électricité Finvest avait, pour l’exploitation d’une installation photovoltaïque, conclu le 25 janvier 2013 un contrat d’achat d’électricité avec la société EDF au tarif dit « S06 ».

Toutefois, par courrier du 8 mars 2013, EDF indiquait au producteur qu’un contrôle exercé sur ce contrat d’achat aurait révélé que seul le tarif « S10 » (moins avantageux) pouvait lui être appliqué et l’avait donc invité à signer un avenant en ce sens.

Après avoir accepté la signature de cet avenant, la société Finvest a décidé finalement de saisir le juge administratif afin d’en obtenir l’annulation, ainsi que le paiement, par EDF, de l’électricité produite au tarif « S06 ».

Les faits sont similaires à ceux du récent arrêt Corsica Sole[1] précédemment commenté dans notre Lettre d’actualité environnement énergie.

Dans cette dernière affaire, pour rappel, le Conseil d’Etat avait considéré que les parties au contrat d’achat d’électricité en cause ne pouvaient déroger contractuellement aux tarifs d’achat fixés par voie règlementaire en retenant un tarif qui serait plus favorable pour le producteur. Par suite, la Haute juridiction estimait que la Cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en considérant que les tarifs d’achat ont pour objet de fixer des conditions minimales auxquelles EDF est tenu d’acheter l’électricité et qu’elles n’ont pour objet, ni pour effet, d’interdire à EDF d’acheter de l’électricité à des conditions tarifaires plus favorables pour les producteurs.

Cette décision était donc favorable à EDF qui semblait pourtant avoir commis une erreur dans l’instruction de la demande de raccordement du producteur, considérant dans un premier temps qu’elle pouvait se voir appliquer le tarif « S06 ».

C’est un raisonnement plus audacieux qui a été suivi par la Cour administrative d’appel de Marseille, sous le prisme de la loyauté contractuelle.

A ce titre, la Cour constate qu’EDF et ERDF (aujourd’hui Enedis, auprès de laquelle la demande de raccordement avait été déposée, au demeurant prise en une agence territorialement incompétente) n’ont pas soulevé l’argument de l’irrecevabilité de la demande pendant son instruction, plus encore, qu’elles ont toutes deux accusé bonne réception de cette demande sans émettre la moindre réserve et que ce n’est qu’après la conclusion du contrat qu’EDF a proposé un avenant revenant sur le tarif S06.

Dans ces circonstances, la Cour déduit qu’EDF et ERDF (Enedis) « doivent être regardées comme ayant, en tout état de cause, renoncé à opposer (…) la prétendue irrégularité de (la) demande de raccordement » du producteur.

Par suite, elle annule l’avenant conclu par la société EDF et la condamne à verser au producteur la somme de 11.149,14 euros, correspondant au différentiel entre ce qu’elle a perçu au titre de l’avenant et ce à quoi elle avait droit au titre du contrat tel qu’il était initialement conclu.

Si la société EDF se pourvoit en cassation contre cet arrêt, ce qui semble probable, reste à savoir si le Conseil d’Etat, alors que ce n’est pas la logique qu’il avait choisi dans l’arrêt Corsica Sole, acceptera de suivre ce raisonnement plus protecteur des producteurs d’électricité.

[1] CE, 22 janvier 2020, stés Corsica Sole, n° 418737

Publication d’une ordonnance transposant une partie du paquet « une énergie propre pour tous les Européens »

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-866 du 15 juillet 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie et du climat

 

Pour rappel, le Ministère de la transition écologique et solidaire avait ouvert à la consultation publique, du 1er juin au 26 juin, un projet d’ordonnance ainsi que trois projets de décrets pour la transposition du paquet « une énergie propre pour tous les Européens », dit paquet « Energie propre ».

Cette ordonnance, de même que le rapport du Président de la République sur cette dernière, ont été publiés au journal officiel du 16 juillet 2020.

L’ordonnance comporte diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’énergie et de climat, afin de transposer trois directives du paquet « énergie propre » qui poursuit un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’au moins 40 % par rapport à 1990.

Plus précisément, l’ordonnance permet de :

  • finaliser la transposition de la directive n° 2018/2002 du 11 décembre 2018 modifiant la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique et de la directive 2018/844 du 30 mai 2018 portant sur la performance énergétique des bâtiments ;

  • débuter la transposition de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

Ce faisant, l’ordonnance regroupe des sujets liés aux bâtiments ainsi qu’aux réseaux de chaleur et de froid et apporte plusieurs modifications en droit interne :

  • L’article 1er crée deux articles nouveaux dans le Code de la construction et de l’habitation. D’une part, il prévoit, lorsque cela est techniquement et économiquement réalisable, l’obligation d’installer des systèmes d’automatisation et de contrôle[1] dans tous les bâtiments tertiaires neufs et existants les plus consommateurs. D’autre part, il exige, en cas de modification ou d’installation d’un générateur de chaleur, et lorsque cela est possible, que les bâtiments résidentiels ou tertiaires soient équipés de dispositifs qui régulent séparément la température de chaque pièce.

  • L’article 2 crée un nouveau titre dans le Code de l’énergie dédié aux contrats d’abonnement aux réseaux de chaleur.  Afin de renforcer l’information des abonnés, il prévoit la transmission par le fournisseur de chaleur ou de froid, au moins une fois par an, d’une note d’information aux propriétaires de l’immeuble ou au syndicat des copropriétaires, qui détaille la facturation. Cette information est complétée par la transmission, à une fréquence biannuelle puis mensuelle à partir du 1er janvier 2022, d’une évaluation allégée portant sur les consommations de chaleur et de froid. 

  • L’article 3 modifie le Code de l’environnement afin d’étendre les obligations d’inspection et d’entretien. Il étend les obligations, qui existent déjà en la matière pour les chaudières, aux appareils thermodynamiques (pompes à chaleur) et aux appareils de chauffage couplés à de la ventilation.

  • Les articles 4 et 5 modifient la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété et la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Ils prévoient notamment que tous les ménages, qu’ils soient locataires ou propriétaires, habitant dans un logement équipé d’un dispositif de mesure individualisée des consommations, reçoivent annuellement une note d’information détaillée sur leur consommation. Une information complémentaire plus légère est également prévue à un rythme biannuel, puis mensuel à partir du 1er janvier 2022.

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[1] Ces systèmes sont définis par le rapport du Président sur l’ordonnance précitée comme des « produits, de logiciels et de services d’ingénierie afin d’assurer un pilotage et un fonctionnement efficaces sur le plan énergétique, économique et sûrs des systèmes techniques des bâtiments tertiaires au moyen de commandes automatiques et en facilitant la gestion manuelle de ces systèmes techniques de bâtiment ».

Le Journal Officiel du 25 juin 2020 publie un arrêté du 9 juin 2020 sur les prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement aux réseaux d’électricité

Décret n° 2018-744 du 23 août 2018 modifiant le chapitre II du titre IV du livre III de la partie réglementaire du code de l’énergie

 

Au Journal Officiel du 25 juin 2020, est publié l’arrêté du 9 juin 2020, établissant les modalités et les capacités constructives relatives aux raccordements au réseau public d’électricité, sans préjudice des paramètres d’exploitation du réseau public d’électricité.

Cet arrêté est pris pour l’application du décret du 23 août 2018 et vise à modifier les exigences techniques pour le raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité pour la mise en œuvre des trois codes de réseau relatifs au raccordement aux réseaux électriques, prévus à l’article 6 du règlement (CE) n° 714/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité.

Propriété des colonnes montantes et prise en charge de leur entretien

Le Tribunal judiciaire de Nanterre vient de rendre une décision importante concernant cette question épineuse de la propriété des colonnes montantes dans les immeubles à usage collectif et de la prise en charge de leur entretien.

