Délibération de la CRE relative au projet d’ordonnance de transposition de la Directive du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité

Par une délibération du 17 décembre 2020, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE)  a rendu son avis sur le projet d’ordonnance portant transposition de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant  des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

La Directive relative au marché intérieur de l’électricité fait partie du « paquet énergie propre » approuvé en 2018 et 2019 par les instances européennes et regroupant huit directives et règlements procédant à une refonte des règles applicables en matière énergétique (Voir notamment nos commentaires dans les Lettres d’Actualité Juridique Energie Environnement des mois de juillet 2017, novembre 2018, juillet 2020).

La Directive du 5 juin 2019 vise plus spécifiquement à adapter le fonctionnement du marché concurrentiel aux exigences de la transition énergétique, particulièrement en améliorant les conditions d’accès au marché de l’électricité d’origine renouvelable ou des solutions de flexibilité telles que le stockage de l’électricité ou l’agrégation de multiples sources distribuées de flexibilité, et en renforçant la participation active des consommateurs à la transition énergétique. On précisera que si le délai de transposition de la directive expirait le 31 décembre 2020, les circonstances liées à la crise sanitaire survenue en 2020 n’ont pas permis de respecter ce délai. Le projet d’ordonnance n’a ainsi pu être transmis par le Gouvernement à la CRE que le 18 novembre 2020.

Parmi les principales dispositions du projet d’ordonnance et de la délibération de la CRE, on citera les éléments suivants.

Tout d‘abord, au sein du projet d’ordonnance, de nombreuses dispositions concernent le renforcement de la protection des consommateurs et procèdent à des modifications en ce sens du Code de la consommation et du Code de l’énergie. Parmi ces modifications, on mentionnera notamment :

  • Le renforcement de l’information du consommateur par des compléments apportés à la liste des informations précontractuelles qui doivent être transmises par les fournisseurs aux consommateurs, la précision des modalités de mise à disposition des informations précontractuelles en prévoyant la transmission d’une synthèse des principales dispositions contractuelles, ou encore la précision des informations à transmettre aux consommateurs finals qui ont conclu un contrat aux tarifs réglementés de vente sur l’existence des offres de marché et du comparateur d’offres du Médiateur National de l’énergie. La CRE émet un avis favorable concernant ces dispositions qui, selon elle, « transposent fidèlement les dispositions de la Directive ».
  • Le renforcement de l’effectivité du droit des consommateurs à changer de fournisseur d’électricité, notamment par l’encadrement des délais maximaux dans lesquels ce changement est réalisé. Si la CRE émet globalement un avis favorable sur ces dispositions, elle déplore néanmoins l’absence de transposition dans le projet soumis de l’interdiction de facturation de frais de résiliation en cas de changement de fournisseur à certains segments de la clientèle (consommateurs non domestiques souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA).

Ensuite, le projet d’ordonnance introduit, dans le Code de l’énergie et dans le Code de la consommation, la notion d’offre à tarification dynamique issue de la Directive du 5 juin 2019.

La CRE relève ainsi que la définition de l’offre à tarification dynamique contenue dans l’ordonnance et qui devrait figurer au sein du nouvel article L. 332-7 du Code de l’énergie est identique à celle de la Directive qui prévoit qu’il s’agit d’une offre « qui reflète les variations de prix sur les marchés au comptant, notamment les marchés journaliers et infrajournaliers, à des intervalles équivalant au moins à la fréquence du règlement du marché à destination des consommateurs finals ».

La CRE émet en revanche une recommandation consistant à préconiser l’ajout dans l’ordonnance d’une disposition permettant de garantir l’accès à ce type d’offre aux clients équipés d’un compteur intelligent situés sur le territoire d’une Entreprise Locale de Distribution (ci-après, ELD) approvisionnant moins de 200.000 clients finals, et ce en conformité avec les dispositions de la Directive.

Des dispositions relatives à l’information précontractuelle devant être délivrée aux clients préalablement à la souscription d’une offre à tarification dynamique sont introduites par l’ordonnance. En particulier, il est prévu que le client est informé au moyen d’un document d’information contenant notamment « une simulation personnalisée de l’impact d’une variation des prix sur les marchés au comptant ». La CRE émet cependant un avis défavorable sur la proposition formulée, qu’elle estime peu opportune et peu réaliste, faute notamment pour les fournisseurs d’avoir accès de manière systématique aux données de consommation des clients. La CRE suggère de remplacer cette simulation par une obligation pesant sur le fournisseur et consistant à mettre à la disposition du consommateur un dispositif d’alerte en cas de variation forte des prix de marché.

Le projet d’ordonnance introduit par ailleurs un certain nombre de dispositions intéressant l’activité de distribution d’électricité. En particulier, l’article 15 du projet d’ordonnance modifie les dispositions de l’article L. 322-9 du code de l’énergie et prévoit un encadrement des modalités de recours, par les gestionnaires de réseau de distribution (GRD), à des services auxiliaires et à des services de flexibilité. Toutefois, la CRE relève que cette disposition ne transpose pas correctement et complètement les dispositions de la Directive en renvoyant à un texte réglementaire le soin de préciser le rôle de la CRE pour encadrer le recours à ces services. Selon la CRE, un tel texte réglementaire n’est pas requis par la Directive. La CRE rend en conséquence un avis défavorable sur ce point.

Le même article 15 transpose en outre les dispositions de la Directive prévoyant l’obligation pour les GRD d’établir un plan de développement de leur réseau. Néanmoins, là encore, la CRE émet un avis défavorable sur le projet en tant qu’il renvoie à des dispositions réglementaires le soin de préciser les conditions dans lesquelles la CRE sera amenée à demander la modification du plan de développement du réseau.

Le projet d’ordonnance transpose en outre en droit interne les dispositions de la directive relatives au stockage d’électricité, notamment en introduisant une définition de cette activité au sein du Code de l’énergie. La CRE accueille favorablement cette introduction ainsi que le choix fait par le Gouvernement de ne pas transposer, comme cela est pourtant permis par la Directive, la possibilité, sous certaines conditions, pour les gestionnaires de réseaux d’être propriétaires d’installations de stockage d’énergie ou à les développer, les gérer ou les exploiter en cas de carence de l’initiative privée.

Enfin, le projet d’ordonnance introduit d’autres dispositions relatives aux mécanismes d’effacement, à l’activité de transport d’électricité ou encore à l’extension des missions de la CRE. Sur ces différents sujets, la CRE émet un avis favorable au projet d’ordonnance.

Nouvelles dispositions en matière d’aides à l’électrification rurale

Décret n° 2020-1561 du 10 décembre 2020 relatif aux aides pour l’électrification rurale

 

 

Le régime du Financement des Aides aux Collectivités pour l’Electrification Rurale (ci-après, FACE) perçues par les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité (ci-après, AODE) au titre des travaux dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage dans les communes rurales a été récemment modifié par le décret du 10 décembre 2020 relatif aux aides pour l’électrification rurale.

 

Ce décret est notamment pris pour l’application de l’article 14 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (dite loi « Energie Climat ») qui avait modifié l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT) en étendant le champ des travaux éligibles aux aides du FACE à ceux portant sur des opérations liées à la transition énergétique.

 

L’article L. 2224-31 du CGCT, dans sa version issue de la loi Energie Climat, prévoit ainsi que les AODE, dont on déduit qu’il s’agit de celles éligibles au FACE, peuvent obtenir des aides pour la réalisation d’opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables et d’autres actions concourant à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique mentionnés aux articles L. 100-1 à L. 100-4 du code de l’énergie, ainsi que, dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, pour la réalisation des installations de production de proximité, lorsque ces différentes opérations permettent d’éviter directement ou indirectement des extensions ou des renforcements de réseaux. Le même article prévoit en outre que les AODE peuvent recevoir ces aides pour la réalisation d’opérations exceptionnelles en lien avec le réseau public de distribution d’électricité qui concourent à la transition énergétique, présentent un caractère innovant et répondent à un besoin local spécifique.

 

Un décret demeurait néanmoins nécessaire pour compléter le dispositif

 

Ainsi, le décret du 10 décembre 2020, abroge et remplace le décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l’électrification rurale qui définissait jusqu’à présent les règles applicables, fait évoluer les règles du FACE en ouvrant la possibilité de financer des opérations en lien avec la transition énergétique, mais également en faisant évoluer certaines règles d’attribution et de gestion des aides et en prenant notamment en compte le cas des communes nouvelles.

 

De manière générale, le décret maintient la structure du FACE reposant sur un programme principal de travaux comportant lui-même des sous-programmes portant sur les catégories de travaux (renforcement, extension, enfouissement, sécurisation pour l’essentiel) et sur un programme spécial, également divisé en sous programmes, comportant notamment les travaux liés à la maîtrise de la demande d’énergie et, de manière nouvelle, ceux liés à la transition énergétiques visés par l’article L. 2224-31 du CGCT dans sa version issue de la loi Energie Climat (art. 1er).

 

La définition des communes éligibles aux aides du FACE demeure inchangée (art. 2 du décret) et continue de viser, sauf dérogation, les communes dont la population est inférieure à 2.000 habitants et qui ne sont pas comprise dans une unité urbaine dont la population est supérieure à 5.000 habitants. Le décret élargit néanmoins la possibilité pour le préfet, à la demande d’une AODE, et après avis du ou des gestionnaires de réseau concernés, « d’étendre par arrêté motivé le bénéfice des aides à travaux effectués sur le territoire de communes dont la population totale est inférieure à 5.000 habitants ».

 

Le taux de subventionnement des projets par les aides du FACE demeure plafonné à 80% de leur montant total HT (art. 3).

 

Comme c’est déjà le cas actuellement, un arrêté du ministre chargé de l’énergie, pris après avis du conseil à l’électrification rurale, doit préciser les modalités de la répartition entre départements des droits à subvention des sous-programmes du programme principal (art. 6). Toutefois, la répartition des droits à subvention de chacun des sous-programmes du programme principal entre AODE est précisée et notifiée à celles-ci par le ministre chargé de l’énergie, au cours du premier mois de l’année, et non plus au cours du premier trimestre de l’année (art. 6 III).

 

De même, l’état prévisionnel établi annuellement par chaque AODE, et transmis au ministre chargé de l’énergie, doit désormais l’être avant le 30 septembre de l’année de programmation des droits, et non plus avant le 31 décembre (art. 7). Les pièces à produire au soutien de cet état prévisionnel sont précisées par arrêté du ministre chargé de l’énergie.

 

Les subventions relevant du programme spécial continuent d’être attribuées individuellement par projet par arrêté du ministre chargé de l’énergie comme c’est le cas actuellement (art. 9).

 

On notera que la demande de versement prévisionnel de trésorerie susceptible d’être présentée par l’AODE est portée de 10% à 20% du montant prévisionnel de l’aide indiqué dans la décision attributive de subvention (art. 12). La liste des pièces et justificatifs à fournir à l’appui de cette demande est sensiblement étoffée par rapport à ce qui prévalait jusqu’à présent.

 

Le mécanisme de caducité de la décision attributive de subvention est également modifié. Ainsi, désormais, le programme prévisionnel de travaux ou le projet doit être engagé au plus tard avant la fin de l’année suivant l’année de programmation, sous peine de caducité (Art. 14). Auparavant, il revenait à l’AODE de produire au plus tard à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la décision attributive de subvention une attestation de commencement des travaux.

 

Il est en outre prévu un dispositif spécifique pour traiter la situation particulière des communes nouvelles. Ainsi, l’article 20 du décret prévoit notamment que « Les communes créées en application des articles L. 2113-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, demeurent éligibles aux aides attribuées à l’électrification rurale pour la partie ou les parties de leur territoire qui y étaient éligibles la veille de leur création ». Ainsi, une AODE peut continuer à percevoir des aides du FACE au titre de travaux réalisés sur une ancienne commune rurale, devenue une partie d’une commune nouvelle qui ne serait pas rurale au sens du décret.

 

A la demande de l’autorité organisatrice et après avis du gestionnaire de réseau concerné, le préfet peut même étendre à la totalité du territoire de ladite commune le bénéfice de l’aide à l’électrification rurale.

