Prise en charge des frais de transport en cas de double résidence : les dernières précisions de l’administration mises à jour du 25 juin 2021 au Bulletin officiel de la sécurité sociale

Cass. Soc., 12 novembre 2020, n° 19-14.818

L’employeur a l’obligation de prendre en charge une fraction du prix des titres d’abonnement souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos (article L. 3261-2 du Code du travail).

Lors de la mise à jour de ce 25 juin 2021 du Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), l’administration a apporté une précision concernant les modalités d’exonération du remboursement pour les salariés ayant une double résidence afin de prendre en compte la jurisprudence issue d’un arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2020 (Cass. Soc., 12 novembre 2020, n° 19-14.818 F-D).

La notion de résidence habituelle doit s’entendre du lieu où le salarié réside pendant les jours travaillés. Ainsi, un salarié ayant une double résidence (la semaine à Paris où il travaille, le week-end dans la région où réside sa famille) doit être considéré, au regard de la législation en cause, comme ayant sa résidence habituelle à Paris. Par conséquent, il n’ouvre pas droit à la prise en charge obligatoire de son titre d’abonnement pour les trajets entre la résidence de sa famille et Paris. Il n’ouvre droit qu’à la prise en charge de son titre de transport au titre de ses déplacements de son domicile parisien à son lieu de travail.

À l’inverse, un salarié n’ayant pas de double résidence, mais qui travaille la semaine en région parisienne et dispose d’une résidence habituelle en province, peut demander un remboursement de ses frais d’abonnement à un service de transport en commun au titre des trajets réalisés le week-end ou pour ses congés entre son lieu de travail et sa résidence, qui constitue sa seule résidence habituelle (BOSS-FP-780).

Par conséquent, dans l’arrêt précité, le salarié était en droit de demander le remboursement de ses frais d’abonnement SNCF pour accomplir ses trajets entre son lieu de travail – situé à Paris – et sa résidence habituelle, située dans le département de l’Hérault.

Dans le cadre de l’essor du télétravail, où certains salariés sont amenés à choisir une résidence habituelle éloignée de leur lieu de travail, les coûts de prise en charge des frais de déplacement par l’employeur est une donnée importante à anticiper.

Néanmoins, le BOSS précise que la notion d’abonnement devant être interprétée strictement, le coût des réservations exposées à chaque voyage par les salariés bénéficiaires d’un abonnement SNCF (TGV) est exclu du dispositif de prise en charge obligatoire de 50% (BOSS-FP-590).

A titre de comparatif, la prise en charge d’un pass Navigo utilisable en Ile de France sur l’année représente une prise en charge à hauteur de 451,2 € pour l’employeur, à contrario celle de la carte liberté SNCF représente une prise en charge à hauteur de 199,5 €.

Dans la mise à jour du BOSS, l’administration apporte également d’autres précisions intéressantes :

Il est précisé que si plusieurs abonnements à des services publics de transport en commun ou de location de vélos sont nécessaires à la réalisation du trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail, l’employeur prend en charge 50 % du coût de ces différents titres d’abonnement (BOSS-FP-600).

Ainsi, si un abonnement SNCF et un pass Navigo sont nécessaires, l’employeur devra prendre en charge ces abonnements à hauteur de 650,70 €.

Enfin des précisions sont apportées sur les modes de transport éligibles au forfait mobilités durables, en adéquation avec les définitions portées par le Ministère de la Transition écologique (BOSS-FP-1110).

A partir du 1er janvier 2022, l’engin de déplacement personnel motorisé ou non motorisé (vélos avec assistance électrique, trottinettes) dont le salarié est propriétaire ou locataire est désormais éligibles au « forfait mobilités durables ».

Projet de loi relatif à la protection des enfants : le Gouvernement souhaite obliger les départements à contribuer au fichier d’aide à l’évaluation de la minorité des personnes se déclarant non-accompagnées (MNA)

L’examen du projet de loi relatif à la protection des enfants, également dit « Taquet », pour le nom du secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé chargé de l’enfance et des familles, a débuté devant l’Assemblée nationale le 6 juillet dernier.

Ce projet de loi, présenté le 16 juin dernier en Conseil des ministres et pour lequel le Gouvernement a entamé une procédure accélérée, est présenté comme visant à améliorer la sécurité des 340 000 mineurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Concernant les mineurs non-accompagnés (MNA), le projet de loi modifie les critères de répartition des MNA afin d’améliorer leur répartition entre les départements. Il prévoit également, en son article 15, que tous les départements devront obligatoirement recourir au fichier d’aide à l’évaluation de la minorité (AEM) afin de « faire face [aux] nombreuses tentatives d’utilisation de ce dispositif de protection de l’enfance par des personnes majeures » (Exposé des motifs). Ce traitement automatisé de données à caractère personnel d’AEM des personnes se déclarant MNA a été mis en place pour notamment « […] lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France ».

Cette nouvelle obligation, qui s’imposerait aux départements, s’inscrit dans la droite ligne des actions mises en œuvre par l’Etat en 2020 visant à « inciter » les départements, au moyen d’un décret adopté le 23 juin 2020, à contribuer à l’alimentation du fichier d’AEM en prévoyant une diminution de 80% de la contribution forfaitaire versée par l’Etat pour l’évaluation des mineurs se déclarant MNA en cas de refus du département de contribuer à l’alimentation dudit fichier (décret n° 2020-768, 23 juin 2020  et Arrêté du 23 octobre 2020).

Plus précisément, l’article 15 du projet de loi prévoit un nouvel article au Code de l’action sociale et des familles (ci-après CASF) selon lequel le Président du conseil départemental sera, lors de l’évaluation d’une personne se prétendant mineur non accompagné et dont la minorité n’est pas manifeste, dans l’obligation de saisir le Préfet pour le recueil par des agents de l’État spécialement habilités de toute information utile à son identification et au renseignement du fichier AEM. Cet article rendrait également obligatoire la transmission, par le département au représentant de l’État, chaque mois, des décisions prises à la suite de l’évaluation par ses services de la situation de l’ensemble des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.

Ainsi, il apparaît que le versement de la contribution forfaitaire de l’Etat attribuée aux départements pour l’évaluation des personnes se déclarant MNA serait conditionnée au respect par le département de ces deux nouvelles obligations.

Dans son avis du 25 juin 2021, la Défenseure des droits a exprimé ses inquiétudes quant aux dispositions contenues dans cet article, « qui tendent davantage à traiter du contrôle migratoire qu’à une réelle amélioration de la protection des mineurs non accompagnés » et à leurs conséquences en matière de respect des droits fondamentaux des MNA. Notamment, l’avis souligne que ce nouvel article ne reprend pas la formulation de l’article R. 221-11 du CASF aux termes duquel il est prévu que le mineur peut refuser de transmettre les informations utiles à son identification et au renseignement alors même que c’était une des conditions retenue par le Conseil constitutionnel pour considérer que le traitement automatisé AEM était bien conforme à la Constitution (Décision n° 2019-797, QPC, 26 juillet 2019 relative à la conformité de l’article L. 611-6-1 du CESEDA à la Constitution). Antérieurement à cet avis de la Défenseure des droits, des départements ont, pour les mêmes raisons, décidé de contester le décret du 23 juin 2020 et l’arrêté du 23 octobre 2020 susvisés, considérant que la réduction drastique de la contribution financière de l’Etat imposée en cas de non-contribution au fichier AEM revenait, dans les faits, à les contraindre à contribuer à ce fichier. Ces recours sont actuellement pendants devant le Conseil d’Etat.

Plan ESMS Numérique : ouverture courant juillet de l’appel à projets correspondant au 2ème temps de la phase d’amorçage

Le Plan ESMS Numérique, dont la phase d’amorçage a démarré en 2020 et s’achèvera fin 2022, vise à généraliser l’utilisation du numérique au sein des établissements et services médico-sociaux (ESMS), et, dans ce cadre, à déployer le dossier usager informatisé (DUI) pour chaque personne accompagnée.

L’un des enjeux principaux de la transition numérique, et que nous avons eu l’occasion d’aborder lors de la Matinale de l’URIOPSS du 6 juillet dernier, à laquelle le Cabinet Seban a eu le plaisir de participer, est de mettre en place des solutions de dossier unique de l’usager (DUI) à la fois sécurisées et interopérables, c’est-à-dire susceptibles de communiquer, de manière sécurisée, avec le dossier médical partagé (DMP), et, à compter du 1er juillet 2021, avec le service Mon espace santé.

Dans ce contexte, et afin d’accompagner financièrement les organismes gestionnaires d’ESMS, les ARS ont d’ores et déjà sélectionné, 71 projets pilotes pour engager le déploiement du DUI grâce au financement de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA). Ce premier appel à projets s’est inscrit dans le 1er temps de la phase d’amorçage.

Dans le cadre du 2ème temps de la phase d’amorçage du Plan ESMS Numérique, la CNSA et les ARS lancent de nouveaux appels à projets régionaux ainsi qu’un appel à projets national réservé aux organismes gestionnaires de plus de cinquante ESSMS.

Pour les candidatures et le suivi des projets, les candidats devront porter une attention toute particulière à la définition et à l’expression de leurs besoins, qui constituent l’un des critères de sélection.

Pour cela, les candidats peuvent bénéficier d’un accompagnement AMOA de la Resah, plateforme nationale d’achat par laquelle transitera la procédure de marché subséquente pour le choix de l’éditeur de la solution de DUI.

 

Précisions sur le régime de redevances des occupations domaniales temporaires des chantiers nécessaires à l’implantation et à l’entretien des réseaux de communications électroniques

Par une décision en date du 25 juin 2021, le Conseil d’État précise le régime de redevances des occupations domaniales temporaire à raison des chantiers de travaux nécessaires à l’implantation et à l’entretien des réseaux de communications électroniques.

En l’espèce, la commune de Montpellier avait délivré à la société Orange une permission de voirie pour lui permettre de déployer son réseau de communications électroniques sur le domaine public routier communal.

Par ailleurs, par une délibération du 17 décembre 2014, le conseil municipal de la commune de Montpellier avait établi une redevance d’occupation du domaine public due au titre des occupations temporaires du domaine public communal pour assurer le déploiement dudit réseau.

