L’ordonnance Ville de Sceaux du Conseil d’Etat : vers une limitation pérenne des pouvoirs de police du maire ?

1 – Le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu, ce vendredi 17 avril 2020, l’ordonnance en référé n° 440057, Commune de Sceaux, dans laquelle il donne sa position s’agissant de l’étendue des pouvoirs de police générale du maire en cas de concurrence avec une autorité de police spéciale.  

Dans le présent cas, la commune de Sceaux a pris, le 6 avril dernier, un arrêté rendant obligatoire le port du masque dans l’espace public sur son territoire. La Ligue des droits de l’homme, a alors saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, considérant, d’une part, que le maire n’est pas compétent pour prendre une telle mesure, d’autre part, que cette dernière constitue une atteinte grave et manifestement disproportionnée à un certain nombre de libertés fondamentales, dont la liberté d’aller et venir. Par une ordonnance n° 2003905 du 9 avril 2020, le juge a suspendu l’exécution de l’arrêté contesté en se fondant, notamment, sur l’incompétence du maire.  

La commune a donc saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Le Conseil d’Etat a finalement statué le 17 avril 2020, pour rejeter la requête de la commune de Sceaux, considérant notamment que :  

« la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat ». 

  

2- Nous sommes là en présence d’un cas assez classique de concurrence des pouvoirs de police entre le maire, qui détient des pouvoirs de police administrative générale sur le fondement de l’article L. 2212-2 duCode général des collectivités territoriales (CGCT), et l’Etat et son représentant dans le département, qui détient des pouvoirs de police spéciale en vertu d’une loi spécifique. Les deux autorités sont alors autorisées à intervenir sur des fondements légaux différents.  

 

La solution classique consiste alors à faire primer l’autorité de police spéciale, le maire ne pouvant intervenir dans ce domaine que dès lors qu’il prend une mesure plus contraignante, qui est en outre justifiée par des circonstances locales particulières. On reconnaît là le fameux arrêt Commune de Néris-lès-Bains (CE, 18 avril 1902, req. n° 04749).  

Dans certains cas, le juge a même restreint encore davantage les modalités d’intervention du maire, en instituant des pouvoirs de police administrative spéciale exclusive. Alors, le maire ne peut intervenir qu’en cas de « péril grave et imminent », et non pas seulement en cas de « circonstances locales particulières ». C’est ainsi, notamment, que le juge administratif a écarté l’intervention du maire dans de nombreuses affaires relatives au droit de l’environnement (sur la question des ondes ou des cultures OGM) : s’ils pouvaient établir des circonstances locales particulières, ils n’avaient pu faire état d’un péril grave et imminent, de sorte que leurs arrêtés de police administrative générale avaient été annulés. Cette limitation supplémentaire des pouvoirs du maire est notamment justifiée par l’impératif de cohérence du droit positif sur l’ensemble du territoire dans ces domaines précis. 

L’intérêt de la présente affaire résidait donc tant dans la solution dégagée par le Conseil d’Etat, que dans sa motivation. A cet égard, on remarque que ce dernier a posé un double verrou à l’intervention du maire :  

  • en premier lieu, elle doit être justifiée par « des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable » ; 
  • en outre, elle ne doit pas « compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat ». 

Ces conditions cumulatives sont les plus restrictives jamais imposées pour justifier l’intervention du maire en cas de concurrence de police avec une autorité investie de pouvoirs de police spéciale. Le Conseil va donc plus loin que dans les affaires liées aux polices spéciales de l’environnement.  

 

3 – Cette décision, particulièrement restrictive pour les maires, s’inscrit naturellement dans un contexte particulier, où le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire limite déjà les pouvoirs de police du maire. 

En effet, l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire dispose que  : 

« le représentant de l’Etat dans le département est habilité à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacement des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent ». 

Il découle très clairement de ces dispositions que, dans les cas où le maire peut être habilité à intervenir au titre de ses pouvoirs de police administrative générale et en vertu du principe jurisprudentiel dégagé dans l’arrêt Commune de Néris-les-Bains, c’est finalement le préfet qui est l’autorité de police administrative compétente.  

Dès lors, une question se pose : cette solution du Conseil d’Etat, privant les maires d’une partie de leurs compétences de police administrative générale, aura-t-elle une portée limitée dans le temps et liée à l’état d’urgence sanitaire, ou bien est-elle annonciatrice d’une position plus pérenne ?   

Si l’alinéa 9 de l’ordonnance commentée replace l’utilisation des deux critères dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, nul doute que le Conseil d’Etat se situe là dans un mouvement général de limitation des pouvoirs du maire en cas de concurrence des polices.  

Par Thomas Chevandier

L’absence de mise en œuvre par l’exproprié de son action en rétrocession dans les délais et conditions prévus par la loi le prive de son action en indemnisation de la perte de plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d’utilité publique

Par une décision du 19 mars 2020, la troisième chambre de la Cour de Cassation (Cass. 3e civ., 19 mars 2020, n° 19-13.648) a considéré qu’un « exproprié n’ayant pas exercé l’action en rétrocession qui lui était ouverte, dans les délais et les conditions prévus par la loi, ne dispose pas d’une action en indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d’utilité publique, dès lors que, en raison de sa propre inaction, il ne subit aucune charge excessive ».  

Cette décision met ainsi un terme à un feuilleton judiciaire opposant la société Immobilière du Ceinturon à la commune de Hyères, depuis plus de 60 ans. 

Pour rappel des faits, la société immobilière du Ceinturon a été expropriée en 1955 au profit de la commune d’Hyères-les-Palmiers en vue de l’extension de la plate-forme de la plage du port de plaisance d’Hyères-les-Palmiers. 

Cependant, les terrains expropriés n’ayant pas reçu l’affectation justifiant la déclaration d’utilité publique, la société immobilière du Ceinturon a formé une demande de rétrocession rejetée par la commune.  

Dès lors, un recours en rétrocession a été introduit par la société expropriée devant le tribunal administratif de Nice. Toutefois, ce dernier s’est déclaré incompétent en 1969. Et aucun appel de cette décision n’a été formé par la société, qui n’a pas non plus saisi le juge judiciaire. 

En 2003, alors que l’action en rétrocession était désormais prescrite, la société a, de nouveau, saisi le juge administratif, mais cette fois, d’une demande d’indemnisation de la perte de la plus-value des terrains expropriés en raison de l’augmentation significative de leur valeur depuis 1955, estimée selon elle à environ 3.100.000 d’euros. 

Le Tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en considérant que le préjudice allégué résultait de la « carence » de la société « à mettre en œuvre les procédures relatives à la rétrocession » (TA Toulon, 11 juin 2009, Société immobilière du Ceinturon, n° 0706388). 

En appel, la Cour administrative d’appel de Marseille a, à l’inverse, considéré qu’une telle demande étant juridiquement fondée au visa des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme (CAA Marseille, 26 mars 2012, Société immobilière du Ceinturon c/ Commune d’Hyères-les-Palmiers, n° 09MA02992).  

La Cour administrative d’appel ayant toutefois considéré que le bien exproprié n’avait pas subi la plus-value alléguée par la requérante, cette dernière a alors saisi le Conseil d’État en invoquant l’incompétence du juge administratif pour se prononcer sur l’indemnisation de la perte de plus-value. 

La Haute juridiction administrative a alors saisi le Tribunal des conflits pour déterminer d’une part, le juge compétent pour connaître de l’action en indemnisation litigieuse et d’autre part, le caractère conforme de l’affectation donnée aux biens (CE, 16 juillet 2014, société Immobilière du Ceinturon, n° 359787).  

Reconnaissant un « bloc de compétence judiciaire », le Tribunal des conflits a considéré que « les tribunaux judiciaires, qui sont compétents pour apprécier si les biens expropriés ont effectivement reçu une affectation conforme à celle définie dans l’acte déclaratif d’utilité publique, le sont également pour condamner, le cas échéant, la collectivité au profit de laquelle a été prononcée la déclaration d’utilité publique en paiement d’une indemnité compensant la perte de plus-value subie par le propriétaire initial ; que, par suite, le litige relève de la compétence des juridictions judiciaires » (TC, 8 décembre 2014, n° C3972)  

Le Conseil d’Etat a alors annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille en considérant que cette dernière avait commis une erreur de droit en se reconnaissant compétente pour statuer sur la requête de la société Immobilière du Ceinturon, puis a rejeté la demande de la société expropriée (CE, 30 décembre 2014, société Immobilière du Ceinturon, n° 359787). 