 

Le décret est entré en vigueur le 1er janvier 2021 (à l’exception de deux dispositions entrées en vigueur dès le 12 décembre).

 

Par ailleurs, on signalera également la parution le 3 décembre 2020 d’un arrêté relatif à la répartition des montants d’aides restant à affecter sur le programme principal pour l’année 2020.

 

En complément de l’arrêté du 27 mars 2020 relatif à la répartition annuelle des aides pour l’année 2020, l’arrêté du 3 décembre 2020 vient préciser que le montant de 8,48 M€ qui restait à affecter sur le programme principal est porté dans son intégralité au crédit du sous-programme « intempéries », compte tenu des besoins ayant été identifiés en cours d’année.

Précisions relatives à la mise en œuvre du droit à la prise pour l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les immeubles

Un décret du 24 décembre 2020 vient de préciser les modalités pratiques relatives à l’équipement des places de stationnement d’installations dédiées à la recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables par le locataire, l’occupant de bonne foi ou le copropriétaire d’une place de stationnement.

Pour mémoire, le « droit à la prise » est reconnu depuis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement. Néanmoins, les conditions de mise en œuvre de ce droit ont été progressivement ouvertes par les dispositions successivement adoptées. Ainsi, depuis la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, le droit à la prise a notamment été étendu à tous les immeubles et non plus uniquement ceux d’habitation.

Le décret du 24 décembre 2020, pris en application des articles L.111-3-8 et L. 111-3-9 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après, CCH) issus de la loi d’orientation des mobilités précitée, vient compléter ce dispositif en créant au sein du Code de la construction et de l’habitation de nouveaux articles R. 111-1 A à R. 111-1 D.

Ces nouvelles dispositions précisent la procédure à suivre par le locataire, le copropriétaire ou l’occupant de bonne foi (selon les cas) d’emplacements de parking situés dans un immeuble soumis, ou non, au statut de la copropriété, pour informer le propriétaire ou le syndic de son intention d’installation d’une borne de recharge, ainsi que les voies ouvertes au propriétaire ou au syndic pour s’y opposer.

Dans les différents cas susmentionnés, on soulignera que le locataire, l’occupant de bonne foi ou le copropriétaire est tenu de joindre à la notification qu’il effectue « un descriptif détaillé des travaux à entreprendre, assorti d’un plan technique d’intervention et d’un schéma de raccordement électrique », sauf à ce que l’établissement du plan ou du schéma soient rendus impossibles du fait du propriétaire ou du syndic selon le cas de figure.

Dans les différents cas également, lorsqu’il entend s’opposer aux travaux pour un motif sérieux et légitime, le propriétaire ou le syndic doit agir par la voie judiciaire en saisissant le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans un délai de trois mois à compter de la notification du locataire, de l’occupant de bonne foi ou du copropriétaire.

Le décret précise en outre les conditions et délais dans lesquels doit intervenir la signature, entre le propriétaire ou le syndic et le prestataire désigné, de la convention pour la réalisation de ces travaux. Cette convention, prévue par l’article L. 111-3-9 du CCH, fixe « les conditions d’accès et d’intervention du prestataire aux parties et équipements communs pour l’installation, la gestion et l’entretien des équipements permettant la recharge des véhicules électriques et hybrides rechargeables et desservant un ou plusieurs utilisateurs finals ». Est notamment envisagée l’hypothèse dans laquelle la convention ne serait pas signée dans les délais prévus. Et dans ce cas, il revient au locataire, à l’occupant ou au copropriétaire de saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, afin que ce dernier fixe lui-même les conditions d’accès et d’intervention du prestataire choisi pour réaliser les travaux.

Les dispositions, qui viennent en principe parachever le régime de ce « droit à la prise », sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

 

Déchets, indices de qualité de l’air et cycles : les nouveautés au 1er janvier 2021

I. Déchets

 

Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

L’actualité en matière de droit des déchets a été foisonnante en décembre 2020, avec la publication de nombreux décrets et arrêtés d’application de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

 

Ont ainsi été publiés au Journal officiel du mois de décembre 2020 le décret n° 2020-1757 du 29 décembre 2020 relatif à l’indice de réparabilité des équipements électriques et électroniques, le décret n° 2020-1758 du 29 décembre 2020 portant diverses modifications des dispositions du code de l’environnement relatives à la gestion des déchets, le décret n° 2020-1724 du 28 décembre 2020 relatif à l’interdiction d’élimination des invendus non alimentaires et à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage, le décret n° 2020-1725 du 29 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation relatives à la responsabilité élargie des producteurs, le décret n° 2020-1573 du 11 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets, l’arrêté du 30 novembre 2020 relatif aux signalétiques et marquages pouvant induire une confusion sur la règle de tri ou d’apport du déchet issu du produit, ainsi que divers textes portant agrément d’éco-organismes ou précisant les modalités de calcul de l’indice de réparabilité. Auparavant, le décret n° 2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs avait également été publié.

 

Il peut notamment être souligné que l’article 2 du décret n° 2020-1758 du 29 décembre 2020 portant diverses modifications des dispositions du code de l’environnement relatives à la gestion des déchets introduit l’article R. 541-61-2 au sein du Code de l’environnement, qui précise quels sont les établissements recevant du public devant se soumettre à l’obligation de collecte séparée des déchets régie par l’article L. 541-21-2-2 du même Code. Sont ainsi concernés les établissements recevant du public produisant plus de 1 100 litres de déchets par semaine, quelle que soit la nature des déchets. Cette disposition est entrée en vigueur au 1er janvier 2021 et son non-respect sera sanctionné d’une contravention de 4ème classe en application de l’article R. 541-78 du même Code.

 

Par ailleurs, de nombreuses dispositions du Code de l’environnement visant à réduire l’utilisation du plastique entrent en vigueur au 1er janvier 2021, en application de l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement.

 

Ainsi, sont interdites l’importation, la fabrication et la cession de certains sacs en plastique à usage unique, les manquements pouvant être sanctionnés par des amendes administratives. Sont également interdits les pailles (sauf lorsque destinées à un usage médical), les confettis en plastique, les piques à steak, les couvercles à verre jetables, les assiettes (y compris celles comportant un film plastique), les couverts, les bâtonnets mélangeurs pour boissons, les contenants ou récipients en polystyrène expansé destinés à la consommation sur place ou à emporter, les bouteilles en polystyrène expansé pour boissons ainsi que certaines tiges de support pour ballons et leurs mécanismes. En outre, est interdite la mise sur le marché des produits fabriqués à base de plastique oxodégradable.

 

Par ailleurs, en application du décret n° 2020-1724 du 28 décembre 2020 relatif à l’interdiction d’élimination des invendus non alimentaires et à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage, deux nouvelles contraventions entrent en vigueur au 1er janvier 2021. Sera ainsi sanctionné d’une contravention de 3ème classe le fait pour l’exploitant d’un établissement recevant du public de distribuer gratuitement des bouteilles en plastique contenant des boissons, sauf exception expressément prévue à l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement.

 

A partir du 1er janvier 2021, sont réputées non écrites les « clauses contractuelles imposant la fourniture ou l’utilisation de bouteilles en plastique à usage unique dans le cadre d’évènements festifs, culturels ou sportifs […], à l’exception des cas où la substitution de ces bouteilles par des produits réutilisables est impossible » (article L. 541-15-10 du Code de l’environnement).

 

 

II. Finances

 

Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021

En application de la loi de finances pour 2021, plusieurs dispositifs entrent en vigueur au 1er janvier 2021 et sont détaillés au sein du focus de la présente LAJEE. Ces dispositifs modifient notamment la composante déchets de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), visent à inciter à l’instauration d’une part incitative de la TEOM, ou encore ont pour objectif de réduire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, de lutter contre l’artificialisation des sols ou de favoriser les opérations de rénovation énergétique.

 

 

III. Modification de l’indice d’évaluation de la qualité de l’air

 

Arrêté du 10 juillet 2020 relatif à l’indice de la qualité de l’air ambiant

A compter du 1er janvier 2021 et en application de l’arrêté du 10 juillet 2020 relatif à l’indice de la qualité de l’air ambiant, l’indice utilisé par l’association agréée de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) Atmo pour évaluer la qualité de l’air va connaître trois modifications.

 

Tout d’abord, en cohérence avec les seuils de l’indice de l’Agence européenne pour l’environnement, les particules PM2,5 seront également prises en compte pour mesurer la qualité de l’air. En outre, le système de qualificatifs et de codes couleur permettant d’illustrer la qualité de l’air évolue afin d’intégrer une catégorie « Extrêmement mauvais » et supprimant la catégorie « Très bon ». Enfin, cet indice est désormais accessible sur l’ensemble du territoire métropolitain et d’outre-mer, à l’exception de la Nouvelle-Calédonie et peut être consulté pour chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ; auparavant, seules certaines agglomérations étaient concernées.

 

 

IV. Identification des cycles

 

Arrêté du 29 décembre 2020 relatif à l’identification des cycles 

L’arrêté du 29 décembre 2020 relatif à l’identification des cycles introduit un nouveau dispositif visant à lutter contre le vol des cycles. A compter du 1er janvier 2021, un identifiant doit ainsi être apposé sur les vélos neufs et permettra d’en identifier le propriétaire.

Examen de la constitutionnalité de certaines dispositions environnementales de la loi ASAP

Conseil constitutionnel, 3 décembre 2020, n° 2020-807 DC

 

Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la saisine de plus de 60 députés relative à la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, laquelle avait été commentée à l’occasion de la LAJEE n° 66 du mois de novembre 2020.

 

Les auteurs de la saisine contestaient notamment la conformité de plusieurs dispositions de portée environnementale de la loi ASAP aux normes constitutionnelles.

 

1°) Tout d’abord, les requérants questionnaient la constitutionnalité de l’article 34 de la loi, relatif aux conditions d’application des règles et prescriptions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cet article permet en effet d’étendre aux projets en cours d’instruction les règles de mise en conformité avec de nouvelles prescriptions applicables aux installations existantes. Il vise également à empêcher que les prescriptions relatives au gros œuvre ne s’appliquent aux projets existants ou en cours d’instruction. Les projets en cours d’instruction visés sont ceux dont la demande d’autorisation est complète.

 

Afin de considérer que l’article 34 ne méconnait pas la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, le Conseil constitutionnel relève tout d’abord que ses dispositions ne sont pas applicables lorsqu’y fait obstacle un motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France. Ensuite, le juge considère que ces dispositions n’ont pas pour objet de soustraire les projets en cours d’instruction aux prescriptions environnementales, mais de reporter leur mise en œuvre et que les dispositions relatives au gros œuvre ont pour objet d’éviter que l’adoption de nouvelles prescriptions entraine des conséquences disproportionnées. Enfin, le Conseil relève que l’article 34 de la loi ASAP n’empêche pas le Préfet de prendre en compte l’ensemble des règles de fond auxquelles le projet est soumis ni d’édicter des prescriptions spécifiques à chaque projet en plus des prescriptions générales fixées par le Ministre. Il rejette dès lors les moyens d’inconstitutionnalité soulevés.

 

2°) Ensuite, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article 44 de la loi ASAP, qui permet au Préfet de soumettre certains projets à consultation par voie électronique plutôt qu’à une enquête publique. Pour ces projets, l’enquête publique est alors réalisée lorsque le Préfet estime cette procédure nécessaire en raison des impacts du projet sur l’environnement ou sur l’aménagement du territoire et des enjeux socio-économiques qu’y s’y attachent. Les requérants soutenaient que ces termes étaient trop imprécis pour encadrer le pouvoir du Préfet, ce qui constituerait une incompétence négative du législateur qui est tenu d’encadrer la participation du public en application de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le juge constitutionnel considère toutefois que cet encadrement impose au Préfet d’apprécier les impacts du projet sur l’environnement, ce qui définit suffisamment les conditions de participation du public. Le Conseil constitutionnel juge donc cet article conforme à la Constitution.