Sur le fondement de cette délibération, Montpellier Méditerranée Métropole (ci-après, la « Métropole »), laquelle dispose désormais de la compétence en matière de voirie, a émis à l’encontre de la société Orange des titres exécutoires pour les chantiers de travaux que la société a menés sur le domaine public communal en vue d’installer son réseau de communications électroniques sur celui-ci.

La Métropole ayant rejeté les recours gracieux formés par la société Orange contre les titres exécutoires, cette dernière a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler ces titres litigieux et de la décharger de l’obligation de payer les sommes correspondantes. Par un jugement du 6 avril 2018, ce tribunal a fait droit à cette demande. La Métropole a introduit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt confirmatif du 19 juin 2020 rendu par la cour administrative d’appel de Marseille.

En substance, le problème de droit était celui de savoir si les propriétaires ou gestionnaires du domaine public routier étaient compétents pour établir un régime de redevances domaniales à raison des chantiers de travaux temporaires nécessaires à l’implantation et à l’entretien des réseaux de communications électroniques sur le fondement des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du Code général de la propriété des personnes publiques ou si leur compétence devait pour établir un tel régime devait s’exercer dans le cadre de la réglementation particulière consacrée par les articles L. 45-9, L. 47 et R. 20-45 à R. 20-52 du Code des postes et des communications électroniques ainsi que les articles L. 113-3 et L. 113-4 du Code de la voirie routière.

Ou, pour le dire autrement, les titres d’occupation provisoire du domaine public routier pour les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques relevaient ils de la réglementation générale du Code général de la propriété des personnes publiques ou de la réglementation particulière du code des postes et des communications électroniques et du code de la voirie routière ?

La Cour administrative d’appel de Marseille avait jugé que le régime de ces titres d’occupation temporaire tombait dans le champ de la réglementation particulière du Code des postes et des communications électroniques.

Le Conseil d’État se prononce dans le sens inverse selon le raisonnement suivant.

La Haute juridiction commence par énoncer la réglementation spécifique définie notamment par le Code des postes et des communications électroniques en matière d’occupation du domaine public routier par les opérateurs de réseaux de communication électroniques.

Le Conseil d’État rappelle ensuite qu’en « l’absence de réglementation particulière, toute autorité gestionnaire du domaine public est compétente, sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, pour délivrer les permissions d’occupation temporaire de ce domaine et fixer le tarif de la redevance due en contrepartie de cette occupation, en tenant compte des avantages de toute nature que le titulaire de l’autorisation est susceptible de retirer de cette occupation ».

Le Conseil d’État constate que la Cour administrative de Marseille s’était notamment fondée sur la circonstance que les articles L. 46 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques n’établiraient pas de distinction entre les occupations permanentes et provisoires du domaine public routier pour en déduire « l’existence d’une réglementation tarifaire particulière qui excluait que la commune puisse légalement faire usage de la compétence générale » fondée sur les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques pour établir le régime de redevances d’occupation temporaire pour les travaux de déploiement des réseaux de communications électroniques.

Or, le Conseil d’État relève qu’ « il ressort des articles L. 45-9 et L. 47 du Code des postes et communications électroniques précités qu’ils ont pour objet de réglementer respectivement le droit de passage et la permission de voirie nécessaires à l’implantation des ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques et aux travaux correspondants qui doivent être effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l’article L. 115-1 du code de la voirie routière, et de prévoir le principe du paiement d’une redevance due au titre de l’occupation permanente du domaine public routier par ces ouvrages, tandis que, d’autre part, les articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 du même code, auxquels renvoie l’article L. 47, ne font référence qu’à ce même droit de passage et, à ce titre, ne mentionnent que les artères et les fourreaux, occupés ou non » pour en déduire « l’absence de dispositions particulières applicables à l’occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques ».

En d’autres termes, l’article L. 45-9 du Code des postes et communications consacre l’existence d’un droit de passage au profit des exploitants de réseaux de communications électroniques lequel se matérialise, sur le domaine public routier, par la délivrance d’une permission de voirie selon les modalités prévues par l’article L. 47 du Code précité. Ces dispositions ne visent donc qu’à encadrer le droit d’occupation permanent du domaine public routier par les opérateurs de communications électroniques.

Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par la lecture des articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 du Code des postes et des communications électroniques. Ces articles encadrent effectivement le tarif des redevances pour l’occupation prévue par les articles L. 45-9 et L. 47 du Code précité. Or, ils ne visent que « les artères et les fourreaux, occupés ou non » c’est-à-dire les éléments caractérisant une occupation permanente du domaine public routier et non l’occupation temporaire ayant pour objet de permettre d’installer ces éléments du réseau.

Ainsi, le silence de la réglementation spécifique prévue par le Code des postes et des communications électroniques sur l’occupation temporaire du domaine public, notamment pour permettre les chantiers de travaux destinés à déployer les réseaux de communications électroniques, ne peut donc pas s’interpréter, comme l’a fait la Cour administrative d’appel de Marseille, comme une absence de distinction entre les occupations permanentes et temporaires du domaine public visant à les soumettre à un même régime mais bien plutôt comme une exclusion des occupations provisoires du domaine public de ce régime spécifique.

En gardant le silence sur les occupations temporaires et en ne visant que les occupations permanentes du domaine public routier par les opérateurs de réseaux de communications électroniques, le législateur a entendu soumettre uniquement ces dernières à un régime spécifique.

En conséquence, le régime de redevances domaniales temporaires à raison des chantiers de travaux nécessaires à l’implantation et à l’entretien des réseaux de communications électroniques relève du régime général établi par le code général de la propriété des personnes publics.

En l’espèce, le Conseil d’État juge donc que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit, il annule l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire devant la cour précitée.

La ZAC face aux constructeurs autonomes

Présentation de la ZAC

La zone d’aménagement concerté (ci-après, ZAC) est une zone à l’intérieur de laquelle une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés (article L. 311-1 du Code de l’urbanisme).

La ZAC est souvent utilisée pour des opérations d’aménagement d’envergure, la ZAC constituant une procédure mise en place pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, telles que la mise en œuvre d’un projet urbain, d’une politique locale de l’habitat, l’accueil d’activités économiques, la réalisation d’équipements collectifs, la lutte contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, le renouvellement urbain…).

La ZAC face au changement

Alors qu’elle est parfois décriée pour sa longueur et reléguée, au second rang par certains, pour des montages plus innovants, la ZAC traverse le temps, renforcée par le constat que cette procédure a fait ses preuves, au vu du nombre très significatif d’opérations d’aménagement en ZAC, dont la réalisation est arrivée à terme et avec succès.

Alors que cette procédure existe depuis 1967, la ZAC est pérenne dans un contexte de mutations permanentes et d’instabilité juridique, car elle s’est adaptée à l’évolution des territoires, et aux nouvelles façons de construire (plus densément, moins d’étalement urbain). La ZAC a également été confrontée aux nouveaux enjeux environnementaux (reconversion des friches industrielles périphériques, réalisation d’écoquartiers, zéro-artificialisation etc.), grâce notamment à la procédure d’évaluation environnementale, permettant un contrôle des impacts du projet sur l’environnement, la mise en place de mesures compensatoires et un suivi de ces mesures.

La dimension foncière de la ZAC

La ZAC a également une dimension foncière ; elle implique généralement l’acquisition, en tout ou partie, des terrains se situant dans son périmètre, et le recours à l’expropriation, en cas d’absence d’accord amiable pour la cession du foncier.

Même si la maîtrise foncière n’est pas un préalable à la création de la ZAC, ni une fin en soi, le fait d’être propriétaire de l’ensemble des parcelles en ZAC permet à la collectivité d’avoir un contrôle complet sur l’opération, et se justifie, au demeurant, par l’impossibilité de maintenir les propriétaires (souvent dénommés les « constructeurs autonomes ») et leur locataires en place, car leur maintien compromettrait la réalisation de la ZAC, les affectations envisagées et la vocation de cette dernière.

Toutefois, même privées de la totalité des terrains situés dans le périmètre de la ZAC, les collectivités disposent d’outils afin de garder la maîtrise sur leurs projets urbains. Cette circonstance explique le succès et le développement des ZAC appelées « à maîtrise foncière partielle », ZAC dans lesquelles la personne publique à l’initiative de la ZAC, ou bien l’aménageur, ne dispose pas de la propriété intégrale de l’emprise de la ZAC. En d’autres termes, des propriétaires préétablis sont présents sur l’emprise de la ZAC, et doivent y rester. Ces terrains ne font donc l’objet d’aucune cession, location ou concession d’usage consentie par l’aménageur de la zone.

Mais quelle est la place de ces « constructeurs autonomes » en ZAC ? Comment articuler leur projet avec celui plus global de la ZAC, et leur constructibilité avec celle de la ZAC ? Comment coordonner les interventions respectives afin de respecter le projet urbain ?

 

ZAC et maîtrise foncière

D’un point de vue juridique, il n’existe aucune obligation pour la personne publique d’acquérir et de maîtriser l’ensemble des surfaces comprises dans le périmètre de la ZAC (art. L. 311-1 du Code de l’urbanisme). Les seules obligations d’achat résultent de l’exercice éventuel du droit de délaissement par les propriétaires des terrains compris dans cette zone (art. L. 311-2 C. urb.), car parmi les effets attachés à la création de la ZAC figurent la mise en œuvre du droit de délaissement par les propriétaires, avec l’exonération de taxe d’aménagement, et la possibilité d’opérer des divisions foncières, sans soumission au régime du lotissement.

Aussi, dans un contexte de rareté et de cherté du foncier et de budgets publics contraints, la ZAC à maîtrise foncière partielle peut être une bonne alternative, pour contenir les dépenses liées au poste des acquisitions foncières, et intégrer des propriétaires déjà en place, dont le projet s’inscrit dans l’ambition urbaine de la ZAC.  Mais de quel contrôle dispose alors la personne publique sur le projet des constructeurs autonomes ?

 

Collectivité et « constructeurs autonomes » : quels mécanismes de contrôle ?

La ZAC à maîtrise foncière partielle semble, de prime abord, entrer en contradiction avec l’objectif inhérent à ce type de procédure : permettre à la personne publique à l’initiative de la ZAC de mener à bien un projet urbain public, défini et contrôlé entièrement par elle. Cet objectif implique en principe que la collectivité contrôle son programme de construction et celui des équipements publics de la zone.

