Sociétés de coordination : il faut bien deux commissaires aux comptes dès la constitution

Les sociétés de coordination ont pour objet notamment d’établir des comptes combinés du Groupe d’organismes de logement social qu’elles constituent avec leurs associés ou actionnaires.  

L’établissement de ces comptes combinés constitue donc une obligation légale, pesant sur la société dès sa création. 

Ainsi, les sociétés de coordination, en tant que personnes morales astreintes à publier des comptes combinés, sont tenues de désigner au moins deux commissaires aux comptes (article A 823-2-1 du Code de commerce et Bull. CNCC n° 136, décembre 2004, EJ 2004-163, p. 719 s.).  

La société de coordination ayant la qualité de pouvoir adjudicateur, cette désignation, réalisée par les associés ou actionnaires aux statuts lors de la constitution de la société, nécessitera une mise en concurrence qui devra être organisée par l’un des futurs associés de la société de coordination au nom et pour le compte de la société en cours de formation.  

Dès lors, la pratique consistant à ne désigner qu’un seul commissaire aux comptes à la constitution pourrait être critiquée au motif non seulement qu’elle ne répond pas à l’obligation légale pour la société de désigner deux commissaires aux comptes dans la mesure où elle est tenue légalement d’établir des comptes combinés mais également au regard du droit de la commande publique du fait de la nécessité d’agréger l’ensemble des besoins en matière d’audit légal des comptes au titre de la computation des seuils. 

Autorisations d’urbanisme : une contestation sur l’autorisation de la copropriété ne saurait constituer une fraude du pétitionnaire sur sa qualité

La crise sanitaire actuelle, avec les conséquences juridiques dérogatoires qui en découlent, n’a pas totalement mis de côté les problématiques juridiques relatives au droit commun, en l’occurrence celles du droit de l’urbanisme. 

Parmi celles-ci, la jurisprudence toujours mouvante des juridictions administratives sur le contrôle de la qualité du demandeur d’une autorisation d’urbanisme, vient de recevoir une nouvelle pierre à son édifice. 

Rappelons que depuis un arrêt du Conseil d’Etat de début 2012 (CE, 15 février 2012, n° 333631, publié au recueil Lebon, dit « arrêt Quennesson »), l’autorité en charge de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme n’a plus à vérifier, au-delà de l’existence de l’attestation comprise dans le formulaire Cerfa, la qualité du demandeur de l’autorisation.  

Ce dernier doit être, ainsi que le prévoit l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme : soit le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; soit, en cas d’indivision, un ou plusieurs coïndivisaires ou leur mandataire ; soit une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation du terrain. 

L’exception majeure à ce principe d’absence de contrôle par le service en charge de l’instruction des autorisations d’urbanisme de la qualité des demandeurs est celle de la commission de manœuvres frauduleuses commises par ces derniers. 

Dans une nouvelle affaire, deux syndicats de copropriété ont entendu contester deux arrêtés de permis de construire (un permis initial puis un permis modificatif) portant sur la réalisation d’une maison individuelle, en se prévalant notamment de la commission par le pétitionnaire d’une fraude sur sa qualité, au motif que celui-ci, alerté par l’envoi d’un recours gracieux et d’une requête par les copropriétaires, savait qu’il était nécessaire d’obtenir au préalable l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires. 

Le Tribunal administratif de Montreuil avait ainsi annulé les arrêtés de permis de construire, notamment en retenant la caractérisation d’une fraude du pétitionnaire, par un jugement du 1er juin 2018. 

La Ville de Paris a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, qui a revu la copie des juges du fond, par un arrêt en date du 3 avril 2020. 

Les juges du Palais Royal ont ainsi estimé que : 

« 12. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l’attestation prévue à l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l’article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte également de ces dispositions qu’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire. Une telle contestation ne saurait, par elle-même, caractériser une fraude du pétitionnaire entachant d’irrégularité la demande d’autorisation d’urbanisme.

13. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé qu’en attestant de sa qualité pour déposer sa demande de permis de construire modificatif, alors même que l’introduction d’un recours gracieux et d’une requête par le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier  » Univers 21  » et par Mme D… l’avait alerté sur la nécessité d’obtenir au préalable l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, M. A… s’était livré à une manœuvre frauduleuse entachant d’irrégularité le permis de construire modificatif qui lui a été délivré. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 ci-dessus qu’en statuant ainsi, le tribunal administratif a entaché son jugement d’une erreur de droit ».

 

De manière assez logique, le Conseil d’Etat indique bien que la seule existence d’une contestation des copropriétaires sur un projet de construction ne suffit pas à caractériser une fraude, étant précisé que celle-ci doit être prouvée sur la base de manœuvres commises par le pétitionnaire démontrant que celui-ci savait ne pas avoir la qualité pour présenter sa demande. 

Ce qui paraît plus surprenant, c’est que la Haute juridiction administrative semble retenir une acception stricte de la fraude au cas particulier, alors qu’il semble être prouvé que, par l’exercice de recours des copropriétaires, le pétitionnaire savait qu’il ne disposait pas de l’autorisation de l’assemblée générale (ce qui, dans une acception plus souple de la fraude, pourrait conduire à retenir l’existence de celle-ci). 

Guide de l’OPPBTP et maîtres d’ouvrage publics, quelques pistes pratiques

Circulaire précisant les mesures relatives à la continuité de l’activité pour les entreprises du bâtiments et des travaux publics

Dans notre édition spéciale COVID-19 du 25 mars 2020 nous évoquions la publication prochaine d’un guide des bonnes pratiques devant énumérer une série de recommandations à destination des entreprises leur permettant d’assurer des conditions sanitaires satisfaisantes sur les chantiers et poursuivre leurs activités. 

C’est désormais chose faite. 

Ce guide, validé par le gouvernement destiné aux entreprises du BTP diffusé le 2 avril 2020 par l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP), énonce effectivement de nombreuses préconisations en vue de permettre aux entreprises la reprise de l’activité tout en assurant à leurs équipes des conditions de sécurité sanitaires optimales.  

Toutefois, si ce guide apporte aux entreprises des réponses particulièrement précises en matière sanitaire et quant à l’organisation de leurs activités, il soulève diverses questions tant pour ces acteurs que pour les maitres d’ouvrages publics quant à l’éventuelle mise en œuvre de leur responsabilité. Ce guide n’évoque pas non plus la question des modalités de poursuite des chantiers, c’est pourquoi nous évoquerons rapidement ces quelques interrogations. 

 

I – L’obligation d’utiliser des masques : vers un arrêt fréquent des travaux ? 

 

L’OPPBTP mentionne expressément en préambule du guide que « les entreprises doivent respecter strictement les préconisations de guide pendant toute la période de confinement décidée par les autorités, et à défaut de pouvoir le faire, stopper leur activité sur les travaux concernés. » 

Si ce préambule semble limpide au regard de l’objectif visé, les rédacteurs de ce guide semblent avoir omis certains points, rendant difficile pour certaines entreprises la reprise effective de leur activité. 

En effet, il est mentionné l’obligation pour le personnel des entreprises de porter un « masque » dans les cas suivants (page 3 du guide) : 

  • Travail à moins d’un mètre d’une autre personne : masque chirurgical a minima
  • Intervention chez une personne malade, si cette intervention ne peut être différée : port du masque obligatoire, de type chirurgical a minima
  • Intervention chez une personne à risque de santé : port du masque obligatoire, de type chirurgical a minima

Or, malgré la pénurie actuelle de masque de type chirurgicaux et encore plus de masques type FFP2, le guide n’évoque pas la question inévitable que vont être amenés à se poser rapidement les responsables de ces entreprises, à savoir « que faire en cas d’absence de masques ? ». 

De même, l’utilisation de masques « alternatifs », préconisée désormais par le gouvernement pour la population, n’était pas évoquée. 

Devant ces d’interrogations, l’OPPBTP a modifié et assoupli, dès le 10 avril 2020, l’obligation concernant les masques en apportant une distinction selon la nature des trois interventions évoquée ci-dessus. 

Désormais les masques préconisés pour les deux premières situations de travail, précédemment de type chirurgical II-R ou de protection supérieure, sont dorénavant de type à usage non-sanitaire de catégorie I (filtration supérieure ou égale à 90 % – masques de type FFP1, de type chirurgical ou de protection supérieure. 

S’agissant, des interventions chez les personnes malades, des masques de type chirurgical II-R ou de protection supérieure demeurent obligatoires. 

Bien évidemment à défaut de pouvoir fournir à leur équipe les masques préconisés, le guide prescrit de « stopper l’activité sur les travaux concernés ». 

Quelle position le maitre d’ouvrage public doit il adopter en cas de constat du non-respect du guide en cas d’intervention sans masques ? 

Si les deux derniers cas imposant l’usage de masques, ci-dessus rappelés, s’appliquent plus particulièrement aux maîtres d’ouvrage privés, le premier cas concernant le travail à moins d’un mètre concerne aussi les maitres d’ouvrages publics. 

Or, cette question relative à l’absence de précision quant à l’utilisation des masques en cas de travail à moins d’un mètre emporte également des conséquences pour le maître d’ouvrage public qui constaterait l’intervention du personnel d’un titulaire ne respectant pas cette obligation sur un de ses chantiers.  

Dans une telle situation, il convient de rappeler qu’en aucun cas il n’appartient au maître d’ouvrage public de prendre seul la décision d’arrêter le chantier.  

En effet, c’est à l’entreprise au premier chef, employeur du personnel concerné, qu’il appartient de définir les règles permettant d’assurer la sécurité et la protection de la santé de ses travailleurs, et les personnes publiques ne doivent pas se trouver en situation de s’y substituer. 

Pour autant, et afin d’éviter que sa responsabilité, notamment pénale, puisse être recherchée, il appartiendra au maître d’ouvrage de signaler la situation par tout moyen (compte rendu de chantier, courrier recommandé,…) au maître d’œuvre ainsi qu’au coordonnateur Sécurité-Protection-Santé (SPS), intervenants sur le chantier pour le compte du maître d’ouvrage, ces derniers étant les seuls susceptibles de recommander la poursuite ou l’arrêt de chantier. 

 

II – Comment le maitre d’ouvrage public doit-il se positionner en cas de demande d’arrêt ou de prolongation de chantier  ? 

 

Comme cela vient d’être évoqué, il n’appartient pas au maitre d’ouvrage de prendre, de sa propre initiative, la décision de suspendre ou d’ajourner le chantier. 

Par ailleurs, comme nous l’évoquions en conclusion de notre brève « Covid-19 et chantiers en cours : l’impossible équation » publié le 25 mars 2020, les maîtres d’ouvrage publics doivent être vigilants et distinguer les retards qui trouvent effectivement leur cause dans la gestion du Covid-19 et ceux qui sont imputables aux manquements des entreprises. 

Il parait ainsi prématuré et contraire aux obligations qui incombent aux maîtres d’ouvrage d’adresser spontanément aux titulaires un ordre de service de suspension de chantiers ou de prolongation des délais d’exécution, cela étant au demeurant contraire au souhait gouvernemental de poursuivre l’exécution des chantiers. 

C’est effectivement aux entreprises de prendre l’initiative et de formaliser ces demandes auprès de leurs donneurs d’ordres.  

C’est le sens également de l’ordonnance n°  2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19

A réception de la demande des entreprises de prolonger le délai d’exécution de leur marché, la réponse du maître d’ouvrage doit d’abord être d’interroger les titulaires afin de connaitre la nature des difficultés effectivement rencontrées, les délais supplémentaires dont les entreprises ont besoin.  

Par ailleurs, il peut être utilement précisé aux entreprises que doit être privilégiée l’exécution de tâches qui ne nécessitent pas la présence effective sur le chantier (réalisation d’études, établissement des DOE et leur récolement par le maître d’œuvre…) ou celles qui ne nécessitent pas de travail rapproché (ce qui semble nécessaire pour certains types de chantiers, dans le secteur des télécommunications notamment, secteur dans lequel, d’ailleurs, les opérateurs ne partagent pas tous la stratégie de poursuite des chantiers). 

Dans le même temps, le maître d’ouvrage doit solliciter du maître d’œuvre et du coordonnateur SPS leur avis sur les conditions de poursuite du chantier pour ces entreprises, comme pour le personnel de ces prestataires. Leur avis doit être également requis sur les demandes des titulaires quant aux demandes de suspension ou d’arrêt et leur lien avec l’épidémie de COVID-19. 

C’est uniquement après avis de ces intervenants que le maître d’ouvrage pourra « formaliser » les préconisations du maitre d’œuvre et du coordonnateur SPS, via un Ordre de service, adressé à tous les intervenants au chantier, accompagné d’une demande de production d’un nouveau calendrier d’exécution. 

Telle doit être, selon nous, l’attitude du maître d’ouvrage public dans la gestion de cette crise, à savoir rester à l’écoute des demandes des entreprises mais ne pas être à l’initiative d’un arrêt ou d’une suspension de chantier.  

Reste entière bien évidemment, à l’issue de cette crise ou lors de l’établissement des décomptes, la question des surcoûts éventuels liés à la crise sanitaire. Mais pour l’heure, force est d’admettre que l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 précitée n’évoque, comme conséquence contractuelle de la crise, que la prolongation des délais d’exécution des marchés que leurs titulaires sont en droit de demander. 

Se posera inévitablement la question de l’applicabilité de la force majeure, la théorie de l’imprévision nous semblant en revanche à ce stade à exclure .  

 

Par Marie-Hélène Pachen-Lefèvre, Philippe Guellier, Marion Terraux et Cyril Croix

Adaptation des règles funéraires à l’épidémie de covid-19

Comme de nombreux autres domaines juridiques, le droit funéraire a fait l’objet de mesures d’adaptation aux circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de Covid-19. 

Ces mesures ont été adoptées par un décret n° 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de Covid-19.  

