Rupture conventionnelle dans la fonction publique : l’agent public peut être accompagné par un conseiller désigné par une organisation syndicale de son choix

1 – Aux termes d’une décision en date du 15 juillet 2020 précédemment commentée, le Conseil d’Etat avait décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel, les questions prioritaires de constitutionnalité mettant en cause la conformité à la Constitution du dixième alinéa du I de l’article 72 de la loi du 6 août 2019.

Pour rappel, l’article 72 alinéa 10 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique introduisant la possibilité d’une rupture conventionnelle dans la fonction publique dispose que :

« Durant la procédure de rupture conventionnelle, le fonctionnaire peut se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix ».

Le Conseil d’Etat avait alors jugé que :

« le moyen tiré de ce que les dispositions du dixième alinéa du I de l’article 72 de la loi du 6 août 2019 méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment le principe d’égalité et les droits proclamés au sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, soulève une question qui peut être regardée comme présentant un caractère sérieux » (CE., 15 juillet 2020, n° 439031)

2 – En première analyse, les termes de cette décision semblaient inviter le Conseil constitutionnel à se prononcer sur la conformité de cette disposition avec le 6ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Suivant ce principe particulièrement nécessaire à notre temps :

« 6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ».

L’occasion était donc offerte au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de l’article 72 alinéa 10 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 sous le prisme de l’exercice du droit syndical.

Cependant, une telle opportunité représentait assurément un risque juridique voire politique majeur en ce que le Conseil constitutionnel aurait nécessairement dû se prononcer sur la notion de syndicat représentatif.

3 – Afin de contourner cet obstacle, le Conseil constitutionnel a préféré se fonder sur les dispositions de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en ce que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

S’appuyant alors sur l’interprétation classique du principe d’égalité formulée par le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel a considéré que la différence de traitement opérée entre les organisations syndicales représentatives et non-représentatives était sans rapport avec l’objet de la loi.

En conséquence, en adoptant l’article 72 alinéa 10 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 :

« Le législateur a entendu accorder une garantie au fonctionnaire durant la procédure de rupture conventionnelle. Toutefois, le caractère représentatif ou non d’un syndicat ne détermine pas la capacité du conseiller qu’il a désigné à assurer l’assistance du fonctionnaire dans ce cadre. Dès lors, la différence de traitement est sans rapport avec l’objet de la loi ».

Cette disposition méconnait alors le principe d’égalité devant la loi et est n’est pas conforme à la Constitution.

4 – Dès à présent, il appartient donc au législateur de prendre en compte cette décision et de permettre à tout fonctionnaire de se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale de son choix que celle-ci soit ou non représentative.

Par ailleurs, et sans attendre une future modification législative, il apparait d’ores et déjà important pour les collectivités de se conformer à cette décision eu égard à l’importance de l’accompagnement de l’agent lors de l’entretien préalable obligatoire à la rupture conventionnelle, accompagnement qui apparaît comme une condition substantielle à la validité de la convention de rupture.

Absence de manquement du maître d’oeuvre à son obligation de conseil et qualité pour engager une action en garantie décennale

Il s’agit ici d’une nouvelle application du principe bien établi du devoir de conseil du maître d’œuvre que les juridictions administratives sont très régulièrement amenées à apprécier, comme, par exemple, dans la décision du Conseil d’Etat du 8 janvier 2020 n° 428280 que nous avions déjà commentée dans notre lettre d’actualité juridique de janvier.

Dans cette affaire également, la Cour rappelle les conditions d’engagement de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre, soit le fait de s’être abstenu d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont il pouvait avoir eu connaissance en cours de chantier.

En l’espèce, la Cour ne retient aucun manquement du maître d’ouvrage à son devoir de conseil, au motif que :

« au vu en particulier du rapport d’expertise, il ne résulte de l’instruction ni que la fissuration de la cuve de la fosse septique installée chez M. A… ait été présente ou susceptible d’être décelée en cours de chantier, ni que la société SNE Quantitec ait eu connaissance de défauts d’exécution des travaux en lien avec les désordres constatés en 2015 qu’elle ne pouvait manquer de relever afin de proposer une réserve lors de la réception ».

Il est également intéressant de souligner le contexte particulier d’intervention de la communauté de communes, appelante dans cette affaire, pour la réalisation des travaux litigieux qui avait entrepris de faire réhabiliter les installations d’assainissement non-collectif de personnes privées avec qui elle avait conclu des conventions aux termes notamment desquelles elle choisissait les équipements d’assainissement ainsi que l’entrepreneur chargé de les installer.

La communauté de communes n’était donc pas propriétaire des ouvrages faisant l’objet des travaux de réhabilitation, et n’avait corrélativement pas la qualité de maître d’ouvrage.

La Cour a ainsi considéré qu’elle n’était pas directement détentrice de l’action en garantie décennale et n’avait donc pas qualité pour demander à être indemnisée, au titre de cette garantie, du montant des travaux nécessaires à la réparation de l’ouvrage, à savoir une cuve de fosse septique fissurée.

Et ce, nonobstant l’existence d’une clause dans la convention prévoyant que le propriétaire était tenu d’informer la communauté de communes des désordres affectant l’ouvrage et reconnaissait que cette dernière était seule détentrice d’une action en responsabilité fondée sur la méconnaissance des obligations contractuelles des constructeurs.

La Cour considère qu’une telle convention n’avait pour objet ou pour effet ni de subroger la communauté de communes dans les droits du maître d’ouvrage privé aux fins d’exercer une action en garantie décennale ni de lui permettre, à un autre titre, d’exercer une telle action au nom et pour le compte d’un propriétaire privé.

Confirmation du délai applicable au recours entre constructeurs co-obligés : mieux vaux trois fois qu’une

Par un arrêt rendu le 5 novembre 2020[1], la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue confirmer sa solution rendue aux termes de ses deux arrêts du 16 janvier 2020[2] concernant le délai applicable à l’action en contribution à la dette des constructeurs.

En pratique et pour mémoire, il résulte des dispositions de l’article 1792 du Code civil que le maître d’ouvrage dispose d’un délai de 10 ans à compter de la réception pour agir contre les locateurs d’ouvrage.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 1792-4-3 du même Code que le maître d’ouvrage dispose du même délai d’action de 10 ans à compter de la réception pour agir contre les sous-traitants.

A la lumière de ces dispositions et après de nombreuses divergences jurisprudentielles, la Cour de cassation se devait de se prononcer sur le régime de prescription applicable, cette fois-ci, à l’action des constructeurs entre eux c’est-à-dire des coobligés à la dette.

C’est désormais chose faite, la Cour a tranché non pas une fois, ni deux mais trois fois cette année avec ce nouvel arrêt !

En l’espèce, une Commune a entrepris des travaux de voiries pour lesquels elle a confié la maitrise d’œuvre à trois sociétés distinctes assurées auprès de leur assureur respectif, étant précisé que le lot voirie a, quant à lui, été confié à deux entreprises.

Se plaignant de désordres, la Commune a obtenu, par un arrêt rendu le 28 mai 2009 par la Cour administrative d’appel, la condamnation solidaire de quatre des cinq intervenants à l’opération.

Postérieurement, la première société chargée de la maitrise d’œuvre ainsi que son assureur tous deux condamnés ont alors sollicité un partage de responsabilité entres les différents maitres d’œuvre et ont obtenu, par un jugement du 10 mai 2012, de l’assureur du troisième maitre d’œuvre ayant échappé à une première condamnation, le règlement d’un tiers des sommes déboursées.

En parallèle, le 4 octobre 2010, l’une des entreprise titulaire du lot voirie a également assigné en paiement non seulement l’assureur de cette troisième société de maitrise d’œuvre mais également la première société de maitrise d’œuvre et son assureur, lesquels ont, à leur tour, formé un recours à l’encontre de l’assureur de la troisième société de maitrise d’œuvre.

En appel, pour juger que l’action de cette première société de maitrise d’œuvre et son assureur n’était pas prescrite, la Cour a retenu, au visa des dispositions de l’article 2224 du Code civil que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

C’est une belle confirmation en tout point de la part de la Cour de cassation.

En revanche si elle réaffirme le principe de la prescription quinquennale, la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur le fait de savoir ce que l’on entend par le « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » …

…la suite au prochain arrêt !

– 

[1] https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/troisieme_chambre_civile_572/774_5_45830.html

[2]https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000041490384&fastReqId=942642212&fastPos=1

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000041490388&fastReqId=576917448&fastPos=1

COVID-19 / Aides économiques : Suspension des aides économiques départementales au soutien des entreprises touchées par la crise sanitaire

Saisi dans le cadre d’une procédure de référé suspension par le préfet des Ardennes, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne était amené à se prononcer sur la légalité de la délibération du département des Ardennes adoptée le 14 mai dernier, ayant pour objet la création d’une « contribution complémentaire au fonds de résistance pour soutenir la relance de l’activité ».

La délibération du département des Ardennes qui lui était soumise avait pour objet d’instituer, en complément du fond « résistance » instauré par la Région Grand Est permettant l’octroi d’une aide économique aux associations, entrepreneurs, micro-entrepreneurs et petites entreprises, un fond visant à soutenir les entrepreneurs établis sur le territoire départemental.

Considérant toutefois que la création et la mise en œuvre d’un tel dispositif ne relevaient pas des compétences dévolues aux départements, le préfet des Ardennes a immédiatement déféré la délibération au Tribunal.

L’argument soulevé pas le préfet se comprenait sans peine à l’aune de l’état du droit : la région est, par principe, seule compétente pour mettre en place des régimes d’aides au profit des entreprises y compris au profit des entreprises en difficulté. Et si les communes et leurs groupements peuvent participer au financement et à la mise en œuvre des régimes d’aides mis en place par la région dans le cadre d’une convention passée avec elle, ce n’est pas le cas des départements (article L. 1511-2 du Code général des collectivités territoriales).