Or, l’absence de maîtrise foncière totale de cette zone enlève à la personne publique beaucoup de son pouvoir de contrôle.

Le principe même de la ZAC réside, en l’occurrence, dans l’acquisition par l’aménageur de la majorité des terrains situés dans le périmètre de la ZAC pour les aménager, dans la perspective de leur commercialisation à des constructeurs privés. Dans le cadre de cette cession, sera annexé aux actes de vente un cahier des charges de cession de terrain (CCCT) indiquant notamment le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée. Ce CCCT pourra également fixer des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone (art. L. 311-6 C. urb.).

Toutefois, dans le cadre d’une ZAC à maîtrise foncière partielle, l’aménageur ne disposera pas de cet outil pour imposer au « constructeur autonome » – c’est-à-dire celui qui n’a pas acquis son terrain auprès de l’aménageur – le respect de ses prescriptions. Dès lors, le rôle des collectivités et aménageurs se limite-t-il à de la coordination de projets ? La réponse est négative, car plusieurs outils de contrôle demeurent à leur disposition.

Le document d’urbanisme : le PLU et les OAP

Le premier d’entre eux est sans conteste le document d’urbanisme, le PLU. Dans le cadre notamment de l’ouverture à l’urbanisation ou de la reconversion d’anciennes zones industrielles d’ampleur, la mise en œuvre des projets poursuivis sur ces terrains, propriétés d’acteurs privés, implique une adaptation du document d’urbanisme, dans la perspective de la délivrance des permis de construire. Aussi, la collectivité dispose, à ce titre, d’un levier important dans le cadre des négociations avec les propriétaires enclins à valoriser leur terrain.

La collectivité peut définir dans son document d’urbanisme la localisation et les caractéristiques des espaces publics à conserver, à modifier ou à créer, ainsi que la localisation prévue des principaux ouvrages publics, des installations d’intérêt général et des espaces verts de la ZAC (art. L. 151-7 et L. 151-42 C. urb.). Précisons que, selon leur emplacement dans le document d’urbanisme, ces éléments pourront entraîner une certaine lourdeur procédurale : rapport de conformité s’ils figurent dans le règlement, ou rapport de compatibilité s’ils se trouvent dans les orientations d’aménagement et de programmation (OAP). Ce dernier outil sera à privilégier. A ce titre, rappelons que la loi Elan du 23 novembre 2018 (loi n° 2018-1021) a également permis, dans le cas où la personne publique compétente pour créer la ZAC le serait également en matière de plan local d’urbanisme (PLU), d’approuver ce document et de créer la ZAC par la même délibération (art. L. 151-7-2 C. urb.). Dans ces conditions, les OAP, souvent associés à l’urbanisme de projet, s’avèrent un outil de contrôle utile de la programmation de la ZAC.

Du côté du financement : les conventions de participation et d’association

Convention de participation : Le développement des ZAC à maîtrise foncière partielle répond également à l’objectif de développement des partenariats public-privé.

Dans ce cadre, afin de permettre le financement des équipements publics de la zone, et d’éviter une rupture d’égalité entre les constructeurs, ceux n’ayant pas acquis leur terrain de l’aménageur devront obligatoirement conclure une convention avec la collectivité signée par l’aménageur, tel que cela est prévu par l’article L. 311-4 du code de l’urbanisme. Cette convention précise les conditions dans lesquelles le constructeur participe au coût d’équipement de la zone. Il convient de préciser que, depuis l’entrée en vigueur de la loi Elan du 23 novembre 2018, la participation peut être versée directement à l’aménageur ou à la personne publique à l’initiative de la création de la ZAC. Auparavant, les participations étaient nécessairement versées à la personne publique.

La convention est une pièce obligatoire du dossier de demande de permis de construire. Cependant, ce type de convention ne saurait en principe orienter ou restreindre les droits à construire des constructeurs autonomes (circulaire n° 2001-56 du 27 juillet 2001 relative à la réforme des contributions d’urbanisme issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, NOR : EQUU0110155C).

Convention d’association : Cette convention est prévue à l’article L. 311-5 du Code de l’urbanisme. Ce document, qui accompagne généralement les conventions de participation (financière) des constructeurs autonomes et doit en être distinct, définit « les conditions dans lesquelles ces propriétaires participent à l’aménagement » de la ZAC. Ces conventions d’association, contrairement aux conventions de participation, ont un caractère purement facultatif, leur but étant de coordonner les chantiers de construction et d’aménagement, et les limites de prestations des différents intervenants. En d’autres termes, c’est la liberté contractuelle qui guide la signature d’une telle convention. En réalité, on constate que les aménageurs utilisent ces conventions pour y insérer certaines prescriptions techniques, architecturales, voir environnementales, et ainsi encadrer le programme des constructeurs autonomes de la ZAC.

Comment articuler les surfaces de plancher des constructions autonomes avec celles du programme de la ZAC ?

La question qui se pose est celle de savoir si les projets portés par des constructeurs autonomes dans le périmètre d’une ZAC sont susceptibles de consommer la surface de plancher constructible figurant dans les documents constitutifs de la ZAC. Il s’agit là d’une vraie question, qui n’est pas tranchée à ce jour.

D’une part, les textes législatifs et règlementaires ainsi que la jurisprudence ne se sont pas saisis de cette question et, d’autre part, la doctrine, relativement rare également sur ce sujet, ne prend pas position clairement.

La position selon laquelle le constructeur autonome peut consommer la surface de plancher constructible de la ZAC n’est pas satisfaisante, pas plus que ne l’est la position selon laquelle l’aménageur serait en droit d’exiger d’un tel constructeur de lui racheter des droits à construire.

Certains défendent le principe selon lequel la surface de plancher dans le périmètre de la ZAC serait propriété de l’aménageur et selon lequel la surface de plancher des constructions réalisées par les constructeurs autonomes devrait être déduite du programme global des constructions de la ZAC, de manière à ne pas limiter les droits à construire devant être cédés par l’aménageur.

D’autres proposent que soit définie et anticipée dans les documents constitutifs de la ZAC une ventilation par îlots de la surface de plancher constructible pour les terrains acquis auprès de l’aménageur et pour les terrains non acquis auprès de l’aménageur, à proportion des superficies de terrains possédés par chacun.

Les textes étant silencieux sur ce sujet, le législateur viendra certainement combler cette lacune et compléter les règles de droit.

Céline Lherminier

La nouvelle procédure d’appel contre les décisions rendues par l’INPI en droit des marques

La transposition de la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 dite « Paquet Marques » a modifié les modalités d’appel des différentes procédures engagées devant l’INPI en droit des marques.

I. L’appel d’une procédure en opposition de marque devant l’INPI

La Directive du 16 décembre 2015 a introduit une procédure d’opposition d’une marque devant l’INPI. Cela ne constitue pas une nouveauté pour le droit français qui en était déjà dotée depuis la Loi du 4 janvier 1991. Cette procédure concerne 80 à 90 % des recours contre les décisions de l’INPI.

Ainsi, si une marque nouvelle porte atteinte à une marque française déposée, une marque de l’Union Européenne ou encore une marque notoire, la procédure d’opposition permet d’en empêcher l’enregistrement. La décision, qui est rendue par le directeur général de l’INPI, peut faire l’objet d’un recours par les parties à la procédure. Elle doit modifier une situation juridique et causer un grief au requérant.

Ainsi, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision de rejet ou d’admission de l’opposition, il est possible de former un recours en annulation devant la cour d’appel spécialisée du lieu de résidence du demandeur à l’action (CPI, art. R. 411-19-1 et s.). Le demandeur doit remettre ce recours auprès du greffe et le communiquer par LRAR au directeur de l’INPI à peine de caducité (Cass. Civ.,  Bordeaux, 1ère , 23 mars 2021, n° 20/01921). Par la suite, le défendeur dispose d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de la partie adverse pour remettre les siennes au greffe et au directeur de l’INPI et le cas échéant, former un recours incident (CPI, art. R. 411-30).

Cet appel n’est pas suspensif et il n’est pas possible de produire des nouvelles pièces (CPI, art. R. 411-37). Des mentions obligatoires doivent aussi être satisfaites (CPI, art. R. 411-21) bien qu’une régularisation en cours d’instance ait pu être admise (Cass. Com., 12 mai 2021, FS-P, n° 18-15.153).

II. L’appel d’une procédure en déchéance et en annulation de marque devant l’INPI

La Directive du 16 décembre 2015 a également introduit une procédure administrative en déchéance et en annulation de marque devant l’INPI disponible depuis le 1er avril 2020. Cela démontre son ambition de doter les Etats Membres d’une « procédure administrative efficace et rapide devant leurs offices permettant de demander la déchéance ou la nullité d’une marque » (Art. 45.1 de ladite directive).

La déchéance est la procédure applicable à une marque qui est restée inexploitée par son propriétaire depuis au moins 5 ans, tandis que la nullité sanctionne le non-respect des conditions de protection par une marque.

La décision de déchéance ou d’annulation est prise par le directeur général de l’INPI et peut faire l’objet d’un recours par les parties à la procédure. Elle doit modifier une situation juridique et causer un grief au requérant. Depuis le 1er avril 2020, ces décisions ont l’effet d’un jugement. Désormais, elles peuvent faire l’objet d’un recours en réformation devant la cour d’appel spécialisée dépendant du lieu de résidence du demandeur à l’action.

Cette demande doit être effectuée dans le délai d’un mois à compter de la notification des décisions (CPI, art. R. 411-21). Cet appel est suspensif et dévolutif. Des nouvelles pièces peuvent être produites puisque la cour d’appel statue en fait et en droit (CPI, art. R. 411-37). Il convient de souligner que la constitution d’un avocat est obligatoire (CPI, art. R. 411-22). Ensuite, le demandeur dispose d’un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision contestée pour adresser ses écritures au greffe de la cour d’appel et une copie à l’INPI par LRAR, à peine de caducité (CPI, art. R. 411-29). La remise des conclusions en réponse du défendeur est soumise aux mêmes modalités (CPI, art. R. 411-30).

