Implantation des antennes relais et lieux de mémoire : l’appréciation par le juge administratif de l’atteinte portée au caractère et à l’intérêt des lieux

Par un jugement en date du 3 mars 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a validé la légalité d’un arrêté du 5 février 2020, par lequel le Maire de Bobigny a refusé d’accorder à la société Free Mobile le permis de construire sollicité pour la construction d’un pylône de téléphonie mobile sur un terrain situé au 1 rue du Chemin de Fer. Précisons d’emblée, et il s’agit là de l’élément central de cette affaire, que ce terrain jouxte immédiatement le site de l’ancienne gare de déportation de Bobigny dont l’emprise au sol, le bâtiment de la gare, deux édicules, le pylône d’éclairage, la radio sol-train, le faisceau des voies ferrées et la halle à marchandises sont inscrits sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Le motif ayant justifié le refus de permis de construire était celui de la méconnaissance de l’article UE 11.1 du plan local d’urbanisme, selon lequel « Les constructions, installations nouvelles, aménagements et extensions doivent, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect extérieur respecter le caractère et l’intérêt des lieux avoisinants, des sites et des paysages naturels et urbains locaux ».

Le Tribunal administratif de Montreuil a dû se prononcer sur la question de savoir si l’implantation d’un pylône de téléphonie mobile de forme cylindrique, type « cheminée », d’une hauteur de 20 mètres en acier galvanisé et de teinte grise, respectait le caractère et l’intérêt des lieux, marqué par la proximité immédiate de l’ancienne gare de déportation, site témoin de la déportation vers Auschwitz.

Et le tribunal a répondu par l’affirmative, en considérant qu « il est constant que ce site, qui constitue un lieu de mémoire et d’histoire de la déportation, présente un intérêt patrimonial certain et un caractère symbolique indiscutable ».

Pour le tribunal, l’implantation du pylône étant « prévue à proximité immédiate de la limite séparative du site de l’ancienne gare de déportation et notamment à quelques mètres des voies ferrées et de la halle aux marchandises », et étant donné que le pylône sera « aisément visible à partir de plusieurs endroits du site », « ainsi, en raison de la dimension mémorielle du site, le Maire a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation et d’erreur de droit, retenir que le projet, compte tenu des partis retenus simultanément quant à sa situation, son architecture, ses dimensions et son aspect extérieur, ne respectait pas le caractère et l’intérêt du site de l’ancienne gare de déportation ».

Cette décision vient confirmer le fait que s’il est constant qu’il ressort des règles d’urbanisme et de la jurisprudence administrative une certaine bienveillance à l’égard des règles d’implantation des antennes relais, cela n’a toutefois pas pour effet de conférer aux opérateurs un blanc-seing leur permettant, au nom de l’intérêt général de la couverture du territoire par les réseaux 3G et 4G, de s’affranchir de toute exigence esthétique, et du respect de l’intégrité de sites historiques et de lieux de mémoires, et leur préservation.

La Cour administrative d’appel de Paris aura à se prononcer sur cette question, la société Free Mobile ayant fait appel de la décision du Tribunal administratif de Montreuil.

La location d’un lot de copropriété privatif indépendamment du droit de jouissance privative des parties communes attaché à ce lot

Les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis donnent la définition des parties communes et des parties privatives. En application de l’article 3 « Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux. »

Certaines parties communes, telles que les jardins, les terrasses ou les cours peuvent faire l’objet d’une jouissance privative et exclusive par un lot de copropriété privatif.

Plus particulièrement, la loi ELAN du 23 novembre 2018 a créé l’article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 donnant ainsi une définition précise des parties communes à jouissance privative : « Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage ou à l’utilité exclusifs d’un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires. Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot. Le règlement de copropriété précise, le cas échéant, les charges que le titulaire de ce droit de jouissance privative supporte ».

La partie commune à jouissance privative demeure ainsi une partie commune appartenant à la collectivité des copropriétaires, mais dont l’usage et l’utilité seront attachés à un seul lot privatif.

Le droit de jouissance privative d’une partie commune est un droit réel et constitue un accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché.

Ainsi, s’agissant d’un droit réel attaché à un lot, le droit de jouissance privative ne saurait être cédé ou loué indépendamment de ce lot.

En revanche, le lot privatif reste, quant à lui, autonome et tel est l’objet de cette décision rendue le 23 septembre 2021, par la Cour de cassation.

En l’espèce, un copropriétaire a donné à bail des locaux privatif à usage de pharmacie, dans un immeuble en copropriété. Bien que soit attachée à ce lot privatif, la jouissance exclusive d’une cour, cette partie commune à jouissance privative est exclue de l’assiette du bail.

En cours de bail, un dispositif empêchant l’accès à la cour a été installé. Le locataire a donc assigné son bailleur aux fins de le voir condamner à lui remettre les clés du dispositif et à l’allocation de dommages et intérêts.

La Cour d’appel déboute le locataire de ses demandes, considérant que la jouissance de la cour ne fait pas partie de l’assiette du bail ; raisonnement suivi par la Cour de cassation.

En effet, la Cour de cassation retient que :

« 7. Un copropriétaire peut donner à bail les parties privatives de son lot, indépendamment du droit de jouissance privative sur les parties communes attaché à ce lot.

.8. La cour d’appel a retenu souverainement qu’il ressortait des termes mêmes du contrat de bail que les bailleurs n’avaient pas entendu conférer à leur locataire le droit de jouissance sur la cour de l’immeuble. »

 

Ainsi, rien n’interdit à un copropriétaire de donner à bail le lot privatif dont il est propriétaire, en excluant expressément de l’assiette du bail, le droit de jouissance privative sur les parties communes, pourtant attaché à ce lot.

 

Cela révèle ainsi l’importance d’avoir une définition précise et claire des parties communes à jouissance privative, notamment aux termes du règlement de copropriété, comme cela est désormais imposé par la loi ELAN.

 

Diffamation entre fonctionnaires, qui est compétent : juge judiciaire ou juge administratif ?

Approche d’un conflit normatif moderne entre une loi révolutionnaire du XVIIIe siècle et une loi fondamentale du XIXe siècle

Dans un arrêt du 16 septembre 2021, la Cour d’appel de Paris (formation correctionnelle) s’est estimée matériellement incompétente, au profit des juridictions de l’ordre administratif, pour connaître de l’action civile (demandes de dommages et intérêts) au titre d’une procédure de diffamation non-publique qui opposait des membres de la fonction publique de l’enseignement universitaire (professeurs d’université ou maîtres de conférence).

Le fond du litige renvoyait à un courriel estimé diffamatoire, qui avait été co-signé par plusieurs enseignants d’une université puis diffusé par l’un d’eux à plusieurs membres d’une section du conseil national des universités (CNU). L’objet du courriel était notamment d’imputer à la partie civile des « comportements anéthiques et antidéontologiques ».

Les prévenus avaient été relaxés en première instance ; seule la partie civile poursuivante avait interjeté appel, de sorte que la Cour n’était saisie que des intérêts civils, à savoir les questions touchant à l’existence d’une faute civile de diffamation non publique et à la réparation indemnitaire de la victime le cas échéant – l’absence de culpabilité étant définitive.

L’incompétence de l’Ordre judiciaire était soulevée par la Défense au visa de l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III (article unique), consacrant le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives.

Et la Cour de se prononcer en faveur de son incompétence matérielle, en rappelant les visas légaux, et y ajoutant la motivation de droit suivante : « La Cour de cassation rappelle régulièrement que les tribunaux répressifs de l’ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d’une administration ou d’un service public en raison d’un fait dommageable commis par l’un de leurs agents et que, d’autre part, l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ».

Il est, en effet, constant que seule la juridiction administrative peut statuer sur la responsabilité pécuniaire d’un agent public (élu ou fonctionnaire) y compris pour une infraction à la loi sur la presse, lorsque ce dernier a agi dans l’exercice de ses fonctions sans commettre une faute personnelle détachable du service (Cass. Crim., 25 septembre 2007, n° 06-88.462 ; Cass. Civ 1ère., 23 février 2011, n° 09-72.059 ; Cass. Crim., 15 mars 2016, n°14-87.237 ; Cass. Civ., 1èrechambre, 23 févr. 2011, n° 09-72.059).

Faisant ainsi application de ces principes, la Cour n’identifiait pas en l’espèce de faute qui aurait été personnelle et détachable, c’est-à-dire une faute qui aurait consommé sa compétence matérielle au titre de l’action civile : « En l’espèce, les prévenus sont tous professeurs d’université ou maîtres de conférences. Les faits qui leur sont reprochés sont intervenus dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions au CNU ainsi que le précise la citation. La partie civile fait également mention de son appartenance au CNU. Les infractions reprochées aux prévenus ne sont donc pas détachables de leurs fonctions. Les propos litigieux n’ont pas été tenus dans un cadre privé qui ne touchait pas du tout à l’exercice de leur travail ainsi que ra retenu le premier juge ».

La portée de cet arrêt se situe donc dans la stricte doctrine de la Cour de cassation.

Toutefois, cette portée ne doit pas être étendue au-delà du seul cas de figure d’une contravention de presse (diffamation ou injure non publique – 1ère classe – 38 euros d’amende) qui oppose un ou des agents publics victimes à un ou des agents publics auteurs.

En effet, en matière de délit de presse (diffamation ou injure publique par exemple), l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881 interfère avec les dispositions de l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III (article unique) : « L’action civile résultant des délits de diffamation prévus et punis par les articles 30 et 31 ne pourra, sauf dans les cas de décès de l’auteur du fait incriminé ou d’amnistie, être poursuivie séparément de l’action publique ». Cet article a donc justement pour effet d’attribuer au Juge judiciaire pénal le contentieux de la réparation indemnitaire des délits de diffamation publique ou d’injure publique commis contre des fonctionnaires ou des personnes chargées d’un mandat public.