Dans ce contexte, et par acte du 17 février 2015, la société Immobilière du ceinturon a assigné la commune de Hyères-les-Palmiers devant le Tribunal de grande instance aux fins d’indemnisation de son préjudice résultant de la perte de la plus-value des parcelles expropriées. Saisie en appel, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, a déclaré sa demande irrecevable car prescrite (CA Aix-en-Provence, 17 janvier 2019, n°17/10438) 

La société Immobilière du ceinturon a alors saisi la Cour de Cassation qui a rejeté sa demande en considérant que « l’exproprié n’ayant pas exercé l’action en rétrocession qui lui était ouverte, dans les délais et les conditions prévus par la loi, ne dispose pas d’une action en indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d’utilité publique, dès lors que, en raison de sa propre inaction, il ne subit aucune charge excessive » (Cass, 3e Civ 19 mars 2020, n°19-13.648). 

Cette décision précise ainsi le lien existant entre la mise en œuvre du droit de rétrocession prévue à l’article L. 421-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (C.Exp) et l’action pour perte de plus-value. 

Pour mémoire, dans l’état antérieur de sa jurisprudence, la Cour de cassation avait considéré qu’il importait peu qu’aucune décision judiciaire reconnaissant l’existence d’un droit à rétrocession ne soit intervenue, dès lors que la privation d’une plus-value constituait une charge excessive justifiant l’indemnisation dont elle a souverainement fixé le montant (Cass, 3e Civ, 12 Février 2014, n° 13-14.180). 

Précédemment, s’agissant d’une espèce dans laquelle les expropriés avaient assigné l’expropriant au paiement d’une indemnité correspondant à la plus-value acquise sans avoir au préalable intenter d’action en recouvrement, elle avait jugé qu’une telle action pour perte de plus-value visait simplement à « tirer les conséquences de l’absence d’utilisation du terrain à l’usage auquel il était destiné en rétablissant les expropriés dans leur droit à ne pas subir une charge excessive du fait de l’expropriation » (Cass 3e Civ, 20 juin 2007, n° 06-12.569),  

Dans sa décision du 19 mars 2020, la troisième chambre civile de la Cour de cassation sanctionne donc l’inaction de la société requérante en considérant qu’il lui revenait d’exercer l’action en rétrocession qui lui était ouverte, et qu’à défaut, elle ne disposait plus d’une action en indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d’utilité publique. 

Cet arrêt ne manque pas d’interroger dès lors qu’en suivant le raisonnement de la Cour, l’inaction de l’exproprié vide la charge de l’expropriation de son caractère excessif.  

Covid 19 : la modification de l’allongement des délais en matière d’urbanisme par l’ordonnance du 15 avril 2020

Par une ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19, le gouvernement a notamment modifié les mécanismes de prorogation et de suspension des délais de recours et de procédure en matière d’urbanisme tels qu’initialement prévus par l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif et l’ordonnance n° 2020-306 du même jour relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. 

L’article 8 de l’ordonnance du 15 avril 2020 prévoit ainsi d’insérer, dans l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, un titre spécifique intitulé : « Dispositions particulières aux enquêtes publiques et aux délais applicables en matière d’urbanisme et d’aménagement ».  

Ce titre II bis modifie les règles applicables à la fois aux délais de recours exercés à l’encontre des autorisations d’urbanisme, aux délais d’instruction des demandes d’urbanisme et aux délais d’exercice du droit de préemption.  

 

I – Les délais de recours à l’encontre des autorisations d’urbanisme  

Le nouvel article 12 bis introduit plusieurs dérogations s’agissant des recours ou déférés préfectoraux exercés à l’encontre des décisions de non-opposition et des permis de construire, d’aménager ou de démolir :  

D’une part, lorsque le délai de recours a commencé à courir avant le 12 mars 2020, celui-ci n’est plus interrompu, mais seulement suspendu, ce qui signifie qu’il ne reprend pas, à l’issue de la période visée, pour sa durée initiale, mais uniquement pour pour sa durée restante, étant précisé que cette durée ne peut être inférieure à sept jours.  

En revanche, lorsque le point de départ du délai de recours intervient pendant la période allant du 12 mars 2020 à la fin de l’état d’urgence sanitaire, le délai ne commencera à courir qu’à l’issue de cette période.  

D’autre part, la durée de la période juridiquement protégée, pendant laquelle le délai de recours est suspendu, est modifiée. L’article 12 bis précité prévoit désormais que le délai recommence à courir « à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire » soit, en l’état, le 24 mai 2020.  

Le délai supplémentaire d’un mois, prévu par l’article 1er de l’ordonnance, n’est donc plus applicable en matière de recours exercés à l’encontre des autorisations d’urbanisme.  

On peut dès lors distinguer deux hypothèses :  

  • si l’autorisation d’urbanisme a été délivrée avant le 12 mars mais n’était pas encore purgée à cette date, le délai de recours à l’encontre de cette autorisation est suspendu et recommence à courir à compter du 24 mai 2020 pour la durée restante sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours;  
  • si l’autorisation d’urbanisme a été délivrée entre le 12 mars et la fin de l’état d’urgence sanitaire, le délai de recours à l’encontre de cette autorisation ne commence à courir qu’à compter du 24 mai 2020.   

Pour mémoire, l’ordonnance précitée du 25 mars 2020 prévoyait initialement que, dans ces deux hypothèses, le délai de recours expirait le 24 août 2020.  

 

II – Les délais d’instruction des demandes d’urbanisme  

S’agissant des délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme, de déclarations préalables ainsi que des procédures de récolement, le mécanisme de suspension des délais, désormais prévu à l’article 12 ter de l’ordonnance, reste inchangé.  

En revanche, le délai de suspension d’un mois supplémentaire à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire est également supprimé.   

Ainsi, et en application de cette nouvelle règle :  

  • lorsque le délai d’instruction a commencé à courir avant le 12 mars, il est suspendu jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire jusqu’au 24 mai 2020, et recommence à courir à compter de cette date pour sa durée restante. 
  • lorsque le délai d’instruction commence en principe à courir pendant la période du 12 mars jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, le point de départ de ce délai est alors reporté au 24 mai 2020, et commence donc à courir à compter de cette date.  

Il est par ailleurs précisé que les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration.  

 

III – Les délais d’exercice du droit de préemption  

L’article 12 quater prévoit ici également que le délai supplémentaire d’un mois est supprimé, de sorte que la reprise des délais s’effectue à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire, soit, en l’état actuel, le 24 mai 2020.   

A noter, enfin, que l’article 12 quinqies prévoit qu’à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 avril 2020, le cours des délais reprend pour les participations par voie électronique prévues à l’article 9 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. 

Précisions sur la notion d’« extension de l’urbanisation » au sens de la loi littoral

Par sa décision en date du 3 avril 2020, le Conseil d’Etat a jugé que le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme.  

Dans cette affaire, plusieurs permis de construire avaient été accordés par le maire de la commune de l’Ile-de-Batz, dont l’un portait sur l’extension d’une maison d’habitation.  

M. F, propriétaire de terrains non constructibles situés à proximité des terrains d’assiette des projets litigieux, avait contesté ces arrêtés devant le tribunal administratif de Rennes, puis devant la cour administrative d’appel de Nantes. Le Conseil d’Etat, saisi une première fois, avait annulé les arrêts rendus par cette dernière. Sur renvoi, la Cour avait rejeté les demandes de M. F pour défaut d’intérêt à agir. C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a été saisi à nouveau de l’affaire.

Sur la question de la recevabilité des requêtes, le Conseil d’Etat rappelle d’abord que « le propriétaire d’un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l’occuperait ni ne l’exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparait que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien ». 

Appliquant ce principe au cas d’espèce, il considère les requêtes recevables dans la mesure où le requérant ne se contentait pas d’invoquer « de façon générale la qualité environnementale du site » mais se prévalait de ce que les constructions autorisées étaient de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance du bien du requérant « en ce qu’elles altéraient la qualité d’un site aux caractéristiques particulières, essentiellement naturel et identifié comme un espace remarquable, à l’intérieur duquel se trouvaient leurs terrains d’assiette et ses propres terrain ». Le Conseil d’Etat annule par conséquent les arrêts attaqués qui avaient rejeté les requêtes du requérant pour défaut d’intérêt à agir.  

Le Conseil d’Etat règle ensuite l’affaire au fond et tranche notamment la question de savoir si l’extension d’une construction constitue une « extension de l’urbanisation » au sens de l’article L. 146-4 I du Code de l’urbanisme (repris désormais à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme). 

En effet, aux termes de ces dispositions, « l’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants […]». 

Or, comme le souligne dans ses conclusions, Monsieur Stéphane Hoynck, Rapporteur public dans cette affaire, ce point n’était, jusqu’alors, « pas expressément tranché » par la jurisprudence.  

Le terrain d’assiette du projet était en effet situé dans une zone d’urbanisation diffuse, et la question se posait donc de savoir si l’extension de la maison d’habitation autorisée par l’un des permis de construire était soumise au principe de continuité posé par l’article L. 146-4 I. précité.  

Sur ce point, le Conseil d’Etat considère que si, en adoptant les dispositions de l’article L. 146-4 I. du Code de l’urbanisme, « le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral, le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions ».   

