Droit de préemption : un durcissement dans l’appréciation de la réalité du projet ?

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt dans lequel il semble amorcer une exigence plus accrue sur les justifications à apporter pour démontrer la réalité d’un projet d’aménagement justifiant le recours à l’exercice du droit de préemption urbain.

En l’espèce, le maire de la commune d’Echirolles avait préempté une parcelle dans l’optique de construire des logements, conformément à l’objectif du programme local de l’habitat selon lequel doit être proposée une offre de logements suffisante.

Le vendeur a introduit un recours contre la décision de préemption, mais a vu celui-ci rejeté tant en première instance qu’en appel sur renvoi.

Le Conseil d’Etat étant saisi une seconde fois, il devait régler l’affaire au fond.

Il retient que la réalité du projet n’est pas établie par la commune, aux motifs que :

  • Le programme local de l’habitat ne prévoyait pas de construction de logements dans le secteur de la parcelle concernée sur la période considérée ;

  • Le schéma de faisabilité, prévoyant la construction de deux lots sur la parcelle, était particulièrement succinct ;

  • De fortes contraintes entourent la construction de la parcelle, à savoir une situation d’enclave sur trois côtés, sa situation en zone de dangers d’une centrale hydroélectrique et à proximité d’une plateforme chimique, et son zonage au plan local d’urbanisme (PLU) ne permet la constructibilité qu’à condition que des dispositifs constructifs de confinement vis-à-vis des aléas technologiques soient mis en place.

 

On voit donc, dans cet arrêt, que le juge administratif apprécie finement l’ensemble des éléments qui lui est soumis, et que, pour apprécier la réalité d’un projet, il peut tenir compte des difficultés objectives potentielles de mise en œuvre de l’opération, si les autres documents ne lui permettent pas d’appréhender suffisamment ce point.

Technologies de l’information : Bilan des dernières décisions en droit des contrats et marchés informatiques

Il est temps d’établir un bilan des décisions rendues en droit des contrats et marchés informatiques au cours de l’année écoulée, depuis la LAJ #101 d’octobre 2019. Bien que marquée par un net ralentissement de l’activité des juridictions du fait de la crise sanitaire, un certain nombre de décisions, rendues ou portées à notre connaissance depuis ce dernier panorama, ont retenu notre attention et méritent d’être évoquées aujourd’hui.

 

Précisions sur la qualification de marché public, sur le mécanisme de coopération public-public et le risque de favoritisme

 

CJUE, 28 mai 2020, aff. C-796-18, Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung (ISE) mbH c/ Stadt Köln

La question posée à la Cour de justice est celle de savoir si la mise à disposition gratuite d’un logiciel entre deux pouvoirs adjudicateurs est ou non qualifiable de marché public et, si dans l’affirmative, si les règles applicables à la coopération public-public pouvaient ou non s’appliquer. Il était en outre demandé à la Cour de se prononcer sur le risque de favoritisme dans le cadre des marchés publics de maintenance, d’adaptation et de développement de logiciels.

En l’espèce, dans cette affaire, le Land de Berlin et la Ville de Cologne avaient conclu en 2017 une convention de mise à disposition gratuite d’un logiciel de suivi des interventions des pompiers dans la lutte contre les incendies, l’assistance technique, le secours d’urgence et la protection civile (« IGNIS Plus »).

Une convention de coopération en vue de la maintenance, de l’adaptation et le développement du logiciel avait également été conclue entre les deux pouvoirs adjudicateurs. Aux termes de cette seconde convention, chacune des deux parties s’engageait à mettre gratuitement à la disposition de l’autre les futurs développements de ce logiciel.

Ces deux conventions ont été conclues sans publicité ni mise en concurrence. De sorte qu’un opérateur concurrent de l’éditeur du logiciel a contesté la mise à disposition gratuite du logiciel, arguant, d’une part, que l’opération de mise à disposition gratuite du logiciel aurait dû respecter les règles de la commande publique et, d’autre part, que les futurs marchés publics de maintenance, d’adaptation et de développement du logiciel favoriseraient nécessairement l’éditeur dudit logiciel compte-tenu de la complexité du processus d’adaptation d’un tel logiciel.

Sur la première question, à savoir la qualification de marché public d’une convention de mise à disposition gratuite d’un logiciel entre deux pouvoir adjudicateurs, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé qu’un marché public est tout d’abord un contrat conclu à titre onéreux, que ce soit entre un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique ou entre deux pouvoirs adjudicateurs.

Pour qualifier cette convention de contrat conclu à titre onéreux, la CJUE a rappelé qu’il convenait d’en rechercher la contrepartie. Or, en l’espèce, la Cour de justice a constaté que la convention de coopération, présentait un intérêt financier certain pour le Land de Berlin dans la mesure où chaque partie était obligée de mettre gratuitement à la disposition de l’autre les futurs développements du logiciel ; étant précisé que de telles adaptations devaient intervenir de manière certaine, y compris de la part de la Ville de Cologne, de sorte que cet intérêt financier revêtait un caractère certain et non hypothétique.

Malgré la qualification de marché public, la CJUE a toutefois reconnu qu’en l’espèce les règles de la commande publique ne s’appliquaient pas nécessairement à la convention de mise à disposition gratuite du logiciel car on se trouvait en l’espèce en présence d’une coopération public-public, c’est-à-dire un marché conclu entre deux pouvoirs adjudicateurs permettant la mise en œuvre d’une coopération dans le but de garantir que les services publics assurés par les pouvoirs adjudicateurs soient réalisés en vue d’atteindre des objectifs communs.

La Cour de justice précise dans sa décision que la coopération n’a pas à porter directement sur le service public et peut porter sur une activité accessoire à celui-ci, dès lors que cette activité accessoire contribue à la réalisation effective de la mission de service public. Ainsi, une coopération portant sur la mise à disposition d’un logiciel dont l’utilisation contribue à une mission de service public entre dans le champ de la coopération public-public, qualification exclusive de l’applicable des règles de la commande publique.

Sur la dernière question, à savoir le risque de favoritisme pesant sur les futurs marchés publics de maintenance, d’adaptation et de développement du logiciel, la CJUE apporte plusieurs précisions utiles quant aux conditions de mise en concurrence.

Afin de mettre en œuvre leurs engagements respectifs quant à l’évolution du logiciel conformément aux prévisions de la convention de coopération, tant le Land de Berlin que la Ville de Cologne devront conclure des futurs marchés publics de maintenance, d’adaptation et de développement du logiciel. Or, de tels marchés devront en principe faire l’objet d’une procédure de publicité et de mise en concurrence. De sorte que, conformément aux règles de la commande publique, les concurrents de l’éditeur dudit logiciel qui souhaiteront se porter candidats à de tels marchés, devront être traités sur un pied d’égalité avec cet éditeur.

Toutefois, l’un des concurrents de cet éditeur soutenait que ce dernier se trouvait favorisé dès lors que la complexité attachée au processus d’adaptation d’un tel logiciel nécessitait de disposer non seulement du code source mais également d’autres connaissances concernant le développement de ce code source.

En réponse à cette argumentation, la Cour de justice a répondu qu’il appartenait au pouvoir adjudicateur, dans le cadre d’un tel marché, de veiller à communiquer suffisamment d’informations aux candidats afin de permettre le développement d’une concurrence effective sur le marché dérivé de maintenance, d’adaptation et de développement du logiciel. Il est donc indispensable, afin de ne pas fausser le jeu de la concurrence, que le pouvoir adjudicateur communique le code source du logiciel aux candidats et que l’accès à ce code source suffise à garantir que les candidats soient traités d’une manière égalitaire, transparente et non discriminatoire.

Une telle exigence dépend toutefois des droits acquis initialement sur le logiciel par le pouvoir adjudicateur. En effet, cela ne peut concerner que les logiciels sur lesquels le pouvoir adjudicateur aura acquis le droit de procéder à des adaptations. Il est dès lors recommandé dans cette perspective de prévoir systématiquement, dans le cadre du marché initial, les droits d’adaptation, la communication du code source et de toutes les informations pertinentes au développement d’adaptation du logiciel. A défaut d’une telle prévision, le pouvoir adjudicateur se trouvera bloqué lors de la passation d’un marché dérivé de maintenance, d’adaptation et de développement du logiciel acquis dans le cadre du marché initial.

 

 

 

Vice du consentement : de l’importance de s’assurer des besoins du client et de la rédaction du devis

 

CA Colmar, 3e chambre civile, section A, 27 janvier 2020, n° 18/02590

La Cour d’appel de Colmar rappelle dans cette décision l’attention qui doit être portée à la rédaction des devis. En l’espèce, le devis accepté par le client portait sur l’installation d’un dispositif de surveillance vidéo. Il précisait que le matériel installé fournirait une qualité d’image en haute définition permettant l’enregistrement et la relecture d’images extrêmement détaillées et que les résolutions obtenues seraient quatre fois supérieures à la résolution des caméras analogiques les plus performantes du marché.

Toutefois, le client a pu constater, à l’occasion d’un acte de vandalisme intervenu en pleine nuit, que l’installation ne permettait pas de lire les plaques d’immatriculation la nuit, malgré le parfait état de fonctionnement du système. Il s’est ainsi avéré que le système en place ne permettait pas, en raison des réglages techniques des caméras, la lecture et l’identification des plaques d’immatriculation des véhicules la nuit.

Or, pour les juges, il résulte des termes du devis que le client recherchait un système de vidéosurveillance lui procurant l’enregistrement d’images extrêmement détaillées, en mode jour comme en mode nuit, afin de lui permettre l’identification d’auteurs d’actes de vandalisme dans ses locaux.

Il appartenait ainsi au vendeur de s’informer des besoins de son client et de l’informer ensuite des contraintes techniques de la chose vendue ainsi que des contre-indications quant au but recherché.

Cette décision est aussi l’occasion de rappeler qu’il appartient au vendeur de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation d’information, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. Faute de rapporter la preuve que le client avait été informé des contre-indications relatives à ses besoins exprimés, le contrat est annulé pour vice du consentement, au visa des articles 1109 et 1110 du Code civil (ancienne rédaction).