Le conflit de normes (article 46 L. 1881 versus article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III) ne survient que lorsque la victime et l’auteur d’une diffamation envers un fonctionnaire ou un élu seront tous deux des agents publics (exemple : un maire diffamé par l’un de ses agents).

Dans cette hypothèse, l’article 46 exige à peine d’irrecevabilité que la victime saisisse leJjuge judiciaire pénal pour toutes diffamations de cette nature (sauf exceptions intrinsèques à ce texte), alors que l’article 13 de la loi des 16-24 août et son décret de l’An III ne l’autorisent pas si la diffamation concernée n’est pas détachable des fonctions de son auteur.

Afin de trancher ce conflit normatif, la hiérarchie des normes ne sera d’aucun secours. L’article 13 de la loi du 1790 n’a pas lui-même valeur constitutionnelle, et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires qui en découle ne constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République que pour la matière du contentieux de l’excès de pouvoir (Conseil Constitutionnel 23 janvier 1987 : « Considérant que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III qui ont posé, dans sa généralité le principe de séparation des autorité administrative et judiciaire n’ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle : que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ».

Les deux textes sont donc de valeur égale et il n’est pas plus permis de soutenir que la loi de 1790 serait une loi de complémentarité venant en restriction de principes déjà posés par la loi de 1881, puisqu’elle lui est chronologiquement antérieure…

Au besoin, on rappellera que le Juge pénal conservera toujours sa compétence pour statuer sur l’action publique (culpabilité et peine) ; seules les questions indemnitaires (action civile) seront au cœur des débats sur l’incompétence de l’Ordre judiciaire.

Le retrait d’une demande de pièces complémentaires ne permet pas l’obtention d’une décision implicite de non-opposition à déclaration préalable

Par un arrêt en date du 14 octobre dernier, la Cour administrative d’appel de Marseille a précisé que lorsqu’une décision de demande de pièces complémentaires est formulée dans le mois suivant une déclaration préalable et que cette demande est retirée par l’administration, ce retrait ne rend pas le demandeur titulaire d’une décision implicite de non-opposition du fait de l’écoulement d’un délai d’un mois à compter de la date de dépôt de la déclaration.

 

Dans cette affaire, la commune de Cornillon-Confoux a relevé l’appel du jugement du 21 décembre 2018 du Tribunal administratif de Marseille annulant la décision du 2 juin 2016 par laquelle le Maire s’est opposé à la déclaration préalable déposée par le requérant le 18 février 2016 en vue de régulariser des travaux effectués sur la toiture d’un bâtiment existant.

Rappelons que les dispositions de l’article R. 423-23 du Code de l’urbanisme prévoient que le délai d’instruction de droit commun pour les déclarations préalables est d’un mois. Les dispositions de l’article R. 424-1 du même Code précisent qu’à défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction d’un mois, le silence gardé par l’autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.

Or, aux termes des dispositions de l’article R. 423-38 du Code de l’urbanisme :

« Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l’autorité compétente, dans le délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l’auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou, dans le cas prévu par l’article R. 423-48, un courrier électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ».

En outre, aux termes des dispositions de l’article R. 423-39 du même Code :

« L’envoi prévu à l’article R. 423-38 précise :

  1. Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ;
  2. Qu’à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d’une décision tacite d’opposition en cas de déclaration ;
  3. Que le délai d’instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie « .

La Cour administrative d’appel de Marseille a apporté des précisions sur l’application des dispositions combinées des articles susvisés et a jugé, après avoir rappelé « qu’une décision de non-opposition à déclaration préalable naît un mois après le dépôt de celle-ci, en l’absence de notification d’une décision expresse de l’administration ou d’une demande de pièces complémentaires adressée au pétitionnaire dans le délai d’un mois laquelle a pour effet d’interrompre ce délai », que « lorsqu’une décision de demande de pièces complémentaires a été retirée par l’administration, ce retrait ne rend pas le demandeur titulaire d’une décision implicite de non-opposition du fait de l’écoulement d’un délai d’un mois à compter de la date de dépôt de la déclaration préalable ».

Par suite, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que la commune de Cornillon-Confoux était fondée à soutenir qu’aucune décision tacite de non-opposition n’était née à la date de ce retrait, étant précisé qu’en l’espèce, la commune avait, au surplus, opposé un refus exprès le jour même de ce retrait.

ZAC et droit de délaissement : une évolution bienvenue

Dans le cadre de la seconde partie de son rapport dédiée à « l’approfondissement du contrat local et autres mesures nationales », et remis le 28 octobre dernier à la ministre déléguée en charge du Logement, la Commission pour la relance durable de la construction de logements a formulé 24 propositions destinées à favoriser la relance durable de la construction.

Et au titre de ces propositions, figure celle d’encadrer le droit de délaissement, institué lors de la création de la ZAC. Pour mémoire, aux termes des dispositions de l’article L. 311-2 du Code de l’urbanisme, « A compter de la publication de l’acte créant une zone d’aménagement concerté, (…) les propriétaires des terrains compris dans cette zone peuvent mettre en demeure la collectivité publique ou l’établissement public qui a pris l’initiative de la création de la zone de procéder à l’acquisition de leur terrain, dans les conditions et délais prévus à l’article L. 230-1 ».

Concrètement, ce droit de délaissement, tel qu’existant à ce jour, constitue un risque économique pour les aménageurs, les invitant à définir un périmètre de ZAC « au plus juste », excluant de fait les programmes de constructions intervenant par exemple en périphérie de la ZAC et bénéficiant ainsi des équipements publics de la ZAC et surtout de son effet d’attractivité.

Dans ce contexte, et comme l’énonce la proposition n° 22 formulée par la commission Rebsamen, l’objectif n’est pas de supprimer le droit de délaissement institué lors de la création de la ZAC mais de l’encadrer afin de « limiter ses conséquences financières pour l’aménageur et la collectivité et d’autoriser ainsi la définition de périmètre plus cohérent au regard de l’impact réel de l’opération. » (extrait rapport p.24.)

Autrement dit, en encadrant le droit de délaissement de la ZAC, l’objectif de la Commission est de favoriser l’équilibre financier de la ZAC, stimulant ainsi la mise en œuvre de cet outil d’aménagement. Une telle évolution serait en effet pertinente dès lors que depuis sa création par la LOF (L. n° 67-1253, 30 déc. 1967, d’orientation foncière, art. 16), la ZAC n’a cessé d’évoluer pour s’adapter.

Dossier de candidature : le Kbis et l’attestation AGEFIPH ne sont plus exigibles

Décret n° 2021-631 du 21 mai 2021 relatif à la suppression de l’exigence de présentation par les entreprises d’un extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers dans leurs démarches administratives

Au cours du premier semestre 2021, deux textes ont apporté des modifications aux dispositions régissant les pièces que les acheteurs soumis au Code de la commande publique peuvent exiger des candidats à l’occasion d’une procédure de mise en concurrence.

La première modification a été apportée par l’arrêté du 17 mars 2021, qui a modifié l’arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l’attribution des contrats de la commande publique.

Par l’effet de cet arrêté, les acheteurs ne peuvent plus, depuis le 1er juillet 2021, exiger des candidats la transmission du certificat délivré par l’Association de gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) attestant la régularité de la situation de l’employeur au regard de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-2 à L. 5212-5 du Code du travail. Cette modification résulte de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a retiré à l’AGEFIPH la compétence pour délivrer le certificat susmentionné pour la confier à l’URSSAF et à la Mutualité Sociale Agricole (MSA).

La seconde modification fait suite au décret n° 2021-631 du 21 mai 2021, qui supprime l’exigence de présentation par les entreprises d’un extrait d’immatriculation au RCS, à savoir le Kbis. A cet effet, le décret a notamment modifié les dispositions de l’article R. 2143-9 du Code de la commande publique.

Ainsi, les candidats à un marché public n’auront à produire que leur « numéro unique d’identification », délivré par l’INSEE, afin de prouver qu’ils ne se trouvent pas dans l’un des cas d’exclusion mentionné à l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique (entreprises soumises à une procédure de liquidation, une mesure de faillite personnelle, une interdiction de gestion ou une procédure de redressement judiciaire et ne bénéficiant pas d’un plan de redressement ou ne justifiant pas avoir été habilitées à poursuivre l’activité pendant la durée prévisible d’exécution du marché).

Cette modification est entrée en vigueur « le premier jour du sixième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française », soit le 1er novembre 2021.

A cet égard, on relèvera que même si seules les dispositions afférentes aux marchés publics ont été modifiées, il y a tout lieu de penser que la suppression de l’exigence de présentation d’un Kbis s’applique également aux procédures de passation des contrats de concession.

Avis défavorable de l’Autorité de régulation des transports sur les tarifs de sûreté 2021 du service interne de sécurité de la SNCF

Dans un avis du 30 septembre 2021, paru le 26 octobre 2021, l’ART a retoqué le projet de tarifs de sûreté proposés par le service interne de sécurité de la SNCF, connu sous le nom de « SUGE » (surveillance générale), pour le service annuel 2021.

 

L’Autorité doit rendre un avis conforme sur ce projet de tarifs, étant précisé que celui-ci avait été remis tardivement pour l’année 2021, en raison d’un vide juridique dû à l’abrogation du décret du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de la SNCF, fixant le principe tarifaire applicable, effectivement remplacé par un décret du 14 mai 2021 (Décret n° 2021-598 du 14 mai 2021 relatif aux conditions de fourniture des prestations de sûreté par les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens et complétant la liste des décisions individuelles prises par le ministre chargé de la transition écologique).