Dans les faits, à la suite d’un important incendie dans l’immeuble appartenant à un office, l’expert judicaire désigné par le Tribunal a déterminé que l’incendie provenait d’une défaillance de l’installation électrique dans l’une des colonnes montantes.

L’assureur ayant été condamné à indemniser les conséquences du sinistre a exercé un recours subrogatoire à l’encontre de la société ENEDIS estimant que celle-ci était bien chargée de l’entretien et de la maintenance de la colonne litigieuse et qu’elle devait être condamnée à supporter définitivement les conséquences du sinistre.

Après avoir confirmé l’origine technique du sinistre telle que décrite par l’expert judiciaire, le Tribunal a donc été amené à déterminer la question de la propriété de cette colonne et de l’identification du débiteur de l’obligation d’entretien de celle-ci.

Dans une décision très argumentée le tribunal a rappelé que la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 et son décret d’application n° 46-2503 du 8 novembre 1946 ont édicté le principe de l’incorporation des colonnes montantes au réseau de distribution publique, une seule exception étant offerte au propriétaire souhaitant expressément en conserver la propriété. Autrement dit, les colonnes montantes électriques appartiennent aux personnes publiques organisatrices de la distribution d’électricité[1], et doivent être entretenues par ENEDIS, au titre de sa mission de gestionnaire dudit réseau.

Reprenant également les moyens soulevés en demande le Tribunal a également rappelé que même en cas d’existence de colonnes montantes à usage collectif, le décret du 29 mars 1955 oblige le concessionnaire à appliquer le même régime que celui en vigueur pour les ouvrages incorporés au réseau.

Le Tribunal a ainsi très justement déduit de ces dispositions que celles-ci ont fait naitre au bénéfice du propriétaire de l’immeuble dans lequel se situent les colonnes, une présomption d’incorporation de celles-ci au réseau public (et donc, par voie de conséquence, l’obligation pour ENEDIS d’en assurer l’entretien, en sa qualité de concessionnaire de la distribution d’électricité) sauf si le concessionnaire parvient à démontrer l’existence d’un refus express du propriétaire.

Dans la décision commentée le tribunal a, sur ce dernier point jugé qu’il appartenait à ENEDIS de combattre cette présomption en apportant la preuve de la volonté expresse du propriétaire de l’immeuble, qu’il avait entendu conserver la propriété des colonnes.

Le Tribunal, constatant l’absence de démonstration de cette volonté de la part du propriétaire a jugé « que la SA ENEDIS n’apporte aucun élément en ce sens. » et a donc jugé que « la colonne montante litigieuse est bien incorporée au réseau public de distribution et son entretien incombe exclusivement à la société ENEDIS qui en assure la concession ».

Enfin, le Tribunal a également rappelé dans cette décision que ce principe avait toujours était la position du Médiateur National de l’Energie et avait été intégré dans les dispositions de la loi ELAN du 23 novembre 2018 créant l’article L. 346-2 du Code de l’énergie.

Cette décision est donc dans la lignée des jurisprudences précédentes et de la loi ELAN mais rappelle avec force que, sauf à ce qu’ENEDIS démontre concrètement que le propriétaire de l’immeuble dans lequel se trouvent les colonnes, a voulu en conserver la propriété, ENEDIS est en charge de leur entretien et est tenue des conséquences d’un éventuel défaut d’entretien sur le fondement de la responsabilité civile issue des dispositions du Code civil en matière de dommages aux tiers.

[1] On relèvera que la décision commentée comporte une légère contradiction en indiquant à certains endroits que le réseau public de distribution d’électricité appartiendrait à ENEDIS, et par ailleurs qu’il appartient aux personnes publiques organisatrices de la distribution d’électricité. Ceci étant, conformément aux dispositions du Code de l’énergie et à la position constante de la jurisprudence administrative comme judiciaire, ce sont bien les personnes publiques qui sont propriétaires du réseau, ENEDIS en étant uniquement le gestionnaire.

Domanialité publique – bureaux – régime des AFUL et ASL

La décision rendue par le Conseil d’État le 23 janvier dernier est intéressante sur le terrain de la domanialité publique, et ce à trois égards.

Le Conseil d’État était amené à se prononcer sur la domanialité publique d’un ensemble immobilier appartenant à une commune, inclus dans le périmètre d’une association foncière urbaine, ensemble immobilier qui renfermait, pour certains lors, des « salles et des locaux à usage de bureaux, qui étaient mis à la disposition de diverses associations à caractère social, sportif ou culturel, afin d’y recevoir leurs adhérents et les habitants de la commune intéressés par les activités qu’elles proposaient », et pour d’autres lots, des bureaux occupés par des services municipaux qui renfermaient un « point d’accueil et d’orientation ».

Le Juge administratif a considéré que cet ensemble immobilier ne relevait pas du domaine public de la commune, et ce pour les raisons suivantes.

On sait que depuis 2006, l’article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose que « le domaine public d’une personne publique […] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ».

Or, dans l’affaire commentée, si l’ensemble immobilier vérifiait effectivement le critère organique (il était la propriété de la commune), il ne vérifiait en revanche pas le critère matériel tiré de l’affectation à l’utilité publique, et ce dans aucune de ses deux branches.

En premier lieu, en effet, le Conseil d’État considère que les lots composés des salles et locaux à usage de bureaux, qui étaient mis à la disposition de diverses associations à caractère social, sportif ou culturel, afin d’y recevoir leurs adhérents et les habitants de la commune intéressés par les activités qu’elles proposaient ne pouvaient pas être « regardés comme affectés à l’usage direct du public », contrairement à ce qu’avait jugé le Tribunal administratif.

La solution apparait logique : les biens affectés à l’usage direct du public sont en principe constitués de ceux des biens auxquels les citoyens peuvent accéder directement et librement, sans qu’un tiers « intermédiaire » occupe le bien et accueille lui-même du public : que l’on pense aux jardins publics, aux promenades, aux voies publiques, aux squares…

Par ailleurs, si le plus souvent les biens affectés à l’usage direct du public ne sont pas assortis de barrières physiques (une porte, un mur…) ou financières (le paiement d’une redevance d’entrée…), ce n’est toutefois pas toujours le cas : on sait par exemple que les cimetières sont affectés à l’usage direct du public, alors qu’ils sont clos de murs et bénéficient d’horaires d’ouvertures et de fermeture (CE, 28 juin 1935, Marécar).

Or, ici, les biens concernés constituaient des locaux et salles situées à l’intérieur d’un ensemble immobilier, et ils étaient mis à disposition d’associations, lesquelles accueillaient elles-mêmes du public : les biens concernés n’étaient donc pas directement affectés à l’usage du public, et ne relèvent en conséquence pas à ce titre du domaine public.

En deuxième lieu, concernant les lots de bureaux qui accueillaient les services municipaux et qui renfermaient un « point d’accueil et d’orientation », le Conseil d’État considère autrement que ces bureaux ne constituent pas des biens qui ont fait l’objet d’un « aménagement indispensable à l’exécution, par ces services, de leurs missions de service public ».

On sait en effet qu’en application de l’article L. 2211-1 du Code général de la propriété de personnes publiques, les bureaux appartiennent en principe au domaine privé de leur propriétaire.

L’objectif de ce classement des bureaux au sein du domaine privé est désormais bien connu : il s’agit d’en faciliter la gestion par les personnes publiques propriétaires, et en particulier de permettre leur aliénation plus facilement.

Or, la frontière entre simple bureaux – qui relèvent du domaine privé –, et bien aménagés pour l’exercice des missions de service public d’une personne publique – qui relèvent de son domaine public – n’apparait pas toujours évidente.