Pour conclure, qu’il s’agisse du recours en annulation ou en réformation, les arrêts rendus par les cours d’appel sont ouverts à pourvoi en cassation aux parties (CPI, art. L. 411-4). De plus, les recours exercés à l’encontre des décisions du directeur de l’INPI sont formés, instruits et jugés selon les dispositions du Code de procédure civile (CPI, art. R. 411-20). Cette évolution tend à rapprocher la procédure applicable aux recours contre les décisions du directeur de l’INPI à la procédure d’appel ordinaire. Également et transformation radicale, désormais les actes de procédure doivent être remis à la juridiction par voie électronique à peine d’irrecevabilité relevée d’office (CPI, art. R. 411-24).

Il s’agit ainsi d’une procédure particulière puisqu’elle soumet au juge judiciaire un acte administratif individuel, la décision du directeur de l’INPI.

Promesse unilatérale de vente : Revirement de jurisprudence sur l’incidence de la rétractation du promettant avant la levée d’option par le bénéficiaire

Antérieurement à la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, il résultait d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation qu’en matière de promesse unilatérale de vente, l’obligation du promettant constituait une simple obligation de faire.

Ainsi, tant que le bénéficiaire n’avait pas déclaré acquérir et n’avait pas levé l’option, aucune rencontre des volontés n’était intervenue, de sorte que le promettant pouvait librement se rétracter.

En application de cette jurisprudence, la levée d’option, postérieure à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés de vendre et d’acquérir, étant entendu que le bénéficiaire ne pouvait solliciter la réalisation forcée de la vente et ne pouvait prétendre qu’à l’allocation de dommages et intérêts.

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations est venue bouleverser cette jurisprudence établie.

En effet, l’article 1124 nouveau du Code civil alinéa 2 dispose que :

« La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

Désormais, le bénéficiaire de la promesse qui lève l’option peut poursuivre la réalisation forcée de la vente ; la rétractation de la promesse pendant le délai d’option étant sans incidence, à ce titre.

Néanmoins, ces dispositions n’étant applicables qu’aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, les promesses signées avant l’entrée en vigueur de cette réforme demeuraient soumises à l’application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Par un arrêt en date du 23 juin 2021, la Cour de cassation procède à un revirement de sa jurisprudence retenant ainsi la vente forcée en dépit de la rétractation du promettant antérieure à la levée d’option par le bénéficiaire.

La Haute juridiction retient que : 

« 9. Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.

10. Par ailleurs, en application de l’article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l’exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (1re Civ., 16 janvier 2007, pourvoi n° 06-13.983, Bull. 2007, I, n° 19 ).
11. Il convient dès lors d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement du promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente et de retenir qu’il s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire. »

La Cour de cassation considère désormais, et ce pour les promesses signées avant l’entrée en vigueur du nouvel article 1124 du Code civil, que le promettant s’est définitivement engagé à vendre, dès la signature de la promesse.

Dès lors, la vente est définitivement formée entre les parties, en cas de levée d’option par le bénéficiaire, et ce en dépit de toute rétractation du promettant.

La nouvelle procédure d’appel contre les décisions rendues par l’INPI en droit des marques

La transposition de la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 dite « Paquet Marques » a modifié les modalités d’appel des différentes procédures engagées devant l’INPI en droit des marques.

 

I. L’appel d’une procédure en opposition de marque devant l’INPI

La Directive du 16 décembre 2015 a introduit une procédure d’opposition d’une marque devant l’INPI. Cela ne constitue pas une nouveauté pour le droit français qui en était déjà dotée depuis la Loi du 4 janvier 1991. Cette procédure concerne 80 à 90% des recours contre les décisions de l’INPI.

 

Ainsi, si une marque nouvelle porte atteinte à une marque française déposée, une marque de l’Union Européenne ou encore une marque notoire, la procédure d’opposition permet d’en empêcher l’enregistrement. La décision, qui est rendue par le directeur général de l’INPI, peut faire l’objet d’un recours par les parties à la procédure. Elle doit modifier une situation juridique et causer un grief au requérant.

 

Ainsi, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision de rejet ou d’admission de l’opposition, il est possible de former un recours en annulation devant la cour d’appel spécialisée du lieu de résidence du demandeur à l’action (CPI, art. R.411-19-1 et s.). Le demandeur doit remettre ce recours auprès du greffe et le communiquer par LRAR au directeur de l’INPI à peine de caducité (CA Bordeaux, 1re ch. civ., 23 mars 2021, n° 20/01921). Par la suite, le défendeur dispose d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de la partie adverse pour remettre les siennes au greffe et au directeur de l’INPI et le cas échéant, former un recours incident (CPI, art. R. 411-30).

 

Cet appel n’est pas suspensif et il n’est pas possible de produire des nouvelles pièces (CPI, art. R. 411-37). Des mentions obligatoires doivent aussi être satisfaites (CPI, art. R. 411-21) bien qu’une régularisation en cours d’instance ait pu être admise (Com. 12 mai 2021, FS-P, n° 18-15.153).

 

II. Appel d’une procédure en déchéance et en annulation de marque devant l’INPI

La Directive du 16 décembre 2015 a également introduit une procédure administrative en déchéance et en annulation de marque devant l’INPI disponible depuis le 1er avril 2020. Cela démontre son ambition de doter les Etats Membres d’une « procédure administrative efficace et rapide devant leurs offices permettant de demander la déchéance ou la nullité d’une marque » (Art. 45.1 de ladite directive).

 

La déchéance est la procédure applicable à une marque qui est restée inexploitée par son propriétaire depuis au moins 5 ans, tandis que la nullité sanctionne le non-respect des conditions de protection par une marque.

 

La décision de déchéance ou d’annulation est prise par le directeur général de l’INPI et peut faire l’objet d’un recours par les parties à la procédure. Elle doit modifier une situation juridique et causer un grief au requérant. Depuis le 1er avril 2020, ces décisions ont l’effet d’un jugement. Désormais, elles peuvent faire l’objet d’un recours en réformation devant la cour d’appel spécialisée dépendant du lieu de résidence du demandeur à l’action.

 

 

Cette demande doit être effectuée dans le délai d’un mois à compter de la notification des décisions (CPI, art. R. 411-21). Cet appel est suspensif et dévolutif. Des nouvelles pièces peuvent être produites puisque la cour d’appel statue en fait et en droit (CPI, art. R. 411-37). Il convient de souligner que la constitution d’un avocat est obligatoire (CPI, art. R. 411-22). Ensuite, le demandeur dispose d’un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision contestée pour adresser ses écritures au greffe de la cour d’appel et une copie à l’INPI par LRAR, à peine de caducité (CPI, art. R. 411-29). La remise des conclusions en réponse du défendeur est soumise aux mêmes modalités (CPI, art. R. 411-30).

 

Pour conclure, qu’il s’agisse du recours en annulation ou en réformation, les arrêts rendus par les cours d’appel sont ouverts à pourvoi en cassation aux parties (CPI, art. L.411-4). De plus, les recours exercés à l’encontre des décisions du directeur de l’INPI sont formés, instruits et jugés selon les dispositions du Code de procédure civile (CPI, art. R.411-20). Cette évolution tend à rapprocher la procédure applicable aux recours contre les décisions du directeur de l’INPI à la procédure d’appel ordinaire. Également et transformation radicale, désormais les actes de procédure doivent être remis à la juridiction par voie électronique à peine d’irrecevabilité relevée d’office (CPI, art. R.411-24).

 

Il s’agit ainsi d’une procédure particulière puisqu’elle soumet au juge judiciaire un acte administratif individuel, la décision du directeur de l’INPI.

Précisions sur l’obligation de notification de l’ordonnance désignant le syndic judiciaire ou l’administrateur provisoire

Après quelques hésitations jurisprudentielles, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’obligation de notification de l’ordonnance désignant le syndic judiciaire ou l’administrateur provisoire.

En l’espèce, un administrateur provisoire est désigné par ordonnance sur requête. Un copropriétaire en a demandé la rétractation en soutenant notamment que la requête ne lui avait pas été notifiée en même temps que l’ordonnance, contrairement aux dispositions de l’article 495 du Code de procédure civile.

La Cour d’appel a rejeté la demande du copropriétaire en estimant que que le défaut de notification de la requête n’avait pas empêché ce dernier d’argumenter sa demande de rétractation : cela n’avait donc causé aucun grief au copropriétaire. Ce dernier a alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que les modalités de notification de l’ordonnance sur requête rendue par application des articles 46 à 48 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 sont prévues par l’article 59 du même décret et non par l’article 495 du Code de procédure civile qui n’est alors pas applicable en espèce.

Or, l’article 59 ne prévoit pas la notification de la requête.

La précision est nouvelle puisque le décret du 17 mars 1967 prévoit les modalités de désignation d’un syndic judiciaire ou d’un administrateur provisoire dans l’hypothèse où le syndic n’a pas été nommé par l’assemblée générale et dans celle dans laquelle le syndicat est dépourvu de syndic.

Pourtant, dans les deux cas, la désignation est faite par le Président du Tribunal judiciaire, par ordonnance sur requête. L’ordonnance est alors notifiée dans le mois de son prononcé, par le syndic ou l’administrateur provisoire désigné, à tous les copropriétaires qui peuvent en référer au président du tribunal dans les 15 jours de cette notification. Le texte ne prévoit donc pas la notification de la requête, mais seulement de l’ordonnance.

Prime exceptionnelle aux personnels de sante : pas de rupture d’égalité

Les décrets n° 2020-568 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l’Institution nationale des Invalides dans le cadre de l’épidémie de covid-19 et  n° 2020-711 du 12 juin 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux personnels des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique de l’Etat dans le cadre de l’épidémie de covid-19 avaient fait l’objet de la part de la Fédération CFDT Santé-Sociaux.

 

Elle reprochait en effet à ces deux décrets plusieurs différences de traitement entre les agents, soit au titre de leurs différents statuts de titulaires ou contractuels, soit au titre de leur secteur d’exercice.fon

Selon sa jurisprudence habituelle qui consiste à considérer qu’il n’y a pas de rupture d’égalité lorsqu’il existe une différence de situation, le Conseil d’Etat a néanmoins écarté les demandes, en précisant « que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ».