 

 

 

Obligation de délivrance conforme

 

CA Aix-en-Provence, 7 mai 2019, n° 15/12810

Cette affaire a été l’occasion pour les juges de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence de rappeler une nouvelle fois que l’obligation de délivrance conforme d’un logiciel est une obligation de moyen et non une obligation de résultat et que l’obligation de délivrance n’est pleinement exécutée que sous réserve de la mise au point effective du logiciel, sous réserve toutefois que le prestataire ait été mis en mesure, à travers les informations transmises par son client, de réaliser ladite mise au point.

En l’espèce, le client avait constaté le mauvais paramétrage de son logiciel de paie à l’occasion d’un contrôle URSSAF ayant mis en évidence des erreurs de calcul au regard d’une réforme récente.

Les juges rejettent ici les demandes du client dans la mesure où « les dysfonctionnements à l’origine du trop-payé par [le client] ne sont pas liés à la qualité intrinsèque du progiciel ou à l’utilisation elle-même de l’une ou l’autre fonctionnalité mais à l’introduction, dans le cadre de l’opération de paramétrage, de données comptables ou techniques totalement détachées de toute spécificité informatique et qui relèvent de la connaissance, soit du service comptabilité [du client], soit de [son] service des ressources humaines de sorte que, nanti d’informations erronées transmises par [le client], le paramétrage effectué ne pouvait qu’aboutir aux erreurs constatées par l’URSSAF ».

Il est à cet égard rappelé que le prestataire ne pouvait atteindre seul l’objectif de paramétrage pertinent du logiciel de paie et qu’il appartenait à son client de lui fournir toutes les informations « non seulement nécessaires mais encore fiables », étant précisé que le client ne peut « s’affranchir de [son] obligation de contrôler le travail effectué » par son prestataire.

 

 

 

Exécution du contrat

 

CA Versailles,  23 janvier 2020, n° 18/05773

Dans cette affaire, un client reprochait divers griefs à son prestataire au soutien de son refus de régler les factures de ce dernier, dans le cadre d’une mission de développement spécifique d’un logiciel.

Il était ainsi reproché au prestataire de ne pas avoir respecté le planning, d’avoir confié la mission à du personnel incompétent et de ne pas avoir respecté les mécanismes contractuels de suivi du projet, à savoir la mise en place d’un comité de pilotage.

Pour écarter ces griefs, la Cour d’appel relève que tant le non-respect du planning que le personnel du prestataire ou encore l’absence de comité de pilotage n’avait fait l’objet d’aucune critique du client au cours de l’exécution du contrat.

Au contraire, le client avait expressément accepté la prolongation de la mission par la signature de plusieurs avenants postérieurement à la date initiale de fin de mission. Ces renouvellements de la mission de son prestataire par le client n’avaient été accompagnés d’aucune réserve quant au personnel mis à disposition.

Enfin, malgré l’absence de mise en place effective d’un comité de pilotage, dont l’objectif était de contrôler l’avancement du projet et son approbation par le client, les échanges de courriels démontraient que le client avait dûment été informé de l’avancement du projet et avait eu la possibilité d’émettre des critiques, ce qu’il n’avait pas fait, tout en décidant de prolonger le projet.

En conclusion, ce sont les renouvellements successifs de la mission par le client, sans critique particulière quant à l’exécution du projet, qui ont permis à la Cour d’appel de Versailles de décider qu’en l’espèce, le client n’était pas fondé à se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser de régler les factures de son prestataire.

Cette décision rappelle ainsi l’importance, en tant que client, d’émettre des réserves et critique, par écrit, tout au long de l’exécution du projet.

 

CA Caen, 2e chambre civile et commerciale, 28 novembre 2019, n° 17/03258

La Cour d’appel de Caen rappelle dans cette affaire que c’est au client qu’il revient de prouver le manquement de son prestataire à son obligation de délivrance conforme.

En l’espèce, le procès-verbal de recette avait été adressé au client, qui ne l’avait pas retourné signé. Or, pour les juges, cela tendait à démontrer que les livrables (en l’espèce il s’agissait de deux sites de e-commerce et d’une application mobile) étaient conformes à la commande et non l’inverse puisque « dans le cas contraire il suffisait [au client] de retourner le document signé après y avoir coché la case non conforme, ce qu'[il] n’a pas fait et ce qui autorise à en déduire que tel n’était pas le cas ». Ceci est d’autant plus vrai que les livrables ont ensuite été mis en environnement de production sans difficulté, démontrant que les éventuelles réserves, qui auraient pu ou dû être formulées par le client, n’auraient pas empêché par leur utilisation.

La Cour d’appel de Caen a ainsi reconnu qu’une recette pouvait intervenir de manière tacite, confirmant, à nouveau, l’importance de l’expression des critiques et réserves par le client tout au long du projet, puisqu’en la matière « qui ne dit mot consent ». 

 

 

 

Responsabilité contractuelle du prestataire

 

I – Force probante d’une expertise privée, caractérisation de la force majeure en matière informatique et indemnisation du préjudice de perte de données

 

CA Paris, Pôle 5, chambre 11, 7 février 2020, n° 18/03616

Ayant conclu un contrat d’assistance et de maintenance informatique comprenant la sécurisation et la sauvegarde de données, une société engage la responsabilité de son prestataire après avoir été victime d’un virus informatique dénommé « Locky » ayant eu pour effet de rendre inutilisables les fichiers infectés en les cryptant.

Cette décision a soulevé trois points successivement abordés ci-dessous :

  • La force probante d’une expertise privée
  • La caractérisation de la force majeure en matière informatique
  • L’indemnisation du préjudice de perte de données

 

    • La valeur probante d’une expertise privée

Afin de constater son préjudice, la société a fait appel à un huissier, accompagné d’un expert informatique. Ce constat a permis de mettre en évidence que les sauvegardes étaient réalisées sur des emplacements réseau et non pas sur un support numérique connecté directement au serveur mettant en échec les sauvegardes.

A la question de savoir si un tel constat constituait ou non une expertise privée non contradictoire, les juges répondent par la négative, estimant que le prestataire ne rapportait aucun élément de nature à remettre en cause l’objectivité des constatations effectuées. En outre, le caractère non contradictoire de cette expertise n’était pas de nature à lui ôter toute valeur probante dans la mesure où elle avait été dûment soumise au débat contradictoire et formait un élément de preuve parmi d’autres sur lequel le juge ne s’était pas fondé exclusivement.

 

    • La caractérisation de la force majeure en matière informatique

La Cour d’appel de Paris rappelle qu’ « un virus informatique ne présente ni un caractère imprévisible, ni un caractère irrésistible et ne constitue donc pas un cas de force majeure ni même un fait fortuit exonératoire de responsabilité ».

 

    • L’indemnisation du préjudice de perte de données

Ensuite, la Cour d’appel, constatant un lien de causalité entre la faute du prestataire (le défaut de sauvegarde exploitable) et le dommage du client (la perte de données), procède à l’évaluation du préjudice indemnisable de ce dernier.

En l’espèce, ce sont l’ensemble des frais liés à la perte des données de la société que le prestataire est condamné à indemniser (à hauteur de 41.172 euros), à savoir :

  • Les audits de sécurité ayant notamment pour objet la récupération et la réintégration de données ;
  • La sollicitation d’un expert-comptable pour la récupération d’archives et une saisie manuelle en urgence des déclarations de TVA du client ;
  • Le montant de la rançon pour la récupération des fichiers ;
  • L’intervention d’un expert informatique et d’un huissier ;
  • La mobilisation de son personnel.

 

II – Clause limitative de responsabilité écartée du fait du caractère dérisoire de l’indemnisation

CA Versailles, 12e chambre, 24 octobre 2019, n° 18/07160

Dans le cadre d’un contrat de fourniture d’accès à internet, le prestataire s’était engagé, aux termes des documents contractuels (et notamment des spécifications techniques), à fournir un certain débit. Les juges, constatant l’usage de termes clairs et précis (« débit Ethernet symétrique et garanti de 93 Mbps ») retiennent l’existence d’une obligation de résultat à la charge du prestataire.

Or, en l’espèce, les débits constatés par la société cliente étaient largement inférieurs aux promesses formulées, sans que l’assistance technique du prestataire, sollicitée à plusieurs reprises, ne soit en mesure de remédier au problème.

Constatant une faute et un préjudice, évalué en l’espèce à 15.880 euros, la Cour est ensuite amenée à se prononcer sur l’applicabilité de la clause limitative de responsabilité.

En l’espèce, les conditions générales du service renvoyaient aux conditions particulières pour la détermination du montant de la pénalité due par le prestataire en cas de non-respect des garanties de qualité de service, étant précisé que ladite pénalité était plafonnée à un mois d’abonnement. Les conditions particulières limitaient pour leur part l’indemnisation à 50% du montant de l’abonnement mensuel.

L’application de ces stipulations aurait ainsi conduit à un montant maximum d’indemnisation à hauteur de 340 euros HT.

Toutefois, la Cour d’appel a écarté l’application de cette clause limitative de responsabilité, constatant que le caractère dérisoire de l’indemnisation vidait de sa substance une obligation essentielle du prestataire de fournir sans interruption un service Internet avec un débit garanti symétrique de 93 Mbps et un engagement de résolution des dysfonctionnements sous quatre heures.

En effet, une telle limitation créait un déséquilibre dans la relation contractuelle puisque le coût d’une absence ou d’un dysfonctionnement du service était si faible pour le prestataire qu’il dénaturait son obligation, la rendant in fine non contraignante. A cet égard, les juges constatent qu’en l’espèce, le prestataire n’est finalement intervenu que contraint et forcé à la suite d’une assignation.

 

III – Refus d’indemniser la perte de temps consacrée par ses dirigeants à la résolution du litige

CA Rennes, 3e chambre commerciale, 25 Juin 2019, n° 16/06165

La Cour d’appel de Rennes retient dans cette décision le principe de la responsabilité contractuelle du prestataire compte-tenu de ses manquements dans l’exécution de ses obligations, à savoir un retard dans la livraison du produit commandé et les défauts qui ont affecté pendant plusieurs mois le fonctionnement des sites internet, auxquels il n’a été mis fin que par l’intervention d’une société tierce. 