 

3°) Enfin, les requérants soutenaient que l’article 56 de la loi ASAP méconnaissait la Charte de l’environnement et le droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu’il permet au Préfet d’autoriser l’exécution de certains travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale. Le Conseil constitutionnel juge cependant que cette possibilité est suffisamment encadrée pour être conforme aux normes constitutionnelles. Ainsi, le juge rappelle que le Préfet ne peut autoriser que les travaux dont la réalisation ne nécessite pas une décision spécifique (une décision spécifique pouvant consister en une autorisation de défrichement, une autorisation pour l’émission de gaz à effet de serre, ou encore une décision de non opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000…), qu’il doit avoir eu connaissance de l’autorisation d’urbanisme, que la possibilité d’exécution anticipée des travaux doit avoir été portée à la connaissance du public et que la décision préfectorale est susceptible de recours.

Précision sur les modalités de gestion et préservation de la ressource en eau par les services assurant les prélèvements pour l’alimentation en eau potable

Le décret n° 2020-1762 du 30 décembre 2020 relatif à la contribution à la gestion et à la préservation de la ressource en eau a été publié au Journal officiel du 31 décembre 2020 et vise à définir les modalités de contribution des services assurant tout ou partie du prélèvement en eau utilisée pour l’alimentation en eau potable à la gestion et à la préservation de cette ressource.

 

Tout d’abord, l’article 1er de ce décret introduit une définition de l’aire d’alimentation des captages, au sein de l’article R. 211-110 du Code de l’environnement. Ainsi, « l’aire d’alimentation des captages correspond aux surfaces sur lesquelles l’eau qui s’infiltre ou ruisselle contribue à alimenter la ressource en eau dans laquelle se fait le prélèvement. Elle peut s’étendre au-delà des périmètres de protection de captages institués en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique ».

 

Ensuite, l’article 2 du décret du 20 décembre 2020 précise les modalités de mise en œuvre du deuxième alinéa de l’article L. 2224-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), introduit par la loi engagement et proximité du 27 décembre 2019, et qui dispose que « le service qui assure tout ou partie du prélèvement peut contribuer à la gestion et à la préservation de la ressource ». Ces modalités d’intervention sont ainsi désormais décrites aux articles R. 2224-5-2 et R. 2224-5-3 du CGCT.

 

Le décret énonce ainsi que la commune, l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou le syndicat mixte compétent pour le prélèvement de l’eau doit adopter une délibération formalisant son intention de contribuer à la gestion et à la préservation de la ressource en eau. L’autorité compétente doit également élaborer un plan d’action « visant à contribuer au maintien ou à l’amélioration de la qualité de la ressource utilisée pour la production d’eau destinée à la consommation humaine » et veiller à sa mise en œuvre et à son évaluation.

 

Il est précisé que ce plan d’action doit contenir des mesures, définies en concertation avec les acteurs concernés, permettant d’éviter, réduire ou supprimer les pollutions de toute nature ou à limiter leur transfert vers la ressource en eau. Le décret présente alors une liste non-exhaustive de ces mesures, qui peuvent consister en des opérations de sensibilisation et d’information, en la réalisation d’études, au suivi de la qualité des eaux, au recours à la maitrise foncière, au soutien de la transition agroécologique, à la mise en place d’aménagements limitant le transfert de pollutions vers la ressource en eau…

 

Lorsque la contribution à la gestion et préservation de la ressource est mutualisée, une convention doit fixer les modalités de cette mutualisation et préciser le ou les services chargés du pilotage du plan d’action et les modalités de suivi de ce plan.

Adoption de la loi relative à la justice environnementale

La loi relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a été publiée le 24 décembre 2020. Outre les dispositions relatives au nouveau Parquet européen, dont le rôle est d’enquêter et de poursuivre les fraudes au budget de l’UE et autres infractions portant atteinte aux intérêt financiers de l’Union, et à la justice pénale spécialisée en matière de lutte contre le terrorisme, la criminalité, la délinquance organisée et la délinquance économique et financière, la loi comporte des dispositions relatives à la justice environnementale.

 

En effet, son titre II est consacré à la justice pénale spécialisée et son titre V aux dispositions relatives à la lutte contre les atteintes à l’environnement. La loi crée ainsi des juridictions spécialisées en matière d’environnement. A cet effet, un tribunal judiciaire sera désigné dans le ressort de chaque Cour d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits environnementaux et sera également compétent en matière civile pour juger des actions relatives au préjudice écologique, des actions en responsabilité civiles prévues par le Code de l’environnement et des actions en responsabilité civile fondées sur les régimes spéciaux de responsabilité applicables en matière environnementale résultant de règlements européens, de conventions internationales et de lois prises pour l’application de ces conventions.

 

La loi crée en outre la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), présentée dans le communiqué de presse du Conseil des Ministres comme une « nouvelle réponse judicaire permettant de mettre en œuvre des mécanismes de compensation ou de réparation environnementale ». En effet, cette convention permet au Procureur de la République, tant que l’action publique n’a pas été « mise en mouvement », de proposer, en alternative aux poursuites, une transaction pénale à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus par le Code de l’environnement et pour des infractions connexes (à l’exclusion des crimes et délits), c’est-à-dire de conclure une convention comportant une ou plusieurs des obligations suivantes : verser une amende d’intérêt public au Trésor public, qui pourra atteindre 30% du chiffre d’affaire de l’entreprise, régulariser sa situation dans le cadre d’un programme de mise en conformité, réparer le préjudice écologique résultant des infractions commises, dans un délai de 3 ans maximum. Cette convention vise ainsi à donner une réponse rapide au traitement des affaires dirigées contre des personnes morales à enjeu financier important.

 

La loi contient enfin d’autres dispositions environnementales relatives à la possibilité d’immobiliser un navire ayant rejeté des eaux de ballast nuisibles, au délit réprimant le non-respect d’une obligation de remise en état ou d’une mesure de surveillance prescrites après la cessation d’activité d’une opération, d’une installation ou d’un ouvrage. Les inspecteurs de l’Office français de la biodiversité se voient en outre confier des compétences de police judiciaire, et la compétence des juridictions du littoral spécialisées (JULIS) est étendue à de nouvelles infractions commises au large des côtes françaises.

Actualités relatives aux pesticides

CE, 31 décembre 2020, Association Générations futures et autres, n° 439127

CE, 31 décembre 2020, Commune d’Arcueil, n° 439253

CE, 31 décembre 2020, Commune de Gennevilliers, n° 440923

 

 

Les pesticides et leur utilisation ont fait l’objet de plusieurs actualités ces dernières semaines.

 

En premier lieu, un décret paru le 27 novembre 2020 crée, au sein de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, un fond d’indemnisation des victimes de pesticides permettant à ces dernières, c’est-à-dire les personnes malades exposées du fait de leur activité professionnelle et les enfants exposés durant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de l’un des parents, de voir leur demande d’indemnisation facilitée grâce à la centralisation de ces demandes. Le décret porte ainsi sur les modalités d’organisation et de fonctionnement de ce nouveau fonds d’indemnisation, sur les modalités d’instruction des demandes et sur les règles d’indemnisation des victimes, en procédant aux adaptations nécessaires au regard du droit commun de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

 

En outre, le Conseil d’Etat a rendu le 31 décembre 2020 une décision de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel à la demande de plusieurs associations. Ces dernières s’interrogent sur la constitutionnalité des dispositions du III de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime relatives à la mise en place d’une charte d’engagement à l’échelle départementale devant formaliser les mesures de protection des personnes habitant à proximité des zones d’épandage que les utilisateurs des produits phytopharmaceutiques s’engagent à respecter. Les associations estiment en effet que ces dispositions méconnaissent le principe de participation du public à l’élaboration des décision publiques ayant une incidence sur l’environnement, garanti par l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le Conseil d’Etat a estimé que le moyen des requérantes, qui soutiennent que les dispositions en cause ne prévoient pas des modalités suffisantes de participation du public préalablement à l’élaboration des chartes d’engagement des utilisateurs, soulève une question présentant un caractère sérieux. Il convient dès lors désormais d’attendre la décision du Conseil constitutionnel.

 

Enfin, le Conseil d’Etat a rendu le même jour deux décisions attendues relatives aux arrêtés dits « anti-pesticides » ou « anti-glyphosate » pris par les Maires de Gennevilliers et d’Arcueil, à l’instar des Maires de nombreuses communes, visant à interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de leur commune. Ces arrêtés ont été systématiquement déférés par les Préfets. Les débats devant les Tribunaux administratifs et les Cours administratives d’appel, saisis tant en référé (suspension) qu’au fond (annulation) portaient sur la compétence des Maires à prendre ces arrêtés au titre de leurs pouvoirs de police administrative générale en présence d’une police administrative spéciale confiée au Ministre en charge de l’agriculture et au Préfet. Le Conseil d’Etat est venu clore les débats en estimant que le législateur avait organisé une police spéciale de mise sur le marché des produits visés par les arrêtés litigieux, dont l’objet était d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement tout en améliorant la production agricole, « alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l’état des connaissances scientifiques, incertains ». Ainsi, le Conseil d’Etat retient que le Maire ne peut user de ses pouvoirs de police « pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’Etat de prendre ». Par ces décisions, le Conseil d’Etat retient que la police spéciale en matière d’utilisation des produits phytopharmaceutiques possède un caractère exclusif, c’est-à-dire que son existence interdit l’intervention du Maire en la matière, et ce peu important l’existence de circonstances locales particulières, moyen développé par les Maires lors des débats au fond.

Loi de finances pour 2021 et environnement : des mesures nombreuses mais à l’ambition critiquée

CC, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC 

Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, 30 septembre 2020

Avis du Haut Conseil pour le Climat sur le plan de relance

 

La loi n° 2020-1721 de finances pour 2021 a été publiée au Journal officiel du 30 décembre 2020, qui inclut le « plan de relance », lequel fait l’objet d’une mission budgétaire spécifique.

 

Et, parmi ses dispositions, la loi en cause comporte plusieurs dispositions ayant trait aux thématiques environnementales. Ainsi, elle instaure ou proroge plusieurs dispositifs dont le but recherché est de soutenir les opérations de rénovation énergétique (I), d’inciter à la création d’obligations réelles environnementales (II), de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (IV) ou encore de lutter contre l’artificialisation des sols (VI). D’autres mesures se rattachent aux domaines des déchets (III), de la prévention des risques (V), de la gestion des forêts (VII) ou encore des transports (VIII) ; des mesures environnementales diverses sont également à mentionner (IX).

 

Il importe au préalable de souligner que le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement a été soumis à un exercice inédit, en application de l’article 179 de la loi de finances pour 2020, celui de l’évaluation de l’impact environnemental des dépenses du budget de l’Etat. Ainsi, le compte rendu du Conseil des ministres du 28 septembre 2020 exposait que « la totalité des dépenses du budget de l’État et des dépenses fiscales font l’objet d’une cotation indiquant leur impact environnemental (climat, adaptation au changement climatique, ressource en eau, économie circulaire, lutte contre les pollutions, biodiversité). La France est pionnière au niveau mondial dans cette démarche de transparence, qui enrichit l’information du Parlement et des citoyens sur les effets de l’action publique sur l’environnement ».

 

Relevons également que certaines des dispositions de la loi de finances pour 2021 ont fait l’objet d’un contrôle a priori par le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par plus de 60 députés et par plus de 60 sénateurs. Par sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré la conformité partielle de la loi à la Constitution, en censurant sept de ses dispositions qui constituaient des cavaliers budgétaires, leur objet ne se rattachant pas de manière suffisamment directe aux finances et au budget de l’Etat (Conseil constitutionnel, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC) ; celles concernant des aspects environnementaux seront évoquées ci-après.

 

Enfin, il est à noter que les dispositions environnementales adoptées dans le cadre de la loi de finances l’ont été en faisant l’objet de plusieurs critiques.