La solution adoptée ici par le Conseil d’État préserve l’effet utile de l’article L. 2211-1 précité : le juge administratif considère que l’installation, au sein de bureaux, d’un point d’accueil et d’orientation qui « avait pour seul objet l’accueil téléphonique ainsi que l’information et l’orientation des personnes reçues dans les bureaux » ne pouvait pas être regardé comme un « aménagement indispensable à l’exécution des missions des services municipaux de la culture, du sport et de la petite enfance installés dans les lots en cause, de nature à retirer à ceux-ci leur caractère de biens immobiliers à usage de bureaux exclus du régime de la domanialité publique ».

En clair, un simple guichet d’accueil du public au sein d’un immeuble ne suffit pas à faire basculer le bien dans la domanialité publique, parce qu’il ne s’agit pas d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de service public des services installés dans les bureaux. Comme l’évoque le Rapporteur public sur cette affaire, cet aménagement purement mobilier n’apparait pas suffisant, et juger le contraire pourrait dans l’absolu conduire à ce que de simples panneaux signalétiques ou autres marquages au sol soient regardés comme des aménagements de nature à faire entrer un bien dans le domaine public, ce qui s’éloigne de l’esprit qui a animé la codification de la définition du domaine public au sein du code général de la propriété des personnes publiques en 2006.

Les lots concernés de l’immeuble ne permettaient donc pas non plus de dire que l’immeuble relevait du domaine public de la Commune.

En troisième lieu, et en tout état de cause, le Conseil d’État écarte également la domanialité publique du bien, à un autre titre encore. En effet, le bien objet du contentieux avait été acquis par la Commune alors qu’il se trouvait inclus dans le périmètre d’une association foncière urbaine.

Or, depuis 2004, le régime des associations foncières urbaines, et plus généralement celui des associations syndicales de propriétaires, implique la constitution d’une hypothèque au profit de l’association sur les biens de ses membres (ordonnance du 1er juillet 2004 n° 2004-632 relative aux associations syndicales de propriétaires et décret n° 2006-504 du 3 mai 2006).

Lorsqu’une personne publique est membre d’une telle association, ses biens – et notamment ceux de son domaine public – peuvent donc en principe être grevés de cette hypothèque.

Le Conseil d’État en déduit que « le régime des associations foncières urbaines libres est incompatible avec celui de la domanialité publique, notamment avec le principe d’inaliénabilité. Par suite, des locaux acquis par une personne publique dans un immeuble inclus dans le périmètre d’une association foncière urbaine libre, fût-ce pour les besoins d’un service public, ne peuvent constituer des dépendances de son domaine public ».

Et il a réaffirmé cette solution par la suite, en précisant toutefois que l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2004 n’a pas eu « pour effet d’emporter le déclassement des biens qui, avant cette entrée en vigueur, appartenaient déjà au domaine public et se trouvaient compris dans le périmètre d’une association syndicale » : dans ce cas, sauf à ce qu’ils fassent l’objet d’un déclassement, ces biens continuent d’appartenir au domaine public et l’incompatibilité de l’ordonnance du 1er juillet 2004 avec le régime de la domanialité publique a pour seule conséquence l’impossibilité pour l’association syndicale de mettre en œuvre la garantie de l’hypothèque légale sur les biens inclus dans le périmètre et appartenant au domaine public (CE, 10 mars 2020, Association syndicale des propriétaires de la cité Boigues, req. n° 432555).

A l’instar de ce qu’il advient de la copropriété, le régime des association syndicales de propriétaires n’apparait donc pas compatible avec les principes de la domanialité publique, si bien que lorsqu’une personne publique dispose d’un bien qui relève de son domaine public, elle ne peut pas l’inclure dans le périmètre d’une telle association (ce qui pose d’importantes difficultés pratiques, notamment en matière de divisions en volume) ; et lorsqu’elle acquière un bien inclus dans le périmètre d’une telle association, ce bien ne pourra pas relever du domaine public quand bien même il sera aménagé de manière indispensable à l’exécution de ses missions de service public.

Il est vrai que certains auteurs semblent nuancés, et s’interrogent sur la possibilité, pour les statuts d’une association syndicale, d’écarter l’hypothèque légale, ce qui permettrait à des propriétaires publics de devenir membre d’une association syndicale (P. Soler-Couteaux, « Une ASL ne peut prendre une hypothèque sur les biens du domaine public inclus dans son périmètre », Contrats et Marchés publics n° 6, Juin 2020, comm. 184. Voir également P. Yolka, « Hypothèques légales et biens publics : sortir de l’imbroglio ? », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 27, 6 Juillet 2020, act. 388).

Le sujet demeure néanmoins incertain en l’état, faute de jurisprudence, et souffre en conséquence d’insécurité juridique.

Conséquences de la notification du décompte général postérieurement à une première saisine du Tribunal administratif

CAA Nancy, 16 juin 2020, Société Pierre Lembo,  n° 18NC02972

Dans le cadre de l’exécution d’un marché de travaux se référant au Cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG Travaux), le Juge administratif ne peut être saisi que des contestations ayant été préalablement présentées au pouvoir adjudicateur dans un mémoire en réclamation et n’ayant pas fait l’objet d’une résolution amiable, y compris et surtout lorsque ces contestations portent sur le décompte général établi au terme du contrat.

Par deux jurisprudences rendues à six jours d’intervalle, le Conseil d’Etat et la Cour administrative d’appel de Nancy apportent des précisions utiles et complémentaires sur l’application de ces règles dans deux cas où la notification du décompte général intervient postérieurement à une première saisine du Juge administratif.

Par sa décision du 10 juin 2020, le Conseil d’Etat précise les conséquences de la notification du décompte général dans le cas particulier où celle-ci est postérieure à une première saisine du Tribunal administratif qui avait pour objet le règlement du solde du marché.

Tout d’abord, il convient de rappeler que si le représentant du pouvoir adjudicateur ne procède pas à la notification du décompte général dans un délai de quarante jours après la date de remise au maître d’œuvre du décompte final ou douze jours après la publication de l’index de référence permettant la révision du solde, le titulaire peut, sur le fondement de l’article 13.4.2 du CCAG Travaux, mettre en demeure le représentant du pouvoir adjudicateur de procéder à cette notification dans un délai de trente jours. Et, en cas d’infructuosité de cette mise en demeure, le titulaire est autorisé « à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord ». Il est également précisé que si le décompte général est notifié au titulaire postérieurement à la saisine du tribunal administratif, le titulaire n’est pas tenu, en cas de désaccord, de présenter de mémoire en réclamation.

Par deux arrêts des 5 octobre et 21 décembre 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes avait interprété étroitement les stipulations précitées, en considérant que celles-ci permettaient seulement au titulaire du marché, lorsque le pouvoir adjudicateur ne défère pas à la mise en demeure de notifier le décompte général, de saisir le Tribunal administratif de conclusions tendant à ce que celui-ci établisse le décompte général, mais non de conclusions tendant au règlement du solde du marché.

Par sa décision du 10 juin 2020, le Conseil d’Etat conclue au contraire qu’il résulte de ces stipulations que « lorsque le pouvoir adjudicateur, mis en demeure de notifier le décompte général, s’abstient d’y procéder dans le délai de trente jours qui lui est imparti, le titulaire du marché peut saisir le tribunal administratif d’une demande visant à obtenir le paiement des sommes qu’il estime lui être dues au titre du solde du marché. Dans l’hypothèse où la personne publique notifie le décompte général postérieurement à la saisine du tribunal, le litige conserve son objet et y a lieu pour le juge de le trancher au vu de l’ensemble des éléments à sa disposition, sans que le titulaire du marché soit tenu présenter de mémoire de réclamation contre ce décompte ».

