le 14/01/2021

La Cour de cassation refuse d’accorder une indemnisation à trois producteurs d’électricité pour réparer le préjudice tiré de l’application de tarifs d’achat d’électricité moins avantageux

Cass. Com., 16 décembre 2020, n° 18-23.711 et n° 18-24.267, Inédit

Cass. Com., 16 décembre 2020, n° 18-23.713 et n° 18-24.268, Inédit

Cass. Com.,16 décembre 2020, n° 18-23.712 et n° 18-24.270, Inédit

La société JB Solar, producteur d’électricité d’origine photovoltaïque qu’il vend à EDF  dans le cadre de l’obligation d’achat de cette dernière, a présenté le 26 août 2010 une demande de raccordement pour l’édification d’une centrale à raccorder au réseau de distribution publique d’électricité. Le gestionnaire dudit réseau, la société Enedis, lui a transmis le 29 novembre 2010 une proposition technique et financière (PTF), dépassant le délai de trois mois qui lui était imparti pour ce faire. La PTF devait être acceptée le 6 décembre suivant par le producteur.

Or, le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010[1], dit décret « moratoire », devait suspendre pour trois mois l’obligation d’achat d’électricité d’origine photovoltaïque à la charge de la société EDF, sauf pour les installations pour lesquelles le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF qui lui a été soumise pour son raccordement au réseau, tout en précisant qu’à l’issue de la période de suspension, de nouvelles demandes de raccordement au réseau devraient être présentées.

Aussi, le 4 mars 2011, un arrêté a fixé les nouveaux tarifs d’achat par la société EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque, à des conditions moins avantageuses pour les producteurs.

EDF lui ayant appliqué ces nouveaux tarifs, le producteur d’électricité d’origine photovoltaïque estimait avoir subi un préjudice du fait du retard pris par le gestionnaire dans la délivrance de la PTF et ayant entraîné l’application de ces tarifs moins avantageux.

En appel, la Cour a condamné la société Enedis à payer à la société JB Solar la somme de 299 350,63 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais engagés, soit les frais d’étude et de développement, le coût de la construction, les frais financiers et le coût de la garantie des emprunts souscrits pour l’édification de la centrale.

Ce faisant, la Cour d’appel a retenu la responsabilité du gestionnaire dans la réalisation du préjudice consistant en l’engagement en pure perte de frais liés à l’édification de la centrale et de son financement.

La société JB Solar a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, que la Cour de Cassation a décidé de joindre à ceux formés par les sociétés Sun West et Azimut 56 dans des affaires connexes.

Les sociétés exposantes reprochent en effet à l’arrêt de la Cour administrative d’appel de les avoir déboutées de leurs demandes de réparation du préjudice qui résulterait de leur perte de marge et d’avoir limité la réparation du préjudice qu’elles auraient subi au titre des frais engagés à un montant inférieur à celui qu’elles auraient effectivement déboursé.

Dans ces affaires, la Haute juridiction conclut que la violation du délai d’envoi de la PTF, si elle peut entraîner des pertes d’exploitations pour les trois producteurs concernés, n’a pas eu pour effet de priver leur installation de tout accès au réseau public de distribution d’électricité, permettant l’amortissement de leur investissement.

Ainsi, la Cour de cassation considère que les producteurs susvisés ne peuvent prétendre à une indemnisation sur ce fondement et que, par suite, la Cour d’appel de Versailles a violé l’article 1382, devenu l’article 1240 du Code civil dans son arrêt, qu’elle casse et annule.

[1] Décret n°2010-1510 du 9 décembre 2020 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant de l’énergie radiative du soleil.