Irrégularité de deux offres proposées par un même soumissionnaire

Par sa décision du 8 décembre 2020, qui sera mentionnée dans les Tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat pose le principe selon lequel un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre pour chaque lot et, par ailleurs, vient préciser les cas dans lesquels des offres de différents candidats peuvent être considérées comme identiques.

Cette décision est rendue dans le cadre d’un litige portant sur la procédure d’appel d’offres ouvert mise en œuvre par la Métropole Aix-Marseille-Provence en vue de l’attribution d’un accord-cadre multi-attributaires  ayant pour objet des travaux d’aménagement, de réparation, d’entretien, de rénovation des bâtiments et ouvrages divers lui appartenant. Le lot n° 12 a été attribué aux trois entreprises suivantes : Bensimon Joachim Meyer (Maintenance Climatique), CMT Services et Compagnie méridionale d’applications thermiques. Candidate évincée de l’attribution de ce lot, la Société Eiffage Energie Systèmes, dont l’offre avait été classée en quatrième position, a saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Marseille. Ce dernier a, par une ordonnance du 19 novembre 2019, annulé la procédure de passation du lot n° 12 et enjoint la Métropole, si elle entendait conclure le marché afférent à ce lot, de reprendre la procédure au stade de l’examen des offres en écartant les offres des sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d’applications thermiques.

Saisi en cassation par la Métropole ainsi que par les sociétés CMT Services et Compagnie méridionale, le Conseil d’Etat pose tout d’abord le principe selon lequel il résulte des dispositions du Code de la commande publique, en particulier des articles L. 1220-1 à L. 1220-3 et R. 2151-6, « qu’un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre pour chaque lot », sauf stipulation expresse prévue par les documents de la consultation, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Cette interprétation des textes précités a été soutenu par le Rapporteur public, Marc Pichon de Vendeuil, au motif « qu’il s’agit d’un usage de bon aloi qui conforte la transparence des procédures en prévenant les hypothèses, pas forcément si rares en pratique, où une entreprise, le cas échéant par le biais de différentes entités qui lui sont  liées, déposerait – selon une technique qui n’est pas sans rappeler celle du « tapis de bombe » –  des offres similaires afin de démultiplier de manière factice ses chances de remporter le marché, et biaise ainsi la concurrence ». Le Rapporteur public a également insisté sur le fait qu’un tel principe ne fait nullement obstacle aux possibilités pour les soumissionnaires de présenter des offres « variantes » lorsque l’acheteur les y autorise mais permet de prévenir des stratégies de contournement dans les cas où les variantes sont prohibées par l’acheteur.

Ensuite, le Conseil d’Etat poursuit en déduisant des dispositions précitées du Code de la commande publique que « si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l’absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot ». Ce faisant, le Conseil d’Etat réaffirme et complète sa jurisprudence CA du Nord Grande-Terre par laquelle il avait déjà jugé que, pour l’application de la limitation du nombre de lots pouvant être attribués à un même candidat telle que prévue par les documents de la consultation, deux sociétés devaient être regardées comme un seul et même opérateur dès lors que l’une se prévalait uniquement, pour l’exécution du marché, des moyens que l’autre s’était engagée à mettre à sa disposition (CE, 11 juillet 2018, req. n° 418021). Il s’agit donc pour l’acheteur se fonder sur « un faisceau d’indices », ainsi que l’a confirmé le Rapporteur public Olivier Henrard (concl. ss. CE, 11 juillet 2018, précitée, BJCP 2018, p. 362).

Faisant application du principe ainsi dégagé au cas d’espèce, le Conseil d’Etat constate, d’une part, que les offres litigieuses des sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d’applications thermiques pour le lot n° 12 émanaient de deux sociétés filiales d’un même groupe et, d’autre part, qu’elles étaient identiques et ne pouvaient être considérées comme des offres distinctes présentées par des opérateurs économiques manifestant leur autonomie commerciale. Il en conclut que la Métropole a méconnu les stipulations du règlement de la consultation en n’écartant pas comme irrégulières l’ensemble des offres de ces deux sociétés, que ce manquement était susceptible de léser la société Eiffage Energie Systèmes, compte tenu du classement de son offre et, par suite, rejette les pourvois formés contre l’ordonnance du Juge des référés.

PSE en prévision et rupture conventionnelle : attention !

La rupture conventionnelle du contrat ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie : le consentement des parties doit être libre et éclairé.

Tel n’est pas le cas lorsque l’employeur dissimule à son salarié qu’un plan de sauvegarde de l’emploi entrainant la suppression de son poste est en préparation au moment où la rupture conventionnelle a été signée. Cette situation constitue un vice du consentement et à ce titre, la rupture conventionnelle est nulle (Cass. Soc., 6 janvier 2021 n° 19-18.549).

Dans cette affaire, le salarié partie à la rupture conventionnelle avait pour projet de créer son entreprise. A la suite de la rupture de son contrat de travail, il apprend qu’une procédure de licenciement économique et la mise en place d’un PSE ont été engagées seulement deux mois après sa sortie des effectifs, ce qui lui aurait permis de bénéficier d’un congé de reclassement ainsi que des mesures prévues par le PSE, notamment les aides à la création d’entreprise.

Considérant que l’employeur savait, au moment de la rupture, que la suppression de son poste serait prévue par le plan de sauvegarde de l’emploi mis en place et estimant ainsi être victime de dol, l’entrepreneur saisit le Conseil de prud’hommes aux fins de voir annuler sa rupture conventionnelle pour vice du consentement.

Insensible aux arguments de l’employeur selon lesquels à la date de conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l’engagement d’une procédure de licenciement collective ni à l’établissement d’un PSE n’était prise et qu’aucune manœuvre n’avait été intentée, la Cour d’appel fait droit à la demande du salarié, ce qui est confirmé par la plus Haute juridiction : « par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci ».

Cet arrêt confirme que l’engagement d’une procédure de rupture conventionnelle dans un contexte de licenciement économique reste délicat à mettre en œuvre. Il convient de rester prudent !

Recours contre un arrêté de péril imminent : quel type de contentieux et quelles conséquences ?

La police spéciale du maire en matière d’édifices menaçant ruine, désormais incluse dans la nouvelle police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, n’en finit plus de faire parler d’elle.

Déjà, dans notre lettre d’actualité juridique d’octobre dernier, nous étions revenu sur l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021, qui avait modifié et harmonisé les nombreuses polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne existantes en créant une police unique de la sécurité et de la salubrité.

Récemment encore, le décret n° 2020-1711 du 24 décembre 2020 est venu apporter des précisions utiles quant à la mise en œuvre de cette nouvelle police.

Entre ces deux évènements, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de savoir de quel type de contentieux, soit de l’excès de pouvoir soit du plein contentieux, relevait la contestation d’un arrêté de péril imminent pris au titre des pouvoirs de police spéciale du maire.

Le Conseil d’Etat tranche pour la seconde solution, et par là même abandonne sa jurisprudence antérieure (CE, 27 avril 2007, n° 274992) et transpose sa position applicable aux arrêtés de péril ordinaire (CE, 18 décembre 2009, n° 315537) :

« […] 3. Il résulte des termes mêmes de l’arrêt attaqué que, pour statuer sur la légalité des arrêtés de péril imminent pris, ainsi qu’il a été dit, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l’article L.511-3 du code de la construction et de l’habitation, la cour administrative d’appel s’est fondée sur les circonstances de droit et de fait à la date de leur édiction et non, ainsi qu’il lui appartenait de le faire en qualité de juge du plein contentieux, à la date à laquelle elle se prononçait […] ».

Ainsi, le juge se doit de statuer en tenant compte des éléments de droit et de fait à la date à laquelle il se prononce, et non au jour de l’édiction de l’arrêté de péril litigieux.

En conséquence, le juge administratif pourra notamment être amené à constater que des mesures prescrites par un arrêté de péril imminent, même fondées au moment de l’édiction de ce dernier, ne sont plus justifiées au moment où il statue.

Par suite, l’arrêté de péril imminent sera susceptible d’être abrogé, c’est-à-dire annulé pour l’avenir (Tribunal administratif de Montpellier, 26 février 2019, n° 1706007 et n° 1706016).

Tel n’a pas été le cas dans cette affaire puisque le Conseil d’Etat a logiquement rendu un non-lieu à statuer dès lors que le maire de la commune avait mis fin à la procédure de péril imminent contestée.