C’est ce que soulignait le Tribunal : « il résulte des dispositions précitées que les régions sont, en dehors des exceptions qu’elles déterminent, seules compétentes pour définir et attribuer des aides économiques aux entreprises ».

Reste que les départements, tout comme les communes et leurs groupements, peuvent tout de même créer et mettre en œuvre des régimes d’aides lorsqu’un texte les y habilite spécifiquement ; étant précisé que ni l’existence d’une compétence dans un domaine donné, ni la clause générale de compétences ne suffisent à justifier une compétence sur le terrain des aides économiques (CE, 11 octobre 2017, Département des Yvelines et autres, req. n° 407347 ; CAA Nantes, 27 avril 2018, Union des métiers et des industries de l’hôtellerie des Côtes d’Armor, req. n° 16NT03165).

Mais là encore, le Tribunal n’est pas parvenu à identifier de textes justifiant la création d’un dispositif de cette nature par le Département « il ressort des pièces du dossier que les conditions d’éligibilité fixées par la délibération en litige ne permettent pas de restreindre l’octroi de l’aide économique qu’elle prévoit aux compétences dévolues au département en la matière et qui sont rappelées au point 3 ».

Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a donc logiquement conclu que le moyen soulevé par le Préfet était effectivement de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération déférée qui devait, en conséquence, être suspendue.

Loin de surprendre, cette ordonnance s’inscrit au contraire pleinement dans la philosophie qui animait le gouvernement lorsqu’il a entrepris de réformer la répartition des compétences entre les collectivités territoriales (instruction du gouvernement du 3 novembre 2016 sur les conséquences de la nouvelle répartition des compétences en matière de développement économique sur les interventions des conseils départementaux), et s’inscrit au-delà dans la continuité des décisions déjà adoptées par d’autres juridictions administratives (décisions précitées).

Le vrai apport de cette ordonnance réside sans doute ailleurs : en se plaçant sur le seul terrain des textes de droit commun, le Tribunal souligne autrement que les différentes ordonnances et autres décrets adoptés depuis mars pour faire face à la crise sanitaire n’ont rien changé aux règles de compétences en matière d’aides économiques.

Les collectivités territoriales ne disposent donc pas plus d’outils que par le passé pour aider les commerces, entreprises ou autres acteurs économiques établis sur leur territoire, et frappés par les conséquences de la crise sanitaire, à tout le moins de façon immédiate : naturellement, les collectivités peuvent en revanche incidemment soutenir les commerces en difficulté par la voie de dispositifs qui cette fois sont entre leurs mains, et notamment par la voie de report, franchise et/ou autre rabais sur les redevances dues au titre de l’occupation du domaine. 

Droit de préemption : précisions sur la réalité du projet et l’intérêt général dans le cadre de la réalisation de logements

Par un arrêt en date du 15 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Versailles donne des précisions très utiles à propos de l’exercice du droit de préemption par la commune de Villemomble en vue de la réalisation, par l’office public de l’habitat de Villemomble, d’un ensemble immobilier comprenant environ quarante logements sociaux, dans le cadre de la convention d’utilité sociale passée entre cet office et le préfet de la Seine-Saint-Denis.

En premier lieu, sur la réalité du projet, la cour administrative d’appel de Versailles énonce que la commune pouvait valablement se prévaloir du projet poursuivi par l’office public de l’habitat qui lui est rattaché, dont la réalisation est – en outre – de nature à contribuer au respect qui lui incombe des objectifs fixés par la loi en termes de logements locatifs sociaux (article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation).

En second lieu, sur le moyen tiré d’un prétendu détournement de pouvoir soulevé par le requérant, la Cour administrative d’appel de Versailles précise que le fait, notamment, que l’acquéreur évincé ait conduit un travail et mené une réflexion avec la mairie de Villemomble pendant plusieurs mois pour faire aboutir son propre projet immobilier que l’office public de l’habitat de Villemomble aurait « récupéré à peu de frais » est insuffisant pour démontrer que le maire a agi dans un but étranger à celui en vue duquel le droit de préemption.

Cette décision vient rappeler finalement que le droit de préemption urbain, introduit par le législateur pour permettre des interventions nécessaires de la puissance publique dans les relations entre particuliers, comporte nécessairement des restrictions pour le propriétaire vendeur et l’acquéreur évincé qui se justifient par l’intérêt général.

Utile rappel sur l’indemnité versée au titulaire d’un marché en cas de non atteinte du minimum prévu par le marché à bons de commandes

Par un arrêt en date du 22 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Versailles est venue rappeler l’indemnité à laquelle est en principe éligible un titulaire dans le cadre d’un marché à bons de commandes exécuté, sans atteindre la valeur minimum prévue par le contrat.

En l’occurrence, le Syndicat intercommunal d’aménagement de réseaux et de cours d’eau (SIARCE) avait attribué à la société « Aero Infra Réseaux », un des lots du marché de prestation intellectuelle à bons de commande portant sur la gestion des eaux, des réseaux et des ouvrages relevant de sa compétence. Conclu pour une durée d’un an, le marché a été reconduit pour la même durée, à l’issue de laquelle le syndicat a décidé de ne plus renouveler le marché.

A la suite à cette décision de non-reconduction, le titulaire du marché a réclamé une indemnité égale à la différence entre le montant total des bons de commande effectivement émis durant l’année d’exécution du marché et le montant minimum annuel prévu par le contrat. Cette demande indemnitaire a été rejetée implicitement par le Syndicat avant d’être déférée et écartée également par le Tribunal administratif de Versailles.

Saisi en appel, la Cour administrative d’appel de Versailles a rappelé qu’en vertu de l’article 3.7.5 du CCAG-PI applicable, le titulaire ne peut prétendre à une indemnité égale à la différence entre le montant total des bons de commande effectivement émis et le montant minimum annuel prévu par le marché, il peut seulement exiger le paiement d’une indemnité égale à la marge bénéficiaire qu’il aurait réalisé sur les prestations qui restaient à exécuter pour atteindre le montant minimum prévu par le contrat, sous réserves que cette demande soit établie par l’intéressé.

Ainsi, pour rejeter la demande subsidiaire d’une indemnité égale à la marge bénéficiaire à laquelle la société requérante aurait pu prétendre, la Cour administrative d’appel de Versailles a considéré qu’elle n’établissait pas la réalité du préjudice qu’elle invoque, dès lors qu’elle n’avait produit aucun élément comptable suffisamment probant relatif à sa marge nette concernant des prestations analogues réalisées durant les années d’exécution, ou encore des informations sur le taux de marge nette généralement constaté pour des entreprises du même type et pour des prestations de même nature exécutées à l’époque.

La taxe d’aménagement au taux majoré doit être proportionnée au coût des équipements publics à créer ou à étendre, rendus nécessaires par les nouvelles constructions dans le secteur en cause

Dans un arrêt publié au Recueil, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt très important en matière de financement d’équipements publics.

Une société, titulaire d’un permis de construire portant sur un immeuble de bureaux d’une surface de plancher d’environ 2.000 m², a contesté les titres de perception correspondant aux fractions de la taxe d’aménagement y afférant, et plus précisément la proportionnalité de la taxe au regard du coût des équipements publics dans le secteur.

Cette taxe d’aménagement avait été fixée à un taux majoré de 16%, en application de l’article L. 331-15 du Code de l’urbanisme, qui permet la fixation d’un tel taux majoré « si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées ».

En première instance, la requête de la société pétitionnaire avait été rejetée, le Tribunal administratif ayant considéré que :

  • le taux de 16% de la TA n’était pas excessif au regard de l’augmentation de la population dans le secteur en cause, les difficultés de circulation existantes, l’insuffisante capacité des équipements scolaires et l’absence d’équipements liés à la petite enfance rendant nécessaires la réalisation de travaux de voirie et d’équipements publics supplémentaires ;

  • aucun élément ne permettait de considérer que les équipements et aménagements prévus excéderaient les besoins du secteur ;

  • le fait que l’administration n’ait pas produit une estimation du coût des travaux envisagés des VRD à réaliser de nature à caractériser le taux de TA comme étant excessif.

 

Le Conseil d’Etat a annulé le jugement de première instance au motif suivant :

« En statuant ainsi, sans rechercher si ce taux était proportionné au coût des travaux de voirie ou de création d’équipements publics rendus nécessaires en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans les secteurs en cause, le tribunal administratif de Toulouse a entaché son jugement d’une erreur de droit ».

La Haute juridiction administrative applique donc strictement le principe de proportionnalité au taux de TA majoré (à l’instar de ce qui se pratique déjà habituellement aux financements d’équipements publics dans les ZAC).

L’administration ne saurait donc se contenter, pour justifier un taux de TA majoré, de considérations générales sur les besoins en équipements publics du secteur. Elle doit fixer ce taux au regard du coût prévisionnel de ces équipements, et de leur nécessité si de nouvelles constructions devaient venir s’implanter dans le secteur.

Le point sur la TVA sur marge des cessions des terrains à bâtir

Par Laëtitia Pignier, Avocate associée, Arbord, Tournoud & Associés

 

Depuis la réforme de la TVA immobilière intervenue en 2010 les conditions d’application de la TVA sur marge en cas de revente de terrains à bâtir pose de nombreuses difficultés d’interprétation entrainant une grande insécurité des opérations d’aménagement. Nous faisons le point sur les décisions intervenues ces derniers mois en la matière et qui semblent dessiner un régime particulièrement restrictif.

Rappelons que par dérogation au principe de l’application de la TVA sur le prix total, en cas d’acquisition puis de revente d’un terrain à bâtir par un assujetti à la TVA, la cession peut être soumise à la TVA sur la marge lorsque son acquisition n’a pas ouvert droit à la déduction de la TVA.