Ainsi, il avait été reproché au projet de loi initial (PLF) de ne pas répondre à l’urgence écologique et au plan de relance de viser « avant tout à rétablir au plus vite le fonctionnement du marché ; il privilégie de façon déraisonnable le secteur marchand, au détriment des politiques publiques » en matière environnementale (l’annexe 16 du Tome III du rapport parlementaire n° 3399, de M. Laurent SAINT-MARTIN, fait au nom de la commission des finances et déposé le 8 octobre 2020). A ce stade des discussions parlementaires, le manque de moyens de plusieurs institutions était ainsi souligné, notamment la baisse des effectifs du Ministère de la transition écologique, l’abaissement du plafond des redevances des Agences de l’eau ou encore la sous-dotation du dispositif de contrôle des installations industrielles dangereuses.

En outre, en décembre 2020, le Haut Conseil pour le Climat a également rendu un avis sur la mission « plan de relance », intégrée dans la loi de finances pour 2021, et expose notamment que « les mesures permettant d’enclencher les transformations structurelles nécessaires pour décarboner l’économie française n’apparaissent pas clairement. Par ailleurs les deux tiers du plan soutiennent l’activité économique dans la continuité des pratiques actuelles ».

Ainsi, si des mesures environnementales ont été prises, les critiques formulées ont pu souligner le défaut de leur caractère structurel.

I. Dispositifs temporaires de soutien à la rénovation énergétique

La loi de finances pour 2021 met en place plusieurs dispositifs limités dans le temps visant à encourager et soutenir la rénovation énergétique des bâtiments.

1°) Concernant les ménages, tout d’abord, la loi de finances pour 2021 étend les bénéficiaires du dispositif « MaPrimeRénov’ » (article 241), lequel vise à financer les projets de rénovation énergétique des ménages les plus modestes. Le texte élargit ainsi, jusqu’au 31 décembre 2022, les bénéficiaires aux « propriétaires-occupants des 9ème et 10ème déciles de revenus ainsi qu’aux propriétaires bailleurs de tous les déciles de revenus » (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

2°) Les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficieront elles aussi d’un dispositif permettant de soutenir la rénovation énergétique. En effet, l’article 27 de la loi de finances pour 2021 crée, pour certaines dépenses strictement définies engagées entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021, un crédit d’impôt dont peuvent bénéficier les PME au titre de la réalisation de certaines opérations de rénovation énergétique des bâtiments ou parties de bâtiments à usage tertiaire dont les PME sont propriétaires ou locataires.

3°) S’agissant des personnes publiques, l’article 242 de la loi de finances pour 2021 instaure, jusqu’au 31 décembre 2021, une dérogation au principe posé par l’article L. 1111-10, III du CGCT selon lequel la collectivité ou le groupement de collectivités maître d’ouvrage d’une opération d’investissement doit assurer une participation financière minimale de 20 %. Le préfet pourra ainsi accorder des dérogations, strictement encadrées et à certaines collectivités seulement, lorsque les opérations concernent la rénovation énergétique.

En matière de rénovation énergétique, l’article 243 de la loi de finances pour 2021 prévoyait d’instaurer des dérogations au Code de la commande publique, jusqu’au 31 décembre 2022, visant à permettre aux maîtres d’ouvrages publics de conclure certains marchés de conception-réalisation lorsque ceux-ci comprenaient des travaux de réduction de la consommation énergétique des bâtiments. Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé que cette mesure « n’affecte pas directement les dépenses budgétaires de l’année » et l’a déclarée contraire à la Constitution (Conseil constitutionnel, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC, §59).

II. Incitations à la création d’obligations réelles environnementales

Le PLF 2021 met en place des dispositifs d’exonération fiscale pour les propriétaires de biens immobiliers contractant une obligation réelle environnementale (ORE, régie à l’article L. 132-3 du Code de l’environnement[1]), incitant ainsi à la mise en œuvre de cet instrument.

1°) En effet, en application de l’article 36 de la loi de finances pour 2021, ces propriétaires ne seront pas tenus de verser la contribution de sécurité immobilière (CSI), laquelle est régie à l’article 879 du Code général des impôts (CGI) qui prévoit une contribution à l’Etat de toute personne accomplissant certaines formalités de publicité.

2°) En outre, en application de l’article 130 de la loi de finances pour 2021, les communes et les EPCI pourront adopter une délibération permettant d’exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, pour la part qui leur revient, les propriétés non bâties dont le propriétaire a conclu un contrat d’ORE, et ce pendant toute la durée du contrat. Cette possibilité était déjà reconnue pour les communes à l’article 1394 D du CGI mais elle a été précisée et mentionne désormais explicitement les EPCI.

 

III. Mesures se rattachant à la thématique des déchets

Certaines mesures de la loi de finances pour 2021 traitent de la thématique des déchets, se rattachant notamment à la composante déchet de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et à la part incitative de la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

1°) Plusieurs modifications sont apportées à la composante déchets de la TGAP. L’article 62 de la loi de finances pour 2021 modifie l’article 266 nonies du Code des douanes et précise le champ d’application du dispositif de tarification réduite de la TGAP pour les déchets ayant un important pouvoir calorifique. En effet, en application du paragraphe 1, A, h de cet article du Code des douanes, les déchets à haut pouvoir calorifique identifiés comme des résidus des opérations de tri performantes bénéficient d’un tarif réduit de la TGAP. L’article 62 de la loi de finances permet de mieux identifier ces déchets et indique que le pouvoir calorifique inférieur devra être « supérieur ou égal à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’environnement ». Ainsi, seuls les résidus de haut pouvoir calorifique issus d’une opération de tri performante pourront bénéficier du tarif réduit de la TGAP et non l’ensemble des résidus issus d’une telle opération. La définition des opérations de tri performantes est également précisée par l’article 62 de la loi commentée.

L’article 63 de la loi de finances pour 2021 modifie la réfaction de la composante déchets de la TGAP applicable à la Guyane et à Mayotte par rapport aux tarifs de droit commun, la portant à 75% puis à 70% à compter du 1er janvier 2024. Il existe une exception à cette réfaction pour les installations de stockage non accessibles par voie terrestre situées en Guyane, pour lesquelles le tarif est fixé à 3 euros par tonne.

2°) Mesures de soutien à la mise en œuvre de la part incitative de la TEOM. L’article 1522 bis, I bis, du CGI permet aux communes et aux EPCI d’instaurer une part incitative de la TEOM, assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, durant une certaine période et sur une partie de leur territoire. A l’issue de cette période, cette tarification incitative s’appliquera sur l’ensemble du territoire de la commune ou de l’EPCI, qui pourra sinon choisir de supprimer ce dispositif. La loi de finances pour 2021 prévoit que cette période de test de la part incitative de la TEOM sera étendue de cinq à sept ans (article 135 de la loi de finances pour 2021).

Par ailleurs, afin d’inciter les communes et les EPCI à instaurer une part incitative de la TEOM, la loi de finances pour 2021 prolonge le délai d’harmonisation des modes de financement du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers pour les nouveaux EPCI issus d’une fusion (article 218). En effet, lorsqu’un EPCI est créé par fusion, celui-ci dispose d’un certain délai pour harmoniser le mode de financement de ce service public sur l’ensemble de son territoire. Ce délai a été allongé de deux années par la loi de finances pour 2021, dans le but de laisser plus de temps aux EPCI pour mettre en place un régime de TEOM incitative. Les collectivités ne sont pas tenues de choisir de l’instaurer, mais la mise en œuvre de ce dispositif nécessite plus de temps et le législateur a souhaité « ne pas en décourager le déploiement là où elle apparaît possible avec le temps inhérent à sa mise en œuvre » (amendement n° II-1423 rect. bis).

3°) Des précisions techniques sont apportées sur les modalités d’évaluation de la valeur locative des casiers d’enfouissement de déchets. L’article 133 de la loi de finances pour 2021 modifie également la rédaction de l’article 1499-00 A du CGI, qui porte des dérogations à l’article 1499 du CGI relatif à la détermination de la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans la nouvelle rédaction de l’article 1499-00 A du CGI, il est précisé que la méthode d’évaluation dérogatoire à l’article 1499 ne se voit appliquée qu’aux « propriétés et fractions de propriétés », que les équipements visés sont « souterrains » et que ce régime dérogatoire ne s’applique qu’aux installations de stockage de déchets « non-dangereux ». Le champ d’application de cet article est donc précisé.

4°) Enfin, le financement de la filière « navires de plaisance ou de sport » de la responsabilité élargie du producteur (REP) est augmenté. L’article 56 de la loi de finances pour 2021 modifie en effet l’ordre de priorité d’affectation du produit du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN), inscrivant les éco-organismes de la filière navires de plaisance ou de sport en première position. Il est en outre prévu que la quote-part du produit de la taxe affecté aux éco-organismes est fixé à 3% à compter du 1er janvier 2021, au lieu de 2 % actuellement, mais elle pourra être réduite à 2 % en cas de non‑atteinte des objectifs de traitement des déchets fixés pour l’année précédente par le cahier des charges.

IV. Des dispositifs de crédits d’impôt pour réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques

La loi de finances pour 2021 contient également des mesures visant à réduire l’utilisation des pesticides.

 

1°) A cet égard, l’article 140 de la loi de finances prévoit un dispositif de crédit d’impôt favorable à certaines entreprises agricoles n’utilisant pas de glyphosate. Ainsi, lorsque ces entreprises agricoles n’utilisent pas de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active du glyphosate au cours des années 2021 et 2022, elles bénéficieront d’un crédit d’impôt au titre de l’année pendant laquelle ces produits n’ont pas été utilisés. Le montant de ce crédit d’impôt s’élève à 2 500 euros et est imputé sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’année où le glyphosate n’a pas été utilisé.

La date d’entrée en vigueur de ce dispositif sera précisée par décret, la Commission européenne devant d’abord donner une réponse sur la conformité de ce dispositif au droit européen des aides d’Etat.

2°) Par ailleurs, la loi de finances pour 2021 prévoit la prolongation de la durée d’application du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique (article 150). L’article 244 quater L du CGI prévoyait déjà que certaines entreprises agricoles dont une part des recettes provient d’activités d’agriculture biologique bénéficiaient d’un crédit d’impôt s’élevant à 3 500 euros. Ce dispositif devait prendre fin en 2020, mais a été étendu jusqu’à 2022 par la loi de finances pour 2021. Il ne sera toutefois pas cumulable avec le crédit d’impôt pour les agriculteurs n’utilisant pas de glyphosate.

3°) Enfin, l’article 151 de la loi de finances pour 2021 instaure un crédit d’impôt dont le montant s’élève à 2 500 euros pour les entreprises agricoles disposant d’une certification d’exploitation à haute valeur environnementale (HVE, article L. 611-6 du Code rural et de la pêche maritime), à condition que cette certification soit en cours de validité au 31 décembre 2021 ou délivrée au cours de l’année 2022.

V. Mesures se rattachant à la thématique de la prévention des risques

1°) En matière de prévention des risques naturels, la loi de finances pour 2021 traite notamment du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM, dit « Fonds Barnier »). Tout d’abord, ce fond a été intégré au budget de l’Etat (article 85 de la loi de finances pour 2021). Il est précisé dans les travaux parlementaires que cette intégration est réalisée « dans un contexte de diminution de la trésorerie du fonds et d’augmentation inévitable de ses dépenses dans les années à venir » (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

2°) En outre, l’article L. 561-3 du Code de l’environnement a été réécrit afin de procéder à une clarification et une actualisation des interventions du Fonds Barnier (article 224, I de la loi de finances). En effet, les dispositions afférentes aux interventions du Fonds, auparavant réparties entre le Code de l’environnement et les lois de finances pour 2004 et pour 2006, sont désormais reprises au sein de cet article. Par ailleurs, un nouveau dispositif expérimental dénommé « Mieux reconstruire après inondation » a été créé (article 224, III de la loi de finances), dont l’objectif est d’encourager et de renforcer les opérations de réduction de la vulnérabilité du bâti existant après une inondation. Ce dispositif expérimental devant bénéficier aux biens à usage d’habitation couverts par un contrat d’assurance sera mis en place dans les communes désignées par arrêté ministériel parmi celles faisant l’objet, depuis moins d’un an, d’un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à la suite d’inondations. Cette expérimentation est limitée à trois ans et devra faire l’objet d’un rapport de présentation du Gouvernement au Parlement.