Pour le calcul des dommages-intérêts, le client réclamait une indemnisation au titre de la perte de temps consacrée par ses dirigeants à la résolution du litige (en l’occurrence, 10 heures par semaine pendant 5 mois).

Cependant, la Cour d’appel refuse de donner droit à cette demande, considérant que « la gestion de ce type de difficultés faisait partie des tâches inhérentes à la fonction de dirigeant alors par ailleurs que celui-ci est rémunéré de manière forfaitaire et sans égard au temps consacré par lui à son activité professionnelle ».

 

Par Audrey Lefèvre et Sara Ben-Abdeladhim

 

 

 

 

 

 

Accès à l’électricité nucléaire : les modifications à venir

Modifications de l’accord-cadre ARENH conclu avec EDF

Consultation publique n° 2020-014 du 30 juillet 2020 relative à une proposition de modification de l’accord cadre ARENH

 

Une consultation publique est actuellement ouverte jusqu’au 15 septembre prochain.

Elle vise à recueillir les positions des acteurs sur les modifications de l’accord-cadre ARENH que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) envisage afin de clarifier les stipulations applicables notamment en cas de survenance d’un événement de force majeure.

L’accord-cadre ARENH est conclu avec EDF en application des dispositions de l’article L. 336-5 du Code de l’énergie et cet « accord-cadre conclu avec Électricité de France garantit, dans les conditions définies par le présent chapitre, les modalités selon lesquelles ce fournisseur peut, à sa demande, exercer son droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique pendant la période transitoire par la voie de cessions d’une durée d’un an ».

Au cours de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, des conflits d’interprétation sont apparus dans l’application des stipulations de cet accord-cadre relatives à la force majeure (voir notre commentaire dans notre précédente Lettre d’actualité n° 61 – mai 2020). C’est pourquoi la CRE envisage des modifications.

L’article 13 de l’accord-cadre prévoit que l’accord peut être suspendu en cas de survenance d’un événement de force majeure. Dans le cadre de cette consultation, la CRE propose de modifier la définition de l’événement de force majeure figurant à l’article 10 de l’accord-cadre qui le définit comme un « événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l’exécution des obligations des Parties dans des conditions économiques raisonnables ».

Cette modification a pour objectif de simplifier la définition de l’événement de force majeure et de la rapprocher de la définition de la force majeure figurant à l’article 1218 du Code civil en supprimant de cette clause la référence aux « conditions économiques raisonnables ». Elle fait toutefois échec (pour l’avenir) aux solutions qui avaient été favorablement apportées aux fournisseurs par les juridictions saisies.

Ensuite, la CRE propose de préciser les modalités opérationnelles applicables lorsqu’une partie à l’accord-cadre invoque le bénéfice de la force majeure (clarification des délais et des modalités de notification, échanges entre les parties et avec la CRE…).

Enfin, la CRE propose de clarifier la signification du caractère de « plein droit » de l’interruption consécutive à l’invocation du bénéfice de la force majeure. La CRE propose également de clarifier les conditions de mise en œuvre de la résiliation anticipée à l’initiative de l’Acheteur.

Une fois ces modifications arrêtées, elles devront être entérinées par un arrêté du ministre chargé de l’énergie pris sur proposition de la CRE.

 

 

 

Réforme envisagée de l’ARENH : Rapport sur l’atteinte du plafond ARENH pour les années 2019 et 2020

Rapport pris en application de l’article R.336-39 du Code de l’énergie analysant les causes et les enjeux de l’atteinte du plafond du dispositif ARENH

 

Le 22 juillet dernier, la CRE a publié son rapport relatif à l’atteinte du plafond ARENH.

Elle y indique que l’atteinte du plafond ARENH s’explique par l’intensification de l’activité concurrentielle et la compétitivité du produit ARENH par rapport au niveau des prix de marché.

En effet, les demandes d’ARENH ont augmenté de manière continue entre 2017 et 2020, jusqu’à finalement dépasser le plafond de 100 TWh une première fois à l’occasion du guichet de novembre 2018 (153 TWh demandés dont 133 TWh à destination des consommateurs finals) puis à l’occasion du guichet de novembre 2019 (173 TWh demandés dont 147 TWh à destination des consommateurs finals).

Cette hausse s’explique en partie par l’augmentation du nombre de fournisseurs ayant recours au mécanisme ARENH : la CRE a ainsi reçu 73 dossiers de demande en novembre 2019 contre seulement 30 en 2017.

Dans ce rapport la CRE met en évidence « un défaut structurel du cadre réglementaire de l’ARENH aujourd’hui en vigueur ». Elle estime que l’élaboration d’un nouveau cadre devrait lui être confiée dans la mesure où, selon la CRE, une loi ou un décret en Conseil d’Etat ne seraient pas adaptés pour faire évoluer ce type de disposition.

Selon le régulateur, le dispositif gagnerait en efficacité si cette responsabilité lui revenait.

La CRE considère ainsi qu’une réforme de l’ARENH constituerait une avancée importante pour le fonctionnement du marché de l’électricité. Dans l’attente de l’adoption de cette réforme, la CRE recommande que le plafond de l’ARENH soit porté à 150 TWh en vue du prochain guichet de novembre 2020 portant sur l’année 2021. Si le dispositif actuel de l’ARENH devait aller jusqu’à son terme prévu en 2025, une hausse à 200 TWh de ce plafond devrait même être envisagée selon la CRE, au vu du rythme de développement de la concurrence sur le marché de détail.

Enfin, la CRE indique que  la question de la révision du prix ARENH, fixé à 42 €/MWh depuis 2012, se pose toujours mais qu’elle doit être traitée dans le cadre de la nouvelle régulation du nucléaire qui est notamment en cours de discussion avec la Commission européenne.

Raccordement d’un parc éolien au réseau public de transport d’électricité et poste privé

Le principe des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables S3REnR consiste à mutualiser, entre les producteurs d’énergie renouvelable (EnR), les ouvrages qui doivent être créés sur les réseaux publics pour leur accueil. Dans ce cadre, chaque producteur d’EnR est appelé à payer une quote-part de ces travaux au prorata de sa puissance (cf. article L. 342-12 du Code de l’énergie).

Il s’en suit que les coûts liés à la création de lignes, de postes ou de transformateurs sur le réseau public de transport d’électricité et le réseau public de distribution d’électricité sont mutualisés entre les producteurs d’EnR.

La question s’est toutefois posée de savoir si lorsqu’un producteur demande au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité le raccordement d’un poste de transformation privé HTA/HTB au réseau, la création de cet ouvrage bénéficie de ce périmètre de mutualisation.

Par une décision rendue le 22 juin dernier, le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDIS) de la Commission de régulation de l’énergie a précisé qu’un poste de transformation privé ne constituait ni un poste du réseau public de transport, ni un poste de transformation entre le réseau public de distribution et le réseau public de transport au sens de l’article L. 321-7 du Code de l’énergie, lequel définit les S3ReNR.

Dans un tel cas, le raccordement de l’installation du producteur ne bénéficie pas directement de la création d’ouvrages relevant du périmètre de mutualisation, indispensables à son raccordement. Dès lors, le raccordement de l’installation ne pouvait pas s’inscrire dans le S3REnR de la région concernée.

En définitive, le CoRDIS a estimé que le producteur n’était redevable que de la contribution due en raison de son raccordement au titre du premier aliéna de l’article L. 342-1 du Code de l’énergie mais non pas de la contribution due au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du deuxième alinéa de l’article L342-1 et de l’article L. 342-12 du Code de l’énergie.

Projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire

Le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire a été présenté au Conseil des ministres le 2 septembre 2020.

Actuellement, le II de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits est interdite depuis le 1er septembre 2018 avec des dérogations pouvant encore être mises en place jusqu’au 1er juillet 2020.

Le projet de loi prévoit cependant de mettre en œuvre les dispositions de l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques qui permet à un Etat membre d’autoriser l’utilisation d’un produit dépourvu d’autorisation de mise sur le marché sur son territoire, pour une période n’excédant pas cent vingt jours, en vue d’un usage limité et contrôlé, et lorsque cette mesure s’impose en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables.

Le projet de loi prévoit dès lors de permettre, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement et jusqu’au 1er juillet 2023, de déroger à l’interdiction de l’article L. 253-8 susmentionné pour l’utilisation de semences traitées avec ces produits.

Bien que la communication autour de ce projet de loi insiste particulièrement sur la limitation de ces dérogations à la filière de la betterave à sucre, le projet de loi ne mentionne cependant pas cette limite, qui constituerait une rupture d’égalité entre les exploitants.

Gestion et prévention des déchets : mise en œuvre de la feuille de route pour une économie 100% circulaire

Le Président de la République a signé, le 29 juillet 2020, une ordonnance relative à la prévention et à la gestion des déchets. Cette ordonnance permet de poursuivre la mise en œuvre de la feuille de route pour une économie 100 % circulaire d’avril 2018. Elle s’inscrit dans la trajectoire de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et transpose les directives (UE) 2018/850 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets, (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement, et prend les mesures d’adaptation de la législation qui leur sont liées.

Pour cela, l’ordonnance modifie les articles L. 521-5, relatif aux substances chimiques et L. 541-1 et suivants du Code de l’environnement, relatifs aux dispositions générales s’agissant de la prévention et de la gestion des déchets.

Ces modifications sont de plusieurs ordres. L’ordonnance permet ainsi d’inscrire dans le droit de nouveaux objectifs de valorisation des déchets ménagers et assimilés, afin d’atteindre 65% de déchets réutilisés ou recyclés en 2035, et concourt à la lutte contre les pollutions plastiques et les abandons de déchets dans l’environnement. Elle simplifie également la sortie de statut de déchet des objets qui sont contrôlés ou réparés pour être réutilisés, afin de faciliter la seconde vie des produits. Elle impose par ailleurs aux collectivités de proposer davantage de collectes séparées de déchets aux ménages afin d’encourager et de développer le recyclage. D’autres dispositions visent également à accélérer la valorisation des biodéchets ou encore à renforcer l’obligation de séparer les déchets dangereux qui ont été mélangés illégalement dans la mesure où cette opération est techniquement faisable, en supprimant le critère économique d’une telle opération.