Outre cette condition, qui est considérée comme remplie notamment lorsque l’acte d’acquisition ne mentionne pas de TVA ou lorsque l’immeuble a été acquis pour les besoins d’une activité hors du champ de la TVA, l’administration fiscale avait posé une condition d’identité juridique et physique entre le bien acquis initialement et le bien revendu dans des réponses ministérielles successives en 2016. 

Compte tenu de l’intervention de plusieurs décisions de Tribunaux administratifs en sens contraire, l’administration était partiellement revenue sur sa doctrine et avait admis par une réponse Vogel (JO Sén. 17/05/2018 n° 04171) que le régime de la marge était applicable dès lors que la seule condition d’identité juridique était respectée.

Le Conseil d’Etat a, dans une décision du 27 mars 2020, prononcé l’annulation d’un arrêt rendu par la Cour administrative d’Appel de Lyon estimant que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant qu’il résultait des dispositions de l’article 268 du CGI et 392 de la directive du 28 novembre 2006 que le bénéfice du régime de TVA sur la marge était subordonné à la seule condition que l’acquisition du bien cédé (CE, 27.03.2020 n° 428234, « Promialp »).

Le Conseil d’Etat a cependant décidé du renvoi de l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Lyon sans trancher au fond et la société PROMIALP  a introduit une demande de question préjudicielle devant la CJUE dont le sort n’est pas connu à ce jour.

Dans le cadre d’une mise à jour de sa doctrine en mai 2020, intégrant la jurisprudence PROMIALP, l’administration fiscale a précisé, pour l’application du régime de la TVA sur la marge, qu’il n’y a lieu de rechercher le régime de l’acquisition aux fins de déterminer la base d’imposition que pour les seules livraisons d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°20).

Par deux décisions du 1er juillet 2020 (CE, 8èch., n° 431641, « RGBM » et n° 435463 « Immoxine », inédits au Recueil Lebon) le Conseil d’Etat a conforté la position de l’administration en précisant que le régime de TVA sur marge s’appliquait uniquement aux opérations de cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition avaient le caractère d’un terrain bâti.

La Cour d’appel de Nantes a parallèlement pris une position extrêmement restrictive dans 4 arrêts du 24 septembre 2020 (n°18NT03770, SARL JLDE, n° 18NT03796 SASU Immoteli, n° 18NT03811, SARL KLA Promotion et n°18NT03820, EURL Boussard Michel) estimant que lorsqu’un terrain et une construction font partie d’une même unité foncière au moment de leur acquisition, la revente ultérieure du terrain ne pourrait être soumis à la TVA sur marge et ce même dans l’hypothèse de l’existence d’un document d’arpentage enregistré avant l’acquisition de la parcelle ou d’un certificat de non-opposition à la division du terrains en lots antérieur à l’acquisition.

Cette notion d’unité foncière apparait contestable et conduit à une contagion maximale du bâti.

Si l’on couple ces jurisprudences avec la définition particulièrement large de bâtiment donnée par la doctrine administrative (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20) de « construction incorporée au sol qui inclut notamment les routes, voies, ferrées, ponts, tunnels, digues, barrages, pylônes, lignes électriques, conduites d’eau ou de gaz, parc de stationnement, murs de clôture, constructions industrielles diverses etc. », qui conduirait à considérer comme immeuble bâti une parcelle comprenant toute construction incorporée au sol, les cas dans lesquels  il peut être fait application du régime de TVA sur marge deviennent exceptionnels.

C’est d’ailleurs le sens d’une question préjudicielle renvoyée par le Conseil d’Etat à la CJUE (CE, 25.06.2020, « Icade » n° 416727) et qui a pour objet de voir consacrer par la Cour qu’en application du règlement que le régime de taxation sur la marge ne s’appliquerait pas à des opérations de livraisons de terrains à bâtir notamment lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente, de modifications de leurs caractéristiques telles que leur division en lots ou la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eaux potables, électricité, gaz, assainissement, télécommunication).

Dans un courrier adressé au Ministre de l’économie et des Finances le 15 juin 2020, le Président de l’AMF a fait part de ses inquiétudes face aux évolutions jurisprudentielles. Il a souligné qu’il devrait être fait une large application de la TVA sur marge aux ventes de terrains à bâtir intervenant dans le cadre d’opérations d’aménagements et le frein que constitue pour ces opérations une interprétation trop restrictive de la règle fiscale.

Si aucune réponse n’a été à notre connaissance apportée à cette lettre, le Ministre de l’Economie et des finances vient, dans le cadre d’une réponse ministérielle publiée le 29 septembre 2020 (rép. min. n° 30676 du 29.09.2020 JOAN p. 6686) de confirmer que pour l’administration, la mise en œuvre du régime de la TVA sur marge suppose que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à sa qualification juridique et que celle-ci, s’agissant des terrains à bâtir, doit reposer sur un critère objectif

Le gouvernement ne semble donc pas à l’heure actuelle infléchir sa doctrine, ou faire évoluer la législation fiscale.

Les décisions de la CJUE, du Conseil d’Etat et de la Cour administrative d’Appel de Nantes sont dans ce contexte particulièrement attendues afin de préciser les contours d’un régime déjà restrictif d’application de la TVA sur marge ce d’autant plus qu’elles sont susceptibles de permettre à l’administration d’entreprendre des redressements au titre d’opérations déjà réalisées (étant en outre rappelé qu’en raison de l’intervention de l’état d’urgence sanitaire l’administration fiscale peut procéder à des redressements au titre de l’année 2017 jusqu’au  14 juin 2021 au lieu du 31 décembre 2020).

Domanialité publique – mise en concurrence – autorisation constitutive de droits réels – cession – aspects financiers

La décision rendue par la Cour administrative d’appel de Lyon le 22 octobre dernier est intéressante sur le terrain de la domanialité publique, et ce à plusieurs égards.

La Cour était amenée à se prononcer sur une série de questions que suscitait le montage suivant : la ville de Chalon-sur-Saône a conclu une convention d’occupation du domaine public avec une société, l’autorisant à réaliser des ancrages partiels sur le domaine public en vue de l’édification d’un bâtiment à usage commercial en surplomb d’une place publique affectée à l’usage de parc de stationnement. Par ailleurs, la Ville a cédé à cette même société un volume d’air situé en surplomb de la place concernée, correspondant à l’emprise en volume de l’ouvrage commercial à réaliser.

Ces actes et les délibérations qui les approuvent ont été contestés par un conseiller municipal, qui invoquait une série de moyens sur lesquels la Cour apporte des solutions pour l’essentiel classiques, bien qu’en partie nouvelles.

En premier lieu, la Cour rappelle qu’il n’est pas possible de contester l’octroi d’un titre domanial sur le fondement de l’article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques – lequel institue une obligation de principe d’organiser une procédure de publicité et de sélection préalablement à l’octroi des autorisations d’occupation domaniale « à objet économique » –, dès lors que le titre a été accordé avant le 1er juillet 2017.

Ce faisant, elle s’inscrit dans la lignée d’une décision récente du Conseil d’Etat (CE, 10 juillet 2020, n° 434582), et adopte une solution pleinement logique : l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques indique expressément que ses dispositions relatives à la mise en concurrence des titres domaniaux sont applicables « aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017 ».

En revanche, la Cour souligne que, concernant les titres domaniaux accordés avant cette date, leur conclusion était susceptible de relever de l’article 12 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, lequel a été interprété par la Cour de Justice de l’Union Européenne comme emportant l’obligation de procéder à des mesures de publicité et de sélection préalablement à l’octroi de certaines autorisations d’occupation des biens publics, et notamment de celles qui permettent l’exercice d’une activité économique sur des ressources rares (CJUE, du 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, C-458/14 et C-67/15).

Et la décision de la Cour administrative d’appel de Lyon est, sur ce point, intéressante, parce qu’elle constitue l’une des toutes premières décisions nationales à se prononcer sur le champ d’application de cette obligation issue du droit européen.

Or, les magistrats retiennent ici une acception stricte du champ d’application de l’obligation de mise en concurrence européenne, en soulignant qu’une place publique, « utilisée pour le stationnement payant des véhicules et le marché hebdomadaire, ne constitue pas une ressource naturelle rare ».

La motivation est succincte, si bien qu’il est difficile d’en mesurer pleinement la portée : est-ce que les juges ont considéré que la place publique ne constituait pas une ressource rare, parce qu’il ne s’agit pas d’une « ressource naturelle » mais d’un bien artificiel, qui résulte de la main de l’Homme (auquel cas la solution peut surprendre parce qu’elle limiterait les obligations de mise en concurrence issue du droit européen au seul domaine public naturel, alors que la directive vise, au-delà des ressources naturelles rares, les « capacités techniques utilisables » rares, lesquelles pourraient englober les biens du domaine public « artificiel ») ; ou bien est-ce que la Cour a considéré que la place n’était pas une ressource rare parce que, dans l’absolu, il existe sans doute d’autres places publiques sur le territoire de la Ville, voire d’autres terrains nus qui pourraient accueillir un centre commercial (mais alors la solution surprendrait également, parce qu’il n’est sans doute pas non plus beaucoup de places publiques situées en plein cœur de la Ville, sur lesquelles peuvent être implantées un centre commercial qui a pour objectif de redynamiser le centre-ville) ?

En deuxième lieu, la Cour se prononce sur la notion d’ « opération d’intérêt général » qui permet à une collectivité territoriale de délivrer une autorisation d’occupation du domaine public constitutive de droits réels, sur le fondement de l’article L. 1311-5 du Code général des collectivités territoriales.

Sur ce sujet, la Cour considère que la réalisation d’un bâtiment à usage commercial, qui « vise à renforcer l’activité économique, en incitant certaines enseignes, par la création de locaux commerciaux de grande superficie, à s’installer en centre-ville plutôt qu’en périphérie, tout en réorganisant l’espace public afin de faciliter la circulation, en particulier des piétons et en préservant des emplacements de stationnement, a le caractère d’une opération d’intérêt général ».