3°) Enfin, pour certains territoires d’Outre-mer, l’article 105 de la loi commentée instaure une prolongation du dispositif de réduction d’impôt prévu à l’article 199 undecies A du CGI à raison des travaux de confortation contre le risque sismique ou cyclonique. Ce dispositif, qui devait cesser de s’appliquer pour les investissements réalisés au-delà du 31 décembre 2020, sera prolongé jusqu’au 31 décembre 2023. Les travaux parlementaires indiquent que « cette prorogation se justifie, alors que ces territoires font face à d’importants aléas climatiques et que ce dispositif est le seul permettant de financer des travaux de réhabilitation indépendamment d’une acquisition » (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

4°) En matière de prévention des risques technologiques, l’article 117 de la loi de finances pour 2021 instaure une prolongation du dispositif de crédit d’impôt pour les travaux prescrits dans le cadre d’un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). En effet, en application de l’article L. 515-16-2 du Code de l’environnement, un PPRT peut prescrire aux particuliers la réalisation de certains travaux de protection de leur logement. L’article 200 quater A, 1 bis du CGI prévoit alors que certains propriétaires peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt pour la réalisation des travaux prescrits. Ce dispositif, qui devait prendre fin au 31 décembre 2020, a été étendu par la loi de finances jusqu’au 31 décembre 2023, à condition toutefois que les travaux soient réalisés dans les délais prescrits par les textes. L’article L. 515-16-2 du Code de l’environnement dispose en effet, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2021, que les travaux de protection prescrits pour les logements doivent être réalisés dans un délai de huit ans à compter de l’approbation du PPRT, ou avant le 1er janvier 2024 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2016. L’exposé des motifs de l’amendement ayant introduit cette disposition expose que celle-ci « s’inscrit dans le prolongement des recommandations de la commission d’enquête du Sénat constituée après l’accident industriel majeur de Lubrizol et Normandie Logistique » (amendement n° N° II-99 rect.).

VI. Mesures se rattachant à la gestion des forêts

1°) Prolongation des dispositifs de soutien aux opérations forestières. La loi de finances pour 2021 modifie l’article 199 decies H du CGI en instaurant une prorogation du dispositif d’incitation fiscale aux investissements forestiers (article 103 de la loi de finances). Ainsi, en application de cet article du CGI, les contribuables domiciliés en France bénéficient d’une réduction d’impôt lorsqu’ils réalisent certaines opérations forestières[2]. Ce dispositif devait prendre fin au 31 décembre 2020 mais a été prorogé par la loi de finances pour 2021 jusqu’au 31 décembre 2022. Ce même article de la loi instaure également une prolongation du dispositif de crédit d’impôt régi à l’article 200 quindecies du CGI pour les contribuables réalisant certaines opérations forestières[3] jusqu’au 31 décembre 2022.

 

2°) L’article 176 du projet de loi de finances pour 2021 prévoyait en outre que les agents des douanes, tenus au secret professionnel, pourraient échanger des informations intéressant la lutte contre la déforestation importée avec les agents chargés de la mise en œuvre de la stratégie nationale contre la déforestation importée (SNDI). Toutefois, le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition n’avait pas sa place au sein d’une loi de finances et a ainsi censuré ce cavalier législatif (Conseil constitutionnel, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC, §53).

VII. Mesures se rattachant à la lutte contre l’artificialisation des sols et pour le renouvellement urbain

En matière d’urbanisme et d’aménagement, il importe de noter que plusieurs mesures de la loi de finances pour 2021 ont pour objectif de lutter contre l’artificialisation des sols.

1°) Ainsi, tout d’abord, l’article 141 de la loi de finances pour 2021 porte plusieurs adaptations de la taxe d’aménagement, dont l’objectif est de soutenir la lutte contre l’artificialisation des sols. Ainsi, cet article permet notamment aux Départements de mobiliser la part départementale de la taxe d’aménagement pour financer des opérations de renaturation, c’est-à-dire d’acquisition de terrains pour les convertir en espaces naturels. Par ailleurs, l’article 141 assouplit les conditions permettant de recourir au taux majoré de la part communale ou intercommunale. En effet, le taux de la part communale de la taxe d’aménagement est fixé entre 1 et 5 %, mais peut, par délibération, être majoré jusqu’à 20 %. Une telle majoration est possible dans certains secteurs lorsque des travaux « substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs » (article L. 331-15 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi commentée). En application de la loi de finances pour 2021, il sera désormais également possible d’y recourir lorsque des travaux « de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population » sont rendus nécessaires.

2°) La loi de finances pour 2021 instaure également, sous certaines conditions, un abattement sur les plus-values immobilières résultant de la cession de biens immobiliers bâtis ou de droits relatifs à ces mêmes biens, situés au sein des périmètres des grandes opérations d’urbanisme ou des opérations de renouvellement du territoire (article 38 de la loi commentée). Ce mécanisme a été adopté dans un objectif affiché de lutte contre l’artificialisation des sols, visant à favoriser la construction dans certains secteurs déjà « artificialisés ». Cette disposition introduite par le Gouvernement a toutefois fait l’objet de vives critiques au sein des travaux parlementaires. Il est notamment reproché au Gouvernement de n’avoir « apporté aucune estimation sur le coût du dispositif, ni d’objectif quantitatif » ou encore de ne pas avoir démontré « en quoi l’abattement aurait un effet déclencheur significatif sur le lancement de programmes de construction », faisant craindre un effet d’aubaine (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

3°) En outre, l’article 37 de la loi de finances pour 2021 prolonge de deux ans le dispositif d’exonération d’impôt au titre de la cession d’un droit de surélévation, régi à l’article 150 U du CGI. Ce dispositif vise à favoriser la surélévation d’un immeuble plutôt que la construction sur un terrain non « artificialisé », participant ainsi à la lutte contre l’étalement urbain (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

4°) Il importe néanmoins de noter que le versement pour sous-densité, mécanisme prévu à l’article L. 331-36 du Code de l’urbanisme qui visait à lutter contre l’étalement urbain et à inciter à la densification des constructions, a été supprimé par l’article 155 de la loi de finances pour 2021. Les travaux parlementaires indiquent ainsi que l’article 155 « abroge le versement pour sous-densité (VSD) institué en 2010, qui n’a été que très peu mis en place par les communes et dont le produit est extrêmement faible » (Rapport n° 3659 de M. Laurent SAINT-MARTIN, fait au nom de la commission des finances, déposé le 11 décembre 2020).

VIII. Mesures se rattachant aux thématiques des transports et de la mobilité

De nombreuses mesures de la loi de finances pour 2021 concernent les transports, certaines d’entre elles peuvent être mises en avant au regard de leur dimension environnementale affichée.

1°) Mesures concernant le développement des véhicules électriques.

Tout d’abord, l’article 53 de la loi de finances pour 2021 instaure un crédit d’impôt pour l’acquisition et la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique, lequel sera régi à l’article 200 quater C du CGI. Sous conditions, les contribuables domiciliés en France pourront ainsi bénéficier de ce dispositif au titre des dépenses engagées pour l’acquisition et la pose d’un système de charge pour véhicule électrique dans le logement qu’ils occupent ou dont ils sont propriétaires. Ce dispositif est instauré pour les dépenses engagées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023.

En outre, l’article 153 de la loi de finances pour 2021 introduit une nouvelle exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, lesquelles sont énumérées à l’article 995 du CGI. Sont ainsi exonérées de cette taxe spéciale les assurances contre les risques relatifs aux véhicules terrestres à moteur électriques dont le certificat d’immatriculation est émis à compter du 1er janvier 2021.

2°) Mesures concernant les véhicules à moteur

La loi de finances pour 2021, en son article 55, opère également une refonte des taxes sur les véhicules à moteur. En particulier, en lien avec les travaux de la Convention citoyenne sur le climat, cet article prévoit une augmentation du malus CO2 à l’immatriculation, abaisse les seuils d’application de la taxe et augmente son montant marginal.

En outre, l’article 171 de la loi de finances pour 2021 instaure une taxe sur la masse en ordre de marche, c’est-à-dire le poids, des véhicules de tourisme, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022. Il s’agit d’une mesure issue des travaux de la Convention citoyenne sur le climat. Le seuil minimal de cette taxe est de 1,8 tonnes. Ainsi, la loi de finances pour 2021 instaure un malus sur le poids des véhicules dont le poids est supérieur à 1,8 tonne.

3°) Mesures relatives au forfait mobilité durable.

Certaines mesures de la loi de finances concernent le forfait mobilité durable, qui a été instauré par l’article 82 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités et prévoit la prise en charge par l’employeur de certains frais engagés par les salariés lors leurs déplacements domicile-travail.

Tout d’abord, l’article 57 de la loi de finances pour 2021 augmente le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu pour les sommes versées au titre de la prise en charge par l’employeur des frais personnels occasionnés par certains moyens de transport plus « propres » identifiés par l’article L. 3261-3-1 du Code du travail[4], qui évolue de 400 à 500 euros. Il s’agissait également d’une mesure issue des travaux de la Convention citoyenne sur le climat. L’article 119 de la loi prévoit quant à lui la possibilité pour l’employeur de prendre en charge, dans le cadre du forfait mobilité durable, les frais liés aux engins de déplacement personnel motorisés, c’est-à-dire aux trottinettes électriques personnelles.

                                          

4°) Autres mesures dans le domaine des transports

La loi de finances pour 2021 contient d’autres mesures liées au secteur des transports. Ainsi, l’article 59 instaure une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur l’essence utilisée pour l’aviation de tourisme privée. L’article 58 vise quant à lui à renforcer les incitations à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports, via une modification de la taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants codifiée à l’article 266 quindecies du Code des douanes. Enfin, l’article 60 apporte des précisions techniques sur le périmètre d’application du tarif réduit de taxation de l’industrie extractive de l’andalousite s’agissant du gazole non routier, notamment en définissant l’andalousite de manière plus précise.

IX. Mesures diverses

1°) Il importe de souligner que l’article 244 de la loi de finances pour 2021 définit des contreparties pour les personnes morales de droit privé qui bénéficient des crédits ouverts par la présente loi au titre de la mission « Plan de relance ». Celles-ci sont en effet tenues à plusieurs obligations, devant être respectées avant le 31 décembre 2022. A cet égard, il est notamment prévu que les entreprises de plus de 50 salariés n’étant pas déjà soumises à cette obligation devront établir un bilan simplifié de leurs émissions de gaz à effet de serre, lequel sera rendu public. Toutefois, contrairement à d’autres obligations, son non-respect n’apparaît assorti d’aucune sanction financière.

2°) L’article 246 de la loi commentée institue quant à lui un mécanisme de suivi de l’exécution du plan de relance. Il s’agit d’un comité de suivi, placé auprès du premier ministre, dont la mission est notamment de suivre l’exécution budgétaire du plan et son efficacité économique, sociale et environnementale au regard des objectifs poursuivis.

3°) La loi de finances pour 2021 modifie le plafonnement du montant annuel des taxes et redevances perçues par les Agences de l’eau (article 82 de la loi commentée). En effet, s’il était auparavant prévu que le plafond en cause ne prenait pas en compte la part de ces taxes et redevances destinée au versement de la redevance au profit de l’Office français de la biodiversité prévu par l’article L. 213-10-8, V du Code de l’environnement, tel n’est plus le cas.

Solenne Daucé et Julie Cazou

[1] L’alinéa 1er de l’article L. 132-3 du Code de l’environnement définit le régime des obligations réelles environnementales comme suit : « Les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ».

[2] L’article 199 decies H vise notamment l’ « acquisition de terrains en nature de bois et forêts ou de terrains nus à boiser de 4 hectares au plus lorsque cette acquisition permet d’agrandir une unité de gestion pour porter sa superficie à plus de 4 hectares […] » ou les « souscriptions ou acquisitions en numéraire de parts d’intérêt de groupements forestiers qui ont pris l’engagement d’appliquer pendant quinze ans un plan simple de gestion agréé […] ».