C’est ainsi qu’il a entre autres validé l’article selon lequel les personnels des établissements publics de santé situés dans les départements les plus touchés pouvaient percevoir une prime exceptionnelle de 1 500 euros alors que ceux ayant exercé dans les établissements des autres départements se voyaient octroyer une prime exceptionnelle de 500 euros, en soulignant qu’en tout état de cause il était prévu que, par dérogation, que le chef d’établissement pouvait, dans la limite de 40 % des effectifs physiques de l’établissement, relever le montant de la prime exceptionnelle à 1 500 euros pour les services ou agents impliqués dans la prise en charge de patients contaminés par le virus covid-19 ou mobilisés par les circonstances exceptionnelles d’exercice, induites par la gestion sanitaire de l’épidémie de covid-19 dans les établissements situés dans les départements qui n’étaient pas parmi les plus touchés par l’épidémie.

Même en l’absence de texte, la prescription de l’action en répétition de l’indu de rémunération d’un agent public est interrompue par un recours juridictionnel jusqu’à l’extinction de l’instance

Un agent contractuel du Ministère de l’Education nationale placé en congé de maladie ordinaire puis en congé de longue maladie a continué à percevoir sa rémunération tout en percevant des indemnités journalières de la sécurité sociale. Le ministre a alors émis à son encontre des titres de perception entre les années 2011 et 2013.

L’agent a sollicité et obtenu du Tribunal administratif l’annulation de ces titres. Saisie par le ministre, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en rappelant la jurisprudence Anne Marie A[1] du Conseil d’Etat, selon laquelle en cas d’annulation d’un titre de perception pour vice de forme, il appartient au juge administratif saisi de conclusions en ce sens de subordonner la restitution des sommes perçues à l’absence d’adoption de nouveaux titres exécutoires réguliers, dans un délai qu’il lui appartenait de fixer.

Mais la Cour a considéré qu’à la date de l’annulation de ces titres exécutoires, en 2017, la prescription biennale était acquise, dès lors que l’action de la requérante devant le Tribunal administratif ne l’avait ni interrompue ni suspendue, et rejeté l’appel du ministre.

Le Conseil d’Etat, saisi du pourvoi du Ministre, a pu à l’occasion de ce litige compléter sa jurisprudence Anne Marie A précitée.

En effet, les dispositions de l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, instituant la prescription biennale, ne prévoient pas explicitement de causes d’interruption de prescription, à l’inverse par exemple des dispositions relatives à la prescription quadriennale.

La Haute Juridiction a donc fait œuvre prétorienne et jugé « qu’en l’absence de toute autre disposition applicable, les causes d’interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de cet article 37-1 sont régies par les principes dont s’inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil », lesquelles mentionnent entre autres causes d’interruption le recours en justice,

Ainsi, le recours de l’agent contre les titres de perception avait bien interrompu le délai prescription biennale, et permettait bien au Ministre de régulariser les titres de perception émis et annulés, de sorte que Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire devant la Cour.

Cette décision à paraitre au Recueil, anticipe une prochaine rédaction de l’article 37-1, puisqu’à compter du 1er janvier 2022, l’article 37-1 précité renverra à l’article L.274 du livre des procédures fiscale qui fixera la prescription de l’action en recouvrement des sommes indument versés par l’administration à ses agents à quatre ans, « sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription ».

[1] CE, 11 décembre 2006, Anne Marie A, req n° 280696, au recueil

La faute du fonctionnaire atténue la responsabilité de l’employeur en cas d’accident de service

On le sait, est présumé imputable au service tout accident survenu, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal (art. 21 bis II loi n° 83-634 du 13 juillet 1983).

L’indemnisation de l’agent victime d’un accident de travail est traditionnellement, par principe, de nature forfaitaire, ce qui implique que la victime ne peut prétendre à une réparation intégrale du préjudice qu’elle a subi.

C’est ainsi que l’agent victime d’un accident de service peut, dans tous les cas, c’est-à-dire même en l’absence de faute de l’administration, engager une action pour bénéficier d’une indemnité pour ses souffrances et préjudices esthétiques et d’agrément et pour les troubles dans les conditions d’existence.

Mais depuis 2003, le Juge administratif a consenti à une ouverture de l’action en responsabilité aux cas d’accidents de service en admettant la possibilité pour les agents d’obtenir une réparation des préjudices non couverts par le forfait de pension (souffrances physiques ou morales, préjudice esthétique ou d’agrément), en dehors de toute faute de l’administration, puis en jugeant qu’une action de droit commun, pouvant aboutir à la réparation intégrale du dommage, puisse être mise en œuvre en cas de faute de l’employeur (CAA Paris, 11 avril 2019, n° 17PA01107 ; CE, 16 décembre 2013, n° 353798).

Autrement posé, l’agent victime d’un accident de service peut, dans tous les cas, c’est-à-dire même en l’absence de faute de l’administration, engager une action pour bénéficier d’une indemnité pour ses souffrances et préjudices esthétiques et d’agrément et pour les troubles dans les conditions d’existence, mais seuls ces chefs de préjudices peuvent être indemnisés au titre de la responsabilité sans faute de l’administration, et il doit engager la responsabilité pour faute de son employeur pour se voir indemnisé de l’intégralité de ses préjudices.

Mais, dès lors que le régime de la responsabilité pour faute est engagé, cela entraîne pour l’employeur naturellement la possibilité de contester sa faute, notamment en mettant en exergue, de manière très classique, la faute de la victime.

En l’espèce, un agent exerçant les fonctions de gardien d’une déchetterie d’une communauté de commune a, alors qu’il manipulait une caisse dans le conteneur des déchets ménagers spéciaux, été victime d’une chute qui a provoqué une fracture de son pilon tibial droit.

Dans un premier temps, l’imputabilité au service a été reconnue par l’employeur qui a donc appliqué la règle dite du forfait de pension, mais, dans un second temps, l’agent a par la suite sollicité l’indemnisation de la totalité de ses préjudices sur le fondement de la faute de la communauté de communes.

Ainsi que l’a reconnu la Cour administrative d’appel, c’est après s’être pris le pied dans le système de fermeture de la bâche de protection que l’agent a chuté dans un conteneur de déchets ménagers spéciaux. La responsabilité sans faute était donc établie, raison pour laquelle l’imputabilité au service a été reconnue.

Dans un deuxième temps, la Cour a relevé qu’outre le fait que le passage étroit dans lequel circulait l’agent au moment de l’accident était pourvu d’un sol irrégulier et que l’éclairage du conteneur était insuffisant, ce dernier présentait un état dégradé et encombré par des sangles qui exposait ses utilisateurs notamment à de forts risques de chutes. La faute de nature à engager la responsabilité de la communauté de communes à l’égard de l’agent était ainsi établie.

Dans un dernier temps, la Cour a cependant retenu que l’agent, qui avait lui-même signalé l’état dégradé du conteneur à la communauté de communes, avait connaissance du caractère irrégulier du sol et de la présence de sangles présentant un risque pour les déplacements.

Elle a donc considéré qu’il a fait preuve d’un manque de prudence de nature à atténuer à concurrence de 25% la part de responsabilité de la communauté de communes.

Au final, dans cette espèce, la Cour a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Limoges qui avait condamné l’employeur a verser, en sus du forfait de pension et sur le fondement de sa responsabilité pour faute, à la somme de 1 125 euros au titre des souffrances endurées, 750 euros au titre du préjudice esthétique, 1 125 au titre des troubles dans les conditions d’existence, soit la somme totale de 3 000 euros. En effet, si l’agent avait sollicité une indemnisation de plus de 60 000 euros, la Cour a analysé chaque chef de préjudice en recherchant d’une part la preuve de sa matérialité, puis le lien de causalité avec l’accident et enfin en appliquant une décote de 25 %.

On le sait, le Juge administratif est avare des deniers publics.

Accord-cadre : l’acheteur doit indiquer un maximum de commandes en valeur ou en quantité

Aux termes de l’article R. 2162-4 du Code de la commande publique (CCP), les accords-cadres peuvent être conclus sans maximum en valeur ou en quantité. La seule conséquence de l’absence de maximum est que l’acheteur est tenu de recourir à une procédure formalisée, la valeur estimée du besoin étant, dans cette hypothèse, réputée au-dessus du seuil européen (cf. article R. 2121-8 du CCP).

 

Il est à noter que ces dispositions nationales ne s’opposent frontalement à aucune disposition de la directive 2014/24 du 24 février 2014 sur la passation des marchés publics, celle-ci ne prévoyant expressément aucune obligation pour les acheteurs de prévoir un maximum pour leurs accords-cadres.

 

Toutefois, par un arrêt du 17 juin 2021, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de juger, en s’appuyant sur une interprétation de « l’économie générale » de la directive, que dans le cadre de la passation d’un accord-cadre, l’avis de marché doit indiquer un montant maximal de produits à fournir en vertu dudit accord-cadre et qu’une fois que cette limite a été atteinte, ledit accord-cadre a épuisé ses effets.

 

Cet arrêt a été rendu à l’occasion d’un litige relatif à la passation d’un accord-cadre pour l’achat d’équipements permettant l’alimentation par sonde destinés à des patients à domicile et à des établissements entre, d’une part, les régions danoises du Jutland du nord et du Danemark du sud agissant en tant que pouvoirs adjudicateurs et, d’autre part, la Société Simonsen & Weel, candidate dont l’offre n’a pas été retenue et qui a saisi la commission de recours en matière de marchés publics.

 

En premier lieu, la Société requérante soutenait qu’en n’indiquant pas, dans l’avis de marché, la quantité estimée ou la valeur estimée des produits à fournir en vertu de l’accord-cadre en cause au principal, les Régions auraient notamment méconnu l’article 49 de la directive 2014/24, les principes d’égalité de traitement et de transparence consacrés à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive ainsi que le point 7 de la partie C de l’annexe V de ladite directive. En second lieu, la Société requérante arguait que les Régions étaient tenues d’indiquer la quantité maximale des produits pouvant être acquis en exécution de l’accord-cadre ou la valeur totale maximale de celui-ci, à défaut de quoi elles pouvaient fractionner de manière artificielle cet accord-cadre pendant toute sa durée, contrairement à la jurisprudence qui résulte de l’arrêt du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice (C‑216/17).

 

La commission de recours en matière de marchés publics a sursis à statuer et saisi la CJUE de questions jurisprudentielles afin d’être éclairée sur le bien-fondé des arguments de la Société requérante.

