le 05/07/2016

Régime des biens immeubles mutualisés entre plusieurs concessions d’électricité

CE, 7e et 2e s/s réunies, 11 mai 2016, société ERDF, n° 375533

Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la célèbre affaire « Commune de Douai » qui concernait l’interprétation du cahier des charges de la concession du service public de distribution de l’électricité liant la Commune de Douai aux sociétés ERDF et EDF.

Comme on le sait, cette affaire a clarifié le régime juridique des biens de retour d’une concession et confirmé le droit de l’autorité concédante à se voir remettre un inventaire précis des ouvrages de la concession par son concessionnaire.

Mais un autre sujet faisait également débat dans le cadre de ce contentieux. En effet, la commune de Douai, concédante, estimait que les immeubles de bureaux et les logements des salariés travaillant pour ce service public étaient des biens de retour. Sur ce point, le Conseil d’Etat, dans sa décision d’Assemblée du 21 décembre 2012 (1), ne s’était pas prononcé pas sur la nature des biens litigieux et s’était borné à censurer la Cour administrative d’appel de Douai pour s’être abstenue de qualifier ces biens.

Finalement, par un arrêt n° 12DA01949 du 10 décembre 2013, la Cour administrative d’appel de Douai, saisie comme Juge du renvoi, avait alors déclaré que l’article 22 du contrat de concession applicable à la commune de Douai, conférait la qualité de biens propres aux immeubles constitués de bureaux, restaurants et leurs parkings et aux logements hébergeant, notamment, des agents de la société Electricité Réseau Distribution France.

C’est ainsi que la commune de Douai avait formé, à nouveau, un pourvoi à l’encontre de cet arrêt. Par un arrêt en date du 11 mai 2016, le Conseil d’État a confirmé la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Douai en soulignant, par un considérant de principe, que le régime juridique des biens affectés au service public de la distribution d’électricité devait être déterminé en tenant compte des spécificités du régime des concessions de distribution d’électricité, issu notamment de la loi du 8 avril 1946 portant nationalisation et création d’un monopole pour le transport et la distribution de l’électricité en France.

Dans cette décision, le Conseil d’Etat a estimé que la société ERDF avait la possibilité d’affecter un bien simultanément à l’exploitation de plusieurs concessions de distribution d’électricité. Selon le Conseil d’Etat, de tels biens devaient demeurer la propriété de la société ERDF afin de lui permettre d’assurer ses missions de maintien de la cohérence du réseau et de péréquation des tarifs :

« (…) 4. Considérant qu’il y a lieu, pour définir le régime juridique des biens affectés aux concessions de distribution d’électricité, de tenir compte des spécificités du régime de ces concessions, qui résultent des dispositions législatives mentionnées ci-dessus ; qu’il découle de ces spécificités que les biens affectés en vertu de ces dispositions concurremment à plusieurs concessions de service public de distribution d’électricité et, le cas échéant, également à des concessions de distribution de gaz par la société ERDF en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, demeurent la propriété de cette dernière, à laquelle il revient d’assurer la cohérence du réseau de ses concessions et de maintenir la péréquation des tarifs d’utilisation du réseau public de distribution; qu’en conséquence, ces biens ne sauraient être la propriété des différentes collectivités territoriales ou des différents établissements publics de coopération qui concluent avec cette société les contrats de concession propres aux territoires qu’ils administrent ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel de Douai n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les immeubles objet de la demande, constitués de bureaux et restaurants ainsi que leurs parkings, dont elle a souverainement et sans dénaturer les pièces du dossier relevé qu’ils étaient affectés concurremment à plusieurs concessions de gaz et d’électricité relevant de la région Nord/Pas-de-Calais, constituaient des biens propres de la société ERDF, alors même qu’elle relevait qu’ils étaient affectés au moins pour partie au service public de distribution d’électricité de la commune de Douai ; qu’elle n’a pas davantage commis d’erreur de droit en estimant, après avoir relevé que la zone d’habitat d’astreinte ne se limitait pas au périmètre de la seule concession de distribution de Douai, que les logements de fonction des agents du service de distribution constituaient des biens propres de la société ERDF […] ».

Il résulte de cette décision que le Conseil d’État a donc retenu la qualification de biens propres de la société ERDF s’agissant d’immeubles de bureaux, de restaurants et de parkings dès lors qu’ils sont affectés concurremment à plusieurs concessions de distribution d’électricité. Et il a retenu la même qualification pour les logements mis à la disposition d’agents d’ERDF au motif qu’ils n’étaient pas indispensables à l’exploitation de la concession de distribution d’électricité eu égard à la circonstance qu’ils pouvaient être attribués à ces agents indépendamment de tout lien avec les fonctions qu’ils exerçaient au sein de la société.

La qualification ainsi retenue pour ces biens immeubles implique toutefois qu’elle ne soit pas incompatible avec la qualification donnée des biens de retour. Ainsi, tout bien indispensable au fonctionnement des activités de service public concédées, quoique affecté à plusieurs concessions, demeure à notre sens un bien de retour.

(1) CE Ass, 21 décembre 2012, Commune de Douai, n° 342788