 

L’environnement juridique des principes tarifaires applicables aux prestations fournies par le service interne de sécurité de la SNCF a été profondément modifié avec la parution de ce décret du 14 mai 2021 :

 

  • S’agissant du processus d’approbation des tarifs de sûreté : une phase de consultation des acteurs du secteur sur le projet de DRS (document de référence des prestations de sûreté) est désormais prévue ; une procédure applicable en cas de premier avis défavorable de l’ART sur le projet de tarifs a été définie ; la tarification applicable en l’absence d’avis conforme de l’ART a été précisée (application du dernier tarif applicable approuvé par l’ART, avec mention précisant que la tarification définitive aura un effet rétroactif) ;

 

  • S’agissant des modifications du DRS en cours de service annuel : elle est possible uniquement si elle s’avère indispensable « […] notamment en cas d’adjonction d’une prestation nouvelle» ;

 

  • Sur le fond, le décret instaure un passage à une régulation incitative, par la référence expresse aux coûts d’un « opérateur efficace» et prévoyant également que la tarification peut être pluriannuelle ;

 

  • La possibilité de recourir à une tarification sur devis est ouverte.

 

Le DRS 2021 présenté à l’Autorité peut être considéré comme un DRS de transition, la SNCF ayant exprimé la volonté de travailler à sa refonte profonde, notamment en proposant un programme de travail pluriannuel détaillé dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs.

 

Ceci étant précisé, dans son projet de tarifs pour 2021, la SNCF a estimé le coût horaire du service à 84,51 € soit une augmentation de +0,5 % par rapport à l’horaire de service 2020 (84,13 €).

 

L’Autorité ne valide pas ce tarif, puisqu’elle relève deux erreurs matérielles et cinq ajustements nécessaires, notamment s’agissant du calcul du ratio de production, des montants de l’intéressement et de l’abondement, du niveau des frais de déplacement et du taux de marge d’exploitation cible.

 

A ce propos, l’Autorité estime que le taux de marge d’exploitation cible doit être revu à la baisse par la SNCF « […] pour s’établir en bas d’une fourchette comprise entre 1 % et 2 % ». L’ART estime que le bénéfice raisonnable que l’opérateur peut intégrer dans le coût de sa tarification est trop élevé, notamment au regard de la résilience constatée pendant la crise sanitaire (Voir p. 12 et 13 de l’avis).

 

Enfin, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs, l’ART attend de la SNCF qu’elle fasse évoluer l’offre de ses prestations de sûreté afin de mieux répondre aux besoins du marché. Le modèle tarifaire doit offrir « […] davantage de prévisibilité, de transparence et de pertinence économique s’agissant de la structure de la tarification ». Pour ce faire, l’Autorité considère que la mise en place d’une tarification pluriannuelle serait pertinente.

 

A la suite de cet avis défavorable, la SNCF dispose de deux mois pour soumettre une nouvelle proposition, sur laquelle l’Autorité devra rendre un avis sous deux mois.

Les communautés de communes sont compétentes pour financer la construction d’une ligne à grande vitesse

Les trois communautés d’agglomération, qui avaient conclu une convention de financement du projet de tronçon Tours-Bordeaux de la ligne à grande vitesse ferroviaire Sud-Europe Atlantique avec l’Etat, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France et SNCF Réseau, avaient suspendu les versements financiers dus au titre de cette convention.

 

Elles invoquaient notamment leur incompétence pour intervenir dans ce domaine. Le Tribunal administratif de Paris avait fait partiellement droit aux demandes indemnitaires formées par SNCF Réseau à leur encontre, et les trois communautés d’agglomération avaient ensuite vu leur recours en appel rejeté par la Cour administrative d’appel de Paris.

 

Elles se sont alors pourvues devant le Conseil d’Etat. Celui-ci considère que c’est à raison que le Tribunal puis la Cour ont écarté le moyen tiré de leur incompétence, en considérant que la convention de financement, approuvée par délibération respective de chaque communauté, portait sur un projet (la réalisation du tronçon central de la LGV SEA) ayant pour effet d’améliorer l’accessibilité de leurs territoires, de nature à renforcer leur attractivité et, partant, à favoriser leur développement économique. Les trois communautés étaient ainsi compétentes pour financer le projet.

 

Par ailleurs, concernant les moyens tirés de l’absence de cause de la convention de financement du projet et des vices ayant entaché leur consentement soulevé par les requérantes, le Juge de cassation considère que la Cour d’appel a retenu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l’engagement des communautés trouvait sa cause dans la réalisation du seul tronçon Tours-Bordeaux.

 

Il a également considéré que la Cour avait jugé à raison que les communautés n’avaient été induites en erreur ni sur l’étendue des obligations de leurs cocontractants ni sur l’objet de la convention de financement, après que la Cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la signature de la convention de financement par l’ensemble des signataires n’avait pas constitué un élément déterminant de leur consentement, et que ni la convention de financement ni le protocole d’accord relatif à la branche Bordeaux-Espagne ne comportaient d’engagement à leur égard.

 

Le Conseil d’Etat a appliqué ici un contrôle de qualification juridique des faits constitutifs d’un vice de consentement de nature à affecter la validité d’un contrat, conformément à sa jurisprudence Société Area Impianti du 20 décembre 2017 (n° 408562).

 

Le Conseil d’Etat rejette ainsi les pourvois de la Communauté d’agglomération du Pays Basque, de la Communauté d’agglomération du Grand Montauban et de Mont-de-Marsan Agglomération et les condamne à verser respectivement à SNCF Réseau une somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles.

Droit funéraire et laïcité : une réponse ministérielle revient sur la possibilité de procéder à des inhumations sur des terrains privés et la pérennité des concessions funéraires

Au même titre que celle des carrés confessionnels[1], la question des cimetières privés interroge autour de la problématique du respect du principe de laïcité en droit funéraire.

Face au souhait de certains administrés de pérenniser les sépultures pour des questions religieuses, un sénateur avait saisi le Ministre de la Cohésion des territoires de la question d’un éventuel rétablissement des cimetières privés.

Cette question a été l’occasion pour le Ministre de revenir sur les mécanismes permettant l’existence de sépultures pérennes.

 

  1. Premier mécanisme : l’inhumation dans un cimetière privé

    A ce titre, le Ministre commence par rappeler que si l’inhumation au sein d’un terrain communal est désormais le principe, les inhumations en terrain privé demeurent possibles mais sont toutefois encadrées :

    • Elles sont possibles sous réserve de ne pas créer ni d’agrandir un cimetière privé existant ;
    • Elles sont permises par autorisation du préfet, laquelle devra respecter les conditions posées par les articles L. 2223-9 et R. 2213-32 du CGCT et ne sera délivrée que dans la limite des emplacements disponibles au sein dudit cimetière privé (eu égard à l’interdiction susvisée de créer ou d’agrandir un cimetière privé).

  2. Deuxième mécanisme : l’existence de sépultures pérennes dans les cimetières communaux

    A ce titre, le Ministre rappelle premièrement, tel qu’il l’avait fait dans le cadre d’une précédente réponse ministérielle[2], que les Communes disposent, en vertu des dispositions de l’article L. 2223-14 du Code général des collectivités territoriales, de la possibilité d’accorder des concessions funéraires temporaires mais également perpétuelles. La pérennité de ces concessions perpétuelles ne peut alors être remise en question que par une procédure de reprise pour état d’abandon prévue aux articles L. 2223-17 et L. 2223-18 du CGCT.

Enfin, le Ministre précise que les concessions temporaires constituent en réalité dans les faits, des concessions pérennes sous réserve qu’elles soient renouvelées à chaque échéance par leur titulaire.

 

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[1] Pour plus d’information sur les problématiques juridiques qu’impliquent les carrés confessionnels nous vous invitons à consulter les articles suivants :

Résonnance Funéraire, les concessions funéraires : le point sur la réglementation, avec la participation de Marie-Hélène Pachen Lefèvre

La Gazette des communes, Carrés confessionnels : la quadrature du siècle, 8 novembre 2010, Didier Seban et Jean Louis Vasseur

 

[2] Réponse à la question écrite n°09274 publiée dans le JO du Sénat du 30 mai 2019 page 2858.

Publication des nouveaux seuils de procédure formalisée des marchés publics et contrats de concession

Règlement délégué (UE) 2021/1951 de la Commission du 10 novembre 2021 modifiant la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les seuils applicables pour les concessions (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

Règlement délégué (UE) 2021/1952 de la Commission du 10 novembre 2021 modifiant la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les seuils applicables pour les marchés publics de fourniture, de services et de travaux et pour les concours (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

Règlement délégué (UE) 2021/1953 de la Commission du 10 novembre 2021 modifiant la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les seuils applicables pour les marchés de fournitures, de services et de travaux et pour les concours (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

Les nouveaux seuils des marchés publics et des contrats de concession ont été publiés. Par une série de quatre règlements du 10 novembre 2021 et publiés au JOUE le 11 novembre, la Commission européenne a fixé les nouveaux seuils de procédure formalisée qui seront applicables aux marchés publics et aux contrats de concession à compter du 1er janvier 2022, pour la période 2022-2023.

 

Ces seuils feront l’objet, au niveau national, d’un avis publié au JORF et qui sera annexé au code de la commande publique (annexe n° 2 du code).