 

En réponse, la CJUE commence par concéder que la seule interprétation littérale des dispositions de la directive 2014/24 n’est pas concluante aux fins de déterminer si un avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre.

 

Pour autant, elle juge qu’ « au regard des principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 ainsi que de l’économie générale de cette directive, il ne saurait être admis que le pouvoir adjudicateur s’abstienne d’indiquer, dans l’avis de marché, une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre ».

 

Ce faisant, la Cour confirme sa jurisprudence Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato du 19 décembre 2018 selon laquelle « les principes de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs économiques intéressés par la conclusion de l’accord-cadre, énoncés notamment à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, seraient affectés si le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre n’indiquait pas la valeur ou la quantité maximale sur laquelle porte un tel accord » et qu’ « il découle des considérations qui précèdent que le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre ne saurait s’engager, pour son propre compte et pour celui des pouvoirs adjudicateurs potentiels qui sont clairement désignés dans cet accord, que dans la limite d’une quantité et/ou d’une valeur maximale et qu’une fois que cette limite atteinte, ledit accord aura épuisé ses effets ».

 

De plus, la Cour précise que l’indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, sous réserve que ce dernier soit accessible par moyen électronique, gratuit, sans restriction, complet et direct à partir de la date de publication d’un avis. A défaut, l’indication doit impérativement figurer dans l’avis de marché.

 

En outre, la Cour considère que si l’indication peut apparaître de manière globale dans l’avis de marché, rien ne s’oppose à ce qu’un pouvoir adjudicateur, pour parfaire l’information des soumissionnaires et leur permettre d’apprécier au mieux l’opportunité de présenter une offre, fixe des exigences supplémentaires et subdivise la quantité ou la valeur estimée globale des produits à fournir au titre de l’accord-cadre afin de caractériser les besoins du pouvoir adjudicateur originaire qui entend conclure un accord-cadre et ceux du ou des pouvoir(s) adjudicateur(s) originaire(s) qui ont émis le souhait de participer à cet accord-cadre de manière optionnelle. De même, un pouvoir adjudicateur peut présenter distinctement, dans l’avis de marché, la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu’une quantité et/ou une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre pour chacun des pouvoirs adjudicateurs que ceux-ci aient l’intention de conclure l’accord-cadre ou qu’ils disposent d’une option à cet effet. Tel pourrait notamment être le cas lorsque, eu égard aux conditions d’exécution des marchés publics subséquents, les opérateurs économiques sont invités à soumissionner pour l’ensemble des lots ou pour tous les postes mentionnés dans l’avis de marché ou encore lorsque les marchés subséquents doivent être exécutés en des lieux éloignés.

 

Toutefois, la Cour considère que le manquement du pouvoir adjudicateur à son obligation de mentionner l’étendue d’un accord-cadre n’atteint pas le degré de gravité requis pour priver d’effet ledit accord-cadre dès lors que l’acheteur a publié un avis de marché au JOUE et rendu accessible le cahier des charges, ce qui était le cas en l’espèce. En effet, la Cour considère que, dans un tel cas, le manquement est « suffisamment perceptible pour pouvoir être décelé par un opérateur économique qui entendait soumissionner et qui devait, de ce fait, être considéré comme étant averti ».

 

Compte tenu de ce qui précède, il est probable que le pouvoir réglementaire français modifie à brève échéance les dispositions du Code de la commande publique relatives aux accords-cadres, afin d’y intégrer l’obligation pour les acheteurs d’indiquer systématiquement un maximum en valeur ou en quantité dans leur avis de marché, ou dans le cahier des charges lorsque celui-ci est accessible librement dès le jour de la publication de l’avis.

 

Des précisions sur l’application du dispositif de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « loi ELAN » concernant le supplément de loyer de solidarité !

Pour mémoire, le locataire d’un logement social est redevable, en sus du loyer et des charges locatives, d’un supplément de loyer de solidarité, si en cours de bail, les ressources de l’ensemble des personnes vivant au foyer excèdent d’au moins 20% les plafonds de ressources en vigueur pour l’attribution de ces logements.

Autrement dit, si les ressources de la famille viennent, en cours de bail, à augmenter de manière telle qu’elles excédent les plafonds réglementaires, cette famille peut conserver son logement car elle a droit au maintien dans les lieux et « cela contribue à la diversité d’occupation du parc social » mais « si le dépassement du plafond de ressources est significatif, il est juste que cette famille verse un supplément de loyer à son bailleur social » (Circulaire n° 96-29 du 29 avril 1996 relative au supplément de loyer de solidarité). Telle est la philosophie générale du dispositif.

De la même manière, dans l’hypothèse où une famille occupe un logement privé qui, en cours de bail, est acquis et conventionné à l’APL par un bailleur social, ce dernier doit appliquer à la famille le SLS (sous les mêmes conditions de ressources qui excèdent le plafond).

La Cour de cassation avait eu l’occasion de rappeler ce mécanisme dans plusieurs arrêts du 10 juillet 2013.

« les contrats en cours avaient, dès l’entrée en vigueur de la convention signée avec l’Etat, été soumis tant aux dispositions légales que conventionnelles et l’engagement de proroger les baux ne dispensait pas le bailleur social de respecter ses obligations légales relatives au loyer (…) de telle sorte que l’organisme bailleur était fondé à réévaluer les loyers et à appeler le supplément de loyer de solidarité ».

Cette situation générait de nombreux contentieux entre les bailleurs sociaux et leurs « nouveaux locataires », de sorte que la loi n° 2018-1021 du 28 novembre 2018 a clarifié le dispositif et instauré un droit d’option pour les locataires occupant un logement acquis et conventionné par un bailleur social en cours de bail :

  • soit les locataires acceptent de conclure un nouveau bail soumis à la réglementation HLM ;
  • soit les locataires souhaitent voir leur bail se poursuivre jusqu’à expiration.

Les locataires ont six mois pour faire part de leur choix au bailleur social. Quel que soit ce choix, la loi ELAN est venue préciser que le SLS ne pouvait pas s’appliquer, en tout état de cause, avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de signature de la convention APL.

C’est dans ce nouveau contexte légal qu’un locataire devenu locataire d’un bailleur social avait contesté l’assignation en paiement de SLS qui lui avait été notifié arguant son droit d’option et le gel pendant trois ans de tout paiement du SLS.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a écarté l’application dans le temps de la loi ELAN, au motif que cette loi ne pouvait modifier les effets légaux d’une situation juridique définitivement réalisée lors de l’entrée en vigueur de ladite loi. En l’espèce, le conventionnement de l’immeuble acquis par le bailleur social datait du 6 juin 2014, de sorte qu’à compter de cette date le bailleur social était en droit d’appeler le SLS sans que la loi ELAN du 23 novembre 2018 entrée en vigueur le 28 novembre 2018 n’ait pu modifier cette situation.

ARS : une possible réforme annoncée, pas une révolution

Les Agences régionales de santé (ARS) constituent une création administration plutôt originale et encore récente. Créées le 1er avril 2010, elles sont issues de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « Hôpital, patients, santé et territoire ». Elles sont régies par le titre III du livre IV de la première partie du Code de la santé publique.

Aux termes des dispositions législatives qui leur ont donné naissance, les ARS ont pour mission « d’assurer un pilotage de la santé en région, de mieux répondre aux besoins de la population et d’accroître l’efficacité du système ».

Ayant vocation à devenir l’interlocuteur unique des acteurs des territoires en matière sanitaire, les ARS ont fusionné, en leur sein, les Agences régionales de l’hospitalisation, qui avaient été créées par l’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée pour fédérer, sous forme de groupement d’intérêt public, plusieurs services ou établissements déconcentrés de l’Etat : Directions régionales des affaires sanitaires et sociales, Unions régionales des caisses d’assurance maladie, branche santé des Caisses régionales d’assurance maladie.

Bien que devenues le véritable bras armé du Ministère de la santé en région, il n’a pas été conféré aux ARS le statut de service déconcentré de l’Etat. Afin de leur donner plus de souplesse de fonctionnement et d’assurer la coopération entre des personnels sous statuts différents, le législateur a fait des ARS des établissements publics à caractère administratif. Elles sont dirigées par des Directeurs généraux nommés dans les conditions du droit commun des hauts fonctionnaires de l’Etat.

Les ARS sont dotées d’un Conseil de surveillance, présidé par le Préfet de région, et chargé d’approuver le budget de l’agence et son compte financier, et d’émettre un avis simple sur le Projet régional de santé proposé par le Directeur général ainsi que sur les Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens conclus entre l’Agence et les établissements sanitaires et médico-sociaux de son ressort.

Plutôt méconnues, jusqu’à ces derniers mois, les ARS ont été placées sous les feux de l’actualité par la crise sanitaire de la Covid 19. Et les critiques ont été nombreuses.

La Mission d’examen des comptes de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale (MECSS), mission permanente d’évaluation de la Commission des affaires sociales, a donc décidé, au mois de janvier dernier, de procéder à une évaluation du fonctionnement des ARS. Après plus de cinquante heures d’audition et plusieurs visites en région, le rapport a été présenté devant la Commission des affaires sociales le 16 juin 2021.

Il ressort de ce rapport, ici commenté, que les ARS ont plutôt bien rempli la mission qui leur a été confiée par la loi, et notamment leur fonction de régulateur budgétaire et d’exécuteur, en région, des contingences de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) fixé chaque année par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS).

Ce qu’ont noté les rapporteurs, c’est l’absence d’ancrage territorial de ces Agences, qui ne sont pas vues comme des interlocuteurs et décideurs de proximité, tant par les professionnels médicaux et médico-sociaux, que par les élus des territoires. Ils proposent donc de renforcer l’échelon départemental des Agences et d’associer les élus des territoires aux conseils d’administration des ARS, qui viendraient se substituer aux conseils de surveillance, avec des pouvoirs de contrôle élargis.

Les rapporteurs proposent également que les Régions, pour le secteur sanitaire, et les Départements, pour le secteur médico-social, puissent contractualiser avec l’Etat, via les ARS, pour cofinancer des investissements structurants dans ces domaines.

Ils souhaitent en outre que soit renforcé le rôle, en matière de santé publique, des corps d’inspection rattachés aux ARS (médecins-inspecteurs de santé publique, génie sanitaire).