Il en résulte que la simple extension d’une construction – dans la mesure où elle ne constitue pas, en tant que telle, une extension de l’urbanisation – ne relève pas du principe de continuité posé par les dispositions précitées.   

Crise sanitaire du Covid-19 : les procédures collectives doivent aussi s’adapter

L’ordonnance du 27 mars 2020 adapte les dispositions du Code de commerce relatives aux procédures de traitement des entreprises en difficulté en cette période de crise sanitaire. 

 

I – La modification des règles relatives à l’ouverture de la procédure 

Une entreprise peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation ou une procédure collective par une remise au greffe, étant précisé que seul le débiteur peut demander l’ouverture d’une telle procédure.   

Par ailleurs, l’ordonnance précise que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, les entreprises peuvent bénéficier des mesures ou procédures préventives telles que la procédure de conciliation ou la procédure de sauvegarde, même si elles ont été en état de cessation des paiements après le 12 mars. Enfin, l’un des intérêts majeurs de cette mesure est d’éviter au débiteur s’exposer à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements.  

 

II – Les mesures relatives aux procédures et aux plans de maintien de l’activité 

L’ordonnance prévoit que la durée de la conciliation est prolongée de plein droit de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cette mesure a pour objectif de pallier au risque d’inertie des négociations avec les créanciers pendant la période couverte par la loi d’urgence. Cependant, cette prolongation de plein droit n’est pas applicable au mandat ad hoc.  

Notons aussi que le président du Tribunal a la possibilité de prolonger les délais imposés à l’administrateur judiciaire, au mandataire judiciaire ou au liquidateur d’une durée équivalente à la durée de la période de l’état d’urgence sanitaire plus trois mois. La requête peut être formée jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

S’agissant de la période d’observation, l’ordonnance prévoit que la durée de la période d’observation est prolongée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire plus un mois.  

Enfin, la durée des plans de sauvegarde et de redressement peut être prolongée par le tribunal jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. En effet, ceux-ci peuvent être prolongées pour une durée de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire sur requête du commissaire à l’exécution du plan ou d’une durée maximale d’un an sur requête du ministère public. Par ailleurs, la durée des plans de sauvegarde et de redressement peut être prolongée par le tribunal après l’expiration du délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan d’une durée maximale d’un an. Ainsi, les plans pourront donc dépasser la durée de principe de 10 ans prévue par l’article L. 626-12 du Code de commerce. 

Saisine de la CJUE sur la conformité au droit communautaire du régime de l’article L.631-7 du CCH relatif aux locations touristiques : l’avis de l’Avocat Général de la CJUE

Nous avions rapporté, dans une précédente LAJ (décembre 2018), la saisine par la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 novembre 2018, n° 17-26.156) de la Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles relatives à la conformité de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après, CCH) au droit communautaire, et plus précisément à la directive « Services » n° 2006-/123/CE du 12 décembre 2006. 

Pour rappel, l’article L. 631-7 du CCH soumet à autorisation la location d’habitation meublée de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, en ce qu’elle constitue un changement d’usage du local. 

L’Avocat Général de la CJUE, Michal Bobek, vient de rendre son avis dans l’attente du délibéré de la juridiction communautaire. 

Sur la première question préjudicielle, l’Avocat Général estime que la location meublée répétée et de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue une prestation de services entrant dans le champ d’application de la directive « Services ». 

En réponse à la deuxième question, l’Avocat Général considère que le dispositif de l’article L. 631-7 du CCH constitue un régime d’autorisation au sens de la directive « Services ». 

En troisième lieu, l’Avocat Général considère que ni la liberté d’entreprise ni le droit de propriété n’ont de caractère absolu et peuvent être limités.  

Ainsi, « selon l’avocat général Bobek, lutter contre une pénurie de logements et chercher à garantir la disponibilité de logements suffisants (destinés à la location de longue durée) et abordables (notamment dans des hauts lieux touristiques), ainsi que la protection de l’environnement urbain, constituent des justifications valables pour l’établissement de régimes d’autorisation fondés de manière générale sur une politique sociale. 

L’Avocat Général conclut que « le régime d’autorisation en cause constitue clairement un moyen autorisé par la directive 2006/123. » 

L’Avocat Général considère en revanche un peu plus contestable le régime de la compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, notamment telle qu’elle est conçue par la ville de Paris. 

Les conclusions de l’Avocat Général sont donc favorables aux communes en ce qu’elles ne remettent pas en cause le régime d’autorisation de l’article L. 631-7 du CCH auquel les ces dernières ont recours pour lutter contre les locations touristiques de type Airbnb. 

La Cour de Justice de l’Union Européenne n’étant toutefois pas liée par les conclusions de l’Avocat Général, son arrêt reste très attendu. 

Office du juge administratif sur la communicabilité d’un document administratif contractuel sui generis

Par un arrêt en date du 27 mars 2020, le Conseil d’Etat est venu apporter d’intéressantes précisions sur l’office du juge administratif dans le contentieux du refus d’accès aux documents administratifs.  

En l’espèce, l’association contre l’extension et les nuisances de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry (ACENAS) et un riverain, ont demandé au Premier ministre la communication de l’intégralité du dossier portant sur l’opération de cession par l’Etat de sa participation majoritaire au capital de la société Aéroports de Lyon.  

A la suite du silence prolongée du Premier ministre sur cette requête, les demandeurs ont saisi la CADA qui a rendu un avis favorable sur la communication des pièces demandées sous réserves d’une occultation des informations protégées par le secret industriel et commercial.  

Prenant acte de cet avis, le commissaire aux participations de l’Etat de l’Agence des Participation de l’Etat (APE) a partiellement fait droit à la demande, en transmettant, le cahier des charges de l’appel d’offres, les avis émis par la Commission des participations et transferts (CPT) sur les six offres et l’arrêté fixant les modalités de transfert au secteur privé de la participation majoritaire de l’Etat au capital de la société Aéroport de Lyon et précisant le prix par action retenu. L’APE a toutefois refusé de transmettre les offres des candidats et le contrat de vente signé, au motif qu’ils étaient entièrement couverts par le secret industriel et commercial.  

Insatisfaits par cette communication partielle de documents, les demandeurs ont saisi le Tribunal administratif de Paris aux fins d’annulation de la décision de rejet partiel de l’APE et d’injonction au Premier ministre pour obtenir la communication de toutes les pièces sollicitées.   

Néanmoins, le Tribunal administratif de Paris a confirmé la position de l’APE et a rejeté le recours, conduisant l’ACENAS à saisir le Conseil d’Etat dans le cadre d’un pourvoi en cassation.  

Pour annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris, la Haute juridiction administrative opère un raisonnement en trois temps.  

Tout d’abord, les juges du Palais-Royal précisent que les documents relatifs à une procédure de cession de titres détenus par l’Etat à un acteur privé, y compris les réponses des candidats et les documents relatifs au choix du candidat retenu constituent des documents administratifs au sens du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA).  

Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle que le juge doit apprécier concrètement si les renseignements contenus dans les documents administratifs sollicités peuvent porter atteinte ou non, au secret industriel et commercial et faire ainsi obstacle à une éventuelle communication.  

Toutefois, si lors de l’instruction, le juge ne peut déterminer avec certitude le « caractère légalement communicable ou non de ces documents ou d’apprécier les modalités de cette communication », il lui incombe d’ordonner avant dire droit la production hors contradictoire de ces éléments afin d’apprécier au préalable « l’ampleur des éléments protégés et la possibilité de communiquer le document après leur occultation » (V. en ce sens : CE, 23 juillet 2010, Office national des forêts, req. n° 321138). 

A défaut d’un examen attentif, le juge méconnait l’étendue de son office en se fondant sur une simple présomption de non-communicabilité des documents pouvant contenir des informations couvertes par le secret industriel et commercial, sans rechercher si les mentions sensibles dans les documents pouvaient ou non être occultées.  

Enfin, le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration (ci-après, CRPA) consacrent « un droit à la communication des documents administratifs qui ne se confond pas avec un droit d’accès aux informations contenues dans ces documents ». En d’autres termes, l’administration ne peut fonder sa décision de refus de communication d’un document administratif, en se prévalant du fait que l’un des documents communiqués contient déjà des informations similaires.  

En revanche, l’administration peut opposer un refus de communication soit lorsque les mentions protégées sont indivisibles avec le reste du document (art. L. 311-7 du CRPA), soit lorsque la demande de communication présente un caractère abusif (art. L. 311-2 du CRPA).  

En conclusion, cet arrêt a le mérite de préciser d’une part, les contours de l’office du juge administratif dans l’appréciation de la communicabilité d’un document administratif même lorsque son contenu n’est pas défini par un texte, et d’autre part, de rappeler à l’administration son devoir de conciliation entre le droit à la transparence des données publiques et la protection du secret industriel et commercial (renommé depuis peu le secret des affaires). 