 

Il n’y a pas d’évolution notable de ces seuils (+ 0,72 % pour la plus conséquente), ceux-ci étant en très légère hausse ainsi que le montre le tableau ci-dessous :

 

Seuils de procédure formalisée applicables aux marchés publics et contrats de concession

 2020-2021

 

 2022-2023

 

Marchés de fournitures et services des pouvoirs adjudicateurs centraux

139.000 €  140.000 €

Marchés de fournitures et services des autres pouvoirs adjudicateurs

214.000 €  215.000 €

Marchés de fournitures et services des entités adjudicatrices et marchés de fournitures et services de défense ou de sécurité

428.000 €

  431.000 €

Marchés de travaux et contrats de concessions

5.350.000 €  5.382.000 €

Santé et sécurité – Employeurs êtes-vous prêts pour 2022 ?

Transposant l’ANI du 9 décembre 2020, la loi du 2 août 2021[1] ayant pour objectif de renforcer la prévention en santé au travail entrera en vigueur le 31 mars 2022.

La loi prévoit de nombreuses dispositions qui ont pour objet de renforcer la prévention en santé au travail et de moderniser les services de prévention et de santé au travail au bénéfice des salariés.

Nous vous proposons un tour d’horizon des nouvelles mesures qui s’appliqueront aux employeurs à compter du 31 mars 2022.

 

1. Formation des membres élus du personnel du CSE ou de la CSSCT

La loi prévoit des dispositions concernant la formation sécurité des élus du CSE et des référents « harcèlement sexuel » et « santé-sécurité ».

Formation santé, sécurité et conditions de travail (« SSCT »)

L’ensemble de la délégation du personnel du CSE, dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés, aura droit à une formation portant sur la santé, la sécurité et les conditions de travail.

  • de 5 jours au minimum lors de son premier mandat ;
  • de 3 jours en cas de renouvellement.

Cette durée étant portée à 5 jours pour les seuls membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) des entreprises d’au moins 300 salariés. Ainsi, les CSSCT créées dans les entreprises et établissements de moins de 300 salariés par accord collectif, ou parce qu’il s’agit d’un établissement à haut risque ou sur demande de l’inspection du travail ne sont pas concernées[2].

Formation obligatoire du référent « santé et sécurité au travail »

Désormais, la formation du référent « santé et sécurité au travail », désigné par l’employeur, qui était auparavant facultative à la demande du salarié devient obligatoire[3].

Financement de la formation SSCT par les opérateurs de compétences (OPCO)

La loi prévoit une possibilité de financement de la formation SSCT par les OPCO pour les élus du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés[4]. Les modalités de cette prise en charge seront fixées par décret en Conseil d’État.

 

2. Renforcement des obligations de l’employeur dans la rédaction du DUERP

Un nouvel article L. 4121-3-1 du Code du travail définit légalement le contenu du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) et ses modalités de mises à jour, de conservation et de mise à disposition.

Le législateur renforce le caractère central du DUERP dans le mécanisme de prévoyance et de santé au travail. Ce document ayant eu un regain d’intérêt dans la gestion de la crise sanitaire de la COVID-19, répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions.

La loi complète l’évaluation de ces risques par l’évaluation des risques liés à l’organisation du travail[5].

L’employeur doit transcrire et mettre à jour dans le DUERP les résultats de ces évaluations qui devront déboucher :

  • pour les entreprises d’au moins 50 salariés, sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Ce programme doit désormais :
    • fixer la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ;
    • identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;
    • comprendre un calendrier de mise en œuvre.

Ce programme devra être présenté au comité social et économique (CSE) dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale ;

  • pour les entreprises de moins de 50 salariés, sur la définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés, qui devront être consignées dans le DUERP et être présentées au CSE, s’il existe.

Le CSE devra être consulté sur le DUERP et sur ses mises à jour.

Le DUERP et ses mises à jour font l’objet d’une procédure obligatoire de dépôt dématérialisé sur un portail numérique, outre une transmission au service de prévention et de santé au travail (SPST) auquel l’entreprise adhère.

Le DUERP doit, par ailleurs, être conservé et mis à disposition pendant au moins 40 ans. Ce délai exorbitant a été justifié lors des débats parlementaires par la volonté d’assurer la traçabilité des expositions face à des pathologies d’origine professionnelle qui peuvent se déclarer de façon différée, comme le mésothéliome dont le temps de latence est évalué à environ 35 ans après l’exposition à des poussières d’amiante.

L’entrée en vigueur de cette procédure de dépôt dématérialisée sera progressive, au 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et au 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de 150 salariés.

 

3. Intégration des conditions de travail dans la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la QVT

La qualité de vie au travail intègre désormais les conditions de travail.

Ainsi, dans toutes les entreprises dotées de section syndicale de syndicats représentatifs, l’employeur devra engager, au moins une fois tous les 4 ans, une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) au lieu de la simple qualité de vie au travail (QVT)[6].

L’accord dit « d’adaptation » conclu à l’issue de ces négociations devra au moins aborder le thème[7]. Ces dispositions sont d’ordre public.

À défaut d’accord sur le sujet, ou en cas de non-respect de ses stipulations, l’employeur devra engager, chaque année, une négociation sur l’égalité professionnelle femmes/hommes et la qualité de vie et des conditions de travail[8] et non plus de la simple qualité de vie au travail.

Cette négociation annuelle pourra porter sur la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels (Code du travail, article L 2242-19-1 nouveau).

 

4. Mise en place du passeport de prévention

Il appartiendra à l’employeur de renseigner dans un « passeport de prévention » les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative.

Le travailleur pourra également y inscrire les éléments obtenus à l’issue de formations qu’il a suivies de sa propre initiative[9].

Le travailleur pourra autoriser l’employeur à consulter l’ensemble des données contenues dans le passeport de prévention[10].

Les modalités pratiques de mise en place de ce passeport de prévention doivent encore être définies[11].

 

5. Visite médicale de mi-carrière

La loi crée une visite médicale de mi-carrière qui doit être organisée :

  • Soit de manière autonome, au cours de l’année civile du 45e anniversaire du travailleur (sauf si l’accord de branche détermine une autre échéance) ;
  • Soit conjointement avec une autre visite médicale lorsque le travailleur doit être examiné par le médecin du travail dans les deux ans précédant l’échéance précité ;
  • Ou, pour les salariés désinsérés professionnellement et remplissant les conditions fixées par l’accord de branche ou à défaut âgés d’au moins 45 ans, dès le retour à l’emploi.

La visite est réalisée soit par le médecin du travail, soit par un infirmier en santé au travail.[12]

Cet examen médical vise à :

  • établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur ;
  • évaluer les risques de « désinsertion professionnelle » ;
  • sensibiliser le travailleur sur les enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

Comme après toute vise médicale, le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail[13].

 

5. Création d’un rendez-vous de liaison pour les arrêts longs

La loi instaure un nouveau « rendez-vous de liaison » en cas d’arrêt de travail de longue durée.

Ainsi, le salarié, dont la durée de l’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident, constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, est supérieure à une durée fixée par décret, peut bénéficier, à son initiative ou à celle de son employeur, d’un rendez-vous de liaison avec ce dernier, associant le service de prévention et de santé au travail (SPST).

L’employeur doit informer le salarié qu’il peut solliciter l’organisation de ce rendez-vous.

Celui-ci a pour objet de l’informer qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de l’examen de pré reprise avec le médecin du travail et des mesures d’aménagement du poste et du temps de travail.

Aucune conséquence ne peut être tirée du refus par le salarié de se rendre à ce rendez-vous[14].

 

7. Un suivi post exposition élargi pour les salariés exposés à des risques dangereux

Pour rappel, la visite médicale de fin de carrière instaurée en 2018 est obligatoire pour les travailleurs bénéficiant ou ayant bénéficié d’un suivi individuel renforcé et partant à la retraite à compter du 1er octobre 2021. En effet, le décret permettant l’application de ce dispositif, instauré en 2018, a été publié en août dernier[15].

La loi renforce ce suivi médical en imposant une telle visite dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition des salariés à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou, le cas échéant, avant leur départ en retraite, le déclenchement du suivi post exposition n’étant ainsi plus limité à ce dernier événement[16].

La surveillance post exposition ou post professionnelle doit se faire en lien avec le médecin traitant. La loi ajoute que doit également y être associé le médecin-conseil des organismes de sécurité sociale et que cette surveillance doit tenir compte de la nature du risque, de l’état de santé et de l’âge de la personne concernée[17].

Les modalités d’application seront précisées par décret en Conseil d’État.

 

8. Un rôle de prévention de la désinsertion professionnelle pour le référent handicap

Pour rappel, toute entreprise employant au moins 250 salariés est tenue de désigner un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap[18].

La loi du 2 août 2021 permet à ce référent d’intervenir en matière de prévention de la désinsertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Il participera en effet :

  • au rendez-vous de liaison entre le salarié en arrêt de travail et l’employeur, associant les SPST et visant à informer le salarié de son droit à bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle ;
  • aux échanges visant à proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste ou des mesures d’aménagement du temps de travail consécutives à la visite de mi-carrière.

Deux conditions sont toutefois posées :

  • cette participation aura lieu à la demande du travailleur concerné ;
  • le référent sera tenu à une obligation de discrétion à l’égard des informations à caractère personnel qu’il est amené à connaître[19].

 

9. Définition du harcèlement sexuel au travail alignée sur le Code pénal

La définition du harcèlement sexuel par le Code du travail est alignée sur celle du Code pénal.

En effet, celui-ci a été modifié en dernier lieu en 2018 pour y intégrer les propos et comportements à connotation sexiste. Ce dispositif est ainsi repris en droit du travail.

Le harcèlement sexuel pourra aussi être constitué :

  • lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
  • lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition[20].