[3] L’article 200 quindecies du CGI vise notamment les « travaux forestiers effectués dans une propriété lorsqu’elle constitue une unité de gestion d’au moins 10 hectares […] » ou les « travaux forestiers payées par un groupement forestier ou une société d’épargne forestière dont le contribuable est membre […] », le crédit d’impôt étant accordé en contrepartie d’engagements du bénéficiaire visant notamment à la conservation des parcelles. 

[4] L’article L. 3261-3-1 du Code du travail vise la prise en charge par l’employeur de « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage, ou en transports publics de personnes à l’exception des frais d’abonnement mentionnés à l’article L. 3261-2, ou à l’aide d’autres services de mobilité partagée définis par décret sous la forme d’un “ forfait mobilités durables ” dont les modalités sont fixées par décret ».

Diffamation publique envers une administration publique et un agent public. Quelle est la nature de la sanction tenant à la diffusion d’un encart judiciaire ?

A raison de propos tenus publiquement dans la presse écrite puis sur Internet, et de propos oraux tenus à la radio, un professeur de médecine avait fait l’objet de plusieurs poursuites, sur citation directe et sur informations judiciaires, du chef de diffamation publique envers une administration publique (un centre hospitalier universitaire) et envers un fonctionnaire (sa directrice).

La Cour d’appel, sur l’action publique, avait ordonné la publication d’un encart judiciaire (faisant état de la condamnation en appel) dans plusieurs journaux régionaux et nationaux, ainsi que dans un journal dédié aux praticiens médicaux, en motivant sa décision sur l’article 131-35 du Code pénal qui prévoie la peine d’affichage ou de diffusion de la décision pénale.

La cassation est encourue au visa de l’article 111-3 du Code pénal (« Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi ») ; en effet, ni l’article 30, ni l’article 31 qui y renvoie, ne prévoit cette peine complémentaire d’affichage ou de diffusion ; la mesure ne pouvait donc être prononcée dans le dispositif concernant l’action publique à titre de sanction pénale.

Au demeurant, la partie civile peut toujours solliciter – sur le fondement du principe de réparation intégrale du préjudice – la publication de la décision à titre de réparation, y compris sur un support d’édition ou de publication d’une entreprise de presse qui ne serait pas à la cause (Crim., 22 novembre 1994, n°93-82.618).

Par suite, dans son arrêt du 13 octobre 2020, la Cour de cassation vient confirmer que la publication d’un encart judiciaire ne peut être prononcée par un juge pénal à titre de peine – à défaut d’être prévue par les textes d’incrimination de la diffamation publique – mais qu’elle peut être prononcée, y compris par un juge pénal, à titre de réparation civile dans le cadre de l’action civile jointe à l’action publique.

A noter que cet arrêt reste également un indicateur intéressant sur la qualification donnée à un CHU (une administration publique) et à son directeur général (fonctionnaire ou personne chargée d’une mission de service public).

La protection du secret des affaires au cours de la procédure de passation d’un contrat public

Depuis la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, la notion de secret des affaires bénéficie d’un cadre de protection. Auparavant, les seules dispositions relatives aux secrets industriels et commerciaux étaient disparates et, au final, les voies de droit commun (en particulier l’action en  concurrence déloyale et parasitaire) étaient bien souvent le seul arsenal à la disposition du détenteur d’un secret.

Avec ce dispositif dédié au secret des affaires, issu de la transposition de la directive 2016/943 sur les secrets d’affaires, le législateur français a posé non seulement la définition du secret des affaires en droit français (bien que cette définition soit une reprise de la définition issue de l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce ou « Accord ADPIC ») et a créé les moyens de protéger le secret, notamment par la voie du référé, devant les juridictions judiciaires et administratives.

Le secret des affaires doit donc désormais être pris en compte par les acheteurs publics dans l’application des règles de commande publique. L’affaire portée devant le Tribunal administratif de Nancy en est une illustration.

Cette affaire a été l’occasion pour le juge administratif de connaître du référé en matière de secret des affaires créé par le décret n° 2019-1502 du 30 décembre 2019 (article R. 557-3 du CJA), à l’instar du référé prévu à l’article R. 152-1 du Code de commerce.

Ce référé, visant pour le requérant à faire respecter son secret des affaires, est susceptible d’intervenir à tout moment au cours de la passation d’un contrat public et autorise le juge à prendre « prescrire toute mesure provisoire et conservatoire proportionnée ».

En l’espèce, un établissement public de santé avait recouru aux services d’un assistant à maître d’ouvrage (AMO) pour la passation d’un marché d’assurances. C’est le choix de cet AMO qui a conduit la société requérante à opter du référé secret des affaires. 

En effet, cet AMO avait une activité de cabinet de courtage en sus de son activité d’AMO. Dans le cadre de cette activité de courtage, plusieurs litiges étaient intervenus avec la requérante dans le cadre de recours relatifs à l’attribution de marchés publics relatifs à des prestations d’assurance.

Le Tribunal en déduit que, dans : « ces conditions, eu égard, d’une part, à l’intensité et au caractère récent des liens qui unissent [la requérante et l’AMO] et l’animosité particulière avec laquelle M. A. [l’AMO] s’exprime à l’égard de [la requérante] et, d’autre part, au fait que ces sociétés sont fréquemment en concurrence pour l’attribution de marchés publics d’assurance de centres hospitaliers, la société requérante établit que la collaboration de M. A… comme assistant à la maîtrise d’ouvrage pour l’analyse des offres des candidats constitue avec un degré de vraisemblance suffisant l’existence d’une atteinte imminente au secret des affaires. Elle est par suite fondée à demander au juge des référés des mesures visant à prévenir une telle atteinte ».

Il en ressort ainsi que cette proximité entre l’AMO et la requérante induit un risque que l’AMO divulgue des éléments d’information d’un candidat à l’autre.

La requérante avait également introduit un référé précontractuel sans succès toutefois, puisque l’AMO n’avait pas encore eu accès aux offres. La procédure de passation n’en sera donc pas affectée.

En conséquence, cette décision invite indéniablement les acheteurs publics à la plus grande prudence dans le choix des AMO.

Parution de l’arrêté constatant le montant de compensation de l’accroissement de charge résultant des revalorisations exceptionnelles du RSA

Par un jugement du 30 juin dernier, le Tribunal administratif de Paris a enjoint l’Etat de prendre un arrêté conjoint de compensation des hausses exceptionnelles du Revenu de Solidarité Active (RSA), pour les départements, intervenues entre 2013 et 2017 par voie gouvernementale, par cinq décrets de revalorisation exceptionnelles (décret n° 2013-793 du 30 août 2013, décret n°2014-1127 du 3 octobre 2014, décret n°2015-1231 du 6 octobre 2015, décret n°2016-1276 du 29 septembre 2016 et décret n°2017-739 du 4 mai 2017). Pour mémoire, ces revalorisations successives ont donné lieu à une hausse de 10% du RSA intervenue entre 2013 et 2017, conformément au Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté décidé par le Gouvernement, mise à la charge des départements qui ont la compétence pour l’attribution du RSA (Cf. Lettre d’actualité juridique Seban & Associés, « Revalorisations du revenu de solidarité active (RSA) : l’Etat enjoint de prendre un arrêté conjoint de compensation des hausses exceptionnelles du RSA, pour les départements, intervenues entre 2013 et 2017 »).

Le juge administratif, considérant que ces revalorisations successives avaient entraîné une modification « des règles relatives à l’exercice des compétences transférées » au sens des dispositions de l’article L. 1614-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), à l’origine de dépenses nouvelles pour les départements, en a déduit qu’il incombait aux Ministres chargés de l’Intérieur et du Budget d’édicter un arrêté conjoint, après avis de la commission consultative d’évaluation des charges du Comité des finances locales, constatant le montant des dépenses résultant des accroissements de charge induits par ces décrets, conformément aux dispositions de l’article L. 1614-3 du CGCT.

Le 2 décembre 2020, les deux ministres compétents ont pris un arrêté (NOR : TERB2027474A, publié le 5 décembre 2020) visant à constater le montant annuel des accroissements de charge résultant, pour les départements, des revalorisations exceptionnelles du RSA susvisées, évalué à hauteur de 1 399 805 208 € et indiquant la répartition de ce montant par département. Cette évaluation  prend en compte les montants de charges supplémentaires subis par chaque département entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2018, date à partir laquelle aucune nouvelle revalorisation exceptionnelle du RSA n’a été prise.

Si l’Etat considère que ce montant de dépenses résultant de l’accroissement de charge lié aux revalorisations du RSA a été compensé entre 2014 et 2018 par les nouvelles ressources prévues par la loi de finances 2014 (issues du dispositif de compensation péréquée, du fonds de solidarité en faveur des départements et du relèvement du taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d’enregistrement) et  entérinées par l’article 196 de la loi de finances 2020, ce n’est pas l’avis des départements. En effet, certains départements estiment au contraire que ces recettes n’ont pas permis de compenser suffisamment le coût des accroissements de charge, les dispositifs de compensations évoqués ayant été envisagés pour compenser les différentes allocations individuelles de solidarité (la prestation de compensation du handicap, l’allocation personnalisée à l’autonomie et le RSA) et non seulement le RSA. D’autant plus que la recentralisation de la compétence de financement et d’attribution du RSA étant à l’œuvre dans plusieurs départements, ces derniers craignent le risque d’une reprise par l’Etat des recettes susmentionnées.

Se pose alors la question du cadre juridique dans lequel les départements peuvent contester la compensation octroyée par l’Etat pour l’accroissement de charge qu’ils ont subi, et ce d’autant plus dans le contexte de forte hausse des personnes susceptibles de pouvoir bénéficier de cette aide et de la demander. Au mois d’août dernier, le nombre de bénéficiaires du RSA était déjà supérieur de 7% à celui des prévisions réalisées par la Sécurité sociale avant la crise.

La participation forfaitaire de l’Etat à la phase d’évaluation des Mineurs Non-Accompagnés (MNA) par les départements sera modulée à compter du 1er janvier 2021

Par un arrêté du 23 octobre 2020, le Ministre des solidarités et de la santé et le Ministre délégué chargé des comptes publics ont précisé les modalités de remboursement forfaitaire par l’Etat des dépenses relatives à la phase d’évaluation et de mise à l’abri des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

Pour rappel, les départements disposent de la compétence pour assurer la protection de l’enfance. A ce titre, les services de l’Aide sociale à l’enfance assurent une phase administrative d’accueil et d’évaluation des personnes se déclarant MNA. Pour ces missions d’accueil et d’évaluation des MNA, les départements perçoivent une participation financière de la part de l’Etat (article R. 221-12 du Code de l’action sociale et des familles – CASF). Depuis le décret n° 2020-768 du 23 juin 2020, l’article R. 221-11 II du CASF, modifié, prévoit une condition supplémentaire à la perception de la totalité de cette participation financière : la conclusion par le président du conseil départemental avec le représentant de l’Etat d’une convention ayant pour objet de définir les modalités de recours à l’assistance du préfet pour la mise en œuvre du traitement automatisé de données à caractère personnel d’appui à l’évaluation de la minorité des MNA mentionné à l’article R. 221-15-1 du CASF. Ce fichier contient diverses informations relatives aux MNA dont certaines sont des données particulièrement sensibles au regard du Règlement Général sur la Protection des Données (« RGPD »), notamment les images numérisées de son visage et ses empreintes digitales.

L’arrêté du 23 octobre 2020 pris en application du décret du 23 juin 2020 précise le contour de cette modulation : le montant de la participation financière versée par l’Etat par personne évaluée aux conseils départementaux (500€) sera, à compter du 1er janvier 2021, réduit à hauteur de 100€, soit de 80% du montant forfaitaire, à défaut de la convention susvisée.

Cette étape supplémentaire qui conditionne l’octroi de la totalité du montant de la participation financière de l’Etat à la phase d’évaluation et de mise à l’abri des personnes se déclarant MNA à la signature de la convention susvisée questionne quant à sa légalité, notamment au regard du principe de la libre administration des collectivités.  

Nouveau gel des actions contre les locataires en cas d’impayés de loyers

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire prévoit à son article 14 des mesures, similaires à celles adoptées lors du premier confinement, afin de protéger les locataires confrontés aux fermetures administratives, couvre-feu et second confinement, alors que les loyers et charges continuent d’être dus.

