le 06/04/2020

Présentation de l’ordonnance du 1er avril 2020 relative au fonctionnement et aux compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19

Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19

En application des dispositions du 8° I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le gouvernement a publié une ordonnance précisant le fonctionnement des institutions locales en période de crise sanitaire. 

Le terme d’ « institutions locales » est susceptible de concerner de nombreuses personnes publiques locales ; ainsi plusieurs dispositions de l’ordonnance sont applicables aux communes, à la Ville de Paris, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), aux syndicats mixtes fermés (SMF), aux syndicats mixtes ouverts (SMO), à la métropole de Lyon, aux départements, aux régions, à la collectivité de Corse, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique, aux collectivités de la Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. 

Il conviendra de noter néanmoins quelques imprécisions sur le champ d’application des articles aux différentes catégories de structure de coopération locales, la formulation retenue variant d’une disposition ; se pose ainsi notamment la question de l’application de certains dispositifs aux syndicats dits mixtes (qui ne réunissent pas que des communes) et en particulier des syndicats mixtes ouverts, comprenant des structures publiques autre qu’issues du bloc communal.  

On précisera que l’ordonnance aborde, en sus des questions de fonctionnement, des problématiques relatives aux compétences (services d’incendie et de secours et le petit cycle de l’eau) et au cas très particulier des EPCI à fiscalité propre ayant fusionné dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires (articles 8, 9 et 5 de l’ordonnance). 

Dans ces conditions, il conviendra d’examiner dans un premier temps le renforcement des pouvoirs exécutifs locaux (I) et ensuite, dans un second temps, l’assouplissement des règles de fonctionnement des institutions locales (II). 

 

I – Le renforcement des pouvoirs des exécutifs locaux  

A – Une délégation de plein droit aux maires et aux présidents de l’exécutif local 

Il ressort de l’article 1er de l’ordonnance que les maires et les présidents des EPCI à fiscalité propre, des syndicats de communes, des syndicats mixtes, des conseils départementaux et régionaux se voient confier la quasi-totalité des attributions que les assemblées délibérantes peuvent leur déléguer par délibération

Le texte précise à plusieurs reprises l’étendue des pouvoirs des exécutifs dans certains domaines. 

Ainsi, au titre de l’année 2020 et en complément des mesures adoptées dans l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020, les exécutifs des structures locales (sans renvoi toutefois pour les syndicats mixtes fermés) peuvent souscrire les lignes de trésorerie nécessaires dans les limites fixées soit antérieurement par l’assemblée délibérante elle-même, soit par le montant total du besoin budgétaire d’emprunt, soit par 15% des dépenses réelles figurant au budget. 

Les maires ainsi que les présidents des conseils départementaux et régionaux, quant à eux, peuvent procéder à l’attribution des subventions aux associations et garantir les emprunts. 

Enfin s’agissant des EPCI et des syndicats mixtes, le président exerce, comme indiqué ci-dessus, l’ensemble des attributions de l’organe délibérant, à l’exception des matières énumérées du 1° au 7° de l’article L. 5211-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), lesquelles sont expressément exclues. 

On précisera que, dans une note explicative, la DGCL précise pour les SMO que : 

« Toutefois, les attributions exercées par l’exécutif des syndicats mixtes ouverts et des pôles métropolitains ouverts en application de l’article 1er de la présente ordonnance sont celles définies par leurs statuts, si ceux-ci prévoient la possibilité d’accorder à l’organe exécutif des délégations d’attributions plus étendues que celles prévues à l’article L. 5211-10 du CGCT ». 

 

En matière d’emprunts, les délégations ayant pris fin en 2020 en application du dernier alinéa de l’article L. 5211-10 du CGCT sont rétablies à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 et restent valables jusqu’à la première réunion de l’organe délibérant (article 6 de l’ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020) 

Les décisions adoptées par les Présidents des EPCI et des syndicats mixtes peuvent, le cas échéant, être signées par un vice-président ou un membre du bureau agissant par délégation du président dans les conditions fixées à l’article L. 5211-9 du CGCT. Ces décisions peuvent également être signées par le directeur général des services, le directeur général adjoint des services, le directeur général des services techniques, le directeur des services techniques et les responsables de service ayant reçu délégation de signature dans les conditions fixées à l’article L. 5211-9 du CGCT. 