 

 

[1] LOI n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail : JO 3

[2] Article L. 2315-18 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[3] Article L. 4644-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[4] Article L. 2315-22-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[5] Article L. 4121-3, al. 1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[6] Article L.2242-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[7] Article L. 2242-11 du Code du travail

[8] Article L. 2242-13 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[9] Article. L. 4141-5, al. 1 du Code du travail (en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er oct. 2022) 

[10] Article. L. 4141-5, al. 2 du Code du travail (en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er oct. 2022) 

[11] Article. L. 4141-5, al. 5 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[12] Article L. 4624-2-2 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[13] Article L. 4624-2-2 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[14] Article L. 1226-1-3 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[15] Décret 2021-1065 du 9 août 2021 : JO 11

[16] Article L. 4624-2-1, al. 1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[17] Article L. 4624-2-1, al. 2 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[18] Article L. 5213-6-1 du Code du travail

[19] Article L. 5213-6-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

[20] Article L. 1153-1 du Code du travail (version en vigueur à partir du 31 mars 2022)

Crypto-données en santé : la blockchain dans le secteur de la santé et du médico-social

La technologie de la blockchain, en fort développement en France au cours des dernières années, est principalement connue du grand public pour ses utilisations en matière de cryptomonnaie, comme par exemple avec le Bitcoin ou l’Ethereum.

La blockchain trouve, au-delà de la cryptomonnaie, de nombreuses applications dans d’autres secteurs, en tant que technologie de stockage et de transmission d’information, transparente et sécurisée, avec ou sans organe de contrôle (selon qu’il s’agit d’une blockchain centralisée ou non). Cette technologie a la particularité de ne pas pouvoir être modifiée une fois une information inscrite, ce qui la rend à la fois infalsifiable et immuable.

C’est aujourd’hui dans le secteur de la santé et du médico-social que la blockchain est en développement.

L’une des premières applications de la blockchain a été la mise en place d’un registre de suivi de la chaîne de fabrication des médicaments aux fins de traçabilité des lots, afin de lutter contre la contrefaçon de médicaments. Dans ce cas, la blockchain a pour objectif de sécuriser la logistique et le transport des produits.

De nombreuses autres utilisations sont aujourd’hui envisagées, comme par exemple la gestion des consentements patients dans le cadre d’études cliniques. Il est en effet parfois complexe de retrouver tous les éléments qui attestent de la bonne information et du consentement des patients. Ainsi, la blockchain permettrait de certifier que la démarche a bien été mise en œuvre.

La question se pose donc aujourd’hui de savoir s’il serait envisageable que les données des usagers qui sont compilées dans le dossier médical partagé (DMP) (qui deviendra une composante de l’espace numérique de santé (ENS) à partir du 1er janvier 2022), ou le dossier de l’usager informatisé (DUI) proposé par les prestataires informatiques du secteur puissent reposer sur la blockchain et sur le stockage des données de santé sous forme de crypto-données.

Une telle utilisation de la blockchain présenterait l’avantage de faciliter la gestion des consentements et des informations des personnes concernées et de permettre à différents systèmes de dialoguer avec une seule et même blockchain, ce qui donnerait accès à un plus grand nombre de données issues de sources diverses.

De plus, un usager doté de sa clé privée pourrait gérer lui-même les accès à ses données, ce qui lui offrirait une plus grande maîtrise de ses données de santé. Certains prestataires informatiques du secteur envisagent même la mise en place d’une monétisation des données de santé directement par le patient grâce à ce système.

Toutefois, pour l’heure, une telle utilisation de la blockchain dans le secteur de la santé semble se heurter à plusieurs obstacles :

  • L’intangibilité des informations inscrites sur la blockchain s’oppose au principe de limitation de la conservation des données personnelles, principe essentiel du RGPD,
  • Les différents systèmes informatiques en matière de santé ne sont pas encore suffisamment interopérables pour que l’utilisation de la blockchain soit parfaitement intégrée,
  • Replacer le patient au cœur de la gestion de ses données pose la question de savoir si celui-ci est ou non le mieux placé pour gérer l’accès à ses données, notamment lorsqu’il perd son discernement ou se trouve dans l’incapacité de donner sa clé privée à un professionnel de santé chargé de le soigner. Cela impliquera-t-il que les proches se trouveront chargés de gérer cette clé privée ?
  • Se pose en outre la question de l’articulation de cette gestion par l’usager avec l’ENS mis en place à compter du 1er janvier prochain pour tout affilié à l’Assurance maladie.

Autant de sujet devant être traités pour permettre le recours à la blockchain dans le secteur de la santé et du médico-social.

L’espace numérique de santé « Mon espace santé » disponible pour tous en janvier 2022

Le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé le 18 octobre 2021 l’ouverture de l’espace numérique de santé Mon espace santé (ENS) pour tous les usagers dès le début de l’année 2022.

Pour l’heure, chaque personne qui le souhaite, tant usager d’un établissement de santé que d’un ESSMS, peut disposer d’un dossier médical partagé (DMP) afin de favoriser la prévention, la coordination, la qualité et la continuité de ses soins, sous les conditions prévues par le Code de la santé publique (CSP) et dans le respect du secret médical (art. L. 1111-14 du Code de la santé publique).

Le DMP contient notamment des données relatives à l’état de santé et au suivi social et médico-social de l’usager que les professionnels de santé estiment devoir être partagées. Il s’agit d’une sorte de « carnet de santé informatisé et sécurisé ».

Depuis le 1er juillet 2021, s’il est toujours possible d’avoir accès à son DMP, il n’est plus possible d’en créer un nouveau, ce dossier devenant une composante de l’ENS, à compter du 1er janvier 2022.

A compter de cette date, conformément à l’article 45 de la loi n° 2019-774 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019 modifiée par l’article 98 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, l’ENS sera mis à sa disposition, dans un domaine sécurisé, de chaque usager lui permettant de gérer ses données de santé et de participer à la construction de son parcours de santé en lien avec les acteurs des secteurs sanitaire, social et médico-social (art. L. 1111-13 du CSP).

Il est prévu que l’ENS sera ouvert automatiquement, sauf opposition de la personne ou de son représentant légal. La personne ou son représentant légal sera informé de l’ouverture de l’ENS, des conditions de fonctionnement de cet espace, de ses responsabilités en tant que gestionnaire de données de santé dans un espace numérique et des modalités de sa clôture. La personne concernée ou son représentant légal sera par ailleurs informé des modalités d’exercice de son droit d’opposition préalablement à l’ouverture de l’espace numérique de santé (art. L. 1111-13-1 du CSP ).

Tous les usagers qui disposaient déjà d’un DMP avant le 1er juillet 2021 retrouveront automatiquement leurs données à l’activation de Mon espace santé.

Un décret  récent est venu modifier les dispositions réglementaires applicables au DMP, désormais une composante de l’ENS, afin de les harmoniser avec les règles de fonctionnement relatives à ce dernier. Il a précisé les conditions de création et de fermeture du DMP, la nature et le contenu des informations contenues dans le dossier, les modalités d’exercice des droits des titulaires sur les informations figurant dans leur dossier, les conditions dans lesquelles certaines informations peuvent être rendues inaccessibles par le titulaire du DMP, les conditions d’utilisation par les professionnels de santé ainsi que les conditions d’accès au DMP.

L’ENS a été lancé en amont dans trois départements pilotes (la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique et la Somme) afin d’être testé. Ces départements ont bénéficié depuis cette date d’une version bêta du service avec un accès au DMP amélioré et à la messagerie sécurisée de santé qui compose également l’ENS et permet de communiquer, en sécurité, avec les professionnels de santé qui accompagnent le patient.

Destiné à faciliter les démarches des usagers et les échanges avec les professionnels de santé pour une meilleure prise en charge, cet espace suscite de nombreuses interrogations de la part des usagers, notamment sur la confidentialité et la protection de leurs données.

 

Passe sanitaire et données de santé : un dialogue singulier

Délibération n° 2021-054 du 12 mai 2021

Décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire

 

C’est désormais bien connu, à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. La crise sanitaire que traverse notre pays, depuis plusieurs mois, en est une parfaite illustration. Et le Gouvernement n’a eu d’autres choix que de recourir à des moyens nouveaux et exceptionnels pour tenter d’endiguer la propagation de l’épidémie de Covid-19.

Ainsi, l’obligation de présenter un passe sanitaire s’est progressivement imposée à l’ensemble de la population, y compris pour des actes de la vie courante, ne manquant pas d’interroger le droit sur la préservation et la conservation des données contenues dans ce passe sanitaire et, dans une moindre mesure, sur le respect du secret médical.

Sur la collecte et la conservation des données contenues dans le passe sanitaire soumis à l’avis de la CNIL

C’est l’article premier de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire qui a, pour la première fois, instauré un dispositif de contrôle sanitaire pour l’accès à certains lieux de culture et de loisirs, le passe sanitaire.

Au regard des enjeux juridiques que ce texte emporte, tant pour les libertés publiques que pour la préservation des données personnelles, le Gouvernement a sollicité un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), en préalable à l’adoption de la loi.

Dans une délibération n° 2021-054 du 12 mai 2021, la CNIL a tenté de fixer un cadre général à ce passe sanitaire, manifestement appelé à durer et se développer. Elle a, tout d’abord, insisté sur le fait que ce dispositif de contrôle devait être strictement encadré dans le temps et, en aucun cas, excéder la période de crise sanitaire. La CNIL a ensuite jugé nécessaire que l’impact réel de ce passe sanitaire sur l’évolution de la crise pandémique « soit étudié et documenté de manière fréquente, à intervalle régulier et à partir de données objectives ».

Ces bases posées, la CNIL a appelé le Gouvernement à définir avec précision les lieux concernés par cette première mise en œuvre du passe sanitaire et à interdire les contrôles de ce passe dans les endroits non explicitement mentionnés dans la loi et son décret d’application.