La solution ne surprend guère sur ce sujet : de nombreuses décisions des juridictions administratives considèrent que la réalisation d’équipements ouverts aux habitants de la collectivité, qui ont par exemple pour objet la pratique d’une activité culturelle, ou bien qui permettent de redynamiser l’activité commerciale de la collectivité, de renforcer l’attractivité économique et touristique de la Ville, qui favorisent la création d’emplois ou qui mettent en valeur le patrimoine sont autant de circonstances qui traduisent des opérations d’intérêt général au sens des dispositions précitées.

En troisième lieu, la décision de la Cour administrative d’appel de Lyon est intéressante sur le terrain de la qualification même d’une dépendance domaniale. En effet, la Cour devait se prononcer sur la nature d’un « cube d’air » situé en surplomb d’une dépendance qui relève du domaine public routier (un parc de stationnement), et qui devait être cédé à une société privée pour la réalisation de l’ouvrage commercial sous sa propre maîtrise d’ouvrage.

La Cour considère à cet égard que ce volume d’air « n’a pas vocation à être affecté directement par la personne publique à l’usage du public ni à un service public » et qu’ « il ne présente par ailleurs pas, ainsi que l’a jugé le tribunal, le caractère d’un accessoire indissociable nécessaire à l’utilisation du parc de stationnement qu’il surplombe ». En conséquence, il relève du domaine privé de la collectivité.

Sur ce sujet encore, la décision est classique, bien qu’elle puisse surprendre au premier regard. En effet, s’il ressort des textes (article 552 du Code civil) et de la jurisprudence que la propriété du sol emporte la propriété du sous-sol et du « sur-sol », il reste que la domanialité publique du sol n’implique pas fatalement, en revanche, la domanialité publique du sous-sol et du sur-sol.

Aussi, le surplomb d’une dépendance domaniale ne relève-t-il du domaine public que s’il est lui-même affecté à l’usage direct du public ou à un service public au prix d’un aménagement indispensable (ou bien qu’il est destiné de façon certaine à l’être), ou que s’il constitue un accessoire indissociable de la dépendance domaniale qu’il domine.

Or, tel n’était pas le cas du volume d’air sur la nature duquel la Cour était amenée à se prononcer : ce volume, actuellement vide par nature et donc non affecté à une utilité publique, était destiné à la réalisation d’équipements commerciaux sous maîtrise d’ouvrage privée, et ne constituait pas un accessoire qui était nécessaire à l’utilisation du parc de stationnement au-dessus duquel il est situé.

En quatrième lieu, la décision de la Cour administrative d’appel de Lyon est également intéressante en ce que la Cour était amenée à se prononcer sur les aspects financiers attachés à l’occupation du domaine public et à la cession d’une dépendance publique.

Le requérant soutenait en effet que la Ville avait, d’une part, sous-évalué le montant de la redevance attachée à l’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, et d’autre part, sous-évalué le prix de cession du volume surplombant le domaine public.

La Cour ne retient pas ce moyen, en ses deux branches.

Concernant le montant de la redevance d’occupation, la Cour exerce un degré de contrôle habituel en la matière : elle limite son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation, en soulignant que la méthode d’évaluation proposée par le requérant, fondé sur des  » montants moyens de loyers commerciaux pratiqués dans des centres commerciaux de périphérie  » « n’est pas de nature à établir, d’une part, que le montant annuel de la redevance d’occupation du domaine public, fixée à 25 000 euros, aurait été manifestement sous-évaluée par rapport aux avantages de toute nature procurés » à l’occupant.

Concernant le prix de cession du volume d’air, la Cour souligne qu’il est supérieur à l’évaluation qui avait été faite par le service des domaines, et que le requérant ne démontre par ailleurs pas qu’il ne correspondrait pas à la valeur vénale du bien, « compte tenu de ses caractéristiques et du marché immobilier ».

Ce dernier point mérite l’attention, tant on sait aujourd’hui que le prix de cession des biens publics fait de plus en plus l’objet de discussions contentieuses qui tendent à critiquer le montant retenu, souvent jugé trop bas, alors même qu’il correspond ou qu’il est supérieur au prix fixé par le service des domaines.

Assouplissement des conditions d’octroi et de versement des avances dans les marchés publics

Le décret n° 2020-1261 du 15 octobre 2020 relatif aux avances dans les marchés publics a été publié au Journal officiel le 17 octobre 2020.

Ce décret a pour objet de pérenniser les mesures introduites par l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.

Pour rappel, afin de soutenir la trésorerie des entreprises, l’article 5 de l’ordonnance précitée allégeait l’encadrement du versement des avances, lesquelles constituent une exception à la règle du service fait prévue par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, afin de permette aux acheteurs de modifier les conditions de versement de l’avance par avenant.

Les dispositions de cet article permettaient notamment aux acheteurs de porter le taux de l’avance à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande et supprimer l’obligation faîte aux entrepreneurs de constituer une garantie à première demande pour bénéficier des avances dont le taux était supérieur à 30 % du montant du marché.

Le décret commenté inscrit ces modifications durablement dans le code de la commande publique.

Aux termes de l’article R. 2191-7 du Code de la commande publique, l’acheteur peut porter le montant de l’avance au-delà de 30 % du montant du marché ou du bon de commande sans limitation de montant et il n’a plus à obliger la constitution d’une garantie à première demande au titulaire du marché pour en autoriser le versement (La constitution de cette garantie ne peut même plus être exigée s’agissant des personnes publiques titulaires d’un marché).

Compte tenu l’assouplissement du régime des avances, tant dans le déplafonnement de leur montant que dans la constitution des garanties permettant leur versement, les modalités de leur remboursement ont été aménagées. Le principe de leur remboursement demeure inchangé s’agissant des avances dont le taux est inférieur à 30% du montant du marché ou du bon de commande, ce dernier commence quand le montant des prestations exécutées atteint 65 % du montant toutes taxes comprises du marché et doit être achevé quand ce taux atteint 80% du montant précité. En revanche, s’agissant des avances dont le taux est supérieur à 30% du montant du marché ou du bon de commande, leur remboursement commence dès la première demande de paiement et s’achève soit lorsque le montant des prestations exécutées atteint 65 % du montant toutes taxes comprises du marché quand le montant des avances est inférieurs à 80% du montant du marché et à la fin du marché si le montant des avances est supérieur à ce taux.

On relèvera qu’il n’est pas envisageable de modifier les règles de versement des avances par avenant pour les marchés déjà en cours d’exécution car l’article 3 du décret dispose qu’il s’applique aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du lendemain de la date de sa publication au Journal officiel de la République française soit à compter du 18 octobre 2020.

Droit de la copropriété : retour sur la réforme

Attendue par les professionnels de l’immobilier, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, complétée par le décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020, a réformé le droit de la copropriété des immeubles bâtis.

Plus d’un an après son entrée en vigueur, il convient de dresser un bilan des principales innovations de cette ordonnance.

 

I – Les dispositions relatives à l’assemblée générale

 

A – La convocation d’une assemblée générale par un copropriétaire

Tout copropriétaire peut désormais solliciter du syndic la convocation et la tenue d’une assemblée générale pour faire inscrire à l’ordre du jour une ou plusieurs questions ne concernant que ses droits. Notons que la tenue de cette assemblée générale se fera aux frais du copropriétaire la sollicitant.

Sur la forme, la demande faite par un ou plusieurs copropriétaires est notifiée au syndic et précise la ou les questions dont l’inscription à l’ordre du jour est demandée. Elle est accompagnée d’un projet de résolution pour chaque question.

Le syndic convoque l’assemblée générale qui se tient dans le délai de quarante-cinq jours suivant le paiement de ses frais et honoraires.

Cette mesure sera applicable aux assemblées générales qui se tiendront à partir du 31 décembre 2020.

 

B – Le vote par correspondance

Depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite « loi ELAN », les copropriétaires peuvent participer à l’assemblée générale par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification. Ils peuvent, par ailleurs, voter par correspondance avant la tenue de l’assemblée générale, au moyen d’un formulaire.

Par ailleurs, le formulaire de vote par correspondance doit être joint à la convocation. Pour être pris en compte lors de l’assemblée générale, le formulaire de vote par correspondance est réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion.

La feuille de présence doit notamment indiquer les nom et domicile de chaque copropriétaire ou associé ayant voté par correspondance avec mention de la date de réception du formulaire par le syndic.

COVID-19 : depuis l’entrée en vigueur du second confinement, les assemblées générales de copropriété doivent se tenir à distance, par visioconférence ou audioconférence ou au moyen du vote par correspondance, et ce jusqu’au 31 janvier 2021.

 

C – Le procès-verbal des décisions

Il est établi un procès-verbal des décisions de chaque assemblée qui est signé, à la fin de la séance, par le président, par le secrétaire et par le ou les scrutateurs. Il pourra désormais être signé dans les huit jours suivant la tenue de l’assemblée.

Il est à noter que l’irrégularité formelle affectant le procès-verbal d’assemblée générale, lorsqu’elle est relative aux conditions de vote ou à la computation des voix, n’entrainera pas nécessairement la nullité de l’assemblée générale dès lors qu’il est possible de reconstituer le sens du vote et que le résultat de celui-ci n’en est pas affecté.

 

D – La réalisation des travaux d’accessibilité

Chaque copropriétaire pourra faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. Ainsi, le copropriétaire notifiera au syndic une demande d’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés.

L’assemblée générale pourra, à la majorité des voix des copropriétaires, s’opposer à la réalisation de ces travaux par décision motivée par l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d’équipements essentiels, ou leur non-conformité à la destination de l’immeuble.