Par suite, il annule les deux arrêts de la Cour administrative d’appel de Nantes comme étant entachés d’une erreur de droit.

Par son arrêt du 16 juin 2020, la Cour administrative de Nancy précise les conséquences de la notification du décompte général dans le cas particulier où celle-ci est postérieure à une première saisine du Tribunal administratif qui avait pour objet la résolution d’un litige distinct né au cours de l’exécution du marché.

Dans un premier temps, pendant l’exécution du marché, il a adressé au représentant du pouvoir adjudicateur, le 8 avril 2016, un mémoire en réclamation tendant au paiement d’une somme de 41.054,40 euros TTC au titre des travaux supplémentaires qu’elle estime avoir dû réaliser. En l’absence de réponse de l’acheteur, le titulaire a introduit sa demande tendant au paiement de cette somme devant le Tribunal administratif de Nancy, le 25 août 2016.

Dans un second temps et postérieurement à la saisine du Tribunal administratif, l’acheteur a notifié au titulaire un décompte général du marché ne reprenant pas sa demande au titre des travaux supplémentaires. Le titulaire n’a alors produit aucun mémoire en réclamation dirigé spécifiquement contre ce décompte. Dans ces conditions, le Tribunal administratif de Nancy a considéré que ce décompte avait acquis un caractère définitif et rejeté la requête du titulaire comme irrecevable.

Saisie par le titulaire d’une requête contre ce jugement, la Cour administrative d’appel relève que si le titulaire a contesté ce décompte général dans le cadre de ses écritures produites dans le cadre de la procédure contentieuse précitée devant le Tribunal administratif de Nancy, celles-ci « ne sauraient valoir mémoire en réclamation sur le décompte général du marché au sens des stipulations du CCAG […] ».

Par suite, la Cour administrative d’appel conclue qu’en l’absence de réclamation en bonne et due forme de la part du titulaire, le décompte général était bel et bien devenu définitif et, en conséquence, que la demande présentée par le titulaire devant le Tribunal administratif de Nancy était irrecevable. C’est pourquoi elle rejette la requête d’appel du titulaire.

Ne constitue pas une contrefaçon le fait d’entreposer des produits irrégulièrement revêtus d’une marque de l’Union Européenne mais leur mise en vente en ligne peut être sanctionné par les règles du commerce électronique

Le 2 avril 2020 la Cour de Justice de L’union Européenne a répondu à la question préjudicielle posée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice Allemande) qui s’interrogeait sur le fait de savoir si le fait d’entreposer des produits portant atteinte à une marque de l’Union Européenne sans avoir connaissance de cette atteinte pouvait constituer un usage contrefaisant.

En effet, les articles 9§2 b) du Règlement n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire (dans sa version antérieure au Règlement de 2015) et 9§3 b) du Règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque communautaire confère au titulaire d’une marque de l’Union Européenne un droit exclusif sur leur marque lui permettant d’interdire au tiers d’en faire usage dans la vie des affaires et notamment de lui interdire d’offrir des produits, de les mettre sur le marché et de les détenir sous le signe litigieux.

En l’espèce, une société a constaté que des flacons de parfum revêtu de la marque dont elle est licenciée étaient offerts à la vente par le revendeur Amazon Allemagne dans le cadre du programme « expédié par Amazon ».

Cette société a saisi la Cour fédérale de Justice allemande en reprochant à la société Amazon d’avoir porté atteinte à sa marque en entreposant et expédiant ces flacons de parfum.

La Cour Fédérale Allemande a saisi la CJUE afin de savoir si une personne qui stocke pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque sans avoir connaissance de cette atteinte peut-elle être considérée comme faisant usage du signe litigieux au sens des textes européens et par voie de conséquence se livre-t-elle à des actes de contrefaçons.

La Cour a d’abord précisé qu’ « « il ressort du libellé de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001, que cette disposition vise spécifiquement l’offre de produits, leur mise dans le commerce, leur détention « à ces fins » ou encore la fourniture de services sous le signe concerné ». « C’est le tiers qui, seul, entend offrir les produits ou les mettre dans le commerce. Il s’ensuit qu’elles (les deux sociétés Amazon mises en cause) ne font pas, elles-mêmes, usage du signe dans le cadre de leur propre communication commerciale ».

La Cour a pu relever que la société Amazon n’offrait pas elle-même les produits litigieux à la vente et ne les avait pas elle-même mis dans le commerce, que seul le tiers avait pris la décision d’offrir ces produits à la vente et était seul en mesure de les retirer du commerce.

En partant de ces textes et de cette observation, la CJUE a donc répondu par la négative et à contrecourant de la position de l’avocat Monsieur Manuel général SÁNCHEZ-BORDONA à la question préjudicielle qui lui était posée en considérant que « pour que l’entreposage de produits revêtus de signes identiques ou similaires à des marques puisse être qualifié d’« usage » de ces signes encore faut-il que l’opérateur économique effectuant cet entreposage poursuive lui-même la finalité visée par ces dispositions, qui consiste en l’offre de produits ou en leur mise dans le commerce.

À défaut, il ne saurait être considéré que l’acte constituant l’usage de la marque est le fait de cette personne, ni que le signe soit utilisé dans le cadre de sa propre communication commerciale ».

La société Amazon ne fait donc pas elle-même usage d’un signe dans le cadre de sa propre communication commerciale en ne faisant qu’entreposer des produits contrefaisants.

Toutefois, la CJUE relève, au sein de son communiqué n° 39/20 du 2 avril 2020, que « d’autres dispositions […], notamment celles relatives au commerce électronique et au respect des droits de propriété intellectuelle, permettent d’agir en justice contre un intermédiaire qui a permis à un opérateur économique de faire illégalement usage d’une marque ».

Les conséquences de la fin de l’état d’urgence sanitaire sur le milieu culturel

Ordonnance n° 2020-770 du 24 juin 2020 relative à l’adaptation du taux horaire de l’allocation d’activité partielle

Décret n° 2020-810 du 29 juin 2020 portant modulation temporaire du taux horaire de l’allocation d’activité partielle

 

L’état d’urgence sanitaire, entré en vigueur le 24 mars 2020 et qui permettait de restreindre certaines libertés publiques, a pris fin vendredi 10 juillet. Il est remplacé pendant quatre mois par un régime transitoire prévu par la loi du 9 juillet 2020.

Si la fin de l’état d’urgence implique la levée de plusieurs restrictions, certaines mesures notamment relatives à la culture restent applicables.

 

L’organisation de rassemblements de moins de 5 000 spectateurs

 

Depuis le 11 juillet, les stades, salles de spectacles et hippodromes ont rouvert au public avec une limite de 5 000 personnes qui devrait perdurer au moins jusqu’au 1er septembre. Cependant, un nouvel examen de la situation épidémiologique nationale sera réalisé fin juillet pour décider si un assouplissement est possible pour la deuxième partie du mois d’août.

Néanmoins, ces réouvertures doivent se faire sous réserve de respecter strictement les mesures de sécurité sanitaire (port du masque obligatoire, port du masque obligatoire, gestes barrières, distanciation physique…).

 

La prolongation de l’allocation d’activité partielle

 

Pour les placements en activité partielle entre le 1er juin et le 30 septembre 2020, la prise en charge par l’Etat de l’indemnisation passe de 100 à environ 85 % sauf dans les secteurs d’activité les plus impactés par la crise sanitaire comme le tourisme ou encore la culture.

Depuis le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, le taux horaire de cette allocation est égal à 70 % de la rémunération horaire brute versée au salarié au titre de l’activité partielle, : or, l’ordonnance n° 2020-770 du 24 juin 2020 et le décret 2002-7810 du 29 juin 2020 prévoient de baisser le taux horaire de l’allocation de 70 % à 60 % mais uniquement dans les secteurs les moins affectés par la crise sanitaire.