La clause exorbitante bénéficiant à la personne privée contractante n’emporte pas qualification de contrat administratif

Par un arrêt en date du 2 novembre 2020, le Tribunal des conflits a précisé la notion de clause exorbitante du droit commun, une telle clause étant de nature, dans le silence de la loi, à conférer à un contrat un caractère administratif.

S’agissant du contexte, rappelons qu’une société publique locale d’aménagement (SPLA), personne morale de droit privé à capitaux publics, avait conclu une concession d’aménagement avec une communauté d’agglomération. Durant l’exécution du contrat, le préfet de région avait prescrit par arrêté la réalisation de fouilles d’archéologie préventive. La SPLA avait, dès lors, initié une procédure d’attribution du contrat de réalisation de ces fouilles. Dans ce cadre, elle avait notifié à une société le rejet de son offre et l’avait informée de l’attribution du contrat à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), qui est une personne publique et, plus précisément, un établissement public national à caractère administratif.

Ayant vu sa requête tendant à l’annulation du contrat rejetée, la société évincée a interjeté appel. Et la Cour administrative d’appel a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence.

La loi ne réglait pas, en effet, la question de la nature juridique du contrat. Si l’article L. 6 du Code de la commande publique consacre la règle selon laquelle les contrats administratifs sont les contrats « conclus par des personnes morales de droit public » (entendre : « par des personnes morales de droit public en position de pouvoir adjudicateur »), il ne règle pas le cas d’un contrat conclu par une personne privée, en tant que pouvoir adjudicateur, avec une personne publique attributaire des prestations à réaliser. Il convenait ainsi de faire application des critères jurisprudentiels du contrat administratif.

Si c’est finalement par application des critères, d’une part, de l’exécution même du service public (en raison de l’existence d’un service public de l’archéologie préventive dont est chargé l’INRAP) et, d’autre part, de l’exécution de travaux publics (les opérations de fouilles) que le contrat a été qualifié d’administratif, le Tribunal des conflits a, de prime abord, vérifié l’existence de clauses exorbitantes du droit commun.

Ces clauses sont classiquement, selon une jurisprudence ancienne initiée par l’arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges (CE, 31 juillet 1912, GAJA 22ème éd., 2019, n° 23), des clauses ayant « pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales » (CE, Sect., 20 octobre 1950, Sieur Stein), autrement dit des clauses inhabituelles dans un contrat de droit privé. Devant les insuffisances de cette jurisprudence, la Tribunal des conflits a retenu que sont exorbitantes du droit commun des clauses qui « notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat » impliquent, dans l’intérêt général, qu’un contrat relève du régime exorbitant des contrats administratifs (TC, 10 octobre 2014, Société Axe France IARD, n° 3963 ; 12 février 2018, SARL The Congress House, n°4109). Désormais, une clause exorbitante doit non seulement attribuer un pouvoir particulier à la personne publique mais également le faire dans un objectif d’intérêt général.

En l’espèce, si le contrat prévoyait bien l’existence d’un pouvoir de résilier unilatéralement le contrat (ce qui constitue un pouvoir exorbitant), il le reconnaissait au profit de la SPLA. On pouvait ainsi s’interroger sur le caractère administratif du contrat, surtout en considérant la nature particulière d’une SPLA qui est certes une personne privée, celle-ci étant toutefois détenue exclusivement par des personnes publiques.

Au terme d’un considérant particulièrement clair, le Tribunal des conflits juge que « la circonstance que le contrat litigieux, […] comporte des clauses conférant à la SPLA des prérogatives particulières, notamment le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à faire regarder ce contrat comme administratif, dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique ».

L’intérêt de cette décision réside donc dans l’affirmation selon laquelle une clause exorbitante du droit commun, emportant qualification de contrat administratif, doit bénéficier nécessairement à la personne publique contractante et non à la personne privée, quelle que soit d’ailleurs sa nature.

Décision du Conseil d’Etat sur les menus de substitution dans les cantines scolaires : ceux-ci ne sont ni obligatoires, ni interdits

Par une décision du 11 décembre 2020, le Conseil d’Etat a mis fin à l’affaire de la suppression des menus de substitution dans les cantines scolaires de la commune de Chalon-sur-Saône, initiée en 2015 par la modification en ce sens du règlement intérieur des restaurants scolaires municipaux au motif que le principe de laïcité interdirait la prise en considération de prescriptions d’ordre religieux dans le fonctionnement d’un service public.

La Haute juridiction a ainsi posé le principe selon lequel :

« S’il n’existe aucune obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires d’un service public de restauration scolaire de distribuer à ses usagers des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses, et aucun droit pour les usagers qu’il en soit ainsi, dès lors que les dispositions de l’article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers, ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas ».

Les collectivités territoriales n’ont, en matière de menus de substitution, ni d’obligation, ni d’interdiction, et les usagers n’ont aucun droit d’exiger la distribution de repas conformes aux interdits alimentaires résultant de leurs convictions religieuses.

Ce faisant, le Conseil d’Etat confirme les solutions retenues par les juridictions du fond en la matière, et infirme l’interprétation de la portée du principe de laïcité retenue par la Commune auteure du pourvoi.

Une limitation, dont l’importance ne paraît pas négligeable, est néanmoins apportée à l’absence d’obligation des collectivités territoriales de proposer des menus de substitution.

En effet, le Conseil d’Etat précise dans la décision commentée que s’il n’y a pas d’obligation à la charge des collectivités territoriales, un refus de distribuer des menus de substitution semble devoir être motivé par des raisons objectives, tenant aux contraintes qu’une telle distribution implique et aux moyens humains et financiers limités des collectivités territoriales, et non par un positionnement politique de principe qui pourrait empêcher l’accès au service public d’une partie des élèves.

Il est plus précisément jugé que :

« Lorsque les collectivités ayant fait le choix d’assurer le service public de restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d’organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent bénéficier de ce service public, au regard des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont disposent ces collectivités ».

Il revient ainsi aux collectivités territoriales concernées d’opérer une balance entre la nécessité de permettre à tous les enfants, y compris ceux ayant des interdits alimentaires, d’accéder au service public de la restauration scolaire, et les moyens dont elles disposent pour organiser ce service public. Le pourvoi de la Commune a donc, en l’espèce, été rejeté et l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon validé.

A noter que le juge de cassation a estimé que c’est par un motif surabondant que la Cour avait énoncé que le gestionnaire d’un service public facultatif ne peut décider d’en modifier les modalités d’organisation et de fonctionnement que pour des motifs en rapport avec les nécessités du service, dès lors qu’elle jugeait que la commune, qui n’avait fondé les décisions litigieuses que sur l’invocation des principes de laïcité et de neutralité du service public, ne pouvait pas légalement se fonder sur ces seuls principes pour décider de ne plus servir de menus de substitution dans les cantines dont elle avait la charge.

Il ne nous semble pas pour autant que ce raisonnement ait été invalidé par le Conseil d’Etat, bien au contraire, puisque ce dernier a apporté une limite à l’absence d’obligation des collectivités territoriales de proposer des menus de substitution.

Il s’agit plutôt, pour le juge administratif, à notre sens, de raisonner différemment selon les motifs donnés pour fonder un refus d’une collectivité territoriale de proposer des plats de substitution : si celui-ci est basé sur le principe de laïcité, comme c’était le cas en l’espèce, alors il est, en tout état de cause, illégal ; s’il est fondé sur un autre motif, il convient d’examiner si celui-ci se rattache ou non aux nécessités du service et, dans la négative, de l’annuler.

Sur les limites du caractère subsidiaire de l’intervention de l’Aide sociale à l’hébergement tenant à l’incapacité financière des débiteurs à l’obligation alimentaire

Il sera rappelé que l’article 205 du Code civil pose le principe de l’obligation alimentaire des enfants à l’égard de leurs ascendants. L’article 208 du même Code vient, quant à lui, limiter cette obligation en considération des besoins du créancier et des capacités financières du débiteur à l’obligation alimentaire.

Ainsi, cet arrêt récent rendu par la Cour administrative d’appel de Paris s’inscrit dans la prise en considération des capacités financières des débiteurs à l’obligation alimentaire, pour l’admission ou non à l’aide sociale à l’hébergement d’une personne âgée.

En effet, une personne âgée peut présenter une demande d’admission à l’aide sociale à l’hébergement auprès du Président du Conseil départemental. Aux termes de l’article L. 132-6 du Code de l’action sociale et des familles :

« Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais.
[…]
La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission. La décision fait également l’objet d’une révision lorsque les débiteurs d’aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu’elle avait prévus ».

