le 17/12/2020

Suite… mais pas fin de la « saga » relative aux redevances d’infrastructures ferroviaires perçues par SNCF Réseau pour le service annuel 2020

CE, 27 novembre 2020, SNCF Réseau, n° 431748

Voir également : CE, 27 novembre 2020, Ile-de-France Mobilités, n° 434544

 

Par une décision en date du 27 novembre 2020, le Conseil d’Etat a annulé l’avis conforme rendu par l’Autorité de régulation des transports (ART) sur la fixation des redevances d’infrastructure liées à l’utilisation du réseau ferré national, en tant qu’il porte sur la redevance marché des services conventionnés TER et les redevances de marché et d’accès pour les services conventionnés en Ile-de-France.

Il ne fixe pas lui-même le niveau « soutenable » d’évolution de ces redevances, mais renvoie à l’ART le soin de réexaminer le projet de tarification de l’infrastructure, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision, en tenant compte de l’erreur de droit relevée au point 11 de celle-ci.

Le Conseil d’Etat juge en effet que l’Autorité a exigé à tort que SNCF Réseau démontre la capacité financière des autorités organisatrices à faire face aux majorations projetées, en considérant, d’une part, comme déterminant le plafond d’augmentation des dépenses de fonctionnement des régions aux termes du dispositif de « contractualisation financière » et, d’autre part, que toute augmentation des majorations supérieure à l’évolution de l’indice des prix à la consommation ne pouvait être regardée comme soutenable.

Selon lui, il appartenait à l’ART d’examiner la soutenabilité des niveaux de redevances fixés (c’est-à-dire la capacité du marché à les supporter) par SNCF Réseau uniquement au regard de la circonstance que les tarifs projetés « ne remettent pas en cause l’équilibre économique des contrats de service public du segment de marché considéré » soit parce qu’elles font  sur les entreprises ferroviaires des majorations qu’elles ne peuvent pas supporter soit, lorsque ces redevances sont compensées par les autorités organisatrices – ce qui est le cas en pratique aux termes des conventions TER conclues entre les AO et SNCF Voyageurs –, parce qu’elles sont fixées à un niveau de nature à conduire celles-ci à prendre des mesures susceptibles d’affecter sensiblement l’utilisation de l’infrastructure sur ce segment (c’est-à-dire, concrètement, à revoir l’offre de transport qu’elles souhaitaient voir mettre en œuvre).

Dans l’avis critiqué par SNCF Réseau devant la Haute juridiction, l’ART avait considéré que l’augmentation de 2,4% des redevances « marché » et « d’accès » n’était pas soutenable en ce qu’elle excédait tant le plafond d’évolution des dépenses de fonctionnement des régions fixé dans le cadre de la « contractualisation financière » (1,2 %) que l’indices des prix à la consommation harmonisé (IPCH) (1,8 %). Elle en avait conclu que le niveau de soutenabilité devait se trouver à un niveau inférieur ou égal à + 1,8 %.

Le Conseil d’Etat ne critique pas l’ART d’avoir pris en compte l’IPCH dans son analyse, mais d’avoir considéré par principe comme non soutenable toute augmentation des majorations des redevances d’infrastructure au-delà de ce niveau.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’ART faisait référence à un « principe d’un plafonnement des augmentations au niveau de l’évolution des prix à la consommation » (Avis n° 2017-036 du 29 mars 2017).

Au total, le Conseil d’Etat se garde de juger du caractère soutenable ou non, en l’espèce, de l’augmentation des majorations des redevances d’infrastructure fixé à 2,4 % par SNCF Réseau dans son projet de Document de référence du réseau (DRR) pour 2020, et laisse le soin à l’ART de motiver autrement son avis quant au caractère soutenable de cette évolution, voire de changer d’avis.

Le niveau définitif des redevances « marché » » et « d’accès » pour 2020 sera donc visiblement après l’échéance du service annuel 2020, puisque le service annuel 2021 débute le 13 décembre à minuit !

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Par ailleurs, dans une décision rendue le même jour, le Conseil d’Etat a rejeté le recours formé par Ile-de-France Mobilités à l’encontre d’une ordonnance venant compléter l’article L. 2111-25 du Code des transports portant sur le calcul et le niveau des redevances d’infrastructure du réseau ferré national et modifier l’article L. 2133-5 dudit Code relative à l’avis rendu par l’ART à ce propos (précisément le cas où l’ART n’a pas émis d’avis favorable dans un délai permettant que trois mois au moins avant l’entrée en vigueur du service annuel en cause la tarification de l’infrastructure ferroviaire soit publiée par SNCF Réseau).

Sur le premier point, le Conseil d’Etat a notamment considéré que les compléments de l’article L. 2111-25 n’avaient « ni pour objet ni pour effet de méconnaître la règle selon laquelle la soutenabilité des redevances est appréciée à l’échelle du segment de marché pertinent ».

Sur le second point, les dispositions en cause ont pour objet de prévoir que, lorsque l’ART n’a pas rendu d’avis favorable sur la tarification de l’infrastructure trois mois avant l’entrée en vigueur de l’horaire de service en cause, le gestionnaire détermine une tarification sur la base de la dernière tarification approuvée par l’ART, une évolution étant possible dans la limite de l’évolution de l’indice des prix à la consommation l’année suivant cette tarification favorable.

Le Conseil d’Etat a considéré que ces dispositions ne méconnaissaient pas l’autonomie de gestion de SNCF Réseau, cette autonomie devant être « conciliée avec l’existence d’un cadre de tarification » et, par ailleurs, qu’elles ne méconnaissaient pas l’indépendance de l’organisme de contrôle – l’ART – par rapport rapports aux autres autorité étatiques, celles-ci ne s’y substituant pas.