le 06/04/2020

Prorogation des délais et mesures en matière civile

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période

Dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, le gouvernement a adopté le 25 mars dernier une série d’ordonnances pour tenir compte de l’état d’urgence sanitaire qui, pour rappel, a été déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (1) et est entré en vigueur le 24 mars dernier. 

Dans ce contexte a été adoptée l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. 

Ainsi, sont prorogés de plein droit les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. 

L’état d’urgence ayant été déclaré pour une durée de 2 mois, il cessera en principe le 24 mai prochain, sauf report en raison de l’évolution de l’épidémie. 

Mesures et délais visés 

La prorogation s’applique à tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars dernier et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. 

La règle est la suivante : tous ces délais et mesures seront réputés avoir été accomplis à temps s’ils ont été effectués, à compter de l’expiration d’un délai d’un mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire, dans le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois. 

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. 

Sont également prorogées de plein droit, à l’article 3 de l’ordonnance n°2020-306, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter l’expiration d’un délai d’un mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire, les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période : 

  • Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ; 
  • Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ; 
  • Autorisations, permis et agréments ; 
  • Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ; 
  • Mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial. 

La possibilité est toutefois offerte au juge ou à l’autorité compétente de modifier ces procédures ou d’y mettre fin lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. 

Par ailleurs, en application de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306, les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période s’écoulant entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire. 

Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de la période ci-dessus si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. 

Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

Enfin, il est intéressant de noter que l’ordonnance n° 2020-306 est applicable aux mesures restrictives de liberté ainsi qu’aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantie, à la condition qu’elle n’entraine pas une prorogation au-delà du 30 juin 2020. 

Exceptions 

Ces diverses prorogations ne s’appliquent toutefois pas : 

  • Aux délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale ; 
  • ou concernant les élections régies par le Code électoral et les consultations auxquelles ce Code est rendu applicable ; 
  • Aux délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ; 
  • Aux délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ; 
  • Aux obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du Code monétaire et financier ; 
  • Aux délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci. 

Application concrète 

Sont suspendus les effets d’une clause résolutoire insérée à un bail et ce pendant toute la durée de la période visée par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. 

Dans ces conditions, il est préconisé de reporter la signification de tout commandement à l’issue de cette période, et ce d’autant plus qu’en matière de procédure en acquisition de clause résolutoire, le bien-fondé de la demande pourra être remis en cause en cas de mauvaise foi du bailleur. 

Il convient toutefois de nuancer nos propos puisque, l’ordonnance n° 2020-306 ne s’appliquant pas, en vertu de son titre I, article 1 5°, aux délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci, la prorogation de délais qu’elle édicte ne pourra à notre sens bénéficier aux micro-entreprises, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie, et qui peuvent en vertu de cette loi d’urgence, reporter intégralement ou étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures. 

Par Emilie Bacqueyrisses