En l’espèce, aux termes de cet arrêt, un organisme de tutelle avait sollicité l’admission à l’aide sociale à l’hébergement pour une personne âgée placée sous tutelle. Le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a refusé l’admission à l’aide sociale pour l’hébergement et ce refus a été confirmé par la Commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais.

Par une requête, l’association tutélaire du Pas-de-Calais, agissant au nom de la personne âgée protégée sollicite l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Pas-de-Calais ainsi que celle du président du conseil départemental du Pas-de-Calais ayant refusé l’admission à l’aide sociale à l’hébergement et la prise en charge totale des frais d’hébergement au titre de l’aide sociale de la personne âgée.

La Cour administrative d’appel va procéder à une analyse des faits en distinguant deux périodes. Tout d’abord, pour la période comprise entre le 1er janvier 2018 et me 1er avril 2020, il est considéré que :

« 7. Il n’est pas contesté que […] l’intéressé ne disposait pas de ressources suffisantes pour s’acquitter de ces frais. Il résulte de l’instruction qu’à la demande du directeur du centre hospitalier gérant cet EHPAD à laquelle s’est associée l’association tutélaire du Pas-de-Calais, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béthune a, par un jugement du 7 août 2018, fixé la contribution financière de chacun des débiteurs d’aliments de Mme C… aux frais d’hébergement de cette dernière due à compter du 6 novembre 2017. Il ressort des mentions de ce jugement que la participation financière de l’ensemble de ces débiteurs d’aliments s’élevait à la somme globale de 510 euros et que cette somme permettait à Mme C… de s’acquitter de ses frais d’hébergement. Dans ces conditions, c’est à bon droit que le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a refusé d’admettre Mme C… à l’aide sociale pour la période allant du 1er janvier 2018 au 1er avril 2020 ».

Concernant la période comprise entre le 1er avril 2020 et le 30 octobre 2020, le Cour administrative d’appel de Paris retient que :

« 10. L’association tutélaire du Pas-de-Calais soutient que la contribution financière des obligés alimentaires de Mme C… est insuffisante pour lui permettre de s’acquitter de l’intégralité de ses frais d’hébergement et elle verse au dossier des pièces justifiant des ressources et des dépenses de l’intéressée à compter du mois d’avril 2020. Il résulte de l’instruction qu’à la date du 1er avril 2020, les ressources mensuelles de Mme C… composées notamment des pensions de retraite versées par la Carsat, les Mines et Humanis s’élevaient au 1er avril 2020 à la somme totale de 1 523,36 euros correspondant au montant de ses pensions de retraite à laquelle il convient d’ajouter la somme de 510 euros correspondant à la participation financière de ses obligés alimentaires. Compte tenu de la déduction des frais de mutuelle de l’intéressée et des frais de gestion de la mesure de tutelle ainsi que de la quote-part de 10 % devant être laissée à sa disposition en vertu de l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles, les ressources de Mme C… ne lui permettaient plus de s’acquitter de ses frais d’hébergement au sein de l’EHPAD Les quatre saisons qui s’élèvent à 1 975,32 euros. Il suit de là que son état de besoin pour régler ses frais d’hébergement est établi. Par suite, l’association tutélaire du Pas-de-Calais, agissant au nom de Mme C…, est fondée à soutenir que cette dernière doit être admise à l’aide sociale à l’hébergement pour la période comprise entre le 1er avril 2020 et le 30 octobre 2020, date de son décès ».

Il résulte des termes de cet arrêt que la Cour administrative d’appel de Paris a pris en considération, outre les ressources de l’intéressée, la contribution financière de chacun des codébiteurs à l’obligation alimentaire telle que fixées par le Juge aux affaires familiales, pour conclure à l’admission ou non de l’intéressée à l’aide sociale à l’hébergement pour les personnes âgées.

Mécanismes fiscaux pour les entreprises en difficulté : du nouveau pour les entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation

La loi de finances pour 2021 élargit le champ d’application de deux mécanismes fiscaux jusqu’alors réservés aux entreprises faisant l’objet d’une procédure collective, à savoir la présomption de normalité des abandons de créances à caractères commerciaux ainsi que le remboursement anticipé de la créance de report en arrière (carry-back).

 

I. Déductibilité dérogatoire des abandons de créances à caractère commercial à l’égard d’entreprises en difficulté

Les abandons de créances désignent la renonciation par une entreprise à exercer les droits que lui confère l’existence d’une créance. Pour que l’abandon de créance soit considéré comme une perte et non comme une libéralité, l’entreprise créancière doit l’inclure à son actif. L’abandon de créance doit ainsi constituer un acte normal de gestion pour l’entreprise qui le consent, et prendre la forme d’une aide à caractère commercial pour l’entreprise bénéficiaire.

La preuve du caractère normal de l’aide est appréciée de façon casuistique par le juge en considération de deux conditions :

  • L’aide doit avoir été consentie dans l’intérêt de l’exploitation
  • L’aide doit trouver son fondement dans l’existence d’une contrepartie réelle et suffisante

Une dérogation est appliquée pour les entreprises en difficulté conduisant à permettre la déductibilité sans que ces deux critères ne soient remplis et que seul le critère de l’abandon de créance consenti dans l’intérêt d’un plan de sauvegarde ou de redressement soit retenu.

La loi de finances pour 2021 étend dorénavant cette dérogation aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation, donc en amont de toute procédure de redressement ou de liquidation.

Le mécanisme retenu consiste donc en l’introduction d’une présomption de normalité des abandons de créance à caractère commercial consentis ou supportés dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement, étendu aux entreprises en procédure de conciliation, à compter du 1er janvier 2021.

 

II. Le remboursement anticipé des créances de report en arrière des déficits pour les entreprises en difficulté

En principe, lorsqu’une société soumise à l’IS constate un déficit, ce dernier est, par principe, reporté sans limite de durée sur les bénéfices futurs et jusqu’à épuisement dudit déficit.

Le report en arrière ou « carry-back » constitue un régime dérogatoire de report des déficits et consiste à imputer le déficit constaté sur le bénéfice réalisé au cours de l’exercice précédent (n-1), faisant ainsi naître une créance fiscale en faveur de l’entreprise, non imposable (art. 220 quinquiès al 4 du Code général des impôts, ci-après CGI).

Jusqu’à présent, seules les entreprises qui faisaient l’objet d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire pouvaient demander le remboursement de leur créance de report en arrière des déficits de manière anticipée, c’est-à-dire avant le terme du délai de cinq années suivant celle au cours de laquelle l’exercice déficitaire a été clos (CGI art. 220 quinquies, I-al. 6).

L’article 5 de la loi de finances rectificative pour 2020  permet à titre exceptionnel à toutes les entreprises de demander au plus tard à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats de l’exercice clos le 31 décembre 2020, le remboursement anticipé de leurs créances non utilisées et nées d’une option exercée au titre d’un exercice clos au plus tard le 31 décembre 2020.

L’article 19 de la loi de finances pour 2021 prévoit dorénavant le remboursement anticipé des créances de report en arrière de déficits constatées à compter du 1er janvier 2021 et non encore utilisées à la date de la décision du Tribunal ouvrant la procédure.

Absence d’obligation pour l’acheteur de prévoir un critère d’analyse des offres portant sur le respect par les soumissionnaires de normes européennes de sécurité applicables aux prestations objet du marché

Par un arrêt en date du 24 décembre 2020, le Conseil d’Etat est venu préciser que lorsque les offres devant être présentées pour la passation d’un marché doivent respecter des normes européennes de sécurité, les acheteurs n’ont pas l’obligation d’imposer aux soumissionnaires qu’ils produisent des justificatifs à l’effet de démontrer le respect de ces normes, non plus celle de prévoir un critère de notation des offres spécifique portant sur le respect de ces normes.

S’agissant du contexte, rappelons que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en tant que coordonnateur d’un groupement de commande constitué de sept lycées, a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un accord-cadre mono-attributaire portant sur la fourniture et la maintenance de déshydrateurs thermiques et la collecte, le transport et la valorisation des biodéchets dans le cadre du projet européen « Life IP Smart Waste ».

Informé par la Région du rejet de son offre classée en seconde position, la société Cuisine froid professionnel a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative, d’annuler cette décision et la procédure de passation de ce marché.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille ayant annulé la procédure et l’ayant enjoint, si elle entendait conclure un marché ayant le même objet, de lancer une nouvelle procédure, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur s’est pourvue en cassation contre l’ordonnance du 18 septembre 2020.