Catastrophes naturelles : publication de trois arrêtés relatifs aux mouvements de terrain différentiel consécutifs à la sécheresse et la réhydratation des sols

Arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols

Arrêté du 22 juillet 2020 définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols

 

Le Ministère de la transition écologique a publié, le 22 juillet 2020, trois arrêtés relatifs aux mouvements de terrain différentiel consécutifs à la sécheresse et la réhydratation des sols.

L’arrêté définissant les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux vise à définir les zones où s’appliquent les dispositions prévues aux articles L. 112-20 et suivants du Code de la construction et de l’habitation destinées à prévenir le risque de mouvement de terrain causé par ce phénomène. Cet arrêté retient trois critères permettant d’évaluer l’exposition des formations argileuses au phénomène de retrait-gonflement : la nature lithologique des matériaux dominants dans la formation, la composition minéralogique de la phase argileuse et le comportement géotechnique du matériau.

L’arrêté relatif aux techniques particulières de construction à mettre en œuvre dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux précise les dispositions prévues par l’article R. 112-10 du Code de la construction et de l’habitation relatif aux objectifs que doivent permettre d’atteindre les techniques particulières de construction, techniques devant être définies par arrêté. Cet arrêté s’adresse donc plus particulièrement aux maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, constructeurs et propriétaires de terrains à bâtir.

Enfin, l’arrêté définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées aux phénomènes de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols précise le contenu des études géotechniques mentionnées aux articles R. 112-6 et R. 112-7 du Code de la construction et de l’habitation. Il précise également que l’étude géotechnique de conception peut être réutilisée par le maître d’ouvrage dans la limite des éléments correspondant au projet d’une extension de son habitation existante.

Nouvelles précisions sur le régime applicable aux concessions hydroélectriques

Le régime applicable aux concessions hydroélectriques vient d’être complété par un décret du 11 août 2020 créant au sein du Code de l’énergie un nouveau chapitre intitulé « La protection du domaine public hydroélectrique concédé », modifiant d’autres dispositions réglementaires du même Code et modifiant également certaines dispositions du décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions non codifiées.

Les principaux apports de ce décret sont les suivants.

Tout d’abord, s’agissant de la délivrance des titres d’occupation sur le domaine public hydroélectrique concédé, le décret apporte les précisions suivantes :

  • Les titres d’occupation du domaine public hydroélectrique concédé dont la durée n’excède pas le terme normal de la concession sont délivrés par le concessionnaire après accord du Préfet (lequel accord peut résulter du silence gardé par ce dernier durant deux mois). En cas de refus d’une autorisation par le concessionnaire, la décision définitive est prise par le préfet.

La délivrance des titres par le concessionnaire déroge au principe général posé par l’article R. 2122-4 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) qui confie au Préfet la mission de délivrer les titres d’occupation du domaine public de l’Etat.

  • Les conditions financières de l’occupation du domaine public hydroélectrique concédé sont fixées par le concessionnaire et non par le directeur départemental des finances publiques (par dérogation là encore au principe général posé à l’article R. 2125-1 du CGPPP).

Et lorsque le titre d’occupation est constitutif de droits réels, ses conditions financières sont soumises à l’accord du directeur départemental des finances publiques.

  • Les titres d’occupation sur le domaine public hydroélectrique concédé dont la durée excède le terme normal de la concession demeurent délivrés par le Préfet et doivent comporter une clause de substitution au profit de l’Etat.

Ensuite, au plan du droit des contrats et de la commande publique, les dispositions de l’article R. 521-2 du Code de l’énergie qui identifiaient deux points de départ possible à la procédure d’octroi de la concession sont supprimées et remplacées par la mention selon laquelle « La procédure d’octroi d’une concession d’énergie hydraulique est engagée lorsque l’autorité administrative compétente procède à la publication de l’avis de concession prévu par l’article R. 3122-1 du code de la commande publique ». Cette modification simplifie les règles applicables en rendant plus lisible le point de départ de la procédure et en rapprochant la passation des concessions hydroélectriques du régime de droit commun de passation des contrats de concession.

Par ailleurs, le nouvel article R. 521-27 du Code de l’énergie précise que les modifications apportées aux contrats de concession hydroélectriques sont soumises aux règles de droit commun posées aux articles R. 3135-1 à R. 3135-10 du Code de la commande publique en matière de modification des contrats de concession. Cet encadrement s’applique y compris aux contrats en cours (art. 16 du décret).

Il sera particulièrement intéressant d’observer comment l’Etat et ses cocontractants (et le cas échéant le juge administratif) feront application de ces règles aux contrats de concession hydroélectrique dont la durée est prolongée par l’Etat depuis plusieurs années, faisant ainsi obstacle à toute mise en concurrence.

Enfin, les modalités de révision périodique de la redevance mise à la charge du concessionnaire par l’article R. 523-3 du Code de l’énergie sont précisées. Pour mémoire cette redevance est proportionnelle, soit au nombre de kilowattheures produits, soit aux dividendes ou aux bénéfices répartis, et concerne les concessions hydroélectriques qui n’ont pas fait l’objet d’un renouvellement au terme d’une procédure de mise en concurrence.

Ce décret également vise à améliorer la cohérence des dispositions du Code de l’énergie avec le Code de l’environnement s’agissant de l’autorisation environnementale, l’évaluation environnementale et la participation du public.

Il est ainsi prévu au nouvel article R. 521-27 du Code de l’énergie que les projets de modifications des contrats de concession d’énergie hydraulique, lorsqu’ils sont soumis à évaluation environnementale, peuvent être soumis aux procédures de participation prévues par le Code de l’environnement mais également aux consultations prévues par les articles R. 521-17 et R. 521-18 du Code de l’énergie (notamment enquête publique) que le préfet estime adaptées aux enjeux soulevés par ces modifications.

Si les modifications projetées ne font pas l’objet d’une évaluation environnementale au titre du Code de l’environnement, ce même article dispose que, dès lors que ces modifications sont tout de même de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs au regard des principes énoncés à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, elles font l’objet d’une étude d’incidence environnementale prévue à l’article R. 181-14 de ce Code.

Le nouvel article R. 521-38 du Code de l’énergie prévoit en outre des dispositions similaires s’agissant des projets de travaux. Il est ainsi prévu que les projets de travaux d’entretien, de maintenance et de grosses réparations font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, suivant la nomenclature des études d’impacts de l’article R. 122-2 du Code de l’environnement.

Les projets d’exécution de travaux qui ne sont pas soumis à évaluation environnementale mais qui correspondent à des opérations soumises à autorisation ou à déclaration par la nomenclature IOTA, doivent, quant à eux, comprendre l’étude d’incidence environnementale susmentionnée.

Modification de la procédure applicable devant le CoRDiS

Ordonnance n° 2020-891 du 22 juillet 2020 relative aux procédures du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie

 

Une ordonnance du 22 juillet 2020 a modifié les procédures applicables devant le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CoRDiS).

Cette ordonnance fait application du II de l’article 57 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (ci-après, loi « énergie climat ») qui avait habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, d’une part, des mesures concernant les procédures de règlement des différends et de sanctions du CoRDIS afin de renforcer l’effectivité du droit au recours, des droits de la défense et du principe du contradictoire, et d’autre part, des mesures destinées à la Commission de régulation de l’énergie d’agir devant les juridictions.

Parmi les modifications apportées au Code de l’énergie par l’ordonnance du 22 juillet 2020 ici commentée, on peut signaler :

  • L’indication des règles applicables en cas de vacance de la présidence ou d’empêchement du président (art. 2) ;

  • L’affirmation du caractère contradictoire de l’instruction et de la procédure devant le CoRDiS, ainsi que du droit des parties à se faire représenter ou assister (art. 4). Ceci étant, même si le caractère contradictoire de la procédure n’était pas inscrit dans le Code de l’énergie, celui-ci découlait d’ores et déjà du cadre juridique commun aux sanctions administratives ;

  • L’introduction de précisions relatives aux règles d’adoption des décisions du comité (art. 4) ;

  • L’intégration dans le Code de l’énergie des règles générales de prescription extinctives du code civil, lesquelles sont désormais applicables aux demandes de règlement de différend présentées devant le CoRDiS (art. 5). A cet égard, on relèvera que le CoRDis, dans une décision du 4 décembre 2019, avait déjà fait application de ces règles et notamment de la prescription extinctive de cinq ans prévue par l’article 2224 du code civil (décision commentée dans notre lettre d’actualité énergie environnement de janvier 2020) ;

  • Les conditions d’exécution et de publication des décisions de règlement de différends et de sanctions adoptées par le CoRDiS (art. 6) ;

  • Des précisions sur certains aspects de la procédure de sanction (notamment les modalités de désignation du membre en charge de l’instruction d’une demande de sanction, son rôle et le déroulement de la procédure contradictoire, les modalités de saisine du comité, …) (art. 9, 14 et 15).

Le président de la CRE et le président du CoRDiS se voient enfin conférer, par ce même texte, la faculté de se pourvoir en cassation contre un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu sur une décision de règlement de différends du comité et de présenter des observations devant la Cour de cassation (art. 7). Ainsi que le relève le rapport du Président accompagnant l’ordonnance, cette faculté s’inspire de ce qui prévaut déjà au sein d’autres autorités administratives indépendantes comme l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou l’Autorité de la concurrence.

Les nouvelles règles posées par l’ordonnance sont applicables aux procédures de règlement de différends et de sanctions enregistrées à la date de son entrée en vigueur, intervenue le 24 juillet 2020.