Elles introduisent des dérogations à certaines dispositions du droit funéraire, compte tenu du surcroit de mortalité constaté en particulier dans certains territoires, dans le but notamment de simplifier les procédures applicables et faciliter le travail des opérateurs funéraires. 

D’un point de vue temporel, ces dérogations pourront être mises en œuvre à compter de l’entrée en vigueur du décret (soit le 28 mars 2020) et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois, à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

On relèvera néanmoins que les dérogations mentionnées aux articles 2 à 6 du décret (cf. infra) constituent une simple possibilité, l’article 1er du décret précisant qu’elles ne peuvent être mises en œuvre que « lorsque les circonstances locales le justifient».  

Les dérogations possibles aux règles habituelles sont les suivantes : 

  • la formalité de déclaration préalable de transport de corps avant et après mise en bière peut être remplacée par une déclaration réalisée a posteriori qui peut être réalisée jusqu’à un mois après la fin du délai susvisé, soit au total deux mois après la cessation de l’état d’urgence (art. 2 du décret) ; 
  • il peut être dérogé aux délais légaux d’inhumation et de crémation (qui s’élèvent à 6 jours après le décès) sans accord préalable du préfet, mais « dans la mesure strictement nécessaire au regard des circonstances » et dans la limite de 21 jours. Le Préfet peut néanmoins fixer un délai maximal supérieur à 21 jours pour tout ou partie du département et édicter, également pour tout ou partie du département, des prescriptions générales ou particulières relatives à la mise en œuvre des délais dérogatoires d’inhumation ou de crémation (art. 3 du décret) ; 
  • l’autorisation de fermeture du cercueil peut être transmise par l’officier d’état civil à l’opérateur funéraire de manière dématérialisée par dérogation aux dispositions de l’article R. 2213-17 du Code Général des Collectivités Territoriales (ci-après, CGCT) qui imposent une transmission sur papier libre (art. 4° du décret). Et, à défaut d’obtention de cette autorisation au plus tard 12 heures avant l’inhumation ou la crémation, l’opérateur funéraire peut procéder à la fermeture du cercueil sans l’avoir obtenue ; 
  • l’autorisation d’inhumation et de crémation peut également être délivrée par voie dématérialisée par le maire (art. 5 du décret) ; 
  • le transport des corps avant et après mise en bière peut être assuré par des véhicules satisfaisant aux conditions posées par le CGCT pour ces deux activités (et respectivement posées aux articles D. 2223-10 et suivants et D. 2223-16 et suivants), mais les attestations de conformité desdits véhicules peuvent être adressées par l’opérateur funéraire au préfet compétent au plus tard deux mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Les visites de conformité des véhicules qui auraient dû être effectuées pendant cette période et jusqu’à un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire seront réputées avoir été faites à temps si elles sont réalisées dans un délai qui ne peut excéder deux mois après la fin de cette période (art. 6 du décret) ; 
  • les habilitations des opérateurs funéraires sont prorogées de plein droit jusqu’au 31 décembre 2020 (art. 7 du décret) ; 
  • la liste des lieux de dépôt temporaire des cercueils dans l’attente de la réalisation de la crémation ou de l’inhumation définitive figurant à l’article R. 2213-29 du CGCT est complétée par la mention des « dépositoires » (art. 8 du décret). On notera que les dépositoires figuraient antérieurement dans cette liste mais en avaient été supprimés par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011 relatif aux opérations funéraires. Le décret du 27 mars 2020 précise néanmoins que le dépôt d’un cercueil dans un dépositoire ne peut excéder six mois, et qu’à l’expiration de ce délai, le corps doit être inhumé. 

Par Marianne Hauton

Prorogation des délais et mesures en matière civile

Dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, le gouvernement a adopté le 25 mars dernier une série d’ordonnances pour tenir compte de l’état d’urgence sanitaire qui, pour rappel, a été déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (1) et est entré en vigueur le 24 mars dernier. 

Dans ce contexte a été adoptée l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. 

Ainsi, sont prorogés de plein droit les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. 

L’état d’urgence ayant été déclaré pour une durée de 2 mois, il cessera en principe le 24 mai prochain, sauf report en raison de l’évolution de l’épidémie. 

Mesures et délais visés 

La prorogation s’applique à tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars dernier et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. 

La règle est la suivante : tous ces délais et mesures seront réputés avoir été accomplis à temps s’ils ont été effectués, à compter de l’expiration d’un délai d’un mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire, dans le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois. 

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. 

Sont également prorogées de plein droit, à l’article 3 de l’ordonnance n°2020-306, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter l’expiration d’un délai d’un mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire, les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période : 

  • Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ; 
  • Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ; 
  • Autorisations, permis et agréments ; 
  • Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ; 
  • Mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial. 

La possibilité est toutefois offerte au juge ou à l’autorité compétente de modifier ces procédures ou d’y mettre fin lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. 

Par ailleurs, en application de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306, les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période s’écoulant entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. 

Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de la période ci-dessus si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. 

Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

Enfin, il est intéressant de noter que l’ordonnance n° 2020-306 est applicable aux mesures restrictives de liberté ainsi qu’aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantie, à la condition qu’elle n’entraine pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020. 

Exceptions 

Ces diverses prorogations ne s’appliquent toutefois pas : 

  • Aux délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale ; 
  • ou concernant les élections régies par le Code électoral et les consultations auxquelles ce Code est rendu applicable ; 
  • Aux délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ; 
  • Aux délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ; 
  • Aux obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du Code monétaire et financier ; 
  • Aux délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci. 

Application concrète 

Sont suspendus les effets d’une clause résolutoire insérée à un bail et ce pendant toute la durée de la période visée par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. 

Dans ces conditions, il est préconisé de reporter la signification de tout commandement à l’issue de cette période, et ce d’autant plus qu’en matière de procédure en acquisition de clause résolutoire, le bien-fondé de la demande pourra être remis en cause en cas de mauvaise foi du bailleur. 

Il convient toutefois de nuancer nos propos puisque, l’ordonnance n° 2020-306 ne s’appliquant pas, en vertu de son titre I, article 1 5°, aux délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci, la prorogation de délais qu’elle édicte ne pourra à notre sens bénéficier aux micro-entreprises, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie, et qui peuvent en vertu de cette loi d’urgence, reporter intégralement ou étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures. 

Par Emilie Bacqueyrisses

Covid-19 : la création de l’amende forfaitaire de 5ème classe en cas de méconnaissance renouvelée des règles limitant les déplacements

Par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 portant création de l’état d’urgence sanitaire – entrée en vigueur le 24 mars 2020 –, le législateur a renforcé l’arsenal juridique visant à sanctionner la méconnaissance des règles instaurées afin de limiter les déplacements.  

Aux termes de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique nouvellement rédigé, il a ainsi été prévu que l’inobservation des interdictions ou obligations mises en œuvre au plan national ou au plan local sera sanctionnée :   

  • D’une amende forfaitaire prévue pour les contraventions de 4ème classe (135 € pouvant être majorée à 375 € en l’absence de paiement dans les 45 jours) ;  
  • D’une amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (1.500 € au plus) si une seconde violation est constatée dans un délai de quinze jours ;   
  • De six mois d’emprisonnement et de 3.750 € d’amende (au plus) si ces violations sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours ; seront également encourues les peines complémentaires de travail d’intérêt général et de suspension du permis de conduire – pour une durée de trois ans au plus – lorsque l’infraction aura été commise à l’aide d’un véhicule.   

Donnant compétence aux agents de police nationale et de police municipale pour constater par procès-verbaux les contraventions des 4ème et 5ème classes susvisées, il semblerait que le législateur ait toutefois négligé le fait que l’amende forfaitaire pour les contraventions de la 5ème classe ne soit prévue par aucun texte.  

La loi laissait en conséquence la possibilité aux services de police de constater l’infraction, mais le montant devait quant à lui être fixé ensuite par le Tribunal de police ; cette procédure longue emportait un effet dissuasif relatif, ce qui a conduit le pouvoir exécutif à étendre par voie réglementaire la procédure de l’amende forfaitaire à la contravention de la 5ème classe. 

Par Décret n° 2020-357 du 28 mars 2020 relatif à la forfaitisation de la contravention de la 5ème classe réprimant la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, les articles R. 48-1, R. 49, R. 49-3 et R. 49-7 du Code de procédure pénale ont ainsi été modifiés. 

Ces dispositions prévoient désormais :  

  • La création d’une amende forfaitaire de 5ème classe d’un montant de 200 € en cas de violation réitérée des interdictions ou obligations mises en œuvre, dans un délai de quinze jours ;  
  • Une majoration à 450 € en l’absence de paiement dans les 45 jours.  

Depuis le début du confinement instauré par le gouvernement, plus de 359.000 procès-verbaux auraient été dressés pour inobservation des mesures mises en place, selon les chiffres annoncés par le Ministère de l’Intérieur. 

Les juridictions ont, par ailleurs, sanctionné, sur le fondement du délit de violation habituelle de la mesure de confinement – spécialement créé pour répondre aux circonstances de la crise -, des administrés récalcitrants, déférés dans le cadre de procédures de comparution immédiate. 

Par Margaux Parisot

Modifications des règles applicables en matière pénale pendant la période d’urgence sanitaire

Circulaire présentant les dispositions de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (NOR : JUSD2008571C)

 

Par ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 précisée par la Circulaire JUSD2008571C du 26 mars 2020, les règles de procédure pénale ont été temporairement modifiées pour s’adapter aux enjeux sanitaires et aux contraintes des plans de continuation d’activité juridictionnelle liées aux mesures de confinement. 

Plusieurs dispositions dérogeant aux principes directeurs de la procédure pénale, à l’instar de la publicité des débats et de la collégialité, ont ainsi été adoptées afin notamment d’alléger le formalisme des procédures et adapter les contraintes de délais. 

Outre un recours accru aux audiences dématérialisées, les délais de procédure ont été modifiés : 

  • Les délais de prescription de l’action publique et de la peine sont ainsi suspendus rétroactivement à compter du 12 mars 2020.  
  • Les délais de voies de recours sont doublés sans pouvoir être inférieurs à dix jours, étant précisé, en outre, que l’appel et le pourvoi en cassation peuvent dorénavant être formés par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courriel adressé à la juridiction.  
  • A défaut d’autres dispositions dérogatoires, les autres délais en matière pénale – notamment en matière d’instruction (observations et demandes en matière d’expertise, demandes d’actes, observations à l’issue de l’avis de fin d’information judiciaire etc.) –, doivent être considérés comme inchangés. 

Par ailleurs, afin de composer avec un effectif réduit de magistrats et de greffiers présents dans les juridictions, le recours à la visioconférence est désormais possible, sans l’accord des parties, devant toutes les juridictions pénales, à l’exception des Cours d’assises. 

S’agissant du fonctionnement des audiences, il est prévu, afin de veiller au respect des mesures barrières, une dérogation aux règles de publicité ; avant l’ouverture de l’audience, le Président de la juridiction peut ainsi décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte, voire à huis clos. 

Des mesures visent également la composition des tribunaux avec plusieurs dérogations permettant le recours à la procédure à juge unique, sous réserve toutefois d’un renvoi de l’affaire dans une formation collégiale en cas de complexité ou de gravité des faits : 

  • La Chambre de l’instruction peut ainsi statuer, en matière correctionnelle, en n’étant composée que de son seul Président ; 
  • Le Tribunal correctionnel peut également statuer, quelle que soit la nature du délit dont il est saisi et quel que soit le mode de sa saisine, en n’étant composé que de son seul Président ; 
  • La Chambre des appels correctionnels et la Chambre spéciale des mineurs, peuvent statuer, dans tous les cas, en n’étant composées que de leur seul Président ; 
  • Sur décision spéciale du Président du Tribunal judiciaire, le Tribunal pour enfants, le Tribunal de l’application des peines et la Chambre de l’application des peines de la Cour d’appel peuvent également statuer à juge unique. 

 

L’ordonnance consacre également un chapitre au déroulement des mesures de garde à vue, permettant que l’entretien et l’assistance de la personne par un avocat au cours de ses auditions, se déroulent par l’intermédiaire d’un moyen de communication électronique, y compris téléphonique, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges.   

Notons, par ailleurs, que les délais maximums de placement en détention provisoire et d’assignation à résidence sous surveillance électronique durant l’instruction et pour l’audiencement, sont prolongés de plein droit de : 

  • deux mois lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans ; 
  • trois mois dans les autres cas ; 
  • six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel. 

En matière d’exécution des peines privatives de liberté, plusieurs mesures viennent assouplir les conditions de fin de peine, en prévoyant notamment des réductions de peine de deux mois liées aux circonstances exceptionnelles. 

Enfin, les mesures de placement des mineurs poursuivis ou condamnés, ordonnées par le juge des enfants peuvent être prorogées pour une durée qui ne peut excéder quatre mois. 

Précisons enfin que ces mesures dérogatoires ne sont pas limitées à la durée du confinement et pourront être prolongées pendant un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020. 

Par Marlène Joubier

Mesures de continuité budgétaire des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a institué, notamment en son article 11, plusieurs habilitations au Gouvernement pour lui permettre de prendre des mesures relevant du domaine de la loi par ordonnance afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour la lutte contre sa propagation.  

A ce titre, l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020, prise sur le fondement de l’article 11, I, 8°, d) habilitant le Gouvernement à déroger aux règles d’adoption et d’exécution des documents budgétaires a été adoptée. L’ordonnance procède ainsi à l’adaptation des règles en matière budgétaire, en prévoyant le report de certaines échéances (I.) et l’adaptation des règles d’élaboration et d’exécution du budget (II.) 

 

I – Report de certaines échéances 

Plusieurs échéances prévues par la loi sont repoussées. 