En l’absence d’opposition motivée, le copropriétaire peut faire réaliser les travaux conformément au descriptif détaillé présenté à l’assemblée générale, à l’expiration du délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée.

Ces dispositions s’appliquent aux assemblées générales de copropriétaires tenues à compter du 31 décembre 2020.

 

 

II – Les dispositions relatives à la vente d’un lot de copropriété

 

A  – La formation d’une opposition lors de la vente d’un lot de copropriété

Lors de la vente d’un lot, un avis de la mutation doit être donné par le notaire au syndic de l’immeuble par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de quinze jours à compter de la date du transfert de propriété.

Avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la réception de cet avis, le syndic peut former, par acte extrajudiciaire, opposition au versement des fonds dans la limite ci-après pour obtenir le paiement des sommes restant dues par l’ancien propriétaire.

Depuis le 4 juillet 2020, l’opposition éventuellement formée par le syndic doit énoncer d’une manière précise le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat de l’année courante, des deux dernières années échues et des deux années antérieures aux deux dernières années échues.

 

B – L’information du syndic lors de la vente d’un lot

Plusieurs événements peuvent affecter un lot de copropriété tels que le transfert de propriété d’un lot, la constitution sur ces derniers d’un droit d’usufruit, de nue-propriété, d’usage … À cette occasion, les parties ou le notaire qui établit l’acte doit en informer le syndic sans délai.

Cette notification comporte notamment la désignation du lot, l’indication des nom, prénoms, et du domicile. Notons que la notification pourra également comporter l’adresse électronique de l’acquéreur ou du titulaire de droit, sous réserve de leur accord exprès.

 

 

III – Les modalités de notifications et de mises en demeure

 

A – L’envoi par voie électronique

Les notifications et mises en demeure, sous réserve de l’accord exprès des copropriétaires, sont valablement faites par voie électronique. Le décret du 2 juillet 2020 précise que toutes les notifications et mises en demeure peuvent également être faites soit par lettre recommandée électronique, soit par l’intermédiaire d’un prestataire de services de confiance qualifié et garantissant l’intégrité des données.

Lorsque les notifications et mises en demeure sont faites au moyen du procédé électronique mis en œuvre par l’intermédiaire d’un prestataire de services, chaque copropriétaire concerné en est informé au moins quinze jours avant le premier envoi effectué par ce moyen.

Plusieurs obligations pèsent alors sur le prestataire de service. En effet, celui-ci devra délivrer à l’expéditeur un récépissé du dépôt électronique de l’envoi ainsi qu’un justificatif de la transmission de l’envoi par ses soins au destinataire. Ces documents comportent notamment le nom, prénom et adresse électronique de l’expéditeur et du destinataire ; un numéro d’identification unique de l’envoi ; la liste des pièces remises, la signature électronique du prestataire ou encore la date et l’heure de la transmission au destinataire.

Le prestataire doit conserver ces preuves de dépôt et de transmission pour une durée minimale d’un an.

Il convient de noter que le délai que les notifications et mises en demeure par voie électronique font courir a pour point de départ le lendemain de la transmission, par le prestataire de service de confiance, de l’avis électronique informant le destinataire d’un envoi électronique.

 

B – L’envoi d’un avis électronique au destinataire

Un avis électronique est adressé au destinataire par le prestataire de service de confiance qualifié afin de l’informer qu’un envoi électronique lui a été transmis. Cet avis comporte le nom de l’expéditeur, l’objet de l’envoi, un lien hypertexte invitant le destinataire à télécharger le contenu de l’envoi et la reproduction de la mention suivante :

« En application du second alinéa de l’article 64-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, le délai que les notifications et mises en demeure par voie électronique font courir a pour point de départ le lendemain de la transmission de l’avis électronique au destinataire. Pour le présent envoi, la date de transmission est le : (date à préciser) ».

Si le prestataire de service constate, passé un délai de 48 heures après la transmission de l’avis au destinataire, que ce dernier n’a pas procédé au téléchargement du contenu, il devra lui adresser un message de rappel.

 

 

IV – Les dispositions applicables aux copropriétés de taille réduite

 

A – Dispositions particulières aux petites copropriétés d’au plus cinq lots

Les décisions prises par voie de de consultation sont valables dès lors que tous les copropriétaires composant le syndicat ont chacun exprimé leur vote par présence physique, par visio ou audioconférence ou par courrier.

Chaque décision prise par voie de consultation est consignée sur un procès-verbal établi et signé par le syndic, comportant le sens du vote de chaque copropriétaire et la signature des copropriétaires présents. Ce procès-verbal est annexé au registre des procès-verbaux des assemblées générales

Lorsque le copropriétaire a participé à la consultation par visioconférence ou audioconférence, il confirme le sens de son vote par tout moyen dans les quarante-huit heures qui suivent la réunion. A défaut, la décision n’est pas valablement prise.

 

B – Dispositions particulières aux syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires

En cas de conflits d’intérêts du syndic non professionnel, le copropriétaire qui n’est pas syndic peut exercer une action contre l’autre copropriétaire en paiement des provisions sur charges. En cas d’absence ou de carence du syndic, cette action est ouverte à chacun des copropriétaires.

Concernant les réunions exceptionnelles, l’ordonnance a prévu deux mesures exceptionnelles applicables aux petites copropriétés :

  • D’une part, deux copropriétaires composant le syndicat peuvent se réunir sans convocation préalable et prendre toutes décisions ainsi que les décisions relevant de l’unanimité.

  • D’autre part, chaque copropriétaire peut convoquer l’autre copropriétaire à une assemblée générale en lui notifiant les points à l’ordre du jour. Chaque copropriétaire peut ajouter des points à l’ordre du jour sous réserve d’en informer préalablement l’autre.

Le décret précise que les décisions prises au cours d’une réunion rassemblant les copropriétaires ou prises par un seul copropriétaire sont consignées par écrit et versées au registre des procès-verbaux des assemblées générales. Ces décisions sont susceptibles de recours devant le tribunal judiciaire.

***

Très attendue, la réforme du droit de la copropriété s’est trouvée quelque peu contrariée par la   COVID-19 même si cette crise sanitaire aura permis d’accélérer la mise en pratique de certaines innovations telles que la tenue des assemblées générales par visioconférence.

 

Par Claire-Marie Dubois-Spaenlé et Elie Lellouche

Projet de loi de finances 2021 : la volonté du gouvernement de revenir sur la durée des contrats d’énergie solaire

Le gouvernement annonce vouloir revenir sur ses engagements dans les contrats d’énergies photovoltaïques conclus avant 2011, qu’il considère particulièrement coûteux pour l’Etat, par le biais d’un amendement au projet de loi de finances pour 2021.    

Comme le rappelle la Cour des comptes, dans son rapport relatif au soutien aux énergies renouvelables, publié en mars 2018, « L’engagement français en faveur des énergies renouvelables (EnR) s’inscrit dans le cadre d’objectifs européens formalisés à partir de 2001 par des directives successives ».  

A cette époque, les énergies renouvelables étaient soutenues via la mise en place de mécanismes d’obligations d’achat d’électricité, intégrés à des contrats pouvant porter sur une durée de 20 ans et accompagnés, parfois, de tarifs élevés.  

A la suite de l’évolution technique des installations d’énergies photovoltaïques, a été dénoncé le fait que ces mécanismes pouvaient être le support de spéculations financières. Parallèlement, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) estimait que ces engagements, conclus sur des dizaines d’années, pèseraient, sur les finances publiques, environ 2 milliards d’euros par an jusqu’en 2030[1]. Ainsi, un premier moratoire a été mis en œuvre à la fin de l’année 2010, suspendant cette obligation d’achat pour certaines installations utilisant l’énergie solaire.  

Face à de tels constats, la réflexion visant à réduire l’incidence de ces contrats, portant obligation d’achat d’électricité, sur les finances publiques, a récemment refait surface. Au début du mois d’octobre 2020, deux modes opératoires étaient à l’étude au sein des ministères concernés, à savoir une réduction de la durée de ces contrats ou une réduction du tarif d’achat. Le gouvernement a choisi la voie législative avec le projet de loi de finances pour 2021 pour faire adopter une telle mesure de réduction. Un premier amendement[2] avait été déposé en vue de réduire, de manière rétroactive, la durée des contrats d’obligation d’achat pour les installations photovoltaïques conclus avant 2011, mais celui-ci a été rejeté le 23 octobre, par la Commission des finances de l’Assemblée nationale.  

Cela ne semble toutefois pas marquer la fin de cette affaire, puisque le gouvernement devrait déposer un nouvel amendement reprenant en substance celui déjà rejeté. Après de nombreuses critiques des acteurs en présence, le ministère de la transition énergétique aurait précisé, lors d’un point presse du 29 octobre dernier, que seraient en réalité concernés par cette modification de durée, uniquement quelques 0,3 % des engagements antérieurs à 2011, soit environ 850 contrats d’une puissance de plus de 250 kWc.   

Par le biais notamment du syndicat des énergies renouvelables (SER) et du syndicat des professionnels de l’énergie solaire Enerplan, cette mesure est déjà largement discutée.  

 – 

[1] Les chiffres ayant été repris dans le rapport de 2018 de la Cour des comptes, ci-dessus mentionné. 

[2] Amendement n° II-CF1138, déposé le 20 octobre 2020, par M. Julien Aubert. 

Transmission d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation de la directive cadre sur l’eau

Par un arrêt du 14 octobre 2020, Association France nature environnement, n° 429341, le Conseil d’État a transmis à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur la prise en compte par l’autorité administrative des impacts temporaires de courte durée et sans conséquences de long terme sur l’eau lors de l’appréciation de la compatibilité des programmes et décisions administratives du domaine de l’eau avec l’objectif de prévention de la détérioration de la qualité des eaux.  