Ainsi :

  • Les locataires subissant une fermeture obligatoire de leur commerce ne peuvent pas être sanctionnées (intérêts de retard, pénalité ou autre mesure financière) ni poursuivies (action, sanction, voie d’exécution) pour un retard de paiement ou non-paiement de leurs loyers et charges relatifs aux locaux professionnels ou commerciaux ;

     

  • Les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires ;

     

  • Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.

 

Il en ressort que les procédures d’exécution engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues.

L’ensemble des mesures ci-dessus s’applique aux locataires personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de restrictions ou de fermeture des lieux au public, et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la fin de de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par ces restrictions et fermetures.

Les critères d’éligibilité déterminant les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative sont précisés par décret.

Précisions du Conseil d’Etat sur le contrôle déontologique de la HATVP pour les fonctionnaires cessant leurs fonctions

Par un arrêt du 4 novembre 2020, le Conseil d’Etat s’est pour la première fois prononcé sur la légalité d’une délibération de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), rendu dans le cadre de la mission dont elle est nouvellement dotée depuis l’intervention de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, c’est-à-dire le contrôle de la compatibilité pénale et déontologique des cessations de fonction de certains agent publics souhaitant rejoindre une entreprise privée.

C’est donc la première chose à retenir ici : le caractère susceptible de recours de l’avis rendu, fort logiquement finalement en ce que sa portée n’est pas sans conséquence, puisqu’elle va interdire un projet de départ de l’administration vers le secteur privé.

La décision faisait suite à une ordonnance de référé rendue par le Conseil d’Etat dans la même affaire, qui avait déjà apporté plusieurs précisions intéressantes, confirmées et enrichies par cette dernière décision de novembre 2020.

Deux points en particulier doivent être soulignés.

La première indication fournie par cette jurisprudence est le régime procédural suivi devant la HATVP. Dans l’affaire, le requérant soutenait en effet que le principe du contradictoire avait été méconnu, à défaut pour lui d’avoir été informé du sens de la décision à venir, et de n’avoir pas été mis en mesure d’opposer à cette décision ses observations avant qu’elle ne soit adoptée.

Le Conseil d’Etat écarte cette critique, et juge ainsi qu’aucune obligation de la sorte ne s’impose à la HATVP : s’agissant d’une décision prise à la suite d’une demande formulée par l’intéressé, la procédure contradictoire prévue à l’article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration ne s’impose pas.

La conséquence est significative pour les agents qui seraient amenés à soumettre leur cas devant la HATVP parce qu’ils entrent dans le champ de son contrôle : il conviendra, dès l’introduction de la demande, d’argumenter en détail sur l’ensemble des points du dossier, y compris ceux sur lesquels la situation est la plus délicate. A défaut, les agents pourraient en effet ne pas avoir de nouvelle opportunité de le faire.

La seconde précision apportée par le Conseil d’Etat porte sur la nature du contrôle de  la HATVP sur la situation du fonctionnaire qui lui est soumise. Il juge en effet que, concernant le contrôle pénal qu’elle est amenée à exercer, il appartient à la Haute autorité « non d’examiner si les éléments constitutifs de ces infractions sont effectivement réunis, mais d’apprécier le risque qu’ils puissent l’être et de se prononcer de telle sorte qu’il soit évité à l’intéressé comme à l’administration d’être mis en cause ». Autrement dit, la Haute autorité apprécie l’existence d’un risque d’infraction, et non la réalité de sa commission dans l’hypothèse où le projet du fonctionnaire aboutirait.

La conséquence de cette nuance est que le contrôle de la HATVP est en définitive plus sévère que celui du juge pénal, ainsi que l’illustre la suite de l’arrêt. Dans l’affaire, le requérant avait en effet argué que le contrôle de la HATVP était entaché d’une erreur d’appréciation, puisqu’elle avait considéré établi le risque d’infraction pénale, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation s’opposait pour sa part à la caractérisation de l’infraction.

Or, le Conseil d’Etat, se fondant sur la nuance précitée, c’est-à-dire « eu égard à l’appréciation qu’il revient à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique de porter sur le risque pénal », considère que malgré cette jurisprudence, le risque pénal reste effectif, et que l’appréciation de la Haute autorité reste fondée.

La même appréciation extensive de l’incompatibilité est également appliquée en ce qui concerne le contrôle de compatibilité déontologique, qui consiste, pour rappel, à apprécier si le départ du fonctionnaire vers l’entreprise « est susceptible d’avoir une incidence sur le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service ». Là encore, la HATVP a procédé à une appréciation du risque d’atteinte à ces principes, ce qui lui a permis de considérer que même à défaut pour l’intéressé d’avoir le moindre contact avec son ancienne administration, la simple succession de fonctions pour le fonctionnaire était de nature à faire peser des doutes sur l’impartialité avec laquelle il avait exercé ses fonctions. Autrement dit, le risque était que, voyant le fonctionnaire rejoindre son activité privée, le public et ses interlocuteurs ne viennent à penser qu’il aurait agi partialement pour obtenir son poste.

Le Conseil d’Etat a validé cette analyse. Ce faisant, il consacre non seulement une acception particulièrement étendue de la notion de risque déontologique, mais surtout, il élargie le champ du contrôle à un nouvel aspect de la neutralité et impartialité du service. La commission de déontologie se limitait en effet à considérer qu’une telle atteinte résultait des futurs contacts que pouvait avoir l’ancien fonctionnaire avec son administration, considérant notamment qu’il risquait d’user de son ancien statut pour obtenir un traitement de faveur. Désormais, il s’agira également de déterminer si le simple fait, pour l’agent, de rejoindre une entreprise, n’est pas de nature à jeter le discrédit sur l’impartialité avec laquelle il aurait exercé ses fonctions.

En résumé, l’arrêt du Conseil d’Etat valide le choix de la HATVP de retenir une interprétation particulièrement ferme de la mission qui lui incombe qu’il conviendra de prendre en considération, à la fois par les agents amenés à saisir directement la HATVP, mais également les administrations chargées de procéder au contrôle déontologique lorsque la HATVP n’est pas directement compétente.

Une nuance doit être toutefois apportée : en l’espèce, l’agent intéressé était le secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et s’apprêtait à rejoindre un organisme particulièrement important dans le secteur de l’industrie nucléaire française. On peut donc imaginer que le contrôle s’est voulu à la hauteur de l’enjeu de cette mobilité, et la gravité que pourrait avoir les conflits d’intérêts rencontrés par l’intéressé. Il est donc permis de penser que ce contrôle pourrait être moins sévère, dans des cas d’une moindre envergure.

Ordonnance du 25 novembre 2020 : quelques nouveautés s’agissant des droits des fonctionnaires en matière de santé

Cette ordonnance intervenue en application de l’article 40 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique emporte plusieurs nouveautés et modifications. En voici quelques unes parmi les plus significatives.

D’abord, l’ordonnance remplace la condition générale d’aptitude physique par des conditions particulières exigées pour certaines fonctions au vu de leurs spécificités.

Ensuite, et cela pourra on l’espère être source de simplification, elle crée une instance médicale unique, le conseil médical, qui remplacera comités médicaux et commissions de réforme à compter du 1er février 2022.

Les « congés pour raison de santé » remplacent par ailleurs les « congés de maladie » et plusieurs modifications afférentes au congé de longue maladie et de congé de longue durée interviendront également à l’horizon 2022. Avant cela, au plus tard le 1er juin 2021, le temps partiel thérapeutique pourra intervenir en l’absence d’arrêt maladie préalable

Surtout, dans le cas de la reconnaissance d’une infection à la Covid 19 comme imputable au service l’ordonnance instaure une possibilité de versement des prestations  pour des périodes antérieures à l’inscription de la maladie au tableau des maladies professionnelles.

Différence de traitement : pas de présomption de justification en présence d’une discrimination interdite

Le 27 janvier 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation avait admis dans une série arrêts de principe que, dans certains cas, les différences de traitement opérées par voie conventionnelle bénéficient d’une présomption de justification au regard du principe de l’égalité de traitement, exonérant l’employeur de son obligation de justifier ces inégalités par des éléments objectifs et pertinents (Cass. soc. 27 janvier 2015 n° 13-22.179 ; n° 13-25.437 ; n° 13-14.773 ; n° 13-17.622).

Le 9 octobre 2019, la Cour de cassation avait néanmoins circonscrit cette position et exclu les inégalités de traitement conventionnelles reposant sur un motif discriminatoire. Cette décision concernait une différence de traitement fondée sur l’âge à propos de la gratification de la médaille du travail (Cass. soc. 9-10-2019 n° 17-16.642).

A travers ce dernier arrêt du 9 décembre 2020, la Cour de cassation confirme cette jurisprudence et l’étend aux autres discriminations interdites par l’article L.1132-1 du Code du travail.

En l’espèce, était en cause une disposition d’une convention collective excluant les salariés licenciés pour inaptitude médicale de l’indemnité de licenciement qu’elle institue. Pour la plus Haute juridiction, en l’absence d’élément objectif et pertinent la justifiant, cette disposition a été déclaré nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l’état de santé. 

La jurisprudence de la Cour de cassation est donc claire : la présomption de justification ne s’applique pas en présence d’une discrimination interdite par l’article L 1132-1 du Code du travail.

Des précisions sur l’appréciation de l’acte anormal de gestion en matière d’achat pour revente d’immeubles

Par Laëtitia Pignier, Avocate associée, Arbord, Tournoud & Associés

Un arrêt récent de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 24 novembre 2020, (n°19PA00948) relatif à la cession par un marchand de biens d’un lot immobilier à un prix inférieur au prix de cession d’autres lots est venu confirmer que les juges du fonds ne transposent pas à la cession d’éléments de l’actif circulant l’analyse retenue pour les cessions d’éléments de l’actif immobilisé selon laquelle un écart de prix significatif entre le prix de vente et la valeur vénale de l’élément de l’actif immobilisé cédé suffit à l’administration, à qui incombe la charge de la preuve, pour établir l’existence d’un acte anormal de gestion (CE, 21 décembre 2018 n° 402006).

Il est en effet fréquent que les SEM d’aménagement et les établissements publics fonciers acquièrent des terrains ou des ensembles immobiliers en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement ou d’opérations de réserves foncières et pour les revendre à leur prix de revient ou à un prix inférieur à leur vénale compte tenu des circonstances entourant les opérations.

Fiscalement, une cession consentie dans ces conditions est susceptible de constituer une difficulté sur le terrain de l’acte anormal de gestion.

Rappelons en effet que si les entreprises disposent de la liberté de prendre toute décision qu’elles estiment opportune dans le cadre de l’exercice de leur activité, sans que l’administration puisse s’immiscer dans leur gestion, la jurisprudence reconnaît toutefois à l’administration la possibilité d’apprécier le caractère normal ou anormal des actes de gestion.

L’acte anormal de gestion se définit comme « celui qui est accompli dans l’intérêt d’un tiers par rapport à l’entreprise ou qui n’apporte à cette entreprise qu’un intérêt minime hors de proportion avec l’avantage que le tiers peut en retirer » (Conclusions du commissaire du gouvernement M. FOUQUET sous l’arrêt Conseil d’Etat du 10 juillet 1992, n°110214)

Le contrôle de l’administration fiscale sous l’angle de l’acte anormal de gestion s’exerce tout particulièrement dans les situations où l’entreprise accorde des avantages à des dirigeants, des associés, ou à d’autres entreprises auxquelles elle est liée.

Il appartient à l’administration d’établir les faits démontrant l’acte anormal de gestion sur lequel elle fonde le rehaussement si l’acte ne s’est pas traduit par une écriture comptable portant sur des créances de tiers, des amortissements, des provisions ou des charges.

Le Conseil d’Etat estime s’agissant des actifs immobilisés qu’un écart de prix significatif entre le prix de vente et la valeur vénale de l’élément de l’actif immobilisé cédé suffit à l’administration pour établir l’existence d’un acte anormal de gestion et qu’il appartient dans cette hypothèse au contribuable de justifier que l’appauvrissement correspondant a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise (CE 21 décembre 2018 n° 402006).

Dans l’affaire examinée par la Cour d’administrative d’appel de Paris, un marchand de bien avait vendu différents lots d’un ensemble immobilier.

Lors d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé que la SCI avait vendu le lot n° 5 à un prix anormalement bas en comparaison des prix auxquels elle avait cédé les autres lots et qu’elle avait, ce faisant, commis un acte anormal de gestion.

Le contribuable faisait valoir que compte tenu, d’une part de difficultés financières dans le cadre de l’opération globale d’aménagement et d’autre part du fait que l’état du lot n°5 n’était pas similaire à celui des autres lots l’administration fiscale ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de l’existence d’un acte anormal de gestion.

En accueillant ces argument la Cour administrative d’appel de Paris confirme que les juges du fond maintiennent la jurisprudence actuelle (CE 4 juin 2019, n°418357) et que, s’agissant de la cession d’un actif circulant, l’administration doit démontrer, pour pouvoir procéder à des rappels au titre de l’existence d’un acte anormal de gestion, outre l’écart significatif entre la valeur vénale du bien cédé et son prix de vente, compte tenu de ses caractéristique,  l’intention du cédant de consentir une libéralité au cessionnaire, à la différence des cessions d’éléments de l’actif immobilisé pour lesquelles l’administration a été expressément déchargée de cette preuve par le Conseil d’Etat (CE 6-2-2019 no 410248 : BF 5/19 inf. 393).

Rappelons que pour l’appréciation du caractère normal ou anormal du prix pratiqué au titre d’une vente considérée, doivent être retenus comme termes de comparaison, les prix pratiqués par les entreprises concurrentes dans la même zone géographique pour des biens de même nature et de qualité comparable au cours de la période concernée et compte tenu des caractéristiques techniques de l’immeuble  et de son occupation au moment de la vente (CE 21-2-1990 n° 84483, CE 20 juin 1984 n° 35963, 7e et 9e s.-s).

Lorsqu’il est établi, le caractère anormal d’un avantage se traduit par la réintégration aux résultats imposables des charges exposées à cette occasion, ou des recettes auxquelles l’entreprise a indûment renoncé.

Lorsque l’entité relève de l’impôt sur les sociétés, cette libéralité est assimilable à une distribution de fonds sociaux. A ce titre, elle est soumise à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun (CE 9 juillet 1980 n° 12050, 7e et 8e s.-s. : RJF 10/80 n° 762 ; CE 21 novembre 1980 n° 17055 ; BOI-BIC-PVMV-10-20-10 n° 100 et 110. CAA Paris 23 janvier 1990 n° 342, 3e ch., Solabail : RJF 5/90 n° 543).

En outre, l’avantage ainsi accordé serait taxable en qualité de revenu distribué entre les mains de l’associé si la vente a été réalisé au profit de l’un des associés de la société.

Dès lors si l’on veut sécuriser au plan fiscal une cession à un prix inférieur à celui du marché, il convient de se ménager la preuve de l’existence d’une contrepartie suffisante pour le cédant (qui peut exister en dehors de la cession proprement dite). afin d’interdire à l’administration fiscale d’établir que le cédant aurait intentionnellement agi contre son intérêt.

Illégalité d’une méthode de notation du critère prix

Par un arrêt en date du 21 septembre 2020, le Conseil d’Etat a censuré une méthode de notation des offres, appliquée à un marché public de services juridiques, ayant consisté, d’une part, à additionner les prix unitaires des prestations de l’accord-cadre (réalisation de consultations juridiques, représentation en justice, assistance dans le cadre de modes alternatifs de règlement des différends…), sans leur appliquer aucune pondération ni tenir compte des quantités prévisionnelles de chacune des prestations demandées et, d’autre part, à attribuer la meilleure note à l’offre proposant la somme des prix unitaires la plus basse et à calculer la note des autres offres une note calculée en fonction de leur écart avec l’offre la mieux disante.

S’agissant du contexte, rappelons qu’un groupement de commandes composé de la commune de Perpignan et de la communauté urbaine Perpignan Métropole Méditerranée a lancé une consultation pour un accord-cadre à bons de commande portant sur des prestations de services juridiques réparties en six lots. Les lots n° 1 et n° 5 qui portaient sur du conseil juridique, de la représentation en justice et les modes alternatifs de règlement des conflits en droit public général et droit de la commande publique (lot 1) et en droit de la fonction publique et droit du travail  (lot 5), ont été attribués à la société Sanguinède di Frenna.

Toutefois, informée du rejet de son offre, la société Charrel et associés a saisi le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Montpellier afin de contester la légalité de la méthode de notation précédemment détaillée et donc la validité de la procédure de passation des lots n° 1 et n° 5.

La procédure de ces lots ayant été annulée par le juge des référés, le groupement de commandes, par l’intermédiaire de la commune de Perpignan, s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat afin de défendre la validité de cette méthode de notation, en vain.

En effet, le Conseil d’Etat a jugé cette méthode illégale.

A cet effet, il a tout d’abord rappelé la solution qu’il avait dégagé dans sa décision commune de Belleville-sur-Loire (CE, 3 novembre 2014, req. n° 373362) selon laquelle « le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ».

Surtout, le Conseil d’Etat a considéré, dans cette affaire, que la méthode de notation était illégale et constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence car « eu égard à la diversité des prestations faisant l’objet de l’accord-cadre et à l’écart très important des prix unitaires proposés par les candidats, cette méthode de notation, qui renforçait l’importance relative des prix unitaires les plus élevés dans la notation du critère du prix alors même que le nombre prévisible de prestations correspondantes était faible, était par elle-même de nature à priver de sa portée ce critère, et, de ce fait, susceptible de conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre sur ce critère ».

Et, le Conseil d’Etat a relevé que : « il résulte de l’instruction que la société Charrel et associés proposait des prix unitaires plus faibles que l’attributaire pour les consultations juridiques simples et pour les consultations juridiques complexes. Une pondération supérieure des prix de ces dernières prestations par le pouvoir adjudicateur, par rapport aux prestations de représentation en justice et d’assistance aux modes de règlement alternatif des litiges, aurait pu permettre à la société requérante d’obtenir la meilleure note sur le critère du prix. Eu égard à l’écart de 0,1 point seulement entre cette société et la société attributaire sur les autres critères, obtenir la meilleure note sur ce critère aurait pu lui permettre de remporter le marché. Il s’ensuit que ce manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence est susceptible d’avoir lésé la société Charrel et associés. Par suite, celle-ci est fondée à demander l’annulation de la procédure de passation des lots n°s 1 et 5 du marché en litige, au stade de l’examen des offres ».

Suite… mais pas fin de la « saga » relative aux redevances d’infrastructures ferroviaires perçues par SNCF Réseau pour le service annuel 2020

Voir également : CE, 27 novembre 2020, Ile-de-France Mobilités, n° 434544

 

Par une décision en date du 27 novembre 2020, le Conseil d’Etat a annulé l’avis conforme rendu par l’Autorité de régulation des transports (ART) sur la fixation des redevances d’infrastructure liées à l’utilisation du réseau ferré national, en tant qu’il porte sur la redevance marché des services conventionnés TER et les redevances de marché et d’accès pour les services conventionnés en Ile-de-France.

Il ne fixe pas lui-même le niveau « soutenable » d’évolution de ces redevances, mais renvoie à l’ART le soin de réexaminer le projet de tarification de l’infrastructure, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision, en tenant compte de l’erreur de droit relevée au point 11 de celle-ci.

Le Conseil d’Etat juge en effet que l’Autorité a exigé à tort que SNCF Réseau démontre la capacité financière des autorités organisatrices à faire face aux majorations projetées, en considérant, d’une part, comme déterminant le plafond d’augmentation des dépenses de fonctionnement des régions aux termes du dispositif de « contractualisation financière » et, d’autre part, que toute augmentation des majorations supérieure à l’évolution de l’indice des prix à la consommation ne pouvait être regardée comme soutenable.

Selon lui, il appartenait à l’ART d’examiner la soutenabilité des niveaux de redevances fixés (c’est-à-dire la capacité du marché à les supporter) par SNCF Réseau uniquement au regard de la circonstance que les tarifs projetés « ne remettent pas en cause l’équilibre économique des contrats de service public du segment de marché considéré » soit parce qu’elles font  sur les entreprises ferroviaires des majorations qu’elles ne peuvent pas supporter soit, lorsque ces redevances sont compensées par les autorités organisatrices – ce qui est le cas en pratique aux termes des conventions TER conclues entre les AO et SNCF Voyageurs –, parce qu’elles sont fixées à un niveau de nature à conduire celles-ci à prendre des mesures susceptibles d’affecter sensiblement l’utilisation de l’infrastructure sur ce segment (c’est-à-dire, concrètement, à revoir l’offre de transport qu’elles souhaitaient voir mettre en œuvre).

Dans l’avis critiqué par SNCF Réseau devant la Haute juridiction, l’ART avait considéré que l’augmentation de 2,4% des redevances « marché » et « d’accès » n’était pas soutenable en ce qu’elle excédait tant le plafond d’évolution des dépenses de fonctionnement des régions fixé dans le cadre de la « contractualisation financière » (1,2 %) que l’indices des prix à la consommation harmonisé (IPCH) (1,8 %). Elle en avait conclu que le niveau de soutenabilité devait se trouver à un niveau inférieur ou égal à + 1,8 %.

Le Conseil d’Etat ne critique pas l’ART d’avoir pris en compte l’IPCH dans son analyse, mais d’avoir considéré par principe comme non soutenable toute augmentation des majorations des redevances d’infrastructure au-delà de ce niveau.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’ART faisait référence à un « principe d’un plafonnement des augmentations au niveau de l’évolution des prix à la consommation » (Avis n° 2017-036 du 29 mars 2017).

Au total, le Conseil d’Etat se garde de juger du caractère soutenable ou non, en l’espèce, de l’augmentation des majorations des redevances d’infrastructure fixé à 2,4 % par SNCF Réseau dans son projet de Document de référence du réseau (DRR) pour 2020, et laisse le soin à l’ART de motiver autrement son avis quant au caractère soutenable de cette évolution, voire de changer d’avis.

Le niveau définitif des redevances « marché » » et « d’accès » pour 2020 sera donc visiblement après l’échéance du service annuel 2020, puisque le service annuel 2021 débute le 13 décembre à minuit !

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Par ailleurs, dans une décision rendue le même jour, le Conseil d’Etat a rejeté le recours formé par Ile-de-France Mobilités à l’encontre d’une ordonnance venant compléter l’article L. 2111-25 du Code des transports portant sur le calcul et le niveau des redevances d’infrastructure du réseau ferré national et modifier l’article L. 2133-5 dudit Code relative à l’avis rendu par l’ART à ce propos (précisément le cas où l’ART n’a pas émis d’avis favorable dans un délai permettant que trois mois au moins avant l’entrée en vigueur du service annuel en cause la tarification de l’infrastructure ferroviaire soit publiée par SNCF Réseau).

Sur le premier point, le Conseil d’Etat a notamment considéré que les compléments de l’article L. 2111-25 n’avaient « ni pour objet ni pour effet de méconnaître la règle selon laquelle la soutenabilité des redevances est appréciée à l’échelle du segment de marché pertinent ».

Sur le second point, les dispositions en cause ont pour objet de prévoir que, lorsque l’ART n’a pas rendu d’avis favorable sur la tarification de l’infrastructure trois mois avant l’entrée en vigueur de l’horaire de service en cause, le gestionnaire détermine une tarification sur la base de la dernière tarification approuvée par l’ART, une évolution étant possible dans la limite de l’évolution de l’indice des prix à la consommation l’année suivant cette tarification favorable.

Le Conseil d’Etat a considéré que ces dispositions ne méconnaissaient pas l’autonomie de gestion de SNCF Réseau, cette autonomie devant être « conciliée avec l’existence d’un cadre de tarification » et, par ailleurs, qu’elles ne méconnaissaient pas l’indépendance de l’organisme de contrôle – l’ART – par rapport rapports aux autres autorité étatiques, celles-ci ne s’y substituant pas.