Le Conseil d’Etat a censuré cette solution.

A cet effet, il a tout d’abord rappelé la solution dégagée dans sa décision Métropole Nice Côte d’Azur (CE, 5 février 2018, n° 414508) selon laquelle : « lorsque, pour fixer un critère ou un sous-critère d’attribution du marché, le pouvoir adjudicateur prévoit que la valeur des offres sera examinée au regard d’une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d’exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l’exactitude des informations données par les candidats ».

Ensuite, le Conseil d’Etat a considéré qu’« en estimant, pour juger que la région avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, que le respect effectif des normes européennes constituait une exigence précise, impliquant la production de justificatifs, sanctionnée par le système d’évaluation des offres, alors que le règlement de la consultation se bornait à prévoir que l’ergonomie des équipements constituait un élément d’appréciation du critère de la valeur technique, sans que cette exigence, au demeurant générale, soit assortie de conséquences directes sur la notation des offres, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ».

Et, réglant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat a précisé que, au regard du considérant précité, « la région Provence-Alpes-Côte d’Azur n’était pas tenue d’exiger des documents permettant d’assurer le respect des normes européennes de sécurité des personnes par les candidats et leurs équipements » mais aussi que « le pouvoir adjudicateur, qui était libre de choisir les critères d’attribution du marché dès lors qu’ils lui permettaient de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, n’a pas davantage commis de manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ne prévoyant pas de critère de notation spécifique portant sur le respect de ces normes ».

Par ailleurs, cette décision est instructive en ce que le Conseil d’Etat y a jugé qu’une offre « ne saurait être regardée comme ne respectant pas les exigences du règlement de la consultation au seul motif que le prix qu’elle propose est inférieur au montant minimum de l’accord-cadre figurant dans le règlement de la consultation ».

Recours indemnitaire d’un concurrent évincé d’un marché public – incidence du caractère irrégulier de l’offre de ce concurrent

Par un arrêt en date du 18 décembre 2020, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’un concurrent évincé d’un marché public ne peut prétendre à une indemnisation du fait de l’éviction de son offre lorsque celle-ci est irrégulière.

 

Cette décision a été rendue dans une affaire relative à une procédure qui avait été lancée par le centre hospitalier de Chambéry pour la passation d’un marché de conception réalisation portant sur la construction d’un nouveau bâtiment hospitalier au terme de laquelle un concurrent évincé avait saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une demande tendant à l’annulation de ce marché et à l’indemnisation de ses préjudices résultant de son éviction irrégulière.

Les demandes de ce concurrent ayant été rejetées tant par le Tribunal administratif de Grenoble que par la Cour administrative d’appel de Lyon, ce dernier s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat. Précisons que l’objet du pourvoi était limité aux demandes indemnitaires puisque, par une décision du 26 février 2020, le Conseil d’Etat a prononcé l’admission du pourvoi de la société Architecture Studio dirigé contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon en tant seulement qu’il s’est prononcé sur les conclusions indemnitaires de la société, présentées à titre subsidiaire, tendant au remboursement des frais qu’elle a exposés pour la présentation de son offre.

Relevons que la Cour administrative d’appel de Lyon avait rejeté les demandes indemnitaires de ce concurrent évincé au motif que son offre n’était pas conforme à des éléments essentiels du « programme fonctionnel et spatial » dont le respect était exigé par le règlement de la consultation et que, cette offre n’étant pas régularisable, cet opérateur était dépourvu de toute chance d’obtenir le contrat et n’avait ainsi droit à aucune indemnisation.

Si le Conseil d’Etat a lui aussi rejeté ces conclusions indemnitaires, il l’a fait au terme d’un raisonnement légèrement différent de celui qui avait été adopté par la Cour administrative d’appel.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat a rappelé la règle selon laquelle « lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général ».

Ensuite, et c’est l’intérêt majeur de cette décision, le Conseil d’Etat a précisé que « lorsque l’offre d’un candidat évincé était irrégulière et alors même que l’offre de l’attributaire l’était aussi, la circonstance que le pouvoir adjudicateur aurait été susceptible de faire usage, dans les conditions désormais prévues par l’article R. 2152-2 du code de la commande publique, de la faculté de l’autoriser à régulariser son offre n’est pas de nature, par elle-même, à ce qu’il soit regardé comme n’ayant pas été dépourvu de toute chance de remporter le contrat ».

Il en a ainsi déduit que « pour rejeter les conclusions de la société Architecture Studio tendant au remboursement des frais de présentation de son offre, la cour administrative d’appel de Lyon a relevé que cette offre n’était pas conforme à des éléments essentiels du  » programme fonctionnel et spatial  » dont le respect était exigé par le règlement de la consultation. Elle a pu en déduire, sans erreur de droit, et sans qu’elle fût tenue de relever, comme elle l’a fait, que l’offre n’était pas régularisable, que la société requérante était dépourvue de toute chance d’obtenir le contrat et n’avait ainsi droit à aucune indemnisation ».

En bref, il résulte de cette décision que, lorsque son offre est irrégulière, un concurrent évincé ne peut pas prétendre avoir une chance d’emporter le marché et ne peut donc pas présenter de conclusions indemnitaires, et ce, peu important, d’une part, que l’acheteur aurait pu l’inviter à régulariser son offre et, d’autre part, que l’offre de l’attributaire était elle aussi irrégulière.

En revanche, on rappellera ici qu’en matière de référé précontractuel, le Conseil d’Etat a récemment jugé que « la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige », notamment « lorsqu’une offre peut être assimilée, par le juge des référés dans le cadre de son office, à une offre irrégulière en raison de son caractère anormalement bas ». (CE, 27 mai 2020, Société Clean Building, n° 435982).

Le Conseil d’Etat invalide une partie des lignes directrices de la CNIL relatives aux cookies et autres traceurs de connexion

Le 4 juillet 2019, la CNIL a adopté des lignes directrices sur les cookies et autres traceurs afin de préciser les règles applicables et les bonnes pratiques en la matière depuis l’entrée en vigueur du « RGPD ».

Ces lignes directrices ont été adoptées dans le cadre de son plan d’action sur le ciblage publicitaire.

Par ailleurs, celles-ci ont pour objet de préciser les conditions dans lesquelles le « RGPD » renforce les droits des internautes, afin de leur permettre de garder la maîtrise de leurs données personnelles à l’encontre des cookies et traceurs fréquemment utilisés, en particulier, lors de la navigation sur les sites internet.

Elles ont été attaquées par plusieurs associations et syndicats professionnels de la publicité en ligne, de l’e-commerce et des médias.

Par la décision du 19 juin 2020, le Conseil d’État a rendu une première décision éclairante s’agissant du régime juridique autour des cookies que l’on peut résumer autour de quatre grandes thématiques.

 

I. L’interdiction du recours au « cookies wall » par la CNIL est invalide

Pour mémoire, un « cookie wall » est un dispositif intrusif imposant aux internautes de consentir à l’utilisation de cookies avant même de pouvoir accéder à un site web.

S’agissant de ce point spécifique, le Conseil d’Etat déroule son raisonnement en retenant les points suivants :

  • Le Contrôleur européen de la protection des données (ci-après « CEPD ») reconnait les « cookies wall» comme une entrave pour les internautes, puisque ceux-ci ne sont pas en mesure de refuser le recours à des traceurs sans subir des conséquences négatives ;
  • La CNIL, qui a rappelé la position du CEPD, a bien compris la portée juridique des recommandations du Comité en faisant le choix de ne pas leur donner force obligatoire (ce qu’elles n’ont pas, au demeurant) ;
  • La CNIL affirme que la validité du recueil du consentement des internautes est soumise à la condition que la personne concernée ne subisse pas d’inconvénient majeur en cas d’absence ou de retrait de son consentement.
  • Sauf que, la CNIL considère que ne plus pouvoir accéder à un site internet était un inconvénient majeur empêchant les internautes de valablement retirer leur consentement.

 

Le Conseil d’Etat a estimé qu’en déduisant une pareille interdiction générale et absolue de la seule exigence d’un consentement libre et éclairé, la CNIL a excédé ce qu’elle pouvait valablement faire dans le cadre d’un instrument de droit souple.

En effet, ses lignes directrices ne sont adoptées que pour accompagner les acteurs d’un secteur d’activité spécifique, il n’est donc pas possible dans ce cadre d’édicter des interdictions générales et absolues.

 

Dans ce cadre, le responsable de traitement aura la possibilité de mettre en place un « cookies wall » tout en restant conforme au droit européen des données à caractère personnel.