Pour l’adoption du budget primitif, la date limite est repoussée au 31 juillet 2020, ou à la date correspondant à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la date de communication à l’organe délibérant des informations indispensables à l’établissement de ce budget, lorsque celles-ci n’ont pas été communiquées avant le 15 juillet 2020. 

Pour l’adoption du compte administratif 2019, la date limite est également portée au 31 juillet 2020. 

S’agissant de la procédure budgétaire et de l’information des élus locaux, les délais prescrits pour la présentation du rapport d’orientation budgétaire (ROB) et à la tenue débat d’orientation budgétaire (DOB) ne s’appliquent pas. Le débat relatif aux orientations budgétaires pourra intervenir lors de la séance consacrée à l’adoption du budget primitif, l’adoption d’une délibération distincte de celle portant sur le budget apparaissant néanmoins requise. 

   

II – Adaptation des règles d’élaboration et d’exécution du budget 

La limite applicable à l’inscription de crédits pour dépenses imprévues en section fonctionnement ou investissement est portée de 7,5% des crédits correspondant aux dépenses réelles prévisionnelles de la section à 15%. Ces dépenses peuvent être financées par l’emprunt. 

Les délégations en matière d’emprunts qui auraient pris fin sont rétablies et restent valables jusqu’à la première réunion du conseil municipal ou de l’organe délibérant suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance. L’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19 institue toutefois une limite aux emprunts susceptibles d’être souscrits au titre de l’année 2020, correspondant au montant maximum entre : 

  • le plafond fixé, le cas échéant, par la délibération portant délégation en la matière ; 
  • le montant total du besoin budgétaire d’emprunt figurant au budget de l’exercice 2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019 ; 
  • 15 % des dépenses réelles figurant au budget de l’exercice 2020, ou, si ce dernier n’a pas été adopté, à celui de l’exercice 2019. 

L’exécutif peut procéder, sans autorisation de l’organe délibérant et dans la limite de 15 % du montant des dépenses réelles de chaque section figurant au budget de l’exercice 2019, à des mouvements de crédits de chapitre à chapitre, à l’exclusion des crédits relatifs aux dépenses de personnel. Dans ce cas, l’exécutif informe l’organe délibérant de ces mouvements de crédits lors de sa plus prochaine séance. 

En l’absence d’adoption du budget de l’exercice 2020, l’exécutif peut, sans autorisation de l’organe délibérant, engager, liquider et mandater la totalité des dépenses d’investissement prévues au budget de l’exercice 2019. 

 

Par Mélissa Goasdoué

Adaptation du droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l’état d’urgence sanitaire

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a institué, notamment en son article 11, plusieurs habilitations au Gouvernement pour lui permettre de prendre des mesures relevant du domaine de la loi par ordonnance afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour la lutte contre sa propagation. 

A ce titre, l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020, prise sur le fondement de l’article 11, 2°, i), de la loi précitée habilitant le Gouvernement à simplifier et adapter le droit applicable au fonctionnement de diverses institutions administratives ou organismes de droit privé et notamment les règles relatives à la tenue des réunions dématérialisées ou le recours à la visioconférence. Elle comporte des mesures d’ordre général (I.) et institue les mesures d’adaptation du droit rendues nécessaires par l’état d’urgence sanitaire (II.). 

 

I – Les mesures d’ordre général 

Les articles 1er et 7 l’ordonnance procèdent à la définition du champ d’application temporel et territorial des mesures d’adaptation édictées, tant relatives au fonctionnement institutionnel ou à l’exercice des compétences matérielles par les institutions visées que les mesures institutionnelles prescrites. Ainsi, sauf fin anticipée ou prorogation de l’état d’urgence sanitaire décidées par décret en conseil des ministres avant le 24 mai 2020, la période de référence s’étend jusqu’au 24 juin 2020. Sont ainsi exclus du champ d’application les établissements publics, instances et organismes relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ainsi que les groupements d’intérêt public (GIP) de la Polynésie française et des GIP de Nouvelle-Calédonie. 

Sans limitation de son champ d’application sur le territoire de la République, l’article 8 de l’ordonnance complète les dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, en ajoutant que des décrets instituant des exceptions au principe de suspension des délais pourront faire exception au principe posé à l’article 4 de la loi d’urgence, relatif à la suspension du cours des astreintes. 

  

II – Mesures d’adaptation du droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives 

A – Adaptation du droit applicable à l’organisation et au fonctionnement des établissements publics et instances collégiales administratives 

1 – Les règles relatives à l’adoption des délibérations, avis et décisions 

 a – Le recours aux réunions à distance 

 S’agissant des réunions à distance, l’article 2 précise d’abord que la faculté de recourir aux réunions à distance au titre de l’ordonnance ne s’applique pas aux organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements mais uniquement aux institutions spécialisées qui sont visées. Peuvent se voir appliquer les mesures prévues par l’ordonnance : 

  • les établissements publics, quel que soit leur statut ; 
  • la Banque de France ; 
  • les GIP ; 
  • les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités publiques indépendantes (API). Il est précisé « y compris notamment l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution », à laquelle ne s’applique pas le statut général des AAI et API institué par la loi n° 2017-54 du 20 janvier 2017 mais un régime prévu aux articles L. 612-1 à L. 612-3 du Code monétaire et financier. L’emploi du terme « notamment » laissant à penser que cette autorité ne constitue pas la seule à laquelle ce régime d’exception serait applicable.  

On indiquera encore que, s’agissant des personnes morales de droit privé, peuvent organiser les réunions à distance en application de l’ordonnance les organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif. 

L’article 2 précise ensuite les catégories d’actes pour lesquels l’organisation de réunions dématérialisées est possible :  

  • les délibérations des conseils d’administration ou organes délibérants en tenant lieu, ainsi que les organes collégiaux de direction ou collèges des institutions et organismes visés ci-dessus ; 
  • les avis et décisions des commissions administratives et de toute autre instance collégiale administrative ayant vocation à adopter des avis ou des décisions (dont les commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements mentionnées à l’article L. 441-2 du Code de la construction et de l’habitation, ainsi que les commissions administratives et instances collégiales administratives « quels que soient leurs statuts », ce terme de « statuts » pouvant interroger quant à la portée à donner pour les commissions concernées).  

Ces délibérations, avis et décisions pourront être pris à distance par l’utilisation des technologies de la communication par voie téléphonique, audiovisuelle ou électronique, même lorsque les dispositions législatives ou réglementaires propres à ces organismes ou instances, y compris leurs règles internes, ne prévoiraient pas de telles possibilités de réunion à distance ou les excluraient. Le recours à ces modalités d’adoption à distance des délibérations, avis et décisions pourra être décidé à l’initiative de la personne chargée de convoquer les réunions de l’organe ou de l’instance. Les modalités de mise en œuvre de la dématérialisation des réunions sont définies à l’alinéa un de l’article 2 de l’ordonnance par renvoi aux dispositions de l’ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 et à ses mesures réglementaires d’application, sauf pour l’application du deuxième alinéa du I de l’article 4 de l’ordonnance du 6 novembre 2014, relatif à l’enregistrement et à la conservation des débats ou à l’audition de tiers : les modalités d’enregistrement et de conservation des débats ou échanges ainsi que les modalités selon lesquelles des tiers peuvent être entendus pourront en effet être fixées par une délibération organisée au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle ou par tout procédé assurant l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie. Cette délibération, qui sera exécutoire dès son adoption, devra néanmoins faire l’objet d’un compte rendu écrit. 

S’agissant de la tenue des audiences et les délibérés dans les procédures de sanction au sein des AAI et des API, l’article 4 de l’ordonnance énonce qu’une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions d’une des autorités en cause peut également tenir une audience ou délibérer dans le cadre, soit d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle, soit de tout procédé assurant l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie. 

 

b – Les modalités d’adoption et de vote des délibérations, avis et décisions présentant un caractère d’urgence 

Un assouplissement des modalités d’adoption et de vote des mesures ou avis présentant un caractère d’urgence au sein des établissements publics, des GIP, de la Banque de France, des AAI et des API, ainsi que des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif est prévu (article 6) : les organes, collèges, commissions et instances concernés peuvent se réunir et délibérer valablement alors que leur composition est incomplète et nonobstant les règles de quorum qui leur sont applicables.  

 

2 – La dérogation aux règles de répartition des compétences pour l’adoption de mesures présentant un caractère d’urgence 

a – Les dérogations au sein des établissements publics, GIP, organismes de sécurité sociale ou de tout autre organisme chargé de la gestion d’un service public administratif 

Il est à noter que l’article 3 relatif à ces dérogations ne vise pas la Banque de France. Deux possibilités de déroger aux règles de répartition des compétences sont instituées :  

  • l’octroi, dans le cadre d’une délibération adoptée à distance, d’une délégation de l’organe délibérant à l’organe exécutif pour assurer la continuité du fonctionnement des organismes concernés ; 
  • ou, subsidiairement, de la possibilité pour le président de l’organe délibérant ou son remplaçant d’exercer pleinement les compétences de celui-ci en cas d’impossibilité avérée de se réunir y compris par voie dématérialisée. 

 

L’article 3 précise les conditions d’adoption et d’exécution de la délégation : 

  • la délégation peut être accordée nonobstant toute disposition contraire des statuts de l’institution concernée ; 
  • elle ne peut porter que sur certains pouvoirs et non sur l’ensemble de ceux détenus par l’organe délibérant, et ce exclusivement en vue de l’adoption de mesures présentant un caractère d’urgence ;  
  • la durée de la délégation est laissée à l’appréciation de l’instance délégante mais devra prendre fin au plus tard à l’expiration du délai d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire ; 
  • la délégation, qui est accordée par une délibération adoptée à distance, est exécutoire dès son adoption ; 
  • le titulaire de la délégation doit, par tout moyen, rendre compte des mesures prises sur son fondement au conseil d’administration, à l’organe délibérant ou à l’instance collégiale qui lui a donné délégation. 

 

Le même article 3 envisage l’hypothèse d’une impossibilité d’accorder la délégation dans les conditions précitées, en cas d’impossibilité avérée pour l’organe délibérant de tenir les réunions de manière dématérialisée. Le président de l’organe délibérant ou, en cas d’empêchement, l’un de ses membres qui est alors spécialement désigné par l’autorité de tutelle à cette fin, peut exercer les compétences de l’organe délibérant afin d’adopter les mesures présentant un caractère d’urgence. Ce pouvoir s’exerce jusqu’à ce que l’instance puisse de nouveau être réunie, et prend fin au plus tard à l’expiration du délai d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire. Les conditions d’exécution de ce pouvoir sont toutefois durcies par rapport à celles de la délégation : par tout moyen et dans les plus brefs délais, le président ou le membre désigné pour le remplacer tient informée de sa décision de mettre en œuvre cette disposition l’autorité de tutelle ou l’autorité dont il relève, ainsi que les membres de l’instance et l’organe exécutif c’est-à-dire le directeur général ou la personne exerçant des fonctions comparables. Une obligation de rendre compte à l’organe délibérant dès que cette instance peut de nouveau être réunie est par ailleurs prescrite. 

 

b – Les délégations au sein des AAI et API 

L’article 4 de l’ordonnance organise un régime spécifique de délégation à distance des compétences au sein des AAI et des API en permettant au collège ou à l’organe délibérant de ces autorités de déléguer à leur organe exécutif certaines de leurs compétences, à l’exception de celles en matière de sanction. Les mêmes conditions de fond que les délégations accordées par les autres institutions et organismes précités sont prescrites. Les conditions d’exécution de la délégation sont en revanche assouplies : le titulaire de la délégation n’a qu’une simple obligation d’information du collège ou organe délibérant de l’autorité qui lui a donné délégation. 

 

B – Prorogation des mandats au sein des organes délibérants et des instances exécutives 

L’article 5 de l’ordonnance reporte au 1er janvier 2021 la mise en place, initialement prévue au 16 juin 2020 au plus tard, des nouveaux comités d’agence et des conditions de travail institués dans chaque agence régionale de santé et, pour tenir compte de ce report, prolonge jusqu’à cette date les mandats des membres des actuels comités d’agence et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des ARS.  

L’article 6 prévoit quant à lui une mesure générale de prorogation des mandats au sein des organes délibérants et des instances exécutives des établissements publics, des GIP, de la Banque de France, des AAI et des API, ainsi que des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, sauf si d’autres mesures de prorogation ont été instituées, ainsi que les modalités de cette prorogation : 

 

  • Dans les organes délibérants, l’alinéa premier de l’article 6 proroge les mandats des membres des organes, collèges, commissions et instances, qui arrivent à échéance à compter du 12 mars 2020, pour leur permettre de continuer à siéger jusqu’à leur remplacement et ce nonobstant toute limite d’âge ou interdiction de mandats successifs. Cette prorogation est effective jusqu’à la désignation des nouveaux membres et au plus tard jusqu’au 30 juin 2020, sauf si le remplacement implique de procéder à une élection auquel cas la date limite est reportée au 31 octobre 2020. Il est précisé qu’un décret adaptera en tant que de besoin la durée des mandats des membres des organes délibérants désignés à la suite de cette prorogation afin que les dates d’échéance de ces mandats soient compatibles avec les règles de renouvellement partiel ou total de ces instances.  
  • S’agissant ensuite des instances exécutives, l’alinéa trois proroge dans les mêmes conditions de durée les mandats des dirigeants de ces institutions et organismes.  

Par Mélissa Goasdoué

La suspension des clauses de résiliation et de renouvellement des contrats

Article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

 

La loi n° 2020-290 du 23  mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JO 24 mars), entrée en vigueur le 24 mars, instaure un état d’urgence sanitaire. En son article 11, cette loi autorise le gouvernement « à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de [s]a publication […], toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi ». 