Consultation publique de la CRE relative à la création d’une éventuelle composante injection au sein du futur TURPE 6

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après CRE) a lancé au cours de l’été une consultation publique relative aux signaux économiques envoyés aux producteurs d’électricité  et ce dans l’optique des évolutions tarifaires à venir et en particulier dans la perspective du futur « TURPE 6 » (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité), qui doit entrer en vigueur au 1er août 2021.

Ainsi que la CRE le rappelle dans la note technique support de la consultation, celle-ci avait déjà mené en mai 2019 une première consultation publique sur la structure du futur tarif de réseaux TURPE 6 (Consultation publique n°2019-011 du 23 mai 2019 relative à la structure des prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité « TURPE 6 ») qui portait principalement sur les principes et enjeux des différentes composantes du tarif (composante de gestion, composante de comptage, forme des grilles de soutirage et tarification de l’injection).

Une deuxième consultation publique s’est déroulée entre mars et juin 2020 (Consultation publique n° 2020-007 du 19 mars 2020 relative à la composante de soutirage des prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité « TURPE 6 »). Elle présentait notamment les évolutions de méthode envisagées par la CRE pour construire la composante de soutirage du TURPE 6 ainsi que les grilles tarifaires qui en découleraient.

La consultation ici commentée est donc la troisième relative à la préparation du futur TURPE 6 et est centrée sur les signaux économiques envoyés aux producteurs.

Selon la CRE, « l’insertion de la production renouvelable est aujourd’hui l’un des premiers facteurs de l’évolution des coûts de réseaux » et le TURPE 6 devra prendre en compte « le contexte de transformation rapide du système énergétique » et en particulier le développement rapide de la production renouvelable décentralisée (éolienne terrestre et solaire en particulier) comme le développement des bornes de recharge de véhicules électriques.

La consultation présente notamment les enjeux pour les réseaux liés au développement de la production décentralisée et l’intérêt de signaux de tarification adaptés lors du raccordement des installations comme en phase d’exploitation. Elle expose ensuite la méthode envisagée par la CRE pour construire la composante d’injection ainsi que les grilles tarifaires illustratives qui en découleraient pour les utilisateurs raccordés en HTA.

Les principales caractéristiques de la composante d’injection envisagée par la CRE seraient les suivantes :

  • cette composante d’injection dans le calcul du TURPE reflèterait le coût marginal des infrastructures de réseau induit par les injections et qui n’a pas été payé lors du raccordement par les utilisateurs concernés. Il s’agirait en particulier des coûts d’exploitation du réseau nécessaires aux injections, hors pertes ;

  • elle serait différenciée géographiquement, afin d’inciter les producteurs à investir de préférence dans les zones ne nécessitant pas de renforcement de réseau ;

  • elle comporterait également une différenciation temporelle entre les saisons et entre les heures de la journée, comme la tarification du soutirage, pour inciter les installations de production et de stockage à piloter dans le temps leurs injections en prenant en compte les contraintes des réseaux afin de les décongestionner pendant les pointes.

La CRE précise toutefois que compte tenu de l’importance des évolutions envisagées et des travaux qui restent à mener, la mise en œuvre de ces évolutions n’interviendrait vraisemblablement pas dès l’entrée en vigueur du TURPE 6, mais plutôt au cours de la période du TURPE 6 ou à l’horizon du TURPE 7 (soit 2025), afin de laisser le temps nécessaire à la concertation avec les parties prenantes et de réaliser des travaux complémentaires.

Cette consultation est ouverte jusqu’au 15 septembre.

La charge de la contribution à l’extension du réseau situé hors du terrain d’assiette d’une opération revient à la Commune compétente pour la perception des participations d’urbanisme

Les faits de cette affaire sont les suivants. La Commune du Soler a mis à la charge de M.D, en émettant à son encontre un titre exécutoire, une partie de la contribution au titre du raccordement au réseau public d’électricité d’un terrain lui appartenant, couvrant l’extension du réseau hors de ce terrain.

M.D a formé un recours contre ce titre exécutoire devant le Tribunal administratif de Montpellier, lequel a rejeté cette demande par un jugement en date du 29 décembre 2017.

Ledit requérant a donc fait appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel de Marseille, qui a quant à elle donné droit à M.D dans l’arrêt du 15 juillet 2020 ici commenté[1].

Pour ce faire, la Cour a commencé par rappeler le cadre juridique tenant au débiteur des contributions nécessaires au raccordement d’un utilisateur aux réseaux publics d’électricité existants.

A ce titre, l’article L. 342 -6 du Code de l’énergie dispose que la part des coûts de branchement et d’extension des réseaux non couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux publics (TURPE) peut faire l’objet de la contribution due par le redevable défini à l’article L. 342-7 ou par les redevables définis à l’article L. 342-11.

L’article L. 342-11 du Code de l’énergie, auquel renvoie l’article L.342-6 précité, prévoit quant à lui que lorsque l’extension du réseau est rendue nécessaire par une opération faisant notamment l’objet d’un permis de construire[2], cette contribution doit être versée par le bénéficiaire du permis de construire.

Ce même article précise qu’en revanche, la part de la contribution correspondant à l’extension située hors du terrain d’assiette de l’opération reste due par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d’urbanisme.

Dans ce cadre, la Cour considère que dans cette affaire, la Commune du Soler devait prendre à sa charge la part de la contribution pour les travaux d’extension du réseau situés hors du terrain d’assiette de l’opération, extension rendue nécessaire par l’opération de construction ayant fait l’objet du permis de construire délivré à M.D.

Par suite, la Commune ne pouvait mettre à la charge du requérant, par titre exécutoire, la somme de 4.829,89 euros correspondant à la différence entre la part des coûts de branchement et d’extension des réseaux hors du terrain d’assiette de M.D.  non couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux publics et le montant de la subvention versée par le Conseil Départemental des Pyrénées Orientales à la commune (représentant 60% du coût des travaux).

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Marseille annule le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier et décharge M.D de l’obligation de payer cette somme.

[1] CAA de Marseille, 15 juillet 2020, Commune de Soler, n° 18MA00860

[2] Et qu’elle est située en dehors d’une zone d’aménagement concerté et ne donnant pas lieu à la participation spécifique pour la réalisation d’équipements publics exceptionnels ou à la participation pour voirie et réseaux mentionnées à l’article L. 332-6-1 du Code de l’urbanisme

Publication de la délibération de la CRE portant examen du Schéma Décennal de Développement du Réseau de transport de RTE élaboré en 2019

En application de l’article L. 321-6 du Code de l’énergie[1], le gestionnaire du réseau public de transport (ci-après GRT) d’électricité soumet chaque année à la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) un schéma décennal de développement du réseau (ci-après SDDR).

C’est dans ce cadre qu’en septembre 2019, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité RTE a publié son « SDDR », lequel a fait l’objet d’une consultation publique de la CRE du 3 au 8 juin 2020, dont les trente réponses (non confidentielles) reçues ont été publiées sur le site de la CRE.

Ainsi, la CRE a, par la délibération n° 2020-200 du 23 juillet 2020, présenté son analyse du SDDR et les conclusions qui y en découlent.

Pour rappel, ce SDDR[2] présente une proposition d’évolution du réseau de transport jusqu’à l’horizon 2035 afin d’accompagner les transformations induites par la transition énergétique et la mise en œuvre des politiques publiques.

A ce titre, le SDDR doit s’inscrire dans les évolutions majeures auxquelles se sont engagées la France et l’Europe :

  • Fort développement des énergies renouvelables ;

  • Fermeture des dernières centrales à charbon ;

  • Réduction progressive de la capacité nucléaire ;

  • Développement des interconnexions et recours accru à l’électricité pour le transport et le chauffage ;

  • Développement des alternatives aux constructions de réseaux offertes par le développement des technologies numériques ou les solutions de flexibilité.

Pour conduire ces changements, le schéma décennal de RTE considère trois scénarii : les scénarii « Volt » et « Ampere », issus du bilan prévisionnel 2017 de RTE et retenus par l’Etat pour le débat public sur la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (dite « PPE »), ainsi qu’un scénario PPE, reposant sur les dernières informations disponibles concernant la PPE au moment de l’élaboration du SDDR.

La CRE, dans la délibération ici commentée, accueille favorablement cette vision d’ensemble présentée par RTE dans son SDDR et considère que celui-ci couvre l’ensemble des besoins en matière d’investissement.

Elle précise ainsi être favorable à l’approche générale proposée par RTE fondée sur les adaptations structurelles de l’infrastructure mais également la recherche de leviers d’optimisation et en particulier le recours à des flexibilités.

S’agissant du dimensionnement du réseau et du recours au flexibilité justement, la CRE émet par exemple les remarques suivantes :

  • Elle est favorable au principe du dimensionnement optimal ;

  • Elle se félicite de la publication récente des contraintes de réseau dans la région Hauts-de-France et demande à RTE de poursuivre cette démarche de transparence ;

  • Elle accueille très favorablement la nouvelle feuille de route transmise par RTE visant à intégrer l’ensemble des flexibilités à sa doctrine d’investissement ;

  • Elle demande à RTE de décliner les principes ainsi validés dans le cadre du dimensionnement des Schémas Régionaux de Raccordement des énergies renouvelables.

Enfin, il est à noter que le schéma décennal de RTE, couplé aux orientations de la présente délibération de la CRE, fondera la doctrine d’investissement de RTE sur laquelle la CRE se basera pour analyser les projets d’investissements qui lui seront soumis.

 

[1] Cet article relatif aux exigences du gestionnaire du réseau public de transport vient transposer l’article 22 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du conseil.

[2] Disponible ici 

Suppression du dispositif d’obligation d’achat et de complément de rémunération pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisées à partir de gaz naturel

Arrêté du 21 août 2020 portant abrogation de l’arrêté du 3 novembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel implantées sur le territoire métropolitain continental et présentant une efficacité énergétique particulière

 

Pour rappel, les articles L. 1314-1 et L. 1314-18 du Code de l’énergie permettaient aux installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables ou mettent en œuvre des techniques performantes en termes d’efficacité énergétique telles que la cogénération, de bénéficier des dispositifs d’obligation d’achat et de complément de revenu dans les conditions fixées par l’arrêté du 3 novembre 2016[1].

Désormais, le décret n° 2020-1079 du 21 août 2020[2] supprime les dispositions du Code de l’énergie autorisant les producteurs d’électricité à bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat et d’un complément de rémunération pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisées à partir de gaz naturel.

Ainsi, un arrêté du même jour abroge l’arrêté du 3 novembre 2016 susvisé[3].

Cette suppression résulte du contexte suivant :

  • D’une part, la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (dite « PPE») pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 indique que les centrales à gaz émettent des polluants atmosphériques ainsi que des gaz à effet de serre, et propose donc de supprimer les dispositifs de soutien pour les nouvelles installations de cogénération à partir de gaz[4];
  • D’autre part, l’article 2 du décret n° 2020-456 du 21 avril 2020[5] prévoit une diminution de la consommation de gaz naturel de l’ordre de 10 % en 2023 et de 22 % en 2028.

 

C’est dans ce cadre que le décret ici commenté modifie certaines dispositions du Code de l’énergie :

  • Premièrement, il supprime le point 9° de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie qui faisait figurer parmi les installations éligibles au dispositif d’obligation d’achat les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel d’une certaine puissance ;

  • Deuxièmement, il supprime le point 6° de l’article D. 314-23 dudit Code de l’énergie qui faisait figurer parmi les installations éligibles au dispositif de complément de rémunération ces mêmes installations de cogénération ;

  • Troisièmement et enfin, il supprime le point 2° de l’article D. 314-23-1 du Code et, par la même, la possibilité pour les producteurs dont le contrat est arrivé à échéance de bénéficier d’un contrat de complément de rémunération pour ces installations de cogénération.

 

Il convient de noter que l’ensemble de ces modifications n’entreront en vigueur que dans un délai de six mois à compter de la publication du décret (intervenue le 23 août 2020), à savoir donc, le 23 février 2020.

Ainsi, l’article 2 de l’arrêté du 21 août 2020 prévoit que toute demande complète de contrat d’achat faite avant cette date ouvre droit à complément de rémunération ou obligation d’achat suivant les conditions prévues par l’arrêté du 3 novembre 2016 susvisé[6].

A contrario, la demande incomplète et non régularisée avant le 23 février 2021 n’ouvrira pas droit au bénéfice d’un contrat d’achat d’électricité ou de complément de rémunération.

Enfin, l’article 3 de l’arrêté du 21 août 2020 modifie l’article 7 de l’arrêté du 3 novembre 2016 précité.

En effet, ce dernier prévoit que la prise d’effet du contrat d’achat était subordonnée à une attestation de conformité d’installation, délivrée dans un délai de deux ans à compter de la demande complète du contrat par le producteur. Lorsque la délivrance de l’attestation intervient après ce délai, le contrat est réduit de la durée de ce dépassement.

Désormais, l’arrêté du 21 août 2020 distingue deux hypothèses lorsque ladite attestation est délivrée après ce délai de deux ans :

  • Lorsque la demande complète du contrat a été déposée avant le 23 novembre 2020, la durée du contrat est réduite de la durée du dépassement du délai de délivrance de l’attestation ;
  • Lorsque la demande complète a été déposée entre le 24 novembre et le 23 février 2021, la durée du contrat est réduite du triple de la durée du dépassement du délai de délivrance de l’attestation.

 

[1] Arrêté du 3 novembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel implantées sur le territoire métropolitain continental et présentant une efficacité énergétique particulière

[2] Décret n° 2020-1079 du 21 août 2020 supprimant l’éligibilité au complément de rémunération et à l’obligation d’achat pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel

[3] Arrêté du 21 août 2020 portant abrogation de l’arrêté du 3 novembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel implantées sur le territoire métropolitain continental et présentant une efficacité énergétique particulière

[4] Programmation Pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 et 2024-2028, p.134.

[5] Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie

[6] Sur ce point, l’absence d’accusé de réception à un telle demande par le co-contractant au sens de l’article 3 du 3 novembre 2016 ne fait pas obstacle au bénéfice de tels contrats.

Actualités réglementaire et jurisprudentielle en matière de grand cycle de l’eau

 

Modification de la composition des comités de bassins

 

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit à son article 34 un ajustement de la composition des comités de bassin du territoire métropolitain hors Corse.

Afin de mettre en œuvre les évolutions introduites par la loi à cet égard, le décret n° 2020-1062 du 17 août 2020 relatif aux comités de bassin fait évoluer les articles D. 213-17 et suivants du Code de l’environnement, qui précisément concernent notamment la composition de ces comités et dont les dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2021 (à l’exception des dispositions relatives au nouvel article D. 213-20-1 de ce Code, entrées en vigueur le 19 août 2020).

Les nouveaux articles institués par le décret prévoient notamment que la composition de chaque comité de bassin sera arrêtée par le Préfet coordonnateur de bassin (D. 213-17-1), actant ainsi la déconcentration de la nomination des membres, auparavant fixée par arrêté conjoint du Ministre de l’intérieur et du Ministre chargé de l’environnement. Ces nominations se feront en vertu des listes de représentants de chaque collège prévu à l’article L. 213-8 du même Code, listes désormais arrêtées aux article D. 213-19-1 pour le premier collège (L. 213-8 1°), D. 213-19-2 pour le deuxième (L. 213-8 2°), D. 213-19-3 pour le troisième (L. 213-8 2°bis) et D. 213-19-4 pour le quatrième (L. 213-8 3°).

Le nouvel article D. 213-20-1, qui, par exception, est entrée en vigueur le 19 août 2020, apporte en outre des précisions s’agissant du fonctionnement général des comités de bassin, notamment au regard des règles de convocation et de vote du comité du bassin.

Par ailleurs, dans cette logique, a également été publié le même jour l’arrêté du 17 août 2020 abrogeant l’arrêté du 10 mai 2017 relatif à la représentation des collectivités territoriales et des usagers aux comités de bassin.

 

 

Actualités jurisprudentielles

 

I – Le Préfet peut imposer des prescriptions de surveillance et d’entretien à la charge conjointe du propriétaire et de l’exploitant d’une digue ou d’un barrage

Dans une décision datée du 10 juillet 2020 (n° 427165), le Conseil d’Etat est venu préciser que le Préfet pouvait imposer des obligations de surveillance et d’entretien à la charge conjointe du propriétaire et de l’exploitant d’un barrage ou d’une digue.

En l’espèce, le Préfet d’Ille-et-Vilaine avait pris un arrêté imposant au Département et au propriétaire du lac sur lequel se trouvait un barrage des prescriptions à l’entretien de celui-ci, que le Département a contesté devant les juridictions administratives.

Venant au soutien de cet arrêté, le Conseil d’Etat relève que l’article R. 214-123 du Code de l’environnement dispose que « Le propriétaire ou l’exploitant de tout barrage ou le gestionnaire des digues organisées en système d’endiguement surveille et entretient ce ou ces ouvrages et ses dépendances » et qu’il résulte de ces dispositions que « le propriétaire et l’exploitant peuvent être considérés comme débiteurs conjoints d’une obligation de surveillance et d’entretien de tout barrage ou digue, chacun étant responsable des obligations attachées respectivement à la qualité de propriétaire ou à celle d’exploitant du barrage ».

Dès lors, le Conseil d’Etat retient que le Préfet est parfaitement fondé à imposer des obligations conjointes d’entretien et de surveillance d’un barrage ou d’une digue à son propriétaire et à son exploitant, et ce, sans en détailler les missions et limites, dans la mesure où chaque qualité entraine des obligations et des responsabilités différentes, que le Conseil d’Etat estime devoir être connues des protagonistes. Si, ainsi, le Préfet n’a pas l’obligation de préciser comment ces obligations se ventilent entre le propriétaire et l’exploitant de l’ouvrage, la Haute juridiction précise cependant qu’en cas d’inexécution de l’arrêté, le Préfet pourra prendre un nouvel arrêté précisant la répartition de ces tâches.

Cette version de l’article R. 214-123 du Code de l’environnement étant toujours actuellement en vigueur depuis le décret-digue du 15 mai 2015, il convient dès lors de relever que les propriétaires et exploitants des digues et barrages peuvent ainsi se voir imposer conjointement des obligations d’entretien et de surveillance des ouvrages, dans la limite des obligations attachées à leur qualité de propriétaire ou d’exploitant.

II – La responsabilité de l’Etat peut être engagée en cas de faute commise par le Préfet en matière de police des cours d’eau

Par une décision du 22 juillet 2020 (n° 425969), le Conseil d’Etat a précisé que la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée en cas de faute commise par le Préfet dans l’exercice de sa mission en matière de police des cours d’eau et ce malgré l’obligation d’entretien régulier des cours d’eau non domaniaux par leurs propriétaires.

Le Conseil d’Etat retient en effet que, s’il résulte des dispositions de l’article L. 215-4 du Code de l’environnement que le propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial doit entretenir ce cours d’eau afin de maintenir ce dernier dans son profil d’équilibre, de permettre l’écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique, le Préfet reste toutefois compétent en matière de police des cours d’eau en application des dispositions des articles L. 215-7 et L. 215-12 du même Code. Dès lors, il appartient au Préfet, en tant qu’autorité compétente en matière de police des cours d’eau, de prendre toutes dispositions nécessaires au libre cours des eaux.

Ainsi le Conseil d’Etat retient que, quand bien même les propriétaires riverains sont chargés de l’entretien régulier des cours d’eau non domaniaux, le Préfet et, partant, l’Etat, peuvent voir leur responsabilité engagée en cas de dommages causés aux propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux du fait de l’action naturelle des eaux, sans préjudice de la responsabilité qu’ils peuvent encourir lorsque ces dommages ont été provoqués ou aggravés par l’existence ou le mauvais entretien d’ouvrages publics leur appartenant, en cas de faute commise par le Préfet dans l’exercice de la mission qui lui incombe d’exercer la police des cours d’eau non domaniaux.

III – Annulation du SDAGE du bassin de Seine-Normandie 2016-2021 pour vice de procédure

La Cour administrative d’appel de Paris a, par une décision n° 19PA00805 du 31 juillet 2020, annulé le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie pour la période 2016-2021 pour vice de procédure.

En l’espèce, plusieurs organismes, dont des Unions Nationales des Industries de Carrières et Matériaux de Construction (UNICEM), la Fédération nationale des syndicats exploitants agricoles (FNSEA) Centre Val de Loire, plusieurs fédérations départementale et régionales des syndicats des exploitants agricoles et plusieurs chambres départementales d’agriculture, avaient demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté par lequel Préfet de la région Ile-de-France, Préfet de Paris, Préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a approuvé le SDAGE du bassin Seine-Normandie pour la période 2016-2021. Faisant droit à leur demande par un jugement n° 1608547/4-1 rendu le 19 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et, ainsi, le SDAGE. Le Ministre de la Transition écologique et solidaire a alors fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Paris, qui s’est prononcée cet été.

La Cour retient à cet égard que l’article L. 122-4 du Code de l’environnement impose que les plans, schémas et programme, en ce compris les SDAGE, fassent l’objet d’une évaluation environnementale et que la personne publique responsable de l’élaboration de ce schéma transmette pour avis à une autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement le projet de schéma accompagné du rapport environnemental. L’article R. 122-17 de ce Code prévoyait que cette autorité, s’agissant des SDAGE, était le Préfet coordonnateur de bassin.

A cet égard, il ressort de la directive européenne du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (2001/42/CE) et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (C-474/10, 20 octobre 2011) qu’une même autorité peut élaborer le plan ou programme (en l’espèce, le SDAGE) et soit chargée de la consultation en matière environnementale, mais à la condition que soit organisée une véritable séparation fonctionnelle de manière à ce qu’une entité administrative, interne à cette autorité, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation.

Tirant les conséquences de cette appréciation, le Conseil d’Etat a, par une décision n° 360212 du 26 mai 2015 et du 3 novembre 2016, annulé les dispositions de l’article R. 122-17 susmentionnées, dans la mesure où l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement, est celle compétente pour élaborer et approuver le SDAGE, sans séparation fonctionnelle.

Dès lors, la Cour retient qu’il appartient au juge du fond de rechercher si les conditions dans lesquelles l’avis a été rendu répondent ou non aux objectifs européens, ce qui n’est pas le cas lorsque l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement et chargée d’évaluer le projet est placée sous l’autorité hiérarchique de l’autorité compétente pour élaborer et approuver le SDAGE, dans la mesure où elle ne peut dès par être regardée comme disposant d’une autonomie lui permettant d’exercer la mission de consultation en matière environnementale.

Or, en l’espèce, l’avis de l’autorité environnementale a été rendu par la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Ile-de-France (DRIEE), qui est une autorité rattachée au Préfet de région Ile-de-France, Préfet de Paris, Préfet coordonnateur de bassin Seine-Normandie, lui-même auteur de l’arrêté instituant le SDAGE (l’arrêté attaqué). Dès lors, la Cour retient que cette autorité ne peut être regardée comme bénéficiant d’une autonomie suffisante.

La Cour retient donc que l’élaboration du SDAGE est entachée d’un vice de procédure.

La Cour relève ainsi que les conditions permettant de garantir l’objectivité de l’avis ne sont pas remplies alors que c’est à la suite de cet avis que le public et divers organismes ont été consultés sur le projet de SDAGE. Dès lors, la Cour retient que cette irrégularité doit être regardée comme n’ayant pas permis une bonne information des personnes consultées et comme ayant été susceptible d’exercer une influence sur la décision prise. Il s’en induit que le vice de procédure entachant l’élaboration du SDAGE doit entraîner l’illégalité de l’arrêté instituant le SDAGE.

La Cour administrative d’appel rejette dès lors les conclusions visant à annuler le jugement de première instance mais sursoit à statuer s’agissant de la demande d’annulation du SDAGE, en application des dispositions de l’article L. 191-1 du Code de l’environnement, afin de permettre la régularisation de ce vice de procédure par la tenue de consultations complémentaires, « dans le cadre desquelles seront soumis au public et à ces organismes, outre l’avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par le nouvel avis ».

Par Solenne Daucé et Cécile Jauneau

Même en situation de travail à domicile, la charge de la preuve de l’existence d’heures supplémentaires ne pèse pas sur le seul salarié

Par arrêt en date du 8 juillet 2020 (n°18-26.385 n° 18-26.385), la Cour de cassation après avoir rappelé : 

  • qu’en application de l’article L.3171-2 alinea 1er du Code du travail, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour les salariés ne travaillant pas selon l’horaire collectif ; 
  • que les documents afférents à la durée du travail doivent être tenus à disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail (article L. 3171-3 du Code du travail). 
    – qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit en application de l’article L.3171-4 du Code du travail fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. 

Considère que même en situation de travail à domicile, s’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, l’employeur doit effectuer le contrôle des heures de travail effectuées et être en mesure d’en justifier. 

Le juge ne peut donc débouter le salarié de sa demande en règlement d’heures supplémentaires en retenant simplement que les documents produits par le salarié sont non vérifiables en l’absence d’autres les éléments les corroborant, sans faire peser exclusivement la charge de la preuve sur le salarié. 

Ainsi, même en cas de travail à distance des salariés en l’absence d’horaire collectif de travail, l’employeur doit être en mesure, en cas de litige, de justifier des horaires effectués par le salarié ! 

Précisions du Conseil d’Etat sur les principes régissant la mobilité des fonctionnaires

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 29 juillet 2020 mentionné aux tables du recueil Lebon, a rappelé plusieurs principes de droit en matière de mobilité des fonctionnaires, à l’occasion de l’étude de la légalité d’une note de service relative à un mouvement de mobilité collectif organisé au sein du ministère de l’agriculture.  

Deux questions ont en particulier été étudiées à l’occasion de ce recours.  

La première question était celle de la nécessité d’une saisine du comité technique avant l’adoption de la note de service. Malgré le fait qu’elle énonçait les règles de mouvement des fonctionnaires au sein du ministère, en définissant ses principes cadres, le Conseil d’Etat a considéré que son adoption n’avait pas à être précédée d’une consultation du comité technique. Celui-ci, pour rappel, est compétent, pour connaitre des questions « relatives à l’organisation et au fonctionnement des services, des questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, des projets de statuts particuliers ainsi qu’aux questions énoncées à l’article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat[1]. Or, aucun de ces champs de compétences n’a été considéré comme intégrant la question des mouvements de personnel.  

Pour quelques temps encore en effet, les commissions administratives paritaires connaissent, à titre individuel, de chaque décision de mutation. Il en ira en revanche différemment lorsque seront créés les comités sociaux d’administration, qui se substitueront aux comités techniques au prochain renouvellement des instances paritaires. A cette date, l’examen des décisions individuelles par les CAP se verra substituer un examen, par les comités sociaux, des « lignes directrices de gestion en matière de mobilité et de promotion et valorisation des parcours professionnels »[2], et il fait peu de doute, à notre sens, que les note de service telles que celle en litige dans l’arrêt étudié entrera bien dans ce champ de compétence. La décision, sur ce point, n’a donc pas un grand avenir jurisprudentiel devant elle. 

Il en va différemment de la seconde question, qui relevait cette fois du fond de la note de service. Le syndicat requérant avait en effet relevé qu’un certain nombre d’emplois permanents, occupés par des agents contractuels employés dans le cadre de contrats à durée indéterminée n’avaient pas été intégrés au mouvement général de mobilité, et contestait ainsi la note de service sur ce point. 

Le Conseil d’Etat a écarté ce moyen : il est vrai que l’administration reste tenue de publier la vacance de tout emploi, et qu’un emploi occupé par un agent contractuel, même en CDI, reste considéré comme vacant puisque, comme l’a rappelé le syndicat requérant, le licenciement de l’agent peut être justifié par la nomination d’un fonctionnaire sur cet emploi[3].  

Toutefois le Conseil d’Etat a rappelé sa jurisprudence, selon laquelle la publication de vacance, et l’ouverture à la mutation sur cet emploi, n’est pas systématique et ne s’impose que lorsque l’administration décide de pourvoir l’emploi, ce qu’elle peut très bien s’abstenir de faire si l’intérêt du service le justifie[4].   

Et, partant de ce principe, il juge que l’administration peut justement écarter de la campagne de mobilité les emplois pourvus par un agent contractuel, dès lors, notamment que le licenciement de tels agents, dans une telle hypothèse, ne peut être prononcé qu’à condition que le reclassement soit impossible. Autrement dit, le Conseil d’Etat semble considérer que la seule circonstance que l’intégration des emplois pourvu par contrat dans la campagne de mobilité, contraindrait l’administration à devoir procéder à une série de reclassement, constitue un intérêt du service de nature à justifier que l’administration ne les ouvre pas à la mobilité. 

La décision est intéressante sur ce point : elle constitue sans conteste une nouvelle atténuation du principe posé par l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, selon lequel les emplois publics sont pourvus par des fonctionnaires : concrètement, l’administration semble désormais pouvoir systématiquement exclure les emplois occupés par des agents contractuels du champ de ceux auquel les fonctionnaires sont susceptibles de candidater. 

Cette jurisprudence, cohérente avec les nouvelles orientations définies pour la fonction publiques par la loi de transformation de la fonction publique, qui tend à favoriser l’emploi contractuels, ne manquera pas de nourrir d’houleux débats dans les futurs comités sociaux d’administration. 

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[1] « 1° A l’organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; 2° A la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ; 3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l’échelonnement indiciaire ; 4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail des administrations, établissements ou services et à leur incidence sur les personnels ; 5° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ; 6° A la formation et au développement des compétences et qualifications professionnelles ; 7° A l’insertion professionnelle ; 8° A l’égalité professionnelle, la parité et à la lutte contre toutes les discriminations ; 9° A l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, lorsqu’aucun comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail n’est placé auprès d’eux ». 

[2] Cf. nouvel article 15, issu de l’article de 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 

[3] Cf. 3° de l’article 45-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 

[4] CE, 20 juin 2016, Synd. nat. CGT des Chancelleries et services judiciaires, n° 389730 

Appréciation de la condition d’urgence dans le cadre du référé suspension à l’encontre d’une décision de mutation

Pour mémoire, par un arrêt Confédération nationale des radios libres, le Conseil d’Etat a jugé que la condition d’urgence subordonnant la suspension d’une mesure en référé était satisfaite lorsque « la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n° 228815).  

S’agissant des décisions de mutation d’agents, le Conseil d’Etat a posé une présomption d’absence d’urgence à statuer en référé en dehors de circonstances particulières. Il juge en effet par une jurisprudence constante qu’« en l’absence de circonstances particulières, la mutation, prononcée dans l’intérêt du service, d’un agent public d’un poste à un autre n’a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts de cet agent qu’elle constitue une situation d’urgence » (CE, 28 juillet 2009, n° 329514 et plus récemment CE, 1er juillet 2019, n°427395).  

Cette présomption est fondée sur le principe de mutabilité du service public qui implique nécessairement que l’administration dispose de la possibilité de réaffecter les fonctionnaires selon les besoins et l’intérêt du service. 

Le Conseil d’Etat a en outre précisé que l’urgence pouvait être écartée y compris « lorsque, comme en l’espèce, la mesure prive l’intéressé de certaines primes ou indemnités liées à son ancien emploi » (CE, 12 septembre 2012, n° 361699).  

Le 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a fait une application stricte de cette jurisprudence.  

En l’espèce, suite à la réorganisation des services, l’agent était affecté à un poste de conseiller technique. Pour justifier la condition d’urgence, le requérant se prévalait de plusieurs éléments notamment d’une perte de rémunération.  

Le juge a tout d’abord rejeté le caractère de sanction déguisée, le nouveau poste auquel l’agent était affecté correspondant à une activité réelle et conforme aux responsabilités susceptibles d’être confiées à un agent de son grade.  

Le juge a également relevé que la réduction de sa rémunération se limite à la perte de la NBI qui correspondait à seulement 3 % de sa rémunération brute mensuelle. S’agissant de la dégradation de son état de santé, le juge considère que le requérant n’établit pas le lien de causalité avec la décision litigieuse.  

Ainsi, malgré la perte de rémunération et une dégradation de l’état de santé de l’agent, le Conseil d’Etat considère que la condition d’urgence n’est pas satisfaite et rejette la demande de suspension. 

Référés contre les contrats de la commande publique de droit privé : leur régime prochainement examiné par le Conseil constitutionnel

L’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 définit deux recours en référé pouvant être exercés contre des contrats de droit privé relevant de la commande publique : le référé précontractuel (cf. articles 2 à 8 de l’ordonnance) et le référé contractuel (cf. articles 11 à 20 de l’ordonnance).  

A l’occasion d’un pourvoi dirigé contre une ordonnance de référé rendue le 25 octobre 2019 par le président du Tribunal de grande instance de Rennes, la Cour de cassation a été saisie par le requérant des trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) remettant en cause la conformité des dispositions relatives au référé contractuel avec, d’une part, le droit à un recours effectif consacré par l’article 16 de la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, d’autre part, le principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC. 

Dans le détail, ces trois QPC sont les suivantes :  

  1. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif en ce que cet article prévoit une liste limitative des irrégularités pouvant être invoquées à l’appui d’un référé contractuel ?

     

  2. Les dispositions des articles 11 à 20 de l’ordonnance sont-elles entachées d’incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu’elles n’instituent pas, au profit des concurrents évincés des contrats privés de la commande publique, une voie de recours leur permettant de contester utilement les irrégularités affectant les procédures de passation ?

     

  3. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC en ce qu’elles placent les concurrents des contrats privés de la commande publique dans une situation différente et moins favorable que celle des concurrents des contrats administratifs de la commande publique en matière de contestation des irrégularités affectant les procédures de passation ? 

  

Tout d’abord, la Cour confirme que les dispositions contestées sont, du moins pour partie, applicables au litige et qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. 

Ensuite, la Cour relève que dans le cas d’une procédure de mise en concurrence dite adaptée, il n’est pas prévu par la réglementation de délai de stand-still faisant obligation à l’acheteur de suspendre la conclusion du contrat avec le candidat sélectionné pendant un certain délai à compter de la notification de sa décision aux candidats évincés.  

Il s’ensuit, selon la Cour, que ces candidats ne peuvent, en pratique, agir en référé précontractuel et ne peuvent donc introduire qu’une action en contestation de la validité du contrat en application de l’article 11 de l’ordonnance.  

Or, l’article 16 de la même ordonnance énonce un nombre restreint de cas dans lesquels l’annulation du contrat doit être ordonnée : 

  • lorsque aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite ; 
  • lorsque le contrat a été conclu en méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique ;  
  • lorsque le contrat a été signé avant l’expiration du délai de stand-still applicable ou pendant l’instruction d’un référé précontractuel, sous réserve que la méconnaissance de ces obligations ait privé le demandeur du droit d’exercer un référé précontractuel et que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation était soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat. 

 

La Cour de cassation constate qu’aucune autre disposition ne prévoit de sanction des autres irrégularités qui peuvent affecter la procédure de mise en concurrence et qui, dans certains cas, peuvent constituer des atteintes graves aux principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. 

A cet égard, elle souligne le contraste avec les candidats à l’attribution de contrats de droit public qui, eux, disposent d’une action en contestation de la validité de ces contrats indépendante du référé contractuel, à savoir le recours Département du Tarn-et-Garonne tel que défini par le Conseil d’Etat (CE, 4 avril 2014, n° 358994).   

La Cour de cassation en conclut que les trois QPC présentent un caractère sérieux et qu’il y a donc lieu de les transmettre au Conseil constitutionnel, lequel devrait rendre sa décision d’ici la fin de l’année 2020. 

Réforme de la dotation d’intercommunalité devant le Conseil constitutionnel

Par une décision en date du 29 juillet dernier, le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l’article 250 de la loi de finances pour 2019 modifiant l’article L. 5211-28 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). 

L’article L. 5211-28 du CGCT relatif à la dotation d’intercommunalité que les EPCI à fiscalité propre reçoivent à compter de l’année où ils perçoivent pour la première fois le produit de leur fiscalité a en effet fait l’objet d’une réforme par l’article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Antérieurement, le troisième alinéa de l’article L. 5211-28 du CGCT avait prévu une minoration de la dotation d’intercommunalité à compter de 2014 qui serait répartie chaque année entre les EPCI à fiscalité propre en tenant compte de leurs recettes réelles de fonctionnement et que, dans le cas où cette minoration devait excéder le montant perçu au titre de la dotation d’intercommunalité de l’année de répartition, la différence serait alors prélevée sur les EPCI concernés. Or, comme le relève le Conseil d’Etat, pour ces EPCI, le II de l’article 250 a ainsi pour objet de reconduire, à compter de 2019, et pour chaque année, ce prélèvement à hauteur du montant calculé pour l’année 2018, l’article précisant également que le montant ne peut être ajusté qu’en cas de modification du périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale concerné.  

Le Conseil d’Etat a été saisi d’une QPC par une communauté de communes dans le cadre du litige contre l’arrêté de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministre de l’action et des comptes publics pris pour l’application de ces dispositions en 2019, celle-ci soutenant que la reconduction du prélèvement opéré en 2018 méconnait le principe de libre administration des collectivités territoriales, le principe d’égalité devant la loi et le principe d’égalité devant les charges publiques. Après avoir vérifié les autres conditions de transmission de la QPC ainsi soulevée, le Conseil d’Etat considère que « en soutenant notamment que les dispositions du II de l’article 250 méconnaissent le principe d’égalité devant les charges publiques, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire soulève une question qui présente un caractère sérieux », et renvoie en conséquence la question invoquée au Conseil constitutionnel qui dispose donc d’un délai de trois mois pour se prononcer sur cette saisine. 

Une ordonnance d’injonction de payer à laquelle un jugement s’est substitué ne peut plus produire effet

En mai 2015, un couple, preneur à bail auprès de l’OPH Habitat Drouais, a subi une fuite du ballon d’eau chaude se trouvant dans le logement loué. 

A la suite de cette fuite, la société GEDIA, auprès de laquelle les preneurs avaient conclu un contrat de fourniture d’eau, a obtenu à leur encontre une ordonnance d’injonction de payer rendue par la juridiction de proximité de Dreux le 22 mars 2017. 

Les preneurs ont formé opposition à cette injonction le 4 avril 2017 et ont fait assigner l’OPH Habitat Drouais afin d’obtenir sa condamnation à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre. 

Aux termes d’un jugement du 31 août 2018, le Tribunal d’instance de Dreux a débouté les preneurs de leur demande de condamnation à l’égard de la société Gedia et a précisé que l’ordonnance d’injonction de payer produirait effet. 

Les preneurs ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision rendue en dernier ressort, considérant que le jugement qui statue sur l’opposition formée à l’encontre d’une ordonnance d’injonction de payer se substitue à celle-ci et que le Tribunal ne pouvait donc juger que l’ordonnance d’injonction de payer du 22 mars 2017 devait produire effet à leur encontre. 

La Cour de cassation leur a donné raison et a cassé le jugement du 31 août 2018 sur ce point. 

En effet, l’article 1420 du Code de procédure civile dispose : « Le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer ». 

C’est au visa de cet article, que la Cour a considéré : 

« En statuant ainsi, alors que l’ordonnance portant injonction de payer, qui n’est une décision qu’en l’absence d’opposition, ne pouvait reprendre ses effets, le tribunal a violé le texte susvisé ». 

Ainsi, le jugement qui déboute la partie ayant formé opposition de sa demande doit expressément la condamner en paiement, et ne peut en aucun cas renvoyer les parties aux termes de l’ordonnance d’injonction de payer, celle-ci ne produisant plus aucun effet.