 

II. Sur les rappels quant à la qualification de responsable de traitement

Le Conseil d’Etat rappelle que l’éditeur d’un site qui dépose des traceurs doit être considéré comme un responsable de traitement, même lorsqu’il sous-traite à des tiers la gestion de traceurs mis en place pour son propre compte.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat estime que doivent également être considérés comme responsables de traitement les tiers qui déposent des traceurs à l’occasion de la visite du site d’un éditeur dès lors qu’ils agissent pour leur compte propre :

Forcément, la principale conséquence de cette position est qu’il doit être porté à l’utilisateur les informations relatives à « l’identité du ou des responsables de traitement » ;

L’autre conséquence est de pouvoir identifier l’ensemble des entités ayant recours à ces traceurs avant de pouvoir développer un consentement valable dans la mesure où ces entités au nombre desquelles ne figurent pas les destinataires de données, apparaissent comme responsables ou co-responsables de données.

 

Dans ce cadre, le responsable de traitement doit bien être attentif à ses droits et obligations, et, s’il utilise des traceurs sur son site internet, doit fournir une information transparente sur son identité (et celles de tiers s’il sous-traite cette question) ainsi que l’ensemble de la liste des destinataires éventuels de données.

 

III. Sur les rappels quant aux caractéristiques du consentement

Le Conseil d’Etat, au travers des lignes directrices de la CNIL, rappelle les grandes caractéristiques du consentement valide :

  • Le responsable de traitement doit pouvoir, à tout moment, fournir la preuve du fait que la personne a fourni un consentement valide ;
  • L’internaute doit consentir pour chacune des finalités qui lui sont soumises ;
  • En cas d’évolution des finalités ultérieurement, un nouveau consentement doit être recueilli ;
  • Chaque finalité doit bénéficier d’une information spécifique.

 

Dans ce cadre, le responsable de traitement devra toujours respecter ces exigences fondamentales qui participeront au respect de ses obligations légales.

 

IV. Sur le rappel des autres obligations

Le Conseil d’Etat valide enfin les obligations pesant sur les responsables de traitement déposant des traceurs sur leurs sites internet :

  • Il doit être aussi facile de donner que retirer son consentement ;
  • Un bouton « tout refuser » doit coexister avec un bouton « tout accepter » ;
  • Les délais de sauvegarde des cookies sont de 13 mois et les informations collectées par ce biais ont une durée de vie de 25 mois ;
  • Sur les traceurs non soumis au consentement préalable, les utilisateurs doivent être informés de leur existence et de leur finalité (par exemple par le biais d’une mention dans la politique de confidentialité). Il est par exemple question des traceurs de mesure d’audience, les traceurs destinés à l’authentification auprès d’un service, ceux concernant le choix exprimé par les utilisateurs sur le dépôt de traceurs, ceux permettant de conserver le contenu d’un panier d’achat sur un site marchant.

 

Dans ce cadre, le responsable de traitement devra toujours être à jour de ses obligations générales, qui concernent à la fois les cookies mais aussi les grands principes généraux du RGPD

 

En conclusion, le responsable de traitement devra prendre en compte la décision du Conseil d’Etat qui se contente principalement de valider la forme et le fond des lignes directrices de la CNIL en matière de traceurs. L’élément central à retenir reste que l’interdiction des « cookies wall » est à ce jour invalide, il sera donc possible pour le responsable de traitement d’interdire l’accès à son site internet si les internautes ne consentent pas à l’utilisation des cookies.

Nouvelles dispositions en consultation pour favoriser le développement des énergies renouvelables

Le projet d’ordonnance objet de cette consultation publique vise à transposer une partie de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018, ainsi que l’article 16 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019.

 

Pour rappel, la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « RED II » (Renewable Energy Directive), définit un cadre européen commun pour favoriser le développement des énergies renouvelables, avec l’objectif que ces énergies représentent 32 % de la consommation finale brute d’énergie dans l’Union européenne en 2030.

 

Ce projet d’ordonnance vise à transposer cette directive (à l’exception du volet « durabilité et réduction des émissions de gaz à effet de serre des bioénergies », qui fait l’objet d’une ordonnance séparée), ainsi que l’article 16 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, qui traite des Communautés énergétiques citoyennes (qui présentent des similitudes avec les Communautés d’énergie renouvelable instituées par l’article 22 de RED II).

 

Le cadre législatif français existant reprenant déjà la plupart des dispositions de RED II, le projet d’ordonnance soumis à consultation ne concerne donc que certaines dispositions de cette directive qui visent à :

 

  • redéfinir et définir les termes « énergie renouvelable » et « biomasse » ;

  • permettre l’émission de garanties d’origine (GO) pour l’électricité non renouvelable : cette disposition ne remet pas en question le dispositif des garanties d’origine de l’électricité renouvelable mais le complète afin de permettre une information plus fiable et plus transparente pour les consommateurs ;

  • autoriser les auto-consommateurs d’électricité à bénéficier des GO de l’électricité autoconsommée, même lorsqu’ils bénéficient d’un soutien de l’État ;

  • permettre que les groupements de communes hébergeant un projet d’énergie renouvelable sur leur territoire bénéficient des GO associées à ce projet, y compris s’il bénéficie d’un soutien de l’État (jusqu’alors, seules les communes pouvaient bénéficier de ce dispositif, dont la mise en œuvre est par ailleurs simplifiée) ;

  • ouvrir la possibilité d’une certification, par les GO, de l’origine géographique de l’énergie (électricité et biogaz, selon le cas) produite, en renvoyant les modalités de mise en œuvre à un futur décret ;
  • ouvrir la possibilité pour les producteurs d’énergie renouvelable bénéficiant d’un soutien de l’Etat d’acheter les garanties d’origine associées à leur installation (ces GO sont la propriété de l’Etat) ;

  • définir les communautés énergétiques citoyennes et regrouper dans un même titre les dispositions applicables aux communautés énergétiques citoyennes et aux communautés d’énergie renouvelable ;

  • harmoniser le cadre relatif au financement des projets d’énergie renouvelable par les citoyens et les collectivités ;

  • permettre que le partage d’électricité au sein d’une communauté d’énergie renouvelable  se fasse via l’autoconsommation collective, et que cette communauté puisse être personne morale organisatrice d’une opération d’autoconsommation collective ;

  • permettre qu’une communauté d’énergie renouvelable, sous certaines conditions, crée, gère et détienne un réseau de chaleur ou de froid ;

  • pour l’autoconsommation collective étendue, permettre que les points d’injection et de soutirage des projets ne soient plus limités au réseau basse tension mais puissent être sur tout le réseau public de distribution (réseau basse tension et moyenne tension) ;

  • disposer que l’opérateur d’une infrastructure de recharge ouverte au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables qui s’approvisionne, en tout ou partie, pour les besoins de son activité, auprès d’une installation de production d’électricité qu’il exploite située sur le même site, soit considéré comme un autoconsommateur d’électricité.

 

Ce texte comprend ainsi des évolutions souhaitables pour faire évoluer le cadre juridique de l’autoconsommation et des communautés d’énergie renouvelable.

Cadre de soutien et de traçabilité de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone

On rappellera que l’article 52 de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (dite loi « Energie-Climat ») habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant domaine de la loi aux fins notamment de définir un cadre de soutien et de traçabilité de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone. Le projet d’ordonnance objet de la consultation qui vient d’être lancée vise à introduire ce cadre.

Le projet d’ordonnance comporte toute d’abord des dispositions générales relatives à l’hydrogène. Il définit notamment les différents types d’hydrogènes : hydrogène renouvelable, bas carbone ou fossile.

Il prévoit ensuite un système de traçabilité de l’hydrogène pour attester de son caractère bas-carbone ou renouvelable.

Les garanties d’origine et de traçabilité seront ainsi gérées par un organisme indépendant, sur le modèle de celui qui existe déjà pour les garanties d’origine de l’électricité renouvelable ou du biométhane. Ce système doit également pouvoir accueillir les garanties délivrées par nos voisins européens conformément à la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

Le projet d’ordonnance prévoit également la mise en place d’un mécanisme de soutien pour les filières produisant de l’hydrogène renouvelable ou bas-carbone produit par électrolyse de l’eau. Il consistera en l’organisation d’appels d’offres pour les installations de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone produit par électrolyse de l’eau dont les lauréats pourront bénéficier d’un contrat leur octroyant, selon les cas, une aide financière à l’investissement ou une aide au fonctionnement.

En outre, le projet d’ordonnance introduit plusieurs dispositions relatives à l’injection d’hydrogène dans les réseaux de gaz naturel. Il prévoit, d’une part, qu’en cas d’injection, les gestionnaires de ces réseaux (de transport et de distribution) doivent mettre en œuvre les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement et l’équilibrage des réseaux, la continuité du service d’acheminement et de livraison du gaz naturel et la sécurité des biens et des personnes. D’autre part, il est proposé la mise en place de garanties d’origine « gaz renouvelable injecté dans le réseau de gaz naturel » qui seraient, à ce stade, uniquement utilisées pour l’hydrogène renouvelable injecté dans le réseau de gaz naturel, en application de la directive énergies renouvelables.

Enfin, ce projet d’ordonnance prévoit deux modifications mineures de la législation en vigueur. D’une part, une modification du code minier visant à étendre le régime légal applicable au stockage souterrain à l’hydrogène ; d’autre part, une extension à l’hydrogène des pouvoirs d’enquête et de contrôle prévus par le code de l’énergie.

Accès régule à l’électricité nucléaire historique (ARENH) : de nouvelles conditions de vente bientôt arrétées

Le dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire (ARENH) a fait l’objet de plusieurs modifications depuis l’adoption de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (dite loi « Energie-Climat »), afin notamment de prendre en compte le nouveau régime de vente d’électricité en cas d’atteinte du plafond de l’ARENH. 

A ce titre notamment, l’accord-cadre qui précise les conditions techniques, économiques et contractuelles régissant les cessions annuelles d’électricité entre EDF (vendeur) et les fournisseurs d’électricité (acheteurs) avait fait l’objet de premières modifications en octobre 2020 du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, compte tenu des conflits d’interprétation qui sont apparus dans l’application des stipulations de l’accord-cadre relatives à la force majeure.

Ces stipulations avaient ainsi été clarifiées et le modèle d’accord-cadre correspondant avait été publié par arrêté du 12 novembre 2020 (commenté dans notre LAJEE n°67).

Cet arrêté a défini, d’une part, les conditions de vente dans lesquelles s’effectue l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) par les fournisseurs (Acheteurs) auprès d’EDF (Vendeur) et, d’autre part, les stipulations obligatoires de l’accord-cadre entre ces mêmes acteurs.

Un décret avait ensuite été publié (décret n° 2020-1414 du 19 novembre 2020 modifiant la partie réglementaire du code de l’énergie relative à l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique et à la compensation des charges de service public de l’énergie) afin d’adapter les dispositions réglementaires du code de l’énergie relatives à l’ARENH concernant le complément de prix.

Il restait toutefois d’autres modifications à apporter à ce modèle d’accord-cadre afin de décliner les modifications issues de la loi « Energie-Climat ».

C’est l’objet de la délibération ici commentée, adoptée par la CRE le 17 décembre 2020, qui vient modifier les dispositions relatives au complément de prix (article L.336-5 du Code de l’énergie) acquitté dans certaines circonstances par les fournisseurs d’électricité au titre du dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire (ARENH).

Par sa délibération, la CRE propose deux modifications:

  • L’une est relative au défaut de paiement d’un fournisseur d’électricité. Ainsi il est proposé une procédure de régularisation mise en œuvre par la Caisse des dépôts et consignations agissant au nom et pour le compte d’EDF qui peut conduire à une cessation de la livraison par le vendeur de l’électricité au titre de l’ARENH.

Ainsi, si les propositions de la CRE sont suivies, l’accord-cadre précisera désormais qu’en cas de cessation de vente d’électricité au titre de l’ARENH pour défaut de paiement, l’acheteur ne peut à nouveau bénéficier de la cession de produits au titre de l’ARENH qu’après une durée d’un an à compter de la date de cette cessation et à la condition que la régularisation du défaut de paiement ait été effectuée.

  • L’autre est relative au complément de prix devant être acquitté par un acheteur dans le cas où les droits cédés à l’acheteur s’avèrent supérieurs aux droits correspondant à la consommation constatée de ses clients finals sur le territoire métropolitain continental et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes.

Concession de distribution publique d’électricité : illégalité de la clause d’indemnisation du concessionnaire en fin de contrat

Dans un arrêt rendu le 8 décembre 2020, après renvoi du Conseil d’État (CE, 7ème et 2ème chambres réunies, 27 mars 2020 M. L… et autres, n° 426291 que nous avions commenté dans la LAJEE n° 60), la Cour administrative d’appel de Nancy vient de prononcer sur la validité d’un avenant à un contrat de concession pour la distribution d’électricité.

 

A cette occasion, la Cour s’est prononcée sur l’intérêt à agir des requérants, en l’espèce des contribuables locaux et usagers du service public de la distribution d’électricité, ainsi que sur la validité de deux clauses du contrat de concession qui lie la Métropole du Grand Nancy aux sociétés Enedis et EDF, respectivement en charge de l’exploitation du réseau public de distribution d’électricité et de la fourniture d’électricité aux tarifs règlementés de vente.

 

Ces deux clauses concernaient le périmètre des ouvrages concédés et l’indemnisation du concessionnaire en cas de non-renouvellement ou de résiliation anticipée du contrat.

 

Depuis l’introduction de ce recours, la Métropole du Grand Nancy avait signé un nouveau contrat de concession avec ses concessionnaires et ainsi résilié de manière anticipée le contrat de concession contesté. 

 

Cette circonstance n’a toutefois pas privé d’effet le recours formé par les contribuables locaux, ainsi que l’a jugé la Cour. 

 

Ceci précisé, la Cour a tout d’abord apprécié l’intérêt à agir des requérants, dans le droit fil de la décision rendue par le Conseil d’Etat le 27 mars 2020.

 

Si la Cour a exclu la possibilité pour les requérants de se prévaloir de leur qualité d’usagers du service public pour établir leur intérêt à agir dès lors que les stipulations contestées n’ont pas, par elles-mêmes, pour objet l’organisation ou le fonctionnement du service public concédé, la Cour a en revanche admis qu’ils puissent se prévaloir de leur qualité de contribuables locaux.

 

Sur cette question, la Cour a rappelé qu’il appartient à un contribuable local « d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité, le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses étant par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur ces finances ou ce patrimoine ».

 

Au cas présent, s’agissant de la clause critiquée relative aux dispositifs de suivi intelligent des compteurs électriques (compteurs Linky) exclus des biens de retour de la collectivité, la Cour a jugé que l’installation de ces dispositifs était « probable » eu égard à la très longue durée du contrat de concession (30 ans). Elle a ensuite estimé qu’eu égard au coût estimé de rachat de ces ouvrages, la clause était susceptible d’emporter des conséquences significatives sur le patrimoine de la métropole.

 

S’agissant de la clause relative à l’indemnisation du concessionnaire en fin du contrat, la Cour a également jugé « probable » la mise en œuvre de cette clause et estimé que son montant (toujours estimé) était significatif pour les finances de la Métropole.

 

L’intérêt à agir des requérants acquis, la Cour a ensuite examiné la validité des deux clauses contestées.

 

D’une part, au sujet du périmètre des ouvrages concédés, les requérants critiquaient la  clause en ce qu’elle attribuait à la société Enedis  la propriété des « autres dispositifs de suivi intelligent, de contrôle, de coordination et de stockage des flux électriques, d’injection comme de soutirage, qui viendraient à être installés par le concessionnaire sur le réseau concédé », alors même que les équipements en cause sont financés par les usagers du service par le biais du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (le TURPE). Ils estimaient également l’avenant attaqué illégal en ce qu’il ne prévoit aucune disposition relative à l’accès au traitement des données enregistrées, ni la remise du système d’information propre au service, ou le droit d’usage de ce système à la Métropole, à l’issue du contrat.

 

Malgré ces arguments, la Cour a considéré que les parties avaient légalement pu prévoir que les dispositifs soient exclus des ouvrages concédés dans la mesure où le système d’information centralisé au niveau national est affecté concurremment à plusieurs concessions de service public, reprenant sur ce point une précédente jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 7e et 2e s/s réunies, 11 mai 2016, société ERDF, n° 375533) que nous avions eu l’occasion de commenter dans une précédente LAJEE.

 

La Cour ajoute qu’« aucune disposition légale ou réglementaire n’imposant que le contrat de concession comporte la définition du périmètre des ouvrages concédés, la circonstance que les stipulations contestées ne règlent pas les questions de l’accès au traitement des données enregistrées et de la propriété du système d’information propre au service, ou du droit d’usage de ce système, au terme de la concession est sans incidence sur leur validité ».

