le 14/01/2021

Examen de la constitutionnalité de certaines dispositions environnementales de la loi ASAP

Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique

Conseil constitutionnel, 3 décembre 2020, n° 2020-807 DC

 

Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la saisine de plus de 60 députés relative à la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, laquelle avait été commentée à l’occasion de la LAJEE n° 66 du mois de novembre 2020.

 

Les auteurs de la saisine contestaient notamment la conformité de plusieurs dispositions de portée environnementale de la loi ASAP aux normes constitutionnelles.

 

1°) Tout d’abord, les requérants questionnaient la constitutionnalité de l’article 34 de la loi, relatif aux conditions d’application des règles et prescriptions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cet article permet en effet d’étendre aux projets en cours d’instruction les règles de mise en conformité avec de nouvelles prescriptions applicables aux installations existantes. Il vise également à empêcher que les prescriptions relatives au gros œuvre ne s’appliquent aux projets existants ou en cours d’instruction. Les projets en cours d’instruction visés sont ceux dont la demande d’autorisation est complète.

 

Afin de considérer que l’article 34 ne méconnait pas la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, le Conseil constitutionnel relève tout d’abord que ses dispositions ne sont pas applicables lorsqu’y fait obstacle un motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France. Ensuite, le juge considère que ces dispositions n’ont pas pour objet de soustraire les projets en cours d’instruction aux prescriptions environnementales, mais de reporter leur mise en œuvre et que les dispositions relatives au gros œuvre ont pour objet d’éviter que l’adoption de nouvelles prescriptions entraine des conséquences disproportionnées. Enfin, le Conseil relève que l’article 34 de la loi ASAP n’empêche pas le Préfet de prendre en compte l’ensemble des règles de fond auxquelles le projet est soumis ni d’édicter des prescriptions spécifiques à chaque projet en plus des prescriptions générales fixées par le Ministre. Il rejette dès lors les moyens d’inconstitutionnalité soulevés.

 

2°) Ensuite, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article 44 de la loi ASAP, qui permet au Préfet de soumettre certains projets à consultation par voie électronique plutôt qu’à une enquête publique. Pour ces projets, l’enquête publique est alors réalisée lorsque le Préfet estime cette procédure nécessaire en raison des impacts du projet sur l’environnement ou sur l’aménagement du territoire et des enjeux socio-économiques qu’y s’y attachent. Les requérants soutenaient que ces termes étaient trop imprécis pour encadrer le pouvoir du Préfet, ce qui constituerait une incompétence négative du législateur qui est tenu d’encadrer la participation du public en application de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le juge constitutionnel considère toutefois que cet encadrement impose au Préfet d’apprécier les impacts du projet sur l’environnement, ce qui définit suffisamment les conditions de participation du public. Le Conseil constitutionnel juge donc cet article conforme à la Constitution.

 

3°) Enfin, les requérants soutenaient que l’article 56 de la loi ASAP méconnaissait la Charte de l’environnement et le droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu’il permet au Préfet d’autoriser l’exécution de certains travaux avant la délivrance de l’autorisation environnementale. Le Conseil constitutionnel juge cependant que cette possibilité est suffisamment encadrée pour être conforme aux normes constitutionnelles. Ainsi, le juge rappelle que le Préfet ne peut autoriser que les travaux dont la réalisation ne nécessite pas une décision spécifique (une décision spécifique pouvant consister en une autorisation de défrichement, une autorisation pour l’émission de gaz à effet de serre, ou encore une décision de non opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000…), qu’il doit avoir eu connaissance de l’autorisation d’urbanisme, que la possibilité d’exécution anticipée des travaux doit avoir été portée à la connaissance du public et que la décision préfectorale est susceptible de recours.