Plus particulièrement, par l’ordonnance n° 2020-306, le gouvernement se prononce sur les modalités de prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures pendant cette même période. 

Une circulaire du 26 mars 2020 (circ. n° CIV/01/20 du 26 mars 2020, d’application immédiate) vient également préciser les dispositions du titre Ier de cette ordonnance. 

Ainsi, plus particulièrement s’agissant des contrats, l’ordonnance n° 2020-306, aux termes de son article 5, se prononce sur la résiliation et la tacite reconduction d’un contrat au cours de cette même période. 

 

I – Le dispositif de suspension 

Plus précisément, l’article 5 de l’ordonnance n°2020-306 indique que : 

« Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant (l’état d’urgence sanitaire) de deux mois après la fin de cette période ». 

Il s’agit notamment des conventions et contrats prévoyant, de manière très courante, un renouvellement du contrat par tacite reconduction sauf dénonciation par une des parties dans un certain délai (baux civils, conventions d’occupation…). 

Préalablement, il convient de préciser le champ d’application ainsi que le délai d’une telle disposition dont le principe est posé par l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306. 

 

1 – Le champ d’application 

S’agissant du champ d’application des contrats et conventions visées, l’article 1er exclut du champ d’application du titre I, et par conséquent des dispositions prévues par l’article 5, notamment : « les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci. » (Article 1er, II-5°). 

Par conséquent, l’ensemble des matières non exclues sont couvertes par ces dispositions, ce qui inclut notamment tous types de contrats en matière immobilière mais également les contrats en matière commerciale, qui n’auraient pas été spécifiquement adaptés par d’autres textes pris en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.  

 

2 – Le délai de suspension 

L’article 1er précise que les dispositions du titre I de l’ordonnance sont ainsi applicables aux « délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ».  

Par conséquent, les délais de prorogation prévus par les articles du Titre I de l’ordonnance n° 2020-306, dont l’article 5, s’ajoutent à ce délai d’un mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

Par conséquent, le délai fixé par l’article 5 qui prévoit une prorogation de deux mois, est par application de cet article 1er porté à trois mois à compter de la cessation de l’état d’urgence

 

II – Application du dispositif

L’objectif de cette mesure est d’empêcher qu’une partie se retrouve prisonnière d’un contrat qu’elle n’a pas pu dénoncer pendant la période de neutralisation. 

Ainsi, si la date anniversaire d’un contrat est le 20 avril 2020, et qu’il est stipulé que ledit contrat sera tacitement reconduit sauf notification de la résiliation 1 mois avant son terme. Chaque partie dispose d’un délai expirant le 20 mars 2020 pour s’opposer à son renouvellement. 

Toutefois, en l’espèce, ce délai ayant expiré durant la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306, le contractant pourra encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les deux mois qui suivent la fin de cette période, soit dans les trois mois qui suivent la cessation de l’état d’urgence. 

Les praticiens ne manqueront pas toutefois de soulever une difficulté dans la mise en place de ce mécanisme : l’ordonnance n° 2020-306 ne prévoit pas quels sont les effets sur l’exécution du contrat concerné, qui peut être très fortement impactée par une telle mesure. 

Par Samira Nina

Possibilité de réaliser l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire

Si, en temps normal, l’article 20 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires prévoit que « lorsqu’une partie ou toute autre personne concourant à un acte n’est ni présente ni représentée devant le notaire instrumentaire, son consentement ou sa déclaration est recueilli par un autre notaire devant lequel elle comparaît et qui participe à l’établissement de l’acte. […] L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte s’effectue au moyen du système de transmission de l’information mentionné à l’article 16. Chacun des notaires recueille le consentement et la signature de la partie ou de la personne concourant à l’acte puis y appose sa propre signature », il en est autrement en cette période d’urgence sanitaire. 

En effet, à la suite de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Premier ministre a décrété, le 3 avril 2020, que jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, la possibilité pour un notaire de recevoir seul et à distance le consentement des parties à l’acte pour la régularisation d’un acte authentique électronique. 

Le décret dispose ainsi, que « le notaire instrumentaire peut, […] établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées ». 

Outre la possibilité d’établir l’acte notarié sur un support électronique, le décret prévoit également, que l’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte, le recueil du consentement ou de la déclaration des parties ou personnes concourant à l’acte s’effectuent « au moyen d’un système de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat ». 

Enfin, il est prévu que le Notaire recueille « la signature électronique de chaque partie ou personne concourant à l’acte au moyen d’un procédé de signature électronique qualifié » répondant aux exigences du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. 

Ce texte permet donc de ne pas geler les projets immobiliers en cours sur le territoire national durant cette période exceptionnelle. 

Par Aliénor De Roux

Quelles adaptations pour la passation et l’exécution des contrats publics ?

Trois principes généraux doivent être rappelés :  

  • Cette ordonnance ne s’applique pas seulement aux contrats régis par le Code de la commande publique mais, de façon générale, à tous les contrats publics. Précisons, toutefois, que certaines dispositions s’appliquent à des catégories particulières de contrats ; 
  • Les dispositions précisées ci-après trouvent à s’appliquer jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, augmentée d’une durée de deux mois. Actuellement, la fin de l’état d’urgence sanitaire a été fixée au 24 mai 2020 par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. SI cette date est maintenue, l’ordonnance devrait donc cesser de produire ses effets le 25 juillet 2020 ; 
  • Ces dispositions ne doivent être appliquées que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face à la crise sanitaire. Les autorités cocontractantes disposent donc, du moins en théorie, d’une certaine marge de manœuvre.  

 

Trois dispositions viennent aménager les règles de la passation pour les contrats soumis au Code de la commande publique : 

  • Sauf si le contrat ne peut pas souffrir un retard, les délais de réception des candidatures et des offres doivent être prolongés d’une durée suffisante ;  
  • L’autorité contractante peut modifier les modalités de la mise en concurrence prévue dans les documents de la consultation si les modalités initiales ne peuvent pas être respectée, à la condition de respecter le principe d’égalité de traitement ;  
  • Les autorités cocontractantes peuvent proroger par avenant les contrats qui vont arriver à leur terme, y compris au-delà du délai de quatre (4) ans pour les accords cadre, s’il n’est pas possible de mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence pour permettre le renouvelle de ces contrats. 

 

Sept dispositions viennent aménager les règles d’exécution des contrats publics :  

  • S’agissant des marchés publics, le taux de versement de l’avance peut être fixé par avenant à un taux de plus de 60% et il n’est plus nécessaire d’exiger une garantie à première demande pour les avances de plus de 30% ; 
  • Si le titulaire d’un contrat ne peut pas respecter une obligation dans les délais, le délai doit être prorogé à la condition que le titulaire en fasse la demande ;  
  • Si le titulaire ne peut pas exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat, il ne peut pas être sanctionné et l’autorité contractante peut conclure un marché de substitution ; 
  • Si un contrat est résilié du fait de mesures prises par les autorités administratives, le titulaire peut être indemnisé des dépenses directement imputables à l’exécution du marché ; 
  • Si l’acheteur public suspend l’exécution d’un marché à prix forfaitaire, il procède au règlement du marché dans les conditions fixées au marché et les parties déterminent les conditions de la reprise et les conditions financières de la suspension dans le cadre d’un avenant ; 
  • Si une concession est suspendue, le versement des sommes au concédant est suspendu et le concessionnaire peut se voir verser une avance sur les sommes qui lui sont dues, à la condition que sa situation le justifie et à hauteur de ses besoins ;  
  • Si le concédant modifie significativement les modalités d’exécution d’une concession, le concessionnaire est indemnisé du surcoût qui résulte de l’exécution, même partielle, du service ou des travaux, lorsque la poursuite de l’exécution de la concession impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n’étaient pas prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire. 

 

Par Marion Terraux

Possibilité de prolongation des délais d’exécution et levée des mécanismes de sanction en cas d’impossibilité d’honorer les engagements contractuels : les aménagements liés au covid-19

Dans une précédente brève d’actualité, nous avons mis en évidence les conséquences prévisibles de l’épidémie de Covid-19 sur les délais d’exécutions des contrats de la commande publique.  

Nous émettions l’hypothèse, confortée par la fiche de la Direction de l’Actualité Juridique relative à la passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire, de reconnaître, selon les difficultés propres rencontrées dans l’exécution de chaque contrat, l’existence d’une situation de force majeure.  

Nous attirions à cet égard l’attention sur la nécessité de s’assurer au cas par cas de la réunion des conditions cumulatives de la force majeure.  

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a depuis lors habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure « adaptant les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment de celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ». 

C’est désormais chose faite.  

Ainsi, l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaires née de l’épidémie de covid-19 prévoit notamment deux dispositifs visant à ne pas pénaliser les opérateurs économiques qui ne seraient pas en mesure d’exécuter, du fait de l’épidémie, leurs engagements contractuels dans les délais prévus au contrat.  

 

I – Possibilité de solliciter la prolongation des délais : un formalisme à préciser

D’abord en effet, l’ordonnance prévoit que, peu important l’existence de clauses contraires dans les contrats liant les acheteurs aux opérateurs économiques, le titulaire du contrat pourra demander une prolongation du délai d’exécution. 

Cette demande doit être formulée par le titulaire avant l’expiration du délai contractuel. 

La prolongation pourra alors être accordée pour une durée au moins égale à celle courant du 12 mars 2020 à la fin de l’état d’urgence sanitaire, augmentée de deux mois.  

Ceci étant, on relèvera que l’article 1er de l’ordonnance 2020-319 précitée précise que les mesures qu’elle prévoit ne saurait être mise en œuvre « que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences […] de la propagation du covid-19 » de sorte que l’on peut imaginer que le délai de prolongation soit d’un commun accord d’une durée inférieure.  

Cette demande de prolongation ne pourra toutefois être fondée que sur des motifs liés à l’impossibilité de respecter les délais d’exécution prévus au contrat ou à la charge manifestement excessive que représenterait la mobilisation des moyens nécessaires au respect desdits délais du fait de l’épidémie de covid-19. 

Ce faisant le législateur ne pose cependant pas une présomption de force majeure.  

Il laisse en effet à la charge des titulaires le soin de démontrer qu’ils sont dans l’incapacité de respecter les délais d’exécution fixés au contrat ou plus largement de poursuivre l’exécution du contrat pendant la période de crise sanitaire. 

L’ordonnance ne précise pas cependant si un décret d’application viendra compléter le dispositif et en régler les modalités.  

Or plusieurs questions demeurent en suspens pour les maîtres d’ouvrage comme pour les entreprises.  

D’abord en effet, quel formalisme respecter pour la notification de la demande par le titulaire de prolongation des délais d’exécution ?  

A cet égard, et sauf si des modalités différentes sont prévues au cahier des clauses particulières du marché, il nous semble que le titulaire devra a minima adresser une lettre recommandée avec avis de réception au maître d’ouvrage pour formuler sa demande de prolongation des délais d’exécution. 

Il sera judicieux dans la période actuelle de doubler cet envoi d’un e-mail, compte tenu des difficultés potentielles de remise du pli au maître d’ouvrage. 

Les modalités de la réponse que le maître d’ouvrage pourra apporter ne sont pas davantage envisagées.  

D’une part, il convient de s’interroger sur la forme que doit prendre la prolongation le cas échéant accordée.  

A cet égard, le CCAG-travaux prévoit expressément qu’en dehors des motifs de prolongation de délai qu’il liste expressément et qui peuvent donner lieu à l’émission d’un ordre de service, une prolongation des délais ne saurait intervenir que par voie d’avenant.  

Aussi, et sauf à ce qu’on considère que le motif de prolongation recoupe la catégorie des difficultés imprévues rencontrées en cours de chantier ce qui devrait être le cas, seul un avenant pourrait régulariser la prolongation de délai accordée par le maître d’ouvrage au titulaire.  

Or, et outre que la notion d’avenant est désormais totalement absente du Code de la commande publique, les contraintes de passation d’un tel avenant, en particulier au cours de la période de crise sanitaire liée au covid-19, ne rendront pas la tâche facile aux acheteurs publics.  

Ceci étant, on rappellera que la Haute Juridiction semblait se détacher du formalisme attaché au report de délais et consécutivement à l’application de pénalités de retard admettant « qu’il est toujours loisible aux parties de s’accorder, même sans formaliser cet accord par un avenant, pour déroger aux stipulations du contrat initial, y compris en ce qui concerne les pénalités de retard » (Conseil d’Etat, 17 mars 2020, Commune d’Issy-Les-Moulineaux, n° 308676).  

D’autre part, la question de l’éventuel silence gardé par le maître d’ouvrage sur la demande formée par le titulaire n’est pas envisagée.  

Peut-il valoir acceptation et dans ce cas, à compter de quelle date le titulaire sera-t-il fondé à considérer qu’il dispose d’un droit acquis à la prolongation ?  

Si au contraire le silence gardé par le maître d’ouvrage vaut refus, quelles voies de contestations s’offriront alors au titulaire ?  

L’on sait désormais que la matière contractuelle échappe aux délais et formalisme prescrits par l’article R. 421-1 du Code de justice administrative, le décret n° 2019-1502 du 30 décembre 2019 ayant précisé que « Le délai prévu au premier alinéa n’est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l’exécution d’un contrat ».  

Aussi peut-on raisonnablement imaginer que le titulaire ne disposera alors que de la possibilité d’établir un mémoire en réclamation sur le fondement de l’article 50.1 du CCAG travaux, si tant est que le marché y fasse expressément référence, et qu’il devra en tout état de cause reprendre l’ensemble des réclamations lors de l’établissement du décompte général si elles n’ont pas été réglées.  

En tout état de cause, même en l’absence de prolongation régulièrement consentie par le maître d’ouvrage, le titulaire ne pourra se voir appliquer des pénalités de retard pour inexécution de ses obligations contractuelles dans les délais prévus au contrat.  

 

II – La levée des mécanismes de sanction du cocontractant en cas d’inexécution de ses engagements contractuels du fait du covid-19

 

  • Afin de compléter le dispositif, et ne pas pénaliser les titulaires des contrats de la commande publique qui se trouveront dans l’impossibilité, du fait du Covid-19, d’honorer leurs obligations contractuelles, le législateur a encore prévu des mesures propres à faire obstacle aux clauses contractuelles prévoyant des pénalités de retard à l’égard des titulaires. 

On rappellera en effet le caractère automatique des pénalités prévues au contrat lorsqu’un retard imputable au titulaire est objectivement constaté, mécanisme de réparation forfaitaire du préjudice que le non-respect par le titulaire d’un marché des délais d’exécution est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur.   

  • L’ordonnance prévoit ainsi que les opérateurs économiques seront exemptés de l’application de pénalités contractuelles ou sanctions, telles que la résiliation pour faute, ou l’exécution aux frais et risques, lorsqu’ils se trouveront dans l’impossibilité, du fait du Covid-19, d’exécuter tout ou partie d’un contrat. 

La charge de la preuve de cette impossibilité pèse néanmoins sur le titulaire.  

Ce dernier devra en conséquence établir, notamment, « qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive ». 

Il appartiendra en conséquence aux titulaires des marchés de justifier des difficultés d’approvisionnement rencontrées, ou encore, on peut l’imaginer, de la charge que représenterait la mobilisation de main d’œuvre supplémentaire en cas de réduction d’effectifs du fait de l’épidémie.   

Il est cependant permis de s’interroger sur le sort réservé aux entreprises de BTP qui motiveraient l’impossibilité d’exécuter leurs engagements contractuels, par les difficultés qu’elles rencontrent pour garantir la sécurité des ouvriers dans l’exécution de certaines tâches pour lesquelles les gestes dits « barrières », ne peuvent être assurés. 

En effet, à ce jour, si le gouvernement prône la continuité des activités de la construction, l’OPPBTP a pour sa part établi un guide de bonnes pratiques rappelant aux entreprises du BTP les mesures de sécurité à mettre en œuvre pour la poursuite d’activité et, soulignant la nécessité, en cas d’incapacité à s’y conformer, de stopper l’activité.   

Il ne fait aucun doute qu’en cas de différend entre maître d’ouvrage et titulaires sur les motifs invoqués à l’appui de la levée des mécanismes de sanction, les juridictions apprécieront le bien-fondé des pénalités appliquées par les acheteurs à l’aune de l’ordonnance.  

Rappelons enfin qu’à défaut pour les titulaires de justifier entrer dans les conditions fixées par l’ordonnance et notamment d’établir que l’impossibilité d’honorer leurs engagements contractuels trouvent son origine dans l’épidémie de Covid-19, ils ne pourront contester l’application des pénalités de retard éventuellement appliquées qu’au regard des moyens classiquement admis par le juge administratif.  

Ainsi, les opérateurs économiques qui n’auront pu contester l’imputabilité des retards, pourront notamment solliciter du juge qu’il modère les pénalités mises à leur charge.  

A cet égard on rappellera que le juge administratif n’accepte de moduler les pénalités à la baisse que lorsqu’elles sont manifestement disproportionnées au regard de l’objet du marché (CE, 29 déc. 2008, n° 296930, OPHLM de Puteaux) notamment par rapport aux pratiques observées pour des marchés comparables ou compte tenu des caractéristiques particulières du marché litigieux (CE, 19 juillet 2017, n° 392707, Société GBR Ile-de-France). 

Gageons toutefois que maîtres d’ouvrage et titulaires sauront faire bon usage des dispositions de l’ordonnance afin d’assurer la poursuite et la reprise de l’exécution des chantiers dans les meilleures conditions.

Par Marie Picard  

Mesures exceptionnelles en faveur du secteur du tourisme social et solidaire

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle et des mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement pour y faire face, les structures d’hébergement du secteur du tourisme social et solidaire (villages vacances, maisons familiales et auberges collectives) ont subi une vague d’annulation des séjours de particuliers et des séjours scolaires ou extra-scolaires organisés par des collectivités sans précédent.  

Ces annulations font peser un risque majeur sur la survie de ce secteur dans la mesure où Code du tourisme (article L. 211-14 II) prévoit qu’en cas d’annulation par le voyageur invoquant des « circonstances exceptionnelles et inévitables », seul un remboursement est possible, à l’exclusion de tout avoir, créant ainsi une tension considérable sur la trésorerie de ces structures.  

Directement impactées par les mesures de confinement gouvernementales, ces structures se sont retrouvées à l’arrêt sans toutefois faire l’objet de la fermeture administrative imposée à certaines catégories d’établissements par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 relatif aux mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Or à défaut de fermeture administrative, les compagnies d’assurance risquaient de refuser la mise en œuvre des garanties assurantielles liées aux pertes d’exploitation, faisant l’effet d’une double peine pour ces structures subissant une perte massive de revenu du fait de la crise sanitaire.  

Afin de tenir compte de cette situation et de venir en aide au secteur du tourisme, deux mesures importantes ont été adoptées. 

Par ordonnance du 25 mars 2020 (n° 2020-315) relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure, les effets de l’article L. 211-14 du Code du tourisme ont été temporairement suspendus.  

Il a ainsi été décidé que toute annulation de séjour sur le fondement de circonstances exceptionnelles et inévitables (à l’initiative du voyageur ou du professionnel), intervenant entre le 1er mars et le 15 septembre 2020 inclus, pourrait exceptionnellement donner lieu à un avoir, à la place du remboursement de l’intégralité des paiements effectués prévu en temps normal par le Code du tourisme. Cette mesure s’articule de la manière suivante :  

  • Dans un délai de 30 jours (à compter de la date d’annulation ou de la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance si l’annulation la précède), le professionnel devra informer le client sur support durable de l’existence de l’avoir.  
  • Dans un délai de 3 mois (à compter de la date d’annulation ou de la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance si l’annulation la précède), le professionnel devra formuler au client une proposition de nouvelle prestation identique ou équivalente qui sera valable pendant 18 mois.  
  • A défaut d’utilisation de cet avoir pendant sa durée de validité, le client aura droit au remboursement tel que prévu par l’article L. 211-14 du Code du tourisme.  

 

Le décret n° 2020-344 du 27 mars 2020 est quant à lui venu compléter les dispositions de l’article 8 II du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 afin d’exclure expressément de la liste des établissements pouvant continuer à recevoir du public les « villages vacances, maisons familiales et auberges collectives ».  

Ces structures font ainsi désormais l’objet d’une fermeture administrative (pour l’heure, jusqu’au 15 avril 2020), et peuvent de ce fait solliciter la mise en œuvre des garanties pour perte d’exploitation au titre de la perte de leur chiffre d’affaires.  

Par Audrey Lefèvre et Sara Ben Abdeladhim

Droit public – La prorogation des délais échus et l’adaptation des procédures pendant la période d’urgence sanitaire avec focus en droit de l’urbanisme

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

Deux ordonnances relatives aux procédures administratives contentieuse et non-contentieuse ont été publiées le 26 mars 2020 au Journal officiel. 

I – Ordonnance portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif   

Cette ordonnance est applicable à la procédure contentieuse.  

Champ d’application organique, temporel et matériel. Les dispositions de cette ordonnance sont en principe applicables à l’ensemble des juridictions administratives, sauf lorsqu’elle en dispose autrement, notamment s’agissant de mesures qui ne s’appliquent qu’au sein de certaines de ces juridictions, et ce du 12 mars 2020 à la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Elles ont donc notamment une portée rétroactive.  

Cette ordonnance adapte aux exigences liées à l’état d’urgence sanitaire les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des juridictions qu’elle vise. Hormis les adaptations prévues aux articles 3 et 4, qui sont relatives à l’organisation interne des juridictions et qui, parce qu’elles intéressent essentiellement ces dernières, ne seront pas davantage commentées ci-après, les dispositions de l’ordonnance sont relatives à la tenue de l’audience (A), aux communications entre les parties, leur mandataire et la juridiction administrative (B) et aux délais imposés aux juges et aux parties (C). 

 

A – Règles relatives à la tenue de l’audience 

Les présidents de formation de jugement sont investis de pouvoirs spécifiques puisqu’ils peuvent décider que les audiences seront tenues à huis clos, ou en publicité restreinte avec un nombre limité de personnes (article 6), et pourront dispenser le rapporteur public qui en aurait fait la proposition d’exposer ses conclusions lors de l’audience (article 8). 

L’article 7 de l’ordonnance permet aux juridictions administratives de tenir leurs audiences par un moyen de communication audiovisuelle ou, lorsque cela est impossible, d’imposer aux parties par une décision insusceptible de recours une audience par tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Les moyens utilisés doivent permettre de s’assurer de l’identité des parties et de garantir la qualité de la transmission. Les moyens mis en œuvre doivent également garantir la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats, lorsque l’audience est réalisée par un moyen de communication visuelle, et de tous les échanges lorsque l’audience est tenue par tout autre moyen de communication électronique. Le juge devra s’assurer du bon déroulement des échanges entre les parties et veiller au respect des droits de la défense et au caractère contradictoire des débats. Il sera dressé procès-verbal par le greffe des opérations effectuées. 

D’autres dispositions de cette ordonnance permettent au juge de statuer sans audience. Il en est ainsi d’une part des référés, l’article 9 de l’ordonnance prévoyant alors que le juge, qui devra préalablement en informer les parties et fixer une date de clôture d’instruction, statue par ordonnance motivée qui sera non susceptible d’appel sauf en matière de référé-liberté, et, d’autre part, des demandes de sursis à exécution de jugements ou ordonnances présentées devant les Cours administratives d’appel (article 10).  

 

B – Communications 

Le déroulement de la procédure d’instruction est adapté par l’article 5 de l’ordonnance qui énonce que : « La communication des pièces, actes et avis aux parties peut être effectuée par tout moyen ».  

En outre, l’ordonnance permet de procéder à la publicité des décisions par mise à disposition au greffe de la juridiction, au lieu de la prononcer en audience publique en application de l’article R. 741-1 du Code de justice administrative (CJA) (article 11). Par ailleurs, elle adapte les règles applicables à la signature de la minute des décisions (article 12), laquelle pourra être signée par le président de la formation de jugement uniquement et non plus nécessairement par le magistrat rapporteur ou l’assesseur le plus ancien, et le greffier ou le secrétaire. Il est également permis de procéder à la notification de la décision par envoi à l’avocat des parties, et non plus directement aux parties elles-mêmes (article 13). 

 

C – Délais 

Les délais imposés aux parties et aux juges pour introduire, instruire et juger les requêtes sont adaptés. 

S’agissant du délai incombant aux parties pour introduire les requêtes, l’ordonnance, qui opère un renvoi à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du même jour, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures pendant cette même période (article 15), organise un mécanisme de report de l’échéance des délais de recours contentieux qui viendraient à expirer pendant la période de crise. Le renvoi opéré par l’article 15 soulève toutefois un doute sur les délais qui pourront bénéficier de ce report d’échéance, car est visée la « période mentionnée à l’article 2 » sans davantage de précision sur le point de savoir s’il s’agit de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-305 commentée ou de l’ordonnance n° 2020-306 (alors que dans ce dernier cas aucune période n’est visée, l’article 2 renvoyant sur ce point à l’article 1er). Cette imprécision a des effets sur la période de référence à prendre en compte pour apprécier si le mécanisme de report d’échéance est applicable, dès lors que la période mentionnée à l’article 2 de l’ordonnance commentée est plus restreinte que la période visée à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306. Par suite, si l’on devait considérer que l’article 15 opère un renvoi à l’article 2 de la même ordonnance, les délais qui devraient bénéficier d’un report de leur échéance seraient ceux devant expirer durant la période de l’état d’urgence sanitaire, non augmentée d’un délai d’un mois. Au contraire, si l’on considère que l’article 15 renvoie à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, lequel renvoie à son article 1er, les délais bénéficiant d’un report de leur échéance seraient ceux devant expirer durant la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois.  À cet égard, il importe de noter que le Conseil d’État a indiqué dans une fiche pratique que les délais visés étaient ceux expirant entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire1. Il apparait donc que l’article 15 de l’ordonnance commentée opère un renvoi à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, bien qu’il convienne d’être vigilant sur ce point. Il apparaît donc devoir être déduit que le terme ou l’échéance du délai imparti pour introduire une requête et expirant entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire est reporté à l’issue de cette période pour toute la durée du délai initialement fixé et dans la limite de deux mois. Des exceptions à cette règle de report sont néanmoins énumérées en droit des étrangers et en droit électoral. En matière électorale particulièrement, le point de départ du délai pour introduire les protestations électorales à l’encontre des opérations électorales du premier tour des élections municipales, organisé le 15 mars 2020, est reporté à la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour (date qui devra en principe être fixée par un décret, conformément au III de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020), pour expirer au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour suivant cette date de prise de fonction. 

Lorsqu’une clôture d’instruction doit intervenir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, celle-ci est prorogée de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge (article 16).  

Lorsque le juge doit statuer dans un délai qui lui est imparti durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, le point de départ de ce délai est en principe reporté au premier jour du deuxième mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire. Deux dérogations sont néanmoins prévues, une en droit des étrangers, une en droit électoral. Il est ainsi précisé en matière de droit électoral que, sous réserve de l’hypothèse où le juge électoral doit surseoir à statuer jusqu’à réception des décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le délai imparti au juge pour statuer expire le dernier jour du quatrième mois suivant le deuxième tour de ces élections (article 17). 