 

Le décret n° 2018-847 du 4 octobre 2018 prévoit en effet que, lors de l’examen par l’autorité administrative de cette compatibilité, « il n’est pas tenu compte des impacts temporaires de courte durée et sans conséquences de long terme » (article 7 du décret précité).  

  

L’association requérante sollicitait l’annulation de cet article ou la transmission d’une question préjudicielle à la CJUE portant sur sa conformité avec l’article 4§6 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000, dite directive cadre sur l’eau (DCE).  

  

En effet, cette directive instaure un objectif de prévention de la détérioration de la qualité des eaux de surface qui implique en principe le refus de l’autorisation d’un projet susceptible d’y porter atteinte. L’article 4, en son paragraphe 6 notamment, prévoit néanmoins des dérogations très strictement encadrées lorsque l’altération temporaire de l’état des eaux est due « à des causes naturelles ou de force majeure, qui sont exceptionnelles ou qui n’auraient raisonnablement pas pu être prévues – en particulier les graves inondations et les sécheresses prolongées – ou de circonstances dues à des accidents qui n’auraient raisonnablement pas pu être prévus ».  

  

La Ministre de la transition écologique et solidaire soutient toutefois que la dérogation prévue pour les impacts temporaires de courte durée et sans conséquences de long terme ne s’inscrit pas dans la dérogation prévue à l’article 4§6 de la directive mais dans celle prévue au 4§7, lequel prévoit, sous quatre conditions, une dérogation pour les détériorations de l’état d’une masse d’eau résultant de nouvelles activités de développement humain. Or, dans le cadre de la dérogation du paragraphe 7, un document établi par les Etats-membres et la Commission européenne énonçait que les quatre conditions de la dérogation n’avaient pas à être remplies lorsque les activités n’ont sur l’état d’une masse d’eau qu’un impact temporaire de courte durée et sans conséquences de long terme.  

  

Le Conseil d’Etat considère que cette question présente une difficulté d’interprétation sérieuse du droit de l’Union européenne, justifiant alors sa transmission à la CJUE.  

Nouvelles obligations des maîtres d’ouvrage de système d’assainissement

L’arrêté du 31 juillet 2020 modifiant l’arrêté du 21 juillet 2015 modifié relatif aux systèmes d’assainissement collectif et aux installations d’assainissement non collectif, à l’exception des installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 a été publié au Journal officiel le 10 octobre 2020. Il introduit des modifications des obligations des maîtres d’ouvrage de système d’assainissement, dont certaines méritent d’être mises en avant. 

  

Le champ d’application de l’obligation de réaliser un diagnostic périodique du système d’assainissement a été étendu. Auparavant, la réalisation d’un tel diagnostic n’était en effet imposée qu’au maître d’ouvrage des systèmes d’assainissement destinés à collecter et traiter une charge brute de pollution organique (CBPO) supérieure ou égale à 600 kg/ j de DBO5. Désormais, cette obligation pèse sur l’ensemble des maîtres d’ouvrage, indifféremment de la charge brute de pollution organique collectée et traitée par le système d’assainissement (article 9). Cet élément est néanmoins pris en considération dans le calendrier de mise en œuvre du diagnostic : lorsque la CBPO est supérieure ou égale à 600 kg/ j de DBO5, le diagnostic devra être établi au plus tard le 31 décembre 2021, le 31 décembre 2023 lorsqu’elle se situe entre 120 et 600 kg/j de DBO5 et le 31 décembre 2025 lorsqu’elle est inférieure à 120 kg/j de DBO5.  

  

L’obligation de diagnostic permanent, auparavant seulement applicable aux systèmes d’assainissement destinés à collecter et traiter des CBPO supérieures ou égales à 600kg/j, est également étendue à ceux pour lesquels cette valeur est supérieure ou égale à 120 kg/j de DBO5. En outre, dans le cadre de ce diagnostic permanent, une coopération entre les maîtres d’ouvrages d’un même système d’assainissement est instaurée afin que le diagnostic soit cohérent (article 9). 

  

L’arrêté étend également l’obligation de réaliser une analyse des risques de défaillance aux systèmes d’assainissement existants et fixe un nouvel échéancier pour sa mise en œuvre à l’article 4 de l’arrêté du 21 juillet 2015. Cet arrêté prévoyait en effet que les stations de traitement des eaux usées de capacité nominale supérieure ou égale à 12 kg/j de DBO5 faisaient l’objet d’une telle analyse avant leur mise en service. Les stations de capacité nominale supérieure ou égale à 120 kg/j de DBO5 en service au 1er juillet 2015 devaient également réaliser cette analyse au plus tard deux ans après la publication de l’arrêté du 21 juillet 2015. L’arrêté du 31 juillet 2020 impose désormais la réalisation d’une analyse des risques de défaillance et sa transmission au service de contrôle et à l’agence de l’eau aux systèmes d’assainissement existants. L’échéancier de mise en œuvre de cette obligation varie selon la quantité de CBPO destinée à être traitée ou collectée par le système d’assainissement.  

  

L’arrêté précise en outre les informations devant être transmises par les maîtres d’ouvrage des systèmes d’assainissement dans le cadre du registre des systèmes d’assainissement (article 6), registre qui a été instauré par le décret n°2020-828 du 30 juin 2020. Les titulaires de cette obligation, qui entre en vigueur le 1er janvier 2021, sont les propriétaires des systèmes d’assainissement destinés à collecter et traiter une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 12 kg et supérieure à 1,2 kg (article R. 214-106-1 C. env.). Ces informations sont relatives à « la description, l’exploitation et la gestion du système d’assainissement » (R. 214-106-1 C. env.). L’arrêté du 31 juillet 2020 précise ces informations en son annexe IV. Il s’agit notamment des informations administratives relatives au maître d’ouvrage et à l’exploitant du système d’assainissement, à la station de traitement des eaux usées (notamment date du permis de construire, date de mise en service ou encore localisation), à la zone de collecte des eaux usées (notamment le nombre d’habitations desservies, l’estimation de la charge brute de pollution organique, nom et nature des milieux récepteurs, etc.) ou encore les informations relatives aux technologies utilisées pour le traitement, valorisation ou élimination des boues. Le maître d’ouvrage doit mettre à jour les informations du registre au plus tard un mois après que la modification est effective.  

Instauration de la commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a réformé la gouvernance de la responsabilité élargie des producteurs (REP). Elle a ainsi créé une commission inter-filières ayant des fonctions consultatives (article L. 541-10 II Code de l’environnement) remplaçant les commissions transversales et spécifiques des filières de REP. 

Le décret n° 2020-1249 du 12 octobre 2020 relatif à la commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs, publié au Journal officiel du 14 octobre 2020, modifie l’article D. 541-6-1 du Code de l’environnement, mettant en place cette instance et en précisant la composition et les fonctions.  

La commission inter-filières est placée sous l’autorité du ministre chargé de l’environnement, son secrétariat est assuré par la direction générale des risques et ses membres sont nommés par arrêté du ministre. 

  

1 – Composition de la commission 

  

La commission est composée d’un président, nommé par le ministre chargé de l’environnement, et des cinq collèges suivants, composés de cinq représentants de divers acteurs du domaine des déchets : 

  

  1. Le collège des producteurs des catégories de produits soumis à responsabilité élargie des producteurs ; 

  2. Le collège des collectivités territoriales (ses cinq représentants sont désignés sur proposition de l’Association des maires de France, qui en propose deux, de l’Assemblée des communautés de France, de l’Assemblée des départements de France et de l’Association des régions de France) ; 

  3. Le collège des associations (de protection de l’environnement agréées, de défense des consommateurs agréées et reconnues d’utilité publique dans le domaine de l’économie sociale et solidaire) ; 

  4. Le collège des opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, y compris de l’insertion ou l’économie sociale et solidaire ; 

  5. Le collège de l’Etat, composé de directeurs généraux ou de leurs représentants (chargé de la prévention des risques, des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des collectivités locales et des outre-mer, ou son représentant).  

  

Il importe ainsi de noter que deux collèges, auparavant présents au sein de la formation transversale de la commission, disparaissent ; il s’agit des collèges des éco-organismes et des organisations syndicales. En outre, le nombre de membres de certains collèges diminue ; c’est notamment le cas du collège des collectivités territoriales, qui compte cinq membres alors que l’ancien collège des élus locaux en comptait huit. 

Les membres de la commission, hormis les membres du collège de l’Etat, sont nommés pour un mandat de trois ans renouvelable.  

  

2 – Fonctions consultatives 

  

La commission inter-filières est chargée de rendre des avis consultatifs et publics sur :  

« – les projets d’arrêtés portant cahiers des charges impartis aux éco-organismes ou systèmes individuels de chaque filière ; 

– les demandes d’agrément des éco-organismes et des systèmes individuels ; 

– les projets d’arrêtés relatifs aux modulations des contributions financières versées par les producteurs, prévues à l’article L. 541-10-3 ; 

– les orientations des actions de communication inter-filières mises en œuvre par le ministre chargé de l’environnement en application de l’article L. 541-10-2-1, et le bilan de ces actions. » 

  

Cette liste n’est pas exhaustive. Ainsi, lorsque des projets de textes législatifs et règlementaires ont des incidences sur les filières de REP, le ministre chargé de l’environnement peut également consulter la commission. En outre, les arrêtés portant cahiers des charges peuvent prévoir d’autres hypothèses de consultation pour avis de la commission. 

La commission doit également être informée annuellement du bilan des travaux des comités de parties prenantes de chaque éco-organisme ou de toute autre information prévue par l’arrêté portant cahier des charges.  

Il est en outre possible pour le président de la commission de solliciter des avis de la part des comités des parties prenantes. 

Suspension d’une autorisation IOTA sans évaluation environnementale

La création d’un stade de football avait été autorisée par arrêté du Préfet de l’Oise en janvier 2016, projet qui avait été dispensé d’évaluation environnementale par arrêté de la Préfète de la région Picardie en 2015.  