 

Cette conclusion affaiblit la qualification de biens de retour des compteurs intelligents, mais elle tient au contexte du monopole légal français dont bénéficie le gestionnaire du réseau de distribution publique d’électricité qui autorise cet écart avec le statut protégé des biens de retour des ouvrages concédés.

 

D’autre part, concernant l’indemnité due au concessionnaire en cas de non renouvellement ou résiliation de la concession, il faut rappeler que les requérants critiquaient cette clause en ce qu’elle prévoyait, pour le calcul de l’indemnité devant être versée au concessionnaire par l’autorité concédante, une réévaluation des financements du concessionnaire par référence à un indice, Taux Moyen des Obligations (TMO) basé sur le taux moyen de rendement des emprunts obligataires calculé par l’INSEE.

 

La Cour juge sur ce point « qu’il est loisible aux parties de déterminer comme elles l’entendent l’étendue et les modalités des droits à indemnité du concessionnaire au titre du préjudice qu’il subit à raison du retour des biens à titre gratuit dans le patrimoine du concédant, sous réserve que l’indemnité qui en résulte n’excède en aucun cas la valeur nette comptable de ces biens, laquelle correspond exactement au montant de ce préjudice ».

 

On précisera que l’indemnité qui est susceptible d’être versée au concessionnaire ne prend en compte que la valeur nette comptable les biens financés par le concessionnaire.

 

Aussi, la Cour a estimé que la référence au TMO pour le calcul de l’indemnité, quand bien même cet indice serait dépourvu de tout lien avec les comptes spécifiques de la concession, n’est pas par elle-même de nature à rendre illégale la clause contestée. Elle ajoute que cette référence est un « simple élément de calcul du préjudice ».

 

Toutefois il ressort effectivement des éléments fournis par les requérants que « l‘application de la clause contestée peut avoir pour résultat de fixer l’indemnité à un montant qui serait supérieur à la valeur nette comptable de la participation du concessionnaire au financement des ouvrages de la concession ».

 

En définitive, la Cour a jugé la clause contestée illégale en tant qu’elle ne limite pas le montant de l’indemnité de fin de contrat à celui de la valeur nette comptable de la participation du concessionnaire au financement des ouvrages de la concession, comme le requiert la jurisprudence du Conseil d’Etat « Commune de Douai » (CE Ass, 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788).

 

Cet arrêt devrait donc conduire les autorités concédantes, autorités organisatrices de la distribution d’électricité, à modifier leur contrat de concession afin que le montant de l’indemnité de fin de contrat à verser par l’autorité concédante soit expressément limité à la valeur nette comptable de la seule participation du concessionnaire au financement des ouvrages de la concession. On observera que cette clause est présente dans les contrats de concession pour la distribution publique d’électricité inspirés du modèle de contrat de concession pour la distribution d’électricité adopté en 1992 et mis à jour en 2017.

 

Elle devrait inciter également à interroger la légalité de la clause de fin de contrat du nouveau modèle de contrat de concession discuté en décembre 2017 qui ne retient pas un tel plafond de l’indemnité due au concessionnaire en fin de concession.

Permis de construire et mesures ERC « éviter, réduire, compenser »

Dans une décision mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat est venu préciser que les permis de construire soumis à étude d’impact doivent être assortis de mesures « éviter, réduire et compenser » (ERC) destinées à assurer le respect du principe de prévention prévu à l’article L.122-1 du code de l’environnement.

Dans cette affaire, l’association Koenigshoffen Demain avait formé un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté de permis de construire du 3 novembre 2015 délivré par la commune de Strasbourg à la société Franck immobilier pour la construction de 7 bâtiments comportant 226 logements ; ces travaux étant, par ailleurs, soumis à étude d’impact. 

Après un premier renvoi par le Conseil d’Etat, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête en considérant notamment que le moyen tiré de ce que le permis de construire ne comporterait pas de prescriptions prises au titre de l’article R. 122-14 du code de l’environnement (mesures ERC) ne pouvait être utilement invoqué.

Le Conseil d’Etat censure cette analyse en considérant qu’il résulte de l’article L. 424-4 du Code de l’urbanisme et des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 122-14 du Code de l’environnement que :

« Lorsque le projet autorisé par le permis de construire est soumis à une étude d’impact en application des dispositions du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, notamment celles des lignes 36° et 37°, le permis de construire doit, à peine d’illégalité, être assorti, le cas échéant, des prescriptions spéciales imposant au demandeur, en plus de celles déjà prévues par la demande, les mesures appropriées et suffisantes pour assurer le respect du principe de prévention, destinées à éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs notables du projet de construction ou d’aménagement sur l’environnement ou la santé humaine et, d’autre part, les mesures de suivi, tant des effets du projet sur l’environnement que des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser ces effets. Par suite, en jugeant que la méconnaissance de l’article R. 122-14 du code de l’environnement ne pouvait être utilement invoquée à l’encontre du contenu d’un permis de construire délivré pour des travaux soumis à étude d’impact, le tribunal administratif a commis une erreur de droit » (Cons. 3).

Ainsi, le permis de construire d’un projet soumis à étude d’impact doit bien être assorti des mesures ERC permettant d’assurer le principe de prévention et, dès lors, la méconnaissance de l’article R. 122-14 du Code l’environnement peut utilement être invoquée à l’encontre du contenu dudit permis.

A noter que cette décision fait suite à une précédente dans laquelle le Conseil d’Etat avait déjà accepté de procéder à un contrôle des mesures ERC et du respect du principe de prévention s’agissant cette fois d’une déclaration d’utilité publique concernant les travaux de la ligne 18 du réseau de transport public du Grand Paris (CE, 9 juillet 2018, n° 410917).

Il en résulte que la méconnaissance de l’article R. 122-14 du Code de l’environnement peut être utilement invoqué à l’encontre d’un permis de construire soumis à étude d’impact et déclaration d’utilité publique qui doivent prévoir des mesures ERC sous peine d’illégalité.

Principe de non-régression : précisions par le Conseil d’Etat

Les associations One Voice et France Nature environnement ont attaqué le décret n° 2018-900 du 22 octobre 2018 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et ont demandé son annulation au Conseil d’Etat, estimant que ce décret portait atteinte au principe de non-régression.

 

Pour rappel, le principe de non-régression est défini au II de l’article L. 110-1 du Code de l’environnement comme le principe « selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».

 

Or le décret attaqué portait modification de la nomenclature ICPE, laquelle a pour objet de définir les régimes applicables aux ICPE suivant la gravité des dangers et des inconvénients que peut présenter leur exploitation. Ces régimes sont définis en fonction de seuils et de critères de gravité en prenant en compte notamment les caractéristiques de ces installations et leur impact potentiel sur l’environnement. Les régimes se déclinent de la manière suivante, du plus contraignant au moins contraignant : autorisation, enregistrement, déclaration, absence de formalité.

 

Les modifications de cette nomenclature opérées par le décret attaqué faisaient passer certaines installations d’un régime d’autorisation à un régime d’enregistrement et d’autres installations d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration ou à une absence de toute formalité.

 

S’agissant des premiers cas (de l’autorisation à l’enregistrement), le Conseil d’Etat refuse de reconnaître une méconnaissance du principe de non-régression dans la mesure où, dans les deux régimes, les activités demeurent soumises à évaluation environnementale.

 

S’agissant du second cas (de l’autorisation à la déclaration ou à la sortie de la nomenclature), le Conseil d’Etat retient en revanche que le principe de non-régression doit être regardé comme méconnu si le projet, auparavant soumis à évaluation environnementale systématique ou au cas par cas, n’est plus soumis à cette évaluation alors qu’il est susceptible, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.

 

Or, en l’espèce, le Conseil d’Etat retient que les modifications de deux rubriques de la nomenclature (l’une relative aux activités d’élevage, de vente et garde de chiens et l’autre aux installations fixes et permanentes de présentation au public d’animaux d’espèces non domestiques) faisant passer les installations concernées d’un régime d’autorisation à un régime déclaratif ont bien pour effet d’exempter celles-ci de toute évaluation environnementale alors qu’elles étaient susceptibles d’y être soumises auparavant et que l’administration ne faisait pas état d’éléments permettant d’établir que ces installations « ne font pas courir de risque à l’environnement ou à la santé humaine ou que la nature d’un tel risque a changé ou que la procédure de déclaration, exempte de toute évaluation environnementale, offrirait une protection équivalente à celle qu’assurait la procédure d’autorisation ».