La CNIL a donc émis un avis favorable à la création du passe sanitaire sous réserve de sa limitation dans le temps, de sa limitation dans l’espace et de l’évaluation de son impact réel sur l’évolution de la pandémie, estimant que le passe sanitaire, par nature attentatoire aux libertés individuelles et à la confidentialité des données personnelles, devait être strictement encadré.

A la suite de l’adoption de la loi, le Gouvernement a publié le décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Ce décret a notamment prévu et organisé la mise en œuvre du passe sanitaire.

Dans une délibération n° 2021-067 du 7 juin 2021, la CNIL a été conduite à préciser son précédent avis et a continué à élaborer, au fil de l’eau, sa doctrine.

Cet avis a porté sur les moyens d’exercice du contrôle du passe sanitaire afin de s’assurer du respect de la confidentialité des données.

Sur le caractère sensible des données traitées et la difficile balance entre obligations de santé publique et préservation des libertés publiques

La CNIL a ainsi été sollicitée car le passe sanitaire contient des données à caractère personnel, à savoir les nom, prénom et date de naissance du titulaire, mais également des données de santé et donc des données sensibles relatives à la situation vaccinale, à la date de la dernière injection et au nom du vaccin utilisé.

Au regard de ces enjeux, la CNIL a rappelé « qu’aucune donnée personnelle ne devra être conservée ni par le serveur central, ni par l’application TousAntiCovid-Verif à l’issue de la vérification du justificatif ».

On notera que ce premier passe sanitaire ne régissant l’accès qu’à certains lieux recevant de grands rassemblement de personnes, les opérations de contrôle ont été le plus souvent confiées à des personnes dûment habilitées aux contrôles des accès, en général des agents de sécurité agréés.

La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a toutefois dû prendre acte du rebond épidémique en généralisant l’obligation vaccinale à l’ensemble de la population âgée de plus de onze ans et en déployant l’obligation de présenter un passe sanitaire pour l’accès à des lieux de la vie courante et la plupart des moyens de transport sur longue distance.

Alors qu’il avait, à chaque étape du déploiement du passe sanitaire, recueilli, en amont de ses décisions l’avis de la CNIL, le gouvernement ne l’a pas sollicité en préalable à l’adoption de cette loi.

A l’occasion de son audition devant le Sénat, le 21 juillet 2021, la Présidente de la CNIL a néanmoins tenu à faire connaître publiquement la position de son institution. Elle s’est ainsi interrogée sur les questions « inédites et complexes » d’articulation entre protection de la santé publique et exercice de libertés fondamentales que la très large extension du passe sanitaire allait entraîner. Elle s’est aussi interrogée sur « la frontière » entre ce qui relève de la responsabilité individuelle et ce qui relève du contrôle social, réaffirmant qu’« En principe, il ne doit pas y avoir de contrôle de l’état de santé à l’entrée des lieux de vie collective ».

Conformément à sa doctrine en construction sur ce sujet, la CNIL a rappelé, par la voix de sa Présidente, que l’extension du passe sanitaire devait être « paramétrée au plus près », c’est-à-dire circonscrite à des espaces limitativement énumérés et pour une durée limitée. Elle a renouvelé son souhait d’une évaluation rigoureuse et scientifique de l’impact de cette restriction des libertés individuelles sur l’évolution de la pandémie.

Sans être entendue par le législateur, la CNIL s’est inquiétée des modalités de contrôle du passe sanitaire ainsi que de l’éventuelle généralisation des contrôles d’identité à l’occasion de la vérification du passe sanitaire.

Or, les inquiétudes manifestées par la CNIL ne semblent pas sans fondements.

Les téléchargements de l’application TousAntiCovid-Verif se sont multipliés, chacun pouvant s’instituer contrôleur par simple téléchargement de l’application. La nature des données conservées sur les smartphones des contrôleurs n’a pas été fixée. Cette conservation est d’ailleurs sans limitation de durée. Des millions de données personnelles et de santé sont actuellement en circulation sans protection. La sécurité de la transmission entre le smartphone d’un contrôleur et le serveur central de l’application n’est pas assurée et les données sont non-cryptées.

Or, les lois du 31 mai et 5 août 2021 susvisées n’ont pas explicitement exclu du champ du secret médical la vaccination contre la COVID-19, de sorte qu’exiger d’un individu qu’il produise son passe sanitaire pourrait être regardé comme une violation du secret médical, au sens des article 226-13 et 226-14 du Code pénal.

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La gestion de crise a ainsi montré le difficile équilibre à trouver entre obligations de santé publique et préservation des libertés publiques.

La sécurisation de l’accès aux données de santé est un enjeu majeur des prochaines années. La captation d’une partie de ces données par quelques grandes entreprises du numérique est un vrai sujet de préoccupation, tant il est vrai qu’elles se commercialisent aujourd’hui à des tarifs plus élevés encore que les données bancaires.

Sous l’impulsion des travaux de la CNIL, il sera sans doute souhaitable que le législateur se saisisse de l’impérieuse nécessité de fixer un cadre juridique à la conservation, l’accès et l’exploitation des données de santé, tirant en cela utilement les leçons de la crise.

D’ici là, la vigilance s’impose dans l’encadrement, par les acteurs publics locaux concernés, des contrôles des passes sanitaires opérés au sein de leurs établissements. Un cadre réglementaire à usage interne pourrait leur être fixé afin d’organiser et de vérifier l’effacement, si ce n’est instantané, à tout le moins régulier, des données contrôlées. Ce cadre pourrait suivre les recommandations de la CNIL. Même si cette dernière n’a pas été consultée à l’occasion de l’extension du passe sanitaire, les recommandations de cette commission, qui dispose de prérogatives de contrôle et de sanction importantes, constituent un véritable référentiel de bonnes pratiques.

 

Marie-Hélène PACHEN-LEFEVRE, avocate associée

Le Conseil d’Etat infléchit sa position en matière de TEOM

Dans une décision toute récente, le Conseil d’Etat poursuit son œuvre prétorienne dans le cadre de son contrôle sur la proportionnalité des taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) fixés par les collectivités compétentes et infléchit manifestement sa position.

Pour rappel, par une décision rendue en mars 2014 (CE, 31 mars 2014, Société Auchan, req. n° 368111), le Conseil d’Etat a jugé que la TEOM devait financer sans excédent manifeste (pas plus de 15 %) le coût du service public de gestion des déchets, la pratique révélant parfois, en effet, un vote des taux en excédent pour permettre un financement supplémentaire vers le budget général de la collectivité.

Depuis cet arrêt, les difficultés ont émergé et se sont accentuées pour les collectivités territoriales en charge de ce service public. De nombreux contribuables (entreprises, associations de contribuables, élus de l’opposition) ont contesté les délibérations fixant le ou les taux de TEOM sur le territoire de la collectivité, ou plus directement les titres de recettes émis par le Direction des finances publiques compétentes (la TEOM étant recouvrée en même temps que les autres impôts locaux).

Dans chacun de ces cas, il appartient à la collectivité de démontrer qu’au jour de l’adoption des taux, il n’existait pas de disproportion manifeste entre les recettes prévisionnelles qui découleront de l’application des taux votés et le cout réel du service. Mais il est délicat de se prêter à ce calcul, dans la mesure où les juridictions pouvaient révéler des divergences quant aux modalités de ce calcul.

Si les différentes décisions du Conseil d’Etat intervenues en la matière depuis 2014 ont permis de clarifier quelque peu le sujet (prise en compte des seules dépenses réelles de fonctionnement augmentées des dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service public de gestion des déchets, la somme des excédents de fonctionnement résultant de l’exécution des budgets des années précédentes et reportée en section de fonctionnement n’a pas à être prise en compte au titre des recettes du service, seuls les éléments du budget primitif, et non ceux – définitifs, issus du compte administratif ou du rapport annuel sur le prix et la qualité du service, peuvent constituer la base du calcul,…), restait la question épineuse des dépenses dites générales c’est-à-dire la fraction de dépenses liées au fonctionnement plus général de la collectivité et affectée au service (frais de personnels, part des moyens techniques et administratifs affectés au service public, coût ventilé des bâtiments et charges générales, …) que le Conseil d’Etat excluait du calcul du coût (CE, 19 mars 2018, Société CORA, req. n° 402946), considérant qu’il ne s’agissait pas de dépenses directement exposées pour financer le service.

Cette position était éminemment contestable : une collectivité à compétences multiples, alors même que la comptabilité analytique est obligatoire pour le service public de gestion des déchets, ne pouvait inclure dans le calcul du coût du service, une part des dépenses générales pourtant exposées pour l’exercice de cette seule compétence. A l’inverse, une collectivité à compétence unique comme un syndicat mixte de gestion des déchets pouvait quant à lui inclure ces dépenses d’administration générales sans difficulté.

Dans cette décision du 22 octobre dernier, le Conseil d’Etat accepte enfin d’infléchir sa position en prenant en compte les éléments de comptabilité analytique et les clés de répartition élaborés par la Métropole de Lyon :

« […] les dépenses en cause correspondent à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la métropole et que cette quote-part a été calculée au moyen d’une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d’identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l’administration générale de la métropole, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales. Par suite, en jugeant que la comptabilité analytique produite par la métropole de Lyon ne comportait pas de clef de répartition permettant d’établir si les dépenses en cause étaient directement exposées pour le service de collecte et de traitement des déchets, la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ».

Cette inflexion pragmatique est salutaire pour les collectivités, qui étaient parfois confrontées à une position extrêmement rigoureuse des juridictions de fond qui rejetaient toute tentative d’inclure une part des dépenses d’administration générale dans le calcul du coût du service, alors pourtant que leur réalité ne faisait guère de doute.

La saga des contentieux TEOM touche peut être à sa fin.