Enfin, les rapporteurs prônent une meilleure coordination et l’instauration d’une instance permanente de dialogue entre les ARS et les Préfets de département, pour la gestion du quotidien de la santé, comme pour la gestion de crise.

Le Ministre de la santé a marqué un véritable intérêt pour les conclusions de ce rapport. Pas de révolution à attendre donc dans la déclinaison régionale des politiques sanitaires et médico-sociales. Mais des adaptations rendues logiques et nécessaires après plus de dix années de fonctionnement des Agences régionales de santé.

Droit de préemption : arrêt de principe sur la commission de l’intermédiaire immobilier

Par un arrêt en date du 12 mai 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation donne pose un principe important sur le sort de la commission due en rémunération de l’agent immobilier dans le cadre de l’exercice du droit de préemption par son titulaire.

Dans cette affaire le vendeur et l’acquéreur évincé avaient conclu une promesse unilatérale de vente aux termes de laquelle une commission était due par l’acquéreur en cas de levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse. Le montant de cette commission figurait dans la déclaration d’intention d’aliéner à la charge de l’acquéreur.

La commune a exercé son droit de préemption, le Juge de l’expropriation a fixé le prix du bien et l’acte de vente a été signé entre la commune et le propriétaire vendeur, sans commission, la commune refusant de l’intégrer à l’acte authentique.

L’intermédiaire immobilier a donc assigné la commune en versement de cette commission et a obtenu du juge des référés que la commune lui verse le montant de la commission par provision.

La commune a donc fait assigner l’intermédiaire immobilier, le vendeur et l’acquéreur évincé afin de dire et juger que la promesse unilatérale de vente lui était inopposable et le juge civil de première instance, puis la Cour d’appel de Toulouse lui ont donné raison. La Cour d’appel considère que la promesse unilatérale de vente, en cause, confère seulement à l’acquéreur évincé « la faculté d’acquérir, si bon lui semble » sans engagement d’acquérir et en se réservant la possibilité de demander ou non la réalisation de la promesse. Elle relève que l’acquéreur évincé, n’ayant pas levé l’option avant l’exercice du droit de préemption, la commune ne pouvait être jugée débitrice du montant de la commission litigieuse.

Aux visas des articles 1134 al.1er du Code civil, L.213-2, al.1er du Code de l’urbanisme et 6, I, al.3 de la loi du 2 janvier 1970, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse et pose que :

« lorsqu’il exerce son droit, le titulaire du droit de préemption, au profit duquel la vente a été effectivement conclue, est tenu de prendre en charge la rémunération de l’intermédiaire incombant à l’acquéreur pressenti, auquel il est substitué, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l’engagement des parties et dans la déclaration d’intention d’aliéner ».

La Cour de cassation juge que dès lors que la promesse unilatérale de vente énonce les conditions financières, tenant notamment au paiement de la commission, le droit à commission de l’agent immobilier est conventionnellement prévu et il est du par le titulaire du droit de préemption si la déclaration d’intention d’aliéner mentionne que la commission est à la charge de l’acquéreur, même si la promesse précise que la vente n’aura lieu qu’en cas de levée de l’option par le bénéficiaire.

En effet, par cet arrêt de principe, la Cour de cassation pose que le défaut de levée d’option par le bénéficiaire de la promesse ne remet pas en cause le droit à commission de l’agent immobilier lorsqu’il a été contractuellement prévu.

Groupements hospitaliers de territoire : une révolution de velours

Décret n° 2021-676 du 27 mai 2021 relatif aux attributions des présidents des Commissions médicales de groupement et des Commissions médicale d’établissement.

 

C’est au cœur du printemps, alors que la France n’en a pas fini avec la crise sanitaire, que le ministère des solidarités et de la santé a adopté, le 27 mai dernier, un décret faisant faire un pas en avant considérable à la coopération hospitalière territoriale.

C’est la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui a institué les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) et offert un cadre nouveau à la coopération hospitalière. Depuis leur origine, les GHT sont une curiosité administrative et juridique.

Curiosité juridique car, non dotés de la personnalité morale, les GHT sont néanmoins en charge des achats hospitaliers ou de la formation des personnels. Ainsi pour les achats hospitaliers, est-ce l’hôpital support du GHT qui signe les marchés et les hôpitaux parties au groupement qui mandatent les paiements. La Cour des Comptes s’est déjà étonnée de cette construction juridique pour le moins baroque.

Curiosité administrative aussi, car un quart seulement des GHT restent dans un cadre départemental quand un tiers s’étendent sur plusieurs départements et parfois même sur le ressort de plusieurs Agences régionales de santé, ce qui crée un enchevêtrement administratif rarement propice à l’efficacité.

Les élus locaux ne voient pas d’un œil très favorable ces « machineries administratives » dans lesquelles ils sont peu impliqués et qui viennent organiser ou réorganiser la prise en charge hospitalière territoriale.

Jusqu’à ces derniers jours, le GHT disposait de sa propre gouvernance qui venait s’ajouter à celle des établissements parties au groupement, telle que définie par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST. C’est là, qu’à bas bruit, le décret du 27 mai, ici commenté (ci-après, « le Décret »), pris en application de l’ordonnance n° 2021-291 du 17 Mars 2021 relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital, en cours de ratification devant le Parlement, vient profondément modifier le cours des choses.

Alors que chaque établissement disposait de sa propre gouvernance médicale, au travers de la Commission médicale d’établissement, le Décret (en ses articles 1 et 2 portant modification de l’article R. 6132-3 du Code de la santé publique et créant les articles D. 6132-9-1 et suivants dudit Code) vient créer une Commission médicale de groupement chargée, notamment, d’élaborer un projet médical partagé, véritable feuille de route stratégique du groupement. Cette Commission dispose aussi de quelques compétences propres qui viennent se substituer à celles des Commission médicales des établissements, avec pour point d’orgue la constitution des équipes médicales de territoire, qui forment la clé de voûte de toute politique territoriale de santé.

Le Décret crée, en outre, une nouvelle instance dénommée Comité stratégique, chargé d’arrêter le projet médical partagé élaboré par la nouvelle Commission médicale commune du groupement (articles 1 et 2 du Décret modifiant l’article R. 6132-3 du Code de la santé publique et créant les articles R. 6132-10-1 dudit Code).

Il institue, enfin, une Commission commune médico-soignante, composée de membres de la Commission médicale du groupement et de membres de la Commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques de groupement qui associe à ses travaux des représentants d’usagers, de professionnels de ville ou tout autre partenaire utile à la construction du parcours de santé. Cette Commission commune médico-soignante peut, notamment, faire des propositions de structuration des filières de soins au sein du projet médical partagé (article 1 du Décret instituant l’article R. 6132-5-1 du Code de la santé publique). On notera, avec intérêt, l’ouverture en direction des professionnels de santé libéraux qui, jusque-là, étaient tenus à la lisière du fonctionnement hospitalier.

Mais, s’ils le souhaitent, les établissements parties du GHT pourront aller plus avant et créer une Commission médicale unifiée de groupement qui se substituera à toutes les Commissions médicales des établissements ainsi qu’à la Commission médicale commune du groupement et instaurera une gouvernance médicale unifiée, s’exerçant désormais à la seule échelle du groupement (article 2 du Décret instituant les articles D. 6132-13-2 et suivants du Code de la santé publique). Il pourra en aller de même pour la Commission des soins infirmiers, qui pourra, elle aussi, prendre la forme d’une Commission des soins infirmiers, de rééducation, médico-techniques unifiée du groupement (article 2 du Décret instituant les articles D. 6132-13-7 et suivants du Code de la santé publique).

L’hôpital support du GHT voit, de plus, son rôle pivot renforcé puisque désormais il devra veiller au respect par les établissements des orientations stratégiques fixées par le groupement (article 3 du Décret instituant les articles R. 6132-19-1 et suivants du Code de la santé publique). Le Décret semble ainsi instaurer un lien hiérarchique entre l’hôpital support et les hôpitaux parties au GHT. Lien hiérarchique encore renforcé par la possibilité donnée au Directeur de l’hôpital support de proposer aux directeurs des établissements parties d’élaborer un programme d’investissement unique (article 3 du Décret créant l’article R. 6132-19-5 du Code de la santé publique). Il disposait déjà d’un droit de regard sur les documents budgétaires des établissements membres du GHT.

Ainsi donc, l’Etat avance pas à pas vers la transformation des GHT en établissements publics de santé unifiés. Il se crée progressivement une situation de fait qu’il suffira, dès lors qu’elle apparaîtra irréversible, d’habiller de droit. Les chefs d’établissements y trouveront des perspectives intéressantes. Le corps médical s’en satisfera pour voir son poids renforcé dans la gouvernance hospitalière. Pour ce qui est des élus des territoires et surtout des patients, on peut craindre, à terme, une déconnexion tant des territoires que de la gouvernance.

Enfin, on pourra s’étonner de la publication concomitante du décret n° 2021-675 du 27 mai 2021, qui vient préciser les attributions des présidents des Commissions médicales de groupement et des Commissions médicales d’établissement, appelées à disparaître. Sans doute s’agit-il d’assurer une transition douce de l’ancien schéma organisationnel vers le nouveau.

Qualification d’un contrat de retrait et de destruction des véhicules abandonnés en fourrière

La ville de Paris a lancé une consultation sous forme d’appel d’offres ouvert pour l’attribution de deux contrats relatifs au retrait et à la destruction des véhicules abandonnés. Par deux courriels du 10 décembre 2020, la ville de Paris a informé les sociétés Allo Casse Auto et Euro Casse du rejet de leurs offres.

 

Ces sociétés ont introduit un référé précontractuel sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative et le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, par deux ordonnances du 6 janvier 2021, fait droit à leur demande en prononçant à l’annulation des procédures de passation desdits contrats aux motifs que la ville de Paris avait conduit la procédure de passation en violation des obligations de publicité et de mise en concurrence applicables aux marchés publics.

 

La ville de Paris a introduit en cassation par laquelle elle contestait la qualification de contrat de la commande publique de ces contrats et, a fortiori, leur qualification de marchés publics.

 

Afin de contester la qualification de contrat de la commande publique telle que définie par l’article L. 2 du Code de la commande publique qui dispose que « sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques ».

 

Il résulte de cette définition qu’un contrat de la commande publique doit nécessairement répondre à un besoin de l’acheteur ou de l’autorité concédante. Bien que cette exigence ne figure pas dans les textes communautaires, la Cour de justice de l’Union européenne a introduit une notion similaire afin d’éviter une interprétation par trop extensive de la notion de marché public. Ainsi, une prestation ne relève de la commande publique que si elle « comporte un intérêt économique direct pour le pouvoir adjudicateur »[1] mais ne saurait tomber dans le champ de cette qualification lorsqu’elle « vise à satisfaire un objectif public d’intérêt général dont il incombe au pouvoir adjudicateur d’assurer le respect »[2].

 

La ville de Paris soutenait que tel était le cas en l’espèce puisque la législation lui imposait de procéder à l’enlèvement des véhicules et notamment que la conclusion de contrats pour procéder à l’enlèvement des véhicules est encadrée par les textes.

 

Cependant, ainsi que le relève le rapporteur public, Mireille le Corre, dans ses conclusions sous l’arrêt commenté, le Conseil d’État avait déjà implicitement « admis l’application du code des marchés publics pour un service similaire d’enlèvement de véhicules abandonnés »[3] dans un arrêt du 19 avril 2013[4]. Par ailleurs, le Conseil d’État avait également jugé qu’une convention par laquelle un établissement public portuaire confiait l’exploitation d’un terminal portuaire avait pour objet de répondre à ses besoins alors même qu’il ne pouvait légalement les satisfaire lui-même[5].

 

Le Conseil d’État rejette implicitement ce moyen admettant que ces contrats sont qualifiables de contrats de la commande publique et en procédant à leur qualification plus précise en concession de service.

 

En effet, la ville de Paris contestait également la qualification de marché public retenue par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris au motif que la ville ne versait aucun prix ou une quelconque compensation à son cocontractant au titre de ces conventions.

 

Le Conseil d’État abonde en ce sens en relevant que « le service ainsi rendu par les entreprises de démolition automobile cocontractantes ne fait l’objet d’aucune rémunération sous la forme d’un prix, les stipulations des conventions projetées, qui reprennent les clauses types définies à l’article R. 325-45 du code de la route, indiquant que ces entreprises ont le droit, en contrepartie de leurs obligations, de disposer des accessoires, pièces détachées et matières ayant une valeur marchande issus des véhicules » et qu’ « aucune stipulation de ces conventions ne prévoit par ailleurs de compensation, par la ville de Paris, des éventuelles pertes financières que pourrait subir son cocontractant du fait des risques inhérents à l’exploitation commerciale des produits issus de ces enlèvements ».

 

La Haute juridiction juge donc que « ces conventions, qui prévoient que la rémunération du service rendu prend la forme du droit d’exploiter les véhicules abandonnés et qui transfèrent à leurs titulaires le risque inhérent à cette exploitation, présentent le caractère de concessions de service ».

 

Prenant acte de cette qualification, il annule les ordonnances attaquées dès lors que le  juge des référés du Tribunal administratif de Paris avait méconnu le champ d’application des articles L. 2124-1, L. 2131-1 et R. 2131-16 du Code de la commande publique en les appliquant aux conventions litigieuses alors que ces dispositions étaient applicables aux seuls marchés publics.

 

Jugeant l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’État relève néanmoins que la ville de Paris n’avait communiqué aucun critère de sélection aux entreprises candidates en méconnaissance des articles L. 3124-4 et R. 3124-4 du Code de la commande publique.

 

Il juge que ces manquements de la ville de Paris à ses obligations de publicité et de mise en concurrence étaient susceptibles d’avoir lésé les candidates évincées et justifiaient l’annulation de la procédure de passation.

 

[1] CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, aff. C-451/08, § 54.

[2] Ibid. § 55.

[3] M. le Corre, Ccls. sous CE, 9 juin 2021, Ville de Paris, n° 448948.

[4] CE, 19 avril 2013, Ville de Marseille, n° 365340.

[5] CE, 14 février 2017, Grand Port Maritime de Bordeaux, n° 405157.

Précision sur les « personnes vivant au foyer » dans le calcul du SLS

Le supplément de loyer de solidarité (SLS) est dû par certains locataires du parc social dont les ressources excèdent les plafonds fixés pour l’attribution de logements sociaux. Le SLS est déterminé en fonction notamment du nombre et de l’âge des personnes vivant au foyer (article L.441-3 du Code de la construction et de l’habitation, ci-après CCH).

L’article L.442-12 du CCH (dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits) précise les personnes à prendre en considération dans le foyer, et notamment les enfants à charge dans le cadre de l’impôt sur le revenu.

Des locataires ont assigné leur bailleur en remboursement du SLS payé depuis l’année 2009 et en annulation d’un commandement de payer un arriéré locatif leur ayant été signifié le 19 janvier 2016. Le bailleur a reconventionnellement demandé paiement d’un arriéré locatif.

La Cour d’appel a débouté les locataires qui se sont pourvus en cassation en sollicitant la prise en compte, au sein du foyer, de leur fille figurant sur leur avis de taxe d’habitation, qui était « à leur charge matérielle ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que la liste des personnes assimilées à des personnes vivant au foyer présentait un caractère limitatif et que l’avis de taxe d’habitation ne pouvait être assimilé à l’avis d’imposition, de telle sorte que la fille des locataires qui ne figurait plus sur l’avis d’imposition de ses parents ne pouvait être considérée comme une personne vivant au foyer.

Télétravail : qui décide quoi ou l’occasion ratée

Peu est de dire que la crise sanitaire aura été un accélérateur de la mise en place du télétravail dans les collectivités, alors qu’une infime minorité d’entre elles avaient délibéré afin de l’organiser, dans les conditions prévues par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 et ses décrets d’application, le premier intervenu en 2016 (décret n° 2016-151 du 11 février 2016) et le second, à la faveur de la crise sanitaire, en 2020 (décret n° 2020-524 du 5 mai 2020).

Pour mémoire, le télétravail désigne « toute forme d’organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Il ne fait cependant aucun doute que la décision ci-dessous, dont les faits se sont déroulés en 2016 soit bien avant la crise sanitaire, a été lourdement influencée par cette dernière.

Alors qu’une fonctionnaire avait demandé à son employeur, la Communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné, de délibérer afin de mettre en place le télétravail après que sa demande de télétravail à titre individuel pour motif de santé ait été rejetée par deux fois, le conseil communautaire a répondu à sa demande en adoptant, le 17 novembre 2016, une délibération par laquelle il a examiné le nombre des emplois de la collectivité, leur nature, leurs conditions d’exercice et les missions exercées par les agents, pour considérer que la mise en place du télétravail ne correspondait pas à l’intérêt du service et de l’ensemble des agents et décider qu’aucune des activités de la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné n’était ainsi éligible à ce mode d’organisation du service.

C’était la délibération attaquée, et le Tribunal administratif avait initialement rejeté le recours de la fonctionnaire. Cette dernière a donc saisi le 21 juin 2019 la Cour administrative d’appel de Lyon d’une contestation du jugement de rejet, et on notera avec intérêt qu’un mémoire complémentaire est intervenu en avril 2020, soit en plein confinement, quand le télétravail a été mis en place « de force » au sein de toutes les collectivités.

Le raisonnement de la Cour est particulièrement alambiqué et nécessite d’être relu à plusieurs reprises pour en retirer la substantifique moëlle.

A titre liminaire, on rappellera que la collectivité ayant délibéré sur le télétravail, le débat ne portait pas sur le fait d’y être obligé ou non, alors que la question pourrait se poser : jusqu’à présent, et en réalité jusqu’à la crise sanitaire, il était communément admis que les organes délibérants pouvaient, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, ne pas délibérer sur le télétravail et ainsi ne pas le mettre en place.

En effet, l’article 133 de la loi du 12 avril 2012 précitée laissait place à une certaine latitude notamment par l’utilisation du verbe « pouvoir » :

« Les fonctionnaires relevant de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu’il est défini au premier alinéa de l’article L. 1222-9 du code du travail. L’exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. »

Et il a déjà été dit que les collectivités n’avaient que marginalement mis en place le télétravail alors que le décret du 11 février 2016, dans son article 7.I précisait : « une délibération de l’organe délibérant pour la fonction publique territoriale […] fixe : 1° Les activités éligibles au télétravail […] » et que son article 5 disposait, en son deuxième alinéa : « l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l’intérêt du service ».

C’est pourquoi la Cour indique, en premier lieu, que ces dispositions « donnent à leur organe délibérant la faculté d’ouvrir aux agents la possibilité de demander de recourir au télétravail, par la désignation des tâches et missions qu’il estime éligibles à ce mode d’organisation du travail ».

Donc, si l’on comprend bien ce premier considérant – mais rien n’est moins sûr – l’organe délibérant peut décider de permettre aux agents de demander la mise en place du télétravail, ce qui, a contrario, signifierait qu’il ne s’agit pas là d’une obligation (« peut » décider) et que les collectivités ne seraient pas tenues de le mettre en place. Pour autant, la Cour juge ensuite qu’ « il appartient à l’organe délibérant d’organiser la mise en oeuvre du télétravail dans la collectivité selon la nature et les conditions d’exercice des activités et missions qu’elle exerce ».

A priori, on ne saurait retirer d’une formulation aussi alambiquée une quelconque obligation de mettre en place le télétravail, et ce d’autant plus que la Cour affirme que ces mêmes dispositions « n’ont pas pour portée de de poser un droit individuel au télétravail ».

Pour autant, la fin de ce même considérant impose que les organes compétents « doivent chacun respectivement, pour le premier, déterminer collectivement l’éligibilité au télétravail des missions exercées dans la collectivité et, pour la seconde, régler l’exercice individuel de celui-ci par l’agent demandeur ». On voit bien que l’impératif utilisé fait de nouveau peser un doute sur l’éventualité d’une obligation de mise en place.

En conclusion, la Cour a certes esquivé la question de l’obligation de mettre en place le télétravail, mais après plus d’un an de télétravail forcé, cette question est-elle toujours pertinente ?

Au final, on retiendra, et c’est le point principal, que si la collectivité décide de mettre en place le télétravail – comme cela va probablement être le cas de nombre d’entre elles – l’organe délibérant ne devra décider que des critères permettant à l’autorité territoriale de définir quels sont les postes concernés.