 

Dès lors, le Conseil d’Etat retient que les associations requérantes étaient bien fondées à soutenir que le décret litigieux méconnaissait le principe de non-régression s’agissant des deux rubriques concernées. Les dispositions les concernant ont dès lors été annulées.

Publication du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Le Gouvernement a communiqué, vendredi 8 janvier 2021, son projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » aux membres du Conseil national de la transition écologique.

Ce projet de loi, qui doit par la suite être présenté aux Conseil des Ministres le 10 février et discuté à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mars, est issu des propositions faites par la Convention citoyenne pour le climat, laquelle avait pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effets de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale.

Ce projet de loi comporte 62 articles, répartis en 5 titres qui reprennent les thématiques dégagées par la Convention citoyenne : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir.

Il est présenté par le Gouvernement comme devant participer à « soutenir la transition écologique des collectivités locales » et accompagner « tous les citoyens dans la transition vers une société plus respectueuse de la nature et des équilibres naturels » (exposé des motifs du projet de loi).

Ce projet de loi fait cependant l’objet de critiques de la part des membres de la Convention citoyenne ainsi que des associations écologistes dans la mesure où les propositions faites sont en-deçà des objectifs fixés par la Convention citoyenne et ne reprend par l’ensemble des 146 propositions que le Président de la République s’était engagé à transmettre ces dernières au Parlement « sans filtre », lors de sa rencontre avec la Convention en juin 2020.

Il conviendra donc de suivre les évolutions et amendements apportés en cours de navette parlementaire.

Modification des modalités de mise en œuvre du chèque énergie à partir du 1er janvier 2021

Pour rappel, le chèque énergie, qui s’est substitué aux tarifs sociaux de l’énergie, est attribué sur la base d’un critère fiscal unique, tenant compte du niveau de revenu et de la composition des ménages et permet à ses bénéficiaires de régler leur facture d’énergie, quelle qu’en soit la source (électricité, gaz, fioul, bois,…) ou de financer une partie de leurs travaux d’économies d’énergie.

 

C’est dans ce cadre que le décret ici commenté vient modifier certaines dispositions du décret 6 mai 2016 ayant donné le coup d’envoi au chèque énergie ainsi que du décret du 24 décembre 2018 en modifiant les modalités de mise en œuvre, et ce afin de prendre en compte le retour d’expérience des premières années de mise en œuvre du dispositif et l’améliorer en conséquence.

 

Depuis sa récente entrée en vigueur le 1er janvier 2021, deux évolutions majeures sont à noter (article 2 du décret du 30 décembre 2020) :

 

– D’une part, le revenu fiscal de référence permettant d’accéder au chèque énergie sera désormais fixé par arrêté ministériel alors qu’il était jusque-là déterminé par un seuil fixé par décret à 7.700 euros ;

 

– D’autre part, les sous-locataires d’un logement imposable à la taxe d’habitation et géré par un organisme exerçant des activités d’intermédiation locative pourront accéder au dispositif.

Publication des projets de décisions de la CRE sur le futur tarif d’utilisation des réseaux d’électricité (TURPE 6)

Pour rappel, le tarif d’utilisation des réseaux d’électricité TURPE est le tarif payé, via leur facture d’électricité, par les consommateurs (à la fois les particuliers et les petites ou grandes entreprises) pour l’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité visant à couvrir les coûts supportés par les gestionnaires de transport (RTE) et de distribution (Enedis) d’électricité.

 

Ainsi, ce tarif doit garantir à ces gestionnaires le revenu nécessaire pour financer la construction et l’entretien des réseaux électriques français, des grandes artères jusqu’aux lignes électriques desservant chaque consommateur sur le territoire et à ces derniers de bénéficier de la performance desdits réseaux. Un dispositif ad hoc réglant la question de cette tarification pour les Entreprises Locales de Distribution.

 

Dans le contexte actuel, la CRE relève que le TURPE doit tenir compte du financement des investissements nécessaires à la transition énergétique, de la maintenance renforcée du réseau, de l’innovation et la recherche (R&D), du développement de la mobilité électrique et de la réduction de l’empreinte environnementale.

 

Toutefois, la période de crise que nous traversons impose une maîtrise des coûts des investissements réalisés dès lors qu’ils pèseront nécessairement sur la facture d’électricité afin d’assurer l’acceptabilité de ce nouveau tarif.

 

C’est dans ce cadre, après deux ans de travaux et après l’organisation de plusieurs consultations publiques (voir nos brèves sur ce sujet dans nos LAJEE des mois de septembre et novembre 2020) que la CRE a, par deux délibérations du 17 décembre 2020 publiées le 21 décembre 2020 sur son site, rendu public ses deux projets de décision finales concernant les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité, lesquels seront soumis pour avis au Conseil supérieur de l’Énergie.

 

A noter que ces tarifs, qui ont vocation à être applicables à partir du 1er août 2021 pour une durée de quatre ans, impliquent des hausses tarifaires moyennes de 1,57% par an pour RTE et de 1,39% par an pour Enedis, soit une hausse d’environ 15 € de la facture annuelle d’un particulier à l’horizon 2024.

La Cour de cassation refuse d’accorder une indemnisation à trois producteurs d’électricité pour réparer le préjudice tiré de l’application de tarifs d’achat d’électricité moins avantageux

Cass. Com., 16 décembre 2020, n° 18-23.713 et n° 18-24.268, Inédit

Cass. Com.,16 décembre 2020, n° 18-23.712 et n° 18-24.270, Inédit

La société JB Solar, producteur d’électricité d’origine photovoltaïque qu’il vend à EDF  dans le cadre de l’obligation d’achat de cette dernière, a présenté le 26 août 2010 une demande de raccordement pour l’édification d’une centrale à raccorder au réseau de distribution publique d’électricité. Le gestionnaire dudit réseau, la société Enedis, lui a transmis le 29 novembre 2010 une proposition technique et financière (PTF), dépassant le délai de trois mois qui lui était imparti pour ce faire. La PTF devait être acceptée le 6 décembre suivant par le producteur.

Or, le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010[1], dit décret « moratoire », devait suspendre pour trois mois l’obligation d’achat d’électricité d’origine photovoltaïque à la charge de la société EDF, sauf pour les installations pour lesquelles le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF qui lui a été soumise pour son raccordement au réseau, tout en précisant qu’à l’issue de la période de suspension, de nouvelles demandes de raccordement au réseau devraient être présentées.

Aussi, le 4 mars 2011, un arrêté a fixé les nouveaux tarifs d’achat par la société EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque, à des conditions moins avantageuses pour les producteurs.

EDF lui ayant appliqué ces nouveaux tarifs, le producteur d’électricité d’origine photovoltaïque estimait avoir subi un préjudice du fait du retard pris par le gestionnaire dans la délivrance de la PTF et ayant entraîné l’application de ces tarifs moins avantageux.

En appel, la Cour a condamné la société Enedis à payer à la société JB Solar la somme de 299 350,63 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais engagés, soit les frais d’étude et de développement, le coût de la construction, les frais financiers et le coût de la garantie des emprunts souscrits pour l’édification de la centrale.

Ce faisant, la Cour d’appel a retenu la responsabilité du gestionnaire dans la réalisation du préjudice consistant en l’engagement en pure perte de frais liés à l’édification de la centrale et de son financement.

La société JB Solar a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, que la Cour de Cassation a décidé de joindre à ceux formés par les sociétés Sun West et Azimut 56 dans des affaires connexes.

Les sociétés exposantes reprochent en effet à l’arrêt de la Cour administrative d’appel de les avoir déboutées de leurs demandes de réparation du préjudice qui résulterait de leur perte de marge et d’avoir limité la réparation du préjudice qu’elles auraient subi au titre des frais engagés à un montant inférieur à celui qu’elles auraient effectivement déboursé.

Dans ces affaires, la Haute juridiction conclut que la violation du délai d’envoi de la PTF, si elle peut entraîner des pertes d’exploitations pour les trois producteurs concernés, n’a pas eu pour effet de priver leur installation de tout accès au réseau public de distribution d’électricité, permettant l’amortissement de leur investissement.

Ainsi, la Cour de cassation considère que les producteurs susvisés ne peuvent prétendre à une indemnisation sur ce fondement et que, par suite, la Cour d’appel de Versailles a violé l’article 1382, devenu l’article 1240 du Code civil dans son arrêt, qu’elle casse et annule.

[1] Décret n°2010-1510 du 9 décembre 2020 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant de l’énergie radiative du soleil.