Quelques années plus tard, la Commune sur le territoire de laquelle le stade a été construit a souhaité apporter des modifications à cet équipement en prévoyant notamment l’extension de sa superficie et rendant celle-ci supérieure à 10 hectares. Ces modifications ont été autorisées par le Préfet de l’Oise par un arrêté du 7 décembre 2018 modifiant l’arrêté de 2016.  

L’association pour l’aménagement de la vallée de l’Esches a alors demandé au juge des référés du Tribunal administratif d’Amiens de prononcer la suspension de l’exécution de cet arrêté sur le fondement de l’article L. 122-2 du Code de l’environnement, qui dispose que, si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d’approbation d’un projet est fondée sur l’absence d’étude d’impact, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée.  

Le juge des référés a rejeté cette demande en se fondant sur une réserve figurant à la rubrique n° 39 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, qui exonère certains projets d’évaluation environnementale lorsqu’ils ont donné lieu à un permis d’aménager ou de construire ou à une zone d’aménagement concerté lorsqu’ils ont été dispensés à l’issue d’un examen au cas par cas, et ce quand bien même le terrain d’assiette de ces projets couvrirait une superficie supérieure à 10 hectares. Il retient en outre que l’article L. 122-2 susmentionné ne pouvait être utilement invoqué pour obtenir la suspension d’un arrêté pris sur le fondement de l’article L. 214-3 du Code de l’environnement relatif aux autorisations IOTA.  

L’association s’est alors pourvue en cassation.  

Le Conseil d’Etat retient que la réserve sur laquelle s’est fondé le juge des référés du Tribunal administratif a été abrogée par décret du 4 juin 2018 et qu’il a donc commis une erreur de droit.  

Il retient en outre que l’article L. 122-2 du Code de l’environnement était parfaitement invocable en l’espèce, dans la mesure où l’autorisation IOTA prévue à l’article L. 214-3 du même Code, sur le fondement duquel avait été pris l’arrêté litigieux, est la même autorisation que l’autorisation environnementale prévue à cet article. 

Le Conseil d’Etat annule donc l’ordonnance de première instance et fait droit à la demande de suspension de l’arrêté litigieux en considérant que l’extension du projet en cause fait entrer ce dernier dans les projets de plus de 10 hectares soumis de manière systématique à évaluation environnementale et que, en l’absence d’une telle évaluation environnementale, l’arrêté doit être suspendu.  

Il en ressort donc que, lorsque l’extension d’un projet, qui n’était auparavant pas soumis à évaluation environnementale du fait de sa taille notamment, fait entrer celui-ci dans la catégorie des projets soumis systématiquement à évaluation environnementale en application de l’article R. 122-2 et annexe du Code de l’environnement, cette extension doit faire l’objet d’une telle évaluation avant de faire faire l’objet d’une autorisation environnementale. 

Rejet du pourvoi de Monsanto par la Cour de cassation

Par une décision du 21 octobre 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Monsanto dans le litige l’opposant à l’ancien agriculteur Paul François.  

Ce dernier avait inhalé par accident les vapeurs d’un herbicide commercialisé par la société jusqu’à son retrait du marché en 2007. Par un arrêt du 11 avril 2019, la Cour d’appel de Lyon avait déclaré la société responsable du dommage subi par l’agriculteur sur le fondement des articles 1245 et suivants du Code civil, c’est-à-dire sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux prévoyant que le producteur d’un produit est responsable des dommages causés par un défaut de ce produit.  

La société Monsanto s’est pourvue en cassation contre cet arrêt, pourvoi rejeté par la Cour de cassation qui retient l’applicabilité du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, que la société pouvait bien être assimilée au producteur du produit dès lors qu’elle se présentait comme tel sur l’étiquette du produit, que le dommage en cause était bien imputable au produit du fait de l’existence d’indice graves, précis et concordants, que le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et devait donc être regardé comme étant défectueux et qu’un lien causal avait bien été établi entre les dommages et le défaut du produit.  

Par ailleurs, la Cour estime que la société Monsanto n’était pas fondée à invoquer une exonération de responsabilité pour risques de développement et que la faute de la victime, également invoquée par la société au regard de l’absence de protection portée par celle-ci, était sans lien avec le dommage.  

Le rejet de ce pourvoi rend dès lors définitif l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon, reconnaissant la société Monsanto responsable des dommages subis par l’ancien agriculteur. Cet arrêt n’a toutefois pas fixé pas le montant de l’indemnisation due par la société ; il convient dès lors d’attendre une nouvelle décision pour apprécier les conséquences financières de cette reconnaissance de responsabilité.  

La CRE précise les modalités opérationnelles de sortie des clients perdant leur éligibilité aux tarifs réglementés de vente d’électricité

Pour rappel, l’article 64 de la loi énergie climat[1] prévoit que les consommateurs finals non domestiques qui ne respectent pas les critères d’éligibilité ne pourront plus bénéficier des tarifs règlementés de vente d’électricité́ (TRVE) à compter du 31 décembre 2020.  

L’application de ces dispositions a nécessairement des conséquences opérationnelles importantes, en particulier sur la période précédant et suivant immédiatement le 1er janvier 2021, d’abord pour les clients concernés, mais aussi s’agissant de la dynamique de marché qui s’impose en conséquence aux fournisseurs comme des modalités que devront appliquer les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD).  

C’est pourquoi, afin de préparer les échéances de disparition des TRVE pour certains consommateurs professionnels, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a piloté, conjointement avec le Médiateur national de l’énergie (MNE), un groupe de travail dédié à la communication et à l’information des acteurs (en particulier des consommateurs) qui a permis d’élaborer un guide d’information à destination des clients professionnels[2]

Par ailleurs, des groupes de concertation pilotés par Enedis sous l’égide de la CRE ont abordé les modalités pratiques d’application des dispositions de la loi énergie climat, compte tenu des contraintes opérationnelles, notamment en termes de systèmes d’information, des GRD et des fournisseurs. 

Toutefois, aucun consensus ne s’est dégagé à l’issue de cette concertation menée quant aux modalités opérationnelles de « bascule » du 1er janvier 2021 dans le cadre de la fin des TRVE pour certains consommateurs professionnels.  

Dans ce contexte, la CRE recommande, premièrement, que :  

  • La période de neutralisation[3], indispensable pour des raisons techniques, débute au 1er janvier 2021, afin de permettre à̀ l’ensemble des consommateurs perdant leur éligibilitéś aux TRVE de bénéficier de leur droit de quitter les TRVE jusqu’au 31 décembre 2020 ;
     
     
  • Les contraintes pesant sur le format des offres soient levées et que les fournisseurs qui le souhaitent soient libres de proposer des offres adaptées à̀ leurs clients, en particulier si des changements de structure tarifaire sont nécessaires.  

  

Deuxièmement, afin d’être en mesure d’estimer au mieux le nombre de consommateurs qui seront concernés par cette « bascule », la CRE demande à l’ensemble des fournisseurs d’électricité de plus de 20 000 clients non domestiques et de puissance souscrite inferieure à 36 kVa de bien vouloir lui communiquer, le 1er de chaque mois à compter de la publication de la délibération commentée et jusqu’au 31 décembre 2020, des informations relatives au nombre de client en les différenciant selon leur option tarifaire[4].  

Troisièmement et enfin, à compter du 1er janvier 2021 et pendant au moins un an, la CRE demande aux fournisseurs historiques d’électricité (EDF et les Entreprises Locales de Distribution sur leur territoire) de lui transmettre, le 1er jour de chaque trimestre, le nombre de clients en « offre de bascule » en les différenciant selon leurs anciennes options tarifaires.  

 

[7] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat 

[8] Ce guide est disponible sur le site de la CRE sur le lien suivant : https://www.cre.fr/L-energie-et-vous/suppression-des-tarifs-reglementes-de-vente-pour-certains-consommateurs/consommateurs-professionnels  

[9] En effet, les limites techniques concernant la capacité́ des systèmes d’information à gérer sur une courte période de temps autour du 1er janvier 2021 le passage d’un nombre potentiellement important de consommateurs vers les offres « de bascule » du fournisseur historique imposent, notamment, la mise en place d’une période de neutralisation pendant laquelle le traitement des demandes « changement de fournisseur » déposées par les fournisseurs, pour les clients concernés par la fin des TRVE, sera suspendu. 

[10] A savoir, les clients présents dans la dernière version des fichiers communiqués par les fournisseurs historiques en application de l’article 64 de la loi énergie climat et avec lesquels le fournisseur a signé́ un contrat de fourniture d’électricité́ qui débutera à̀ compter du 1er janvier 2021.  

Publication de deux nouvelles délibérations en matière de biométhane

Le 22 octobre 2020, la Commission de Régulation de l’énergie (CRE) a publié sur son site deux délibérations en matière de biométhane :

  • Une délibération portant validation de nouveaux zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz ;
  • Une délibération portant, d’une part, décision sur les mécanismes encadrant cette même insertion du biométhane dans les réseaux de gaz et, d’autre part, validation des investissements de distribution de GRDF associés au développement du biométhane.

 

 

Délibération de la CRE du 22 octobre 2020 portant validation des zonages de raccordement dans le cadre de l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz

https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Approbation/zonages-de-raccordement-dans-le-cadre-de-l-insertion-du-biomethane-dans-les-reseaux-de-gaz

Dans le prolongement de sa délibération du 10 septembre 2020[1] commentée dans notre Lettre d’actualité du mois d’octobre[2], la CRE a validé de nouveaux zonages de raccordement permettant l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

Pour rappel, les modalités d’injection du biogaz produit par méthanisation sur les réseaux de distribution et de transport du gaz naturel instituée par la loi du 30 octobre 2018[3] sont précisées par un décret du 28 juin 2019[4], désormais codifié aux articles D. 453-20 à D. 453-25 du Code de l’énergie.  