 

B – Les pouvoirs de contrôle des organes délibérants  

Les mesures adoptées par les exécutifs seront contrôlées par les organes délibérants via les mécanismes suivants : 

  • L’exécutif informe, sans délai et par tout moyen, les membres de l’organe délibérant des décisions adoptées dès leur entrée en vigueur ; 
  • Il rend compte de ses décisions à la prochaine réunion de l’organe délibérant ; 
  • L’organe délibérant peut, à tout moment, décider, par délibération, de mettre un terme à cette délégation ou la modifier (cette question est portée à l’ordre du jour de la première réunion de l’organe délibérant qui suit l’entrée en vigueur de l’ordonnance commentée). 
  • Dans l’hypothèse où l’organe délibérant retire tout ou partie de la délégation au Président de l’exécutif, il peut alors réformer les décisions adoptées par ce dernier. 

 

Ajoutons à cela que, en application de l’article 3 de l’ordonnance, un cinquième des membres de l’assemblée délibérante pourra, sur un ordre du jour déterminé, demander la réunion de l’assemblée dans un délai de six jours au lieu des règles habituelles de saisine par la moitié ou le tiers des membres.  

Enfin, les actes pris dans le cadre de la délégation continueront d’être soumis au contrôle de légalité.  

 

II – Adaptation des règles de fonctionnement des institutions locales  

Pour permettre l’adoption plus rapide des décisions locales pendant l’état d’urgence sanitaire et sans doute limiter également les déplacements des élus, l’ordonnance prévoit la mise en place de règles de fonctionnement dérogatoires et plus souples au droit commun : 

  • Assouplissement des règles de quorum avec la présence obligatoire d’un tiers des membres présents et représentés et la possibilité pour les membres d’être porteurs de deux délégations au lieu d’une dans les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent, les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux, de la collectivité territoriale de Guyane et du Département de Mayotte et les bureaux des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (article 2 de l’ordonnance) ; 
  • Il n’a pas à être fait application de l’obligation trimestrielle de réunion de l’organe délibérant des collectivités territoriales (article 3 II de l’ordonnance) ; 
  • Dans les collectivités territoriales et leurs groupements, le maire ou le président de l’organe délibérant peut décider que certaines commissions et conseils mentionnés à l’article 4 de l’ordonnance (comme par exemple le conseil de développement) ne sont pas saisis des affaires qui leur sont, habituellement ou légalement, préalablement soumises ; 
  • Dans les collectivités territoriales et leurs groupements, le maire ou le président peut décider que la réunion de l’organe délibérant se tient par visioconférence ou à défaut audioconférence. Les convocations préciseront les modalités techniques de la réunion et c’est à l’occasion de la première réunion que seront définies les modalités d’identification des participants, d’enregistrement et de conservation des débats et les modalités de scrutin (article 6 I de l’ordonnance) ; 
  • Dans les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’EPCI à fiscalité propre est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique (article 6 I) ; 
  • Les trois mesures citées ci-dessus sont applicables aux commissions permanentes des collectivités territoriales et aux bureaux des EPCI  (article 6 III); 
  • La transmission d’actes, faisant l’objet d’un contrôle de légalité, au représentant de l’Etat peut être effectuée depuis une adresse électronique dédiée vers une autre adresse électronique, également dédiée, permettant d’accuser réception de cette transmission par cette même voie et doit comprendre certaines mentions obligatoires (article 7 de l’ordonnance) ; 
  • La publication des actes à caractère réglementaire peut être valablement assurée sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou de l’établissement public, dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l’intégrité et à en effectuer le téléchargement (article 7 de l’ordonnance). 

 

Par Margaux Davrainville