Les Associations syndicales libres (ASL) et la domanialité publique

Dans le prolongement de son arrêt du 23 janvier 2020 (CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 23 janvier 2020, n° 430192), le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’incompatibilité entre le régime des ASL/AFUL et celui de la domanialité publique. 

En effet, depuis l’entrée en vigueur l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et son décret d’application du 3 mai 2006, le domaine public des personnes publiques est incompatible avec le périmètre des associations syndicales libres (ASL). 

 Mais les deux régimes n’étaient pas incompatibles sous l’ancienne législation applicable à ces associations syndicales de propriétaires. 

 Le Conseil d’Etat a été amené ainsi dans son arrêt du 10 mars 2020, à expliciter les conséquences de cette modification de régime, sur   l’appartenance au domaine public d’un immeuble inclus dans le périmètre d’une telle association. 

Plus particulièrement, en l’espèce, une ASL crée en 1858, a saisi le Tribunal de grande instance, devenu le Tribunal judiciaire, tendant à faire constater que la commune est membre de cette ASL en en qualité de propriétaire de six parcelles cadastrales situées à l’intérieur du périmètre d’une cité. 

Le Tribunal judiciaire a sursis à statuer sur l’action, jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur l’appartenance au domaine public communal desdites et dise, le cas échéant, si leur affectation, actuelle ou projetée, est compatible avec les obligations découlant de leur appartenance au périmètre de l’association syndicale. 

Cette ASL était soumise au régime de la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales. 

Toutefois, ce régime a été abrogé et remplacé par l’ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004. 

Ainsi, l’article 6 de cette ordonnance prévoit que les créances de toute nature d’une association syndicale de propriétaires à l’encontre de l’un de ses membres sont garanties par une hypothèque légale sur les immeubles de ce membre compris dans le périmètre de l’association. 

Dès lors, le Conseil d’Etat considère qu’il découle de cet article que « le régime des associations syndicales est, depuis leur entrée en vigueur, incompatible avec celui de la domanialité publique, notamment avec le principe d’inaliénabilité ». 

Enfin, Le Conseil d’Etat tire les conséquences d’une telle incompatibilité. 

En premier lieu, l’ordonnance n° 2004-632 n’a toutefois pas eu pour effet d’emporter le déclassement des biens qui, avant son entrée en vigueur, appartenaient déjà au domaine public et se trouvaient compris dans le périmètre d’une association syndicale. « Dans ce cas, sauf à ce qu’ils fassent l’objet d’un déclassement, ces biens continuent d’appartenir au domaine public et l’incompatibilité des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 avec le régime de la domanialité publique a pour seule conséquence l’impossibilité pour l’association syndicale de mettre en œuvre, pour le recouvrement des créances qu’elle détient sur la personne publique propriétaire, la garantie de l’hypothèque légale sur les biens inclus dans le périmètre et appartenant au domaine public ». 

En second lieu, un immeuble inclus dans le périmètre d’une association syndicale et qui, à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2004-632, n’appartenait pas au domaine public d’une personne publique « ne peut devenir une dépendance de ce domaine, alors même qu’il serait affecté à l’usage direct du public ou qu’il serait affecté à un service public et aurait fait l’objet d’aménagements propres à lui conférer cette qualification ». 

Les Associations foncières urbaines libres (AFUL) et la domanialité publique

L’entrée en vigueur l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et son décret d’application du 3 mai 2006, n’ont pas apporté de réponse sur la comptabilité du domaine public des personnes publiques et le périmètre des associations syndicales libres (ASL) ou encore des associations foncières urbaines libres (AFUL). 

Le Conseil d’Etat dans son arrêt du 23 janvier 2020 se prononce clairement sur cette incompatibilité et précise que des biens acquis par une personne publique dans le périmètre d’une AFUL, ne peuvent appartenir à son domaine public. 

Plus particulièrement, en l’espèce, la commune propriétaire d’un ensemble immobilier (lots de volume) acquis en 2007, cédé en 2013 à une société, a saisi le Tribunal de grande instance, devenu le Tribunal judiciaire, en vue de faire constater la nullité de cette cession au motif que l’immeuble appartenait à son domaine public notamment par l’accueil de bureaux administratifs. 

Cet ensemble immobilier, lors de son acquisition par la commune, était inclus dans le périmètre d’une AFUL créée en 2002.  

Le Tribunal judiciaire a sursis à statuer sur l’action, jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur l’appartenance au domaine public communal de cet ensemble immobilier et dise, le cas échéant, si leur affectation, actuelle ou projetée, est compatible avec les obligations découlant de leur appartenance au périmètre de l’association syndicale. 

Le Tribunal administratif a déclaré que les lots de volumes litigieux appartenaient au domaine public de la commune, sous réserve que l’immeuble dans lequel ils se situent n’ait pas alors été soumis au régime de la copropriété. 

Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi formé par la société s’est prononcé sur le point particulier de l’incompatibilité du domaine public avec le périmètre de l’AFUL. 

Préalablement, le Conseil d’Etat précise qu’aux termes de l’article L. 322-1 du Code de l’urbanisme, les associations foncières urbaines sont des associations syndicales régies par les dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires. 

Ainsi, l’article 6 de cette ordonnance prévoit que les créances de toute nature d’une association syndicale de propriétaires à l’encontre de l’un de ses membres sont garanties par une hypothèque légale sur les immeubles de ce membre compris dans le périmètre de l’association. 

Outre cette disposition applicable également aux AFUL, l’article L. 322-9 du Code de l’urbanisme prévoit que les créances de toutes natures exigibles d’une association foncière urbaine à l’encontre d’un associé, qu’il s’agisse de provisions ou de paiements définitifs, sont garanties par une hypothèque légale sur les immeubles de l’associé compris dans le périmètre de l’association. 

 Dès lors, au vu de ces articles, le Conseil d’Etat considère que « le régime des associations foncières urbaines libres est, incompatible avec celui de la domanialité publique, notamment avec le principe d’inaliénabilité ». 

Ainsi, les locaux acquis par une personne publique dans un immeuble inclus dans le périmètre d’une AFUL, fût-ce pour les besoins d’un service public, ne peuvent constituer des dépendances de son domaine public.  

*** 

Cet arrêt aura donc des conséquences sur les divisions en volume composées de lots affectés au domaine public, dès lors que la plupart des ensembles immobiliers complexes sont gérés par des AFUL ou des ASL. 

Ainsi, si une dépendance du domaine public s’insère dans une division en volumes, se posera la question du choix du mode de gestion qui ne pourra se faire ni par une AFUL, ni par une ASL. 

Une solution tiendrait dans le fait que le lot de volume affecté au domaine public soit exclu du périmètre de l’AFUL ou de l’ASL, mais que soit mis en place un contrat de droit privé afin de déterminer les conditions ainsi que les charges permettant de bénéficier des équipements et espaces communs. 

Ordonnance rectificative n° 2020-427 du 15 avril 2020 et précisions sur les délais en matière d’assurance dommages-ouvrage

Pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et afin de préserver les droits des justiciables, le Gouvernement avait adopté, le 25 mars 2020, toute une série d’ordonnances venues éclairer et préciser le contenu de la loi du 23 mars 2020 instaurant un dispositif dit « d’état d’urgence sanitaire ». 

Parmi elle, l’ordonnance n° 2020-306 était relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. 

Plus précisément, l’article 2 de cette ordonnance a instauré un mécanisme de report des délais en ces termes : 

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit ». 

Autrement dit, cet article prévoit que les délais de recours expirant entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire recommencent à courir à compter de la fin de cette période pour leur durée initiale, et dans la limite de deux mois. 

A ce stade, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré jusqu’au 24 mai 2020 (article 4 de la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de covid-19) de sorte que, sauf disposition contraire susceptible d’intervenir entre temps, les délais recommenceront à courir à compter du 25 juin 2020 pour expirer le 25 août 2020 à minuit

Par suite, l’ordonnance rectificative n° 2020-427 adoptée le 15 avril 2020 et publiée le 16 avril 2020 et portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie actuelle est notamment venue apporter des aménagements et compléments aux dispositions prises par l’ordonnance du 25 mars 2020 susvisée. 

En outre, l’article 4 de cette ordonnance a modifié et complété le précédent article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relatif au cours des astreintes et à l’application des clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance de sorte qu’il prévoit désormais une exception à l’article 2 en ces termes 

« Le deuxième alinéa de l’article 4 de la même ordonnance est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés : 

« Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. 

« La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période ». 

Quid alors de l’application de cet article 4 modifié en matière de contrat d’assurance Dommages-Ouvrages souscrit par un maître d’ouvrage public ?  

En effet et pour mémoire, il résulte des dispositions de l’article L. 242-1 du Code des assurances que l’obligation de souscrire une assurance Dommages-Ouvrages est, en principe, exclue dans le cadre des opérations de constructions publiques. 

En d’autres termes, pour le maître d’ouvrage public, il s’agit là d’une assurance facultative dont la mise en œuvre des garanties sera régie et dictée par des clauses contractuelles. 

En pratique et s’agissant de la position de garantie de l’assureur, les clauses contractuelles reprennent généralement le délai légal de 60 jours prévu à l’article L. 242-1 du Code des assurances ainsi que la déchéance de garantie correspondante pour l’assureur. 

En conséquence et en application du nouvel article 4 de l’ordonnance rectificative n° 2020-427 adoptée le 15 avril 2020, dans l’hypothèse où le délai laissé à l’assureur pour faire connaître sa position de garantie à son assuré expirerait pendant la période d’urgence sanitaire, la déchéance de garantie contractuelle ne pourrait lui être opposée qu’à l’expiration d’un délai « d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période ».  

A titre d’exemple, si l’assureur avait jusqu’au 25 mars 2020 pour faire connaître sa position de garantie à son assuré, soit 13 jours entre le 12 mars et le 25 mars 2020, le délai recommencera à courir à compter du 25 juin 2020 (fin de l’état d’urgence prévue le 24 mai 2020 augmentée d’un mois au titre de la période juridiquement protégée) pour une durée égale à la durée impactée soit pour 13 jours supplémentaires.   

A vos contrats et attention aux calculs des délais ! 

Le principe de parité entre les fonctions publiques ne s’applique pas aux agents contractuels des GIP

Les agents contractuels des groupements d’intérêt public peuvent ils se voir opposer le principe de parité entre les fonctions publiques pour limiter leurs prétentions en matière de régime indemnitaire ? C’est la question, quelque peu évidente en réalité, qu’a eu à trancher le Tribunal administratif de Marseille dans un jugement rendu le 20 janvier 2020. 

En l’espèce, le requérant avait conclu avec le GIP Agence des villes et territoires méditerranéens durables une série de contrats à durée déterminée pour occuper un emploi de chargé d’études dans un premier temps puis de responsable du pôle coopération de ce groupement. 

Son contrat prévoyait le versement d’une indemnité de fin de contrat équivalente à dix pour cent de sa rémunération brute. A l’occasion de la résiliation du contrat, celui-ci a sollicité le versement de son indemnité, mais ce versement lui a été refusé. 

Il a donc saisi le Tribunal administratif d’une demande d’annulation de cette décision de refus et du versement de cette indemnité. 

Le groupement soutenait que la clause prévoyant le versement de l’indemnité de fin de contrat était illégale dès lors que le principe de parité entre les fonctions publiques posé par l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 empêche les agents contractuels de percevoir une rémunération supérieure aux agents de l’Etat exerçant des fonctions comparables. 

Le Tribunal a cependant rappelé une solution dégagée par le Conseil d’Etat dans son avis du 19 juillet 2011 (CE, 19 juillet 2011, M. Frantz A, avis n° 346394), et selon lequel « le législateur a entendu faire des groupements d’intérêt public des personnes publiques soumises à un régime spécifique, qui se caractérise notamment par une absence de soumission de plein droit du personnel propre de ces groupements aux lois et règlements applicables aux agents publics ». 

Le Tribunal a alors déduit de cette absence de soumission de plein droit permettait aux parties de prévoir le versement d’une telle indemnité de fin de contrat sans que le silence du décret du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d’intérêt public et du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat puisse être opposé aux agents recrutés.  

Il s’en déduit alors que le personnel propre des GIP (mentionnés au 3° de l’article 109 de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit) ne peuvent se voir opposer le principe de parité entre les fonctions publiques et peuvent négocier des conditions de rémunération supérieures à celles prévues par les dispositions applicables aux fonctionnaires de l’Etat, à notre sens a fortiori pour des contractuels d’un établissement public en capacité de fixer lui-même les conditions de rémunération de ses agents.  

 

Nouveau dispositif de signalement de certains actes dans la fonction publique

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a introduit dans la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 6 quater A relatif à l’obligation pour les administrations de mettre en place un dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes. 

Ce dispositif a pour objet, d’une part, de recueillir les signalements des agents qui s’estiment victimes de tels actes et de les orienter vers les autorités compétentes (en matière d’accompagnement, de soutien et de protection des victimes et de traitement des faits signalés) et, d’autre part, de permettre de recueillir les signalements de témoins de tels agissements. 

Le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020, pris pour l’application de l’article 6 quater A précité précise les modalités de ce dispositif qui doit être mis en place par les administrations au plus tard le 1er mai 2020. Pris avant la crise sanitaire, ce décret dont le délai était déjà très limité interroge néanmoins quant à la faisabilité de mise en place d’un dispositif à cette date et le point de savoir si les divers dispositifs de report de délais actuellement en vigueur pourraient trouver à s’appliquer. 

Le dispositif comporte en tout état de cause trois procédures : 

  • une procédure de recueil des signalements effectués par les agents s’estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements ; 
  • une procédure d’orientation des agents s’estimant victimes de tels actes ou agissements vers les services et professionnels compétents chargés de leur accompagnement et de leur soutien ; 
  • une procédure d’orientation des agents s’estimant victimes ou témoins de tels actes ou agissements vers les autorités compétentes pour prendre toute mesure de protection fonctionnelle appropriée et assurer le traitement des faits signalés, notamment par la réalisation d’une enquête administrative.   

C’est l’autorité territoriale qui est compétente pour fixer ces procédures après avoir informé le comité technique. 

Le dispositif prévoit également une possibilité de mutualisation de ce dispositif : il peut être mutualisé par voie de convention entre plusieurs collectivités territoriales ou établissements publics. Ces administrations peuvent également le confier au centre de gestion dans les conditions prévues à l’article 26-2 de loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. 

L’acte instituant ces procédures au sein de chaque administration doit préciser les modalités par lesquelles l’auteur du signalement adresse son signalement, fournit les faits, les informations ou documents de nature à étayer ses allégations et les éléments permettant un échange avec le destinataire du signalement. 

Il précise également les mesures revenant à l’administration qui a reçu le signalement pour informer rapidement l’auteur du signalement de la réception de celui-ci et de la façon dont il sera informé des suites données et garantir la stricte confidentialité des informations relatives au signalement (l’identité de l’auteur et des personnes visées, les faits rapportés). 

Le décret précise enfin les exigences en termes de respect de la confidentialité et d’accessibilité du dispositif. L’autorité territoriale doit ainsi procéder à une information des agents placés sous son autorité par tout moyen propre à la rendre accessible. 

Coronavirus : réduction du temps de travail et congés dans la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale

Nombre d’agents de la fonction publique, de par la nature de leurs missions ou leurs contraintes personnelles, ont été placés en télétravail ou en autorisation spéciale d’absence dans le cadre du confinement.  

Partant, à l’instar de ce qui est prévu dans le secteur privé, l’ordonnance prévoit que des jours de réduction du temps de travail et des jours congés ordinaires soient imposés aux agents de l’Etat. 

L’article 1er impose un congé aux fonctionnaires et aux agents contractuels de droit public de la fonction publique de l’Etat, aux personnels ouvriers de l’Etat et aux magistrats de l’ordre judiciaire en autorisation spéciale d’absence entre le 16 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 ou, si elle est antérieure, à la date de reprise par l’agent de son service dans des conditions normales, dans les conditions suivantes : 

  •  cinq jours de réduction du temps de travail entre le 16 mars 2020 et le 16 avril 2020 ; 
  • cinq autres jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels entre le 17 avril 2020 et le terme de la période. 

 
Les personnes qui ne disposent pas de cinq jours de réduction du temps de travail au titre de la première période précédemment définie prennent le nombre de jours de réduction du temps de travail dont elles disposent ainsi qu’un jour de congé supplémentaire au titre de la seconde période précédemment définie, soit six jours de congés annuels au total.  

Le chef de service précise les dates des jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels à prendre après le 17 avril, en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc. 

L’article 2 ouvre quant à lui la possibilité pour le chef de service, pour tenir compte des nécessités de service, d’imposer pour les agents placés en télétravail pendant la période du 17 avril 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire (ou, si elle est antérieure, la date de reprise de l’agent dans des conditions normales), de prendre cinq jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels au cours de cette période. Le chef de service doit ici aussi préciser les dates des jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc. 

L’article 3 prévoit enfin que les jours de réduction du temps de travail pris au titre des articles 1er et 2 puissent être pris parmi les jours épargnés sur le compte épargne temps. 

S’agissant des jours de congés imposés dans la période de confinement et qui pourraient l’être avant le 1er mai, le texte prévoit qu’ils ne seront pas pris en compte pour l’attribution d’un ou de deux jours de congés annuels complémentaires au titre du fractionnement des congés annuels. 

L’article 4 vise quant à lui à tenir compte de la situation des agents publics qui ont été à la fois en autorisation spéciale d’absence, en télétravail et en activité normale sur site. Dans cette hypothèse, le nombre de jours de réduction du temps de travail et de jours de congés annuels imposés au titre de l’article 1er et susceptibles de l’être au titre de l’article 2 est proratisé en fonction du nombre de jours accomplis en autorisation spéciale d’absence, en activité normale, en télétravail ou assimilé au cours de la période comprise entre 16 mars 2020 et le terme de la période de référence. Il précise également que le nombre de jours de réduction du temps de travail et de jours de congés annuels pris volontairement sont déduits de ceux que le chef de service impose. 

Enfin, l’article 7 prévoit la possibilité, et non l’obligation, pour les autorités territoriales d’appliquer ce régime à leurs agents dans des conditions qu’elles définissent. Le nombre de jours de congés imposés peut donc être modulé, dans la limite du plafond fixé par l’ordonnance, ceci donc dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales. 

Recours en contestation de la validité d’un contrat administratif : l’intérêt à agir des contribuables locaux précisé par le Conseil d’Etat

C’est un arrêt important que le Conseil d’Etat a rendu le 27 mars dernier à propos d’un recours en contestation de la validité d’un contrat administratif (autrement appelé recours «Tarn-et-Garonne ») formé par des tiers, en l’espèce des contribuables locaux et usagers du service public de la distribution d’électricité.  

Depuis sa décision Département de Tarn-et-Garonne (CE Ass., 4 avril 2014, req. n° 358994), tout tiers à un contrat administratif (y compris les concurrents évincés) peut former un recours contestant la validité d’un contrat administratif sous réserve qu’il démontre être lésé dans ses intérêts « de façon suffisamment directe et certaine » par la passation ou les clauses du contrat et qu’il invoque des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé en cause ou suffisamment graves. 

Compte tenu des garde-fous ainsi posés par le Conseil d’Etat tant au niveau de l’intérêt pour agir des tiers qu’au niveau de l’opérance des moyens, l’accès au juge du contrat était rendu difficile en pratique pour certains tiers, en particulier les contribuables locaux, privés par ailleurs, depuis cette jurisprudence Tarn et Garonne, de la possibilité de contester les actes détachables d’un contrat par la voie du recours pour excès de pouvoir. 

Il faut tout d’abord relever que, dans cette affaire, les requérants avaient obtenu, à la faveur justement d’un recours pour excès de pouvoir, introduit en 2011, l’annulation des actes détachables du contrat de concession du service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés de vente qui avait été signé entre la Communauté urbaine du Grand Nancy et les sociétés ERDF et EDF. 

A l’appui de ce recours, les requérants avaient à l’époque contesté la légalité de deux clauses importantes du contrat de concession, l’une relative à la propriété des compteurs électriques communicants et l’autre relative à l’indemnité de fin de contrat due au concessionnaire. 

Par un arrêt rendu le 12 mai 2014, que nous avions commenté, la Cour administrative d’appel de Nancy avait jugé illégales les clauses contestées. Cette décision avait alors conduit les parties à régulariser les clauses litigieuses par voie d’avenant signé le 25 février 2015. 

Toutefois, cet avenant ayant été jugé insuffisant par les requérants, ces derniers avaient contesté celui-ci devant le Tribunal administratif de Nancy dans le cadre d’un recours « Tarn-et- Garonne », désormais seul possible. 

Par un jugement en date du 2 mai 2017, le Tribunal administratif de Nancy avait rejeté leur recours comme irrecevable, lequel avait ensuite été confirmé par la Cour administrative d’appel de Nancy dans un arrêt du 16 octobre 2018. 

C’est contre cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy, ayant adopté une approche qu’ils jugeaient restrictive de leur intérêt à agir, que les requérants avaient formé un pourvoi en cassation. 

Entre temps on précisera que la Métropole du Grand Nancy s’est substituée à la Communauté Urbaine du Grand Nancy et la société ERDF est devenue Enedis.   

Statuant sur ce pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat, en chambres réunies, rappelle tout d’abord que les contribuables locaux sont recevables à former un recours à l’encontre d’un contrat administratif à la condition « d’établir que la convention ou les clauses dont ils contestent la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité ».  

Faisait application de ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’Etat relève que, pour dénier tout intérêt à agir  aux requérants, la cour administrative d‘appel de Nancy avait considéré que les clauses contestées n’affectaient pas de façon significative les finances ou le patrimoine de la métropole au motif  d’une part, que la mise en œuvre de la clause qui excluait  du champ des ouvrages concédés certains dispositifs avait un caractère « aléatoire » et d’autre part, que la clause relative à la rupture anticipée du contrat avait un caractère « incertain ». 

Suivant les conclusions de la Rapporteur public, Madame Mireille Le Corre, le Conseil d’Etat juge que la Cour a commis une erreur de droit en écartant l’intérêt à agir des requérants en opérant ce raisonnement. 

Selon le Conseil d’Etat, « le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses [est] par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante ».  

Dès lors la Cour ne pouvait se fonder sur le caractère aléatoire du déploiement des dispositifs exclus de la liste des ouvrages concédés pour dénier tout intérêt à agir aux requérants. De même, la Cour ne pouvait exclure l’intérêt à agir des requérants en se fondant sur le caractère hypothétique de la clause relative à la rupture anticipée du contrat de concession eu égard au  monopole légal conféré aux concessionnaires et à la longue durée du contrat «  alors qu’au vu des évolutions scientifiques, techniques, économiques et juridiques propres au secteur de l’énergie, des modifications d’une telle concession sont probables au cours de la période couverte par le contrat et pourraient notamment nécessiter la mise en œuvre des clauses critiquées ».   

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait commis deux erreurs de droit s’agissant de l’appréciation de l’intérêt à agir des requérants en leur qualité de contribuables locaux de la Métropole du Grand Nancy. 

On observera que la Métropole du Grand Nancy avait opposé une fin de non-recevoir au pourvoi des requérants dans la mesure où elle avait depuis signé un nouveau contrat de concession avec ses concessionnaires et ainsi résilié de manière anticipée le contrat de concession contesté.  Elle concluait qu’en conséquence, il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours formé par ses contribuables locaux. Confirmant une jurisprudence constante sur ce point, le Conseil d’Etat juge néanmoins que « la circonstance que le contrat de concession ait été résilié n’est pas de nature à priver d’objet le présent pourvoi ». 

Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy et renvoyé les parties au litige, à nouveau, devant cette Cour. 

Les applications de « contact tracing », une menace pour les libertés publiques ?

Le « contact tracing » ou pistage des téléphones, consiste, en période d’épidémie ou de pandémie, à retrouver les personnes qu’un porteur d’un virus a pu contaminer, pour les prévenir, confiner ou guérir. Il s’agit d’un moyen important pour lutter contre les virus, dont la propagation suppose le contact entre humains.  

L’efficacité de cette méthode, qui ne peut rivaliser avec la vitesse de propagation d’une pandémie, paraît susceptible, en revanche, d’être accentuée par le recours à l’outil numérique et en particulier, au vaste réseau d’informations que constitue celui des « smartphones », dont l’essentiel de la population est aujourd’hui doté. 

De nombreux pays, désireux de pouvoir engager, sans attendre, vers le déconfinement et la reprise de leurs activités économiques, sans prendre le risque d’un éventuel retour de la pandémie, réfléchissent à mettre en œuvre cette technique, alors que d’autres l’ont déjà instaurée. Mais, selon la sensibilité des populations concernées au respect des droits de l’Homme et aux libertés publiques, un tel choix risque d’être apprécié comme l’entrée dans une ère de surveillance numérique massive ou bien, au contraire, comme la simple volonté de recourir à tous les moyens de nature à mettre fin rapidement à une épidémie dont toutes les spécificités restent encore à découvrir. 

Le Président de la République paraît avoir été favorablement impressionné, lors de son passage récent en Corée du sud, par la méthode locale du contact tracing qui aboutit, à communiquer, sur des panneaux bien visibles, les innombrables informations collectées à tout instant, sur les vies quotidiennes, adresses et lieux de déplacement de milliers de personnes contaminées. 

L’un des comités scientifiques établis par l’Elysée, placé sous la présidence du professeur Jean-François Delfraissy a reçu, précisément, pour mission de réfléchir à « l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ».  

La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), qui est aussi l’autorité française de protection des données personnelles, désirant s’assurer que le dispositif numérique ne serait pas susceptible de porter atteinte aux libertés publiques et aux données personnelles, a auditionné, le 31 mars dernier, le président du comité scientifique. 

Ainsi qu’il ressort de cette audition, il s’agirait de doter les personnes l’acceptant, d’un téléphone portable dont une application faisant appel au procédé de communication à courte distance : « Blue-tooth », permettrait aux autorités de connaître les identifiants des personnes dotées d’un tel équipement et ayant eu l’occasion de se rapprocher de ceux qui auraient, en se rapprochant, signalé saleur contamination. 

Pour le moment, il n’existe pas de projet définitif. Toutefois, le Président de la République, lors de son discours télévisé du 14 avril dernier, évoquant la perspective d’une levée progressive du confinement à compter du 11 mai prochain, a fait allusion, au titre des précautions qui seront prises, à l’utilisation d’applications numériques dédiées. 

Marie-Laure Denis, la présidente de la CNIL, interrogée le 08 avril à la commission des Loi de l’Assemblée nationale, à propos des applications de contact tracing, a tenu à souligner que la CNIL ferait, certes, dans le contexte actuel, preuve de pragmatisme, mais n’en prônerait pas moins les solutions les plus protectrices des libertés et que sa préoccupation serait d’apprécier si les mesures mises en œuvre étaient proportionnées aux buts recherchés et efficaces. 

Elle a précisé qu’en cas de suivi individualisé des personnes, il y avait deux solutions. Le suivi devrait reposer sur le volontariat, c’est-à-dire le consentement libre, spécifique, non-équivoque et éclairé. 

Il faudrait aussi qu’il respecte les principes de la protection des données : proportionnalité (que les dommages à la vie privée soient à la hauteur de l’efficacité du dispositif), durée de conservation, caractère provisoire, sécurité… Dans ce cas, il n’y a pas besoin de disposition législative.  

Un suivi individualisé des personnes qui ne reposerait pas sur le consentement, nécessiterait, d’une part, une disposition législative et, d’autre part, que le dispositif soit conforme aux principes de la protection des données. 

Seules les données nécessaires à des finalités explicites pourraient être collectées. S’agit-il d’informer celles et ceux ayant été en contact avec une personne porteuse du virus ou de vérifier le respect du confinement ?  

La Présidente de la CNIL a ajouté qu’un strict respect du principe du consentement devra être observé. Les modalités techniques des dispositifs doivent, par ailleurs, être minutieusement analysées, parce qu’elles ont une incidence sur la protection de la vie privée. Il faut enfin que ce soit temporaire.  

Les dispositifs doivent intégrer le droit des personnes à leur vie privée, pas seulement pour respecter l’Etat de droit, mais aussi parce que c’est un gage de confiance, sans lequel les utilisateurs potentiels de ces technologies seront peu disposés à les adopter. 

D’une façon générale, la Présidente de la CNIL estime que les solutions minimisant la collecte des informations, par exemple en utilisant un identifiant plutôt que des données nominatives, sont à privilégier. Le chiffrement de l’historique des connexions et le stockage des données sur un téléphone, lui apparaissent préférables à leur envoi systématique dans une base centralisée. 

 

En conclusion, le Gouvernement devra veiller à ce que les caractéristiques de l’application qu’il entend mettre en œuvre ne soient pas attentatoires à la vie privée et aux libertés individuelles. La technologie Bluetooth apparaît comme une solution adaptée puisque les données de connexion sont facilement anonymisables et que le Bluetooth n’enregistre pas les déplacements des personnes, contrairement à une puce GPS. Toutefois, le Gouvernement aura fort à faire en matière de pédagogie afin de bien expliquer à la population les vertus de son application mobile. 

Et c’est bien ici tout le problème. Pour que cette application fonctionne, il semblerait qu’il faille une majorité de français favorables à son installation et son utilisation. Or, sur un taux d’équipement des français en smartphones de l’ordre de 77%, cela suppose que l’application gouvernementale, pour pouvoir être efficace dans le ciblage des personnes pouvant être infectées par le virus, doit emporter une large adhésion de la population, ce qui ne semble pas gagné pour le moment. 

Aussi, il semblerait que, faute de pouvoir avoir un nombre suffisant d’utilisateurs et donc d’être efficace, on pourrait contester la pertinence du traitement et de la collecte, qui serait d’une certaine manière non proportionnée et par conséquent très fragile sur le plan juridique. 

 

La CNIL publie enfin le référentiel RH

CNIL, Référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre aux fins de gestion du personnel

 

Le 21 novembre 2019, la CNIL a adopté un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre aux fins de gestion du personnel à la suite d’une consultation publique. Ce référentiel n’a été publié que récemment, le 15 avril 2020.  

En pratique, ces documents visent à guider les organismes dans la mise en conformité de leur traitement. En effet, depuis la mise en œuvre du RGPD (Règlement général sur la protection des données), ces référentiels actualisent les normes et autorisations uniques qui ont pu être adoptées avant le 25 mai 2018. 

Ce nouveau référentiel relatif à la gestion des ressources humaines se faisait attendre depuis plus d’une année car les normes simplifiées adoptées par la CNIL n’avaient plus aucune valeur juridique. Dans l’attente de production d’un référentiel en matière de gestion des ressources humaines, la norme simplifiée n°46 a été maintenue accessible dans le but de permettre à tous responsables de traitement d’orienter leurs premières actions de mise en conformité.  

Le champ d’application de ce document est cependant bien plus large que celui de la NS 46. Il couvre d’une part, le processus de recrutement et le processus de gestion de la paye et d’autre part, il précise des règles de fond (bases légales, durées des conservations des données…) et intègre de nouvelles obligations (tenue d’un registre de traitement, réalisation d’une étude d’impact).  

Ce référentiel de plus d’une quinzaine de pages explique de manière précise et détaillée, les objectifs visés, les destinataires auquel il s’adresse, les données concernées par la gestion des RH, les bases légales, la durée de conservation des données et les dispositions relatives aux personnes et leurs droits.  

Ce référentiel vise à apporter des réponses concrètes à la gestion RH entre un employeur et son personnel en fonction des diverses données personnelles que ces organismes ont à collecter. En application de ce référentiel, les organismes sont donc assurés de la conformité des traitements RH au regard de la protection des données. 

Dans une logique de responsabilisation, les acteurs sont responsables auprès de l’autorité de régulation (CNIL) et c’est dans cette optique que la CNIL a élaboré ce référentiel. Cependant, ce document constitue davantage un cadre de référence qu’un texte ayant une portée normative. En effet, cet outil n’est pas contraignant.  

S’il peut justifier de son choix et de sa responsabilité, le responsable de traitement n’est pas tenu de suivre à la lettre l’ensemble des préconisations contenues dans le référentiel. Cependant, cet outil pratique et pédagogique recense et applique les principes du RGPD au traitement de données relative à la gestion du personnel, qui peuvent s’avérer être des données sensibles qui doivent bénéficier de davantage de protections.  

Ce référentiel a une portée relativement large. Il s’applique, d’une part, indifféremment aux relations de travail existantes entre un employeur et son personnel, que cet employeur soit privé ou public et, d’autre part, il entend la notion de « personnel » comme une notion large englobant et couvrant en principe tout type de contrats (sauf exceptions expressément prévues).  

Dans le cas où un organisme ne serait pas en conformité, celui-ci doit appliquer les dispositions prévues par le RGPD et explicitées par le référentiel. Le responsable de traitement doit alors recenser l’ensemble des traitements relatifs à la gestion du personnel, informer les personnes concernées, intégrer l’ensemble des données dans un registre de traitement et potentiellement réaliser une étude d’impact.  

Ce référentiel rappelle également que le traitement mis en œuvre doit répondre à un objectif précis et être justifié face aux missions et aux activités de l’organisme.  

La difficulté repose dans le fait que ces finalités peuvent être diverses : recrutement, formation, organisation du travail, communication interne… Dans le cas où l’organisme souhaite utiliser ces données dans un but différent, il doit alors justifier d’une nouvelle finalité.  

De même que tout traitement doit correspondre à une base légale (article 6.1 du RGPD), l’organisme ne peut collecter que les données pertinentes et strictement nécessaires. Le nombre de destinataires des données collectées est encadré ainsi que les durées de conservation de celles-ci. La CNIL a explicitement cité et listé l’ensemble des bases légales qui sont susceptibles de fonder les traitements en matière RH et a également dressé un tableau, à titre indicatif, de choix de base légale pour chaque finalité de traitement (Référentiel, page 5). 

La CNIL a également établi un tableau qui contient des illustrations pratiques des durées de conservation pouvant, selon le contexte, être retenues par les organismes concernés (Référentiel page 11). 

En outre, le droit des personnes est réaffirmé dans la mesure où elles doivent être informées et qu’elles disposent de divers droits tels que le droit à la portabilité, le droit à la limitation, le droit de s’opposer…  

Enfin, le référentiel, en application des dispositions de l’article 35 du RGPD prévoit que le responsable de traitement pourrait avoir à réaliser une étude d’impact dès lors que le traitement mis en œuvre présente un danger élevé pour les droits et libertés des personnes concernées.  

De manière pratique, le référentiel distingue les traitements qui sont soumis à l’obligation de réalisation d’une étude d’impact de ceux qui ne le sont pas et la démarche à suivre dans le cas où celle-ci serait obligatoire.  

Par l’adoption de ce référentiel, la CNIL cherche à accompagner les organismes pour les aider à continuer le processus de protection des données personnelles et de préservation des libertés individuelles. 

Marché public : le prestataire ayant réalisé des prestations supplémentaires malgré le refus préalable de l’acheteur ne peut prétendre à une indemnisation

La jurisprudence administrative reconnait depuis longtemps au titulaire d’un marché public le droit à être indemnisé à hauteur du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art, même si ces travaux n’ont pas été approuvés par une décision expresse de l’acheteur (CE, 14 juin 2002, Ville d’Angers, req.n° 219874 ; CE, 29 septembre 2010, Société Babel, req. n° 319481). 

Par sa décision Société Géomat du 27 mars 2020, le Conseil d’Etat précise qu’une telle indemnité n’est pas due lorsque l’acheteur a refusé ces prestations par une décision précise et préalable à leur réalisation. 

Cette précision est apportée dans le cadre d’un litige relatif au règlement d’un marché public ayant pour objet des prestations de géomètre-expert dans le cadre du remembrement d’une partie du territoire de la commune de Saint-Etienne de Montluc, conclu en 2003 par le Département de la Loire-Atlantique avec la Société Géomat. Lors de l’établissement du décompte final, le prestataire a notamment demandé le versement d’une somme de 374.081,14 euros HT correspondant à des travaux exécutés en sus des prestations initialement prévues. Le litige a été porté devant le Tribunal administratif qui a rejeté les demandes de la Société Géomat, par jugement du 2 janvier 2017. Par la suite, la Cour administrative d’appel de Nantes a, par arrêt du 9 novembre 2018, rejeté l’appel formé contre ce jugement par la Société Géomat. 

Saisi en cassation par l’entreprise, le Conseil d’Etat pose le principe suivant : « le prestataire a le droit d’être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l’exécution du marché dans les règles de l’art, sauf dans le cas où la personne publique s’est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation ».  

Faisant ensuite application de ce principe au cas d’espèce, il relève, d’une part, que le Département de la Loire-Atlantique avait fait connaître, par courrier, son refus de rémunérer toute prestation supplémentaire fournie sans commande expresse de sa part et sans avenant et, d’autre part, que la Société Géomat n’avait pas établi pas que les prestations supplémentaires dont elle demandait l’indemnisation avaient été exécutées avant la réception de ce courrier. Le Conseil d’Etat précise également que la seule circonstance, à la supposer établie, qu’une partie des prestations litigieuses ait été réalisée à la demande de la sous-commission d’aménagement foncier de la commune de Saint-Etienne de Montluc n’est pas de nature à conférer, par elle-même, à ces prestations un caractère indispensable à l’exécution du marché dans les règles de l’art. C’est pourquoi il rejette le pourvoi de la Société requérante. 

Élections professionnelles et Covid-19 : quels impacts ?

A l’instar de nombreuses mesures du Code du travail, les dispositions du Code du travail relatives à l’obligation de l’employeur d’organiser des élections professionnelles n’échappent pas aux aménagements pris par Ordonnances par la Gouvernement compte tenu de la crise sanitaire du Covid-19.  

En effet, compte tenu des difficultés pour l’employeur d’organiser de telles élections, le Gouvernement a en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, pris par ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020, entrée en vigueur le 3 avril 2020, des mesures relatives venant interrompre ou reporter cette obligation.  

 

I – Processus électoral en cours ? Suspension  

Dans le cas où l’entreprise aurait engagé le processus électoral avant le 3 avril 2020, ce dernier est suspendu jusqu’à une date fixée à 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

Si cette suspension produit effet en principe à compter du 12 mars 2020, cette date peut être reportée à la date à laquelle l’une des formalités a été réalisée si elle est intervenue avant le 3 avril 2020. 

Au titre des formalités visées par l’article 1 de l’Ordonnance précitée, sont concernées par exemple l’information du personnel sur l’organisation des élections professionnelles, l’invitation des syndicats à négocier le protocole préélectoral et à présenter leurs listes de candidats, la conclusion d’un accord d’entreprise au niveau de l’UES ou d’un accord entre les entreprises regroupées au sein de l’UES et le CSE déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts, etc… 

Dès lors que le processus est suspendu, les différents délais, et notamment ceux de saisine de l’administration ou du juge en cas de contestation des élections sont suspendus. 

A l’inverse, ne sont pas affectés les résultats du premier tour dès lors que la suspension intervient entre le premier et le second tour des élections : la représentativité des organisations syndicales constatée après le premier tour lorsqu’il a eu lieu avant le 12 mars 2020 n’est donc pas remise en cause.  

Cette suspension n’a également pas d’effet sur les résultats du premier ou du second tour lorsqu’ils ont eu lieu entre le 12 mars 2020 et le 3 avril 2020 étant précisé que les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date d’organisation de chacun des tours du scrutin, ce qui pourra obliger les employeur a apprécier à nouveau ces conditions.  

 

II – Processus électoral à venir ? Report  

Dans l’hypothèse où les élections devaient être organisée après le 3 avril, l’obligation d’engager le processus électoral est reporté et devra intervenir dans les 3 mois qui suivront la date de cessation de l’état d’urgence.  

Le report de cette obligation vaut également pour les employeurs qui auraient dû le faire avant le 3 avril mais ne l’ont pas fait.  

Aussi, l’employeur est dispensé d’organiser des élections partielles si les mandats des membres du CSE expirent moins de 6 mois après la date de fin de la suspension du processus électoral), peu important que le processus électoral ait été engagé ou non avant ladite suspension.  

En définitive, en cas de suspension ou de report du processus électoral, la représentation des salariés dans l’entreprise reste en l’état. Des mesures de prorogation des mandats ont aussi été prévues par Ordonnance : lorsqu’en raison de la suspension ou du report du processus électoral, dans le cadre des mesures d’urgence sanitaire, les mandats en cours au 12 mars 2020 n’ont pas été renouvelés, ils sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections. 

Coronavirus et organisation des relations avec le CSE

Le décret n° 2020-419 du 10 avril 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives est paru le 11 avril dernier. 

Il vient compléter les dispositions de l’article L. 2315-4 du Code du travail qui prévoyait déjà la possibilité de tenue des séances par visio-conférence.  

Désormais, la tenue des séances par conférence téléphonique ou messagerie instantanée est possible dès lors que le dispositif technique mis en œuvre garantit l’identification de ses membres, ainsi que leur participation effective

Le procédé choisi doit permettre la retransmission continue et simultanée du son des délibérations.  

Lorsqu’il y a un vote à bulletin secret le dispositif de vote doit garantir que l’identité de l’électeur ne peut à aucun moment être mise en relation avec l’expression de son vote.  

Lorsque ce vote est organisé par voie électronique, le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes. 

Lorsque la réunion a lieu par messagerie instantanée, Le président de l’instance informe ses membres de la tenue de la réunion par messagerie instantanée et précise la date et l’heure de son début ainsi que la date et l’heure à laquelle interviendra au plus tôt sa clôture. Cette information suit les règles applicables à la convocation des réunions de l’instance.   

 
La réunion se déroule conformément aux étapes suivantes : 

1° L’engagement des délibérations est subordonné à la vérification que l’ensemble des membres a accès à des moyens techniques ;  

2° Les débats sont clos par un message du président de l’instance, qui ne peut intervenir avant l’heure limite fixée pour la clôture de la délibération ; 

3° Le vote a lieu de manière simultanée. A cette fin, les participants disposent d’une durée identique pour voter à compter de l’ouverture des opérations de vote indiquée par le président de l’instance ; 

4° Au terme du délai fixé pour l’expression des votes, le président de l’instance en adresse les résultats à l’ensemble de ses membres. 

Ces dispositions ne sont cependant applicables que pendant la période d’urgence sanitaire. 

Sociétés de coordination : l’arrêté des comptes sociaux et combinés par conseil de surveillance doit intervenir avant le 31 mars

Dans les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance, les comptes doivent être présentés au conseil de surveillance par le directoire avant le 31 mars de chaque année.  

Cette obligation légale résulte du deuxième alinéa de l’article L. 225-68 du Code de commerce qui précise que : 

« Après la clôture de chaque exercice et dans le délai fixé par décret en Conseil d’Etat, le directoire lui présente, aux fins de vérification et de contrôle, les documents visés au deuxième alinéa de l’article L. 225-100. ». Ce délai est fixé à trois mois à compter de la clôture de l’exercice par l’article R.225-55 du code de commerce. Les documents visés à l’article L.225-100 du code de commerce sont « les comptes annuels et le cas échéant les comptes consolidés, accompagnés du rapport de gestion y afférent, auquel est joint, le cas échéant, le rapport mentionné, selon le cas, à l’article L. 225-37 ou L. 225-68 ». 

Les comptes combinés établis par la société de coordination devant être traités comme les comptes consolidés, les organismes membres du Groupe devront donc transmettre leurs propres comptes annuels dans des délais compatibles avec ce calendrier institutionnel de la société de coordination à directoire et conseil de surveillance.