A ce titre, l’article D. 453-21 du Code de l’énergie prévoit que pour procéder à une telle injection, « les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel élaborent, après consultation des autorités organisatrices de la distribution de gaz naturel concernées, un zonage de raccordement des installations de production de biogaz à un réseau de gaz naturel, qu’ils soumettent à la validation de la Commission de régulation de l’énergie ».  

Ce zonage, qui doit donc être soumis à consultation des acteurs locaux puis à validation de la CRE, définit, pour chaque zone du territoire métropolitain continental située à proximité d’un réseau de gaz naturel, le réseau le plus pertinent d’un point de vue technico économique pour le raccordement d’une installation de production de biogaz.  

C’est dans ce cadre que les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, après avoir élaboré une carte de zonage indicative en avril 2020[5], ont soumis à la validation de la CRE, le 31 août 2020, 71 zonages de raccordement puis, entre le 1er septembre et le 9 octobre 2020, 29 nouveaux projets de zonage de raccordement, faisant l’objet de la délibération ici commentée.

Lors de la première délibération de validation du 10 septembre dernier, la CRE avait validé 54 zonages et invalidé les 17 autres en considérant que les éléments transmis devaient être complétés pour démontrer la solution pertinente pour procéder au raccordement de nouvelles installations de biométhane aux réseaux de gaz.

Ainsi, la CRE, dans le cadre de cette deuxième délibération, se prononce sur les 29 nouveaux projets de zonages, auxquels s’ajoutent donc les 17 zonages qui n’avaient pas étaient validés lors de sa première délibération.

De façon générale, la CRE :

  • Valide 31 des zonages présentés (dont la liste et les caractéristiques figure en annexe de cette délibération) en considérant qu’ils présentent de manière justifiée la solution de renforcement la plus pertinente d’un point de vue économique ;

  • Ne valide pas les 15 autres projets de zonages en considérant que :

    • Pour 10 d’entre eux, les éléments communiqués nécessitent d’être complétés pour démontrer que la solution présentée est bien la plus pertinente afin de raccorder les projets d’installations et de production de biogaz sur les territoires concernés ; la CRE demande donc aux opérateurs de fournir ces éléments complémentaires ;

    • Pour les 5 autres projets, les zonages proposés doivent être refusés car leurs caractéristiques (taille de la zone ou schéma de raccordement et de renforcement envisagé) ne satisfont pas au critère de pertinence technico-économique de développement du biométhane sur la zone considérée. Pour ceux-là, la CRE demande aux opérateurs de modifier ces projets et de les soumettre, le cas échéant, à la CRE pour une nouvelle validation.

 

Les 31 zonages ainsi validés par la CRE sont désormais prescriptifs, tout raccordement d’un site d’injonction de biométhane devant être conforme à ceux-ci. 

 

 

 

Délibération de la CRE du 22 octobre 2020 portant décision sur les mécanismes encadrant l’insertion du biométhane dans les réseaux de gaz et validation des investissements de distribution de GRDF associés au développement du biométhane

https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Decision/mecanismes-encadrant-l-insertion-du-biomethane-dans-les-reseaux-de-gaz-et-validation-des-investissements-de-distribution-de-grdf

Pour rappel, l’article D. 453-23 du Code de l’énergie prévoit que lorsque la capacité d’un réseau de transport ou de distribution de gaz naturel est insuffisante pour permettre le raccordement d’un projet d’installation de production de biogaz ayant a minima effectué sa demande « Installation Classée Pour la Protection de l’Environnement » (ICPE), les gestionnaires des réseaux concernés par le projet de renforcement de ces réseaux en conséquence de la future installation établissent le programme d’investissement correspondant à ce projet, qu’ils soumettent pour validation à la CRE[6].

Toutefois, la mise en œuvre de ce dispositif, durant le premier semestre 2020, montre la nécessité de compléter les modalités de validation par la CRE des programmes d’investissements de renforcement des gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) de gaz naturel.

Ainsi, la CRE a procédé à une consultation publique, du 22 juillet au 7 septembre 2020, afin, notamment, de présenter ses orientations relatives à la procédure de validation des investissements de renforcement des GRD, à l’issue de laquelle 19 contributions ont été adressées à la CRE.

Puis, GRDF a soumis, le 23 septembre 2020, à la validation de la CRE, un programme d’investissements.

Dans ce cadre, la délibération ici commentée vient, d’une part, compléter les modalités de validation par la CRE des investissements de renforcement des GRD et, d’autre part, valider 88 investissements de renforcement constitutifs du programme soumis par GRDF, pour un montant total de 43 M€.

S’agissant du dispositif de validation des investissements de distribution associés au développement du biométhane : la CRE, constatant que la moitié des répondants à la consultation étaient favorables ou favorables avec réserve à ce dispositif, maintient son orientation d’une validation formelle ex ante des investissements de renforcement des réseaux de distribution. 

Celle-ci consiste, de façon similaire, à ce qui est retenu pour les opérateurs de transport, en une délibération de la CRE, a minima annuelle et à court terme semestrielle (voire trimestrielle si le rythme de la filière le justifie), pour valider formellement les volumes prévisionnels d’investissements à déclencher par les GRD dans les six mois à venir.

S’agissant de la validation des investissements de distribution de GRDF associés au développement du bio méthane, la CRE considère :

  • Pour les 39 ouvrages soumis à la CRE en juillet 2020 représentant un montage d’investissement de 14 M€ : qu’il y a lieu de valider d’office la liste les investissements afférents sans tenir compte du statut de validation du projet de zonage y étant associé, dès lors qu’ils correspondent à des renforcements rendus nécessaires par des projets antérieurs à la publication de la « Délibération Bioméhane » mettant en place ce mécanisme de zonage ; toutefois, la CRE demande à GRDF de lui transmettre d’ici la fin de l’année 2020 les zonages correspondant aux ouvrages pour lesquels elle ne dispose pas de projets de zonage ;

 

  • Pour les ouvrages prévisionnels soumis à validation en septembre : qu’il y a lieu de valider 48 d’entre eux, considérés comme justifiés, mais qu’elle n’est pas en mesure de valider les 45 restants et notamment d’apprécier leur cohérence avec les zonages de raccordement des zones concernées ;a CRE demande donc à GRDF de réaliser les projets de zonage sur ces zones concernées et, une fois ces derniers validés par la CRE, de lui soumettre une nouvelle demande de validation des investissements conformes à ces zonages.

 

 –

[1] Délibération disponible ici https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Avis/dispositifs-de-soutien-a-la-filiere-biomethane

[2] Article disponible ici : https://www.seban-associes.avocat.fr/publication-de-deux-deliberations-de-la-cre-en-matiere-de-biomethane/?idlajee=102422

[3] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous  

[4] Décret n° 2019-665 du 28 juin 2019 relatif au renforcements des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel nécessaires pour permettre l’injection du biogaz produit, complété par l’arrêté du 28 juin 2019 définissant les modalités d’application de la section 6 du chapitre III du titre III du titre V du lire IV du code de l’énergie

[5] Cette carte de zonage avait été présenté dans notre LAJEE du mois d’avril disponible ici : http://www.seban-associes.avocat.fr/publication-dune-carte-de-zonage-indicative-par-grdf-et-grtgaz-sur-leurs-sites-pour-linjection-du-biomethane-dans-les-reseaux-de-distribution-de-gaz-naturel%e2%80%af/?idlajee=100987  

[6] Ce dispositif a été précisé par la CRE dans sa délibération n°2019-242 du 14 novembre 2019 disponible ici : https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Decision/mecanismes-encadrant-l-insertion-du-biomethane-dans-les-reseaux-de-gaz

 

Les frais de dépollution d’un site industriel : une nouvelle composante de l’indemnité d’éviction ?

Un Office Public de l’Habitat donne en location des locaux commerciaux à une société pour y exploiter une station-service de distribution de produits pétroliers et de vente d’accessoires automobiles. Au terme du bail, il délivre au preneur un congé avec refus de renouvellement avec offre du paiement d’une indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L. 145-18 du Code de commerce (considérant un projet de démolition et reconstruction).

De manière assez classique, un désaccord intervient entre les parties sur le montant de l’indemnité d’éviction; le bailleur soutenant notamment qu’il n’avait pas à prendre en charge les frais de dépollution du site. Un expert judiciaire a donc été désigné avec pour mission d’évaluer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation.

Aux termes du dépôt de son rapport, l’Expert a ainsi conclu :

  • que l’éviction entraînera la perte du fonds de commerce ;

     

  • que les frais de dépollution du site devraient être déduits du montant de l’indemnité d’éviction (indemnité principale et accessoires).

En première instance, le Tribunal avait ladite estimé que la société preneuse, en sa qualité de dernier exploitante du site, devait se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale (ICPE), notamment en faisant réaliser les diagnostics prévus par la loi et en faisant le cas échéant dépolluer les lieux pris à bail à ses frais.

En effet, en application de l’article L. 110-1, II-3° du Code de l’Environnement, ainsi que da la jurisprudence constante en la matière, le preneur devrait – en sa qualité de dernier exploitant du site – se conformer à l’ensemble des obligations mises à sa charge par la réglementation sur les installations classées pour la protection environnementale, et partant prendre en charge la dépollution des lieux.

La société preneuse a interjeté appel de ce même jugement.

Contre toute attente, la cour d’appel de Paris rompt avec ce principe au visa de l’article L. 145-14 du Code de commerce, rappelant ainsi que l’indemnité d’éviction doit couvrir l’entier préjudice subi par le locataire du fait du défaut de renouvellement du bail.

Par voie de conséquence, en l’espèce, la Cour a considéré que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs, étaient directement liés à l’éviction commercial de la société et partant, à l’arrêt définitif de l’exploitation. Ils devaient donc être indemnisés au titre des indemnités accessoires.