 

II – Ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période 

Cette ordonnance est applicable aux procédures administratives contentieuses et non-contentieuses. Elle est divisée en trois titres : un Titre Ier comportant les Dispositions générales relatives à la prorogation des délais (A), un Titre II comportant d’Autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative (B) et un Titre III comportant les Dispositions diverses et finales (C).  

Il convient tout d’abord de noter que l’article 1er de cette ordonnance définit une période de référence s’étendant du 12 mars 2020 à l’expiration d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. De nombreux délais et mesures, identifiés par cette ordonnance et expirant au cours de ladite période, seront prorogés selon des modalités précisées par le texte.  

 

A – Titre I : Dispositions générales relatives à la prorogation des délais 

Le Titre I identifie les délais pouvant bénéficier des mesures de prorogation prévues par l’ordonnance (1) puis en précise les modalités (2).  

 

1 – Champ d’application des mesures de prorogation 

Certains délais et mesures limitativement énumérés au II de cet article sont toutefois exclus des mesures de prorogation définies par l’ordonnance : il s’agit d’abord, et par souci de coordination, des délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou par les textes pris en application de celle-ci. Il s’agit également, plus spécifiquement, de certains délais et mesures notamment concernant les élections régies par le Code électoral et les consultations qui y sont relatives ou encore résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale. Exception dans l’exception, le III du même article prévoit que l’ordonnance sera néanmoins applicable « aux mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garanti », à condition que cela n’entraine pas un report au-delà du 30 juin 2020.  

 

2 – Modalités de prorogation des délais 

En premier lieu, l’article 2 de l’ordonnance institue un mécanisme de report de terme et d’échéance des actes, formalités et diligences qu’il énumère en indiquant que : 

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.  

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. » 

Ainsi pour les actes, formalités et diligences énumérées à l’article 2, le terme ou l’échéance du délai imparti pour agir est reporté, à compter de la fin de la période de référence, pour toute la durée du délai initialement fixé sans cependant pouvoir excéder deux mois. Ainsi par exemple, lorsqu’une requête devait être introduite dans un délai de deux mois prescrit à peine d’irrecevabilité, la requête introduite dans le délai de deux mois à compter de la fin de la période de référence ne sera pas considérée comme tardive.  

Il importe de noter que les actes, formalités et diligences concernés sont ceux « prescrits par la loi ou le règlement », cette disposition ne s’applique donc pas aux actes prévus par des stipulations conventionnelles. Une autre dérogation à l’application de cet article 2 est par ailleurs à noter à l’article 10 de l’ordonnance commentée, s’agissant de certaines formalités en matière fiscale : il est ainsi prévu que le mécanisme de report des termes ne s’applique pas aux déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes.  

En deuxième lieu, l’article 3 institue un mécanisme de prorogation de plein droit pour certaines mesures administratives ou juridictionnelles limitativement énumérées, telles que notamment les autorisations, permis et agréments, les mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ou les mesures conservatoires ou d’enquête. Lorsque le terme de ces mesures est échu ou échoit durant la période de référence, elles sont ainsi prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période. Il est néanmoins précisé que cette prorogation de plein droit ne préjudicie pas aux pouvoirs du juge ou de l’autorité compétente de modifier ou de mettre fin à la mesure qui aurait été prononcée avant le 12 mars 2020. 

En troisième lieu, l’article 4 traite des astreintes et de certaines clauses contractuelles sanctionnant l’inexécution du débiteur suivant les modalités suivantes. Il institue un mécanisme de report du déclenchement ou d’interruption des effets des astreintes et de certaines clauses contractuelles sanctionnant l’inexécution du débiteur d’une obligation inscrite dans un délai expirant pendant la période de référence. Dans cette hypothèse, les astreintes et les clauses pénales, clauses résolutoires ou clauses prévoyant une déchéance sont réputées ne pas commencer à courir ou produire effet durant la période de référence, laquelle s’étend du 12 mars 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Si, à la fin de cette période augmentée d’un mois, le débiteur n’a pas exécuté son obligation, les astreintes et clauses courront ou prendront effet à cette date. Il instaure parallèlement la suspension de l’application des clauses pénales et du cours des astreintes ayant pris effet avant le 12 mars 2020, durant la période s’étendant du 12 mars 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

En quatrième lieu, l’article 5 institue un mécanisme de prolongation des délais de résiliation et de dénonciation des conventions qui expirent pendant la période de référence. Ces délais sont prolongés de deux mois après la fin de la période de référence, courant du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence, s’ils interviennent ou expirent durant celle-ci. 

 

B – Titre II : Délais relatifs à l’activité des administrations 

Les dispositions relatives aux délais et aux procédures administratives prévues dans ce Titre s’appliquent aux administrations de l’Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu’aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale (article 6). 

L’ordonnance énonce les modalités de prorogation des délais et procédures applicables en matière administrative, tant s’agissant des délais généraux de l’action administrative (1) que des délais et procédures applicables dans des domaines spécifiques (2). 

 

1 – Modalités de prorogation des délais généraux de l’action administrative  

L’article 7 traite de la computation des délais imposés à l’Administration pour la naissance des décisions, accords ou avis implicites. L’article institue un mécanisme de suspension de ces délais, lorsqu’ils ne sont pas expirés au 12 mars 2020, durant la période s’étendant du 12 mars 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence. En revanche, lorsque de tels délais auraient dû commencer à courir durant cette période, il instaure un report de leur point de départ jusqu’à la fin de celle-ci. Les mêmes mécanismes s’appliquent aux délais qui lui sont impartis pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande (ces délais suspendant en général eux-mêmes le cours du délai d’acquisition d’une décision) ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public.  

L’article 8 concerne les délais imposés à toute personne par l’Administration, en application d’une loi ou d’un règlement, pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature. Les mêmes mécanismes précités de suspension ou de report du point de départ du délai pour y procéder jusqu’à l’achèvement de la période de référence sont institués, à l’exception des délais résultant d’une décision de justice, lesquels ne font l’objet d’aucune suspension (alinéa 1er). 

L’article 9 instaure toutefois des dérogations aux mécanismes de prorogation ainsi prévus. Il est ainsi indiqué qu’un décret devra déterminer « les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend. ». À ce titre, le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a été publié au Journal officiel du 2 avril 2020 et énumère limitativement les délais soustraits aux mécanismes de prorogation prévus par l’ordonnance commentée. D’autres dérogations pourront être adoptées par décret, à condition que les personnes concernées en soient informées.  

 

2 – Modalités de prorogation des délais dans certaines procédures spécifiques  

L’article 10 prévoit la suspension d’autres délais limitativement énumérés dans le cadre de procédures fiscales, notamment le délai de reprise de l’administration fiscale, ce durant la période de référence courant du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence. Ce mécanisme de suspension des délais se double d’un report de leur point de départ à la fin de la période de référence pour les délais qui auraient dû commencer à courir pendant ladite période.  

L’article 11 est relatif au recouvrement des créances publiques et prévoit la suspension, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après la fin de la période de référence, des délais en cours à la date du 12 mars 2020 ou commençant à courir au cours de ladite période de référence, et qui seraient prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité ou déchéance d’un droit ou d’une action. 

L’article 12 traite des modalités d’adaptation des procédures d’enquêtes publiques en cours au 12 mars 2020 ou devant être organisées durant la période définie à l’article 1er. Ces enquêtes publiques pourront être conduites ou poursuivies en recourant à des moyens électroniques dématérialisées lorsque « le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent ». Si l’enquête publique se poursuit après la période de référence, l’autorité compétente pourra décider de recourir à nouveau aux modalités d’organisation de droit commun pour la durée de l’enquête restant à courir. Dans tous les cas, le public devra être informé par tout moyen compatible avec l’état d’urgence sanitaire de la décision prise par l’autorité compétente en application de cet article.  

 

C – Titre III : Dispositions diverses 

L’article 13 dispense les projets de textes réglementaires ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation du covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l’état d’urgence sanitaire aux procédures de consultations préalables obligatoires. Cette dispense devra néanmoins s’opérer sous réserve des obligations internationales et européennes de la France, et des exceptions sont également prévues en droit interne : devront ainsi être consultés les autorités saisies pour avis conforme et le Conseil d’État.  

L’article 14 concerne le champ d’application territorial de l’ordonnance à l’Outre-Mer, en précisant lesquelles de ses dispositions sont applicables aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie. 

 

Focus : Application des ordonnances en urbanisme 

Les ordonnances 25 mars 2020 prises en application de la loi du 23 mars 2020 permettent de répondre à un certain nombre de problématiques rencontrées en matière d’urbanisme.  

Ces dispositions font l’objet de vives contestations de la part des professionnels du secteur de la construction concernant en particulier la suspension des délais d’instruction ou la prorogation des délais de recours. Une nouvelle ordonnance, portant spécifiquement sur l’urbanisme, pourrait intervenir d’ici peu pour modifier ou adapter certaines règles de suspension ou de prorogation des délais.  

Dans l’attente de l’intervention de cette ordonnance, il apparaît pertinent de revenir sur les incidences concrètes de l’application des ordonnances du 25 mars 2020, aujourd’hui applicables, sur les procédures d’urbanisme.  

A noter que les délais mentionnés ci-après sont calculés en prenant en compte la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire fixée au 24 mai 2020 en application de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 d’urgence pour face faire à l’épidémie de Covid-19. L’état d’urgence sanitaire peut toutefois être prorogé par une loi ou il peut y être mis fin prématurément par décret. Dans ces deux dernières hypothèses les dates mentionnées ci-après devront être mises à jour.  

1 – Délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme 

Afin éviter que les retards pris dans l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme du fait de la crise sanitaire ne donnent naissance à des décisions implicites involontaires, l’article 7 de l’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire prévoit plusieurs mécanismes permettant une interruption de ces délais d’instruction.  

Il est ainsi prévu que lorsque le délai d’instruction a commencé à courir avant le 12 mars et expire pendant la période juridiquement protégée, c’est-à-dire la période prévue à l’article 1er I. de l’ordonnance précitée, il est suspendu jusqu’à la fin de cette même période et recommence donc à courir, en l’état actuel, le 25 juin 2020 pour sa durée restante.   

Dans l’hypothèse où le délai d’instruction commencerait à courir pendant la période juridiquement protégée, il est prévu que le point de départ de ce délai est alors reporté à l’expiration de cette période c’est-à-dire le 25 juin 2020, et commence donc à courir à compter de cette date.  

Il est enfin précisé que cette interruption des délais vaut également pour les délais impartis à l’autorité qui instruit la demande d’urbanisme pour solliciter des pièces complémentaires.  

Si l’article 9 prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat doit intervenir pour déterminer les dérogations à cette suspension des délais, ce décret, paru le 2 avril 2020, ne concerne pas les autorisations d’urbanisme.  

Les délais d’instruction des demandes d’urbanisme sont donc suspendus pendant la période de crise sanitaire afin d’empêcher la délivrance d’autorisations implicites alors que les services chargés de l’urbanisme sont actuellement, dans leur grande majorité, à l’arrêt.  

Pour autant, rien ne s’oppose à ce que les autorités compétentes instruisent et délivrent si elles le peuvent, pendant cette période, des autorisations explicites (cela devrait principalement concerner les services ayant généralisé le recours à la téléprocédure).  

 

2 – Délais de retrait d’une autorisation d’urbanisme 

L’article 7 de l’ordonnance peut également trouver à s’appliquer en matière de retrait des autorisations d’urbanisme.   

Pour rappel, le Code de l’urbanisme prévoit que les autorisations d’urbanisme ne peuvent être retirées que si elles sont illégales, et ce dans un délai de trois mois suivant la date de ces décisions (L. 424-5 CU).  

Si le délai dont dispose l’administration pour retirer une décision commence à courir pendant la période juridiquement protégée, le point de départ de ce délai sera alors reporté après la fin de cette période, c’est-à-dire au 25 juin 2020.  

En revanche, si le délai de retrait a commencé à courir avant le 12 mars 2020 mais doit expirer pendant la période juridiquement protégée, alors ce délai sera suspendu pendant toute cette période et recommencera à courir le 25 juin 2020.  

 

3 – Délais de validité d’une autorisation d’urbanisme 

L’ordonnance comporte également des dispositions permettant l’interruption des délais de validité des autorisations d’urbanisme pendant la période de crise sanitaire.  

Pour rappel, la durée de validité des autorisations d’urbanisme est, sauf prorogation, de trois ans (article R. 424-17 et suivants). A l’issue de ce délai, et si les travaux prévus n’ont pas été entrepris, ou si l’opération faisant l’objet de l’autorisation n’a pas eu lieu, l’autorisation est caduque.   

Sur ce point l’article 3 de l’ordonnance 2020-306 prévoit que les autorisations, permis et agréments, « dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période » c’est-à-dire, en l’état actuel, jusqu’au 25 août 2020.  

On constate cependant que n’est pas envisagée ici l’hypothèse dans laquelle le point de départ du délai de validité se situe pendant la période juridiquement protégée, ni celle dans laquelle le délai de validité court pendant cette période.     

 

4 – Délais de recours à l’encontre d’une autorisation ou d’un refus d’autorisation d’urbanisme 

Sur ce point, il convient, en l’état, d’appliquer les règles de prorogation résultant des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 expliquées et commentées ci-avant (point I. C).  

Comme alors évoqué, il subsiste une question s’agissant de l’application du mécanisme de report, aux délais expirant entre la fin de l’état d’urgence sanitaire et le délai d’un mois supplémentaire mentionné dans l’ordonnance précitée, soit entre le 24 mai et le 24 juin 2020.  

Cela étant, s’agissant des délais bénéficiant de la prorogation, leur point de départ est reporté à l’expiration de la période juridiquement protégée et pour sa durée initiale sans pouvoir excéder deux mois.  

A ce titre, le Conseil d’Etat dans la fiche pratique précitée du 30 mars 2020 considère ainsi que les recours enregistrés jusqu’au 24 août 2020 seront recevables.  

Par Solenne Daucé, Arthur Gayet et Mona Rousseau

Libertés publiques et virus : Attention fragile

Tout comme l’état de la santé de la population, l’état des libertés publiques, fortement remises en cause en ce moment si grave de la crise sanitaire, devra faire l’objet, d’une attention particulière, dans les temps qui suivront. 

Rédigé dans une phase de la pandémie où il reste presque impossible de déterminer si le nombre de ses nouvelles victimes enregistrerait un ralentissement   de la croissance exponentielle observée ces dernières semaines, le présent article veut croire en l’espoir né des informations parvenant de l’Asie et de quelques pays dont la situation s’améliore.  

Au moment où il apparaîtra possible de quitter ce « confinement » et cette « distanciation sociale », auxquels nous avons consenti, et continuons de consentir, pour préserver nos existences, rien ne sera plus urgent et important que de s’assurer qu’aucune des mesures instaurées pour répondre à cette crise sanitaire gigantesque ne demeurera. 

Les motifs justifiant la déclaration, le 24 mars 2020, de l‘état d’urgence sanitaire en France étaient, certes, graves et sans doute justifiés, comme l’ont laissé penser jusqu’à présent le nombre des personnes touchés et celui des décédés. 

Mais on ne peut, en cet instant même, ne pas ressentir combien nous avons accepté de renoncer, provisoirement, aux libertés essentielles : celle d’aller et venir, de nous réunir, d’entreprendre.  

Comme dans un contexte de guerre, chacun peut, à l’heure actuelle, devoir produire devant un policier, les documents l’autorisant à effectuer son déplacement.  

Chacun doit pouvoir démontrer qu’il n’aura pas passé plus d’une heure à l’extérieur de son lieu de confinement. 

La télévision ne nous offre-t-elle pas, régulièrement, le spectacle d’un promeneur isolé sur une plage, ou même à Paris, auquel un drone rappelle l’interdiction qu’il transgresse ? 

L’Etat d’urgence sanitaire permet en outre au gouvernement de légiférer par ordonnances, c’est-à-dire, dans le domaine réservé à la loi. Et les domaines de cette dernière les plus diverses ont été modifiés, pour tenir compte des spécificités des besoins de la crise sanitaire. 

Or, l’expérience montre qu’il n’est pas impossible de prendre l’habitude de vivre dans un état de restriction des libertés. 

L’état d’urgence, décrété le 13 novembre 2015, a été maintenu deux ans avant d’être levé, au mois de juin 2017. Mais une grande partie de son contenu a été intégré au droit commun. 

On a observé que l’exécutif, à la recherche des modalités d’un déconfinement qui viendra nécessairement, a d’abord chargé un comité de chercheurs et de médecins, « d’accompagner la réflexion des autorités sur l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ».   

Mais le recours à des tels dispositifs de traçage numérique poserait la question de la protection des données personnelles. Aussi cette mesure est-elle envisagée avec beaucoup de prudence. 

C’est sans doute pour ces raisons que, à l’issue du Conseil des Ministres, la porte-parole du gouvernement, Mme Sibeth Ndiaye a jugé légitime le débat sur les libertés fondamentales demandé par Monsieur Jacques Toubon, Défenseur des droits. 

Par Jean-Louis Vasseur

Quelles sont les conséquences d’une période d’activité partielle sur les promesses d’embauche et les périodes d’essai en cours ?

De nombreuses entreprises connaissent actuellement une baisse de leur activité et déposent auprès de la DIRECCTE un dossier d’activité partielle qui est réputé accepté à défaut de réponse sous 48 heures. 

Cette réduction d’activité autorise-t-elle la rupture d’une promesse d’embauche ? Quelles en sont les conséquences pour les salariés en période d’essai ?  

 

I – Le sort de la promesse d’embauche 

Si l’employeur a adressé au candidat une proposition ferme écrite, il ne pourra se rétracter que si le salarié n’a pas répondu dans le délai qui lui était donné à cette proposition : il est ainsi fortement préconisé de prévoir un délai dans lequel le salarié doit accepter la proposition de l’employeur. 

Une fois cette proposition acceptée, les parties seront définitivement liées et la rupture unilatérale du contrat sera abusive. 

En cette période incertaine, les employeurs pourront préciser dans les promesses d’embauche que le contrat ne prendra effet qu’à l’issue de la période de confinement. 

 

II – Salariés en période d’essai 

Deux situations doivent être distinguées : 

-       La période d’activité partielle entraîne une interruption totale de l’activité : la période d’essai sera prolongée de la durée de la période de chômage partiel. 

-       Le salarié est partiellement en activité (il travaille par exemple 2 jours par semaine au lieu de 5) : dans ce cas la période d’essai sera prolongée à due proportion soit 3 jours. 

Cette précision est importante particulièrement lorsque l’employeur entend renouveler ou rompre la période d’essai ! 

Par Corinne Metzger

Prime de pouvoir d’achat : Assouplissement des modalités

Instaurée après la crise des gilets jaune, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, prime exonérée d’impôt sur le revenu, et de toutes les cotisations et contributions, avait été renouvelée pour la deuxième année consécutive fin 2019.   

Soumise à des conditions strictes, ces dernières viennent d’être assouplies par le Gouvernement. L’objectif : encourager les entreprises à récompenser les efforts des salariés pendant cette crise sanitaire.  

Tout d’abord, afin de pouvoir bénéficier des exonération sociales et fiscales, le versement de cette prime pourra avoir lieu jusqu’au 31 août 2020 et non plus jusqu’au 30 juin. 

Ensuite, le champ des entreprises pouvant verser cette prime est élargi : toutes les entreprises pourront recourir à cette prime et bénéficier des exonérations qu’elles aient ou non un accord d’intéressement. La nouvelle condition imposée par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 est donc abrogée. Reste que le montant permettant de bénéficier des exonérations peut être supérieur dès lors que l’entreprise dispose d’un tel accord :  

  • sans un accord d’intéressement : le montant de cette prime exonérée peut être au maximum de 1 000 € ;  
  • avec un accord d’intéressement : le montant de cette prime exonérée peut être au maximum de 2 000 €.  

Dans l’hypothèse où une prime de 1 000 € a déjà été versée aux salariés cette année, une seconde prime du même montant peut être octroyée.  

Enfin, un nouveau critère de modulation du montant de la prime est instauré. Alors qu’il était possible, par accord d’entreprise ou par décision unilatérale, de moduler le montant de la prime en fonction seulement de la rémunération, du niveau de classification, de la durée de présence effective pendant l’année ou la durée de travail prévue par le contrat de travail, il est désormais possible de la moduler en fonction « des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 ».  

Il sera en conséquence possible de récompenser davantage les personnes contraintes de se rendre sur leur lieu de travail que les télétravailleurs.  

Par Clara Bellest

Les effets des ordonnances du 25 mars 2020 sur la procédure d’expropriation et du droit de préemption

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

Sur le fondement du 2° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, deux ordonnances en date du 25 mars 2020, susceptibles d’impacter la procédure d’expropriation, sont entrées en vigueur : 

  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ; 
  • Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété  

 
Les effets des dispositions de ces dernières ordonnances sur la procédure d’expropriation diffèrent selon que l’on se trouve en phase administrative (1) ou en phase judiciaire (2).  Des incidences peuvent également être relevées en matière de droit de préemption (3).  

 

I – Les effets des ordonnances du 25 mars 2020 en phase administrative 

Certaines dispositions des ordonnances précitées du 25 mars 2020 ont des effets notables sur trois points de la procédure d’expropriation, en phase administrative : 

– Le déroulement des enquêtes publiques : l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit précisément la suspension des délais de consultation et de participation du public, préalables à la prise d’une décision d’une autorité administrative.  

 
Toutefois, une dérogation issue de l’article 12 de la même ordonnance est expressément prévue «Lorsque le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent ».

 
Dans une telle hypothèse – qui semble notamment concerner les procédures menées dans le cadre de la réalisation du Grand Paris Express, mais aussi des Jeux Olympiques 2024 -, « l’autorité compétente pour organiser l’enquête publique peut en adapter les modalités : 

1° En prévoyant que l’enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés. La durée totale de l’enquête peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l’interruption due à l’état d’urgence sanitaire. Les observations recueillies précédemment sont dûment prises en compte par le commissaire enquêteur ; 

2° En organisant une enquête publique d’emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés ». 

 
A noter également que, dans une telle situation, si la durée de l’enquête excède la période définie au I de l’article 1er de la présente ordonnance (soit, le 24 juin 2020 sous réserve de réduction ou de prorogation), l’autorité compétente aura la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l’enquête restant à courir, aux modalités d’organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d’enquêtes dont elle relève.  

On peut, enfin, relever qu’une incertitude réside sur les effets de l’ordonnance sur les enquêtes publiques dans la mesure où l’article 7 évoque la suspension des délais, ce que confirme le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance, alors que l’article 12 parle d’une interruption. 

Or, ces deux notions n’emportent pas les mêmes conséquences.  

En effet, dans le cas d’une suspension, la durée échue est comptabilisée et, lors de la reprise du délai, seul le temps restant courra alors qu’au contraire, dans le cas d’une interruption, la durée déjà passée n’est pas comptabilisée et c’est l’ensemble du délai initialement prévu qui courra à nouveau.  

Une clarification sera nécessaire sur ce point. 

(Pour aller plus loin sur les enquêtes publiques : LA PARTICIPATION DU PUBLIC FACE AU COVID-19 : LA REPONSE DU LEGISLATEUR

 
– La validité des déclarations d’utilité publique : Pour rappel, l’article L. 121-4 du Code de l’expropriation dispose que « l’acte déclarant l’utilité publique précise le délai pendant lequel l’expropriation devra être réalisée. Il ne peut excéder cinq ans, si la déclaration d’utilité publique n’est pas prononcée par décret en Conseil d’Etat en application de l’article L. 121-1. Toutefois, si les opérations déclarées d’utilité publique sont prévues par des plans d’occupation des sols, des plans locaux d’urbanisme ou des documents d’urbanisme en tenant lieu, cette durée maximale est portée à dix ans ». 

Or, il est de jurisprudence constante que le juge de l’expropriation doit refuser de prononcer l’expropriation si la déclaration d’utilité publique est caduque (Civ. 3e, 5 décembre 2007, n° 0620053) 

Aussi, en application des articles 1 et 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, si le terme d’une déclaration d’utilité publique était prévu entre le 12 mars 2020 et, à titre prévisionnel, le 24 juin 2020 (sous réserve de la réduction ou de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire), il semblerait que la durée de validité d’une telle déclaration soit prorogée et le juge de l’expropriation pourrait prononcer l’expropriation « dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ». 

 

– La validité des arrêtés de cessibilité : L’article L. 221-1 du Code de l’expropriation dispose que le préfet transmet au greffe de la juridiction de l’expropriation un dossier comprenant, notamment, un arrêté de cessibilité pris depuis moins de six avant l’envoi du dossier au greffe. 

 
Le juge de l’expropriation ne peut prononcer le transfert de propriété de biens expropriés si, à la date d’envoi du dossier qui est la seule à prendre en considération, l’arrêté de cessibilité est devenu caduc après l’expiration d’un délai de six mois à compter de son édiction (3e Civ., 15 mars 2006, n° 05-70004 ; 3e Civ, 23 mai 2012, n° 11-15688).  

Aussi, en application de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, si la caducité de l’arrêté de cessibilité intervient entre le 12 mars 2020 et, à titre prévisionnel, le 24 juin 2020 (sous les mêmes réserves précitées), il semblerait que le Préfet pourra valablement transmettre au greffe du juge de l’expropriation un dossier comprenant un tel arrêté de cessibilité s’il est transmis « dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois » et, dans ces conditions, le juge de l’expropriation pourrait prendre son ordonnance d’expropriation.   

 

II – Les effets des ordonnances du 25 mars 2020 en phase judiciaire 

S’agissant de la phase judiciaire de l’expropriation, les ordonnances précitées ont des effets distincts si la procédure se situe en première instance ou en cause d’appel.  

Tout d’abord, en première instance, les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sont, a priori, sans incidence.  

En effet, ces dispositions visent « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque ». 

 Or, en première instance, le non-respect des délais pour répondre aux offres ou mémoires valant offres de l’expropriant, pour saisir la juridiction, pour constituer un avocat, pour notifier l’ordonnance fixant la date de transport, peut être surmonté s’il n’a pas fait grief à la partie adverse.  

En revanche, certaines dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété pourraient être particulièrement utiles dans la poursuite de procédures d’expropriation.  

En effet, des adaptations relatives à la tenue des audiences sont expressément prévues aux articles 7 et 8 de l’ordonnance précitée.  

 
Ainsi, l’article 7 de ladite ordonnance permet au président de la formation de jugement, par une décision insusceptible de recours, de décider que « l’audience se tiendra en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s’assurer de l’identité des parties et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats » ou « En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen […] décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s’assurer de leur identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges ». 

Dans un tel cas, le juge organise et conduit la procédure, s’assure du bon déroulement des échanges entre les parties et veille au respect des droits de la défense et au caractère contradictoire des débats. Le greffe dresse le procès-verbal des opérations effectuées. 

En outre, l’article 8 de la même ordonnance prévoit que lorsque la représentation est obligatoire, ce qui est le cas en matière d’expropriation depuis le 1er janvier 2020, en vertu de l’article R. 311-9 du Code de l’expropriation (hormis pour L’Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics qui peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration) ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience et, dans une telle hypothèse, il en informe les parties par tout moyen, à charge pour les parties, dans un délai de 15 jours, de s’opposer à la procédure sans audience et, à défaut d’opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge. 

L’application de ces dispositions est donc parfaitement envisageable pour les procédures de fixation des indemnités, notamment celles faisant suite à une opération d’expropriation déclarée urgente au sens de l’article R. 232-1 du Code de l’expropriation.  

En revanche, la question du transport sur les lieux, qui n’est pas assimilable à une audience mais s’apparente davantage à une mesure d’instruction n’a semble-t-elle pas été prévue par l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020. Ce point ne manquera pas d’être source d’interrogation dans la mesure où le transport sur les lieux implique de se déplacer sur place pour constater la consistance des biens, ce qui contrarie le principe de confinement. 

 
En cause d’appel, et contrairement au déroulement de la procédure en première instance, les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sont particulièrement pertinentes.  

En effet, des sanctions assortissent le non-respect des délais prévus par le Code de l’expropriation.  

Tel est précisément le cas des délais : 

  • pour interjeter appel (article R. 311-24 du Code de l’expropriation : un mois à compter de la signification du jugement, sous peine d’irrecevabilité) ;
  • pour déposer des conclusions tant pour l’appelant (article R. 311-26 du même Code : 3 mois à compter de la déclaration d’appel, sous peine de caducité) que pour l’intimé (article R. 311-26 précité : 3 mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant par le greffe, sous peine d’irrecevabilité ; délai applicable au commissaire du gouvernement).  

 
Aussi, en application de l’article 2 de l’ordonnance précitée, si un délai pour interjeter appel expire entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, ce délai sera prorogé d’un mois à compter de la fin de cette période.  

De même, si le dépôt des conclusions devait intervenir entre le 12 mars 2020 et un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, l’appelant ou l’intimé pourra valablement les déposer dans un délai de deux mois suivant la fin de la période de l’état d’urgence sanitaire.  

 

III – Les effets des ordonnances du 25 mars 2020 sur le droit de préemption 

 
Les ordonnances précitées ont également des incidences en matière de droit de préemption.  

En effet, le titulaire du droit de préemption est tenu par des délais sanctionnés par la renonciation à l’exercice de son droit.  

Cela concerne, notamment, le délai : 

  • pour exercer le droit de préemption urbain (article R. 213-7 du Code de l’urbanisme) ; 
  • pour saisir le juge de l’expropriation, en cas de maintien du prix figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner par le vendeur (article R. 213-10 du Code de l’urbanisme) ; 
  • pour procéder à notification à la juridiction de l’expropriation et au propriétaire du récépissé de la consignation d’une somme égale à 15 % de l’évaluation faite par le directeur départemental des finances publiques (article L. 213-4-1 du Code de l’urbanisme) 

 

S’agissant d’abord du délai pour exercer le droit de préemption urbain, le Code de l’urbanisme prévoit que le titulaire du droit de préemption peut exercer son droit dans un délai de deux mois à compter de la réception en mairie de la déclaration d’intention d’aliéner, sous peine de renonciation à son droit.  

L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prévoit ainsi que « les délais à l’issue desquels une décision  […] de […] personne mentionnés à l’article 6 (administrations de l’Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs) peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er ». 

Le deuxième alinéa du même article précise que : « Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci ». 

Sur son site internet, le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales précise, à propos de ces dispositions que « sont visées, […] les délais applicables aux déclarations présentées aux autorités administratives, par exemple une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) » (cohesion-territoires.gouv.fr : voir la communication relative à l’ordonnance sur la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et adaptation des procédures).  

 
Il en résulte deux conséquences : 

1 – Le délai d’exercice du droit de préemption pour les déclarations d’intention d’aliéner transmises avant le 12 mars et qui n’ont pas expiré avant cette même date est suspendu jusqu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

Ainsi, par exemple, si une DIA a été transmise en mairie le 12 février 2020, le titulaire du droit de préemption disposera d’un mois après l’expiration du délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire pour exercer son droit, soit de manière prévisionnelle, jusqu’au 25 juillet 2020.  

 

2 – Le point de départ du délai d’exercice du droit de préemption pour les déclarations d’intention d’aliéner transmises entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ne commencera à courir qu’à compter de cette dernière date.  

Par exemple, dans le cas d’une DIA transmise le 13 mars 2020, le titulaire du droit de préemption pourra légalement exercer son droit, de manière prévisionnelle et sous réserve de réduction ou de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, jusqu’au 25 août 2020.  

 

S’agissant, ensuite, de la saisine du juge de l’expropriation, qui doit intervenir dans un délai de 15 jours à compter de la réponse du vendeur de maintenir le prix figurant dans la DIA, si celle-ci devait être effectuée entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 précité, elle semblerait être réputé avoir été fait à temps si elle intervient dans un délai de 15 jours à compter de l’expiration du dernier délai cité, conformément à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.  

Par exemple, si le courrier de maintien de prix du vendeur a été reçu par le titulaire du droit de préemption le 13 mars 2020, le titulaire du droit de préemption pourra valablement saisir le juge de l’expropriation, sous les mêmes réserves que précédemment, jusqu’au 10 juillet 2020 (15 jours suivant l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire prévue, à titre provisoire, au 24 mai 2020, soit le 25 juin 2020).  

 
S’agissant, enfin, de l’obligation faite au titulaire du droit de préemption de procéder à notification à la juridiction de l’expropriation et au propriétaire du récépissé de la consignation d’une somme égale à 15 % de l’évaluation faite par le directeur départemental des finances publiques dans un délai de trois mois à compter de la saisine de la juridiction, sous peine d’être réputé avoir renoncé à l’acquisition ou à l’exercice du droit de préemption, il semblerait que ce cas entre également dans les hypothèses prévues à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 qui vise « Toute […] notification prescrit par la loi ou le règlement à peine de […] sanction […] ou déchéance d’un droit ».  

 
Aussi, si cette notification devait être effectuée entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 précité, elle semblerait être réputé avoir été fait à temps si elle intervient dans un délai de deux mois à compter de la fin de l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

Par exemple, dans l’hypothèse où le juge de l’expropriation a été saisi le 13 mars 2020, le titulaire du droit de préemption devra notifier à la juridiction de l’expropriation et au propriétaire le récépissé de la consignation avant le 25 août 2020.

Par Louis Chevallier

Présentation de l’ordonnance du 1er avril 2020 relative au fonctionnement et aux compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19

En application des dispositions du 8° I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le gouvernement a publié une ordonnance précisant le fonctionnement des institutions locales en période de crise sanitaire. 

Le terme d’ « institutions locales » est susceptible de concerner de nombreuses personnes publiques locales ; ainsi plusieurs dispositions de l’ordonnance sont applicables aux communes, à la Ville de Paris, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), aux syndicats mixtes fermés (SMF), aux syndicats mixtes ouverts (SMO), à la métropole de Lyon, aux départements, aux régions, à la collectivité de Corse, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique, aux collectivités de la Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. 

Il conviendra de noter néanmoins quelques imprécisions sur le champ d’application des articles aux différentes catégories de structure de coopération locales, la formulation retenue variant d’une disposition ; se pose ainsi notamment la question de l’application de certains dispositifs aux syndicats dits mixtes (qui ne réunissent pas que des communes) et en particulier des syndicats mixtes ouverts, comprenant des structures publiques autre qu’issues du bloc communal.  

On précisera que l’ordonnance aborde, en sus des questions de fonctionnement, des problématiques relatives aux compétences (services d’incendie et de secours et le petit cycle de l’eau) et au cas très particulier des EPCI à fiscalité propre ayant fusionné dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires (articles 8, 9 et 5 de l’ordonnance). 

Dans ces conditions, il conviendra d’examiner dans un premier temps le renforcement des pouvoirs exécutifs locaux (I) et ensuite, dans un second temps, l’assouplissement des règles de fonctionnement des institutions locales (II). 

 

I – Le renforcement des pouvoirs des exécutifs locaux  

A – Une délégation de plein droit aux maires et aux présidents de l’exécutif local 

Il ressort de l’article 1er de l’ordonnance que les maires et les présidents des EPCI à fiscalité propre, des syndicats de communes, des syndicats mixtes, des conseils départementaux et régionaux se voient confier la quasi-totalité des attributions que les assemblées délibérantes peuvent leur déléguer par délibération

Le texte précise à plusieurs reprises l’étendue des pouvoirs des exécutifs dans certains domaines. 

Ainsi, au titre de l’année 2020 et en complément des mesures adoptées dans l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020, les exécutifs des structures locales (sans renvoi toutefois pour les syndicats mixtes fermés) peuvent souscrire les lignes de trésorerie nécessaires dans les limites fixées soit antérieurement par l’assemblée délibérante elle-même, soit par le montant total du besoin budgétaire d’emprunt, soit par 15% des dépenses réelles figurant au budget. 

Les maires ainsi que les présidents des conseils départementaux et régionaux, quant à eux, peuvent procéder à l’attribution des subventions aux associations et garantir les emprunts. 

Enfin s’agissant des EPCI et des syndicats mixtes, le président exerce, comme indiqué ci-dessus, l’ensemble des attributions de l’organe délibérant, à l’exception des matières énumérées du 1° au 7° de l’article L. 5211-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), lesquelles sont expressément exclues. 

On précisera que, dans une note explicative, la DGCL précise pour les SMO que : 

« Toutefois, les attributions exercées par l’exécutif des syndicats mixtes ouverts et des pôles métropolitains ouverts en application de l’article 1er de la présente ordonnance sont celles définies par leurs statuts, si ceux-ci prévoient la possibilité d’accorder à l’organe exécutif des délégations d’attributions plus étendues que celles prévues à l’article L. 5211-10 du CGCT ». 

 

En matière d’emprunts, les délégations ayant pris fin en 2020 en application du dernier alinéa de l’article L. 5211-10 du CGCT sont rétablies à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 et restent valables jusqu’à la première réunion de l’organe délibérant (article 6 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020) 

Les décisions adoptées par les Présidents des EPCI et des syndicats mixtes peuvent, le cas échéant, être signées par un vice-président ou un membre du bureau agissant par délégation du président dans les conditions fixées à l’article L. 5211-9 du CGCT. Ces décisions peuvent également être signées par le directeur général des services, le directeur général adjoint des services, le directeur général des services techniques, le directeur des services techniques et les responsables de service ayant reçu délégation de signature dans les conditions fixées à l’article L. 5211-9 du CGCT. 

 

B – Les pouvoirs de contrôle des organes délibérants  

Les mesures adoptées par les exécutifs seront contrôlées par les organes délibérants via les mécanismes suivants : 

  • L’exécutif informe, sans délai et par tout moyen, les membres de l’organe délibérant des décisions adoptées dès leur entrée en vigueur ; 
  • Il rend compte de ses décisions à la prochaine réunion de l’organe délibérant ; 
  • L’organe délibérant peut, à tout moment, décider, par délibération, de mettre un terme à cette délégation ou la modifier (cette question est portée à l’ordre du jour de la première réunion de l’organe délibérant qui suit l’entrée en vigueur de l’ordonnance commentée). 
  • Dans l’hypothèse où l’organe délibérant retire tout ou partie de la délégation au Président de l’exécutif, il peut alors réformer les décisions adoptées par ce dernier. 

 

Ajoutons à cela que, en application de l’article 3 de l’ordonnance, un cinquième des membres de l’assemblée délibérante pourra, sur un ordre du jour déterminé, demander la réunion de l’assemblée dans un délai de six jours au lieu des règles habituelles de saisine par la moitié ou le tiers des membres.  

Enfin, les actes pris dans le cadre de la délégation continueront d’être soumis au contrôle de légalité.  

 

II – Adaptation des règles de fonctionnement des institutions locales  

Pour permettre l’adoption plus rapide des décisions locales pendant l’état d’urgence sanitaire et sans doute limiter également les déplacements des élus, l’ordonnance prévoit la mise en place de règles de fonctionnement dérogatoires et plus souples au droit commun : 

  • Assouplissement des règles de quorum avec la présence obligatoire d’un tiers des membres présents et représentés et la possibilité pour les membres d’être porteurs de deux délégations au lieu d’une dans les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent, les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux, de la collectivité territoriale de Guyane et du Département de Mayotte et les bureaux des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (article 2 de l’ordonnance) ; 
  • Il n’a pas à être fait application de l’obligation trimestrielle de réunion de l’organe délibérant des collectivités territoriales (article 3 II de l’ordonnance) ; 
  • Dans les collectivités territoriales et leurs groupements, le maire ou le président de l’organe délibérant peut décider que certaines commissions et conseils mentionnés à l’article 4 de l’ordonnance (comme par exemple le conseil de développement) ne sont pas saisis des affaires qui leur sont, habituellement ou légalement, préalablement soumises ; 
  • Dans les collectivités territoriales et leurs groupements, le maire ou le président peut décider que la réunion de l’organe délibérant se tient par visioconférence ou à défaut audioconférence. Les convocations préciseront les modalités techniques de la réunion et c’est à l’occasion de la première réunion que seront définies les modalités d’identification des participants, d’enregistrement et de conservation des débats et les modalités de scrutin (article 6 I de l’ordonnance) ; 
  • Dans les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’EPCI à fiscalité propre est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique (article 6 I) ; 
  • Les trois mesures citées ci-dessus sont applicables aux commissions permanentes des collectivités territoriales et aux bureaux des EPCI  (article 6 III); 
  • La transmission d’actes, faisant l’objet d’un contrôle de légalité, au représentant de l’Etat peut être effectuée depuis une adresse électronique dédiée vers une autre adresse électronique, également dédiée, permettant d’accuser réception de cette transmission par cette même voie et doit comprendre certaines mentions obligatoires (article 7 de l’ordonnance) ; 
  • La publication des actes à caractère réglementaire peut être valablement assurée sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou de l’établissement public, dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l’intégrité et à en effectuer le téléchargement (article 7 de l’ordonnance). 

 

Par Margaux Davrainville