Cependant, l’allocation d’activité partielle est maintenue à 70 % dans la limite de 4,5 fois le Smic pour les entreprises les plus affectées par la crise sanitaire et sans aucune condition pour les employeurs qui exercent leur activité principale dans les secteurs tels que la culture ou la restauration.

Fin de la prolongation de la trêve hivernale

Prévue à l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, la trêve hivernale permet le sursis des mesures d’expulsion à l’encontre de lieux habités entre le 1er novembre et le 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.

Exceptionnellement, pour l’année 2020, en raison de l’épidémie de coronavirus, la trêve hivernale a été prolongée une première fois jusqu’au 31 mai 2020, par l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale, puis une seconde fois par un amendement jusqu’au 10 juillet 2020 et a pris fin le samedi 11 juillet.

Pour autant, Julien Denormandie, ancien ministre du Logement, a confirmé qu’il donnerait instruction aux préfets de ne pas procéder à des expulsions locatives s’il n’y a pas une solution de relogement d’ici au début de la prochaine trêve hivernale, soit le 1er novembre 2020. Néanmoins, les propriétaires pourront solliciter l’indemnisation de l’Etat quand les procédures d’expulsion n’auront pas été exécutées : cette bonne nouvelle pour les propriétaires en cache une plus mauvaise, à savoir l’allongement conséquent des délais d’expulsion.

Reprise des effets des clauses résolutoires

Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus, a été mise en place une série de mesures visant notamment à protéger les commerçants et autres titulaires de baux commerciaux contre lesquels les effets des clauses résolutoires, le plus souvent actionnées en cas d’impayés de loyers, ont été temporairement neutralisés.

C’est ainsi qu’a été adoptée une ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période disposant à son article 4 que les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée, c’est-à-dire entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus.

Par cette ordonnance, l’effet des clauses a été reporté, dans les cas d’inexécution du débiteur, d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.

A titre d’exemple, si une clause résolutoire aurait dû prendre effet le 23 mars 2020, soit 11 jours à compter du 12 mars 2020, il convient, pour déterminer sa date de prise d’effet, d’ajouter 11 jours à compter de la fin de la période juridiquement protégée. Ici, la clause a donc pris effet le 4 juillet 2020, soit 11 jours après le 23 juin 2020.

Ce dispositif de neutralisation ayant pris fin le 23 juin dernier, le jeu normal des clauses résolutoires a repris depuis le 24 juin dernier.

Le Conseil d’Etat précise les conditions de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général en raison de l’illégalité du contrat administratif

Dans le cadre d’une décision de principe du 10 juillet 2020 qui sera publiée au Lebon, le Conseil d’État précise, d’une part, les conditions dans lesquelles une personne publique peut procéder à la résiliation unilatérale d’un contrat administratif entaché d’une irrégularité et, d’autre part, l’indemnisation à laquelle peut prétendre le cocontractant de l’administration dans une telle hypothèse.

En l’espèce, la communauté d’agglomération Reims métropole a lancé une procédure de passation sous la forme d’un appel d’offres ouvert pour l’attribution d’un marché public ayant pour objet la fourniture de points lumineux, supports et pièces détachées. Les trois lots de ce marché public ont été attribués à la société Comptoir Négoce Equipements, qui a commencé l’exécution des prestations le 1er janvier 2015. Cependant, le 5 février 2015, la communauté d’agglomération Reims métropole l’a informée de la résiliation des trois lots à compter du 1er avril 2015 en raison de l’irrégularité entachant la procédure de passation du marché.

La société Comptoir Négoce Equipements a saisi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’une demande tendant à la reprise des relations contractuelles, assortie de conclusions indemnitaires. Le Tribunal a, par un jugement du 8 août 2017, jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en reprise des relations contractuelles et condamné la communauté urbaine du Grand Reims, venue aux droits de la communauté d’agglomération Reims métropole, à verser à cette société des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, au titre de l’année 2015, du fait de la résiliation pour faute de ces lots.

La communauté urbaine du Grand Reims a interjeté appel de ce jugement et, par la voie de l’appel incident, la société Comptoir Négoce Equipements a contesté le jugement en tant qu’il n’a pas indemnisé les préjudices qu’elle estime avoir subis au titre des années 2016 et 2017.

Par un arrêt du 19 mars 2019, la Cour administrative d’appel de Nancy a annulé le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu’il a condamné la communauté urbaine du Grand Reims à verser à la société une somme des dommages et intérêts sur le fondement de la résiliation pour faute alors que la résiliation était intervenue pour un motif d’intérêt général et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

La société Comptoir Négoce Equipements a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Dans un premier attendu de principe, le Conseil d’État rappelle une jurisprudence constante (CE, Ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, n° 32401) aux termes de laquelle « en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant ».

Le Conseil d’Etat avait déjà admis qu’une illégalité contractuelle pouvait constituer un motif d’intérêt général donnant lieu à une résiliation du contrat administratif (CE, 7 mai 2013, Société auxiliaire de parcs de la région parisienne, n° 365043). Cette décision est l’occasion pour lui de préciser les conditions dans lesquelles une telle résiliation est envisageable puisqu’il juge que :

« Dans le cas particulier d’un contrat entaché d’une irrégularité d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l’annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge ».

Il résulte de ce considérant que toutes les irrégularités entachant un contrat administratif ne sauraient donner lieu à une résiliation pour motif d’intérêt général.

En effet, l’irrégularité doit tout d’abord présenter un certain seuil de gravité puisque seules les irrégularités d’une gravité telle que le juge du contrat pourraient en prononcer l’annulation ou la résiliation constituent un motif d’intérêt général pouvant justifier une résiliation unilatérale du contrat.

Par ailleurs, la personne publique ne peut prononcer une telle résiliation que sous réserve respect du principe de loyauté des relations contractuelles. On sait que depuis la jurisprudence du Conseil d’État dite « Béziers I » (CE, Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802), le juge du contrat est, par principe, tenu de faire application du contrat eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles et, par exception, de l’écarter dans l’hypothèse du caractère illicite du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relative à son exécution. La personne publique ne sera donc pas, a priori, fondée à invoquer toutes les irrégularités contractuelles pour justifier la résiliation du contrat sur un tel fondement.

Seules les irrégularités passant le crible de ces deux conditions pourront justifier une résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général de la part de la personne publique. S’il est encore trop tôt pour dresser un inventaire de ces irrégularités, on peut deviner que seules qui présentent un seuil de gravité manifestement important seront de nature à justifier une telle mesure.

Dans le prolongement de sa jurisprudence (CE, Sect., 10 avril 2008, Decaux et département des Alpes-Maritimes, n°s 244950 284439 248607), le Conseil d’État précise ensuite les droits à indemnisation du cocontractant dans l’hypothèse d’une telle résiliation :

« Après une telle résiliation unilatéralement décidée pour ce motif par la personne publique, le cocontractant peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, pour la période postérieure à la date d’effet de la résiliation, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé. Si l’irrégularité du contrat résulte d’une faute de l’administration, le cocontractant peut, en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. Saisi d’une demande d’indemnité sur ce second fondement, il appartient au juge d’apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et le préjudice ».

Pour la période postérieure à la date d’effet de la réalisation, le cocontractant de l’administration peut prétendre à être indemnisé, sur un terrain quasi-contractuel, des dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé. Il s’agit là d’une application classique de la théorie de l’enrichissement sans cause.

En outre, selon une jurisprudence ancienne le juge combine cette théorie du quasi-contrat avec la responsabilité délictuelle de l’administration (CE, 23 mai 1979, Commune de Fontenay-le-Fleury, n° 00063). Ainsi, lorsque l’irrégularité sur le fondement de laquelle la résiliation du contrat est prononcée résulte d’une faute de l’administration alors le cocontractant peut demander au juge d’être indemnisé du préjudice qu’il subit, soit en principe le bénéfice dont il a été privé, sous la double réserve, d’une part, que ce préjudice présente un lien direct et certain avec la faute de l’administration et, d’autre part, que l’irrégularité en cause ne lui soit pas pour partie imputable (il en résulterait alors un partage de responsabilité).

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Nancy a relevé que l’omission, dans le cadre des documents de la consultation, de la mention « ou équivalent » au titre des spécifications techniques, avait eu pour effet d’avantager l’attributaire des lots et que cette omission constituait donc une irrégularité entachant la procédure de passation du marché litigieux. Et, la cour administrative d’appel de Nancy avait jugé que cette irrégularité était de nature à justifier une résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général du marché public.

Le Conseil d’État censure ce raisonnement en jugeant que « Toutefois, la cour a commis une erreur de droit en en déduisant que cette irrégularité justifiait la résiliation du contrat en litige par la communauté d’agglomération du Grand Reims par application des stipulations contractuelles citées au point 4 [stipulations rappelant le pouvoir de résiliation unilatérale de la personne publique pour motif d’intérêt général], sans rechercher si cette irrégularité pouvait être invoquée par la personne publique au regard de l’exigence de loyauté des relations contractuelles et si elle était d’une gravité telle que, s’il avait été saisi, le juge du contrat aurait pu prononcer l’annulation ou la résiliation du marché en litige, et, dans l’affirmative, sans définir le montant de l’indemnité due à la société requérante conformément aux règles définies au point 3 ».

Il annule donc l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire pour être jugée au fond devant la cour administrative d’appel de Nancy.

Suite (et fin ?) de la difficile quête de l’indépendance de l’autorité environnementale : publication du décret du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas

La directive n° 2001/42/CE du 27 juin 2001 et la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011, ont toutes deux pour objectif de garantir dans les Etats membres l’existence d’une autorité compétente et objective en matière d’environnement qui soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l’étude d’impact des projets susceptibles d’avoir une indépendance notable sur l’environnement.

La transposition d’une telle indépendance de l’autorité environnementale en droit français a rencontré de grandes difficultés, la publication du décret du 3 juillet dernier est supposé y mettre un terme. C’est tout ce que nous pouvons souhaiter pour les plans, programmes et projets dont la sécurité juridique a largement été ébranlée, et continuera de l’être, sous l’effet de cette remise en question des textes par le Conseil d’Etat.

A cet égard, rappelons que c’est principalement à l’occasion de deux décisions des 6 et 28 décembre 2017 (portant respectivement les n° 400559 et n° 407501) que le Conseil d’Etat a annulé certaines dispositions du décret 28 avril 2016, car il maintenait, au IV de l’article R. 122-6 du Code de l’environnement, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement.

La double casquette du préfet de région, à la fois autorité environnementale et autorité pouvant autoriser le projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage s’opposait à l’indépendance requise par le droit européen.

Ces annulations ont eu pour effet de vicier rétroactivement la légalité des procédures d’évaluation environnementale de plans, programmes et projet qui avait pourtant suivi à la lettre les textes alors applicables en saisissant le préfet en qualité d’autorité environnementale.

Il a alors fallu combler le vide juridique laissé par l’annulation de ces dispositions réglementaires, c’est l’objet du très attendu décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020.

Ce décret s’appui sur la nouvelle rédaction de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement, dans sa version issue de la loi ELAN (loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019), qui distingue désormais l’autorité environnementale de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. Appliquant ces dispositions législatives, le décret énumère en son article 2 les autorités chargées de l’examen au cas par cas, et en son article 4 les autorités désignées en qualité d’autorité environnementale.

Il n’est pas question ici de procéder à l’énumération des cas dans lesquelles telle ou telle autorité est désignée en qualité d’AE ou en charge de l’examen au cas par cas, il faut toutefois retenir que, en synthèse, l’AE peut être, selon les cas, le ministre de l’environnement, le CGEDD ou la MRAe pour les projets locaux.

Le décret, tirant les enseignements des censures passées du Conseil d’Etat, ne prévoit plus aucun cas dans lequel le préfet de région peut être désigné en qualité d’autorité environnementale. Le décret transfère à la MRAe la compétence pour rendre des avis sur les projets en lieu et place des préfets de région. 

Ce dernier reste toutefois désigné pour procéder, dans la plupart des cas, à l’examen au cas par cas des projets locaux entrant dans le champ de l’évaluation environnementale, mais l’autorité environnementale de ces mêmes projets est, sans grande surprise, la MRAe.

Puisque c’est tout le nœud du problème, ce décret prévoit également, par la création de deux nouveaux articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2 dans le Code de l’environnement, un dispositif de prévention des conflits d’intérêts pour l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale.

Il y a fort à parier que ce nouveau décret ne manquera pas de donner lieu à de nouveaux débats contentieux, il convient alors pour les auteurs des plans et programmes, et pour les porteurs de projets de rester en alerte sur ces sujets houleux.

Les nouvelles dispositions s’appliquent aux demandes d’avis ou d’examen au cas par cas déposées à compter du 5 juillet 2020.

Le renforcement des prérogatives du conseil syndical

Le décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020 réforme les règles de gouvernance entre les trois acteurs majeurs d’une copropriété, à savoir le syndic, le conseil syndical et le syndicat des copropriétaires.

Pour rappel, les conseillers syndicaux, désignés par l’assemblée générale des copropriétaires assistent et contrôlent le syndic. Par ailleurs, le conseil syndical est l’intermédiaire entre les copropriétaires et le syndic mais il n’a pas de personnalité morale.

Même si le présent décret n’accorde toujours pas de personnalité morale au conseil syndical, il s’en rapproche : en effet, le conseil syndical peut désormais bénéficier de délégation de pouvoirs élargis avec une enveloppe financière pour une durée de deux ans dans les conditions prévues par la loi du 10 juillet 1965. Par ailleurs, les décisions prises par le conseil syndical, lorsqu’il bénéficie d’une délégation de pouvoirs, sont consignées dans un procès-verbal mentionnant le nom des membres du conseil syndical ayant participé à la délibération et le sens de leur vote.

En matière juridictionnelle, le président du conseil syndical se voit conférer des pouvoirs qui confinent à la représentation en justice du syndicat des copropriétaires. Ainsi, le président du conseil syndical exerce aux frais avancés du syndicat des copropriétaires les procédures judiciaires prévues aux articles 18-2, 21 et 29-1 A de la loi du 10 juillet 1965. Un état des frais de justice prévisionnels accompagné de devis doit alors être présenté au syndic afin qu’il procède aux avances nécessaires à la conduite de ces procédures.

Enfin, le conseil syndical est chargé de veiller à la mise en concurrence systématique du contrat de syndic : à cet effet, le décret prévoit que le conseil syndical est chargé de communiquer au syndic des projets de contrats de syndic afin de permettre la mise en concurrence lors de l’assemblée générale appelée à renouveler le mandat du syndic en place.

La tenue des assemblées générales de copropriétaires

Avec plusieurs semaines d’attente, le décret d’application de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a enfin été publié. Pour rappel, l’ordonnance réformant le statut de la copropriété permet la convocation d’une assemblée générale à l’initiative d’un seul copropriétaire et régit le vote par correspondance.

La convocation d’une assemblée générale à l’initiative d’un seul copropriétaire

Le copropriétaire peut convoquer seul et à ses frais une assemblée générale concernant ses seuls droits et obligations. Il est à noter que les frais qui seront à la charge du copropriétaire dépendront du nombre de copropriétaires.

La demande faite par un ou plusieurs copropriétaires de convoquer une assemblée générale est notifiée au syndic et précise la ou les questions dont l’inscription à l’ordre du jour est demandée. Elle est accompagnée d’un projet de résolution pour chaque question.

Lorsque l’assemblée générale est convoquée à la demande de plusieurs copropriétaires, ils précisent la répartition des frais et honoraires entre eux. A défaut de précision, les frais sont répartis entre ces copropriétaires à parts égales.

Dans les quinze jours qui suivent la notification mentionnée au premier alinéa, le syndic informe le ou les copropriétaires demandeurs des frais prévisionnels et de ses honoraires. Il convoque l’assemblée générale qui se tient dans le délai de quarante-cinq jours suivant le paiement de ces frais et honoraires.

Le vote par correspondance

La loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 a prévu que quatre modalités de vote : la présence physique, la remise d’un mandat à un copropriétaire, le vote par visioconférence ou encore le vote par correspondance via la remise d’un formulaire au syndic. Le vote par visioconférence est possible depuis le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 sous réserve que le syndicat des copropriétaires approuve ce procédé, ses garanties d’authentification et en supporte son coût.

Quant au vote par correspondance, le présent décret prévoit que le formulaire de vote par correspondance doit être joint par le syndic à la convocation de se rendre à l’assemblée générale. Celui-ci est devenu possible depuis du 4 juillet 2020.

Pour être pris en compte, le formulaire doit être adressé par courriel à l’adresse indiqué par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion. Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique à l’adresse indiquée par le syndic, il est présumé réceptionné à la date de l’envoi.

Le décret n° 2020-634 du 25 mai 2020 précise le régime de la demande de prise de position formelle adressée au représentant de l’Etat

Afin de « fluidifier les relations entre l’État et les collectivités territoriales », l’article 74 de la loi dite « Engagement et proximité »[1] a inséré, à l’article L. 1116-1 du Code général des Collectivités Territoriales (ci-après CGCT), la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de saisir le représentant de l’Etat d’une demande de prise de position formelle sur un acte relevant de leur compétence.

Le décret du 25 mai 2020, publié au JO du 27 mai 2020[2], ici commenté, prévoit désormais les conditions de mise en œuvre de ce dispositif.

Plus précisément, cette procédure, improprement appelée le « rescrit du préfet », permet aux collectivités, à leurs groupements et établissement publics, de demander au Préfet, de façon préalable à l’adoption d’un acte, « une prise de position formelle relative à la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif ».

Il s’agit donc bien, pour ces dernières, de transmettre l’acte concerné et de poser une question écrite sur un point de droit intéressant ce dernier (et non simplement de transmettre ledit acte pour avis des services de l’Etat et prévenir ce faisant un déféré préfectoral).

Dans ce cadre, le décret du 25 mai 2020, vient notamment préciser :

  • les modalités d’envoi de la demande de prise de position ainsi que de la prise de position elle-même : celles-ci pourront être transmises par tout moyen pourvu, naturellement, qu’il permette d’apporter la preuve de sa réception (article 1er du décret, codifié aux articles R. 1116-1 et article R. 111-4 du CGCT) ;

  • la forme de cette demande : elle devra être écrite et signée par une personne compétente pour représenter son auteur (article 1er du décret, codifié à l’article R.1116-2 du CGCT) ;

  • le contenu de cette demande : la demande devra comprendre, le projet d’acte en cause, une présentation claire et concise de la ou les questions de droit posées, un exposé des circonstances de fait et de droit fondant ledit projet d’acte ainsi que toute information ou pièce utile permettant à l’administration de se prononcer ; si la demande est incomplète, les services préfectoraux inviteront l’auteur de la demande à fournir les éléments complémentaires nécessaires (article 1er du décret, codifié à l’article R. 1116-2 du CGCT) ;

  • le point de départ du délai au terme duquel le silence gardé par l’administration vaut absence de position : le délai de trois mois au terme duquel le silence du Préfet vaut absence de position formelle[3], court à compter de la réception de la demande ou de la réception des éléments complémentaires demandés (article 1er du décret, codifié à l’article R. 1116-3 du CGCT). 

 

L’intérêt principal de ce dispositif réside dans le fait que la prise de position formelle lie les services de l’Etat : si l’acte finalement adopté par la collectivité ou son groupement est conforme à la prise de position formelle, le Préfet ne pourra pas, au titre de la question de droit soulevée lors de la demande de prise de position et, sauf changement de circonstances de droit ou de fait, le déférer au tribunal administratif. Il pourra, revanche, le déférer au titre d’autres points de la demande de prise de position formelle que ceux pour lesquels il a été saisi.

Toutefois, il convient de rappeler que dans cette procédure, les services de l’Etat demeurent libres de ne pas se prononcer sur la prise de position formelle et ce n’est qu’à l’issu d’un délai de trois mois que l’auteur de la saisine pourra prendre acte de l’absence de prise de position.

Reste donc à savoir quelle sera l’effectivité de ce dispositif compte tenu de cette possibilité de garder le silence, et ce, durant un délai suffisamment long pour retarder l’adoption des actes des collectivités territoriales et leurs groupements.

[1] Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/affichJO.do?idJO=JORFCONT000041920174

[3] Article L. 1116-1 du CGCT

Possibilité de lancer une procédure de mise en concurrence avant d’en avoir la compétence

Le Conseil d’Etat reconnait, dans une décision du 9 juin 2020[1], la possibilité pour une collectivité territoriale, en l’occurrence la Métropole de Nice-Côte d’Azur, non encore compétente pour ce faire, de lancer la procédure de mise en concurrence afférente à une concession de plage.

Les faits sont les suivants : par un arrêté préfectoral du 12 octobre 2007 s’achevant le 31 décembre 2019, la concession des plages naturelles de Nice avait été attribuée à la ville de Nice, à qui il revenait donc de mener une procédure de publicité et mise en concurrence pour confier ensuite l’exploitation de ces plages[2].

Au début de l’année 2018, la métropole Nice-côte d’Azur exprimait son intention de prendre la suite de la ville de Nice (et donc de conclure la concession portant l’aménagement, l’exploitation et l’entretien des plages naturelles avec un exploitant), en faisant jouer le droit de priorité qu’elle tire de l’article L. 2124-4 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CGPPP).

En effet, ces dispositions prévoient que les concessions de plage sont accordées en priorité aux métropoles et, en dehors du territoire de celles-ci, aux communes ou groupements de communes.

Toutefois, c’est sans attendre l’intervention de l’arrêté préfectoral du 26 novembre 2019 actant de ce changement de compétence que la Métropole Nice-côte d’Azur a, dès juin 2018, lancé la procédure de passation de renouvellement de la (sous) concession des plages naturelles.

C’est dans ce contexte que des candidats évincés de cette procédure, à savoir les sociétés Les Voiliers, Lido Plage et Sporting Plage, ont demandé au Tribunal administratif de Nice d’annuler cette consultation. Au soutien de ce recours, les sociétés susvisées estiment, d’une part, que la procédure serait, en ces circonstances, conduite par une autorité incompétente et soulèvent, d’autre part, divers manquements tenant notamment à la pondération des critères et des sous critères, au périmètre de la concession ou encore à la procédure de négociation.

Le Tribunal administratif ayant donné gain de cause à ces candidats évincés en annulant la procédure litigieuse, la Métropole s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, lequel a rendu sa décision par l’arrêt du 9 juin 2020 ici commenté.

En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle, en suivant les conclusions de Madame Mireille Le Corre, Rapporteure publique sous cette décision, qu’il n’appartient pas au juge des référés de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique, est à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin[3]. A ce titre, la Rapporteure publique précise que « cette solution est directement tirée de ce que les pouvoirs du juge du référé précontractuel cessent une fois le contrat conclu, de façon tautologique ».

En deuxième lieu, et c’est là le cœur de cet arrêt, la Haute juridiction considère que la circonstance selon laquelle la procédure de passation est engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer, n’est pas de nature à rendre ladite procédure irrégulière. Ainsi, une personne publique peut valablement lancer une consultation sans être encore compétente pour ce faire.

Toutefois, le Conseil d’Etat, en suivant ici encore les conclusions de Madame la Rapporteure publique, conditionne cette possibilité :

  • d’une part, et de façon assez évidente, la signature du contrat ne peut quant à elle intervenir que lorsque la compétence est effectivement transférée à la personne publique signataire[4];

  • d’autre part, cette anticipation ne peut être opérée que si la collectivité a effectivement la perspective de détenir la compétence concernée à la date de la signature du contrat.

 

En troisième lieu, le Conseil d’Etat se prononce sur les autres moyens soulevés par les candidats évincés. Si tous ne méritent pas d’être présentés, il ressort pour l’essentiel de ces derniers les éléments suivants :

  • L’autorité concédante est seulement tenue, au regard des dispositions du décret du 1er février 2016[5] applicables au contrat en cause, d’indiquer et décrire les critères de sélection des offres ainsi que de les hiérarchiser pour les contrats supérieurs aux seuils européen. Dès lors, la Métropole est déjà allée au-delà de ses obligations en pondérant les critères de sélection des offres et le défaut de pondération des sous-critères d’appréciation n’entache pas d’irrégularité la procédure de consultation ;
  • Une délégation ne peut avoir un périmètre manifestement excessif ni réunir des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux ; c’est là le rappel des principes jurisprudentiels posés pour permettre le recours aux concessions dites multi-services ou multi-objets[6]. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque les prestations de restauration de plage ne sont pas manifestement sans lien avec le service concédé (la concession de plage) ;
  • Enfin, en l’absence d’éléments établissant la partialité de l’élu ayant présidé la commission de délégation de service public, la circonstance selon laquelle ledit élu a également conduit la négociation de la concession au vu de l’avis rendu par cette commission n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure, eu égard à la liberté qui entoure la phase de négociation.

 

Au total, pour les raisons ci-dessus décrites, le Conseil d’Etat annule les ordonnances prises par le Tribunal administratif de Nice en première instance.

[1] CE, 9 juin 2020, Métropole Nice-Côte d’Azur, n° 43692

[2] Les concessions de plage sont accordées par l’Etat aux métropoles, aux communes ou aux groupements de communes qui, à leur tour, concluent éventuellement, après publicité et mise en concurrence, des contrats appelés « sous-traités d’exploitation » avec des opérateurs économiques afin d’en confier l’exploitation. Voir en ce sens l’article L. 2124-4 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques.

[3] Ce rappel est notamment issu de l’arrêt CE, 6 juin 1999, S.A. DEMATHIEU ET BARD,  n° 198993

[4] CE, 19 mai 2000, Commune de Cendre, n° 208543

[5] Décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concessions

[6] Conseil d’État, 21 septembre 2016, Communauté urbaine du Grand Dijon et société Kéolis, n° 399656

Protection fonctionnelle : le principe d’impartialité empêche l’autorité hiérarchique mise en cause de se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle de son agent

L’instruction d’une demande de protection fonctionnelle, lorsqu’elle est fondée sur des éléments mettant en cause directement l’autorité hiérarchique en charge de l’instruire, n’est pas sans poser de difficultés.

Le Conseil d’Etat a, dans un arrêt du 29 juin dernier, tranché la question à l’aune du respect du principe d’impartialité.

Un praticien hospitalier avait présenté une demande de protection fonctionnelle à raison d’une agression verbale et physique de la part du directeur du centre hospitalier. Cette demande avait été rejetée par le directeur du centre hospitalier lui-même, et l’agent avait alors demandé au Tribunal administratif de Sait Martin l’annulation de ce refus, lequel y a fait droit, en considérant que le principe d’impartialité prévu par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires aurait dû empêcher le directeur du centre hospitalier de statuer sur une telle demande.

Mais la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait ensuite annulé ce jugement, en jugeant que le principe d’impartialité ne s’appliquait pas à l’exercice du pouvoir hiérarchique. Le praticien a alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que le principe d’impartialité s’applique à toute autorité administrative dans toute l’étendue de son action, y compris dans l’exercice du pouvoir hiérarchique, de sorte que la Cour a jugé à tort qu’il ne pouvait être invoqué dans ce cadre.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat rappelle que la protection fonctionnelle n’est en principe pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, sauf dans le cas où les actes reprochés sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.

Or, c’est précisément au supérieur hiérarchique de l’agent le mettant en cause de statuer sur la demande de protection fonctionnelle. Le Conseil d’Etat a jugé cette situation contraire au principe d’impartialité dès lors que la demande était fondée sur des faits – une très vive altercation – insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.

Il appartenait selon l’arrêt à l’Agence régionale de santé, en charge d’instruire les demandes de protection fonctionnelle émanant des personnels de direction des établissements publics de santé, d’instruire cette fois la demande présentée par le praticien hospitalier.

A suivre la logique de l’arrêt, il se pose donc par exemple dans les collectivités la question de l’échelon supérieur si la demande implique l’autorité territoriale, lequel pourrait être l’organe délibérant, lui-même compétent pour accorder la protection à l’élu.

La fin de l’occupation de l’emploi fonctionnel et la réintégration sur un emploi vacant

Si les agents fonctionnaires occupant un emploi fonctionnel dans les communes sont, par l’effet des dispositions de l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, actuellement protégés contre l’intervention d’une décision de décharge de fonctions – parce que le texte interdit toute décision en ce sens dans les six mois de la désignation de l’autorité territoriale – le présent arrêt intervient à point nommé pour préparer au mieux les décisions qui pourraient intervenir en fin d’année.

En effet, il précise l’une des autres garanties qu’offre l’article 53 en cas de décision de fin ou de non renouvellement du détachement sur un tel emploi : la réintégration dans un emploi vacant du grade.

Pour mémoire, le texte prévoit en effet que lorsqu’il est mis fin au détachement d’un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel et que la collectivité ou l’établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l’établissement dans lequel il occupait l’emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l’article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l’article 98.

Mais l’article ne dit pas à quelle date apprécier l’existence ou non d’un emploi vacant du grade : à la date de la décision ou, comme on pourrait le penser a priori, à la date de sa prise d’effet, soit le premier jour du troisième mois suivant la décision.

Grâce à l’arrêt rendu ce 8 juillet le doute n’est cependant plus permis. Il en ressort en effet que :

  • dans le cas où le fonctionnaire territorial est détaché sur un emploi fonctionnel relevant de sa collectivité ou de son établissement d’origine, il appartient à celle-là ou à celui-ci, pour mettre en œuvre l’obligation de réintégration qui lui incombe en principe, de prendre en compte, sous réserve des nécessités du service, les emplois vacants à la date à laquelle cette collectivité ou cet établissement informe son organe délibérant de la décision, ainsi que ceux qui deviennent éventuellement vacants ultérieurement (c’est-à-dire pendant le préavis) ;

  • dans le cas où le fonctionnaire territorial est détaché sur un emploi fonctionnel ne relevant pas de sa collectivité ou de son établissement d’origine, il appartient à celle-là ou à celui-ci, pour mettre en œuvre l’obligation de réintégration qui lui incombe en principe, de prendre en compte, sous réserve des nécessités du service, les postes vacants à la date où cette collectivité ou cet établissement est informé de la fin du détachement, ainsi que ceux qui deviennent vacants ultérieurement (soit ici aussi pendant le préavis).