La mise en conformité des colonnes montantes pour les travaux de raccordement relève de la compétence du gestionnaire de réseau

Le Juge judiciaire vient de rendre une nouvelle décision qui fait application du mécanisme de transfert de propriété des colonnes montantes issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN ».

En l’espèce, des copropriétaires avaient présenté auprès de la société Enedis une demande de raccordement au réseau de distribution d’électricité d’un lot dont ils étaient propriétaire, nécessitant la pose d’un compteur.

Enedis, gestionnaire du réseau de distribution, leur a notifié un refus de raccordement au motif de l’insuffisance de la colonne montante en termes d’ampérages et de sa vétusté, et précisant qu’aux termes de la concession pour la distribution publique d’électricité dont Enedis est titulaire, l’entretien et le renouvellement de la colonne montante de cet immeuble construite avant 1992 appartenait à ses propriétaires.

Les demandeurs avaient assigné la société Enedis afin d’obtenir le raccordement au réseau, et pour ce faire, sollicité sa condamnation à effectuer à ses frais les travaux de réfection et de renouvellement de la colonne montante nécessaires à la pose du tableau électrique et au raccordement demandé.

Par un jugement du 29 juillet 2019, le Tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne a rejeté ces demandes aux motifs que la preuve de l’incorporation de la colonne montante au réseau public de distribution d’électricité n’était pas établie et que l’entretien relevait donc de la responsabilité de la copropriété.

En appel, aux termes de sa décision du 12 octobre 2021 commentée, la Cour d’appel de Poitiers relève d’abord que la situation juridique de la colonne montante a évolué depuis le jugement puisque, conformément à l’article L. 346-2 du Code de l’énergie issu de la loi ELAN, l’assemblée générale des copropriétaires avait décidé, le 6 août 2019, du transfert de la colonne montante au réseau de distribution d’électricité.

Et, observant que cette décision de transfert de la colonne montante avait été « actée et validée » (selon les termes de l’arrêt) par le gestionnaire de réseau par courrier, la Cour relève que la société Enedis n’a pas exécuté les travaux qui lui incombaient désormais. Selon la Cour en effet, « la mise en œuvre des travaux nécessaires sur la colonne montante relève désormais de la responsabilité d’Enedis, dans le cadre du respect de ses obligations de sécurité, notamment à l’égard de ses propres agents ».

La Cour d’appel condamne alors la société Enedis à effectuer la pose du tableau électrique et le raccordement au réseau du lot concerné dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l’arrêt.

On ajoutera que la Cour d’appel a rejeté en revanche la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance et d’agrément dont le copropriétaire se prévalait du fait du retard pris dans le raccordement de son habitation. La Cour retient pour ce faire que ce retard de raccordement « n’est imputable à la société Enedis que depuis la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires intervenue récemment le 9 août 2019 ».

Si cette conclusion peut surprendre au vu des différentes jurisprudences intervenues et souvent commentées dans notre Lettre d’actualité juridique Environnement Energie, on retiendra en tout état de cause, d’une part, le rattachement de l’obligation de rénovation d’une colonne montante à l’obligation de sécurité qui incombe au gestionnaire de réseau et, d’autre part, que le retard d’un raccordement pour refus de rénovation d’une colonne montante aux frais dudit gestionnaire postérieurement au transfert de cette colonne montante au réseau de distribution d’électricité pourrait engendrer l’indemnisation du préjudice de jouissance et de raccordement pour le propriétaire de l’habitation concernée, outre son droit à la réalisation des travaux de raccordement et de rénovation de la colonne montante en cause.

On ajoutera enfin que contrairement à ce que pourrait laisser penser l’arrêt commenté, la notification par les propriétaires de leur décision de transfert des colonnes montantes électriques présentes dans leur immeuble en application de la loi ELAN n’a pas, pour produire ses pleins effets, à être validée par le gestionnaire de réseau. L’article L. 346-2 du Code de l’énergie disposant que ce « transfert est effectué à titre gratuit, sans contrepartie pour le gestionnaire de réseau. Le gestionnaire de réseau ne peut s’opposer au transfert ni exiger une contrepartie financière ».

Les propriétaires devront néanmoins avoir conservé la preuve de la notification audit gestionnaire de leur décision de transfert.

Déploiement de la 5G et participation du public : précisions sur l’effet direct de la Convention d’Aarhus

Le Conseil d’Etat a, le 6 octobre 2021, rendu une nouvelle décision sur le déploiement du réseau 5G. Des requérants contestaient en effet la régularité de plusieurs décisions de l’ARCEP, dont celle autorisant les sociétés Bouygues Télécom, Free Mobile, Orange et SFR à utiliser les fréquences qui leur ont été préalablement attribuées dans la bande 3,5 GHz en France métropolitaine.

Des moyens tirés de la méconnaissance de la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement peuvent être mis en avant. La décision du Conseil d’Etat du 6 octobre 2021 se prononce en effet sur l’effet direct de la Convention d’Aarhus, et plus particulièrement des stipulations du a) et du b) du paragraphe 1er de l’article 6 de cette convention, relatives à la participation du public. Aux termes de ces stipulations :

« 1. Chaque partie :

a) applique les dispositions du présent article [relatives à la participation du public] lorsqu’il s’agit de décider d’autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l’annexe I [à titre d’exemple, il s’agit notamment de certaines activités de gestion des déchets, de l’industrie chimique ou encore de production et transformation des métaux, ainsi que toute activité pour « laquelle la participation du public est prévue dans le cadre d’une procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement conformément à la législation nationale »];

b) applique aussi les dispositions du présent article, conformément à son droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Les parties déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de ces dispositions ;».

Les requérants soutenaient que les dispositions de l’article L. 32-1 du Code des postes et des communications électroniques méconnaissaient ces stipulations.

Le Conseil d’Etat considère cependant que « si les stipulations du a) de ce paragraphe 1er de l’article 6, combinées à celles de l’annexe I à la convention, sont d’effet direct, il n’en va pas de même de celles du b) du même paragraphe, qui nécessitent des actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers ». Les stipulations du b) ne sont donc pas d’effet direct et leur méconnaissance ne peut être invoquée devant le juge.

Par ailleurs, le juge se prononce également sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la Convention d’Aarhus, relatif à la participation du public, par l’article 54 de la directive (UE) 2018/1972, qui prévoit l’obligation du déploiement de la technologie 5G dans la bande 3,5 GHz. Il relève que cette stipulation de la Convention d’Aarhus ne s’applique pas dans le cadre de l’exercice des pouvoirs judiciaires et législatifs. Dès lors, la directive « résultant de l’exercice par le Parlement européen et le Conseil du pouvoir législatif de l’Union », le moyen est écarté.

Déchets : de nouvelles mesures pour réduire l’utilisation du plastique

Arrêté du 24 septembre 2021 relatif à la teneur en plastique maximale autorisée dans les gobelets en plastique à usage unique

 

Un arrêté du 24 septembre 2021 et un décret du 8 octobre 2021, adoptés dans le cadre de la mise en œuvre de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, ont défini de nouvelles mesures permettant de lutter contre l’utilisation du plastique.

1°) Le décret du 8 octobre 2021 concerne les conditionnements des fruits et légumes présentés à la vente. L’article 77 de la loi AGEC, dont le contenu figure à l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement, prévoit en effet l’obligation pour les commerces de détail d’exposer les fruits et légumes frais non transformés sans « conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique » à compter du 1er janvier 2022. Le conditionnement est défini par le décret comme tout « récipient, enveloppe externe ou dispositif d’attache, recouvrant entièrement ou partiellement les fruits et légumes, afin de constituer une unité de vente pour le consommateur et en assurer la présentation au point de vente ». L’article L. 541-15-10 prévoit toutefois deux exceptions à cette obligation pour :

  • Les fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme ou plus
  • Les fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret.

Le décret du 8 octobre apporte des précisions et définit donc les fruits n’étant pas concernés par l’interdiction d’être exposés avec un conditionnement plastique au 1er janvier 2022 :

  • Le décret précise ce que l’on entend par fruits et légumes ayant subi une transformation. L’obligation s’applique ainsi seulement aux fruits et légumes respectant certaines normes de commercialisation, c’est-à-dire comme le précise la notice du décret ceux vendus à l’état brut ou « ayant subi une préparation telle que le nettoyage, le parage, l’égouttage ou le séchage».
  • Ne sont également pas concernés par cette obligation les fruits et légumes présentant un risque de détérioration à la vente en vrac. Le décret énumère la liste de ces fruits et légumes en précisant également jusqu’à quelle date cette obligation ne leur sera pas applicable. A titre d’exemple, le décret énonce que ne sont pas concernés « les endives, les asperges, les brocolis, les champignons, les pommes de terre primeur, les carottes primeur, et les petites carottes, jusqu’au 31 décembre 2024 ».

Enfin, des délais supplémentaires de 4 ou 6 mois sont prévus pour permettre l’écoulement des stocks d’emballage.

2°) L’arrêté du 24 septembre 2021 concerne la teneur en plastique maximale autorisée dans les gobelets en plastique à usage unique.

L’article L. 541-15-10, III du Code de l’environnement, introduit par l’article 77 de la loi AGEC, prévoit notamment qu’il est mis fin à la mise à disposition de certains produits en plastique à usage unique, dont les gobelets à compter du 1er janvier 2020. L’article D. 541-330 du Code de l’environnement précise à cet égard que les gobelets concernés par cette interdiction sont :

  • Les gobelets et verres pour boissons composés en tout ou partie de polystyrène expansé, y compris leurs moyens de fermeture et couvercles ;
  • Les gobelets et verres pour boissons composé en tout ou partie de plastique autres que ceux mentionnés ci-avant, un arrêté devant préciser la teneur de plastique maximale autorisée.

L’arrêté du 24 septembre 2021 précise donc la teneur maximale de plastique, c’est-à-dire le pourcentage massique maximal de plastique, autorisée. Cette teneur est progressivement réduite selon les modalités suivantes :

« a) 15 % à compter du 1er janvier 2022 ;

b) 8 % à compter du 1er janvier 2024 ; […] ».

L’arrêté prévoit également qu’un « bilan d’étape » sera réalisé en 2024 sur la faisabilité de gobelets sans aucune matière plastique. Ce bilan permettra de déterminer la dernière échéance de l’interdiction, qui est pour l’instant et par défaut fixée au 1er janvier 2026, date à partir de laquelle « les gobelets qui restent autorisés sont ceux qui ne contiennent pas de plastique, ou à l’état de traces ».

Enfin, un délai d’écoulement des stocks de six mois est prévu.

ICPE soumises à déclaration : point sur les prérogatives du Préfet pour l’émission de la preuve du dépôt de la déclaration

La Cour administrative d’appel de Lyon a eu l’occasion, par un arrêt du 13 octobre 2021, de se prononcer sur les pouvoirs du préfet dans le cadre de l’émission de la preuve de dépôt de la déclaration d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).

On rappellera tout d’abord que plusieurs régimes permettent l’exploitation d’une ICPE : l’autorisation, l’enregistrement et la déclaration. S’agissant de la déclaration, les articles R. 512-47 à R. 512-48 du Code de l’environnement prévoient que celle-ci doit être adressée au préfet du Département. Comme le rappelle la CAA de Lyon, dans le cadre de la déclaration d’une ICPE, il incombe au préfet de délivrer immédiatement et par voie électronique la preuve du dépôt de la déclaration.

En l’espèce, la requérante contestait la régularité de la preuve de dépôt en préfecture de la déclaration initiale permettant l’exploitation d’un élevage de volaille, au titre de la législation ICPE, en se fondant sur deux moyens :

  • elle soutenait d’abord que le dossier de déclaration aurait été incomplet, ce qui aurait dû conduire le préfet à refuser de délivrer la preuve de dépôt. Toutefois, la juridiction a considéré que la circonstance que l’exploitante a obtenu la preuve de dépôt impliquait que « son dossier dématérialisé était nécessairement complet […] sans que le préfet ne puisse se livrer à un contrôle ultérieur sur ce point ». Le préfet étant en situation de compétence liée, la CAA estime donc que le moyen doit être écarté.
  • elle soutenait en outre que le récépissé de déclaration aurait dû être refusé dès lors que l’exploitante aurait intentionnellement déclaré des informations inexactes sur son exploitation. Toutefois, la Cour administrative d’appel relève à cet égard que « les dispositions régissant la procédure déclarative n’ont ni pour objet ni pour effet d’imposer au préfet le contrôle à ce stade de la régularité et de la sincérité de l’activité déclarée ». Le moyen de la requérante est donc inopérant et est écarté par la Cour.

La circonstance que le préfet se trouve en situation de compétence liée dès lors que le dossier de déclaration est complet n’est pas nouvelle et fait l’objet d’une jurisprudence constante du Juge administratif (voir notamment en ce sens CAA de Lyon, 7 juin 2012, Mme A. et Mme C., n° 11LY00740 ; CAA de Nancy, 26 juin 2012, M. Aloyse B., n° 11NC00636). Mais il importe de souligner à cet égard que des CAA s’étaient légèrement écartées de cette ligne jurisprudentielle et avaient examiné la régularité de la délivrance du récépissé, au-delà des exigences de forme, au regard des obligations légales auxquelles est soumise l’exploitation (voir notamment CAA de Bordeaux, 17 décembre 2019, M. et Mme A. H-J., n° 17BX03677 et CAA de Paris, 29 octobre 2019, Association Sauvons notre stade, n° 18PA03945).

Toutefois, avec la dématérialisation de la procédure de déclaration, l’article R. 512-48 du Code de l’environnement entré en vigueur le 1er janvier 2016 a été modifié et a restreint le contrôle exercé par le préfet, indiquant expressément qu’« il est délivré immédiatement par voie électronique une preuve de dépôt de la déclaration ». La décision du 13 octobre 2021 de la CAA de Lyon en tire les conséquences et s’inscrit donc dans une approche plus restrictive des prérogatives du préfet, en précisant que celui-ci ne peut se livrer à un contrôle ultérieur du caractère complet du dossier de déclaration et qu’il ne lui appartient pas dans ce cadre et à ce stade de contrôler la régularité et la sincérité des déclarations.

Actualités jurisprudentielles en matière d’épandage des pesticides

CE, 22 octobre 2021, association Générations Futures et autres, n° 440210

 

I. Annulation d’un arrêté municipal anti-pesticide fondé sur la compétence « déchets » du Maire

A la suite du coup d’arrêt porté par la décision du Conseil d’Etat du 31 décembre 2020 en matière d’arrêtés anti-pesticides pris par plusieurs maires sur le fondement de leurs pouvoirs de police générale (voir notre brève), le collectif des maires anti-pesticides a voulu proposer une nouvelle base légale pour fonder de nouveaux arrêtés municipaux.

Ainsi, le Maire de Malakoff a, dans un arrêté du 3 mars 2021, tenté de limiter l’épandage des pesticides sur le territoire de sa commune au titre de sa compétence en matière de police des déchets. A cette fin, l’arrêté qualifiait les résidus d’épandage de ces pesticides de déchets, rendait obligatoire l’élimination de ces déchets et subordonnait l’utilisation des produits visés à la condition qu’aucun résidu ne se disperse au-delà des parcelles traitées ou, à défaut, que leur utilisateur soit en mesure de gérer et d’éliminer lesdits déchets.

Dans la droite lignée de la décision du Conseil d’Etat précitée, le Tribunal retient cependant que l’utilisation des produits visés dans l’arrêté litigieux ressort d’une police spéciale confiée à l’Etat, laquelle fait dès lors obstacle à l’édiction de mesures réglementaires de portée générale tendant à l’encadrement de l’utilisation de ces produits.

Le Tribunal retient dès lors que, quand bien même les résidus d’épandage pourraient être qualifiés de déchets, point sur lequel le juge ne se prononce pas, le maire n’a pas la compétence pour s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale de l’Etat et qu’ainsi l’arrêté est illégal et doit être annulé.

 

II. Règlementation des distances d’épandage de pesticides : légalité des mesures dérogatoires prises pendant la crise sanitaire à la condition de leur signature par toutes les autorités compétentes

Saisi par plusieurs associations environnementalistes, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité de divers documents (une instruction technique, un communiqué de presse et une note relative aux « Eléments de mise en œuvre ») publiés en février et mars 2020 sur le site du Ministère de l’agriculture, relatifs à l’épandage des pesticides et prévoyant des dérogations au cadre réglementaire prévu pour l’épandage des produits phytosanitaires.

En effet, l’utilisation de ces produits est notamment encadré par les dispositions de  l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que, lorsque les produits phytopharmaceutiques sont utilisés à proximité des zones d’habitation, cette utilisation « est subordonnée aux mesures de protection contenues dans des chartes d’engagements des utilisateurs, approuvées par l’autorité administrative lorsqu’elle constate que les mesures qui y sont inscrites sont suffisantes pour protéger les personnes habitant à proximité des zones traitées. Ces chartes doivent nécessairement faire l’objet d’une décision de l’autorité administrative pour produire des effets juridiques ».

L’arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques prévoit quant à lui des distances minimales de sécurité destinées à protéger les personnes habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées. Et ces distances peuvent être adaptées lorsque les techniques de réduction de la dérive sont mises en œuvre conformément aux chartes d’engagements précitées. Or, en invoquant des « difficultés à mener la concertation publique, dans le contexte en cours de la crise Covid19 », les documents attaqués prévoient des dérogations à l’application de la règlementation liée aux distances minimales d’épandage des produits phytosanitaires lorsque les utilisateurs de ces produits sont « engagés dans un projet de charte ».

En d’autres termes, les documents attaqués permettent d’adapter (et notamment de réduire) les distances minimales d’épandage des produits dès lors que la concertation relative à l’adoption d’une charte d’engagement était engagée sans avoir pu aboutir du fait de la situation sanitaire provoquée par la crise COVID19, et quand bien même cette dernière ne serait pas encore signée, à la condition de respecter les mesures de protection prévues dans le cadre des textes précités.

Le Conseil d’Etat retient tout d’abord la légalité tant externe qu’interne de l’instruction technique, au regard de ce que cette dernière émane de toutes les autorités compétentes (cf. infra), qu’elle ne peut pas être regardée comme ayant une incidence directe sur l’environnement et que les autorités signataires, en se bornant à prévoir que les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques pourraient temporairement appliquer les distances de sécurité prévues dans les chartes non encore approuvées à la conditions de respecter les autres conditions réglementaires, ont fait usage de la compétence générale qui leur était conférée au titre du cadre réglementaire précité.

En revanche, le Conseil d’Etat annule le communiqué de presse ainsi que la note relative aux « Eléments de mise en œuvre » pour incompétence dans la mesure où ils n’émanent que du Ministre de l’agriculture alors « qu’il appartenait le cas échéant aux ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation d’édicter conjointement » les mesures ainsi prévues, ainsi que cela ressort des dispositions de l’article R. 253-45 du Code rural et de la pêche maritime[1].

 

 

[1] Aux termes duquel : « L’autorité administrative mentionnée à l’article L. 253-7 est le Ministre chargé de l’agriculture. / Toutefois, lorsque les mesures visées au premier alinéa de l’article L. 253-7 concernent l’utilisation et la détention de produits visés à l’article L. 253-1, elles sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ».